II. LES FAIBLES PERFORMANCES DE LA FRANCE EN MATIÈRE DE RECYCLAGE DES PLASTIQUES LA CONDUIT À PAYER UNE CONTRIBUTION IMPORTANTE À L'UNION EUROPÉENNE
La « ressource propre plastique » est une taxe assise sur les déchets d'emballages plastiques non recyclés, qui a été établie par la décision 2020/2053 du Conseil de l'Union européenne pour le budget 2021-2027 de l'UE. Cette décision fixe un taux d'appel uniforme appliqué aux déchets d'emballages en plastique non recyclés qui est aujourd'hui de 0,8 euro/kg.
La Commission européenne prévoit de passer ce taux à 1 euro/kg lors du prochain cadre budgétaire, et il faut relever que certains États membres bénéficient d'une compensation forfaitaire équivalente à 3,8 kg par habitant pour alléger leur contribution. Pour l'année 2023, cette ressource a rapporté environ 7,2 milliards d'euros, ce qui représente autour de 4 % des recettes totales du budget de l'Union européenne.
Contexte de la création de la « ressource propre plastique »
Les ressources propres sont prévues dans les traités européens (notamment l'article 311 du TFUE), qui donnent à l'UE la capacité de se doter de moyens financiers « propres » à elle.
Historiquement, trois types de ressources propres permettaient d'alimenter le budget européen :
- une ressource propre basée sur le revenu national brut (RNB) de chaque État, qui est la ressource propre la plus importante car elle permet d'abonder les deux-tiers du budget européen ;
- une ressource propre prélevée sur la base de la TVA perçue par chaque État membre, et qui représentait entre 10 et 15 % du budget européen ;
- ensemble de ressources propres dites « traditionnelles » et qui sont notamment issues des droits de douane perçus sur les importations venant de pays tiers et qui représentaient entre 15 et 20 % du budget européen.
Avec le départ du Royaume-Uni, l'Union européenne a perdu une contribution importante, estimée à environ 75 milliards d'euros sur la période 2021-2027.
Pour combler ce déficit, la Commission a proposé dès 2020 la création de plusieurs « nouvelles ressources propres », notamment basées sur les quantités d'emballages en plastique non recyclés (également appelée « ressource propre plastique », le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières (CBAM) ou encore les recettes excédentaires issus du système d'échange de quotas d'émission (marché carbone). L'objectif de ces « nouvelles ressources propres » est de diversifier les recettes de l'Union européenne. Elles représentent aujourd'hui environ 10 % du budget européen.
Source : commission des finances, d'après les réponses de la DGPR au questionnaire du rapporteur spécial
Le 30 juin 2025, Eurostat a transmis les dernières données pour 2023 du recyclage des emballages en France : 2 424 kt de déchets d'emballages plastiques ont été générés dont 628 kt ont été recyclés, ce qui aboutit à un taux de recyclage de ces déchets de 25,9 %. Sur la base de ces éléments, le montant de la ressource propre plastique s'est donc élevé à 1,44 milliards d'euros27(*).
Plus précisément, trois catégories d'emballages sont considérées dans le calcul du montant de la ressource propre : les bouteilles en plastique à usage unique pour boissons (378 kt en 2023) ; les emballages plastiques ménagers hors bouteilles à usage unique pour boissons (778 kt en 2023) ; et les emballages plastiques non-ménagers (768 kt en 2023).
Cette taxe est souvent qualifiée d'« amende »28(*), dans la mesure où elle est évitable : la France a en la possibilité de réduire sa contribution en améliorant le taux de recyclage du plastique. Or, la France est le premier contributeur européen de cette « ressource propre plastique », en raison de sa faible performance dans le recyclage de ces matériaux. En 2023, la France a à elle seule payé 20 % de l'ensemble du produit de la contribution. En comparaison, l'Allemagne a dépassé le taux de 50 % des emballages plastiques recyclés en 2022, tandis qu'en France, la même année, cette proportion n'était que de 25,2 %.
Évolution de la contribution de la France à la ressources propres « plastique » entre 2022 et 2024
Année |
Emballages plastiques mis en marché (en mégatonnes) |
Emballages plastiques recyclés (en mégatonnes) |
Emballages plastiques non recyclés (en mégatonnes) |
Taux recyclage |
Équivalent ressource propre (en milliards d'euros) |
2022 |
2,433 |
0,612 |
1,821 |
25,2 % |
1,46 |
2023 |
2,424 |
0,637 |
1,797 |
26,2 % |
1,44 |
2024 |
2,416 |
0,669 |
1,795 |
27,2 % |
1,43 |
Note : le montant indiqué pour 2024 est une estimation.
Source : réponses de la DGPR au questionnaire du rapporteur spécial
En cumulé, la France a donc dépensé 4,3 milliards d'euros entre 2022 et 2024 pour payer cette contribution.
Il est bien entendu irréaliste d'atteindre un taux de 100 % de déchets recyclés à court terme, mais le respect des objectifs de taux de collecte permettrait de faire des économies significatives : elles auraient atteint de l'ordre de 526 millions d'euros en 202329(*). Si la France avait un taux de recyclage des emballages plastiques similaire à celui de l'Allemagne, c'est-à-dire de 50 %, l'économie aurait été de 752,7 millions d'euros, toujours en 2023.
En cumulé, l'atteinte d'une cible de 50 % des emballages plastiques recyclés depuis 2024 aurait abouti à une économie potentielle d'environ 2,27 milliards d'euros. Ces chiffres ne sont pas négligeables : ils représentent l'équivalent du financement de plusieurs politiques publiques qui sont ainsi « gaspillées » par un taux de recyclage trop faible.
Économies potentielles dans un
scénarios où la France aurait atteint
une cible de 50 %
des emballages plastiques recyclés
(en millions d'euros)
Source : commission des finances, d'après les données transmises par l'Ademe
* 27 800 euros x 1796 (Tonnes de déchets d'emballages plastiques non-recyclés).
* 28 Par exemple « Traitement des déchets plastiques : la France mise à l'amende par l'Union européenne », France info, 7 août 2024.
* 29 Note de la direction de la supervision des filières REP sur la « ressource propre plastique », 18 juillet 2025.