LISTE DES RECOMMANDATIONS
Recommandation n° 1 : Conserver le label « PVD » pour les communes en ayant bénéficié et prolonger le co-financement des chefs de projet de deux ans afin d'assurer la concrétisation des projets lancés (acteurs concernés : État et ses opérateurs).
Recommandation n° 2 : À partir de 2028, essaimer et faire fructifier l'esprit « PVD » en lançant une démarche « Territoires de demain » permettant d'accompagner à plus vaste échelle les territoires ruraux volontaires dans la conduite de leurs projets structurants (acteurs concernés : État et ses opérateurs, services déconcentrés de l'État et élus).
Recommandation n° 3 : À partir d'un diagnostic de territoire partagé, appuyer la démarche « Territoires de demain » par la co-construction, sur la base d'une proposition initiale formulée par les services de l'État, d'une comitologie adaptée aux particularismes et contextes locaux (acteur concerné : services déconcentrés de l'État et ensemble des acteurs et partenaires compétents).
Recommandation n° 4 : Apporter une assistance à maîtrise d'ouvrage juridique aux « Territoires de demain » afin que le recours local à l'ingénierie puisse s'appuyer prioritairement sur l'ingénierie publique existante, tout en respectant le code de la commande publique (acteur concerné : entité qui pilotera au niveau national la démarche « Territoires de demain »).
Recommandation n° 5 : Établir à destination des élus « Territoires de demain » un recensement exhaustif de l'ingénierie publique existante sur le territoire (acteur concerné : services déconcentrés de l'État).
Recommandation n° 6 : Profiter de la fin du cycle PVD pour une mise en cohérence globale de l'ensemble des dispositifs de contractualisation et de planification locaux (acteur concerné : État).
Recommandation n° 7 : Renforcer la prise en compte des enjeux d'adaptation au changement climatique, de manière transversale, dans tous les territoires de demain (acteur concerné : élus et chefs de projet).
EXAMEN EN COMMISSION
Désignation d'un
rapporteur
(Mercredi 9 avril 2025)
M. Jean-François Longeot, président. - Je souhaite vous rendre compte en quelques mots des décisions de notre réunion de bureau qui s'est tenue ce matin.
Le Bureau de la commission a en effet acté le principe de la création d'une mission d'information sur le programme « Petites villes de Demain » (PVD).
Ce dispositif, mis en place en 2020, vise à soutenir le rôle structurant des villes de moins de 20 000 habitants dans le développement des territoires ruraux.
Ce programme arrivera à son terme en 2026. Le calendrier est donc propice pour évaluer le dispositif après bientôt 5 ans de déploiement et pour envisager les suites à y donner.
L'objet et le périmètre de cette mission constituent par ailleurs une occasion de mettre en pratique la méthodologie du « contrôle de proximité », conformément aux directives données par le Président Larcher, dans le but de territorialiser davantage les travaux de contrôle du Sénat.
Une attention particulière serait donc portée à l'expérience et au point de vue des maires des communes ayant bénéficié de la première génération du programme.
J'appelle ainsi votre attention sur le fait que vous serez très prochainement destinataires d'un bref questionnaire à destination des membres de la commission, ce qui nous permettra dès à présent de pouvoir bénéficier d'un premier retour précieux, en amont des déplacements qui seront réalisés à l'occasion de cette mission.
En termes de calendrier, ces travaux s'effectueront selon un format « flash » de deux mois.
Afin d'associer le plus largement possible les commissaires à ces travaux, il a été décidé qu'un co-rapporteur issu d'un groupe minoritaire serait désigné.
J'ai reçu les candidatures de Louis-Jean de Nicolaÿ et de Nicole Bonnefoy.
Je vous propose donc de les désigner conjointement rapporteurs.
La commission désigne Mme Nicole Bonnefoy et M. Louis-Jean de Nicolaÿ rapporteurs de la mission d'information sur le programme « Petites villes de demain ».
