Rapport d'information n° 44 (1995-1996) de MM. Louis MINETTI et Marcel BONY , fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 26 octobre 1995

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N ° 4 4

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996


Annexe au procès-verbal de la séance du 26 octobre 1996.

RAPPORT D'INFORMATIONS

FAIT

au nom de la commission des Affaires économiques et du Plan (1) à la suite d'une mission effectuée sur la situation économique en Norvège, Suède et Finlande,

Par MM. Louis MINETTI et Marcel BONY,

Sénateurs.

(1) Cette commission est composée de MM. Jean François-Poncet, président ; Gérard Larcher, Henri Revol, Jean Huchon, Fcrnand Tardy, vice-présidents : Gérard César, William Chervy, Jean-Paul Émin, Louis Minetti, Louis Moinard, secrétaires : Louis Althapé, Alphonse Arzel, Mme Janine Bardou, MM. Bernard Barraux, Michel Bécot, Georges Berchet, Jean Besson, Claude Billard, Marcel Bony, Jean Boyer, Jacques Braconnier, Gérard Braun, Dominique Braye, Raymond Cayrel, Michel Charzat, Marcel-Pierre Cleach, Roland Courteau, Désiré Debavelaere, Gérard Delfau, Fernand Demilly, Marcel Deneux, Rodolphe Désiré, Jacques Dominati, Michel Doublet, Mme Josette Durrieu, MM. Bernard Dussaut, Jean-Paul Émorine, Léon Fatous, Philippe François, Aubert Garcia, François Gerbaud, Charles Ginésy, Jean Grandon, Francis Grignon, Georges Gruillot, Claude Haut, Mme Anne Heinis, MM. Pierre Hérisson, Rémi Herment, Bernard Hugo, Roger Husson, Bernard Joly, Edmond Lauret, Jean-François Le Grand, Félix Leyzour, Kléber Malécot, Jacques de Menou, Louis Mercier, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Jean-Marc Pastor, Jean Pépin, Daniel Percheron, Jean Peyrafitte, Alain Pluchet, Jean Pourchet, Paul Raoult, Jean-Marie Rausch, Charles Revet, Roger Rigaudière, Roger Rinchet, Jean-Jacques Robert, Jacques Rocca Serra, Josselin de Rohan, René Rouquet, Raymond Soucaret, Michel Souplet, Jacques Sourdille, André Vallet.

La délégation était composée de MM. Francisque Collomb, président, Marcel Bony, Maurice Lombard (2) . Louis Minetti, Jean Roger.

(2) M. Maurice Lombard appartient à la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées, depuis le 4 octobre 1995

Pays nordiques. - Finlande - Norvège - Suède - Rapports d'information

AVANT-PROPOS

Mesdames. Messieurs.

Depuis deux années, le Sénat n'avait pas envoyé de mission dans les pays nordiques. Il faut, en effet, remonter à 1993 pour trouver trace de travaux de deux des commissions permanentes de notre Haute Assemblée relatifs à cette zone géographique 1 ( * ) .

L'adhésion de la Suède et de la Finlande à l'Union européenne, officiellement intervenue au 1er janvier 1995, le refus d'adhésion manifesté par la Norvège, à la suite du référendum du 28 novembre 1994, ont substantiellement modifié le paysage géo-politique dans cette zone.

Cette évolution a incité la Commission des Affaires économiques du Sénat à envoyer une mission d'information dans ces trois pays dans le but d'y étudier les premiers effets économiques de l'adhésion ou de la non adhésion de ceux-ci à l'Union européenne.

La Mission s'est déroulée du 7 au 15 septembre 1995. On trouvera, en annexe du présent rapport, la liste des personnalités rencontrées.

Les membres de la Mission soulignent la cordialité et la qualité de l'accueil qu'ils ont reçu dans chaque pays en dépit d'une conjoncture délicate à certains égards. Ils tiennent à remercier tous leurs interlocuteurs.

PREMIÈRE PARTIE - LA NORVÈGE OU LA NOUVELLE TENTATION DU « GRAND LARGE »

Premier des pays visités par notre Mission, la Norvège se trouve actuellement dans une situation géopolitique atypique du fait de son refus d'adhérer à l'Union européenne, manifesté par le NON au référendum du 28 novembre 1994.

Sur le plan géographique, la Norvège couvre 386.958 kilomètres carrés. Sa population atteint 4,3 millions d'habitants. La densité théorique de population est de 13 habitants au kilomètre carré mais, en fait, la population est concentrée sur la côte occidentale et la partie méridionale. Les conditions climatiques dues à la proximité du cercle polaire sont, en dépit du Gulf stream, assez rudes. En juin 1995, des inondations exceptionnelles ont entraîné l'évacuation de plus de 4.000 personnes au nord et à l'est de la capitale, Oslo.

Sur le plan politique et institutionnel, la Norvège est, depuis 1905 -date de la séparation d'avec la Suède- une monarchie constitutionnelle et parlementaire 2 ( * ) . Le pouvoir est détenu par le Premier ministre 3 ( * ) , responsable devant le Parlement. Le Parlement, ou « Storting », est composé de 165 membres élus pour quatre ans au suffrage universel direct. Les élections législatives de septembre 1993 ont donné une majorité sociale-démocrate.

I. LE CADRE ÉCONOMIQUE GÉNÉRAL : LA NORVÈGE N'A PAS CONNU DE CRISE DANS LA PÉRIODE RÉCENTE

Depuis la seconde guerre mondiale, la Norvège a connu une croissance annuelle moyenne de 3,9 % mesurée à prix constants. Selon les critères internationaux tenant compte des revenus, du niveau d'éducation et de l'espérance de vie, la Norvège se classe au troisième rang dans le monde pour le développement. Le produit national brut par habitant était de 26.320 dollars en 1992. Les bases de cette prospérité sont d'abondantes ressources naturelles, un taux de scolarisation élevé, une situation politique stable, des organisations patronales et syndicales responsables.

L'économie norvégienne présente des signes évidents de santé. Après plusieurs années de stagnation, le produit national brut a connu une progression sensible. Le taux de croissance, avec plus de 5 % en 1994 -soit l'un des taux les plus élevés en Europe- a doublé par rapport à 1993. Pour 1995, une croissance de l'ordre de 4,8 % est attendue.

L'amélioration de la conjoncture intérieure se traduit, en particulier, par une reprise du marché immobilier et une baisse du nombre de faillites, ainsi qu'une poursuite de la hausse de la bourse. Quant à la consommation privée, qui avait progressé de 1,7 % en 1993, elle a crû de 4,4 % en 1994.

* Prévisions du Bureau central des Statistiques.

(1) (Excédent si positif) Sécurité sociale incluse, avant transactions financières.

Sources : Bureau Central des Statistiques (SSB). Budget National 1994, projet de budget 1993
et Norges Bank.

La dette extérieure est faible et les excédents de la balance des paiements permettent de la rembourser. La dette représentait 4,25 milliards de couronnes soit 5,5 % du produit national brut en 1993. Elle tend vers zéro en 1995. La monnaie nationale est la couronne qui vaut en moyenne 0,80 francs en 1995.

Les secousses monétaires de l'automne 1992 qui ont affecté les autres pays nordiques ont entraîné, en décembre 1992, un décrochement de la couronne norvégienne par rapport à l'ÉCU. Sa dépréciation n'a toutefois pas excédé 3,5 % tandis que le réaménagement du système monétaire européen du 2 août 1993 a suscité, en retour, une légère appréciation de la monnaie. En 1994, le marché des changes est resté calme et la politique monétaire actuelle vise au maintien d'une parité stable de la couronne par rapport aux monnaies des principaux partenaires.

Cette évolution ne s'est accompagnée que d'une faible tendance inflationniste (1,4 % en 1994, contre 1,9 % en 1993), soit le niveau d'inflation le plus bas depuis de nombreuses années. Les taux d'intérêt sont restés à un niveau inférieur à la moyenne européenne et n'ont pas été affectés de manière significative par l'échec du référendum d'adhésion. La hausse de 22 % à 23 % du taux de la TVA a fait grimper l'indice des prix de 0,5 point en 1995. L'inflation pourrait atteindre 2,6 % en 1995 mais retomberait à 2 % dès 1996.

Le déficit budgétaire est passé à 20,8 milliards de couronnes en 1994, soit 2,8 % du produit national brut. Il était de 43,8 milliards de couronnes en 1993. En 1995, la situation est si favorable que la Norvège jouit d'un excédent de 2 % par rapport aux critères de convergence définis par le traité de Maastricht pour le rapport entre le solde budgétaire et le produit intérieur brut.

L'emploi, à la différence de la Suède et de la Finlande, est relativement préservé , avec un taux de chômage de 5.5 % en 1995, soit un niveau assez faible comparé aux taux européens. Les revenus pétroliers ont, en effet, permis à l'État de nombreuses créations d'emplois dans le secteur public.

En résumé, s'il se trouve encore des gens pour considérer -non sans dédain- la Norvège comme une « principauté » habitée par des citoyens « vêtus de gros tricots et chaussés de sabots » 4 ( * ) , ceux-ci se trompent grandement : la Norvège est désormais un pays riche, développé et sûr de son avenir au point de proposer son modèle à l'Europe 5 ( * ) .

II. LES SECTEURS DE L'ÉCONOMIE

La Norvège reste une puissance maritime (troisième marine marchande du monde) une puissance halieutique (trente cinq fois les prises de pêche par habitant comparées à celles de la France), et surtout une puissance minière offshore de premier plan.

Bon nombre de commentateurs opposent l'économie « offshore », très brillante, à l'économie norvégienne continentale, moins florissante. En fait, ces ressources « offshore » ont surtout permis à la Norvège de ne jamais connaître de crise économique dans les années récentes.

A. L'AGRICULTURE ET LA PÊCHE


• L'agriculture
emploie 6,5 % de la population active norvégienne et contribue à la formation de 2,9 % du produit national brut. Bien que les terres cultivées ne représentent que 3 % du territoire norvégien (contre 35 % en France), le secteur primaire norvégien est équilibré.

L'agriculture est maintenue sur les plateaux au Nord de la Norvège avec des aides publiques très supérieures à la valeur des productions. Par là s'exprime la volonté de maintenir une présence humaine témoin du passé, sorte de « musée » de la société norvégienne du début du siècle. Certes, les ressources énergétiques permettent ce défi à la rationalité économique, mais nombre de responsables s'interrogent à cet égard.

En outre, la Norvège a obtenu, dans le cadre des négociations du GATT, que son agriculture soit intégralement mise à l'abri. Ce fait constitue, pour un pays comme le nôtre, un sujet de méditation.


• Le secteur du bois est assez actif. Les coupes portaient sur 10,99 millions de mitres cubes en 1991 (France 45,0 millions de mitres cubes) soit 2,5 m3 par habitant (France 0,80 m3/hab), mais la Norvège ne réalisait que le cinquième de la production suédoise et le tiers de celle de la Finlande.

Les cultures sont, par ordre d'importance des surfaces cultivées, l'orge (20 % des terres cultivées) suivi de l'avoine (13 %) et enfin du blé (6 %). La production végétale représente, comme l'élevage, 1,5 % du produit national brut.

L'élevage concernait 1,01 million de bovins en 1992, soit 1,6 fois moins que la France par rapport à la population, mais 2,2 millions d'ovins, soit trois fois la proportion française.


• La pêche avec 2,10 millions de tonnes prises en 1991, soit 487 kg par habitant (France 14 kg/hab), faisait de la Norvège le 12 ème pays du monde pour les captures et le quatrième pour les captures par habitant, mais le poisson est parfois de moindre qualité.

La pêche assure environ 0,6 % du PNB norvégien. Elle est renforcée par le rapide essor de l'industrie piscicole . Les producteurs norvégiens sont cependant axés sur des produits bruts et se livrent peu à la transformation.

L'élevage du saumon dégage un produit de 8 milliards de couronnes norvégiennes. La production est réalisée en eau de mer non polluée, à base de produits nutritifs naturels (farines de poisson, colorants). 90 millions d'alevins devraient être élevés, à cette fin, en 1995.

À Stavanger, la Mission a pu visiter la société SKRETTING, qui appartient au groupe Nutreco, créé en 1994 et emploie 5.700 salariés pour un chiffre d'affaires de 2,3 milliards de couronnes norvégiennes, dont 1,11 milliard dû à Skretting. Skretting est le deuxième producteur saumonier du monde. Cette société produit 200.000 tonnes de nourriture pour poisson et 207.000 tonnes de saumon par an. Elle consacre 50 millions de couronnes norvégiennes à la recherche.

B. L'INDUSTRIE

L'industrie et les mines emploient 24,8 % de la population active, Elles contribuent à la formation de 17,2 % de produit national brut.

La croissance industrielle a enregistré, en 1994, son meilleur résultat (+ 6 %) depuis vingt ans

L'industrie norvégienne est surtout une industrie de « créneaux », fortement spécialisés.

1. La construction navale

La construction navale constitue un des secteurs forts de l'industrie norvégienne.

Les chantiers ont obtenu des commandes de 52 navires d'une valeur totale d'environ 8 milliards de couronnes au cours des treize derniers mois. Fin 1994, le carnet norvégien de commandes totalisait 11,9 milliards de couronnes.

Les commandes du seul chantier Kvaemer s'élèvent à 12 navires et 40 milliards de couronnes norvégiennes pour les trois prochaines années.

Ce succès est dû à une gestion rigoureuse des coûts salariaux. La semaine de travail est de quarante heures dans les chantiers navals norvégiens. L'ouvrier reçoit un salaire mensuel de l'ordre de 10.000 francs. La moindre consommation d'alcool au travail est justiciable d'un licenciement.

2. Les industries mécaniques

Certaines entreprises mécaniques norvégiennes ont su occuper des segments du marché.

Au cours de son déplacement à Stavanger, la Mission a pu visiter la société Kverneland. Fondée en 1879, la société Kverneland a conservé un caractère familial jusqu'en 1983. Cotée en bourse, son capital est désormais contrôlé par des banques et des fonds de pension. Orientée, depuis les années I9S0, vers un marché européen très concurrencé, la société a connu le déclin de 1990 à 1993. Depuis 1994, sa croissance est. en revanche, remarquable avec un chiffre d'affaires de 102 millions de couronnes norvégiennes. Kverneland détient le quart du marché européen des charrues et 40 % du marché mondial de l'emballage des meules. Le groupe Kverneland possède des sociétés intégrées en Europe occidentale et au Canada. La production est réalisée pour 30 % en Allemagne. 19 % en Italie et 18 % en France où le groupe possède une usine à Château-Thierry qui compte 42 emplois.

3. L'énergie : base de la puissance norvégienne


• La réussite économique norvégienne est largement due à ses performances dans le secteur des hydrocarbures
qui lui assurent 16,3 % de son PNB. L'augmentation de 13 % de la production pétrolière, l'évolution du prix du baril en 1994, les retombées économiques des investissements pétroliers importants de 1993 à 1994 et l'augmentation significative des ventes de pétrole et de gaz sont autant de facteurs positifs qui ont contribué aux bons résultats enregistrés.

Ainsi, alors que le prix moyen de production du pétrole en mer du Nord est de 16 à 17 dollars le baril, la Norvège parvient à produire à 10 dollars le baril. Mais on peut s'attendre à une baisse générale des coûts de production.

La Norvège est le 8ème producteur mondial de pétrole avec 112 millions de tonnes extraites en 1993. Elle possédait des réserves évaluées à 1.267 millions de tonnes au début de 1994.

Les investissements dans le secteur pétrolier ont atteint 50 milliards de couronnes en 1994 (+ 9 % par rapport à 1993). 78 plates-formes pétrolières sont en activité dont 14 sous pavillon norvégien.

Les réserves de gaz naturel placent la Norvège au quatorzième rang dans le monde et lui garantissent une présence sur le marché mondial au XXl ème siècle. La production a été de 27 milliards de mètres cubes en 1993 et devrait s'accroître du fait du nouveau gisement de Troll.

La Norvège a, jusqu'à présent, pris le parti d'être un producteur de ressources avant tout. Elle ne s'est que peu orientée vers la transformation de ces ressources, à l'exception d'une usine Statoil de méthanol actuellement en chantier.


• L'hydroélectricité couvre 100 % de l'électricité consommée. L'industrie hydro-électrique assurait 3,6 % du PNB en 1992.

C. LES SERVICES

Les services emploient 68,7 % de la population active norvégienne et contribuent à la formation de 55.8 % du produit national brut.

La recherche dispose d'une place non négligeable en Norvège. Les centres universitaires sont concentrés à Oslo, Stavanger. Bergen, Trondheim et Tromsö.

À Stavanger, la Mission a pu s'entretenir avec les dirigeants de l'Institut de recherche du Rogaland. Le Rogaland est la première région norvégienne pour le développement par tête d'habitant. Employant 248 chercheurs dont soixante-dix en cours de rédaction d'une thèse, l'Institut du Rogaland a une vocation poly-scientifique. Doté de capitaux privés mais bénéficiant, pour 6 % de son budget, d'une subvention du ministère norvégien de la recherche scientifique, l'Institut a réalisé un chiffre d'affaires de 162 millions de couronnes norvégiennes en 1994. L'Institut est spécialisé dans les recherches marines et énergétiques. Il entretient des relations étroites au sein de l'Union européenne et dispose d'un correspondant auprès des institutions européennes à Bruxelles.

D. LE COMMERCE EXTÉRIEUR

1. Des résultats positifs

La balance agricole norvégienne, pêche et bois compris, est excédentaire. Elle était de 1,75 milliards de dollars en 1992 (dernier chiffre connu), soit 1,6 % du produit national brut.

La balance commerciale est, elle aussi, excédentaire (8,9 milliards de dollars en 1993). Les premiers partenaires commerciaux pour les marchandises sont : le Royaume-Uni (18,5 %), l'Allemagne (14,3 %), la Suède (12,4 %), les États-Unis (6,6 %), la France (6,5 %).

À la différence de nombreux autres pays occidentaux, la Norvège dispose d'une balance des paiements courants nettement positive (27 milliards de couronnes en 1994, contre 17 en 1993), grâce à l'accroissement de sa production pétrolière. Le pays a donc pu se permettre de réduire son endettement extérieur qui -cela mérite d'être souligné- ne représentait plus, en 1994, que 5,5 % du produit national brut.

2. Une flotte de commerce puissante

La Norvège possède une flotte qui représente plus de 5 % du total international. Mais alors que le flotte mondiale s'est accrue de 10 % en cinq ans. la flotte norvégienne conserve un tonnage à peu près stable. La flotte marchande est passée de 1.385 navires et 47,9 millions de tonneaux (Mtpl) à 1.381 unités et 47,2 Mtpl au cours du premier trimestre de 1995.

Parmi ces dernières, 254 de 2,3 Mtpl étaient immatriculées au registre ordinaire, 751 de 31,3 Mtpl à l'étranger. La flotte sous pavillon national, évaluée à 12,2 milliards de dollars, se trouve au sixième rang mondial avec 1.147 navires de 32 Mtpl derrière Panama, le Libéria, la Grèce. Chypre et les Bahamas. Celle appartenant a des intérêts norvégiens mais sous pavillons étrangers est évaluée 5.395 milliards de dollars. Il convient d'ajouter la flotte de plates-formes de forage et d'habitation estimée à 2,18 milliards de dollars. 58 plates-formes sont immatriculées à l'étranger.

Force est de constater que la Norvège n'a pu se conserver une marine marchande nationale qu'au prix de ce qu'il faut bien appeler une capitulation syndicale . Il convient de savoir que les équipages des navires norvégiens sont constitués, pour l'essentiel, de marins originaires des pays du tiers-monde, à l'exception des officiers. Bien plus, un accord existe pour les navires effectuant de la navigation domestique : chaque embauche de marin étranger est assortie du versement d'une contribution aux organisations syndicales.

Enfin, si les activités de courtage ont été stimulées en Norvège, les délocalisations vers l'étranger (Bermudes, Singapour voire Londres) de sièges sociaux d'entreprises norvégiennes d'armement maritime se multiplient à tel point qu'une exonération d'impôt leur est accordée par la Norvège depuis la fin de 1993.

3. Les relations économiques franco-norvégiennes

Dans les échanges commerciaux entre la Norvège et la France, le pétrole et le gaz naturel représentent 66 % de nos achats et nos ventes restent, en grande partie, dépendantes des contrats remportés dans le secteur des hydrocarbures.

En dehors du secteur pétrolier, notre présence en Norvège est modeste , même, si à présent, les entreprises françaises s'intéressent plus que par le passé aux possibilités offertes par les grands contrats norvégiens.


• Situation de nos échanges

Le poste des hydrocarbures, qui couvre les deux tiers de nos achats, explique, à lui seul, le caractère structurel de notre déficit . Malgré un léger recul en 1993, notre déficit commercial avec la Norvège demeure important : 12 milliards de francs et un taux de couverture de 39 % en 1994. Il constitue notre 3ème plus gros déficit au niveau mondial, même si le solde de nos échanges hors pétrole est excédentaire d'environ un milliard de francs. La Norvège couvre environ 9 % de nos importations en pétrole et devrait confirmer dans les années à venir sa place prééminente de fournisseur de gaz (à ce jour. 20 % de nos importations de gaz proviennent de ce pays). En 2005, près du tiers du gaz norvégien pourrait être exporté vers la France.

