EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 15 octobre 2025, la commission des affaires économiques a examiné le rapport d'information de Mmes Viviane Artigalas, Martine Berthet et M. Yves Bleunven sur le logement des jeunes.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Mes chers collègues, avant de passer à notre ordre du jour, je tiens à saluer en votre nom notre nouvelle collègue Marie-Pierre Bessin-Guérin, sénatrice de la Loire-Atlantique, qui remplace au sein de notre commission Pierre Médevielle. Nous lui souhaitons la bienvenue parmi nous.
Nous examinons aujourd'hui le rapport d'information sur le logement des jeunes. Je laisse la parole aux trois rapporteurs.
Mme Martine Berthet, rapporteure. - Madame la présidente, mes chers collègues, nous avons le plaisir de vous présenter aujourd'hui les conclusions de notre mission d'information sur le logement des jeunes.
Depuis le mois d'avril dernier, nous avons entendu vingt-deux organisations : associations, administrations, bailleurs sociaux, gestionnaires de résidences ou encore représentants d'élus locaux. Notre déplacement prévu dans le Morbihan début septembre pour y observer plusieurs programmes innovants a, quant à lui, été malheureusement annulé, compte tenu de l'actualité politique.
Nous formulons vingt-cinq recommandations que nous considérons comme les clés - si j'ose dire - du logement des jeunes et qui se résument en trois actions : programmer, accompagner, innover.
C'est, je crois, la première fois que notre commission examine la crise du logement à travers le prisme d'une catégorie spécifique, la jeunesse. Pourtant, les raisons de nous y intéresser abondent. Nous avons délibérément opté pour une définition large de la jeunesse, englobant les jeunes de 18 ans, voire de 16 ans, jusqu'à 30 ans, afin de tenir compte autant des mineurs apprentis que des jeunes ménages primo-accédants.
D'abord, un constat s'impose : la situation économique et sociale des jeunes est alarmante. En plus de son niveau, l'aggravation rapide de leur précarité est préoccupante. Entre 2002 et 2019, le taux de pauvreté des 18-29 ans a augmenté de plus de quatre points. Hormis les moins de 18 ans, aucune autre tranche d'âge n'a connu une telle hausse.
La crise du logement frappe les jeunes de plein fouet. En matière de logement, ils cumulent des facteurs de précarité : ils sont à la recherche de logements de petite taille, pour de courtes durées, dans des zones où la demande explose. Sur le marché locatif privé, ils se heurtent à la concurrence de ménages plus solvables, alors qu'ils ne disposent ni de stabilité professionnelle ni de garantie familiale. À cela s'ajoute la pression de la location touristique meublée.
Cela a des effets matériels immédiats pour les jeunes. Leur taux d'effort net, une fois déduites les aides au logement, est deux fois plus élevé que pour le reste de la population. Ils sont aussi plus touchés par le mal-logement : logements trop petits, passoires énergétiques, surpeuplement dû à la colocation ou encore obligation de rester chez leurs parents du fait de l'impossibilité d'accéder à un logement autonome.
Loger les jeunes est un enjeu social et politique majeur que nous ne devons pas sous-estimer. Certains avancent qu'il ne faudrait pas construire davantage de logements dédiés aux jeunes en raison du vieillissement de la population qui réduit le poids démographique de la jeunesse. La réalité est beaucoup plus compliquée que cela : la jeunesse s'allonge ! La poursuite d'études, le report du mariage, du premier enfant et de l'entrée dans la vie active retardent le départ du domicile parental. On est aujourd'hui jeune bien plus longtemps qu'hier ! Si nous n'agissons pas, nous creuserons le fossé intergénérationnel et alimenterons une jeunesse désabusée, déjà l'une des plus pessimistes d'Europe. Comment se projeter dans la vie lorsque l'on ne parvient pas à se loger ?
La jeunesse est aussi un ensemble protéiforme : étudiants, apprentis, alternants, jeunes actifs, saisonniers, demandeurs d'emploi... Leurs statuts sont de plus en plus mouvants, les jeunes en cumulant plusieurs ou effectuant des allers-retours entre l'un et l'autre.
Pourtant, la politique du logement des jeunes est aujourd'hui centrée sur les étudiants. Les besoins pour cette population sont indéniables, mais il n'est pas légitime de négliger les jeunes actifs : à partir de 21 ans, les jeunes non-étudiants sont majoritaires au sein de la classe d'âge des 18-29 ans !
Ce prisme estudiantin se retrouve dans le plan lancé au mois de janvier 2025 par le Gouvernement, qui prévoit la création de 45 000 logements étudiants d'ici à 2027. Nous estimons ce plan nécessaire, mais il doit absolument être élargi aux jeunes actifs et s'inscrire dans une vision de moyen terme, au moins jusqu'en 2030.
