6. Énergie
Proposition E 543 |
(Réunion de la délégation du 31 janvier 1996)
Présentation par M. Philippe François d'un rapport d'information :
La Commission a proposé en 1992 une taxe communautaire harmonisée perçue pour moitié sur les émissions de dioxyde de carbone et pour moitié sur les énergies non renouvelables ainsi que sur celles produites par les barrages les plus importants.
Devant l'impossibilité de réunir l'unanimité au Conseil, nécessaire en matière fiscale, la Commission a remplacé cette proposition par une version modifiée publiée le 10 mai 1995.
La Commission propose un cadre harmonisé fixant des objectifs de taux pour la taxe, dont l'institution par les États membres demeurerait facultative jusqu'à l'an 2000. Il n'est plus prévu de suspendre la mise en vigueur de la taxe à l'instauration de mesures équivalentes de la part des autres États membres de l'O.C.D.E.
Les exonérations en faveur des énergies renouvelables sont précisées (solaires, éoliennes, marémotrices, géothermiques ou issues de la biomasse).
La proposition de directive prévoit encore que la taxe serait généralisée à tous les États membres, selon des taux harmonisés à compter du 1 er janvier 2000 et que les États doivent diminuer d'autres prélèvements, à concurrence du produit de la taxe afin que son instauration ne se traduise pas par une augmentation de la charge fiscale globale.
La proposition modifiée ne semble pas plus devoir faire l'unanimité.
Selon les estimations mêmes de la Commission, le produit de la taxe à plein régime devrait avoisiner les 50 milliards d'Écus, soit 325 milliards de francs.
Devant l'importance du prélèvement, et du renchérissement de l'énergie qui s ensuivrait ; devant également la difficulté de dégager des baisses d'impôts compensant la nouvelle taxe, la plupart des États membres maintiennent leurs réserves.
De fait, l institution de la nouvelle taxe ne parait pas l'approche la plus appropriée :
- d'une part, son effet sur les émissions de CO 2 demeure largement incertain ;
- d'autre part, il existe d'autres moyens de parvenir à la stabilisation voire à la réduction des pollutions atmosphériques, moyens plus efficace et plus respectueux du principe de subsidiarité.
Une décision du Conseil du 24 juin 1993 a institué un mécanisme communautaire de surveillance des émissions de CO 2, selon des programmes nationaux comportant des engagements et un calendrier précis.
Compte tenu notamment des performances enregistrées en France par les diverses mesures nationales de réduction de la pollution atmosphérique (taxes sur les carburants, « vignettes » progressives sur les véhicules à moteur, taxes sur la pollution atmosphérique perçues au profit de l'Agence des économies d'énergie ou encore incitations fiscales aux économies d'énergie), il convient d'abord d'encourager ces politiques. Leur efficacité est établie puisque, par exemple, la France a réduit ses émissions totales de CO 2 d'un tiers depuis 1980.
Puisque la réalisation des engagements des États membres par rapport à l'objectif commun de stabilisation des émissions de CO 2 d'ici à l'an 2000 peut être contrôlée au niveau communautaire par le mécanisme de surveillance mis en place et déjà opérationnel, il n'est pas opportun de s'engager, même progressivement, sur le chemin de l'instauration d'une taxe communautaire.
La structure même de la taxe proposée pourrait fournir un cadre tout prêt pour l'instauration d'un prélèvement directement perçu au profit des Communautés européennes, ce qui était l'inspiration initiale de cette taxe.
Enfin, la gestion de la taxe harmonisée selon la procédure du « comité des accises », c'est-à-dire par décisions arrêtées à la majorité qualifiée, selon les pondérations de l'article 148 du Traité, pourrait aboutir à ôter toute autonomie aux États membres dans leurs choix en matière de ressources énergétiques, puisque la modulation des taxes décidées au niveau communautaire orienterait à l'évidence ces choix et de façon décisive.
Aussi, je vous suggère d'inviter le Gouvernement français à maintenir ses réserves vis-à-vis de la proposition de directive modifiée tout en encourageant la réalisation des programmes nationaux de réduction des émissions de CO 2 par le recours aux mesures qui semblent les plus appropriées à chaque État sous le contrôle de la Commission européenne. Parallèlement, il me semble souhaitable de développer, tout en renforçant leur cohérence, les programmes de modernisation du secteur énergétique des pays d'Europe centrale et orientale « responsables » aujourd'hui du quart des émissions mondiales de CO 2 . Il y a là un « gisement » de réduction des pollutions atmosphériques dont l'exploitation est absolument prioritaire.