À la faiblesse structurelle de nos exportations dont le volume est largement dépendant des gros contrats de fourniture pour le secteur pétrolier, les Norvégiens opposent des exportations toujours plus importantes de gaz naturel et de pétrole brut. La France est le deuxième client de la Norvège pour le gaz et le quatrième client pour le pétrole brut. La position d'Oslo en la matière se renforce encore avec la réalisation, à compter d'octobre 1993, de la première phase des Accords de Troll de décembre 1986. Dans le cadre de ces accords. Gaz de France a signé, en juin 1994, un nouveau contrat prévoyant la livraison, à partir de 1996, de 4 milliards de mètres cubes de gaz par an sur une période de 20 ans.

Un nouveau pipe-line -le Norfra- amènera prochainement en France le gaz norvégien. Du côté français, le programme d'investissement établi par Gaz de France est estimé à plus d'un milliard de francs. Il comprend deux stations de comptage et de compression dans la zone portuaire de Dunkerque et des canalisations qui apporteront, sur deux-cents kilomètres, le gaz au réservoir souterrain de Gournay-sous-Aronde.

Nous sommes également devenus, en 1994, les premiers clients de la Norvège pour les produits de la pêche (1,6 milliard de francs d'achats).

Nos ventes sont très largement ventilées, sans qu'aucun secteur ne soit réellement prépondérant. Sème client de la Norvège, nous n'en sommes que le 7ème fournisseur, loin derrière la Suède, l'Allemagne, la Grande-Bretagne, les États-Unis, le Japon et le Danemark, dont la part de marché évolue entre 14,2 et 7,4 %. En l'absence de perspectives réelles d'augmentation importante de nos ventes, l'objectif affiché réside dans le maintien autour de 4 % de parts de marchés.

PRINCIPALES EXPORTATIONS FRANÇAISES
(millions de couronnes norvégiennes)

La bonne tenue de la chimie et des industries électriques et électroniques et l'excellent retour de nos constructeurs automobiles constituent des points positifs. Les résultats de 1994 confirment la progression de nos ventes dans les secteurs où notre présence est active : automobile (+ 95 %), agro-alimentaire (+ 22 %), chimie (+ 10 %).

La présence économique de la France en Norvège se situe à un rang honorable, avec 98 implantations françaises, dont 65 contrôlées à 100 %. Notre place de 3ème investisseur (12 % des capitaux investis) -loin, il est vrai, derrière les États-Unis et la Suède- est due à l'importance de la présence de la France dans les secteurs pétroliers et parapétroliers, à travers les compagnies Elf et Total. À l'occasion du 14ème tour (round) d'attribution de licences d'exploitation pétrolières, en septembre 1993, les deux compagnies se sont vu servir de façon relativement satisfaisante, même si ce sont les entreprises norvégiennes qui ont obtenu l'exploitation des champs a priori les plus prometteurs.

La Mission a rencontré, à Stavanger, les dirigeants de la société Elf petroleum Norge, filiale du groupe Elf, présente en Norvège, depuis 1965, et qui exploite principalement le gisement de Frigg. Cette société s'interroge sur son rôle d'opérateur à long terme et cherche à le conforter dans la perspective du I5ème tour d'attribution qui devrait être conclu à la fin de 1995.

Total privilégie, pour sa part, les prises de participation financière dans les champs pétrolifères.

Les entreprises françaises, dans les autres secteurs manquent trop souvent, selon les experts, du dynamisme nécessaire sur le marché norvégien, de taille limitée et fortement protégé . Ce manque d'intérêt est d'autant plus regrettable que d'autres pays n'hésitent pas à intensifier leurs efforts pour prendre place sur ce marché.

Jusqu'à présent, les sociétés françaises ont remporté peu de contrats importants en Norvège continentale (hors secteur pétrolier). Plusieurs grands dossiers en cours sont actuellement suivis avec attention par les entreprises, telles le groupe GEC-Alsthom, notamment la construction du nouvel aéroport international d'Oslo et la rénovation du réseau ferroviaire, qui devront, toutefois, faire face à une importante concurrence allemande et suédoise.

Dans le secteur des chantiers navals, le groupe américano-norvégien RCCL a passé commande de deux nouveaux navires de croisière aux chantiers de l'Atlantique à Saint-Nazaire : le montant de la commande est estimé à 3,5 milliards de francs.

À l'occasion de sa visite, en janvier 1994, le Premier ministre norvégien a souhaité voir renforcer notre partenariat économique. La visite en Norvège du ministre français de l'industrie, le 14 février 199S, a été l'occasion d'identifier un certain nombre de projets de coopération et de marquer notre attachement au développement et au rééquilibrage de nos relations industrielles avec la Norvège.


• La coopération scientifique et technique

Outre les liens traditionnels tissés avec les universités, les écoles d'ingénieurs et les laboratoires de recherche, la coopération scientifique se développe suivant trois directions principales :

- la fondation franco-norvégienne pour la recherche scientifique et technique, créée en 1993 pour soutenir des recherches conjointes à court terme, a permis de mener une quarantaine de projets dont la moitié est close. Ce financement public représente environ 40 % du coût des projets, le reste étant à la charge des entreprises ;

- la France, comme la Norvège, la Russie et la Pologne, détient une base permanente au Svalbard. Des chercheurs en glaciologie, géologie et climatologie y viennent comme chaque été ; leurs travaux demeurent toutefois modestes comparés à ceux menés par la France dans l'Antarctique.

La signature, fin juin 1994, d'un accord de coopération entre l'Institut Français de Recherche et de Technologie Polaire et son homologue norvégien devait accroître notre présence scientifique dans l'archipel ;

- la France est observateur auprès de la « région euro-arctique de Barents ».

Instituée en 1993 à l'initiative d'Oslo, cette organisation qui regroupe les pays nordiques et la Russie permet une concertation avec Moscou sur les dossiers, essentiels pour la Norvège, des pollutions nucléaires dues aux émanations de déchets radioactifs et de la sûreté des centrales nucléaires.

La France participe à d'autres instances dans laquelle la Norvège joue également un rôle majeur : études sur les pollutions chimiques en presqu'île de Kola et sur l'épave du sous-marin atomique Komsomolets ; comité de l'Otan sur les défis de la société moderne.

L'expertise française en matière de prévention des risques de pollution nucléaire est vivement souhaitée par la Norvège, comme l'a rappelé Mme Brundtland lors de son entretien de 1994 avec le Premier ministre français Celui-ci lui a donné son accord pour la constitution d'un groupe bilatéral d'experts chargé d'évaluer les formes de coopération possible en ce domaine. Ce groupe s'est réuni à deux reprises, en avril 1994 et en janvier 1995, et poursuivra ses travaux à travers des rencontres périodiques d'experts, répartis en quatre groupes de travail.

III. LE « SPLENDIDE ISOLEMENT » NORVÉGIEN PEUT-IL DURER ?

La recherche d'une explication au refus d'adhérer à l'Union européenne exprimé par la Norvège, par comparaison avec l'adhésion de la Suède ou de la Finlande, constituait un des principaux objectifs de la Mission.

Au terme de ses entretiens avec les dirigeants politiques et économiques norvégiens, elle s'est forgée une conviction qui tient en trois points :

- d'abord le refus d'adhésion a été un phénomène essentiellement populaire, nourri par la certitude que l'adhésion n'était pas utile à la Norvège ;

- ensuite, la rente que la production d'énergie assure de façon certaine à la Norvège sur les vingt prochaines années justifie les thèses isolationnistes ;

- enfin, sans qu'il soit possible de préciser des échéances claires, nul ne peut affirmer que la Norvège, voyant ses réserves énergétiques se tarir, ne sera pas tentée par un « retour de l'enfant prodigue » vers le giron européen.

A. LE REFUS DE L'ADHÉSION PROCÈDE D'UN RÉFLEXE POPULAIRE

Si, de tout temps, un consensus politique a existé sur les grands lignes à suivre en politique étrangère, la question des rapports entre la Norvège et la Communauté européenne a fait naître, tant en 1972 lors du premier référendum sur l'adhésion à la CEE qu'en 1994, un débat passionné , entre la partie de la population opposée à l'adhésion et l'autre partie qui reste convaincue qu'il y a pas d'alternative à l'option européenne.

1. La réticence instinctive des norvégiens envers le concept d'Union

Dépendance danoise de 1380 à 1814, puis unie au royaume de Suède de 1814 à 1905, la Norvège cultive un fort sentiment d'indépendance . La constitution de l'identité norvégienne est apparue étroitement liée à la lutte menée par ce pays pour dissoudre « l'Union » avec la Suède. Cette récente affirmation de l'identité nationale a un corollaire : la Norvège, si elle fait bien partie du monde nordique, n'entend pas être confondue avec les autres pays voisins , et, en particulier, pas avec la Suède.

Ainsi, les arguments principaux développés par le Gouvernement et les partis pro-européens, à savoir la nécessité pour la Norvège, conformément à la tradition de sa politique extérieure, de participer aux principales instances internationales, l'appel à la poursuite de la coopération nordique dans l'Union européenne et le souci d'éviter l'isolement du pays, n'ont pas été à même de convaincre une majorité. Les Norvégiens se sont prononcés à 52 % contre l'entrée dans l'Union européenne.

Mais le réflexe « anti-Union » ne peut, à lui seul, constituer l'explication du refus norvégien. Une autre explication peut se trouver dans les racines puissamment rurales ou maritimes de la population norvégienne.

Ainsi, les agriculteurs, quoique minoritaires dans la population active, ont été très entendus des autres norvégiens lorsqu'ils ont émis des réticences face à l'adhésion. En outre, les pécheurs -qui bénéficient à la fois d'une gestion sévère des ressources et du maintien de la pêche traditionnelle à la baleine- ont mis en doute la volonté de l'Union européenne de contrôler les ressources de pêche et émis la crainte que la pression écologiste n'obtienne l'interdiction de la pêche à la baleine qu'ils sont seuls, aujourd'hui, à pratiquer, avec les Russes et les Japonais.

Enfin, l'opposition à l'Union européenne s'alimente aussi des déceptions de l'opinion publique de la Suède voisine.

2. La résignation des couches dirigeantes à la non-adhésion

Le Gouvernement norvégien a dû adapter ses orientations diplomatiques au résultat négatif du référendum du 28 novembre 1994 sur l'entrée du pays dans l'Union européenne. Il s'est employé à limiter les conséquences négatives du rejet de référendum en affichant sa volonté de poursuivre une politique européenne active et d'exploiter toutes les possibilités de l'accord sur l'Espace économique européen pour maintenir des liens aussi étroits que possible entre son pays et l'Union européenne.

Il a été décidé de faire de l'Espace économique européen (EEE) le cadre privilégié de la coopération de la Norvège avec l'Union européenne . À l'occasion du Conseil de l'EEE du 30 mai 1995. le dispositif élaboré par les Quinze et prévoyant le renforcement du dialogue politique entre l'Union européenne et les pays de l'association européenne de libre échange, membres de l'EEE, a été approuvé, ce qui permet aux Norvégiens de s'associer ponctuellement à des actions communes de l'Union européenne.

S'agissant de la coopération entre l'Union européenne et la Norvège, il a été répondu favorablement au souhait des Norvégiens d'être associés à l'élaboration des directives qu'elle doit appliquer au titre de sa participation à l'EEE. Les États membres sont convenus de veiller au bon fonctionnement des procédures d'information et de consultation des membres de l'EEE, pendant la phase d'élaboration, par l'Union européenne, de nouvelles règles relevant de l'accord sur l'EEE.

Votre Mission s'est vue rappeler, à plusieurs reprises, par ses interlocuteurs politiques, l'importance de l'Espace unique européen pour la Norvège et l'attente d'initiatives françaises pour la valorisation de cet Espace.

3. Les premières conséquences économiques du refus de l'adhésion

Entendant éviter que la coupure politique entre la Norvège et l'Union européenne ne s'accompagne d'une coupure économique, le Gouvernement norvégien a annoncé diverses mesures en vue d'harmoniser l'économie norvégienne avec les conditions prévalant généralement dans les pays de l'Union européenne. Ainsi, la loi de finances pour 1995, votée par le Parlement fin 1994, marque le début d'une période d'austérité, justifiée par le souci de maintenir les acquis économiques et sociaux et d'éviter la remontée des taux d'intérêt. Pour l'essentiel, les mesures envisagées visent à accélérer la mise en oeuvre d'une politique économique de rigueur à long terme, qui passe par une réduction du déficit budgétaire et par la révision des transferts des ressources énergétiques vers l'agriculture, les entreprises et les collectivités locales. Ces mesures d'austérité pourraient freiner la croissance pour 1995, les prévisions pour l'année à venir faisant état d'une stagnation des investissements en Norvège continentale.

Si la Norvège doit pouvoir bénéficier des dispositions du traité de l'Espace économique européen dont elle reste membre, le rejet de l'adhésion risque, toutefois, à terme, d'engendrer des effets négatifs sur le plan économique.

Ce pays pourrait avoir à faire face à un processus de délocalisation. un nombre non négligeable d'entreprises norvégiennes envisageant de s'établir en territoire suédois, à proximité de la frontière. Gagnantes sur le plan des droits de douane, ces entreprises pourraient en outre bénéficier du Fonds européen de développement régional pour leur implantation.

Il paraît par ailleurs difficile, pour la Norvège, de maintenir durablement des niveaux de prix, en particulier dans le domaine agro-alimentaire, très différents de ce qu'ils seront en Suède : aussi, l'agriculture devra sans doute subir une restructuration incluant, en particulier, une réduction importante du volume des subventions.

Par ailleurs, à la baisse déjà prévue des investissements pétroliers en 1995 devraient probablement s'ajouter les premières retombées négatives du vote du 28 novembre 1994 pour l'investissement, dans l'ensemble des autres secteurs.

B. LA NON ADHÉSION DE LA NORVÈGE RISQUE D'ALTÉRER L'INTENSITÉ DE SES RELATIONS AVEC LES AUTRES ÉTATS SCANDINAVES

1. Suède, Finlande et Danemark sont progressivement attirés par l'engagement en Europe

Au cours des entretiens qu'ils ont pu avoir, tant à Paris, en juillet 1995. qu'à Stockholm et Helsinki en septembre, les membres de la Mission ont acquis la conviction que la sincérité de l'engagement de la Suède et de la Finlande dans l'Union européenne comporte, d'une certaine façon, comme corollaire, le fléchissement relatif de la relation bilatérale de chacun de ces deux pays avec la Norvège.

Certes, le sentiment de la solidarité nordique subsiste intact, notamment lorsqu'il se matérialise dans le soutien concret aux États baltes récemment parvenus à l'indépendance mais, s'agissant de l'attention à porter à la Norvège, les dirigeants suédois et finlandais observent avec placidité que « les journées n'ont que vingt-quatre heures ». Or, ces journées sont vouées, désormais pour l'essentiel, à s'adapter à l'Union européenne, à y développer des groupes de pression efficaces et à obtenir de la Commission puis du Conseil la définition de politiques régionales ou de programmes d'initiative communautaire favorables aux nouveaux adhérents.

Ainsi, les exportations norvégiennes de bois-papier pourraient-elles être soumises à rude épreuve, dans la mesure où l'adhésion de la Suède et de la Finlande assurera vraisemblablement l'autosuffisance de l'Union dans ce domaine.

Il est toutefois intéressant de noter qu'entendant préserver ses échanges commerciaux traditionnels avec les nouveaux membres de l'Union européenne. Suède et Finlande, la Norvège a obtenu de la Commission l'ouverture de négociations de compensation pour perte de marché.

Enfin, la mise en place de la frontière externe de l'Union européenne entre la Norvège, d'une part, la Finlande et la Suède, d'autre part, soulève un certain nombre de problèmes :

. sur le plan administratif, celui de la validité de l'accord douanier entre ces trois pays, qui avait créé des postes-frontières communs, percevant les taxes indifféremment pour l'une ou l'autre administration douanière. Ce système, toujours en vigueur aujourd'hui, conduit les douaniers norvégiens à percevoir des droits pour le compte de l'Union européenne.

. sur le plan douanier et commercial, celui de la mise en place de droits de douane sur des produits qui en étaient jusqu'alors exempts. Les produits agro-alimentaires (certains produits laitiers, les légumes, l'aquavit) et les produits de la pêche sont aujourd'hui taxés à l'entrée en Suède ou en Finlande. Dans ces deux marchés, qui représentaient encore en 1994 plus de 1,5 milliard de couronnes d'exportations pour le seul poisson, la mise en place des droits de douanes, conséquence de l'entrée de la Suède et de la Finlande dans l'Union constitue un manque à gagner important pour les industries exportatrices norvégiennes. Les négociations de compensation pour perte de marché, actuellement en cours au niveau de la Commission, sont assez âpres, les opinions divergeant encore sur les périodes de références à retenir, sur le montant des contingents, et sur l'aspect rétroactif ou non de l'accord futur.

Un point mérite d'être souligné : l'attention des décideurs norvégiens qui ne manquent pas de téléphoner à leurs homologues suédois ou finlandais pour « savoir ce qui s était dit » dans les réunions de l'Union européenne.

2. La Norvège attirée par le « grand large » ?

La Norvège joue un rôle actif dans les organismes internationaux (Banque mondiale. FMI...) et elle est le pays industrialisé qui fournit la contribution la plus élevée, relativement au revenu national, aux pays du tiers-monde.

Si elle a opéré, au cours des dernières années, une reconversion progressive de son lien avec l'OTAN en une approche de la sécurité qui inclut le concept d'identité européenne de défense, le nouveau contexte résultant du rejet de l'adhésion pourrait conduire la Norvège à faire de l'appartenance à l'Alliance Atlantique sa référence majeure en matière de sécurité.

Le Gouvernement norvégien pourrait, par ailleurs, être tenté de s'orienter, sur le plan économique, vers la mise en oeuvre d'une nouvelle politique en faveur des investissements internationaux, dont le développement d'une ou plusieurs zones franches à proximité immédiate de la frontière norvégienne suédoise pourrait constituer l'un des axes.

Le fait d'être membre de l'OCDE donne à la Norvège la possibilité d'exercer une certaine influence sur les cadres de la collaboration internationale (politique structurelle, coopération avec les pays de l'Europe de l'Est).

Pour la Norvège, qui est un pays dépendant d'échanges internationaux importants, les règles du GATT sont cruciales puisqu'elles garantissent un système commercial prévisible et transparent assurant à tous les pays, petits et grands, les mêmes droits et obligations. Une série de litiges bilatéraux survenus au cours des dernières années ont mis en évidence la nécessité de renforcer les règles. La Norvège estime que c'est là le plus important but de négociations. Du point de vue norvégien, la réduction des aides à l'agriculture et de la protection de ce secteur sont probablement les points les plus épineux. La Norvège cherche à faire accepter le principe que des considérations de caractère non-économique, tels que la sécurité alimentaire, la sauvegarde de l'environnement, la politique régionale et les considérations sociales, puissent continuer à jouer un rôle central dans la politique agricole norvégienne.

C. L'ISOLEMENT DE LA NORVÈGE PEUT-IL SURVIVRE À UNE DIMINUTION DE SES RESSOURCES ÉNERGÉTIQUES ?

1. Des ressources importantes mais non renouvelables

La dépendance de l'État vis-à-vis du pétrole s'est étendue ces dernières années au secteur industriel, les industries « continentales » (par opposition à celles de l'offshore) voyant leur part dans le produit national brut diminuer. Les exportations non pétrolières ont perdu des parts de marché et la part du secteur public dans l'emploi total a rapidement augmenté. Ces déséquilibres structurels traduisent les limites d'un développement qui dépend trop, selon les commentateurs, des ventes issues de ressources naturelles. La relance de l'économie continentale figure donc parmi les premières priorités du gouvernement norvégien pour stabiliser et préserver le niveau de vie élevé de la Norvège.

Malgré la volonté affirmée, de ne pas laisser submerger l'économie norvégienne, les revenus pétroliers nets de l'État ont atteint 16,3 % du produit national brut et 32,6 % de la valeur totale des exportations de biens et de services.

Bien plus, si l'on met à part le secteur pétrolier, on ne peut que constater la modération relative de l'investissement industriel. Celui-ci n'a progressé que de 0,8 % en 1994, alors que l'investissement dans le secteur pétrolier progressait de 9 %.

Les Norvégiens n'inclinent pas, en fait, à amoindrir, au profit d'une intégration européenne, les avantages que leur procure la rente pétrolière et gazière, que les hasards de la géologie leur ont permis de se constituer.

Au rythme actuel d'exploitation, les ressources pétrolières pourraient durer encore une vingtaine d'années. Quant aux ressources gazières, leur maintien en exploitation est évalué à quelque 115 années.