C'est l'objet de nos recommandations nos 1 à 3 : définir une véritable programmation du logement pour tous les jeunes.
Pour cela, il faut mieux connaître l'offre existante. Le parc mobilisable pour les jeunes reste mal identifié. Il convient donc de poursuivre et de valoriser les observatoires territoriaux du logement étudiant, mis en place par les collectivités avec l'appui des agences d'urbanisme. Ces outils sont précieux pour orienter les politiques locales de l'habitat et la programmation des aides à la pierre.
Il faut aussi améliorer la lisibilité de l'offre. La politique publique en faveur du logement des jeunes est fragmentée. Elle dépend de plusieurs ministères - logement, enseignement supérieur, économie, santé, travail... Cela forme un millefeuille de dispositifs disparates, gérés par des acteurs différents. Les jeunes sont parfois démunis face à tant de complexité et connaissent malheureusement trop mal les aides auxquels ils peuvent prétendre. Dans l'espace numérique, le foisonnement d'informations est illisible, les offres des Crous, bailleurs, associations et autres plateformes se superposant. Une expérimentation sur la plateforme beta.gouv.fr tente de regrouper les offres étudiantes en une plateforme unique, mais elle est à l'arrêt depuis fin 2024. Nous recommandons donc d'accélérer la création de plateformes unifiées, rassemblant l'ensemble des logements à vocation sociale, au-delà du seul public étudiant.
L'opposition entre jeunes étudiants et non-étudiants n'a d'ailleurs plus beaucoup de sens aujourd'hui. Les gestionnaires de résidences que nous avons auditionnés nous l'ont répété : la fragmentation des offres entre les étudiants et les jeunes actifs n'est plus tenable face à la porosité des statuts des jeunes que j'évoquais à l'instant.
Nous recommandons donc de sortir de la segmentation stricte entre étudiants et jeunes actifs pour expérimenter des modèles mixtes.
Au croisement des jeunes actifs et des étudiants, deux catégories méritent une attention particulière : les alternants et les saisonniers.
Tous les saisonniers ne sont pas jeunes, mais beaucoup le sont - 46 % d'entre eux ont moins de 26 ans. Leur logement doit être intégré à la programmation du logement des jeunes. La Cour des comptes soulignait encore cet été l'absence totale d'outil de suivi du logement saisonnier. Il faut aller au-delà du bricolage autour de solutions pensées pour d'autres publics, comme l'utilisation d'internats, qui ne répondent pas aux besoins. Nous recommandons d'élaborer des solutions ad hoc de logement pour les saisonniers, évitant la concurrence entre publics. Les résidences à vocation d'emploi, comme adopté par la commission dès 2024, sont une bonne solution. Certains territoires commencent en outre à développer des résidences mixtes. Des incitations fiscales existent également et gagneraient à être mieux connues.
S'agissant des alternants et apprentis, leur nombre a été multiplié par 2,8 depuis 2017. C'est une bonne chose, car l'apprentissage favorise l'autonomie, l'expérience et l'insertion professionnelle. Encore faut-il que l'État accompagne les jeunes dans cette évolution. La double localisation entre centre de formation et entreprise oblige souvent à louer un second logement. Dans ce cas, ces jeunes sont soumis à la taxe d'habitation sur les résidences secondaires. C'est une absurdité qu'il faut faire cesser, car elle est à la fois injuste et pénalisante pour un public déjà fragile.
M. Yves Bleunven, rapporteur. - J'aborde pour ma part le premier moment-clé du parcours des jeunes dans le logement : l'accompagnement, dès leur départ du domicile parental, grâce à un logement dédié.
Le parc dédié aux jeunes les soutient à un moment charnière de leur vie, lorsqu'ils construisent leur autonomie, trouvent leur place dans la société et amorcent leur parcours professionnel.
Aujourd'hui, ce parc est en double difficulté : il manque cruellement de places et son modèle économique est fragilisé.
S'agissant des étudiants, l'offre de logements gérés par les Crous (centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires) ou les bailleurs sociaux représente environ 244 000 places, pour plus de 3 millions d'étudiants. Autrement dit, seuls 8 % des étudiants ont pu accéder à un logement en résidence à la rentrée 2022. Nous accumulons un retard considérable. Entre 2018 et 2022, le plan 60 000 logements n'a permis d'agréer que 29 000 logements sociaux étudiants.