Examen du rapport
d'information
(Mercredi 15 octobre 2025)
M. Jean-François Longeot, président. - Nous sommes réunis ce matin pour l'examen du rapport d'information de nos collègues Nicole Bonnefoy et Louis-Jean de Nicolaÿ sur le programme national « Petites villes de demain » (PVD), mesure phare de l'Agenda rural de 2019 qui visait à soutenir le rôle structurant des villes de moins de 20 000 habitants dans le développement des territoires ruraux.
Après six ans de mise en oeuvre, « Petites villes de demain » arrivera à son terme en mars 2026. Notre commission a souhaité opportunément anticiper cette échéance en lançant, en avril dernier, une mission flash et transpartisane : l'objectif assigné aux rapporteurs était de dresser un premier bilan du dispositif afin, notamment, d'en évaluer la plus-value pour les territoires ruraux et de tracer des perspectives pour l'après 2026. Le format retenu a été celui du contrôle de proximité, conformément à la volonté du Président du Sénat de favoriser une plus forte territorialisation de nos travaux.
M. Louis-Jean de Nicolaÿ, rapporteur. - Les petites villes constituent la trame de l'existence quotidienne de millions de Français et elles tiennent une place centrale dans le maillage territorial des espaces ruraux. Elles bénéficient de nombreux atouts, à commencer par un cadre de vie qui suscite un attrait grandissant depuis la crise sanitaire liée à la covid-19. Loin d'être des espaces figés, elles sont traversées par une multitude d'idées et d'initiatives en prise directe avec les transitions socio-économiques, démographiques, environnementales et climatiques contemporaines.
Néanmoins, les membres de cette commission savent bien qu'elles cumulent également des facteurs de vulnérabilité - la déprise commerciale, le déclin et le vieillissement démographiques, la vacance de logements ou encore la dégradation du bâti ancien - et que le manque de ressources financières, associé à un accès difficile à l'ingénierie technique et administrative, y rend difficile l'émergence de projets de territoire structurants.
En octobre 2020, afin de traduire l'un des engagements de l'Agenda rural de 2019 et de remédier à ces fragilités, le Gouvernement a lancé le programme « Petites villes de demain » sous le pilotage de l'agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT). Son objectif était simple : soutenir la revitalisation des petites communes de moins de 20 000 habitants ayant une fonction de centralité à travers un appui en ingénierie, sur le modèle du programme « Action coeur de ville » impulsé en 2018 pour les villes moyennes. Prévu sur une période de six ans, le programme PVD arrivera à échéance dans quelques mois à peine, en mars 2026 : dès lors, la commission nous a confié la mission d'en faire une évaluation et de réfléchir à sa postérité au-delà de 2026.
Le programme PVD ayant déjà fait l'objet d'évaluations quantitatives à l'échelle nationale, nous avons choisi de compléter ces éléments statistiques par une approche approfondie et territorialisée, fidèle à l'ADN du Sénat. Notre méthodologie a donc été celle du contrôle de proximité, impulsée par le président Larcher : nous sommes partis de l'expérience concrète des élus locaux et de leurs chefs de projets, recueillie à partir de déplacements dans six départements - l'Eure, l'Oise, la Côte-d'Or, les Alpes-de-Haute-Provence, le Var et la Charente - et des témoignages écrits d'élus issus de sept de vos circonscriptions, dont vous avez eu la gentillesse de nous faire part au commencement de nos travaux.
Au total, nous avons ainsi pu bénéficier des retours d'expérience de près de quatre-vingt-dix élus locaux et de plus de vingt chefs de projet à travers la France. Cette matière empirique, venue compléter la dizaine d'auditions réalisées au Sénat, constitue la chair du rapport d'information que nous allons vous présenter.
Avant d'entrer dans le vif du sujet, revenons sur la genèse du programme PVD et sur la philosophie qui l'a animé dès sa conception.