Malgré ces certitudes à terme, la banque centrale norvégienne n'en appelle pas moins à une gestion prudente, soulignant que, d'ici la fin du siècle, les recettes pétrolières diminueront vraisemblablement, en même temps que devrait augmenter le besoin de financement des retraites, des dépenses sociales et de santé. C'est pourquoi il vient de recommander, d'une part, l'affectation à un fonds de tout accroissement des revenus pétroliers et, d'autre part, la poursuite de la politique de réduction du déficit budgétaire hors pétrole.

Enfin, pour remédier à la situation de dépendance croissante dans laquelle se trouvent l'industrie norvégienne ainsi que l'État à l'égard de l'activité pétrolière et gazière (l'exploitation pétrolière représente, en effet. 16 % du produit national brut. 30 % de l'investissement et 40 % des recettes d'exportation), le Gouvernement entend favoriser le développement des investissements productifs, créateurs d'emploi et encourager l'amélioration de la compétitivité du secteur industriel (hors pétrole et gaz), nettement moins compétitifs du fait du niveau des salaires et du faible nombre d'heures travaillées ; on considère, en effet, que la productivité par habitant en Norvège est inférieure de 2 à 5 points à la moyenne européenne. L'industrie devrait bénéficier de mesures d'allégements fiscaux afin de permettre sa restructuration.

Par ailleurs, la décision a été prise d'investir le surplus des revenus pétroliers à l'étranger dans des valeurs sûres à long terme : 10 milliards dès l'année prochaine, et d'ici à la fin du siècle probablement 80 milliards de couronnes norvégiennes. Le Statens Petroleumsfond (Fond pétrolier de l'État) doit gérer ces investissements.

2. Une adhésion qui, en termes de perspective historique, paraît probable : du « cavalier seul » à « l'enfant prodigue » ?

« La route est longue jusqu'à Oslo » dit un adage norvégien. « Plus longue encore jusqu'à Bruxelles » ont ajouté les malicieux.

Le NON au référendum du mois de novembre 1994 a, de façon claire, clos une période. On peut le regretter : c'est ainsi. La Norvège ne devrait pas, selon toute vraisemblance, se poser la question de son adhésion à l'Union européenne avant une décennie.

Pour autant, la perspective est-elle définitivement fermée ? Tel n'est pas le sentiment que votre Mission a retiré de ses entretiens avec les dirigeants économiques et politiques norvégiens. Toute une partie de l'opinion norvégienne -celle qui se consacre à l'exportation ou à l'importation, à l'armement maritime, celle qui se voue à la recherche- est, en fait, favorable à l'adhésion, de même qu'une majorité des décideurs politiques.

Qui sait si, après avoir mesuré les risques de l'isolement en Europe, la Norvège ne se découvrira pas, dans sa majorité, favorable à l'adhésion ? C'est une question de patience.

NORVÈGE

NORVÈGE

FINLANDE

FINLANDE

DEUXIÈME PARTIE - LA SUÈDE OU LE CHOIX DE L'EUROPE POUR SAUVER LE MODÈLE SOCIAL-DÉMOCRATE

La Mission s'est ensuite rendue en Suède.

Le territoire de ce pays couvre 449.964 kilomètres carrés dont 38.459 d'eaux intérieures. Son littoral, comme celui de la Norvège, est découpé de profonds bras de mer. La Suède compte 1.619 kilomètres de frontières communes avec la Norvège et 586 kilomètres avec la Finlande.

Le climat est relativement rude, en raison de la proximité du cercle polaire. La moyenne des températures hivernales et de -14° dans le Nord du pays, mais de 1° dans le Sud. La pluviosité est de 385 mm en moyenne. Le « soleil de minuit » règne deux mois au-delà du cercle polaire en été.

La population suédoise comptait 8,74 millions d'habitants au 31 décembre 1993. L'espérance de vie y est de 77,6 années. Le taux de fécondité est de 1,6. Les étrangers représentaient, en 1990. 5,6 % de la Population. La quasi-totalité de la population se concentre dans le tiers méridional du pays, où elle atteint 225 habitants au kilomètre carré et. en particulier, dans la capitale. Stockholm, dont l'agglomération regroupe 1,5 million d'habitants.

Sur le plan politique, la Suède est une monarchie constitutionnelle et parlementaire. Le souverain 6 ( * ) n'a qu'un rôle représentatif. Depuis 1975, il ne désigne plus le Premier ministre. La religion luthérienne -professée par 92 % de la population- est religion d'État et le souverain doit observer la doctrine de la confession d'Angsbourg. La laïcisation de l'État est actuellement à l'étude.

Le Parlement (Riksdag) compte 349 membres.

I. LE CADRE ÉCONOMIQUE GÉNÉRAL

A. LE MODÈLE SUÉDOIS : LE MIEUX, ENNEMI DU BIEN ?

La Suède moderne a été profondément marquée par la social-démocratie qui a détenu, seule ou en coalition, le pouvoir de 1932 à 1976, puis de 1982 à 1991 et, à nouveau, depuis septembre 1994.

Le choix imposé, de longues années durant, par la gestion social-démocrate d'une économie administrée, d'un « Welfare state » particulièrement sophistiqué a eu, dans le domaine économique, des effets non négligeables. Mais si ce qu'il est convenu d'appeler le « modèle suédois » a eu sa décennie de gloire dans les années soixante, force est de constater que sa survie est difficile 7 ( * ) . Mme Liselotte VAGÔ, Député suédois conservateur, a résumé la situation devant la Mission en concluant : « La Suède a vécu au-dessus de ses moyens » .

Après la formation, en septembre 1991, d'un Gouvernement de droite dirigé par Carl BILDT, un tournant de la politique économique et sociale s'est opéré. Au centre de cette nouvelle politique : la réduction des impôts, la libération des forces du marché. La création, en 1992. de l'Espace économique européen (EEE) entre la Communauté européenne et l'AELE (Association européenne de libre-échange), instaurant un marché commun pour les biens, le capital et le travail, était supposée accélérer les ajustements. Pour ne pas déstabiliser l'économie suédoise, la réduction d'impôts a été accompagnée d'une tentative de diminution des dépenses publiques, principalement dans le secteur de l'État social. Le Gouvernement a commencé à privatiser des entreprises publiques. Il a annoncé la vente partielle ou totale de ses actions dans trente-cinq entreprises, opérant déjà en marché concurrentiel. Par ailleurs, bien qu'il se soit fermement engagé à mener une politique de taux de change fixe et à ne plus utiliser, comme par le passé, la dévaluation de la monnaie comme instrument de gestion de son économie, le Gouvernement s'est vu contraint de laisser flotter la couronne qui s'est dépréciée de 20 % à la suite de la secousse financière de l'automne 1992.

En mars 1993. a été rendu public le « rapport Lindbeck » qui dressait un bilan sévère de la situation économique de la Suède et formulait cent onze propositions de réforme concernant les domaines économiques, sociaux, politiques et institutionnels. Ce rapport a lancé un vaste débat sur le devenir du modèle suédois.

L'année 1995, après le retour aux affaires des socio-démocrates, vainqueurs aux élections de septembre 1994, est marquée par une politique de rigueur qui ne constitue pas le moindre paradoxe de la politique suédoise.

L'ambition affichée par le gouvernement de M. Ingvar CARLSSON est d'atteindre, autant que possible, les critères de convergence définis à Maastricht pour le passage à la troisième phase de l'Union économique et monétaire en Europe. Le ministère suédois des finances a ainsi rendu public, en juin 1995, son « Programme de convergence pour la Suède » .

Au total, selon un rapport de l'OCDE, rendu public alors que la Mission allait se rendre en Suède, « l'apparition d'un fort chômage confronte les institutions suédoises du marché du travail à un problème totalement nouveau pour elles ».

1. L'hypertrophie persistante du secteur public et le creusement du déficit budgétaire et de la dette publique

En 1991, le seul secteur public employait environ 1.650.000 personnes dont 1.275.000 -en majorité des femmes- dans les collectivités locales. Le nombre d'emplois dans le secteur public a été multiplié par trois depuis les années 1960 (600.000 créations d'emplois entre 1970 et 1990).

Le poids du secteur public, dont les dépenses en 1990 dépassaient 61 % du produit intérieur brut, quand celles des pays de l'OCDE et de la Communauté européenne étaient respectivement de 43 et 49 %, est important. Le montant des « dépenses totales des administrations publiques » a été. Selon l'OCDE, de 71,3 % du produit intérieur brut en 1993 en Suède (France : 54,9 %).

Pour fonctionner, le modèle suédois suppose une économie d'autant plus prospère que le secteur producteur de richesses -c'est-à-dire, en raison de l'étroitesse du marché intérieur, le secteur exportateur- est très exposé. Ainsi, une croissance de 2 ou 3 % est-elle nécessaire pour que fonctionne le système d'assurance sociale. Or, en raison de la récession entre 1990 et 1993, le financement du système n'est plus assuré à terme.

Le solde du budget de l'État, constamment négatif depuis 1990, a atteint -153.7 milliards de couronnes suédoises 8 ( * ) en 1994, soit une chute de 10,1 % par rapport à 1993. La dette publique atteint 84,8 % du produit national brut et représentera 1.366 milliards de couronnes suédoises en 1995, dont 415 milliards en devises étrangères.

À bien des égards, la Suède présente des symptômes bien connus en France : endettement public, chômage, pesanteurs sociologiques en matière de maintien des droits acquis. Toute la question est désormais de savoir si les contraintes imposées par le Gouvernement Carlsson pour respecter les critères de convergence seront supportées par l'opinion suédoise. La Suède a-t-elle « tué la poule aux oeufs d'or » comme l'avancent certains commentateurs ? 9 ( * ) Il est trop tôt pour y répondre, mais il est presque acquis que la Suède ne pourra atteindre le ratio d'endettement exigé avant 1999.

2. Le poids des prélèvements obligatoires

La Suède a, depuis de nombreuses années, le plus fort taux de prélèvements obligatoires des pays industriels. Ainsi, en 1990, le taux de prélèvement était de 56,9 % du produit intérieur brut, tandis que la moyenne dans l'Europe communautaire était de 40,8 % et celle de l'OCDE de 38,8 % (États-Unis et Japon se situant autour de 30 %).

Il convient d'indiquer que l'impôt sur le revenu des personnes physiques comprend deux parties : un impôt local, fixé librement par les communes (taux moyens proportionnel de 30 %), et un impôt d'État portant sur la partie des revenus supérieurs à 203.900 couronnes de 21 % depuis la réforme fiscale de 1990.

Une politique de réduction des prélèvements obligatoires est toutefois rendue difficile par l'importance du déficit budgétaire, au moment même où « l'État-providence » est jugé nécessaire.

Mais le poids de ces prélèvements, bien accepté au nom du consensus public lorsque l'économie était prospère, est aujourd'hui considéré comme un frein à l'innovation et à l'esprit d'entreprise. Ainsi, dans un rapport réservé à la Suède de 1993, le Fonds monétaire international

jugeait que les prélèvement obligatoires ont « affaibli les incitations à l'emploi et à l'épargne ».

II n'est pas douteux que le rétablissement, en 1995, de l'impôt sur la fortune, supprimé en 1991, joue, dans cette perspective, un rôle dissuasif.

3. Le vacillement de la politique de hauts salaires

Longtemps, l'expansion des industries, les gains de productivité et les négociations d'entreprises ont facilité l'octroi de hauts salaires en Suède. Malgré les difficultés économiques, cette politique de hauts salaires n'a, pour l'essentiel, pas été remise en cause. Elle a cependant été corrigée par l'inflation et les deux dévaluations de 1980 et 1982, puis par celle de 1992.

Quant au coût horaire du travail, il venait, en 1992 (avant la dépréciation de la couronne suédoise), au deuxième rang des pays industriels, juste après l'Allemagne de l'Ouest.

On ne peut pas contester que cette réalité ait pesé en défaveur de la capacité exportatrice de la Suède et, en sens inverse, en faveur d'un m ouvement de délocalisation à l'étranger d'une partie de l'activité des entreprises suédoises. Ainsi, les délocalisations de sociétés suédoises à étranger ont fait perdre à l'État suédois, de 1965 à 1984, les trois quarts du produit attendu de l'impôt sur la fortune, impôt dont la suppression était à l'étude en 1994.

C'est dire la surprise des membres de la Mission lorsqu'ils entendirent certains de leurs interlocuteurs affirmer que la Suède était un pays « de bas salaires » . Il est exact que l'effondrement monétaire de 1992-1993 a érodé les salaires et que l'éventail des salaires est relativement resserré, au détriment des diplômés de l'enseignement supérieur. Mais on ne peut, sérieusement, pas retenir le terme de bas salaires s'agissant de la Suède.

B. UNE RÉCESSION DIFFICILE À SURMONTER

Alors qu'elle était le troisième des pays considérés comme les plus riches du monde, avec un revenu de 29.200 dollars par habitants en 1992, la Suède a traversé une phase de récession difficile à surmonter. En fait, la Suède a connu la plus grave crise de son économie, après un siècle de croissance. Désormais, la Suède n'est plus que le dix-septième pays du monde pour le revenu par habitant.

1. Une politique plus volontariste pour retrouver la croissance

D'octobre 1991 à septembre 1994, le programme du Gouvernement BILDT avait visé à rompre avec le modèle social-démocrate en restaurant les valeurs du marché et la liberté de choix face aux principes égalitaires. Il comportait un plan de privatisations, un encouragement à l'épargne privée, une libéralisation des investissements étrangers et un abaissement de la pression fiscale sur les hauts revenus et des dépenses publiques. Mais ce programme n'a reçu qu'un commencement d'application. L'augmentation du déficit budgétaire avait contraint le Gouvernement à donner la priorité à l'assainissement des finances publiques, à la restauration de la croissance, sans négliger pour autant la politique de l'emploi, afin de combattre un chômage atteignant des proportions dramatiques inconnues jusqu'alors. Cette politique avait porté quelques fruits puisque, dès 1993, les industries avaient retrouvé une certaine compétitivité (6 % de gain de productivité), que l'absentéisme avait baissé et que l'inflation était passée de plus de 10 % en 1990 à 4,9 %.

En 1993, la Suède n'en a pas moins battu le triste record d'avoir connu la plus forte baisse du produit national brut des vingt quatre pays de l'OCDE. Le produit national brut n'atteignait que 185 milliards de dollars en 1993 contre 250 en 1992.

1994 a connu une légère croissance (+ 2,2 %), mais avec un taux de chômage de 9 % de la population active et un produit national brut par habitant légèrement inférieur à celui de la France.

La plupart des indicateurs économiques affichent, désormais, une évolution plus favorable. Pour 1995, le produit national brut pourrait atteindre 1.622 milliards de couronnes suédoises (+ 3,9 %), selon les estimations.

La consommation des ménages, négative pendant trois ans, a repris légèrement en 1994 (+0,4 %), mais devrait rester inchangée en 1995, le programme d'austérité annoncé réduisant d'autant les revenus disponibles. La baisse prévue des revenus des ménages est de l'ordre de 2,2 % pour 1995.

Le plan en cours d'application comporte une médication énergétique : retraite à 66 ans et réduction des pensions sur cinq ans ; réduction des remboursements de frais médicaux ; licenciements de fonctionnaires.

De ses entretiens à Stockholm, votre Mission tire l'impression d'ensemble que les pronostics des experts suédois sont plus optimistes.

2. L'inflation

Le flottement de la couronne suédoise a été décidé le novembre 1992. Il a abouti à une chute de 20 % de la valeur de la monnaie.

Le taux d'inflation qui était fort dans les années 1990-1991 a évolué comme suit :

Pour 1995, le taux attendu d'inflation ne devrait pas excéder 2,9 %.

3. L'emploi et les effets pervers de l'indemnisation du chômage

En dépit de la relance de l'économie suédoise, l'accroissement rapide chômage en 1994 est demeuré un facteur préoccupant.

La population active représente 4,3 millions de personnes, dont 2,1 millions de femmes. Le chômage indemnisé concerne 8,2 % de la population et frappait à hauteur de 16,9 % la tranche des 16-24 ans. Si l'on y intègre les stagiaires et employés en formation, le chômage touche 13 % de la population active.

Dans son récent rapport, déjà évoqué. l'OCDE a jugé que la conjonction d'un taux élevé de compensation de l'assurance chômage -ramené de 90 % à 80 % mi-1993, à l'époque du gouvernement BILDT- et d'un plafond tout aussi important des prestations « a fait que l'indemnisation des chômeurs, aussi bien pour les titulaires de bas salaire que pour les personnes rémunérées au salaire moyen, était la plus élevée de la zone OCDE ». « Même lorsqu `ils auront été ramenés à 75 %, comme l'annonce a été faite en avril 1995 » , les taux de compensation demeureront trop généreux, estime l'OCDE qui cite une étude selon laquelle les bénéficiaires d'une assurance chômage mettent plus de temps -12 % en moyenne- à trouver un emploi régulier que les travailleurs ne bénéficiant d'aucune compensation.

L'OCDE met, par ailleurs, en évidence que, si la durée d'indemnisation des chômeurs est, en théorie, relativement courte, sa durée effective n'incite pas les chômeurs à trouver un emploi durable. L'organisation internationale regrette ainsi que « les mesures prises en 1994 pour limiter la possibilité de renouveler les droits à prestation (aient) été abrogées le 1er janvier 1995 », par le nouveau gouvernement social-démocrate.

II. LES SECTEURS DE L'ÉCONOMIE

A. L'AGRICULTURE ET LA PÊCHE

L'agriculture emploie 3,3 % de la population active et contribuait, en 1992, à former 3,4 % du produit national brut. Les terres cultivées ne représentent toutefois que 7 % du territoire. 51 % des agriculteurs ont 50 ans ou plus.

Il existait 92.000 exploitations agricoles en 1993 (contre 155.000 en 1970). Environ 57 % des exploitations ont une superficie comprise entre 2 et 20 hectares, 50 % d'entre elles sont en faire-valoir direct et 50 % en fermage total ou partiel.

Les familles des agriculteurs assurent la majeure partie du travail agricole. Près de 60 % des agriculteurs ont un second emploi. Le nombre des exploitants à temps partiel s'accroît. Dans les exploitations de moins de 30 hectares de terres cultivées, plus de la moitié des revenus de la famille provient d'une autre activité.

Les superficies destinées à l'alimentation animale (herbages, pâturages artificiels, cultures fourragères) couvrent 70 % du territoire agricole. La jachère s'étend. Dès 1990, le Parlement suédois a décidé une réforme de la politique agricole visant à réaliser une déréglementation impliquant que la production alimentaire soit orientée par la demande des consommateurs plutôt que par des mesures administratives.

Depuis le 1 er janvier 1995, la Suède applique la politique agricole commune sans période de transition. Elle a obtenu des quotas correspondant sensiblement à la production actuelle ainsi que des aides régionales et des dérogations dans le domaine sanitaire et phytosanitaire.


La forêt

Le secteur primaire, en Suède, est basé sur la forêt. Couvrant 59 % du territoire, celle-ci est composée de conifères et de bouleaux.

La première production est le bois avec 51,7 millions de mètres cubes en 1991 (France : 44,8). La Suède se classe au 3 ème rang mondial pour la production par habitant avec 5,9 m 3 /habitant (France 0,78 m 3 /habitant).


Les productions agricoles

La production agricole concerne d'abord l'orge qui couvre 16 % des terres cultivées : 1,67 million de tonnes ont été produites en 1993, avec un rendement moyen de 4.275 kg à l'hectare, inférieur au rendement moyen français qui est de 5.616 kg. La Suède est au 17 e rang mondial pour la production d'orge. Viennent ensuite l'avoine (12 % des terres cultivées) et le blé (9 %). Les montants de productions se répartissent comme suit :

L'agriculture suédoise est soutenue par des « équivalents-subvention » à hauteur de 59 % de sa valeur ajoutée. Le Gouvernement conservateur, aidé par le GATT, entre 1991 et 1994, voulait changer cette situation au grand dam des agriculteurs. Le nouveau gouvernement n'a pas, semble-t-il, pris position sur ce point de façon claire.


L'élevage

Le cheptel compte 1,8 million de bovins, soit moitié moins qu'en France, par rapport à la population. Il se répartit comme suit :


• L'industrie agro-alimentaire

La production de denrées alimentaires occupe bien plus de personnes que la catégorie restreinte des agriculteurs. On considère que chaque agriculteur fournit indirectement du travail à trois autres personnes environ dans le secteur de la transformation et des transports notamment.

L'industrie alimentaire est très concentrée, notamment dans les secteurs laitier, carné et céréalier qui sont dominés par de puissantes coopératives (ARLA, SCAN, etc.).

La distribution alimentaire est dominée par un oligopole de trois centrales d'achats (ICA, KF et DAGAB), ainsi que par un monopole de vente au détail des boissons alcooliques (SYSTEMBOLAGET).