Le tableau n'est pas plus favorable s'agissant des jeunes actifs : les foyers de jeunes travailleurs (FJT) et les résidences sociales pour jeunes actifs (RSJA) comptent à peine 68 000 places, soit quatre fois moins que le parc dédié aux étudiants. Dans les régions les plus tendues, comme l'Île-de-France ou l'Occitanie, moins d'un quart des demandes sont acceptées. Là encore, les objectifs du « programme 20 000 » de 2017 n'ont pas non plus été atteints. Quant au plan de 2025 évoqué par ma collègue, il ne fixe aucun objectif spécifique pour les jeunes actifs, hormis la création de résidences-services à loyers intermédiaires, qui sont inaccessibles aux plus précaires.
S'ajoute une autre difficulté : l'équation délicate du modèle économique des projets de résidences jeunes. Il s'agit de concilier des loyers abordables pour les jeunes et la viabilité économique des projets. Aujourd'hui, seule l'Île-de-France peut financer des résidences universitaires via un prêt locatif à usage social (PLUS). Nous recommandons d'expérimenter ce financement dans d'autres territoires, où les besoins des étudiants modestes sont les plus urgents. Nous pensons par exemple aux outre-mer où les loyers du prêt locatif social (PLS) ne sont pas adaptés au niveau de pauvreté étudiante.
Quant aux résidences sociales et aux FJT, ils sont tous deux financés en PLAI (prêt locatif aidé d'intégration), ce qui ouvre droit à des subventions de l'État. Malgré cela, le coût du foncier pèse sur l'équilibre des opérations. Pour y répondre, le bail réel solidaire (BRS) locatif pourrait être davantage mobilisé : il permet à un office foncier solidaire de conserver la propriété du terrain et de conclure un BRS avec un bailleur, qui loue le bâti à une association gestionnaire. De cette façon, le loyer demandé par le bailleur et versé par le gestionnaire n'a plus à intégrer le coût du foncier.
De manière générale, le modèle économique des gestionnaires de résidences est mis à rude épreuve. La mission d'accompagnement, pourtant cruciale pour les jeunes, est en tension face à des besoins grandissants. Dans le contexte actuel, la précarisation des résidents allonge la durée des séjours, ce qui renforce les besoins d'accompagnement. Le taux de rotation, supérieur à 10 % il y a dix ans, est tombé sous les 5 % aujourd'hui. En outre, même s'ils sont conçus pour soutenir l'autonomie des jeunes actifs, les FJT accueillent aussi des publics vulnérables dans le cadre du contingent de l'État, voire des jeunes sortant de l'aide sociale à l'enfance (ASE) dans le cadre de conventions avec les départements.
Nous estimons donc indispensable d'engager une réflexion sur le modèle économique des gestionnaires de résidences jeunes.
Plus particulièrement, le modèle du FJT doit être valorisé, car il est un véritable tremplin vers l'autonomie. Les FJT se distinguent par un accompagnement renforcé, avec en moyenne sept encadrants pour cent jeunes, contre deux dans les RSJA. Malgré cette plus-value, ils sont souvent mis en concurrence avec les RSJA, du fait de financements et de publics similaires. Cette rivalité fragilise les FJT, qui ont en outre longtemps souffert d'une image vieillissante. C'est pourquoi nous recommandons de revaloriser le modèle du FJT et de prévenir cette concurrence contre-productive.
Cela passe notamment par une modification de la procédure des appels à projets auxquels ils sont soumis. Leur calendrier s'accorde mal avec le montage progressif d'un dossier. Lorsqu'un projet est proposé en Vefa (vente en l'état futur d'achèvement), la longueur des procédures peut décourager les bailleurs, qui se tournent vers d'autres produits pour concrétiser leurs opportunités foncières. Nous proposons donc, comme d'autres avant nous, de mettre en place un appel à manifestation d'intérêt au fil de l'eau. Ce dispositif donnerait plus de souplesse et de visibilité aux porteurs de projets et pourrait venir en appui d'une programmation triennale.
Plus largement, la pénurie de logements dédiés aux jeunes impose de créer de nouvelles solutions, innovantes et agiles. Il faut faire feu de tout bois ! Certaines réponses doivent être déployées dans l'urgence, notamment pour répondre à une demande localisée liée à l'implantation d'entreprises. Dans ces situations, les collectivités locales jouent un rôle déterminant : elles connaissent le terrain et les besoins. Certains sont extrêmement volontaristes pour innover et développer des solutions sur mesure. Leur capacité d'innovation peut d'ailleurs permettre d'éviter la « cabanisation », avec des campings ou des mobil-homes pour loger des actifs en l'absence d'autre solution.