*
Au cours du débat qui a suivi la présentation par M. Philippe François de son rapport d'information, M. Jacques Oudin a déclaré partager pleinement les observations du rapporteur et a posé deux questions, l'une de fond, l'autre de forme. Il a tout d'abord indiqué qu'il lui semblait complètement inopportun de prendre le risque d'alourdir les taux de prélèvements obligatoires, spécialement en France où ils sont parmi les plus élevés de la Communauté, se demandant si les fonds structurels ne pourraient pas être mis à contribution pour aider les entreprises responsables du plus gros des émissions de dioxyde de carbone à améliorer les processus de production et à renforcer leur « efficacité énergétique ». Ensuite, il a souhaité que dans ses conclusions la délégation ne se borne pas à inviter le Gouvernement « à maintenir ses réserves » vis-à-vis de la proposition de directive mais, plus nettement, à « manifester son opposition ». La délégation a approuvé cette proposition.
M. Xavier de Villepin a également manifesté son approbation à l'égard des observations du rapporteur et s'est interrogé sur l'éventuelle influence de certains secteurs d'activités, tels les chemins de fer, en faveur d'un durcissement de la réglementation antipollution ; il a en outre souligné la nécessité d'éviter de surenchérir les prix européens.
M. Philippe François, rapporteur, a rappelé le climat dans lequel était née la proposition de la Commission : celle-ci a été mise au point pendant la préparation du « sommet de Rio », alors qu'on pouvait escompter un engagement de la part de tous les États de l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE). Le retrait américain a sans doute déséquilibré la traduction en normes internationales de la prise de conscience générale des risques de modification du climat. Les entreprises de transport ferroviaire ne sont venues que récemment au soutien de ce mouvement.
M. Charles Metzinger s'est déclaré d'accord avec les réserves du rapporteur vis-à-vis de toute proposition qui pourrait entraîner une augmentation des prélèvements obligatoires. Il s'est cependant interrogé sur l'efficacité de mesures nationales pour atteindre à elles seules l'objectif de la taxe, à savoir la stabilisation des émissions de CO 2 . Il s'est demandé s'il ne conviendrait pas d'instituer la taxe communautaire comme une « menace » pour amener les entreprises les plus polluantes à respecter les valeurs limites fixées. Il a indiqué que l'objectif de réduction des pollutions demeurait intrinsèquement souhaitable, pour la France comme pour la Communauté.
M. Philippe François, rapporteur, a indiqué qu'il existait un mécanisme communautaire de surveillance qui, même s'il est dépourvu de pouvoirs de police, peut alerter la Commission et le Conseil sur le non-respect des engagements des États au regard des objectifs souscrits au niveau communautaire.
Le rapporteur s'est encore fait l'avocat du développement des carburants de substitution, rappelant les travaux menés en ce sens par la commission des affaires économiques et du plan du Sénat dont il a conduit une mission aux États-Unis, et exposant que, si l'on intégrait tous les coûts des énergies fossiles, les bio-carburants apparaîtraient comme rentables.
M. Denis Badré ayant rappelé son expérience des conseils « Environnement » sous présidence française au premier semestre de 1995, a souligné que la proposition soulevait des débats de fond tenant à la politique de l'énergie, à la politique des transports, à l'équilibre des relations internationales entre, d'une part, l'Union européenne et le sous-continent Nord-américain ou le Japon et, d'autre part, le Nord et le Sud. Il a indiqué que l'esprit de Rio ne s'était pas complètement dissipé, comme en témoigne l'inscription d'une clause de protection de l'environnement dans le Traité de l'Accord de Libre Échange Nord Américain (ALENA). Les préoccupations environnementales se développent donc, même si le contexte économique et politique est difficile. Le débat existe même entre les États européens, et notamment entre les partisans et les adversaires de l'énergie nucléaire, la France pouvant occuper un rôle de pivot dans plusieurs de ces débats.