• La pêche

La pêche est importante en Suède. Elle a totalisé des prises de 245.000 tonnes en 1993, soit 28 kg par habitant (France : 14 kg/habitant).

B. L'INDUSTRIE

L'industrie emploie 29,2 % de la population active et contribuait, en 1992, à former 33,2 % du produit national brut.

Au-delà des principes proclamés du modèle suédois, la propriété industrielle est marquée par une nette concentration. Il a été indiqué à votre Mission que près du tiers de la production industrielle suédoise était ainsi contrôlé par le groupe Wallenberg.

Le groupe Wallenberg est adossé à la banque SE Banken dont le président. M. Peter Wallenberg, a été qualifié de « vice-roi de Suéde » par certains commentateurs, tant son influence est grande. Outre la banque, le groupe détient des participations minoritaires lui

assurant des droits de votes suffisants pour contrôler de nombreuses sociétés. Ces participations sont principalement regroupées au sein de la holding INVESTOR.


• La production minière

La Suède ne possède pas de sources d'énergie fossiles. Pour ce qui concerne les minerais métalliques, il faut citer le fer (6 e rang mondial). La plus grande mine de fer -à ciel ouvert- est à Kiruna, en Laponie. Il convient, en outre, de citer le cuivre et le zinc, l'or (6,5 tonnes en 1993), l'argent 11 e rang mondial). L'ensemble de l'extraction minière ne participe cependant qu'à 0,5 % du produit national brut.


La production énergétique atteignait 149 milliards de kilowatts heure en 1993, dont 59 d'origine nucléaire. Douze réacteurs nucléaires,

situés au Sud du pays, assurent cette production, mais ce programme fait l'objet d'un projet de gel à l'horizon 2000.

La production d'électricité est répartie entre 12 sociétés et la distribution entre 304 entreprises.


• La production industrielle

L'industrie suédoise est caractérisée, d'une part, par l'existence de grands groupes transnationaux qui sont par ordre : Volvo. Electrolux, ASEA. Ericsson, et, d'autre part, par une baisse plus ou moins marquée d'activité selon les secteurs.

Au cours de son séjour à Stockholm, votre Mission a pu s'entretenir avec les dirigeants du groupe Electrolux. Le groupe se consacre aux appareils ménagers, mais également aux équipements de jardinage, aux équipements industriels et aux produits industriels. Il compte quelque 110.000 employés et réalise 92 % de son chiffre d'affaires en Europe. Les ventes d'Electrolux se sont élevées à 60.6 milliards de couronnes suédoises et le résultat net d'exploitation à 2,95 milliards de couronnes au premier semestre de 1995. en hausse de 17 %.

On enregistre une forte diminution des industries grosses consommatrices de main-d'oeuvre (textile, habillement...) et, au contraire, un développement des activités à fort coefficient de capital. L'industrie automobile reste l'industrie « vedette ». Elle a été restructurée par le rassemblement des trois firmes suédoises traditionnelles (Volvo, Saab-Scania).


• La filière industrielle bois-papier est puissante en Suède. Elle constitue l'épine dorsale de l'industrie suédoise.

Les principales firmes du secteur sont :

- STORA, spécialisé dans le papier impression-écriture et le canon, qui, avec 33 milliards de francs de chiffre d'affaires est arrivé au 3 e rang mondial ;

- SVENSKA CELLULOSA, qui occupe toutes les branches de la production et atteignait 24 milliards de francs de chiffre d'affaires en 1994, soit le 6e rang mondial ;

- MO DO, consacré à l'exploitation de bois, au papier impression-écriture, comme au carton plat et qui a réalisé 14 milliards de francs de chiffre d'affaires en 1994 ;

- ASSI DÖMAN, qui se spécialise sur le papier carton et a réalisé 12 milliards de francs de chiffre d'affaires en 1994.

Au total, ces quatre firmes ont dégagé, en 1994, un bénéfice avant impôt de 12 milliards de couronnes suédoises. Le taux d'utilisation des capacités est de l'ordre de 97 % en 1995.

Les entreprises suédoises de bois-papier bénéficient d'une conjonction de facteurs favorables : la progression de la demande tout d'abord. Dans tous les domaines -bois scié excepté- et sur les principaux marchés (Europe, Asie du Sud-Est, Amérique du Nord), la consommation augmente alors que les stocks sont encore fort réduits.

Les exportations du secteur représentent 70 milliards de couronnes.

Même si, dans certains secteurs (comme le budget) la croissance semble plafonner, les prix ont augmenté de 15 à 65 % selon les produits. Pour 1996-1997, l'augmentation des capacités semble déjà assurée.


L'industrie pharmaceutique se porte relativement bien. Elle croît de l'ordre de 5 à 7 % l'an.

Au cours de son séjour à Stockholm, votre Mission a pu rencontrer les dirigeants de la société ASTRA. Malgré un puissant secteur de recherche et de nombreux accords conclus dans le monde, la société ASTRA souligne que le maintien du taux de croissance actuel n'est pas assuré à terme.

C. LES SERVICES

Les services emploient 67,5 % de la population active et contribuent pour 63,4 % au produit national brut.


Le tourisme

Les recettes touristiques sont restées stables depuis 1990. Elles peignaient 2,94 milliards de dollars en 1993 (contre 23,9 milliards de dollars pour la France).


• Les transports

La Suède dispose de 9.930 kilomètres de lignes de chemin de fer. dont 7.352 sont électrifiées. 19,4 millions de tonnes-kilomètres ont été transportés par voie ferrée en 1992.

À la même époque, le nombre de véhicules routiers immatriculés en Suède était de 410 pour 1.000 habitants.

D. LE COMMERCE EXTÉRIEUR

L'économie suédoise a toujours été dépendante du commerce international. Environ 40 % de la production industrielle sont, en effet, exportés. La Suède réalise environ 1,5 % du commerce mondial.

1. Des résultats porteurs de reprise

En 1992, les exportations avaient représenté 326 milliards de couronnes contre 289 milliards d'importations. La balance commerciale, positive de 70,9 milliards de couronnes en 1994, pourrait afficher, selon les prévisions, un solde également positif de 93,8 milliards en 1995 (puis de 114,6 milliards en 1996). La balance des transactions courantes, excédentaire de 5,5 milliards en 1994 devrait s'améliorer considérablement aussi bien en 1995 (23,5 milliards) qu'en 1996 (59,9 milliards) du fait du solde commercial excédentaire et de la contraction du déficit de la balance des mouvements de capitaux.

Les principales exportations se répartissent comme suit :

Les principaux pays clients sont les suivants :

Les principales importations concernent :

Les principaux fournisseurs de la Suède sont les suivants :

Dans la période récente, une reprise des exportations (+ 12 % en 1994, + 7 % en 1995 selon les prévisions) a été favorisée par les gains de compétitivité obtenus à la suite de la dépréciation monétaire de la couronne en novembre 1992.

La balance agricole totale est toujours largement excédentaire. C'est la neuvième balance agricole excédentaire du monde. Les produits forestiers représentent encore le cinquième des exportations totales.

En revanche, la balance agricole sans la pêche et le bois est, chaque année, déficitaire.

Les principaux produits agro-alimentaires importés par la Suède sont par ordre décroissant d'importance :

L'industrie mécanique représente près de la moitié des exportations totales. L'industrie automobile (Volvo, Saab, Scania) exporte 75 % de sa production.

2. Les relations économiques franco-suédoises

Au regain qu'ont connu les relations politiques bilatérales depuis 1991, peut s'ajouter celui des relations économiques.

L'intérêt des milieux d'affaires suédois pour une relance des relations avec France a pu s'exprimer le 13 septembre 1994, lors des manifestations organisées à l'occasion du 75 ème anniversaire de la Chambre de Commerce française en Suède.


• Échanges commerciaux

Les échanges commerciaux franco-suédois demeurent modestes comparés aux résultats de l'Allemagne (premier client et fournisseur) ou de Grande-Bretagne (2 ème client et fournisseur). Toutefois, nos échanges commerciaux évoluent favorablement et devraient encore se renforcer, notamment grâce au secteur agro-alimentaire.

Avec 1,4 milliard de couronnes en 1993, la France tient en Suède une de 4,9 % du marché d'importation agro-alimentaire. Les principaux produits fournis sont les boissons (principalement le vin), les fruits et légumes (principalement les pommes), les produits laitiers (fromage et yaourt) et les aliments pour animaux.

Au cours de son passage en Suède, la Mission n'a constaté aucun boycott apparent des produits agro-alimentaires français. Nos exportations vers la Suède ont progressé de 19 % en 1993 et en 1994, de 28 %, tandis que les importations françaises en provenance de Suède sont restées stables, permettant une réduction de moitié de notre déficit commercial (ramené de 2.867 millions de francs à 1.314 millions de francs), notre taux de couverture s'est redressé ainsi de 66,5 % à 84,7 %, en dépit d'un contexte difficile. La dévaluation de la couronne suédoise de 20 % par rapport à l'Ecu depuis novembre 1992 a stimulé la compétitivité suédoise. La France est passée en 1994, avec 5,6 % de part de marché, du 8 ème au 7 ème rang des fournisseurs, s'approchant nettement de la Norvège et de la Finlande qui occupent respectivement les 6 et 5 ème rang. Détenant le 6 ème rang des pays clients de la Suède en 1992 et 1993, notre pays est passé au 7 ème rang en 1994.

La progression française s'explique par l'augmentation de nos ventes de produits chimiques, en forte hausse depuis 1992, d'équipements électriques, de machines et véhicules. En revanche, nos exportations de produits alimentaires affichent des résultats décevants : le rang de la France parmi les fournisseurs agro-alimentaires s'est réduit par rapport à 1992 (de 5,5 % de marché en 1992 à 4,9 % en 1993).

Nos échanges demeurent structurellement déficitaires en raison de nos importations en produits de l'industrie forestière : les exportations à bas prix de bois de sciage et de papier suédois (et finlandais) ont donné lieu à la fin de l'année dernière à des mesures de surveillance qui ont toutefois été levées compte tenu des corrections enregistrées dans l'évolution des prix.


Investissements et grands contrats

Mis à part les contrats d'armement, qui ne sont pas de la compétence de notre Commission, les investissements français, qui partaient d'un niveau faible, ont progressé au cours des dernières années : de 159 millions de couronnes en 1989, ils sont passés à 1,5 milliard en 1990. Le chiffre exceptionnel de 12,5 milliards en 1991 correspondait à l'opération croisée entre Renault et Volvo. Plusieurs acquisitions importantes réalisées en 1992 ont confirmé l'intérêt croissant porté à la Suède par les sociétés françaises (notamment : Kloster Speed Steel par Eramet SLN, Programator par Cap Gemini, Diab Data par Bull).

L'industrie française a remporté quelques beaux succès depuis 1992 : contrat de 700 millions de francs obtenu par Framatome (avec Siemens) pour la réhabilitation d'une centrale nucléaire, livraison par Thomson-CSF de sonars et détecteurs de mines pour sous-marins (119 millions de francs), de sonnars pour hélicoptères (71 millions de francs) et de radars Gerfaut (100 millions de francs).

Une reprise de nos investissements s'est amorcée en 1994. Ainsi un regroupement des activités parapétrolières sous-marines des deux sociétés Coflexip et Stena est actuellement envisagé.

Désireuse de développer une coopération stratégique avec entreprise Sydkraft, deuxième compagnie d'électricité suédoise, Electricité de France vient de concrétiser une prise de participation de 10 % dans cette société et souhaiterait, à terme, accroître sa participation, ce qui suscite quelques réticences des cinq communes actionnaires de Sydkraft et du nouveau Gouvernement, inquiets de l'augmentation importante du capital étranger au sein de cette compagnie.

France Télécom, pour sa part, souhaite développer sa présence en Suède et a annoncé un investissement de 350 millions de francs en cinq ans en vue de la création d'un service international de téléphonie.

Ces perspectives encourageantes ont toutefois été en partie occultées par les déconvenues enregistrées sur plusieurs dossiers d'importance :

- l'échec de la fusion Renault-Volvo a marqué un coup d'arrêt à une politique de rapprochement de plusieurs années, qui répondait à une stratégie industrielle. Le démantèlement de l'alliance, entre les deux sociétés a été officiellement annoncé en février 1994, incluant le retrait, coûteux pour Volvo, de sa participation dans le capital de Renault ;

- la compagnie suédoise SAS a enfin annoncé en mars 1995, dans le cadre du renouvellement partiel de sa flotte, le rejet de l'offre d'Airbus et la commande ferme de 35 Boeing d'une valeur globale de 8,5 milliards de couronnes et une option d'achat pour 35 appareils supplémentaires ;

- enfin, la société nouvelle d'armement Transmanche a décidé, en juillet 1995, de mettre fin, à compter du 31 décembre 1995, à l'accord de coopération qui la liait à la compagnie suédoise STENA pour la desserte de la ligne maritime Calais-Douvres sous la marque Sealink.

Dès le 1 er janvier 1996, STENA mettra un quatrième ferry transbordeur en service sur cette ligne et, en février 1996, un catamaran sur la même ligne, en concurrence avec son ancien partenaire, la SNAT-Seafrance.

III. L'ADHÉSION À L'UNION EUROPÉENNE

A. UN ACCORD APPAREMMENT MASSIF...

Confrontés aux pressions économiques, les sociaux-démocrates étaient, en 1990, passés, en quelques mois, dans le camp des partisans de l'adhésion à la Communauté européenne. Le principe d'une candidature fut approuvé en décembre 1990 par le Parlement, les sociaux-démocrates et les trois partis de l'opposition d'alors (modérés, centristes et libéraux) ayant voté pour ; seuls les écologistes et le parti de gauche (ex-communiste) s'y opposèrent. À l'époque, même les pêcheurs et les agriculteurs estimaient que des bénéfices pouvaient être tirés de la politique agricole commune.

La demande de candidature fut officiellement déposée le 1 er juillet 1991. Malgré les doutes que le NON danois au référendum du 2 juin 1992 sur la ratification du traité de Maastricht avait fait renaître dans l'opinion suédoise, les partis politiques semblaient faire cause commune face à la crise économique, pour le nécessaire redressement de l'économie préalablement à l'intégration dans l'Union européenne et, plus conjoncturellement, face à la secousse monétaire de l'automne 1992. Pour la première fois dans l'histoire, sociaux-démocrates et conservateurs se sont mis d'accord cette année-là sur deux plans d'austérité qui devaient avoir des incidences sur les retraites, les congés, les indemnités-maladie, les allocations familiales ou les aides au logement. On parla d'un « tournant historique » qui témoignait d'un nouveau réalisme politique de la part des sociaux-démocrates.

En novembre 1992, le Parlement suédois ratifia le traité sur l'Espace économique européen a une très forte majorité (308 voix pour, 13 contre).

Un accord politique conclu avec l'Union européenne en mars 1994 a été accueilli favorablement par les autorités, satisfaites de la prise en compte des spécificités suédoises. L'accord prévoit notamment le remboursement d'un montant de 1,25 milliard d'Ecus, sur la période 1995-1998, pour atténuer les effets de l'adhésion de la Suède, qui devient, en tout état de cause, contributeur net. D'autre part, la question de l'agriculture arctique a été réglée par l'application aux régions situées au nord du 62 ème parallèle du statut de zone défavorisée et par l'éligibilité au nouvel objectif 6 des fonds structurels de régions suédoises dont la densité est inférieure à 8 ha/km 2 .

Les Suédois ont, dès lors, approuvé l'adhésion à l'Union européenne par référendum en date du 13 novembre 1994. Le référendum a donné 52,2 % de « pour » contre 46.9 % de voix hostiles à l'adhésion. L'adhésion de la Suède a été confirmée sans vote par le Riksdag le 15 décembre 1994.

B....MAIS QUI LAISSE PLACE AU SCEPTICISME

1. L'opposition à l'Europe

L'adhésion à l'Union européenne reste, pour l'opinion publique suédoise, une question controversée.

L'opposition à l'Europe est surtout sensible chez les jeunes et les femmes, les uns craignant pour le principe de neutralité, les autres redoutant un nivellement par le bas du système de protection sociale et un démantèlement partiel du service public où elles travaillent dans leur grande majorité.

En outre, le référendum a fait apparaître des résultats contrastés, en fonction des régions géographiques : une nette majorité en faveur de l'adhésion s'est dégagée dans le sud du pays et notamment dans les grandes villes, le NON prédominant, en revanche, dans les régions agricoles du nord.

Pour leur part, les responsables politiques et économiques considèrent qu'un taux de croissance suffisant pour réduire le chômage (au moins 3 %) ne pourra être atteint que dans le seul cadre européen. En revanche, si un chômage croissant est le prix à payer pour l'Union européenne, les sociaux-démocrates ne pourront pas manquer de réagir.

À l'heure actuelle, l'érosion monétaire et la croissance du chômage, dues aux gestions antérieures un peu trop généreuses en matière de « Welfare State », restent mises au débit de l'adhésion par l'opinion publique, dont « l'euro-scepticisme » et les réactions « anti-establishment » tendent à s'exacerber. Une enquête réalisée en juin 1995 a montré que les Suédois étaient déçus par l'Union européenne à 61 %.

En fait, nombreux sont ceux qui. en raison de la faiblesse des gains de productivité et de surcapacités, doutent de la possibilité de rétablir durablement une croissance soutenue, du moins avant l'an 2000. C'est donc l'un des piliers du « modèle suédois » qui pourrait s'effondrer.

2. La tentation libre-échangiste

La Suède conserve de son passé une tradition libre-échangiste bien établie. L'érosion accélérée de la couronne suédoise dans les années récentes a favorisé les exportations suédoises et, à l'inverse, enchéri les importations.

Une intensification du besoin en échanges commerciaux est aisée à distinguer, notamment dans le secteur de l'armement maritime ou de l'agro-alimentaire.

La Suède, qui réalise près de 10 % de son commerce extérieur avec les États-Unis et dont la marine marchande a un besoin vital de connexions en Extrême-Orient, est portée à souhaiter que le commerce puisse s'effectuer librement au niveau mondial.

À plusieurs reprises, au cours des entretiens qu'elle a eus à Stockholm et mis à part les dirigeants de la centrale syndicale ALO, votre Mission a eu le sentiment que la vocation libre-échangiste suédoise l'emportait sur la conviction européenne.

Pour grossir le trait, mis à part l'intérêt politique de la manifestation d'appartenance à l'Europe occidentale, la Suède semble, avant tout, désireuse de disposer, avec l'Union européenne, d'un grand marché ouvert. Elle récuse, au moins sur le long terme, les velléités protectionnistes qu'elle croit discerner chez certains de ses partenaires, et notamment en France. La Suède semble, ainsi, voir avant tout dans l'Union européenne une « super AELE ».

C. LES CONSÉQUENCES ATTENDUES DE L'ADHÉSION À L'UNION EUROPÉENNE

De son entrée dans l'Union européenne, la Suède peut attendre essentiellement des avantages en matière d'abaissement des taux d'intérêt, de croissance économique tirée par une hausse des exportations, et d'augmentation des investissements.


• L'adhésion à l'Union européenne devrait permettre une consolidation de la couronne suédoise, jugée par certains analystes sous-évaluée, sans toutefois entraîner une véritable appréciation, en raison de l'ampleur des déficits. Les taux d'intérêt plus élevés en moyenne que dans les pays de l'Union européenne (10,98 % pour les bons du trésor à 5 ans en novembre 1994) pourraient baisser, à terme, de 1 à 2 %.


• La Suède a obtenu la création d'un nouvel objectif des fonds structurels dit « objectif 6 » pour les régions nord du pays, fondé sur le critère de la densité de population. Elle recevra, en outre, au titre des objectifs 2 et 5, une aide à finalité structurelle pour certaines zones industrielles et rurales en difficulté, ainsi qu'une aide aux mesures en faveur de l'emploi. L'aide au titre des fonds structurels européens est estimée a 2,4 milliards de couronnes suédoises pour 1995.


• On peut constater, depuis 1993-1994, une relance des investissements suédois à l'étranger et, notamment, vers l'Union européenne.

Au cours du premier semestre 1995, le nombre d'entreprises étrangères reprises par des investisseurs suédois a été supérieur à celui des sociétés suédoises acquises par des groupes étrangers. En effet, selon « FÖRVÄRV & FUSIONNER », les opérateurs suédois auraient investi dans 73 entreprises étrangères (31 au premier semestre 1994), alors que 46 acquisitions (participations majoritaires ou minoritaires) auraient été réalisées en Suède (41 pour la même période 1994).

Un relatif ralentissement de la tendance à la délocalisation entreprises suédoises pourrait s'enclencher.


• On a pu noter les mêmes évolutions pour les investissements étrangers nets en Suède : chutant de 38,2 milliards de couronnes en 1991 à 1,4 milliard en 1992, les investissements étrangers se sont redressés en 1993 et plus encore en 1994 (31,7 milliards pour les six premiers mois).

Afin d'attirer les capitaux étrangers et de faciliter les implantations internationales, le ministère suédois de l'Industrie a créé, le 1 er juillet 1995, l'agence « INVEST IN SWEDEN AGENCY » (ISA).