Malgré leur volontarisme, ces territoires se heurtent souvent à un cadre juridique inadapté qui est un vrai frein à l'innovation. De récents projets de tiny houses en témoignent. Je détaillerai celui que je connais le mieux : celui de la ville de Grand-Champ dont j'ai été maire et où notre mission d'information devait se rendre. La commune a créé un village d'une trentaine de tiny houses. Dix sont louées en tant que logements sociaux par l'office public local, les autres en lots libres via des baux emphytéotiques à faible redevance : 150 euros. Le lieu accueille aujourd'hui jeunes actifs et personnes précaires : c'est un succès indéniable - plus de cent cinquante demandes pour trente emplacements. Reste que sa concrétisation a été rude : il a nécessité près d'un an de négociations avec l'État.
Le principal obstacle résidait dans la qualité de logements sociaux des tiny houses. Le bailleur social a dû solliciter une dérogation préfectorale pour qu'elles obtiennent un agrément de logements locatifs sociaux et puissent ainsi bénéficier des modalités de financement du logement social et du conventionnement à l'APL. Cela a pris neuf mois ! Pourquoi autant de temps ? Parce que les tiny houses n'ont pas de définition règlementaire spécifique. Elles sont assimilées à de l'habitat permanent démontable, ce qui peut aussi englober des yourtes ou des tipis, qui seraient bien sûr inacceptables en tant que logement social. La question de la surface a aussi nécessité une dérogation : à quelques centimètres carrés près, les tiny houses ne respectaient pas le minimum de quatorze mètres carrés du logement neuf.
De tels délais et procédures sont décourageants pour les collectivités volontaristes. Il faut clarifier le statut juridique de ces formes d'habitat innovantes. Surtout, au-delà des tiny houses, pour ne pas handicaper de futurs projets, il faut permettre aux collectivités de déroger, par convention avec l'État, à certaines normes lorsqu'elles expérimentent des solutions adaptées à leur territoire. Cela peut aussi permettre de créer des résidences mixtes, dont les publics accueillis refléteraient les besoins du territoire. L'innovation en matière de logement ne peut pas être imposée que d'en haut : elle doit aussi naître du terrain, au plus près des besoins des jeunes.
Mme Viviane Artigalas, rapporteure. - J'aborde pour ma part le deuxième moment clé du logement des jeunes : l'accès à un logement autonome, qui est essentiel pour se projeter dans la vie.
Malgré sa cherté et sa qualité contrastée, le parc locatif privé loge 70 % des jeunes. Ils y occupent de petites surfaces, avec des loyers au mètre carré élevés et souvent revalorisés du fait de leur mobilité.
Le premier outil de solvabilisation sur le marché locatif privé est évidemment les aides personnelles au logement (APL). Celles-ci ont fait l'objet de réformes importantes depuis 2017 : réduction forfaitaire de 5 euros en 2017, contemporanéisation en janvier 2021, sous-indexations successives en 2019 et 2020... Au total, ces réformes ont représenté 4 milliards d'euros d'économies pour l'État en 2024.
Malgré les mesures protectrices mises en place pour les jeunes étudiants et les apprentis et alternants, les jeunes actifs ont été les grands oubliés de la contemporanéisation des APL. Les travaux de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) et de la Cour des comptes le confirment : le montant de leurs APL a été réduit et leur situation peu, voire pas prise en compte. En ces heures de tension budgétaire, alors que les APL représentent 19 milliards d'euros de dépenses, nous appelons le Gouvernement à la prudence. Il ne faut modifier les règles d'attribution et les montants des APL que d'une main tremblante. Ne répétons pas les erreurs antérieures qui ont été dramatiques pour les jeunes, notamment les jeunes actifs.
Toujours sur le marché locatif privé, la garantie Visale, que nous connaissons bien, joue un rôle clé. Depuis 2018, son déploiement s'est fortement accéléré. Action Logement vise à doubler son recours d'ici à 2028, en l'ouvrant à de nouveaux publics. Malheureusement, encore trop de propriétaires lui préfèrent une caution familiale, pourtant moins sécurisante. Pour accompagner la dynamique de développement de Visale, il faut poursuivre nos efforts pour améliorer sa perception par les bailleurs.
J'en viens maintenant à l'encadrement des loyers, dont l'expérimentation arrive à échéance en novembre 2026. Avant d'envisager toute modification du dispositif, il nous faut disposer d'une évaluation : celle-ci devra nous être remise dans six mois. Une chose est sûre : le dispositif doit rester territorial et facultatif. Il faudra évaluer l'effet de l'encadrement des loyers sur les jeunes, mais aussi évaluer son rôle dans le développement de pratiques de contournements, comme les baux civils ou le coliving, encore peu encadré.