Mme Nicole Bonnefoy, rapporteure. - À l'instar du programme « Action coeur de ville », le dispositif « Petites villes de demain » a été pensé selon une logique ascendante, décentralisée et déconcentrée : il s'agit de sortir de l'approche standardisée des appels à projets qui caractérise trop souvent la posture de l'État en matière d'aménagement du territoire pour favoriser l'émergence de projets sur mesure, adaptés aux besoins de chaque commune.
Cette philosophie s'est traduite dès l'étape de la désignation des 1 646 communes bénéficiaires, puisqu'elles ont été sélectionnées sur proposition des préfets, après établissement d'un préciblage national sur la base de critères de centralité et de fragilité communs. Les communes ainsi sélectionnées et leurs aires d'influence représentent 7,3 millions d'habitants. Si elles sont de tailles relativement diversifiées, au regard de leur densité, 73 % d'entre elles sont des communes rurales au sens de l'Insee.
La logique ascendante du programme s'est exprimée de manière plus visible encore dans ses modalités de mise en oeuvre : le programme PVD repose sur le recrutement d'un chef de projet, grâce à un co-financement de l'État pouvant aller jusqu'à 75 % du coût annuel. Le chef de projet a vocation à piloter l'élaboration, la mise en oeuvre et l'animation du projet territorial de revitalisation, en lien étroit avec les élus locaux. La synergie et l'acculturation réciproques entre le maire et son chef de projet sont véritablement la clé de voûte du programme.
Sur le plan opérationnel, PVD constitue une boîte à outils particulièrement souple, reposant sur un cadre contractuel et sur une gouvernance multipartenariale.
Des dizaines d'opérateurs nationaux se sont engagés dans la mise en oeuvre du programme, à travers la mise à disposition de financements, d'une offre de services ou encore la production de ressources destinées aux élus et aux chefs de projet. Au niveau local, des partenaires volontaires ont aussi pu apporter un appui déterminant aux communes grâce à leur connaissance fine de leur territoire, à l'instar des conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE), qui ont été nombreux à mettre à profit l'expertise transversale et polyvalente dont ils disposent.
Une fois qu'une commune a été labellisée PVD, une convention-cadre vient formaliser le projet de territoire, l'engagement des différents partenaires, publics et privés, et les moyens financiers associés. Dans chaque département, l'ensemble des partenaires des projets PVD ont été rassemblés dans des instances de pilotage, sous l'égide des préfets.
Si cette mécanique a été clairement posée, un élément a néanmoins été source de confusion - voire de déception - dès le lancement du dispositif : le calibrage financier.
En 2021, le Gouvernement avait annoncé qu'une enveloppe de 3 milliards d'euros serait consacrée au dispositif sur six ans, laissant espérer aux élus locaux des moyens dédiés pour mener à bien tant les phases d'études que de concrétisation des projets PVD. Or, si l'ingénierie a été financée pour l'essentiel par les opérateurs partenaires, les investissements n'ont été soutenus que par des dispositifs de droit commun via la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL), la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) ou d'autres dispositifs comme le fonds vert, qui sont soumis à une forte concurrence d'usages et dont les moyens sont donc nécessairement limités. Cette ambiguïté originelle a créé un décalage entre l'esprit initial du dispositif, qui repose sur un lien indissociable entre ingénierie et investissement, et son déploiement effectif, qui a pu susciter des frustrations sur lesquelles nous aurons l'occasion de revenir.
Ces éléments liminaires étant précisés, venons-en à la mise en oeuvre concrète du programme dans les territoires.
M. Louis-Jean de Nicolaÿ, rapporteur. - Nous avons décrit le contexte - l'Agenda rural de 2019 - ; nous avons décrit les accessoires - la boîte à outils que constitue le programme PVD. Il nous reste maintenant à vous présenter le décor et les principaux protagonistes, qui sont les territoires dans toute leur diversité. Ce sont en effet sur les acteurs locaux que repose le déploiement effectif du programme, du portage à la gouvernance en passant par l'animation et, je dirais même, par la créativité : nous avons en effet été très impressionnés de relever, au sein des six départements dans lesquels nous nous sommes rendus, la manière très différente et souvent très ingénieuse dont les écosystèmes locaux se sont approprié cette boîte à outils.
