V. LES DIX RECOMMANDATIONS DE L'OFFICE

En conclusion de cette étude, l'Office formule deux grandes séries de recommandations : les premières visent à maintenir et accroître l'apport de la science au développement de la performance et de l'activité sportives, les secondes à encourager plus fortement la pratique sportive en France.

A. RENFORCER DURABLEMENT L'ACCOMPAGNEMENT SCIENTIFIQUE À LA PERFORMANCE ET À L'ACTIVITÉ SPORTIVES

1. Sanctuariser et élargir les programmes de recherche en lien avec le sport de très haut niveau tout en associant davantage les fédérations

L'accompagnement scientifique à la performance est devenu indispensable pour remporter les compétitions au plus haut niveau mondial. La France a pris du retard par rapport à certains pays comme les États-Unis, le Royaume-Uni ou encore l'Australie qui, depuis des décennies, intègrent la science dans leur stratégie sportive. Les jeux Olympiques et Paralympiques de Paris ont été l'occasion de renforcer la coopération entre la science et le sport de haut niveau. Il faut maintenant asseoir cette stratégie dans le temps.

Cet objectif implique de :

- garantir le financement du nouveau programme prioritaire de recherche de 20 millions d'euros annoncé en juillet 2025 pour préparer les jeux Olympiques d'été de 2028 à Los Angeles et les jeux Olympiques d'hiver de 2030 en France ;

- accorder le cas échéant la responsabilité scientifique des projets de recherche sélectionnés aux référents scientifiques des fédérations parties prenantes ; s'assurer que les fédérations impliquées pourront bénéficier de financements afin de couvrir les moyens humains et d'accompagnement qu'elles engagent ;

- financer des études scientifiques sur la physiologie des sportives et son impact sur la pratique et les performances sportives ;

- ouvrir les projets de recherche liés au sport aux appels à projet de l'Agence nationale de la recherche (ANR) en inscrivant le sport dans les thématiques transversales des appels à projets génériques annuels et en déclarant éligibles au financement de l'ANR les fédérations et les établissements appartenant au réseau du Grand Insep.

2. Renforcer l'expertise des fédérations et les moyens de l'Insep et de l'Agence nationale du sport

Les fédérations, le réseau Grand Insep et l'Agence nationale du sport sont les piliers du sport de haut niveau en France. Les fédérations sont responsables de la stratégie sportive dans leurs disciplines et de l'accompagnement de leurs athlètes. Elles sont toutes conscientes du rôle de la science sur l'amélioration des performances sportives même si la mise en pratique de cette stratégie varie selon les fédérations.

Pour accroître leur expertise, l'Office propose de :

- renforcer la formation scientifique des entraîneurs et des sportifs en encourageant l'acquisition de diplômes universitaires et la formation à la culture scientifique dans des parcours professionnalisants ;

- renforcer la légitimité des référents scientifiques au sein des fédérations en précisant leurs tâches et les compétences requises dans des fiches de poste ; mentionner explicitement le rôle et l'implication attendus du référent scientifique dans le cadre des projets de performance fédéraux ;

- faciliter le recrutement de doctorants dans les fédérations en augmentant le nombre de bourses Cifre ;

- augmenter le plafond d'emplois de l'Insep et de l'ANS pour tenir compte de l'apparition de nouveaux métiers (sport data scientists) et pour renforcer leurs fonctions d'accompagnement scientifique à la performance272(*).

3. Charger l'Agence nationale du sport de représenter l'ensemble des fédérations et des clubs sportifs dans les relations avec les fournisseurs de données afin de peser dans les négociations sur les aspects techniques et de souveraineté des données relatives aux sportifs français

De plus en plus de données sont produites et traitées dans le domaine du sport, soulevant à la fois des enjeux de souveraineté et des enjeux techniques liés au traitement de ces données. L'Insep et les fédérations sportives sont des clients relativement modestes des grandes entreprises, le plus souvent étrangères, qui fournissent et hébergent les données. La récupération des données brutes auprès des fournisseurs constitue un véritable enjeu mais ceux-ci y sont réticents car cela permettrait de mettre à jour les algorithmes utilisés pour leur traitement. Néanmoins, le recueil des données brutes est indispensable pour vérifier que les données traitées ne sont pas même involontairement biaisées, voire faussées. Il existe en outre un risque de confidentialité pour des données exploitées par des entreprises américaines, australiennes ou britanniques.