Cet organisme, dirigé par M. Kai HAMMER1CH, ex-Directeur général adjoint de SAAB-SCANIA et que les membres de la Mission ont pu rencontrer, dispose d'un budget de 50 millions de couronnes suédoises et emploiera 14 personnes, dont 10 en Suède. ISA prévoit d'ouvrir des agences au Japon et aux États-Unis.

Si les investissements industriels sont dynamiques, les placements en bourse (investissements financiers) sont également orientés à la hausse. En effet, la part des capitaux détenue par les investisseurs étrangers à la Bourse de Stockholm est passée de 7 % en 1991 à plus de 25 % au premier semestre 1995. Les opérations réalisées par les investisseurs étrangers auraient certains jours représenté 50 % des transactions boursières au cours de cet été.

Les statistiques de la Banque de Suède pour le premier semestre 1995 indiquent que ces investisseurs financiers font preuve d'un regain d'intérêt depuis l'adhésion de la Suède, notamment en ce qui concerne les placement dans des groupes puissants tels que ERICSSON et ASTRA.

On note également de nombreuses demandes d'autorisation d'exercice déposées auprès de l'Inspection des Finances (Finansinspektionen) de la part de compagnies d'assurances étrangères et de banques dans une mesure moindre.

À titre d'exemple, le Crédit local de France vient d'ouvrir une filiale à Stockholm et a entrepris les démarches nécessaires à son accréditation auprès de l'Inspection des Finances.

L'entrée de la Suède dans l'Union européenne s'accompagne-t-elle pour autant d'une augmentation des investissements des pays-membres de l'Union européenne, notamment de leurs PME/MPI, qui sont portées à considérer l'appartenance au marché unique comme une sécurité accrue ? Il est trop tôt pour l'affirmer. Ainsi que l'a confié à la Mission un des plus éminents experts suédois dans le domaine financier, M. Gengt DENNIS. « La récompense est pour demain ».


• L'insertion dans les grands réseaux européens
devrait constituer une priorité. Placée à l'extrémité septentrionale de l'Europe, la Suède a besoin de renforcer ses liens d'infrastructure avec les pays voisins.

Le lien fixe d'Oresund, dont l'édification a été décidée en juin 1994 par accord entre le Danemark et la Suède, rapprochera la Suède de l'Europe occidentale. Le lien fixe, qui permettra d'accélérer les communications routières entre Malmö (Suède) et Copenhague, aura 18 kilomètres de long.

Un consortium international -comprenant notamment l'entreprise française DUMEZ-GTM- a obtenu, en juillet 1995, la concession de la construction d'un tunnel ferroviaire et routier de 3,7 kilomètres entre la côte danoise et une île artificielle située au sud de l'île de Saltholm. Le contrat porte sur 3,3 milliards de francs.

D. LES EFFETS DE L'ADHÉSION SUR LES RELATIONS ÉCONOMIQUES FRANCO-SUÉDOISES

La politique de libéralisation entreprise, jusqu'à présent, par la Suède pour accompagner son adhésion à l'Union européenne crée un contexte favorable aux investissements étrangers. Les perspectives sont réelles pour nos entreprises dans plusieurs secteurs en mutation tels que les télécommunications, l'énergie, les transports, le traitement et la distribution de l'eau, les services, même si la politique qu'entend poursuivre le nouveau Gouvernement social-démocrate en matière de déréglementation des services publics laisse apparaître certaines réticences, voire, selon certains commentateurs, certaines velléités protectionnistes.

Signes encourageant, au cours du mois de juillet 1995, nos entreprises ont remporté d'importants contrats :

- la signature, le 3 juillet 1995, du contrat de financement pour la construction et l'exploitation d'une ligne de chemin de fer reliant Stockholm à l'aéroport d'Arlanda, attribué en septembre 1994 au consortium Arlanda Link dont GEC Alsthom est chef de file (3,2 milliards. dont 150 millions de francs de part française) ;

- lien fixe d'Öresund, déjà évoqué ci-dessus ;

- le contrat, conclu le 4 juillet 1995, pour la fourniture par Aérospatiale à la société publique NSAB d'un satellite SIRIUS 2. destiné à des transmissions pour la télévision. Montant supérieur à 500 millions de francs et le lancement de ce satellite SIRIUS. Le contrat de lancement a été attribué par NSAB à Arianespace. le 21 juillet 1995, sa valeur dépasse les 500 millions de francs.

À Stockholm, la Mission a pu s'entretenir avec la responsable de la société France Télécom Network Service Nordic AB. Elle a ainsi été témoin des retombées positives des politiques de partenariat que peut impliquer adhésion de la Suède à l'Union européenne dans le domaine des télécommunications.

UN EXEMPLE DES BIENFAITS DU PARTENARIAT À L'ÉCHELLE EUROPÉENNE : LES TÉLÉCOMMUNICATIONS EN SUÈDE

En 1992. la société France Télécom Network Service Nordic AB a été constituée à la suite de la reprise de la division « réseau » de Dafa Dat par Transpac. Filiale de Transpac, la nouvelle entreprise a bénéficié du capital de confiance dont jouissait Dafa Data, mais elle avait surtout pour atout une décentralisation du pouvoir de décision. Pour faire image, « les Suédois ont parlé aux Suédois ». FNTS AB devrait employer 89 personnes a la fin de 1995. Tous sont les employés suédois.

Certes, le marché suédois des télécommunications était, en théorie, très déréglementé mais il était et reste encore largement dominé par l'opérateur local. TELIA. Or, l'entreprise FTNS AB s'y est taillé un beau succès.


La transmission de données

En 1990, les frais de télécommunications des administrations et entreprises publiques suédoises (qui réalisent le tiers du PNB national) s'élevaient à 1,2 milliard de francs, dont 225 millions pour les données. Et une étude laissait prévoir qu'ils atteindraient 6 milliards à la fin du siècle si l'on ne faisait rien. C'est alors qu'avait été créé Stattel, organisme chargé de réduire ces frais de 20 a 25 %. En « apportant la compétition au marché »... Pour déterminer le fournisseur qu'elle allait recommander pour la transmission de données, la STATTEL a défini 22 critères technico-financiers.

Or, l'entreprise FTNS AB fut sélectionnée par STATTEL. Elle était la seule qui pouvait intégrer tous les services souhaités sur le même réseau support et donc offrir des prix moindres.

Grâce à l'accord cadre ainsi conclu, plusieurs administrations (dont celle de la police suédoise) et des entreprises publiques (comme Samhall) ont pu faire appel à FTNS AB en bénéficiant des mêmes conditions.


• L'architecture de réseau

La chance de la société FTNS AB tenait à ce qu'elle est le seul opérateur en Suède à avoir une compétence non seulement pour la transmission de données, mais aussi en matière d'architecture de réseau sous la technologie IBM.

Dans un climat de concurrence intense, tant au niveau international qu au niveau local, la direction en charge des télécommunications au sein de l'administration suédoise -la STATTEL- a été sensible à cette double compétence. Elle a ainsi conclu avec FTNS AB un contrat-cadre pour l'ensemble des ministères, portant sur un montant de 150 a 200 millions de couronnes suédoises par an Cette performance devait valoir à FTNS AB de recevoir, en septembre 1994, une récompense de S.M. le roi de Suède

L'un des principaux objectifs de FTNS est désormais l'interconnexion des réseaux locaux. marché qui semble le plus porteur à l'horizon de la décennie. 150 nouvelles connexions sont réalisées par mois. La clientèle de FTNS en ce domaine est constituée par des entreprises moyennes FTNS tient aujourd'hui le quart de ce marché en valeur.

Cette stratégie implique des investissements importants : une quarantaine de points d'accès ont été installés à travers la Suède, de l'extrême sud (Malmö) à la Laponie (Kiruna). afin que les clients n'aient pas besoin de louer des lignes très longues (et donc coûteuses) pour s'y brancher. Le réseau est également relié aux autres capitales scandinaves. Et afin de veiller à la qualité, un centre de supervision a été installé à Ronneby, pour un coût total de 200 millions de couronnes suédoise (environ 150 millions de francs).


• La téléphonie locale

France Télécom a annoncé, le 30 août 1995, son nouveau programme d'investissements sur le marché suédois. Un milliard de couronnes suédoises, soit environ 700 millions de francs, sera investi dans la mise en place du réseau, afin d'offrir des services de téléphonie sur le marché suédois. Le réseau sera opérationnel dans le courant de l'année 1996.

France Télécom devient ainsi le premier opérateur étranger à proposer une offre diversifiée de cette envergure. Ces investissements permettront, dans une première phase, de recruter 200 personnes, les nouveaux emplois seront répartis sur tout le territoire suédois, de façon équilibrée.

L'offre de France Télécom inclura aussi bien les services de téléphonie classiques (local, longue distance et international) que des services plus avancés, du type réseau privé virtuel. Centrex. Numéro Vert et services audiotex. Dans un premier temps, France Télécom ciblera les marchés des entreprises, principalement les zones d'affaires situées autour des agglomérations de Stockholm. Malmö et Göteborg. La construction du réseau démarrera dès 1995. La conduite de ce nouveau projet sera confiée à FCR, groupe France Télécom.

France Télécom sera bientôt en mesure de fournir une offre globale aux entreprises suédoises et prévoit également d'offrir, en association avec un opérateur local GSM. des services intégrant les fonctionnalités du réseau fixe et du réseau mobile.

L'adhésion de la Suède à l'Union européenne devrait permettre à la France de conquérir quelques parts de marché dans le secteur de l'agro-alimentaire, en raison de la disparition attendue des barrières tarifaires et du monopole suédois de production et d'importation d'alcools ; en effet, l'accord sur l'Espace économique européen, entré en vigueur le 1 er janvier 1994, n'incluait par ce secteur.

Pour finir, votre Mission souhaite souligner que la Suède , État dominant dans sa zone géographique, est un pays qui offre de réels débouchés aux produits français dans les secteurs comme : la distribution de l'eau, les industries mécaniques et les composants électroniques ; la sous-traitance automobile et la sous-traitance industrielle ; l'emballage : les travaux publics et la protection de l'environnement ; les télécommunications et les matériel informatiques ; la décoration intérieure ; la chimie, la pharmacie et le matériel médical ; les articles de sport.

TROISIÈME PARTIE - LA FINLANDE OU L'EUROPE CONTRE LE VOISIN RUSSE

Pour le géographe, la Finlande, troisième des pays visités par notre Mission, s'étend sur 337.009 kilomètres carrés est, à 65 %, couverte par la forêt et, pour 9 %, par les eaux des lacs.

Pour l'analyste politique, la Finlande apparaît comme une démocratie pluraliste dotée d'une régime présidentiel.

Le président de la République est élu pour six ans au suffrage universel. Le Premier ministre dirige le Gouvernement. La Chambre des Députés (Eduskunta) groupe 200 membres, élus pour quatre ans au suffrage universel direct 10 ( * ) .

L'organisation sociale, proche de celle de la Suède, et très avancée. est celle d'un « Welfare State ».

Pour le démographe, la population finlandaise a atteint 5,1 millions d'habitants en 1994. Sa densité est de 15,1 habitants au kilomètre carré. La durée moyenne de la vie humaine en Finlande est de 76 ans. Le taux de fécondité de 1,8 à 2,1 (contre 1,65 en France).

La spécificité finlandaise ne peut être appréhendée sans connaissance des traits principaux des mentalités. Ces mentalités ont été dépeintes avec acuité aux membres de la Mission lors de leur passage à Helsinki :

« Pour bien comprendre les choix économiques de la Finlande, il faut comprendre le caractère national : une soif de savoir inassouvie, un respect envers la nature, une confiance en l'égalité sociale, en un travail acharné, en un succès économique et en une attention envers elle-même. Ces traits de caractère sont à l'origine des choix historiques : très tôt, une scolarité obligatoire pour tous, une bonne sécurité collective, un respect luthérien du travail et de son exécution, une ambition matérielle du bien-être » 11 ( * ) .

Mais l'affirmation profondément démocratique de ce peuple doit être corrigée par un vécu plus oligarchique s'agissant de l'exercice du pouvoir politique et économique. Au cours de son séjour à Helsinki, la Mission a pu s'entendre dire -il est vrai, sous la forme d'une boutade- que « la classe dirigeante finlandaise se réduit à environ deux cents personnes issues des mêmes écoles, se connaissant toutes et qui règlent leurs problèmes entre elles au sauna » . Cette affirmation, qui prête à sourire en Finlande, n'a paradoxalement pas été démentie. Une distance sociale importante sépare encore le paysan carélien transplanté, après la dernière guerre, sur un lopin de terre ou le cultivateur de la région de Lapin -dont l'avarice est brocardée- et le descendant des familles germano-baltes ou suédophones qui maîtrise la langue française et prétend se nourrir de cuisine « pétersbourgoise ».

I. LE CADRE ÉCONOMIQUE GÉNÉRAL

L'économie finlandaise a traversé, de 1992 à 1993, une récession sévère. Certains commentateurs 12 ( * ) ont pu évoquer « l'ampleur du désastre économique finlandais ».

En dépit des contraintes budgétaires, l'amélioration de la conjoncture, déjà perceptible à la fin de 1993, a été confirmée en 1994 par la plupart des indicateurs et devrait se renforcer encore en 1995.

A. APRÈS QUATRE ANNÉES DE DÉCROISSANCE

1. Le retour de la croissance du produit intérieur brut

Le produit intérieur brut global était tombé à 81,8 milliards de dollars en 1993. Il a atteint 98,2 milliards de dollars en 1994, soit un progrès de 2 %. Le produit intérieur brut devrait croître de 5 % en 1995. Selon certaines prévisions, une progression de 5 % l'an peut être attendue en Finlande jusqu'en 1997.

ÉVOLUTION DU PIB FINLANDAIS (en %)

1989

+ 5

1990

+ 0,4

1991

+ 6,4

1992

- 3,5

1993

- 2,5

1994

+ 3,5

Le produit intérieur brut finlandais était de 22.780 dollars par habitant en 1992, soit le huitième rang en Europe. Il n'a été que de 16,165 dollars en 1993 mais est remonté à 19,266 dollars par habitant en 1994.

2. Une dépréciation monétaire en cours d'atténuation

L'inflation a tendu à s'apaiser, ainsi que le montre le tableau ci- après :

1989

+ 6,6

1990

+ 6,1

1991

+ 4,3

1992

+ 2,9

1993

+ 2,2

1994

+ 1,1

En dépit de la généralisation de la taxe sur la valeur ajoutée au taux moyen de 22 % introduite en juin 1994 en remplacement de la taxe sur les ventes, l'inflation s'est limitée à 1,1 % en 1994 et ne devrait pas dépasser 1,5 % à 2,5 % cette année.

La baisse des prix alimentaires (- 7,4 % sur le premier semestre) liée à l'entrée dans l'Union européenne en janvier dernier, et l'appréciation continue du markka. qui diminue le coût des importations (la monnaie s'est appréciée de plus de 10 points depuis le début de l'année par rapport au dollar) ont sensiblement contribué à contenir la hausse du coût de la vie.

Enfin, à l'issue d'une difficile négociation, qui se déroulait pendant le séjour de votre Mission en Finlande, les partenaires sociaux ont conclu un accord salarial bisannuel modéré. Il prévoit en effet 1,8 % d'augmentation au 1er novembre, suivi de 1,3 % en octobre 1996.


L'endettement extérieur brut de la Finlande représentait, en 1993, quelque 46 milliards de dollars, soit 53 % du produit intérieur brut (contre 51,6 % en France).

L'endettement public représentait en 1993 70 % du produit intérieur brut, en raison du coût annuel du chômage et du soutien apporté à un secteur bancaire sinistré.

En 1995, le service de la dette coûte plus à l'État finlandais, que ce qu'il consacre à l'éducation.

La dégradation des finances publiques est telle qu'elle nécessite des économies budgétaires. Limité à 15 milliards de markkas 13 ( * ) en 1991, le déficit budgétaire est brusquement passé à 60 milliards de markkas en 1992. 77,7 milliards en 1993 et atteindrait déjà 68,3 milliards cette année. L'impasse atteint un niveau préoccupant compte tenu de la diminution des recettes (- 9 % pour l'impôt sur le revenu en 1993) du coût croissant de la protection sociale et de la nécessaire consolidation des banques au bord de la faillite qui a exigé une injection de 40 milliards de markkas en 1994.


• Le fléchissement économique pendant quatre années s'est traduit sur le plan monétaire. La politique du « markka fort » n'y a pas résisté. Dès novembre 1991, la banque centrale de Finlande a été contrainte de laisser flotter le markka qui a perdu 10 % de sa valeur par rapport à Écu. En septembre 1992, un nouveau « décrochage » du markka par rapport au « système » monétaire européen fut décidé. Le markka perdit 30 % de sa valeur. Mais, depuis 1994, le markka tend, il faut le répéter, à s'apprécier progressivement, notamment par rapport à l'ÉCU.

3. L'assainissement des finances publiques semble plus rapide que prévu

La dégradation des finances publiques était telle qu'elle a nécessité des économies budgétaires. Limité à 15 milliards de markkas en 1991, le déficit budgétaire est brusquement passé à 60 milliards de markkas en 1992. 77,7 milliards en 1993 et atteindrait déjà 68,3 milliards cette année.

a) Le Gouvernement a amplifié les mesures de réduction des déficits amorcées par son prédécesseur

La décision, prise en 1994 par le Gouvernement AHO, de geler 12 milliards de markkas de dépenses pour plafonner à 179 milliards les dépenses de l'État de 1995 à 1997 a été maintenue. Les cinq partis au pouvoir se sont engagés, en avril 1995, dans leur plate-forme de gouvernement, à de nouvelles et importantes économies.

Celles-ci portent sur 20 milliards de markkas, équivalant à 4 points de PIB, étalés sur l'ensemble de la législature en cours (mars 1995 à mars 1999), dont 10 milliards de réductions dès l'exercice 1996. 4,4 milliards de 1997 à 1999, et un dernier « paquet » de 5,5 milliards, qui fait actuellement l'objet d'ultimes arbitrages.

À également été adoptée la désindexation des régimes sociaux (retraites, chômage, allocations familiales) sur la hausse du coût de la vie ; en outre, pour éviter toute surenchère sur les salaires, à la veille d'une difficile négociation collective cette automne, les revalorisations éventuelles des salaires et traitements dans la fonction publique devront être automatiquement compensées par des réductions de dépenses courantes équivalentes dans chaque administration.

b) Le besoin net de financement de l'État devrait se réduire des deux-tiers d'ici à 1998

Conjuguées à une hausse annuelle des recettes de base estimée à 8 % sur la législature, résultant de la croissance économique prévue, les mesures qui précèdent devraient réduire sensiblement dès l'an prochain le déficit budgétaire.

Le budget de l'État qui, jusqu'en 1990, était resté le plus souvent en équilibre (+ 0,7 milliards en 1990), a enregistré depuis d'importants dérapages, sous l'effet cumulé de la récession économique et de la crise bancaire.

Depuis 1992, les dépenses globales de l'État se situent à une moyenne de 200 milliards de markkas, pour un déficit oscillant entre 62 et 70 milliards de markkas, soit 12,6 % du PIB !

Le gel à hauteur de 193 milliards de markkas, arrêté pour la période de 1996 à 1999, et les mesures d'économies décrites précédemment devraient se traduire par une réduction importante du besoin de financement net de l'État, correspondant au volume d'accroissement de la dette publique.

Il passerait ainsi de 54 milliards de markkas cette année (9,71 % du PIB) à 40 milliards en 1996 (6,72 %) pour tomber à 15 ou 20 milliards en 1998.

4. Le chômage reste le problème principal de l'économie finlandaise

La récession s'est traduite par un fléchissement de 20 % du nombre des emplois. Le chômage s'est élevé à 18,2 % de la population active en 1993 et à 18,4 % en 1994. Il atteignait encore 18,1 % au premier semestre de 1995, soit de 450.000 à 487.000 chômeurs. Bien plus, le chômage a, par moment, frappé 45 % des moins de vingt-cinq ans.

Le chômage demeure, par conséquent, la priorité du nouveau gouvernement. Un comité de réflexion sur l'emploi (commission Pekkanen) a été constitué au printemps 1994 pour tenter de dégager, en accord avec les associations syndicales, un plan d'action structurelle contre le chômage, notamment à travers une flexibilité accrue du marché du travail. Les résultats des négociations salariales, engagées en novembre 1994 et qui prévoient une augmentation des salaires pour 1995 de 6 %, inquiètent les autorités finlandaises, qui craignent que ces augmentations soient de nature à compromettre la création d'emplois. En effet, si les entreprises industrielles, exposées à la concurrence internationale, peuvent espérer compenser partiellement la hausse de leurs charges par un accroissement de la productivité, il n'en est pas de même dans les secteurs de l'économie intérieure. Aussi, le nouveau Premier ministre a-t-il mis en garde les syndicats contre tout risque de « dérapage » salarial.