Comme vous pourrez le voir dans les nombreux exemples illustrés qui figurent dans le rapport, nous avons consigné dans notre « carnet de voyage PVD » de nombreuses initiatives territoriales qui mériteraient d'être dupliquées dans d'autres contextes, tant elles nous paraissent porteuses de sens et d'efficacité pour la conduite de projets d'avenir. Nous vous laisserons en particulier prendre connaissance d'une très belle « carte mentale PVD » bas-alpine, ou encore de supports d'ateliers participatifs conduits dans l'Oise à partir d'un cas pratique fictif permettant d'aborder de manière concrète un sujet qui n'est quant à lui absolument pas fictif : les conséquences du dérèglement climatique à anticiper pour les petites centralités. Nous y reviendrons.
Sur une note plus préoccupante, nous avons pu relever un autre élément majeur de différenciation entre les collectivités lauréates : la lenteur de certains territoires à entamer le processus et à pouvoir entrer concrètement dans le programme. Cela est souvent le cas de territoires peu attractifs qui ont rencontré des difficultés à recruter et à fidéliser un chef de projet. Notre contrôle de proximité a ainsi mis en lumière de fortes disparités dès le démarrage, avec un programme qui s'est clairement déployé à plusieurs vitesses.
Mme Nicole Bonnefoy, rapporteure. - J'en viens maintenant au bilan de ce programme. Il a déjà été produit de foisonnantes statistiques nationales mises à disposition en open data sur le site de la Banque des territoires, grâce à un bel outil d'agrégation et de traitement de données. Au-delà de ces infographies quantitatives, il nous a paru que notre vraie valeur ajoutée était d'appréhender ce bilan de manière territorialisée et qualitative. C'est bel et bien sur le terrain que se joue le programme : il était ainsi essentiel d'aller y recueillir le ressenti des acteurs.
Ce qui ressort très nettement et de manière globalement majoritaire dans les témoignages qui nous ont été apportés, c'est le sentiment que le programme PVD a constitué une expérience profitable pour les collectivités concernées. Un thème est revenu très largement : le label PVD constitue, je cite, une « marque de considération » et de « reconnaissance » pour des territoires qui ne se vivaient pas nécessairement comme une priorité en matière d'aménagement du territoire. Ceux-ci accèdent désormais à une « visibilité renforcée » et en tirent de la « fierté ». De nombreux élus se sont montrés particulièrement enthousiastes : un élu expérimenté des Alpes-de-Haute-Provence nous a ainsi déclaré qu'il s'agissait « sûrement [d']un des plus beaux programmes que les élus aient eu à gérer, surtout dans des communes qui n'avaient pas nécessairement eu de projets d'envergure auparavant ». Cet enthousiasme est souvent issu du sentiment de bénéficier du temps et des ressources nécessaires en ingénierie pour pouvoir élaborer des projets, je cite, « structurants », « ambitieux », « cohérents » et « porteurs de sens pour nos concitoyens ».
Cependant, le revers de cet enthousiasme nous est apparu tout aussi nettement : les bénéficiaires sont très largement déçus des modalités de financement qui ont été associées à ce programme. Pouvoir élaborer des projets ambitieux sans aucune certitude d'être en mesure de les financer génère, chez les élus, une frustration logique.
Un autre élément qui se dégage de ce bilan : nous avons pu relever des points d'achoppement très nets du programme sur le terrain.
Premièrement, dans les communes où les relations avec la communauté de communes sont compliquées, le programme accentue encore cette polarisation. C'est en effet une des ambiguïtés du programme : mettre la focale sur la centralité, c'est risquer de renforcer le sentiment que les autres communes se vivent comme une périphérie.
Deuxième difficulté : l'action non coordonnée, voire non coopérative de certains financeurs. Les porteurs d'initiatives gagneraient un temps et une énergie considérables à présenter leur projet une bonne fois pour toutes devant un comité des financeurs aux critères et aux calendriers, sinon concordants, du moins cohérents.
