B. FAIRE DE LA FRANCE UNE NATION ACTIVE ET SPORTIVE

7. Actualiser les données sur la sédentarité, l'activité physique, les temps passés devant les écrans et la condition physique des Français

Les enquêtes sur l'activité physique des Français, leur propension à la sédentarité et le temps passé devant les écrans sont anciennes. Ainsi, l'étude ESTEBAN sur le temps passé devant les écrans par les enfants et adolescents a été menée entre 2014 et 2016. De même, les avis de l'Anses relatifs à l'évaluation des risques liés aux niveaux d'activité physique et de sédentarité des enfants et des adolescents datent de 2016 et de 2020.

Il est donc urgent de disposer de données plus récentes à la fois sur le taux de sédentarité, sur l'activité physique et sur les temps passés devant les écrans. Leur actualisation régulière est nécessaire car elle permettra d'évaluer les politiques publiques engagées pour lutter contre la sédentarité et encourager l'activité physique. Il est donc indispensable d'investir financièrement, matériellement et humainement dans des enquêtes populationnelles sur ces thématiques pour obtenir des données actualisées.

Les données sur la condition physique des Français, en particulier des enfants, ne font pas non plus l'objet d'un suivi régulier. À la rentrée 2025, le Gouvernement a mis en place une évaluation des aptitudes physiques des élèves de 6e. Il serait pertinent de généraliser cette initiative aux enfants entrant en maternelle, au CP et au lycée. À l'instar du carnet de santé, un carnet d'activité physique devrait être institué pour tous les enfants afin de suivre leur appropriation de la littératie physique, mais également de pouvoir faire des comparaisons dans le temps et d'évaluer les politiques publiques en matière d'incitation à l'activité physique et leurs répercussions sur l'habileté motrice.

8. Faire de la prescription d'activité physique adaptée un axe majeur du traitement non médicamenteux des maladies chroniques et des troubles de santé mentale

La prévention secondaire vise à agir au tout début de la maladie afin d'en limiter l'évolution ou d'en faire disparaître les facteurs de risque. La prévention tertiaire consiste, lorsque la maladie est installée, à réduire l'aggravation, les complications, les invalidités et les rechutes.

Il existe un consensus scientifique sur le rôle de l'activité physique aussi bien en matière de prévention secondaire qu'en matière de prévention tertiaire. C'est la raison pour laquelle l'activité physique adaptée est considérée depuis 2016 comme une thérapie non médicamenteuse pour les patients atteints d'une affection de longue durée ou de pathologies chroniques.

Néanmoins, en pratique, l'activité physique adaptée peine à trouver sa place dans notre système de soins. Les obstacles sont nombreux et ont été répertoriés dans une étude mentionnée précédemment277(*) : méconnaissance persistante de l'impact de l'activité physique sur la santé par l'ensemble des professionnels de santé ; statut peu adapté des enseignants en activité physique adaptée qui ne sont pas reconnus comme auxiliaires médicaux ; situation financière fragile des maisons sport-santé en l'absence de financement de fonctionnement pérenne. Le non-remboursement des programmes d'activité physique adaptée à visée thérapeutique par l'assurance maladie est également considéré comme un frein au développement de cette thérapie non médicamenteuse.

Il convient donc de mettre l'activité physique adaptée au coeur de la stratégie de santé publique en levant systématiquement les obstacles cités précédemment. Cela passe par la formation et la sensibilisation des professionnels de santé, en particulier des médecins que la loi a autorisés depuis 2016 à prescrire de l'activité physique adaptée à visée thérapeutique ; la reconnaissance des enseignants en activité physique adaptée en tant qu'auxiliaires de santé ; la stabilité financière des maisons sport-santé. Le remboursement des programmes d'activité physique adaptée à visée thérapeutique par l'assurance maladie coûterait plusieurs milliards à court terme, mais il permettrait de faire des économies en réduisant les facteurs de risque liés à certaines maladies et en ralentissant, voire en empêchant leur aggravation. La Stratégie Nationale Sport-Santé 2025-2030 rappelle qu'une vingtaine d'expérimentations relevant de l'article 51 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 intègrent de l'APA dans le parcours de soins de maladies chroniques (maladies cardio-vasculaires, respiratoires, obésité, cancers). Certaines sont terminées et ont démontré leur efficacité. Plusieurs autres arrivent à échéance en 2025 et 2026. Une analyse économique des coûts-bénéfices de ces expérimentations doit être entreprise pour éclairer le législateur et lui permettre de prendre une décision fondée sur des données scientifiques, sans connotation morale278(*).