Dans le cadre de l'accord de septembre 1995, le Gouvernement a toutefois accepté de consacrer entre 300 et 500 millions de markkas à une indemnisation améliorée des chômeurs qui choisissent de se recycler.

B. LE COMMERCE EXTÉRIEUR : LA CHANCE DE LA FINLANDE

Le commerce extérieur se traduit par un solde positif de la balance commerciale. Ce solde atteignait, en décembre 1994, 6,46 milliards de dollars (33,6 milliards de markkas). Pour 1995, un solde positif de 7,6 milliards de dollars (35 à 40 milliards de markkas) de la balance commerciale et un solde positif de 3,2 milliards de dollars de la balance des opérations courantes, sont espérés.

1. Les importations

Les importations ont représenté 94,9 milliards de markkas en 1992. Elles ont diminué de 1 % en 1993. Au sein de ce total, les divers secteurs se répartissent comme suit :

- construction mécanique et électrique 34,7 %

- biens de consommation 14,2 %

- énergie 13,3 %

- industrie chimique 11,6 %

- agro-alimentaire 5,1 %

Les principaux fournisseurs de la Finlande sont les pays suivants :

- Allemagne 16,9 %

- Suède 12,3 %

- Russie-Ex URSS - 8.5 %

- États-Unis 6,9 %

- Japon 6,0 %

- France 4,2 %

2. Les exportations : à l'origine du redémarrage économique

La dévaluation du markka finlandais a favorisé les exportations qui ont cru de 13 % de 1993 à 1994.

Le taux de change très favorable du markka. joint à des gains de productivité a permis une croissance exceptionnelle des exportations, qui ont produit un excédent-record de la balance commerciale (45 milliards de markkas en 1994 contre 31,8 en 1993 et 12,5 en 1992, Aussi, la balance des opérations courantes, dont le déficit s'était fortement contracté en 1993 a-t-elle affiché en 1994 un excédent de 10 milliards de markkas et dégagerait-elle 17 milliards de markkas en 1995.

Les secteurs les plus favorisés par cette expansion ont été la métallurgie et la transformation du bois.

Par ailleurs, la Finlande croit aux éco-exportations, c'est-à-dire concernant des produits à contenu écologique. Elle exporte chaque année pour quelque 25 milliards de markkas d'éco-produits.

Un comité mis en place par le Ministère du Commerce et de l'Industrie a évalué les possibilités futures des écoproduits. Selon lui, ils devront utiliser les produits naturels plus durablement ou occasionner moins de charge sur l'environnement que les produits classiques qui répondent au même besoin. Ils devront, en outre, être compétitifs sur le plan international et leur compétitivité ne devra pas reposer sur les subventions publiques.

La Finlande dispose d'un savoir-faire écologique compétitif sur le plan international ? en particulier dans la fabrication des installations de production d'énergie ainsi que dans la technique de production des pâtes à papier et du papier, de même que dans les domaines de la métallurgie. de la chimie et des techniques de traitement des eaux résiduaires. C'est le domaine agroalimentaire qui a, semble-t-il, les meilleures possibilités de se développer du fait de la qualité de l'environnement et des produits agricoles finlandais.

La Finlande s'affirme comme particulièrement compétitive pour ce qui concerne l'économie d'énergie, les produits liés au planning familial, le tourisme naturel, la radiotéléphonie, l'exploitation de l'informatique dans les transports et la technique portuaire.

Pour 1995, une croissance de l'ordre de 10 % des exportations est attendue.

3. Le marasme provoqué par l'évanouissement du partenariat économique avec l'ex-URSS

La Finlande a toujours contesté le terme de « finlandisation » en ce qu'il comportait des insinuations qu'elle n'avait, jugeait-elle, pas méritées.

Les relations de la Finlande avec le voisin russe ou soviétique n'ont jamais été simples. La tentation de l'opposer, dans un souci d'équilibre, à l'autre grand voisin -le Suédois, dont une importante minorité parle la langue en Finlande- est présente, dans l'histoire et jusque dans l'urbanisme. À Helsinki, la statue du tsar Alexandre II, qui accorda l'autonomie au grand duché de Finlande, règne encore sur la place la plus prestigieuse.

Pour autant, les limitations imposées par l'Union soviétique à l'autonomie de la Finlande n'ont-elles été qu'illusion ? La géographie humaine fournit deux réponses à cette question. La première tient à la longueur de la frontière commune de la Finlande avec la Russie : 1.269 kilomètres. La seconde réside dans le fait que la Finlande importe 69 % de son énergie et 89 % de son pétrole ; or, ce dernier vient pour 43 % de Russie, la politique de neutralité menée par la Finlande a, en outre, constitué, en elle-même, une réponse.

Enfin, la Finlande constituait, depuis la seconde guerre mondiale, la « vitrine de l'Occident », où venaient, notamment, s'approvisionner les nomenklaturistes.

L'évanouissement du rideau de fer puis la partition de l'ex-Union soviétique ont mis fin de façon presque brutale à cette situation de relative dépendance de fait s'agissant de l'économie. Le commerce avec la Russie est ainsi passé de 22 % du commerce extérieur total de la Finlande en 1985 à 3 % en 1991.

Les échanges commerciaux de la Finlande avec la Russie, sans retrouver leur niveau d'origine, ont, en revanche, connu, au cours des derniers mois, une certaine reprise (ils représentaient en 1994 7,1 % du commerce extérieur finlandais et avaient progressé de 100 % de 1992 à 1993. En 1995, la Finlande devrait effectuer environ 8 % de son commerce extérieur avec la Russie où elle jouit des relations privilégiées avec la région de Saint-Pétersbourg.

Les statistiques montrent, au demeurant, qu'une partie des importations ne fait que transiter par la Finlande avant d'être réexpédiées vers la Russie. Celle-ci a, par ailleurs, fait connaître son intention de payer sa dette d'environ 6 milliards de markkas dus par l'ex-URSS à la Finlande. Un demi-milliard sera réglé par la fourniture d'armes.

Mais, pour la Finlande, la confusion de la situation politique en Russie -particulièrement dans la conjoncture pré-électorale actuelle- laisse planer des incertitudes économiques qui justifient la recherche de garanties en Europe occidentale.

4. Le commerce avec la France mériterait d'être développé


• Depuis douze ans, nos échanges commerciaux avec la Finlande demeurent structurellement déficitaires. Ils représentaient, en 1993, notre 10 ème déficit bilatéral, ce dernier s'étant toutefois réduit (3.988 millions de francs contre 6.188 en 1992). Cette amélioration relative tient toutefois plus à une forte contraction de nos achats qu'à une augmentation de nos ventes. Traditionnellement faible, notre taux de couverture a connu toutefois une progression au cours des dernières années : 39 % en 1992, 47 % en 1993 hors matériels militaires. 1994 a confirmé l'existence du solde déficitaire de nos échanges (- 4,2 milliards de francs) et montré même une détérioration de nos positions, qui laisse penser que nos entreprises ne bénéficient pas des effets positifs de la reprise attendue de l'adhésion de la Finlande à l'Union européenne.

Les raisons de ce déficit commercial tiennent, en grande partie, à la structure de nos relations : l'appareil productif finlandais est bien positionné en France, qui est son cinquième client (derrière l'Allemagne, la Suède, le Royaume-Uni et les États-Unis), alors que notre pays n'est que le huitième fournisseur de la Finlande (7 ème en 1993).

Grâce à la libéralisation, en janvier 1993, de la législation sur les investissements étrangers, les investissements français se sont sensiblement accrus, avec 137 millions de markkas en 1994 contre 42 millions en 1992.

Notre pays figure au troisième rang des membres de l'Union européenne, à quasi égalité avec les Pays-Bas et le Danemark, derrière le Royaume-Uni et l'Allemagne. Avec l'ouverture par TRANSPAC SA (groupe France Télécom) d'un bureau de représentation en novembre 1994, on dénombre aujourd'hui 48 implantations françaises en Finlande (dont neuf ont une activité de production), représentant 2.350 salariés. À l'inverse, on compte 140 sociétés finlandaises en France, dont près de la moitié est engagée dans des activités de production. Le montant total des investissements finlandais en France est évalué à plus de 6 milliards de francs, dont l'essentiel a été réalisé au cours des années quatre-vingt.).

Ce déséquilibre important, en comparaison avec l'Allemagne, laisse penser que nous n'avons pas pu, ou pas su jusqu'ici conquérir, dans ce pays « des parts de marché proportionnelles à notre place dans le commerce mondial. Le faible participation française à la mission organisée en mai 1994 par le CNPF à Helsinki est révélatrice de la trop faible attraction qu'exerce jusqu'à présent ce pays sur nos entreprises. En 1994, la part de marché de notre pays en Finlande stagnait encore autour de 4,1 %.


Les contentieux commerciaux sont apurés

L'année 1994 aura vu une normalisation des relations commerciales entre la France et la Finlande.

- La filière bois-papier

60 % des exportations finlandaises vers la France concernaient, en 1993, la filière bois-papier. L'importation en France à bas prix de bois et de papier finlandais a donné lieu à une crise sérieuse du secteur français du bois et du papier, marquée par des faillites en série en 1993. Le Premier ministre français avait décidé, en décembre 1993, l'adoption d'une mesure de surveillance nationale au titre du règlement communautaire 288/82. Les autorités françaises ont levé partiellement cette mesure le 15 juin 1994 (pour certaines catégories de papier dont les objectifs de hausse de prix étaient atteints), et en totalité à la fin de juillet 1994. Les contacts techniques entre administrations se sont depuis lors poursuivis afin d'observer l'évolution du marché, permettant d'aplanir ce contentieux.

- Les chantiers navals

En tirant parti des avantages de compétitivité offerts, notamment par la chute du markka, les chantiers navals finlandais avaient, dès la fin de 1992, pratiqué des prix sans relation avec ceux des autres chantiers européens, arrachant ainsi des commandes record. Celles-ci s'élevaient en août à 17 milliards de markkas représentant 1 million TJB, dont 2,7 milliards pour FINNYARDS et plus de 14 milliards pour KVAERNER MASA-YARDS, qui se classait ainsi au second rang mondial.

Depuis quelques mois cependant, la compétition s'est faite moins âpre entre notamment KVAERNER MASA-YARDS et les CHANTIERS DE L'ATLANTIQUE, le Président de K.M.Y., Martin SAARIKANGAS. s'étant publiquement plaint de la remontée du markka, qui a gagné treize points sur le franc entre le taux de change moyen de 1993 et celui de 1994.

L'accord au sein de l'OCDE sur les aides à la construction navale, qui vient d'être confirmé par la Commission de l'Union européenne, et qui entrera en vigueur au 1er janvier 1996, devrait permettre d'envisager un retour à des pratiques concurrentielles normales.


• Si, jusqu'à ces derniers mois, la gravité de la crise économique n'était guère favorable aux grands contrats en Finlande, les secteurs de l'énergie et des transports restent porteurs, à l'avenir, de projets plus modestes où les chances de l'industrie française sont réelles, mis à part les projets dans le domaine militaire, dont l'examen ne relève pas de notre Commission.

L'abandon du projet de construction de la cinquième centrale nucléaire laisse la voie à plusieurs projets de centrales à gaz ou hydrauliques pour lesquels le groupe Gec-Alsthom pourrait être bien placé.

Dans le secteur des transports, la société nationale des chemins de fer prévoit 10 milliards de markkas d'investissements, d'ici 2005, pour la remise à niveau des matériels fixes et roulants. Le projet est actuellement suivi par plusieurs entreprises françaises : Gec-Alsthom, CFD industrie, Cogifer, le Matériel des Voies...

Pour le renouvellement de la flotte de Finnair. à terme, Airbus conserve des chances considérées comme réelles par nos experts.

Enfin, une coopération scientifique et technologique existe par le biais de l'Association franco-finlandaise pour la recherche scientifique, créée en 1973 et dont le budget est supporté, à parts égales, par le ministère français des affaires étrangères et le gouvernement finlandais.

Au total, il faut souligner combien les industriels et les commerçants français auraient intérêt à se tourner vers le marché finlandais où ils sont encore insuffisamment présents.

Ainsi que l'indiquait, en novembre 1993, notre collègue M. Maurice BLIN « ce pays solide, courageux, industrieux, mérite qu on lui porte une attention particulière » .

II. LES SECTEURS DE L'ÉCONOMIE

A. L'AGRICULTURE ET LA PÈCHE

Le climat qui alterne des étés relativement chauds mais courts et des hivers longs et rigoureux, où pluie (400 à 600 mm l'an) et neige sont fréquentes et où la nuit dure jusqu'à 51 jours, conditionne la végétation.


• La Finlande est un pays de forêt

La forêt couvre 26,7 millions d'hectares. 16 millions d*hectares de forêts sont propriété privée et entre les mains de quelque 352.000 propriétaires.

La production forestière a atteint 34,1 millions de mètres cubes en 1991. La Finlande est le 19 e producteur mondial de bois.


• Les terres cultivées ne couvrent que 8 % du territoire.

L'agriculture ne représente que 3 % du PIB finlandais et n'emploie que 7 % de la population active.

Les terres agricoles ne représentent que deux millions d'hectares, les pâturages 166.000 hectares. 64 % des terres sont propriété privée ; 24 % sont propriété de l'État et 4 % des communes.

Par catégorie de cultures, l'orge occupe 21 % des surfaces cultivées, suivi par l'avoine (19 %).


L'élevage est essentiellement bovin et porcin, ainsi qu'en témoignent le tableau ci-après :

- volailles 5.566.000

- bovins 1.273.000 14 ( * )

- poneys 1.357.000 15 ( * )

- moutons 108.000

- niches 50.000

- chevaux 17.000

- -rennes 413.000

On notera, à titre d'anecdote, que les dirigeants finlandais sont fiers de pouvoir rappeler qu'il subsiste environ 55.000 élans en Finlande. Huit cents ours et cent cinquante loups vivent également dans ce pays où ils sont protégés.


• La pêche

La pêche a autorisé des prises de 82.813 tonnes de poisson en 1991, soit 16,5 kg par habitant (France : 14 kg/hab.). En 1985, les prises étaient de 135.137 tonnes, soit 27 kg/habitant.

B. L'INDUSTRIE

L'industrie finlandaise a, dans l'économie, un poids relatif comparable à l'industrie française. Elle occupait 31 % de la population active et était à l'origine de 33,6 % du produit intérieur brut en 1992.

La production industrielle a crû de 6 % en 1994. Les investissements industriels, qui ont augmenté de 3 % en 1994, devraient progresser de 15 % en


• L'industrie finlandaise est axée autour de la filière bois-papier. Elle produit de la pâte à papier et du papier journal.

Parmi les principaux groupes de taille internationale, il faut citer :

- ENSO-GUTZEIT, spécialisé dans le papier impression-écriture qui, avec 25 milliards de francs de chiffre d'affaires en 1994, est au 5 e rang mondial et a fusionné en mai 1995 avec son compatriote CEITSILUOTO ;

- UNITED PAPER MILLS, qui se consacre à l'impression écrite, mais aussi à l'emballage et à la transformation du bois qui arrive au 8 e rang avec 22 milliards de francs de chiffre d'affaires en 1994 ;

- KYMMENE, célèbre producteur de papiers fins, au 9 e rang mondial avec 21 milliards de francs de chiffre d'affaires pour 1994.

La Mission a pu visiter le complexe industriel Kymi Paper Mills, appartenant au groupe Kymmene, à Kunsankoski (130 kilomètres au Nord-Est d'Helsinki). Le groupe Kymmene emploie plus de 16.000 personnes. L'usine Kymi produit 600.000 tonnes de papiers fins par an sur les 3,5 millions de tonnes que produit le groupe Kymmene en Finlande. Dotée des équipements les plus modernes et seule entreprise agréée, dans sa branche, comme satisfaisant au label nordique de respect de l'environnement, cette usine produit, en particulier. du papier A4 destiné aux photocopieuses et ordinateurs.

Le complexe de Kunsankoski est constitué non seulement d'une usine de papier fin mais aussi d'une unité de couchage et d'une usine de pâte dont la production atteint 460.000 tonnes. La plupart du bois consommé provient de Finlande. Largement automatisé, le complexe a maintenu certains postes d'exécution sous responsabilité humaine dans le double souci de la qualité et du maintien de l'emploi. Rappelons que la groupe Kymmene possède, en France, l'usine de la Chapelle Darblay près de Rouen ;

- METSÄ-SERLA, consacré à l'exploitation forestière et au papier impression-écriture et qui a réalisé 11 milliards de francs de chiffre d'affaires en 1994.

Mais les papetiers finlandais sont confrontés aux difficultés résultant de l'impact de leur activité sur l'environnement. L'utilisation du chlore dans le processus de production les a exposé, en effet, aux critiques des écologistes et a contraint à l'utilisation d'autres produits de blanchiment.


• Il convient de remarquer les performances réalisées par la construction navale finlandaise.

La Mission a pu, lors de son séjour à Helsinki, visiter les chantiers Masa Yards. Restructurés il y a cinq ans les chantiers sont désormais une filiale du groupe norvégien Kvaerner qui emploie 5.000 personnes en Finlande dans la construction navale.

Le groupe Kvaerner, première compagnie norvégienne est coté en bourse. Il emploie au total 25.000 personnes. Ses activités sont réparties entre la construction navale, celle des plates-formes offshore, la mécanique et le traitement de la cellulose.

En Finlande, Kvaerner-Masa-Yards possède trois établissements, à Helsinki, Turku et Kuopio. Son chiffre d'affaires devrait atteindre 3,5 milliards de markkas en progression de 10 à 15 %. Actuellement, le chantier d'Helsinki a du travail jusqu'à la fin de 1998 avec la construction de cinq paquebots de croisière destinés aux Caraïbes. À Turku, les carnets de commande portent sur quatre méthaniers, deux câbliers et deux paquebots. On notera que la cale sèche de Turku, longue de 380 mètres, permet de construire des navires de toutes tailles. Les chantiers Masa-Yads se spécialisent actuellement dans la construction des détecteurs de champs pétrolifères. dans les pétroliers brise glace.

Les chantiers d'Helsinki de la compagnie Kvaerner Masa-yards ont livré à la fin du mois d'avril 1995 un brise-glace fluvial de type nouveau à la société autrichienne Osterreichische Donakrafrwerke AG. Ce navire est capable de naviguer dans des eaux de deux mètres de profondeur. C'est le premier brise-glace a être équipé d'hélices directionnelles électriques Azipod. Le navire, dont le port d'attache est Ybbs, assistera le trafic fluvial et veillera, en hiver, à empêcher la formation des glaces autour des barrages.


L'industrie minière est modeste mais diversifiée. La Finlande était, en 1992. au 9 e rang mondial pour la production de nickel. Elle produit du chrome, du fer, du cuivre, des pyrites, du plomb, du zinc, du platine, du vanadium.


• S'agissant de l'énergie, la Finlande produit 31 % et importe 69 % de ce qu'elle consomme. Ses sources intérieures d'énergie sont l'hydroélectricité (13 % du total) et la tourbe (4 %°).

La Finlande a prévu de produire 22 milliards de kilowatts/heure en 1995. Enfin, l'énergie nucléaire représente 20 % des sources d'énergie en Finlande.


• Dernier secteur important de l'industrie finlandaise, celui des télécommunications.

Un exemple du dynamisme industriel finlandais : NOKIA

Le premier groupe privé finlandais est Nokia qui, dans le monde, compte 27.100 employés (dont 530 en France), avec 150 filiales dans 36 pays. Nokia a eu un chiffre d'affaires de 19 milliards de francs en 1992.

À l'origine, Nokia est une ville située à quelque 200 kilomètres au nord d'Helsinki. C'est dans ce foyer industriel qu'en I865, la société fit ses premières armes. Papier, caoutchouc et plastique constituèrent le gros de son activité. La société devait ensuite se diversifier dans les câbles électriques, puis l'électronique et les télécommunications.

Les premiers pas de la société finlandaise dans le domaine de la téléphonie mobile datent de 1963. Cantonnés tout d'abord à des utilisations militaires, ils ont pris un tour nouveau avec l'ouverture des réseaux cellulaires en Scandinavie. En 1981, Nokia commercialisait ses premiers téléphones cellulaires. La taille limitée du marché intérieur finlandais a contraint la société à franchir les frontières dès 1985.

Pourtant, la société fut victime du déclin de ses activités traditionnelles, en 1991 et 1992. En 1992, les télécommunications, en particulier la téléphonie mobile, apparurent comme la seule voie de salut. Les activités traditionnelles ont été progressivement réduites à la portion congrue (moins de 5 % aujourd'hui contre presque 50 % en 1984). Dans le même temps, la part de la téléphonie cellulaire n'a cessé de gagner du terrain, pour atteindre 35 % des ventes de la société aujourd'hui.