Les jeunes font également face à la concurrence de la location touristique. En particulier, le bail mobilité est parfois détourné de son objet pour permettre aux propriétaires de libérer leur logement en vue d'une location estivale. De nombreux jeunes actifs se retrouvent alors sans solution, contraints de dormir dans leur voiture ou au sein de colocations surpeuplées. Malgré nos demandes, aucune administration n'a pu nous fournir de données chiffrées, mais nous nous appuyons sur les remontées de terrain des élus locaux, qui sont unanimes et édifiantes. C'est pourquoi nous proposons de rendre possible, pour les collectivités volontaires, la création d'un régime de déclaration des baux mobilité.
Passons maintenant au parc social. Les jeunes y sont de moins en moins représentés : entre 1984 et 2013, la part des moins de 30 ans parmi les locataires est passée de 24 % à 8 %. C'est le résultat combiné du vieillissement de la population et d'une rotation faible du parc.
De plus, les règles de priorisation, qui valorisent l'ancienneté et les familles, sont inadaptées aux jeunes. Par exemple, un étudiant sans logement stable peut être jugé comme non prioritaire, au motif qu'il pourrait abandonner sa formation pour sortir de l'instabilité !
Pour lutter contre une forme de non-recours des jeunes au logement social, il faut inscrire la demande d'un logement social dans un moment de la vie. Il faut aussi évaluer les effets de la cotation sur la demande des jeunes et améliorer leur prise en compte dans les conventions intercommunales d'attribution.
L'offre de logements sociaux doit également être davantage adaptée aux besoins des jeunes. Le parc social compte peu de petits logements et ils sont extrêmement demandés. En Île-de-France, la demande de studios correspond à vingt fois la capacité d'attribution annuelle. Les objectifs du Fnap (fonds national des aides à la pierre) prévoient l'orientation de la moitié de la production vers ces petits logements, mais il faut agir en amont, en développant un modèle économique pour ces logements dont le loyer au mètre carré ne permet pas d'équilibrer l'opération.
J'évoquais à l'instant les dévoiements du bail mobilité dans le parc privé : à l'inverse, il en serait exempt dans le parc social. Nous avions souligné les effets sans doute limités de l'extension du bail mobilité au parc social lors de l'examen du projet de loi relatif au développement de l'offre de logements abordables en 2024 ; néanmoins, comme l'a rappelé mon collègue rapporteur, il faut faire feu de tout bois et donner toutes les marges de manoeuvre juridiques possibles aux bailleurs sociaux.
À ce sujet, pour donner des marges de manoeuvre aux bailleurs sociaux, nous recommandons d'exonérer les résidences universitaires de la RLS (réduction de loyer de solidarité), en contrepartie d'engagements. Les résidences en gestion déléguée n'y sont pas soumises : cela pénalise les bailleurs qui ont développé une gestion locative destinée aux étudiants ! Rappelons qu'ils ont financé près de 80 % des logements sociaux étudiants entre 2018 et 2022.
Je terminerai par l'accès des jeunes à la propriété. Longtemps facilitée par des taux favorables, la propriété est de plus en plus l'apanage des plus aisés et des plus âgés. La part des moins de 30 ans propriétaires est passée de 18,5 % en 2018 à 16,7 % en 2021. À l'inverse, les plus de 50 ans représentent aujourd'hui près de 40 % des achats dans l'ancien, contre 30 % en 2015.
Contrairement à ce que l'on entend parfois, les jeunes ne sont pas moins attirés que leurs aînés par la propriété : c'est toujours une aspiration forte, synonyme de stabilité, d'ancrage et de réussite sociale.
Dans certains pays du nord de l'Europe, comme la Finlande, l'accès à la propriété des jeunes générations est soutenu par des dispositifs ciblés, qui allient encouragement à l'épargne, garanties de l'État et bonifications de taux d'intérêt qui permettent d'assurer une action contracyclique. Nous souhaitons encourager la réflexion sur le sujet, car nos dispositifs de soutien à l'accession ne sont pas ciblés pour les jeunes.
La dernière loi de finances a toutefois introduit plusieurs mesures exceptionnelles de soutien aux primo-accédants, comme l'exonération de droits de succession pour les dons familiaux en faveur de l'achat d'un logement neuf ou l'extension du prêt à taux zéro (PTZ). Il est encore trop tôt pour évaluer l'impact de ces mesures sur les jeunes, mais les jeunes de moins de 35 ans représentaient plus de 68 % des bénéficiaires du PTZ en 2024 ; cette part pourrait s'accroître en 2025. Nous recommandons donc de proroger la généralisation du PTZ dans le neuf au-delà de 2027 afin de pouvoir observer ses effets sur les jeunes primo-accédants.