M. Louis-Jean de Nicolaÿ, rapporteur. - À la lumière de ce bilan, une question s'est naturellement imposée à nous : quel héritage concevoir pour PVD au-delà de 2026 ? Notre rapport propose d'y répondre en quatre axes et sept recommandations.
En premier lieu, il importe de déterminer une stratégie pour conclure le cycle PVD qui doit arriver à échéance en mars 2026. En effet, seules 20 % des actions prévues par les conventions-cadres avaient déjà été livrées au 31 décembre 2024, compte tenu des délais associés au lancement du programme et à la réalisation des études préalables. De manière unanime, les élus locaux que nous avons rencontrés soulignent un besoin de délais supplémentaires et la nécessité de ne pas mettre un coup d'arrêt à la dynamique enclenchée.
Dès lors, notre recommandation n° 1 vise à prolonger le label « PVD » ainsi que le co-financement des chefs de projets pendant encore deux ans, afin d'assurer la concrétisation des projets lancés.
En deuxième lieu, le dispositif PVD a assurément produit des résultats positifs : il a démontré qu'avec les moyens et l'accompagnement adéquats, la ruralité a de l'avenir et qu'elle peut même être à l'avant-garde des mutations que connaît notre pays. Le dispositif a également permis aux communes bénéficiaires d'acquérir une culture de la conduite de projets et des méthodes de travail précieuses, dont il importe à présent d'assurer la pérennité et la diffusion à plus vaste échelle.
Notre recommandation n° 2 est la suivante : à partir de 2028, essaimer et faire fructifier l'esprit PVD en lançant une démarche « Territoires de demain » permettant d'accompagner à plus vaste échelle les territoires ruraux volontaires dans la conduite de leurs projets structurants.
À travers cette recommandation, nous souhaiterions que des territoires volontaires, organisés au niveau d'un EPCI ou d'un pôle d'équilibre territorial par exemple, puissent continuer à bénéficier d'un accompagnement en ingénierie pour mener à bien des projets structurants pour leur avenir. Ces territoires pourraient recruter à leur compte un ou plusieurs chefs de projet, en capitalisant sur l'expérience acquise par les chefs de projets PVD, et bénéficier de marchés à bons de commande pour réaliser des diagnostics et des études préalables, comme ce fut le cas pour les communes labellisées PVD.
Mme Nicole Bonnefoy, rapporteure. - Le troisième axe de nos propositions détaille les modalités selon lesquelles pourrait se déployer cette démarche « Territoires de demain », afin d'élargir la dynamique PVD.
Un enjeu est crucial : il est absolument stratégique que le soutien apporté à l'ingénierie s'appuie principalement sur l'ingénierie publique existante. En effet, nos territoires bénéficient déjà largement d'une ingénierie publique performante, bien implantée, bien au fait des spécificités locales et souvent gratuite, comme dans le cas des CAUE. Dans le contexte qui caractérise actuellement nos finances publiques, l'efficience est davantage à rechercher dans l'existant, le local et ce qui est déjà immédiatement opérationnel, plutôt qu'en des prestations onéreuses, standardisées et lentes à mettre en place.
Nous recommandons dès lors de mieux faire connaître aux porteurs de projet l'ingénierie publique locale existante, en préconisant que les services de l'État finalisent, là où elle n'est pas achevée, la cartographie de l'existant. Cela correspond à la recommandation n° 5. Nous recommandons que cette cartographie parte des besoins rencontrés par les élus locaux, plutôt qu'elle ne prenne la forme d'un simple catalogue d'interlocuteurs, afin que cela soit réellement lisible et utile aux porteurs de projets.