Pour remédier à ces difficultés, il serait judicieux de mettre fin à la fragmentation des marchés de données, chaque fédération négociant actuellement de son côté avec les fournisseurs de données, et de confier à une entité nationale comme l'Agence nationale du sport la représentation de l'ensemble des fédérations et clubs sportifs dans les relations avec les fournisseurs de données, à l'instar de ce que font UK Sport ou Team USA.

4. Veiller à ce que l'esprit de la loi Jardé relative aux recherches impliquant la personne humaine soit respecté

La loi Jardé clarifie les règles applicables aux recherches pratiquées sur l'être humain en fonction de leur niveau de risque et du degré d'intervention sur les personnes. Les comités de protection des personnes (CPP) sont chargés de vérifier que les projets de recherche respectent un certain nombre de critères médicaux, techniques et juridiques afin d'assurer la protection des personnes.

Dans le domaine des sciences du sport, les projets de recherche ne présentent généralement pas le même degré d'intervention sur les personnes que les projets en recherche clinique. Il conviendrait donc que les CPP adaptent leurs contrôles à la nature de ces projets et veillent à l'homogénéisation de leurs décisions dans le respect de l'esprit de la loi Jardé.

5. Faire de la prévention des commotions cérébrales et du coup de chaleur d'exercice des priorités de santé publique

Les commotions cérébrales restent encore mal connues dans le sport de haut niveau et dans le sport amateur en France, en dépit des efforts croissants de sensibilisation de la part des fédérations. Aussi, plusieurs mesures doivent être mises en oeuvre pour les prévenir ainsi que leurs conséquences à long terme :

- financer des études longitudinales sur le suivi des sportifs professionnels afin de disposer d'indicateurs chiffrés sur leur incidence et leurs effets à long terme en matière de santé ;

- enrichir le système de surveillance vidéo des joueurs du rugby avec l'intelligence artificielle afin de repérer les situations à risque et les attitudes déviantes de certains joueurs même en l'absence de commotions cérébrales que l'arbitre pourrait sanctionner. Cette surveillance vidéo des joueurs pourrait être étendue à d'autres disciplines sportives (handball, basket-ball, judo) ;

- prévoir des sanctions plus sévères dans tous les sports de contact pour lesquels certains comportements de jeu sont susceptibles d'entraîner des commotions cérébrales. L'exclusion par exemple de deux minutes du joueur de handball qui tire dans la tête du gardien introduite en 2022 n'est pas suffisamment dissuasive ;

- s'assurer que les protège-dents connectés imposés par World Rugby depuis 2023 pour détecter les impacts à la tête remplissent correctement leur fonction première de protection contre les chocs. ;

- engager au niveau international une réflexion sur l'homogénéisation des gabarits en fonction des postes au rugby pour renforcer l'efficacité de la prévention des commotions cérébrales ;

- renforcer la sensibilisation des joueurs amateurs ;

- au rugby, interdire les plaquages et les chocs répétés lors des rucks pour les joueurs de moins de 15 ans ;

- s'aligner sur les pratiques en vigueur aux États-Unis, en Angleterre et en Irlande interdisant au football les jeux de tête pour les enfants avant l'âge de 11 ans. L'apprentissage de la technique du jeu de tête doit faire l'objet de consignes au niveau national afin notamment de l'accompagner d'exercices visant à renforcer les muscles de la nuque. La taille et la pression des ballons utilisés doivent être modifiées. L'utilisation de balles en mousse pour l'apprentissage des têtes au football doit être privilégiée ;

- encourager les recherches sur le coup de chaleur d'exercice, pathologie largement sous-estimée aussi bien par le milieu médical que par le milieu sportif. Les recherches doivent être amplifiées pour connaître les mécanismes physiologiques en cause et améliorer l'efficacité de sa prise en charge. Parallèlement, le coup de chaleur d'exercice doit faire l'objet de campagnes de sensibilisation auprès des sportifs et des équipes médicales.