Il faut aussi soutenir le développement de formes innovantes d'accession à la propriété, en s'appuyant sur des outils éprouvés comme le BRS. Il connaît une belle dynamique de développement : plus de 1 000 programmes ont été livrés en 2023 et ils devraient être plus de 6 000 en 2026 et en 2027. La réussite des opérations dépend souvent de politiques volontaristes d'élus locaux et d'une culture de l'accession sociale à la propriété sur le territoire. Le BRS se déploie d'ailleurs plus facilement dans le logement collectif, où la dissociation du foncier et du bâti suscite moins de réticences psychologiques. Nous recommandons donc l'inscription d'un volet « accession sociale » à la propriété au sein des programmes locaux de l'habitat.
Accompagner le développement du BRS, c'est aussi anticiper la suite des parcours résidentiels et ce qu'il adviendra des logements en BRS après leur première cession. En effet, aujourd'hui, un bien en BRS construit il y a plus de cinq ans est considéré, s'il est cédé, comme un logement ancien et n'est donc pas éligible au PTZ. Pour l'instant, la question se pose peu : à fin 2024, seules trente-neuf reventes de BRS ont eu lieu. Mais d'ici à 2026 ou 2027, voire à 2030, leur nombre devrait considérablement augmenter ! Il s'agit d'éviter un goulet d'étranglement lorsque les ménages modestes, cibles du BRS, ne seront plus soutenus dans l'acquisition d'un BRS. Nous recommandons donc d'ouvrir les logements acquis via un bail réel solidaire au PTZ lors de leur revente.
Telles sont, chers collègues, les conclusions de notre mission d'information sur le logement des jeunes. Nous avons tenté d'aborder l'ensemble des enjeux, pour rendre compte de la diversité des parcours, des situations et des besoins de toute une génération.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Je salue le travail des rapporteurs sur ce sujet ô combien important, qui formule des recommandations non seulement frappées au coin du bon sens, mais aussi innovantes, que nous devrons approfondir.
M. Philippe Grosvalet. - Je salue le travail des rapporteurs qui met l'accent sur un sujet sensible.
La commission des affaires économiques le constate au travers de tous ses travaux : il n'y a pas d'ambition globale sur le logement dans notre pays et l'on note un manque criant de logements. On le sait, ce sont toujours les plus fragiles, en particulier les plus jeunes, qui en souffrent.
Je tiens à mettre l'accent sur l'accompagnement, car il est nécessaire. Vous n'avez pas parlé des missions locales, ces structures mises en place pour accompagner les jeunes de façon globale : emploi, santé, mais aussi logement. Les missions locales sont aujourd'hui mises à mal, ce qui a des répercussions.
Je suis heureux que vous souligniez l'enjeu des FJT, qui ont joué un rôle important dans l'histoire de notre pays et qui ont souffert ces dernières décennies.
Ma question porte sur le BRS, dispositif que j'ai moi-même promu.
Je m'interroge sur la recommandation n° 7 de l'axe 2 - développer et sécuriser la possibilité d'utiliser le bail réel solidaire en faveur des résidences jeunes pour minorer le poids du foncier dans le loyer demandé par les propriétaires de résidences aux gestionnaires. Cela correspond-il vraiment à la fonction du BRS ?
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - En tant que présidente de la mission locale Côte d'Azur, je partage la préoccupation exprimée. Les missions locales réalisent un accompagnement global pour lever tous les freins qui touchent les jeunes, le logement et l'autonomie en étant les principaux.
M. Yannick Jadot. - Je remercie chaleureusement les rapporteurs : le logement constitue un sujet majeur que nous traitons avec beaucoup de sérieux ici.
Le taux de pauvreté des jeunes explose, tout comme leur malaise psychologique. On connaît les conséquences catastrophiques de l'épidémie de covid.
Le logement est un enjeu de stabilité et de sécurité. Nous lirons le rapport avec beaucoup d'intérêt. Dans les différents débats sur le pouvoir d'achat, nous passons totalement à côté de la question des dépenses ! Quand on pense pouvoir d'achat, on pense revenus, mais la question des dépenses évitées est majeure ; or le logement entre dans cette catégorie de sécurisation des jeunes en difficulté. J'espère que, dans les semaines à venir, nous pourrons parler logement, mais aussi transport.
Mme Amel Gacquerre. - Merci de ce travail très complet qui met en exergue toute la complexité du sujet, avec des demandes très spécifiques - par exemple, de petits logements pour de courtes durées -, auxquelles il faut apporter des réponses également spécifiques.
Bravo d'avoir souligné dans ce rapport la diversité de la jeunesse. On parle en effet beaucoup de logements pour les étudiants - la pénurie de logements pour ces publics est évidemment une problématique très importante, parce que l'on passe à côté de la promesse républicaine d'égalité des chances -, mais pas assez des difficultés de logement auxquelles sont confrontés les autres jeunes.
Je soulignerai trois recommandations, particulièrement intéressantes à mes yeux.