Enfin, à travers notre recommandation n° 4, nous préconisons que l'entité qui pilotera au niveau national la démarche « Territoires de demain » ne reconduise pas à l'identique les marchés à bon de commande nationaux qui avaient été conclus par l'ANCT. Ceux-ci avaient été ouverts à hauteur de 10 millions d'euros pour proposer aux collectivités PVD l'appui ponctuel de cabinets de conseil privés. À l'inverse, l'entité qui sera la pilote de cette nouvelle démarche pourra utilement apporter aux porteurs de projets une assistance à maîtrise d'ouvrage juridique afin que les territoires puissent privilégier le recours à l'ingénierie publique locale existante, tout en respectant le code de la commande publique.
Un autre point nous paraît impératif pour capitaliser sur l'expérience PVD et pour transformer l'essai : nous proposons qu'il soit mis en place pour chaque territoire de demain un pilotage et une gouvernance qui soient co-construits avec l'ensemble des acteurs. En particulier, au lieu de passer leur temps à présenter leur projet à chaque financeur potentiel selon un calendrier et des critères d'évaluation différents, les porteurs de projets doivent pouvoir bénéficier d'un comité de financeurs exhaustif et coopératif, pour que tout le monde soit autour de la table et puisse évaluer une bonne fois pour toutes, de manière cohérente et concordante, si les projets élaborés et sélectionnés sont finançables et, si oui, selon quelles modalités.
Notre recommandation n° 3 détaille le fonctionnement que nous proposons pour ce comité local qui serait mis en place pour chaque « Territoire de demain ». Selon nous, l'étape préalable à la constitution de ce comité correspondrait à l'élaboration commune, par l'ensemble des acteurs, d'un diagnostic de territoire partagé. En effet, pour pouvoir envisager une vision robuste de l'avenir, il convient que tout le monde puisse partager la même vision de l'existant.
Enfin, en dernier lieu, nous vous proposons d'élargir la focale et d'envisager, non plus les « Petites villes de demain », ni même les territoires de demain, mais bel et bien la cohésion territoriale de demain.
Notre mission avait pour horizon temporel l'année 2026, soit le terme qui était initialement fixé pour le programme PVD. Cependant, en adoptant une vision plus large, nous constatons que la fin du cycle PVD correspond aussi à la fin de nombreux autres cycles : les contrats pour la réussite de la transition écologique (CRTE), les contrats de plan État-région (CPER), les programmes « Action coeur de ville », « Territoires d'industrie », « Villages d'avenir », etc.
C'est pourquoi nous recommandons, en sixième lieu, de voir dans la fin du programme PVD l'opportunité, pour l'État, d'opérer une mise en cohérence globale de l'ensemble des dispositifs locaux de contractualisation et de planification. C'est en effet une constante des témoignages que nous avons recueillis : il est plus que temps de pouvoir disposer d'une vision pluriannuelle des financements disponibles pour les projets d'avenir structurants.
La dernière des recommandations que nous soumettons aujourd'hui à votre approbation nous semble absolument primordiale, non seulement pour tous les territoires de demain, mais aussi pour tous les territoires qui souhaitent, demain, et même dès aujourd'hui, préparer leur avenir. Je parle bien entendu de l'adaptation aux effets déjà visibles du dérèglement climatique. Ces conséquences désastreuses frappent les territoires selon des intensités et des modalités qui varient très fortement. Cependant, il est bien documenté que la préexistence de vulnérabilités socio-économiques et géographiques constitue un facteur aggravant d'exposition aux risques climatiques ; or, c'est très souvent le cas des petites centralités qui ont été sélectionnées pour bénéficier du programme PVD.
Notre dernière recommandation vise ainsi à renforcer la prise en compte des enjeux d'adaptation au changement climatique, de manière transversale, dans tous les territoires de demain.
Lorsque l'on parle de cohésion territoriale, il est souvent question de préparer l'avenir en aménageant les territoires. Avec mon collègue, nous vous proposons un nouveau paradigme. Les territoires que nous avons visités ont souvent été les victimes de phénomènes difficiles : déprise commerciale, désindustrialisation, dynamiques démographiques défavorables, etc. Pour les élus et les habitants concernés, préparer l'avenir, c'est se mettre en mesure de dépasser ces vulnérabilités et à nouveau pouvoir se projeter dans des projets structurants. Face à des phénomènes socio-économiques et climatiques éprouvants, la priorité que nous vous proposons, c'est que le XXIe siècle puisse privilégier, à l'aménagement du territoire, le nouvel objectif suivant : le ménagement des territoires.