9. Promouvoir les recherches sur les modalités d'intervention pour réduire la sédentarité et encourager l'activité physique ainsi que sur la motivation et l'observance à long terme des stratégies mises en place

Les sciences de l'implémentation devraient jouer un rôle crucial dans la lutte contre la sédentarité et l'encouragement de l'exercice physique. Elles visent à identifier les obstacles et les facilitateurs à la réalisation d'une intervention complexe, à développer des stratégies d'implémentation, à adapter les interventions aux contextes locaux ainsi qu'à sensibiliser non seulement les professionnels de santé, mais également toutes les parties prenantes (politiques, administrations, etc.). Ces approches permettent de traduire les connaissances scientifiques en actions concrètes et efficaces pour promouvoir un mode de vie actif. Elles s'intéressent aux facteurs qui motivent les individus à pratiquer de l'activité physique et aux conditions qui favorisent l'observance à long terme des stratégies mises en place. Ainsi, les études scientifiques mettent toutes en avant l'importance des motivations intrinsèques comme le plaisir ou la compétence pour promouvoir l'activité physique. Pourtant, le discours des pouvoirs publics continue de mettre d'abord l'accent sur les bénéfices de l'activité physique sur la santé.

Les recherches dans le domaine des sciences de l'implémentation sont peu développées en France. Il convient donc de les promouvoir et d'assurer leur financement dans le cadre de la stratégie nationale sport-santé 2025-2030 en cours d'élaboration.

10. Redonner sens à l'activité physique au quotidien

Le slogan « 30 minutes d'activité par jour » a l'avantage d'être simple et de donner une marge d'action relativement large aux Français pour qu'ils puissent se l'approprier facilement. Néanmoins, notre environnement comme nos styles de vie laissent peu de place à l'activité physique et nous poussent à toujours plus de sédentarité. Une politique efficace de promotion de l'activité physique et de lutte contre la sédentarité ne peut donc pas reposer sur la seule sensibilisation des individus et leur responsabilisation pour adopter de nouveaux comportements.

Une réflexion holistique s'impose afin de redonner du sens à l'activité physique au quotidien à chaque étape de la vie, dans divers contextes (écoles, lieux de travail, Ehpad, etc.) et pour divers profils de personnes, en lien avec l'enjeu de réduction des inégalités sociales et territoriales de santé. Des actions ciblées doivent être envisagées selon les publics279(*) (enfants, adultes, personnes en situation de handicap, personnes âgées, etc.) qui ne pourront être efficaces que si les environnements sont également adaptés pour faire de l'activité physique une évidence.

De même, la lutte contre la sédentarité doit être pensée et intégrée dans l'organisation de la scolarité et du travail pour avoir un impact durable sur les comportements.

L'élaboration de telles stratégies dépasse largement l'objet du présent rapport. Elles concernent des secteurs aussi variés que l'aménagement du territoire, les transports, la santé, l'école, le monde du travail, les loisirs.

La stratégie nationale sport-santé mise en place en 2019 par les ministères chargés du sport et de la santé a comme objectif d'améliorer l'état de santé de la population en favorisant l'activité physique et sportive de chacun. Elle est toutefois conçue de façon trop sectorielle et faute de financements adéquats, aucune réforme structurelle ne peut être mise en oeuvre pour développer par exemple des infrastructures sportives, favoriser la mobilité douce ou encore aménager les villes afin de rendre l'activité physique agréable et pouvoir la pratiquer en sécurité.

Pourtant, la dégradation de la condition physique de nos concitoyens en raison de la sédentarité et du manque d'activité physique constitue une bombe à retardement pour nos finances publiques et notre système de santé qu'il convient de désamorcer au plus vite.

La Stratégie Nationale Sport-Santé 2025-2030 présentée le 5 septembre 2025 fixe une feuille de route articulée autour 12 mesures concrètes, pour lever les freins à la pratique sportive et accompagner chaque Français quels que soient son âge, son état de santé ou ses conditions de vie.

Elle devra être considérée comme l'une des politiques publiques prioritaires des prochaines années et portée au plus haut niveau de l'État. Pour être efficace, elle devra impliquer l'ensemble des ministères afin de mettre en oeuvre une politique coordonnée avec des objectifs chiffrés, un budget dédié et une évaluation régulière des actions entreprises. C'est à ces conditions qu'elle parviendra à faire de la France une nation compétitive, active et saine.


* 277 Rapport de la mission interministérielle sport-santé « Delandre » remis le 7 avril 2025.

* 278 Certains opposants au remboursement de l'activité physique adaptée par l'assurance maladie renvoient à la responsabilité individuelle des patients de prendre des dispositions favorables à leur santé. Dans ce cas, le même raisonnement devrait être appliqué au remboursement des médicaments dont l'effet est amoindri par des comportements à risques de la part des patients. Or, personne ne remet en cause le remboursement des prescriptions de médicaments.

* 279 Les recommandations du rapport Delandre peuvent servir de base à cette réflexion.

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