D'abord, sur la question du logement social, vous avez avancé une proposition très concrète, à savoir la transformation de grands logements en petits logements, c'est-à-dire l'adaptation des logements au vieillissement de la population, mais aussi aux publics jeunes. C'est un objectif fort que nous pourrions mettre en avant lors de nos discussions avec les bailleurs.
Ensuite, sur l'innovation, il est question d'habitats alternatifs, comme les tiny houses, mais il y a aussi l'habitat partagé, l'habitat intergénérationnel... J'y crois vraiment. C'est une réponse aux demandes spécifiques que j'ai soulignées. Cela a également un intérêt en termes de coût. On pourrait également prendre exemple sur les habitats légers développés dans les pays du Nord.
Enfin, le projet de loi de finances pour 2026 prévoit le gel des APL, alors même que l'on sait que le logement représente 40 % à 50 % des dépenses des jeunes. Attention aux conséquences pour eux. Il est même question de la suppression de cette allocation pour certains étudiants rattachés à 20 % des foyers fiscaux les plus importants. Je fais partie de ceux qui pensent qu'il faut tout mettre sur la table, mais il faut veiller à toutes les situations particulières pour que cette mesure n'ait pas un impact négatif.
Merci d'avoir évoqué le dispositif Visale et Action Logement. Pour ma part, je tiens beaucoup aux résidences à vocation multiple.
Mme Antoinette Guhl. - Ce rapport aborde un sujet capital. La jeunesse souffre et ce phénomène est trop ignoré. Jamais la jeunesse n'a été autant précarisée qu'aujourd'hui. Quand je faisais mes études, 10 % des étudiants travaillaient, contre près de 60 % aujourd'hui. Ils ne travaillaient d'ailleurs que quelques heures par semaine, souvent pour gagner de l'argent pour leurs sorties, alors qu'aujourd'hui beaucoup travaillent trente heures par semaine, voire à temps plein, ce qui a une incidence sur leurs études.
On ne parle pas assez de ceux qui ne sont ni en emploi, ni en étude, ni en formation (Neet) et qui n'ont même pas droit aux minima sociaux. Merci d'avoir abordé la question du logement des jeunes de façon globale, mais c'est l'intégralité des politiques universelles qui devraient être appliquées à la jeunesse.
Les logements Crous représentent 7 % du logement étudiant. Vous soulignez à raison que les étudiants ne sont pas les seuls jeunes à connaître des difficultés de logement et semblez vouloir ouvrir les Crous à tous. Pourtant, l'offre des Crous ne couvre même pas les besoins des étudiants boursiers ! Comment l'étendre à d'autres publics dans ces conditions ? Cela supposerait d'élargir considérablement l'offre des Crous, donc leur budget. Je rappelle que les bourses d'études sont les plus faibles d'Europe. Trouver un logement quand on est boursier n'est pas si simple.
Certains jeunes ne sont éligibles à rien ! Nous devons réfléchir à étendre le revenu de solidarité active (RSA) aux 18-25 ans, s'ils y ont droit. La majorité doit également être une majorité sociale. Ces jeunes doivent avoir le droit de bénéficier des minima sociaux, ce qui leur permettra de subvenir à leurs dépenses de logement.
Certaines niches fiscales, par exemple le dispositif Censi-Bouvard, ont enchéri le coût du logement étudiant. En tant que législateurs, nous devons nous pencher sur ces questions.
Le coliving se développe, mais cela fait augmenter le prix des chambres, car les logements sortent de toute réglementation (loi Alur, encadrement des loyers...). Le Conseil de Paris vient d'ailleurs de l'interdire. Je précise qu'il existe des alternatives solidaires, comme le CoopColoc à Paris.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Je rappelle que, dans le cadre des missions locales, les jeunes de moins de 25 ans qui n'ont rien bénéficient aujourd'hui de la garantie Jeunes, devenue contrat d'engagement jeunes (CEJ), qui s'élève à près de 500 euros par mois.
Mme Marianne Margaté. - Merci de ce rapport qui contient des recommandations concrètes. Nous partageons le bilan noir de l'accès au logement pour les jeunes de moins de 25 ans. Ils paient le prix fort du désengagement de l'État dans la politique du logement : dépendance familiale, bas salaires, précarité, etc.
Aux effets de la contemporanéisation des APL, de la baisse de cinq euros, du gel de son montant s'ajoute la non-revalorisation du forfait charges. Ce rapport a le mérite de mettre à jour tous les aspects de la situation des jeunes : toutes ces données mises bout à bout dressent un tableau assez terrible.
Il faut faire tous les efforts nécessaires pour sécuriser le logement des jeunes et faire en sorte qu'ils puissent rester dans leur logement.
