AUDITIONS DE LA COMMISSION

(La séance est ouverte à 9 heures 15 sous la présidence de M. Jacques LARCHÉ)

M. Jacques LARCHÉ, président.- Mesdames, Messieurs, je vous remercie d'être présents et d'avoir bien voulu répondre à notre invitation. Pourquoi ce thème de la délinquance juvénile ?

D'abord en raison de l'acuité du problème. Notre collègue et ami, M. Rufin, est actuellement chargé d'une mission portant sur la totalité de ce problème dont nous connaissons toute la difficulté.

Cette mission lui a été confiée par M. le Premier ministre.

Il est très vraisemblable que sur la base de ce rapport le Gouvernement fera des propositions qui devront bien sûr être l'objet de notre part d'une discussion extrêmement attentive.

La délinquance juvénile, dans mon esprit, ce sont deux mots qui paraissent presque antinomiques, la délinquance et la jeunesse. Et pourtant nous constatons, semble-t-il, notamment sur le terrain en tant qu'élus locaux, une croissance préoccupante de cette délinquance.

Le problème est donc posé et il s'agit pour nous -c'est un mot bien ambitieux- de tenter de le résoudre, tout au moins d'y apporter un certain nombre de solutions.

Nous savons bien qu'à l'arrière-plan de la délinquance juvénile il y a un état social, générateur sans doute pour partie de cette délinquance que nous constatons.

Sans chômage, sans ghettos, sans immigration non intégrée, elle serait peut-être moindre.

Deux attitudes sont possibles, dont nous allons discuter et débattre, qui doivent se conjuguer : le répressif et l'éducatif.

Il est évident que malgré la jeunesse du délinquant, il faut que le législateur prévoie une certaine répression, elle est inévitable, semble-t-il.

Et au-delà de la répression il y a son bon usage, dans la mesure où par la répression on peut parvenir peut-être à une réinsertion du jeune.

Voilà en quelque sorte nos pistes de réflexion.

Les intervenants sont extrêmement divers. Ils ont eu tous à traiter, à considérer ce problème, soit qu'ils assurent la défense, soit qu'ils aient à juger, soit qu'ils aient à poursuivre, soit qu'ils aient à accomplir cette tâche extrêmement difficile de la répression sur le terrain.

Nous entendrons tout d'abord des avocats spécialisés dans l'enfance délinquante. Je m'efforcerai de ne pas être trop directif, je leur indiquerai leur temps de parole.

Je l'indiquerai avec toute la révérence nécessaire aux juges, et avec encore plus de révérence au Parquet.

Quant aux fonctionnaires de police et membres du corps préfectoral, je leur dirai qu'ils ne doivent pas dépasser un certain temps de parole.

D'abord je donne la parole à mon collègue et ami Michel Rufin, chargé de ce rapport extrêmement important, dont le Gouvernement attend beaucoup. Pour notre part, compte tenu de la qualité du rapporteur et de la préoccupation constante qui a été la sienne dans ce domaine de la délinquance juvénile en sa qualité de rapporteur du Budget devant la commission des Lois, nous attendons également beaucoup du travail qu'il est en train d'élaborer.

M. Michel RUFIN.- Monsieur le Président, Mes Chers Collègues, Mesdames, Messieurs, mon propos sera bref, et n'abordera pas le fond du problème, car le projet de loi portant réforme de l'ordonnance du 2 février 1945, relative à l'enfance délinquante, sera examiné par notre commission des Lois dans une semaine.

Ce projet de loi touche un sujet essentiel pour notre société, qui nous concerne tous, et sur lequel vous avez souhaité, Monsieur le Président -et je vous en remercie infiniment- organiser une journée d'auditions afin que notre commission des Lois dispose d'un maximum d'informations.

« La question de l'enfance coupable est une des plus urgentes de l'époque présente. »

Ces propos, je les ai extraits de l'exposé des motifs de l'ordonnance de 1945. Mais hélas, le problème de l'enfance délinquante conserve toujours son actualité.

Ces dernières années, force est de constater que depuis la dégradation de la situation économique et l'aggravation de la fracture sociale dénoncées par M. le Président de la République, ces dernières années, dis-je, ont entraîné le développement de situations d'exclusion grave particulièrement sensibles dans nombre de quartiers de villes ou de leurs banlieues.

Ces difficultés ont touché de plein fouet ceux qui sont au nombre des plus vulnérables au sein de notre population, à savoir les jeunes.

Ils sont souvent confrontés à la désintégration de la cellule familiale, aux échecs scolaires, aux doutes sur leur devenir professionnel, quand ce n'est pas aux tentations de la délinquance.

En tant que rapporteur du projet de loi réformant l'ordonnance de 1945, j'ai d'ores et déjà procédé à de très nombreuses auditions sur ce texte et sur le problème de l'enfance délinquante en général.

J'ai notamment entendu des représentants des magistrats, tant du Siège que du Parquet, des avocats, des éducateurs, mais toutes ces personnes avaient pour commun dénominateur d'intervenir au nom d'une organisation professionnelle ou syndicale.

Telle n'est précisément pas la caractéristique des personnes que nous allons entendre aujourd'hui.

Elles ne seront pas porte-parole d'une organisation, elles seront là pour nous faire part de leur sentiment sur le projet de loi, mais aussi plus généralement de leur expérience personnelle.

Nous avons en effet souhaité que cette journée aille au-delà des questions soulevées par le projet de loi, et que soit abordé le problème de la délinquance juvénile dans son ensemble.

D'ailleurs, vous n'êtes pas sans savoir que le projet de loi lui-même, qui s'insère dans un cadre plus général, est accompagné de plusieurs autres mesures précises dans le cadre du pacte pour la ville.

C'est la raison pour laquelle les personnes que nous allons entendre viennent d'horizons fort divers.

Il y aura bien évidemment ce que j'appellerai des praticiens de l'ordonnance du 2 février 1945, ordonnance que l'on nous demande de modifier. Il s'agit bien entendu des avocats, des éducateurs, ainsi que des magistrats et notamment des juges des enfants. Mais il y aura également des personnes confrontées à des difficultés quotidiennes liées aux mineurs, et je pense en particulier aux membres du corps enseignant et aux fonctionnaires de police exerçant dans des quartiers réputés difficiles.

Ces personnes viennent non seulement d'horizons professionnels différents, mais également de zones géographiques diverses.

En particulier je crois que nous sommes parvenus, à travers ces auditions, à un équilibre entre Paris d'une part et la province d'autre part.

Toutes ces interventions devraient contribuer à nous éclairer sur les nombreuses questions soulevées par le problème de l'enfance délinquante.

Faut-il réformer l'ordonnance de 1945 dont je vous rappelle qu'elle se veut avant tout éducative ? Si oui, quelles sont les pistes à explorer ? Parmi celles-ci, ne faudrait-il pas s'orienter vers des mesures plus contraignantes ? Quelles sont les autres voies législatives ou extra législatives, qui nous permettraient d'assurer une meilleure prévention de ce que l'on pourrait appeler un véritable fléau social ?

Face à son ampleur ne faut-il pas d'évidence que les mentalités évoluent et que des réponses nouvelles soient imaginées sans a priori ni dogmatisme ?

J'arrête ici mes interrogations, car nous aurons une journée bien remplie, et il me paraît indispensable, Monsieur le Président, de procéder maintenant aux premières auditions, et ce sans retard.

Merci.

M. le Président.- Je demande à Me Marie-France Ponelle, avocat à Paris, et à Me Marie-Elisabeth Breton, avocat à Arras, de bien vouloir nous rejoindre.

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