Nokia est parvenu, progressivement, à se faire référencer auprès des distributeurs spécialisés. En France, ce ne sont pas moins de 6.000 distributeurs qui commercialisent la gamme de cette entreprise. Et les prix ne cessent, parallèlement, de baisser : moins 15 à 20 % par an. La communication de la marque est, elle aussi, le reflet de l'évolution de la clientèle recherchée. Le groupe est ainsi, depuis 1992, le premier fabricant à avoir fait de la publicité en France à la télévision, avec un budget de plusieurs dizaines de millions de francs.

C. LES SERVICES

Les services emploient 60,6 % de la population active en Finlande. Ils ont contribué à hauteur de 60.4 %, en 1992, à la formation du produit intérieur brut.


• Le tourisme est porteur d'avenir

Au sein des services, les recettes touristiques sont à peu près stables depuis 1990. Elles ont atteint 1,21 milliard de dollars en 1993 (contre 23,5 milliards de dollars pour la France).

Pour 1995, l'Office national du tourisme (ONT) s'est fixé pour objectif d'atteindre 14 millions de nuitées, soit 5 % de plus qu'en 1994. Les touristes étrangers en couvriront une bonne moitié. Pour ce qui est des rentrées en devises, un accroissement d'environ 600 millions de markkas est attendu.

Le nombre des étrangers qui se rendent en Finlande n'a pas cessé de croître, depuis 1992. Au cours des deux premiers mois de 1995, le tourisme en provenance de Russie a cru plus vite. Si l'on se base sur le nombre de nuitées, les Russes forment le groupe d'étrangers le plus nombreux en Finlande. Ils sont suivis par les Allemands, les Suédois, les Anglais, les Américains, les Français et les Japonais. Le tourisme de transit et ethnique à destination des pays baltes, de la Russie et des autres pays de la Communauté d'États indépendants est toujours vivace. En revanche, le développement des tournées Scandinaves traditionnelles semble s'être arrêté et même légèrement régresser. Finnair a inauguré un nouveau vol sans escale entre Osaka. au Japon, et Helsinki. L'ONT et Finnair apportent leur soutien à la campagne « Moumine » lancée par une chaîne d'agences de voyage japonaise. En outre, depuis 1993, l'ONT multiplie les efforts en vue d'élargir la production des voyages organisés à partir, entre autres, de la Corée, de la Thaïlande et de Taiwan à destination de la Finlande.

Malgré cette croissance attendue, la capacité d'accueil de la Finlande reste, en moyenne, largement supérieure à la demande.


• Dans le domaine des transports, la Finlande dispose de quelque 77.974 kilomètres de routes dont 46.995 étaient asphaltés en 1992. Elle dispose, en outre, de 5.853 kilomètres de lignes de chemin de fer dont 1.664 sont électrifiés.


Le consumérisme

La Finlande s'est dotée, en 1978, d'une loi en matière de consommation qui a été modifiée à plusieurs reprises.

Tout consommateur peut saisir le Conseil des plaintes des consommateurs lorsqu'il est en litige avec un professionnel. La procédure devant ce conseil est simple. Il est composé de représentants de professionnels et de consommateurs. Les décisions rendues par cette instance n'ont toutefois pas de caractère contraignant.

Pour obtenir une décision contraignante, le consommateur devra s'adresser à une autre instance, le Tribunal du marché.

Autorité indépendante, l'ombudsman des consommateurs (Kuluttaja-asiarnies) a pour rôle essentiel de veiller à la légalité des conditions de commercialisation des produits et des services tant en ce qui concerne les pratiques commerciales que les clauses abusives dans les contrats

Depuis 1990, trois organismes, l'Office national de la consommation, le Centre national de la recherche sur la consommation, l'Office national de l'alimentation font respecter la législation applicable.

La principale association de consommateurs finlandaise est « Suomen Kuluttajaliito » (l'association des consommateurs finlandais). Elle regroupe soixante-huit associations locales et quatre grandes organisations nationales (deux syndicales, une association de patients et une association de retraités). Elle publie une revue, Kuluttajauntiset, qu'elle tire à 10.000 exemplaires. Il existe également une autre association qui regroupe des consommateurs individuels.

III. L'ADHÉSION À L'UNION EUROPÉENNE : FUITE EN AVANT OU ALTERNATIVE SALUTAIRE ?

De tradition, la Finlande appartenait à la zone de libre-échange.

Conscients des enjeux de l'adhésion pour la sécurité du pays, les Finlandais se sont finalement prononcés par 57,4 % contre 42,6 %, pour l'entrée de la Finlande dans l'Union européenne, par le référendum du 16 octobre 1994.

La décision du peuple finlandais consacre la nouvelle orientation du pays vers l'Europe occidentale, déjà bien amorcée par l'adhésion de la Finlande à l'espace économique européen et par la réorientation de ses échanges commerciaux vers l'Ouest.

Pour votre Mission, la décision finlandaise d'adhésion ne doit pas s'interpréter uniquement comme un alignement sur l'adhésion suédoise opéré dans le seul souci de conserver à la Finlande son avance dans certains secteurs économiques et d'être « présent lors de la prise des décisions ». L'adhésion finlandaise apparaît, à bien des égards, comme un geste prioritairement politique : la manifestation à la face du monde -et, en premier lieu, au voisin russe- que la Finlande appartient à l'Europe occidentale.

Pour autant, la Finlande ne se départit pas des aspirations libre-échangistes au niveau mondial qu'elle partage avec la Suède.

Il y a là un faisceau de mobiles dont il ne faut pas ignorer la complexité pour comprendre les positions finlandaises.

A. LES RÉSULTATS DES NÉGOCIA TIONS D'ADHÉSION

1. La Finlande assume depuis son adhésion l'acquis communautaire

La Finlande a assumé l'ensemble de l'acquis communautaire, notamment la politique commerciale commune et la politique agricole commune. C'est ainsi qu'elle a accepté d'aligner, dès le premier jour de son adhésion, ses prix agricoles sur les prix communautaires.

Cette acceptation a été facilitée par l'appartenance de la Finlande à l'Espace économique européen, entré en vigueur le 1er janvier 1994, dans le cadre duquel elle a appliqué une grande partie des quelque trois cents directives régissant les « quatre libertés » de circulation dans le cadre du marché intérieur (personnes, services, marchandises, capitaux).

2. Des concessions tiennent compte des spécificité nationales

Les négociations d'adhésion ont soulevé des difficultés qui se sont résolues, au niveau des échanges, par certaines dispositions transitoires. Elles ont donné naissance à un dispositif exceptionnel, limité dans le temps et dans son étendue :

- environnement : l'Union européenne a accordé à la Finlande, comme aux autres pays accédants, la possibilité de maintenir, durant une période de quatre ans, des normes plus restrictives concernant la classification, l'étiquetage, l'emballage de substances dangereuses ainsi que l'accès à son marché de certains produits (substances chimiques de traitement du bois, cadmium, amiante...), ou encore le système de classification du bois brut (pour une période de trois ans) ;

- tarif extérieur commun : la Finlande bénéficie d'une dérogation de trois ans pour l'application du tarif extérieur commun à quelque 180 produits parmi lesquels se trouvent des produits textiles et électroniques ;

- libre circulation des personnes, des services et des capitaux : la Finlande peut maintenir sa réglementation sur les investissements étrangers jusqu'à la fin 1995. Elle peut également maintenir durant cinq ans sa législation restrictive sur l'accès des étrangers aux résidences secondaires ;

- le « paquet » agro-budgétaire : l'agriculture finlandaise se caractérise par une faible productivité, due notamment à des conditions climatiques peu favorables et à la superficie réduite de ses exploitations (13 hectares en moyenne contre 17 dans l'Union). Le soutien au secteur agricole est pour sa part inversement proportionnel à la productivité, et prend la forme à la fois d'un soutien par les prix et d'aides régionales, les équivalents subventions à la production cumulés s'élevant à 72 % en Finlande contre 49 % dans l'Union.

Dans ces conditions, l'agriculture finlandaise bénéficiera de subventions nationales et communautaires destinées à compenser les pertes encourues par les agriculteurs finlandais, du fait de la transition vers les prix communautaires moins élevés.

En outre, l'Union a adapté ses règles actuelles pour répondre aux spécificités géographiques des pays candidats, notamment par la création d'un nouvel objectif dit « objectif 6 » dans le cadre des fonds structurels, destiné à soutenir l'agriculture nordique, pour les régions au nord du 62 ème parallèle.

Enfin, en matière de pêche, l'Union a autorisé la Finlande à continuer à pêcher le hareng à des fins industrielles pendant trois ans, alors que cette pratique est interdite dans les eaux territoriales de l'Union européenne depuis 1977 ;

- Le statut des Îles Aaland et du peuple lapon est ménagé :

- îles Aaland : un protocole devrait être inséré dans l'acte d'adhésion pour fixer les conditions dans lesquelles les Traités s'appliqueront aux Îles Aaland -lesquelles bénéficient d'un statut international fondé sur une décision de la Société des Nations de 1921-, au cas où les habitants de l'archipel opteraient pour l'adhésion à l'Union européenne ;

- statut du peuple lapon : un protocole a été adopté, qui permettra d'accorder au peuple lapon des droits exclusifs pour l'élevage des rennes dans les régions d'élevage traditionnel.

B. LE DOSSIER AGRICOLE : ENJEU MAJEUR

Au coeur des négociations d'adhésion, le dossier agricole est devenu, au fil des mois, l'enjeu majeur. Il est. en effet, rapidement apparu que l'accord politique définissant les termes de l'adhésion de la Finlande à l'Union entraînerait une amputation importante du revenu des agriculteurs, du fait de l'obligation d'alignement immédiat des prix.

Critiqué sur la façon dont le dossier agricole avait été traité lors des négociations d'adhésion, le gouvernement de l'ancien Premier ministre centriste, M. Aho, avait néanmoins obtenu la confiance du Parlement sur sa politique européenne et sur le « paquet » d'aides nationales à l'agriculture, au prix toutefois d'une forte division de son parti.

L'ouverture des frontières aux produits agricoles européens, concrétisée depuis le 1er janvier 1995 par un alignement des prix intérieurs sur les prix communautaires, est compensée par un soutien accru des finances publiques aux agriculteurs. Le surcoût est chiffré à environ 14 milliards de markkas dont 10 milliards à la charge des autorités finlandaises. Le nouveau Gouvernement envisage toutefois de réduire les aides à l'agriculture pour 1996.

En dépit des mesures nationales de soutien adoptées, l'activité agricole risque d'être profondément affectée par l'adhésion


• Le marché des produits alimentaires jusque là protégé, sera ouvert à la concurrence communautaire

Bénéficiant de prix garantis à la production d'un montant double en moyenne du niveau communautaire, voire du quadruple des cours mondiaux pour certaines denrées, l'agriculture finlandaise s'est toujours trouvée en situation d'excédents chroniques, écoulés à grand renfort de subventions sur les marchés tiers, et qui justifiaient la protection du marché domestique par un dispositif complexe alliant contingents, taxes et droits de douane, contraintes calendaires et réglementaires.

Ainsi, l'écart entre la production et la consommation nationales s'élève aujourd'hui à 24 % pour le lait et les oeufs, 11 % pour la viande bovine et 9 % pour le porc ; la part des produits importés dans la consommation alimentaire du pays, en valeur, serait de 14 % mais de 5 % seulement pour les articles entrant directement en concurrence avec la production domestique (les importations de fruits, légumes, café et épices, où la production nationale est quasi nulle, représentant à elles seules plus du tiers de la valeur des importations alimentaires). À cela s'ajoutent des disparités considérables dans la présence des produits importés sur les rayons d'alimentation, entre l'agglomération d'Helsinki et la province.

L'alignement immédiat des prix agricoles sur les niveaux communautaires et le démantèlement attendu du dispositif de protection aux frontières auront une incidence rapide et brutale sur les échanges du pays, contribuant certainement à réduire les exportations, et renforçant la part de l'Union européenne (près de 44 % en 1993) dans les importations.

Exceptées les denrées de base (sucre, céréales) qui devraient bénéficier désormais de la préférence communautaire, la France n'est sans doute pas la mieux placée pour profiter de ces nouvelles opportunités. 10 ème fournisseur en 1993 avec une part de marché évaluée à 3,9 %, soit 295 millions de markkas sur 7,54 milliards d'importations, elle n'occupe de position dominante que sur le seul créneau des vins et spiritueux, dont la progression demeurera entravée par la survivance du monopole public sur la distribution.


• Le revenu des exploitations pourrait baisser en moyenne d'un quart

Le revenu net moyen, qui se situe actuellement à 85.000 markkas, devrait tomber à moins de 60.000 markkas par an l'an prochain, mais le manque à gagner s'accroît avec la taille des exploitations dès qu'elles dépassent le seuil de 30 hectares (étant même vertigineux pour les fermes de plus de 100 hectares, au demeurant peu nombreuses). Par type de production, les éleveurs de porcs et les céréaliers seront en proportion les plus touchés ; le revenu net moyen annuel passera pour les premiers de 155.000 markkas à 85.000 et pour les seconds de 66.000 à 32.000 markkas.

Hors subventions, la plupart des productions agricoles pourraient être déficitaires, excepté pour la volaille et le lait.

Selon une étude du V.A.T.T., centre public de prévisions économiques, sans le dispositif prévu des subventions communautaires et des aides nationales directes, les comptes d'exploitation deviendront négatifs pour la plupart des productions, exception faite de l'aviculture et des exploitations laitières (revenu brut de 10.000 markkas/an en moyenne), les pertes les plus lourdes étant enregistrées dans la production porcine, céréalière et bovine.

Au total, les perspectives sont d'autant plus sombres que ce sont les exploitations les plus compétitives, celles situées dans le sud du pays, qui paraissent devoir être les plus touchées.

C. L'INDISPENSABLE ASSAINISSEMENT DES FINANCES PUBLIQUES

Si la Finlande n'exclut pas, à terme, de participer à la troisième phase de l'Union économique et monétaire, elle n'est, actuellement, éligible qu'à deux des cinq critères retenus par le traité de l'Union européenne. Ainsi, l'inflation se situe en-deçà du taux de référence et les taux à long terme se situent dans les limites imposées.

En matière de dépenses publiques, les perspectives sont plus sombres. Le niveau du déficit budgétaire finlandais, ramené de 7,5 % en 1993 à 4,7 % en 1994, devrait se situer à 5 % en 1995. Quant à la dette publique, alimentée depuis quatre ans par des déficits budgétaires croissants, elle dépasse depuis deux ans le plafond fixé à 60 % du produit intérieur brut (72,5 % en 1994 et vraisemblablement 85 % fin 1995).

La nouvelle coalition dirigée par les sociaux-démocrates semble résolue à mener une politique d'assainissement des finances publiques de grande ampleur, comme en témoigne l'accord des cinq partis sur un plan de réduction des dépenses publiques de 20 milliards de marks finlandais en quatre ans, après les 12 milliards d'économies adoptées dans le cadre du budget de 1995.

Pour 1996, les principaux secteurs touchés sont les aides aux communes, l'assurance chômage, les allocations familiales et l'aide à l'agriculture. Au cours de cette législature, le gouvernement de M. LIPPONEN entend mener de front la lutte contre le chômage, la stabilisation de l'inflation à bas niveau, la réduction de la dette publique et l'assainissement des systèmes de protection sociale.

Or, le taux moyen d'imposition sur le revenu des particuliers qui était de 45 % en 1993 -dépassé seulement par les Pays-Bas parmi les économies développées-, risque de peser sur la consommation privée. Cette dernière, qui s'était contractée de 14,1 % de 1991 à 1993 a encore fléchi de 2,5 % en 1994.

D. L'IMPACT DE L'ADHÉSION SUR LES ÉCHANGES FRANCO-FINLANDAIS

L'adhésion de la Finlande à l'Union européenne ne devrait pas se traduire par une modification significative de nos échanges commerciaux avec ce pays, d'autant plus que nos ventes sont réparties sur un grand nombre de secteurs, où les produits français n'occupent pas une position dominante. En revanche, l'entrée de la Finlande dans l'Union européenne devrait contribuer à l'ouverture, de part et d'autre, des mentalités.

Dans ce contexte, les opportunités sectorielles pour la France peuvent, selon les experts, être situées comme suit :

- biens agro-alimentaires : les positions de la France devraient pouvoir se renforcer dans les produits de base, où l'alignement des prix finlandais sur les prix communautaires, d'une part, et la préférence communautaire d'autre part, permettant aux négociants français de reprendre des parts de marché à leurs concurrents nord-américains comme aux producteurs de l'hémisphère sud, notamment pour le sucre, les oléagineux, les céréales et les produits de la minoterie. Nos concurrents danois, allemands et néerlandais semblent cependant mieux placés pour profiter de l'ouverture des marchés des produits carnés et des fruits et légumes. En revanche, il ne faut pas s'attendre, à ce stade, à un fort développement de nos ventes de boissons alcoolisées, tant que perdurera le monopole public de distribution, notamment dans la vente au détail ;

- biens d'équipement : l'adoption du tarif extérieur commun devrait renforcer la compétitivité des fournisseurs de l'Union dans des secteurs jusqu'à présent largement ouverts à la concurrence mondiale (électronique, automobile, aéronautique). Dans l'automobile, la reprise de l'acquis communautaire impliquera un contrôle des importations de véhicules japonais, ce qui devrait se traduire par un plafonnement de leur part de marché aux alentours de 36 à 38 %. Les constructeurs français peuvent espérer une amélioration de leur part de marché, qui est actuellement de 10,8 % des immatriculations, et profiter de la reprise des ventes (+ 25 % au premier semestre 1994) ;

- biens de consommation : notre présence est relativement faible en Finlande, à l'exception de la parfumerie et des cosmétiques (part de marché : 22 %) ou du textile habillement (troisième position avec 12 % du marché), D'une manière générale, l'adhésion contribuera à faciliter la libre circulation des produits bénéficiant du label « CE ». qui ne seront plus testés par les laboratoires officiels, contrairement aux produits en provenance des pays tiers :

- marchés publics : la présence étrangère dans le secteur public est faible. Elle pourrait se renforcer avec l'ouverture des marchés mais à l'image de ce qui a pu être observé sur les marchés européens, l'application des normes communautaires ne donnera pas nécessairement lieu à une recrudescence de la concurrence internationale sur les appels d'offres. Une antériorité de l'implantation sur le marché finlandais semble ici aussi devoir être la condition nécessaire au suivi des marchés publics. Par ailleurs, les secteurs jugés « sensibles » ne sont pas libéralisés de manière uniforme : l'énergie, l'eau et les transports demeurent soumis à un monopole de fait, même si la production énergétique pour les besoins industriels et les transports routiers sont largement ouverts à la concurrence mondiale.

En revanche, les transports aériens et la distribution de boissons alcoolisées ne sont pas susceptibles d'être immédiatement et pleinement libéralisés. Seul le marché des télécommunications, ouvert depuis longtemps à la concurrence, a presque achevé sa déréglementation.

Les exportations finlandaises vers la France devraient profiter de la reprise économique en Europe et de l'ouverture des marchés publics.

E. LES CONSÉQUENCES ÉCONOMIQUES POUR LA FINLANDE DE SON ADHÉSION À L'UNION EUROPÉENNE

L'entrée de la Finlande dans l'Union européenne devrait avoir globalement une incidence favorable sur son économie, en termes de croissance, de productivité, d'investissements. Sectoriellement cependant, l'ouverture désormais sans restrictions du marché domestique à la concurrence communautaire affectera dans l'immédiat fortement l'agriculture, et à moyen terme les services, avec une incidence préjudiciable à l'emploi.

1. L'adhésion à l'Union Européenne aura une incidence favorable sur la plupart des indicateurs macro-économiques


Le commerce extérieur

Les relations commerciales déjà fortes avec l'Union européenne devraient se renforcer sensiblement avec l'adoption du tarif extérieur commun et la suppression des entraves techniques subsistant à la libre circulation des biens et services, tout particulièrement dans le secteur agricole et les services financiers.

La reprise de la croissance en Europe, l'accès renforcé des entreprises finlandaises aux marchés publics de la Communauté d'une part, l'ouverture du marché finlandais aux produits agricoles et alimentaires de l'Union européenne d'autre part, liée notamment à la politique de préférence communautaire, devraient à terme renforcer la part relative que l'Union européenne occupe dans les échanges commerciaux de la Finlande.


Les investissements

* Investissements étrangers en Finlande

L'adhésion devrait avoir une incidence favorable sur les investissements étrangers en Finlande, officiellement encouragés par l'adoption, depuis le 1er janvier 1993, d'un nouveau régime, mettant désormais les entreprises étrangères à parité avec leurs concurrents finlandais. Le regain d'intérêt pour la Finlande de 1993 par les industriels étrangers s'est confirmé depuis le début de 1993 et devrait s'accélérer.

Parallèlement aux investissements directs, on devrait assister à un renforcement significatif de la présence étrangère sur les marchés financiers. Ainsi, le portefeuille d'actions détenu par les investisseurs étrangers, essentiellement institutionnels, à la bourse d'Helsinki (HSE) s'élevait fin septembre 1994 à 56 milliards de markkas, contre 22,7 milliards un an plus tôt .