Je partage les propositions qui ont été avancées sur les FJT, aujourd'hui fragilisés. La mise en concurrence avec les RJSA pose question. Les FJT sont aujourd'hui la seule possibilité ouverte à tous les jeunes, quelle que soit leur situation.
J'apporterai deux nuances.
D'une part, l'encadrement des loyers a montré son efficacité en zone tendue, notamment pour les petits logements, et ce grâce au volontarisme des communes. Pour autant, la hausse des loyers s'étend partout là où l'encadrement des loyers n'est pas appliqué, ce qui pose question. Il est à parier que le développement du Grand Paris express s'accompagnera d'une flambée des loyers dans le parc privé.
D'autre part, le coliving se développe dans les villes qui cumulent tourisme et pôles étudiants. C'est notamment le cas à Fontainebleau. Il faut mener une réflexion sur l'encadrement de ce type de logement, qui s'exonère de toute règle pour le plus grand profit des propriétaires.
Enfin, une attention particulière est-elle portée aux jeunes sortant de l'ASE ou du sans-abrisme ? Il me semble que ce maillon manque, même si je mesure la complexité de ce problème.
M. Daniel Gremillet. - Si l'on veut favoriser l'apprentissage dans les territoires, encore faut-il que ces apprentis puissent être accueillis. Dans cette optique, il serait peut-être judicieux d'instaurer de la mixité au sein des maisons seniors que l'on inaugure : mixité sociale, sociétale et générationnelle.
Mme Anne-Catherine Loisier. - La question du logement nous préoccupe tous dans nos territoires.
Il semble facile de mettre en oeuvre rapidement la recommandation n° 15, qui a trait au dégrèvement automatique de la taxe d'habitation sur les résidences secondaires pour les apprentis ou alternants en situation de double résidence. Cela répondrait à une aspiration forte des jeunes. Nous pourrions l'aborder lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2026.
Mme Viviane Artigalas, rapporteure. Le BRS présente aujourd'hui plus d'attrait pour le logement individuel, car le foncier est plus cher. Le maire de la station de ski de Saint-Lary a essayé, avec l'office foncier, de construire de petites maisons en BRS pour loger les saisonniers. Cela n'a pas marché.
Par ailleurs, il s'agit non pas de laisser des logements Crous aux non-étudiants, mais plutôt de réfléchir à une non-segmentation des publics jeunes, afin que de nouveaux logements soient ouverts à d'autres publics jeunes. Il ne s'agit pas d'exclure les étudiants du peu de logements qui leur sont réservés.
M. Yves Bleunven, rapporteur. - Ce rapport met en évidence le besoin de créer une nouvelle ère pour les FJT et de leur redonner une nouvelle jeunesse. Il faut revoir leur financement pour qu'ils soient plus compétitifs et moderniser ce concept qui, quoi qu'on en dise, reste très intéressant, ne serait-ce que par l'accompagnement qu'il prévoit.
Il faut de l'innovation dans le parcours résidentiel. Je suis convaincu que le parcours résidentiel sera différent demain : il faut prévoir de nouvelles étapes. Par exemple, aujourd'hui, les jeunes ont deux logements.
L'appétence des jeunes à la propriété est manifeste. Acheter une tiny house à 25 ans est une première étape : c'est le début de la capitalisation pour ensuite revendre et, ainsi, éviter de verser des loyers à fonds perdu.
Mme Martine Berthet, rapporteure. - Il a fallu déterminer l'amplitude de nos travaux, ce qui explique la faible place accordée aux jeunes issus de l'aide sociale à l'enfance et aux mineurs non accompagnés qui relèvent d'ailleurs plus des compétences de la commission des affaires sociales. Toutefois, au regard de la porosité des parcours, ces jeunes sont de fait inclus dans les mesures que nous proposons. Nous avons d'ailleurs tenu à créer une tranche d'âge très large, allant de 16 ans à 30 ans.
Nous voulons libérer l'initiative locale, notamment pour favoriser la mixité générationnelle. Il faut donner de la souplesse aux territoires. Nous sommes tous interrogés sur le dégrèvement de la taxe sur les résidences secondaires et, ainsi que cela a été dit, il semble possible d'agir rapidement pour remédier à une situation inacceptable.
Nous recommandons une évaluation du dispositif d'encadrement des loyers, car nous voyons des contournements, notamment le coliving.
Mme Viviane Artigalas, rapporteure. - Sur l'encadrement des loyers comme sur d'autres dispositifs, nous considérons tous les trois que ces outils doivent être à la disposition et à la main des maires. Les élus locaux s'en empareront en fonction des spécificités de leur territoire.
La commission adopte, à l'unanimité, les propositions, le rapport d'information et en autorise la publication.