M. Rémy Pointereau. - Nous avions travaillé sur les PVD il y a quelques années, et je constate que les problèmes perdurent.
Parlons du programme « Action coeur de ville », qui s'adresse aux villes de plus de 20 000 habitants. L'espoir était réel : les centres-villes se sont embellis, même si des commerces continuent de partir vers des zones périphériques.
Concernant les PVD, les inquiétudes portent, comme toujours, sur le co-financement des postes de chef de projet. Par souci de regroupement, les opérations s'adressent souvent à deux ou trois communes : le travail est encore plus important, ce qui exige la présence de techniciens. Or les maires n'ont aucune assurance que cela soit effectivement le cas et sont parfois déçus.
Nous parlons de sommes importantes. La DSIL et la DETR ne peuvent suffire à financer l'intégralité des projets associés, et les régions ou départements ne sont pas toujours en mesure de pouvoir apporter le co-financement complémentaire qui serait nécessaire. Or nous ne pouvons décevoir les élus qui se sont engagés dans le programme PVD, avec des projets dont le coût se chiffre en millions d'euros. L'effort financier que représente pour les collectivités le co-financement est un problème réel.
Vous êtes-vous adressés lors de vos auditions aux représentants des associations d'élus correspondant aux échelons régionaux et départementaux pour comprendre comment ils peuvent travailler sur des conventions pluriannuelles de financement, afin que le bloc communal puisse entreprendre des projets de long terme ?
M. Ronan Dantec. - Les propositions que vous formulez sont vraiment intéressantes, même si elles ne vont pas tout à fait au bout de la logique que vous avez développée. Il s'agit bel et bien de reconstruire la relation entre l'État et les territoires, sur le fondement de contrats de territoires intégrés, à rebours de la logique de saupoudrage qui prévaut actuellement et qui s'appuie sur le fonds vert et la multiplication des appels à projets.
Le programme PVD a été un signe fort pour les élus, qui leur a permis de montrer aux habitants qu'ils oeuvraient pour eux.
Continuons nos travaux pour définir un outil de contractualisation qui soit réellement intégrateur - je pense en particulier que le levier qui pourrait s'y prêter correspond aux contrats pour la réussite de la transition écologique (CRTE). Il faut travailler sur la contractualisation avec l'État, sur ce que ce dernier met en avant comme constituant des priorités - climat, cohésion sociale - et sur ses engagements, par exemple en matière d'accompagnement et d'ingénierie.
Les travaux menés par Mme Lavarde dans le cadre de la commission d'enquête sur les missions des agences, opérateurs et organismes consultatifs de l'État nous ont fait perdre beaucoup d'énergie et nous envoient dans la mauvaise direction.
Votre rapport d'information, quant à lui, va dans le bon sens. Il prend une autre direction, qui propose de disposer de moins d'agences, mais que celles-ci soient des structures spécialisées et qui puissent accompagner directement les collectivités territoriales. Le programme PVD ne peut fonctionner qu'en se reposant sur l'appui du seul préfet, il nécessite la mise à disposition d'une ingénierie spécifique. Allons donc dans votre sens pour définir la forme de contractualisation qui serait pertinente pour l'avenir, compte tenu des besoins en ingénierie et du contexte de raréfaction de l'argent public.
La question de l'adaptation au changement climatique et de ses coûts sera un élément important de la contractualisation, demain, entre les territoires et l'État.
Nous devons absolument préserver le fonds territorial climat, qui suit totalement la logique de votre réflexion. Dans ce cadre, à l'inverse de ce qui est actuellement le cas pour le fonds vert, ce seraient les intercommunalités qui feraient remonter les projets.