M. Denis Badré a alors formulé les trois critères d'appréciation à appliquer aux mesures envisagées en premier lieu, le niveau des prélèvements, qu'il convient non seulement de contenir mais sans doute d'abaisser ; en second lieu, le niveau de la pollution atmosphérique dont la réduction est certainement souhaitable et, enfin, l'effet des mesures choisies, notamment à l'égard de la compétitivité des États-membres et de l'Union européenne en général. Soulignant que le choix entre taxes et normes était lourd de conséquences, il a déclaré sa préférence pour la fixation de valeurs limites par des normes, et a indiqué qu'il convenait d'agir sans relâche pour amener nos principaux partenaires à la prise en compte de ces normes, en particulier dans le cadre de l'organisation mondiale du commerce, plutôt que d'abaisser les normes communautaires.
Au terme de ce débat, la délégation a adopté à l'unanimité le rapport, après en avoir modifié les conclusions dans le sens souhaité par M. Jacques Oudin.
Le rapport de M. Philippe François :
Une écotaxe communautaire : quels effets
environnementaux,
a été publié sous le n° 210 (1995-1996) |
Proposition E 511 |
(Réunion de la délégation du 31 janvier 1996)
Présentation par M. Jacques Oudin d'une proposition de résolution :
Vous m'avez chargé, en décembre dernier, de préparer une proposition de résolution sur la proposition d'acte communautaire E 511, qui concerne le programme communautaire SAVE II.
De quoi s'agit-il ?
Le programme SAVE est destiné à subventionner des actions en matière d'efficacité énergique. SAVE I a porté sur la période 1991-1995 ; SAVE II est appelé à lui succéder pour la période 1996-2000. Ce programme prévoit notamment de financer des actions de normalisation, des études portant sur des thèmes liés à l'efficacité énergétique ou des actions de sensibilisation. Je ne développe pas davantage les différents aspects de ce programme, qui sont détaillés dans le projet de proposition de résolution que notre président vous a fait parvenir.
Ce programme pose, malgré son objectif louable, plusieurs problèmes :
Tout d'abord, la Commission européenne propose d'engager le programme SAVE II, sans qu on ait une idée claire des résultats du programme SAVE I. Dans le texte adressé au Sénat, la Commission évoque une étude réalisée par une équipe d'experts indépendants, mais cette étude, dont la Commission indique qu'elle est annexée à la proposition, ne nous a en fait pas été transmise.
La Commission européenne indique également qu'une conférence tenue à Florence a été un autre élément d'évaluation du programme. Cette conférence réunissait des représentants des États, ainsi que les bénéficiaires du programme SAVE. On ne pouvait attendre de ces derniers qu'ils remettent en cause l'efficacité du programme.
Dans ces conditions, il est difficile pour le Sénat de se faire une idée claire de l'efficacité du précédent programme, au moment où il doit se prononcer sur son renouvellement. Or, le dernier rapport de la Cour des Comptes montre que de nombreux programmes communautaires font l'objet d'une gestion critiquable. C'est pourquoi il me semble que nous devons faire preuve de vigilance.
Par ailleurs, la Commission européenne propose que 150 millions d'Écus soient affectés au programme SAVE II alors que le programme SAVE I ne portait que sur 35 millions d'Écus.
Pour justifier cette augmentation massive, la Commission indique plusieurs raisons qui ne me paraissent pas pleinement convaincantes, comme vous pouvez le voir dans le texte de la proposition de résolution.
Dans une période où les États ont engagé une lutte difficile contre les déficits publics, il est légitime de se demander s'il est indispensable de multiplier par près de cinq les sommes attribuées à ce programme.
En outre, il existe actuellement de multiples programmes communautaires en matière énergétique et je crois qu'avant d'engager de nouvelles actions, on devrait réfléchir à la coordination indispensable entre ces programmes, pour éviter une mauvaise utilisation des fonds communautaires et une dispersion des actions.
Enfin, ce programme pose un problème sérieux de base juridique. Le programme SAVE I avait pour base juridique l'article 235 du traité de Rome. Cet article permet aux institutions communautaires d'agir dans des domaines où elles n'ont pas reçu de compétence de la part des traités, à condition que cette action soit nécessaire pour réaliser l'un des objets de la Communauté. Cet article implique une adoption à l'unanimité. Son utilisation était logique dans le cas du programme SAVE puisque le traité ne contient pas de dispositions en matière de politique énergétique. L'attribution de compétences à l'Union européenne dans ce domaine figure d'ailleurs à l'ordre du jour de la prochaine Conférence intergouvernementale.