La poursuite en 1995 du vaste programme de privatisations, entamé depuis 1993 retiendra l'intérêt des entreprises étrangères, tout comme la restructuration déjà entamée des principaux groupes industriels (A. AHLSTRÖM, VALMET, NESTE, KONÉ....). En 1994. trois groupes privés avaient un actionnariat majoritairement étranger, qui détenait ainsi 58,8 % du capital de TAMPELLA, 57,6 % de NOKIA et 54,2 % de la compagnie maritime fenno-suédoise EFFJOHN (Silja Lines) ; on observait par ailleurs une présence significative d'actionnaires étrangers dans trois entreprises publiques en voie de privatisation, le groupe minier OUTOKUMPU (33,1 %), le constructeur mécanique et aéronautique VALMET (27,8 %), et le papetier ENSO-GUTZEIT (23,6 %).

* Investissements finlandais à l'étranger

L'impact de l'adhésion devrait être plus faible, quoique réel, sur les investissements finlandais en Europe, où les implantations industrielles et commerciales bénéficient d'un longue antériorité. Sur un stock de capital détenu à l'étranger de 61,7 milliards de markkas fin 1992, soit le triple du stock d'investissements directs étrangers en Finlande, la CEE arrivait en tête, avec 29,2 milliards de markkas (47,3 %), devant l'AELE (13,2 milliards, 21,4 % et l'Amérique du nord (11,2 milliards, 18,2 %).

* Croissance, emploi et productivité

Le regain de croissance que pourrait entraîner l'adhésion est évalué, selon l'organisation patronale TT. à un point de PIB par an. La reprise économique qui s'affirme de manière spectaculaire depuis le début de l'année (production industrielle en hausse de 11,5 % durant les dix premiers mois de l'année par rapport à la période comparable de 1993, un produit intérieur brut qui devrait progresser de 4 points cette année et de 6 en 1995, après avoir baissé de 12,9 % durant les trois dernières années, etc) sera certainement amplifiée par les conséquences déjà évoquées de l'adhésion en termes d'échanges commerciaux et d'investissements. Le chômage, qui était remonté en novembre 1994 à 19,2 % devrait donc se réduire sensiblement.

Pour autant, il ne faut pas minimiser, les conséquences négatives à moyen terme sur la situation de l'emploi engendrées par la levée du protectionnisme agricole et la concurrence accrue à laquelle devront faire face de nombreux secteurs de l'économie « protégée » (BTP, distribution, banques et assurances, services, etc.), qui sont loin d'avoir achevé, voire dans certains cas même entamé, leur restructuration. On estime, en revanche, que les gains de productivité induits devraient atteindre 2 à 3 % par an, avec un effet sur le revenu national équivalent à un point de produit intérieur brut.

2. L'adhésion aura des conséquences négatives sur les secteurs protégés de l'économie intérieure, peu ouverts à la concurrence internationale

De nombreuses professions ou secteurs d'activité, orientés vers la satisfaction des besoins domestiques, ont pu prospérer pendant des décennies à l'abri d'un marché fortement oligopolistique et protégé par des dispositions contraignantes pour les intervenants étrangers. Les quatre années de récession se sont traduites par des faillites spectaculaires suivies de concentrations dans la construction, la distribution, les banques et les assurances. Avec un taux de surcapacité ou de sureffectifs se situant encore à 20 %, ces secteurs, dont la rentabilité a pâti d'une chute répétée de la consommation privée depuis 1991, seront sans doute davantage exposés avec l'arrivée de concurrents européens.

Dans la distribution, on peut désormais espérer l'installation prochaine d'IKEA. qui n'a jamais pu à ce jour ouvrir un seul magasin en Finlande, et anticiper l'arrivée de nouvelles enseignes dans la grande distribution : la présence discrète des banques étrangères (4 succursales en tout et pour tout, axées exclusivement sur la clientèle d'affaires) devrait s'étoffer, et l'activité embryonnaire des assureurs (5 compagnies présentes, représentant seulement 1 % des primes perçues par la profession) enfin démarrer, avec les demandes d'enregistrement déjà déposées par 13 autres sociétés.

Les services aux collectivités, encouragés par la dérégulation opérée dans les télécommunications et l'ouverture des marchés publics, vont attirer les convoitises des grands groupes européens (distribution des eaux, de l'électricité, enlèvement et traitement des déchets, etc.), comme on l'a déjà observé depuis octobre 1992 dans la restauration collective, où SODEXHO est devenu par des rachats successifs la seconde entreprise du secteur derrière AMICA, filiale du groupe FAZER.

F. LE RENFORCEMENT DE LA VOCATION FINLANDAISE DE VOIE D'ACCÈS VERS L'EUROPE OCCIDENTALE

L'adhésion à l'Union européenne devrait sensiblement dynamiser les échanges de la Finlande avec ses deux principaux partenaires à l'Est, la Russie et l'Estonie, vis-à-vis desquels elle s'efforce depuis deux ans d'attirer sur son sol des investisseurs étrangers, à qui elle propose un environnement très performant.

Les relations économiques avec l'Estonie qui. avec ses deux voisins baltes, a signé en juillet 1995 un accord de libre-échange avec l'Union européenne, vont certainement connaître un nouvel essor, alors même qu'on prévoit cette année un triplement des exportations finlandaises par rapport à 1992, année d'introduction de la couronne estonienne (2,7 milliards de markkas réalisés sur les dix premiers mois de 1994 contre 0,9 milliard sur l'ensemble de 1992).

Les relations économiques avec la Russie vont enregistrer une progression d'une toute autre amplitude, sans prétendre retrouver les niveaux record de la décennie passée. Troisième fournisseur de la Finlande en octobre 1994 avec 9 % des importations, contre 7,1 % durant l'année 1992. où elle figurait au 4 ème rang, la Russie, fournisseur privilégié de gaz. de pétrole et d'électricité, est devenue cet automne son 5 ème client, devant les Pays-Bas et la France.

Nouvelle frontière de l'Union avec l'Est, la Finlande paraît ainsi placée pour profiter du regain attendu d'investissements et d'échanges de ses partenaires européens, tant avec les États baltes qu'avec la Russie.

Au total, l'adhésion devrait avoir un impact favorable sur l'économie du pays. L'ensemble des effets positifs correspondrait, selon les experts, à 4,8 points de croissance du produit intérieur brut, au regard de coûts (essentiellement liés à la contribution nette de la Finlande au budget communautaire) évalués à 0,6 point, laissant un impact net de 4,2 points de croissance, et une hausse de la consommation de 5,5 points.

Pour autant, c'est avant tout par son aptitude à entreprendre les indispensables ajustements requis dans les secteurs de l'économie « protégée », au premier rang desquels figure l'agriculture, que la Finlande pourra bénéficier pleinement des effets positifs de son adhésion et, notamment, du nouveau climat de concurrence qu'elle va voir s'installer sur son marché.

CONCLUSION GÉNÉRALE

La Mission a retiré de son passage en Norvège, Suède et Finlande la conviction que la stratégie européenne de chacun de ces trois pays est bien définie.


• Pays traditionnellement dominant dans sa zone et non dépourvu d'une certaine fierté à l'égard du modèle de développement qu'elle est censé apporter au monde, la Suède semble confrontée aux plus redoutables difficultés.

Comment empêcher l'opinion suédoise d'imputer à l'entrée dans l'Union européenne des désagréments (chômage, érosion monétaire, menace d'altération de la protection sociale) qui. en fait, sont dus à des gestions antérieures peut-être exagérément généreuses ?

Comment reprocher aux gouvernants suédois de sacrifier à la tentation d'utiliser la marché commun comme moteur de développement tout en cherchant à préserver les avantages que la Suède retire traditionnellement du libre-échange mondial ?


• Pays animé d'une grande volonté de réussite, la Finlande paraît avoir misé sur l'Europe dans un but plus politique qu'économique, pour se prémunir contre le voisin russe dont la direction politique reste incertaine.

Ancrée sur des « créneaux » d'excellence -l'industrie du bois-papier et l'électronique-télécommunications- la Finlande reste une économie fragile car susceptible d'être confrontée à tout moment des concurrents, notamment en Asie.


• Bénie des dieux en raison des réserves de gaz et de pétrole dont elle dispose avec certitude pour les trente prochaines années, la Norvège ne semble pas mécontente de prendre quelques revanches sur le voisin -et ancien occupant- suédois.

On peut se demander si bénéficiant, grâce à son appartenance à l'Espace économique européen, de la plupart des avantages du marché commun sans pâtir de ses inconvénients, elle n'apparaît pas, à bien des égards, comme la terre de toutes les chances.

Mais n'est-ce pas précisément là que résident les risques ? Assurée de l'équilibre budgétaire, de la stabilité monétaire et du non-endettement, la Norvège ne sera-t-elle pas tentée de consacrer l'essentiel de sa rente pétrolière et gazière à l'amélioration du « Welfare State » aux dépens de l'investissement à long terme ?

En tout état de cause, le NON au référendum de novembre 1994 a clos une période. Votre Mission -quels que soient les regrets qu'elle peut en concevoir- n'a pas le sentiment que la question de l'adhésion norvégienne à l'Union européenne puisse être posée avant une décennie.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 25 octobre 1995 sous la présidence de M. Jean François-Poncet, la Commission des Affaires économiques et du Plan a procédé à l'examen du présent rapport d'information.

À l'issue des exposés de MM. Francisque Collomb et Maurice Lombard, M. Marcel Bony, membre de la mission, a salué l'exhaustivité des propos de MM. Francisque Collomb et Maurice Lombard et souligné, à son tour, la situation exceptionnelle de la Norvège. Évoquant la question agricole, il a remarqué que la part du PIB représentée dans les trois pays par l'agriculture restait limitée et que les agriculteurs étaient, le plus souvent, des pluri-actifs. Il n'a pas caché la déception causée à la délégation par les réalités de l'élevage des saumons, dont le caractère « sauvage » discutable n'entrave par le succès à la vente.

Soulignant la part importante de la forêt (59 % des surfaces), M. Marcel Bony a précisé que la taille moyenne des exploitations n'excédait pas 13 hectares dans ces pays. Il a souligné l'importance des aides européennes pour la survie des exploitations et appelé de ses voeux une extension de ce type d'aide aux zones de montagne en France.

M. Josselin de Rohan s'est interrogé, pour sa part, sur la sévérité des mesures budgétaires prises par le Gouvernement social-démocrate suédois.

M. Maurice Lombard a indiqué, en réponse, que le principal syndicat suédois, ALO, soutenait une telle politique.

M. Bernard Hugo s'est enquis de l'influence des ressources pétrolières norvégiennes sur le différentiel dont la Norvège bénéficie, s'agissant du taux de chômage, par rapport à ses voisins suédois et finlandais.

M. Marcel Deneux s'est enquis de la contribution de la bio-masse à la fourniture des ressources énergétiques en Suède.

M. Marcel Bony a précisé que l'approvisionnement énergétique suédois, était pour moitié, d'origine nucléaire.

M. Félix Leyzour s'est interrogé, quant à lui, sur la proportion des jeunes de moins de 25 ans au chômage en Finlande.

M. Gérard Delfau s'est enquis de l'origine du développement du chômage en Suède et des remèdes qui lui sont apportés.

M. Maurice Lombard a confirmé que, s'agissant de la Finlande, l'aide aux jeunes chômeurs était source de difficultés et que, s'agissant de la Suède, une solution au chômage était recherchée dans la mise en place de stages assortis d'indemnités. Il a précisé le montant en dollars du revenu moyen par habitant dans chacun des trois pays.

M. Marcel Bony a, pour finir, évoqué le grand nombre de femmes qui ont une activité professionnelle (75 %) dans ces pays, et, l'importante proportion de femmes investies d'un mandat électif.

M. Jean François-Poncet, président, a rappelé, pour conclure, la nécessité pour la Finlande, de redéployer son commerce extérieur et souligné, avec intérêt, que ce pays affichait, comme la Suède, une intention claire de respecter les critères de convergence de Maastricht.

À l'issue de cette discussion, la commission des Affaires économiques et du Plan a, à l'unanimité des présents, adopté ce rapport.

ANNEXE

PERSONNALITES RENCONTRÉES PAR LES MEMBRES DE LA MISSION

I. NORVÈGE

- M. Thierry BORJA de MOZOTA, chargé d'affaires de France en Norvège ;

- M. Christian SAILLIARD, responsable du poste d'expansion économique en Norvège ;

- Mme Judith LAERDAL, consul honoraire de France à Stavanger ;

- Mme JEBSEN consul honoraire de France à Bergen.

* *

- M. Haakon BLANKENBORG (A), président de la commission des Affaires étrangères ;

- Mme Kristin HALVORSEN (SV), députée ;

- M. Fridtjof Frank GUNDERSEN (FRP), député ;

- Mme Anne Enger LAHNSTEIN (SP), député ;

- Mme Kaci Kullmann FIVE (H), députée ;

- M. Kjell Magne BONDEVIK (KRF), député.

* *

- Mme KNUDSEN, ministre des affaires européennes, du commerce extérieur et de la marine marchande ;

- M. MYRWANG, secrétaire d'État à l'industrie et à l'énergie ;

- M. MOE, directeur général du ministère des Finances ;

- M. Daniel CHAMPIGNY, directeur de FRANOR AS ;

- M. Audun BERGE, directeur financier de la société KVERNELAND (matériel agricole) ;

- M. Jérôme CONTAMINE, président directeur général de la société Elf Petroleum Norvège.

- M. Jean-Jacques PERCHOUX, directeur général de la société Elf Petroleum Norvège ;

- M. Atle JEBSEN, président de l'armement JEBSENS S.A.

- M. le directeur général de SKRETTTNG SA ;

- M. Troels JACOBSEN, responsable scientifique au centre de recherche du Rogaland.

II. SUÈDE

- M. Stig BRATTSTRÖM, ambassadeur de Suède en France ;

- M. Magnus HELLGREN, deuxième secrétaire à l'ambassade de Suède en France.

* *

- Madame PAGNIER, chargée d'affaires de France en Suède ;

- M. Philippe BOISSY, premier secrétaire à l'ambassade de France en Suède ;

- M. Edouard SICAT, conseiller économique et commercial près l'ambassade de France en Suède ;

- M. André JARRIX, attaché commercial près l'ambassade de France en Suède.

- M. Patrice DOYON, directeur de la Maison de la France à Stockholm.

* *

- M. Jean-Louis GAVE, président de la chambre de commerce franco-suédoise ;

- M. Philippe WAUQUIEZ, consultant financier ;

- Mme Monique MOULLÉ-ZETTERSTROM, directeur général de France Telecom Nordic ;

- M. Lars-Gôran JOHANSSON, directeur de l'information et de la communication du groupe Electrolux ;

- Mme Pia ENOCHSSON, secrétaire d'État à l'agriculture

- M. Svante OBERG secrétaire d'État aux finances :

- M. Sten HECKSCHER, ministre de l'industrie et du commerce ;

- Mme Vanja LUNDBY-WEDIN. vice-présidente du syndicat ouvrier A.L.O. ;

- M. Stellan ARTIN, directeur des affaires internationales à la S.A.F. (Patronat) ;

- M. Jan HERIN, économiste à la SAF (Patronat) ;

- M. Bo BERGGREN, président du conseil d'administration de STORA (industrie du bois), d'ASTRA (industrie pharmaceutique) et de S.A.S. Suède (compagnie aérienne) ;

- M. Kai HAMMERICH, directeur général de l'agence « Invest in Sweden » ;

- M. Bengt DENNIS, conseiller financier de S.E. Banken, ancien gouverneur de la banque centrale de Suède (1982-1993) ;

- Mme Liselotte WAGÖ, députée ;

- Mme Berit LOFSTEDT, présidente de la commission des affaires européennes au parlement suédois ;

- M. Sverker ASTROM, ancien ambassadeur de Suède en France ;

- M. Wilhelm STIERNSTEDT, directeur général de Pechiney-Suède.

- M. Jan ELIASSON, secrétaire général du ministère des affaires étrangères ;

- M.Gunnar LUND, secrétaire d'État aux affaires européennes.

III. FINLANDE

- M. Klaus TORNUDD, ambassadeur de Finlande en France ;

- M. Michaël von KNORRING, conseiller commercial à l'ambassade de Finlande en France.

* *

- M. Alain BRIOTTET, ambassadeur de France en Finlande ;

- M. Jean-Marc RIVES, conseiller à l'ambassade de France en Finlande :

- M. Denis PELBOIS, premier secrétaire à l'ambassade de France en Finlande ;

- M. Robert HOCHE, conseiller économique et commercial près l'ambasade de France ;

- M. Antoine AVILA, attaché commercial.

* *

- M. Risto PAAERMAA, directeur général adjoint au ministère du commerce et de l'industrie ;

- M. Henrik RAIHA, directeur général adjoint au ministère du commerce et de l'industrie ;

- M. Eero MAKINEN, directeur du chantier naval Kvaerner-Masa-Yards à Helsinki ;

-  M. Johannes KOROMA, directeur général de la Confédération de l'industrie et du patronat (TT) ;

- Mme Pirkko LAMMI, directeur du département économique à la Confédération de l'industrie et du patronat ;

- Mme Marjo WAISMAA, responsable du département international à la fédération de l'industrie et du patronat ;

- M. Kalevi HEMILA, ministre de l'agriculture et de la sylviculture ;

- M. Veli-Pekka TALVELA, directeur général au ministère de l'agriculture et de la sylviculture.

- Mme Riitta UOSUKAINEN, présidente du Parlement finlandais ;

- M. Henri LAX, président du groupe d'amitié parlementaire « Finlande-France », président de la commission des lois au parlement finlandais

- M. Erki TUOMIOJA, député, président de la grande commission au parlement finlandais ;

- M. Jaakko HISSA, directeur des affaires internationales au parlement finlandais ;

- M. Matti KLINGE, professeur à l'université de Helsinki ;

- M. Johannn FURUHJELM, président de la société Kymi paper mills ltd ;

- M. Häkan ROMANTSCUK, directeur technique à la société Kymi paper mills ltd ;

- M. Erkki TUOMIOJA, député ;

- M. Pertti SALOLAINEN, député ;

- M. Esko OLLILA, Directeur de la Banque de Finlande ;

- M. Kari MANNOLA, Directeur de la Banque Indosuez d'Helsinki ;

- M. Jaakko IHAMUOTILA, Président Directeur général de Neste Oy ;

- M. Harri PIEHL, Président Directeur général de Kymmene ;

- M. Timo MATTILA, Vice-Président Directeur général de Kemira ;

- M. Antti POTILA, Président Directeur général de Finnair.

* 1 Notre collègue M. Maurice BLIN s'était rendu en Suède pour y étudier I'industrie d'armement, du 1 er au 5 septembre 1993. À la même époque, la commission des Affaires sociales avait envoyé une mission d'information dans ce même pays. On se reportera au apport d'information n° 458 (Sénat 1992-1993) de M. Jean-Pierre FOURCADE, au nom de la commission des Affaires sociales, relatif aux modalités d'insertion des jeunes, de réinsertion des chômeurs et de conversion des personnes menacées de licenciement ainsi qu'à l'organisation du service public de l'emploi.

* 2 La couronne est transmise dans une branche cadette de la famille royale danoise. Le souverain actuel est SM Harald V.

* 3 Actuellement Mme Groharlem BRUNDTLAND

* 4 Ces termes ont été prononcés par des interlocuteurs Scandinaves de la Mission.

* 5 Cf. Sigbjorn JOHNSEN - Put Europe to work : a solidarity alternative for increased growth, competitiveness and employment - Août 1995 - 54 p.

* 6 Actuellement S.M. Charles XVI Gustave La couronne est transmise depuis 1809 dans la famille Bernadette, issue d'un maréchal de Napoléon 1 er

* 7 Cf rapport n° 458 (Sénat - 1992-1993) de M Jean-Pierre Fourcade Cf aussi les modèles sociaux nordiques à l'épreuve de l'Europe par Jeanine Goetschy Notes et études documentaires n° 5001 - I994 16 (Documentation française)

* 8 1 couronne suédoise = 0,73 francs

* 9 Allaseco 1995. p 231

* 10 Les élections législatives finlandaises se sont tenues en mars 1995. Elles ont été remportées par le Parti social-démocrate dont le secrétaire général Paavo Lipponen est devenu Premier ministre. Outre les sociaux-démocrates, les conservateurs, l'Alliance de gauche, le Parti libéral suédois et les Verts partagent la responsabilité gouvernementale Pour la première fois dans l'histoire de la Finlande, aussi bien les représentants de la droite que ceux de l'extrême gauche sont assis autour de ta même table.

* 11 Propos de M. Johannes KOROMA, directeur général de la Confédération de l'industrie et des employeurs

* 12 Atlaseco 1995 p. 93.

* 13 Un markka = 1,20 francs

* 14 soit 75 % du cheptel français à population égale

* 15 soit 1,2 fois la quantité française à population égale

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