Ce rapport d'information formule beaucoup de bonnes idées. À condition de mettre de côté le dogmatisme ambiant concernant les agences, je suis convaincu que nous pourrions mettre sur la table un vrai projet collectif partagé qui puisse être audible pour l'État.
M. Hervé Gillé. - Je valide l'idée selon laquelle il faut mettre en avant la démarche « Territoires de demain ». J'estime que nous n'allons pas assez loin en matière de planification territoriale, afin que celle-ci soit vraiment aboutie. Les territoires s'organisent autour de pôles d'équilibre territorial et rural (PETR) et de syndicats mixtes de territoire. Dans l'idéal, quand ces PETR et syndicats mixtes sont porteurs de schémas de cohérence territoriale (Scot) intégrateurs, nous disposons alors d'une vraie vision de développement territorial.
Utiliser ces démarches claires de planification dans une perspective de développer le progrès dans les territoires est une vision tout à fait pertinente. Ainsi, nous replacerions dans la vision du territoire l'intérêt que représentent les pôles urbains et intermédiaires, autour d'une offre de services équilibrée. L'État ne prend pas assez ses responsabilités pour que la planification aboutisse. Il y a trop de trous dans la raquette : pas assez de PETR, de syndicats mixtes de territoires et de Scot. Pour ce qui concerne les plans locaux d'urbanisme (PLU) et les plans locaux d'urbanisme intercommunaux (PLUi), nous n'allons pas assez loin en matière d'outils d'organisation.
Il est possible de défendre la différenciation territoriale dans une approche commune de planification, mais ne faisons pas de la dentelle trop fine, au risque de créer de la confusion.
Grâce à ce rapport d'information, le débat est posé ; nous pourrons ainsi avancer.
M. Jean-Yves Roux. - Dans les Alpes-de-Haute-Provence, onze communes ont pu bénéficier du programme PVD, ce qui a lancé une véritable dynamique. Nous avons concrétisé des projets qui auraient été irréalisables pour de petites communes rurales sans l'appui du programme. Nous avons impulsé un élan qui a amélioré les conditions de vie des habitants de ces petites villes.
Je suis très favorable à ce rapport d'information et à ses recommandations.
M. Louis-Jean de Nicolaÿ, rapporteur. - L'important est bien que, au-delà du programme PVD, les territoires se prennent en main pour se projeter dans l'avenir : une communauté de communes, un PETR, un arrondissement, etc.
La question est de savoir comment contractualiser avec chaque partie prenante : l'État, mais aussi le département, la région, voire l'Union européenne. Il faudrait qu'après les élections municipales de 2026 les élus puissent se lancer dans ces nouvelles politiques publiques d'avenir - industrielle, économique, artisanale, protection du patrimoine, écologique... -, et ce, dès 2028, pour qu'à la fin de leur mandat leur travail issu du programme PVD se soit concrétisé.
Tous les élus souhaitent que l'ingénierie soit maintenue, notamment l'ingénierie publique.
Mme Nicole Bonnefoy, rapporteure. - Les communes qui ont ce label sont très fières d'avoir été retenues, elles qui se sentaient loin de tout, voire abandonnées. L'État, en apportant son aide, en particulier un chef de projet et une ingénierie publique, a joué son rôle : sans ingénierie, il n'y aurait pas de vision structurante, on ne ferait que du saupoudrage. Toutes les questions - urgence sociale et climatique, déprise commerciale, logement... - sont pensées de manière globale dans une logique d'avenir.
Les élus nous ont dit leur fierté de prendre part à ce programme, partagée avec les habitants.
Reste à mettre en oeuvre les projets et à trouver les financements nécessaires à leur déploiement. Ce programme mérite de perdurer au-delà de 2026. Ainsi, les communes bénéficiaires peuvent se projeter dans l'avenir. L'ingénierie publique locale est essentielle ; il faut la préserver et lui donner les moyens d'exister.
Les recommandations sont adoptées.
La commission adopte le rapport d'information et en autorise la publication.