6. Réglementer la préparation mentale dans le sport et rationaliser les diplômes des préparateurs physiques

Les préparateurs physiques et mentaux jouent un rôle déterminant dans l'amélioration des performances des sportifs de haut niveau. Pourtant, ces professions ne sont pas clairement identifiées et restent confrontées à la multiplication de pratiques pseudo-scientifiques qui non seulement nuisent à la crédibilité de ces métiers, mais peuvent mettre en danger les athlètes. Il faut donc structurer ces professions. Il est proposé d'instaurer un cadre commun de connaissances qui s'appuierait sur la formation Staps « Entraînement et optimisation de la performance sportive » pour les futurs préparateurs physiques et préparateurs mentaux.

Dans l'attente d'une réglementation des compétences et des diplômes requis pour les métiers de préparateur physique et de préparateur mental, le développement de labels par les fédérations et l'Insep devrait être encouragé afin de garantir la qualité des prestations des préparateurs physiques et des préparateurs mentaux en activité.

En ce qui concerne le métier de préparateur physique, il est proposé la mise en place d'une carte professionnelle dédiée aux fonctions support de l'encadrement sportif avec mention spécifique préparation physique, distincte des 80 diplômes et brevets existants dont les intitulés utilisent pourtant des termes en rapport avec la préparation physique (conduite de séances de préparation physique sportive, développement et maintien des capacités physiques, musculation éducative, sportive et d'entretien, etc.). Cette carte professionnelle doit sanctionner des connaissances et des compétences spécifiques273(*). Par ailleurs, le préparateur physique doit également être un entraîneur, ce qui suppose l'obtention du Diplôme d'État de la jeunesse, de l'éducation populaire et du sport (DEJEPS)274(*).

Le métier de préparateur mental doit également être réglementé. Un groupe de travail créé en 2022 et piloté conjointement par la Société française de psychologie du sport, l'Association nationale représentative des jeunes du champ du sport et de l'association ainsi que la Conférence des directeurs et directrices en Staps a publié 15 préconisations275(*) dont l'Office considère qu'elles méritent d'être reprises par les pouvoirs publics.

Elles répondent à une double exigence : reconnaître la richesse et la diversité des pratiques existantes, tout en construisant un cadre commun, lisible, rigoureux et protecteur pour les entraîneurs et les sportifs.

Parmi les propositions avancées figure la création d'un titre professionnel inscrit au répertoire national des certifications professionnelles conditionnant l'exercice de la profession. L'accès au métier de préparateur mental serait réservé aux personnes justifiant d'une formation master276(*) intégrant un socle disciplinaire en psychologie du sport et d'un stage long débouchant sur un mémoire professionnel. Avant de pouvoir exercer, un minimum de 300 heures de pratique et de 20 heures de supervision par un professionnel serait exigé.

Des dispositions transitoires pour les professionnels déjà en activité seraient envisagées visant soit à leur permettre de se mettre en conformité à travers un titre provisoire, soit à poursuivre leur activité sans formation complémentaire à partir d'une certaine ancienneté.

Enfin, à l'instar de ce qui est proposé pour les préparateurs physiques, les préparateurs mentaux feraient désormais l'objet d'un statut professionnel à travers la création d'une carte professionnelle dédiée aux fonctions support de l'encadrement sportif avec mention spécifique préparation mentale.


* 272 Actuellement, une seule personne à l'Insep est chargée de l'animation du réseau national des référents scientifiques, ce qui est largement insuffisant. La mise en place du Sport data hub par l'Agence nationale du sport va également nécessiter l'embauche de personnels supplémentaires.

* 273 Telles que : maîtriser les données fondamentales de la physiologie de l'exercice, connaître les particularités de l'évolution des capacités physiques dans le temps en fonction de l'âge et du genre, être capable de gérer les fondements méthodologiques de l'entraînement, maîtriser les outils technologiques, connaître les techniques de renforcement musculaire, maîtriser les techniques de récupération du sportif, être capable d'assurer les conditions de ré-athlétisation en lien avec l'équipe médicale, être capable d'expliquer et de démontrer des réalisations techniques, etc.

* 274 Ou encore la licence Staps spécialité Entraînement sportif.

* 275 Cf. Réglementation de la préparation mentale dans le sport. Préconisations du Comité national des préparateurs mentaux (CNPM).

* 276 Soit un master Staps EOPS spécialisé en psychologie du sport, soit un master EOPS associé à un diplôme universitaire en psychologie du sport, soit un master en psychologie combiné à un diplôme universitaire en psychologie du sport.

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