Or, la Commission européenne propose aujourd'hui l'article 130 S du traité comme base juridique pour le programme SAVE II. Cet article porte sur la politique de l'environnement. Il s'agit d'une base juridique tout à fait contestable, compte tenu du fait que le programme SAVE, relatif à l'efficacité énergétique n'a pas pour seul objectif la protection de l'environnement. En fait, la Commission européenne souhaite utiliser cet article, parce qu'il implique une adoption au sein du Conseil à la majorité qualifiée et non à l'unanimité comme l'article 235.
C est pour ces raisons que j envisage de déposer, si vous en êtes d'accord, la proposition de résolution qui vous a été envoyée. Il s'agit de demander un audit sur les actions menées par la Communauté dans la domaine énergétique, afin de vérifier la coordination des programmes et la bonne utilisation des fonds. Cette proposition va dans le même sens que celle de la délégation de l'Assemblée nationale, qui a été approuvée par la commission de la Production et des Échanges.
Je propose en outre, que nous nous opposions à une augmentation aussi massive des fonds attribués à ce programme. Je souhaite enfin que la base juridique soit modifiée pour être en conformité avec la véritable nature de ce programme.
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La délégation a alors décidé le dépôt par M. Jacques Oudin, d'une proposition de résolution sur la proposition E 511 (voir texte ci-après).
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
Le Sénat
Vu la proposition d'acte communautaire E 511
Considérant que la proposition d'acte communautaire E 511 a pour objet de renouveler le programme SAVE, dont le but est la promotion de l'efficacité énergétique dans l'Union européenne ;
Considérant que les éléments d'appréciation portés à la connaissance du Sénat sur le programme SAVE I ne permettent pas d'avoir une idée claire de son efficacité ;
Considérant en outre que de nombreux programmes communautaires ont fait récemment l'objet de critiques de la part de la Cour des Comptes européenne ;
Considérant que la Commission européenne propose de multiplier par près de cinq le budget du programme SAVE au moment où les États membres sont engagés dans une action difficile de réduction des déficits ;
Considérant qu'il existe de nombreux programmes communautaires en matière énergétique, sans qu'il soit avéré que leur coordination est pleinement assurée ;
Considérant que la Commission européenne propose une base juridique relative à la politique de l'environnement, alors que le programme SAVE II n'a pas pour seul objectif la protection de l'environnement ;
- s'associe à la demande de la Délégation pour l'Union européenne de l'Assemblée nationale tendant à ce qu'un audit global soit diligente par le Conseil de l'Union européenne sur l'ensemble des actions menées par la Communauté dans le domaine de l'énergie ;
- s'oppose à l'augmentation massive des fonds consacrés au programme SAVE ;
- demande au Gouvernement d'agir au sein du Conseil afin que la base juridique de la proposition E-511 soit conforme à la nature de ce programme et que l'article 130 S du Traité sur l'Union européenne soit remplacé par l'article 235.
Cette proposition de résolution a été
publiée sous le n° 194
Elle a été renvoyée à la commission
des Affaires
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Proposition E 540 |
(Réunion de la délégation du 31 janvier 1996)
La proposition E 540 concerne le Traité sur la Charte de l'Énergie et le Protocole sur l'efficacité énergétique, signés en décembre 1994 par 50 parties, dont les Communautés et leurs États membres.
Ce traité a pour objet de développer la coopération entre les pays d'Europe de l'Est - PECO et CEI - qui disposent de ressources naturelles considérables et les pays occidentaux titulaires d'un savoir-faire énergétique important. Il crée un cadre juridique encourageant la coopération à long terme, au moyen de dispositions sur l'investissement, le commerce, le transit, l'environnement, la fiscalité, l'accès aux capitaux et aux technologies.
Le Protocole sur l'efficacité énergétique renforce, pour sa part, les dispositions du traité relatives à la protection de l'environnement.
La proposition E 540 tend à faire approuver par les Communautés européennes ces deux textes sur lesquels le Sénat sera amené à se prononcer ultérieurement en vue de leur ratification.
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Ayant considéré que les entreprises européennes du secteur énergétique devraient profiter de la mise en oeuvre de ces textes qui contiennent de nombreuses mesures destinées à faciliter le développement de leurs activités à l'Est (protection des investissements réalisés dans ces pays, établissement de règles de concurrence, devoir de transparence des lois et procédures applicables dans les pays signataires, etc.) ;
La délégation a décidé de ne pas intervenir sur la proposition E 540.