d) Les nouveaux bouquets numériques

Trois grands projets de services multi-chaînes par satellite, en compression numérique, visant le seul marché japonais, sont annoncés pour 1997-1998 : PerfecTV !, DirecTV Japan et JSkyB.

Une telle offre de programmes suppose une révolution du comportement des consommateurs très fidèles aux chaînes hertziennes existantes
. Elle suppose, également, d'autres changements d'habitudes. En raison de la pénurie de programmes, le marché de la location de cassettes vidéo est extrêmement développé.

Le succès des nouveaux services de télévision payants dépend en effet de leur attrait pour justifier des abonnements supplémentaires, des transferts d'abonnement. C'est le cas de téléspectateurs qui, jusqu'alors, se contentaient des programmes des chaînes hertziennes publiques et privées, de la location vidéo et, pour certains, des chaînes diffusées par satellite en mode analogique. Les services interactifs et multimédia devraient jouer un rôle décisif pour faciliter le succès des nouveaux opérateurs. L'émiettement induit de l'audience devrait aussi avoir des conséquences sur les ressources publicitaires du secteur.

Une concentration des opérateurs est donc probable dans les années à venir.

· PerfecTV !

Le premier service de diffusion en numérique a été lancé le 1er octobre 1996. Il proposait, dans un premier temps, 62 chaînes de télévision, dont 9 en paiement à la séance (en collaboration avec le studio cinématographique Shochiku) et une centaine de programmes de radio. Pour le moment, seules BBC World, une chaîne en coréen et une chaîne en portugais constituent les programmes diffusés en langue étrangère.

En avril 1997, le service offrira une centaine de programmes télévisés.

Le capital de PerfecTV ! (550 millions de francs en août 1996) est détenu par quatre sociétés de commerce japonaises et la société Japan Satellite Systems (J-SAT) propriétaire du satellite JCSAT-3, utilisé par le bouquet. Les cinq sociétés possèdent chacune un peu moins de 14 % des parts. On note la présence dans le capital de l'opérateur, outre le propriétaire du satellite, Japan Satellite Systems, de grandes entreprises du secteur des télécommunications, de l'audiovisuel ou de l'informatique (Sony, NEC, NTT, Sharp, Toshiba), mais également une vingtaine d'autres sociétés.

Le coût du matériel de réception (décodeur/décompresseur et antenne) est de 3 850 francs (2 750 francs jusqu'au lancement). Le coût d'abonnement de base (21 programmes) sera de 2 990 yens par mois (150 francs). Le boîtier de décompression/décodeur est fourni par sept industriels. PerfecTV ! étudie l'utilisation à venir du logiciel Open TV, développé par Sun Micro System et Thomson multimédia, permettant d'introduire des services interactifs.

Le plan de développement prévoit d'atteindre 300 000 abonnés dès la première année, et un million trois ans plus tard. Le point d'équilibre est fixé à 3 millions d'abonnés. Ils sont attendus d'ici cinq ans. Les premiers résultats (début janvier 1997) sont conformes aux prévisions. Le jour de l'inauguration, 20 000 foyers étaient abonnés, et le cap des 100 000 avait été franchi dès le 2 décembre 1996.

En juillet 1996, PerfecTV ! estimait le coût de location annuel d'un transpondeur entre 60 et 70 millions de yens (environ 3 millions de francs). Ce prix pourrait descendre après le lancement du bouquet car des incertitudes règnent sur les capacités de programmation de certains opérateurs inscrits. Par ailleurs, PerfecTV ! est d'ores et déjà en concurrence avec le projet nippo-américain DirecTV.

·  Les représentants de PerfecTV ! que votre rapporteur a rencontrés l'ont assuré qu'ils bénéficiaient du soutien du Gouvernement nippon face à ce dernier concurrent. Pour autant, ils n'excluent pas une alliance avec Murdoch, dont le groupe pourrait apporter une douzaine de chaînes sur les 30 que le bouquet numérique compte proposer au printemps 1997. Cette alliance pourrait n'être que provisoire, PerfecTV ! cherchant dans le même temps à conclure une alliance avec DirecTV.

· DirecTV Japan

Annoncé pour la fin de l'année 1997, soit un an après PerfecTV !, DirecTV, version japonaise du bouquet américain, compte sur son savoir-faire pour concurrencer le premier bouquet. Cent chaînes de télévision doivent être proposées sur un nouveau satellite Superbird, dont le lancement est prévu durant l'été 1997.

Société nippo-américaine, DirecTV Japan, est un joint-venture entre Hugues Communications, Culture Communication Club (chaîne de magasins de location vidéo), Dai Nippon Printing (édition), Matsushita et Space Communications Corp. du groupe Mitsubishi, propriétaire des satellites Superbird. Ce groupe est aussi associé au projet par sa filiale de programmes Mitsubishi Corp., qui a acquis les droits de diffusion numérique sur le Japon des catalogues de films étrangers de la MGM et de Turner communication.

Le bouquet devrait offrir une majorité de programmes américains en paiement à la séance, mais aussi d'autres chaînes japonaises et internationales, notamment européennes.

Au début de 1997, les responsables du bouquet numérique maintenaient leur désir de produire leur propre décodeur, malgré les propositions de PerfecTV! de mettre en place un système d'accès commun.

Cette situation ne va pas sans rappeler l'étaut du marché français de la télévision numérique...

· Star TV - JSkyB

L'entrée de Rupert Murdoch sur le marché japonais constitue la plus grosse offensive jamais réalisée par un investisseur étranger au sein de l'audiovisuel japonais.

Votre rapporteur n'a pu qu'être frappé par les réactions suscitées par l'arrivée du groupe Murdoch sur un marché audiovisuel en définitive assez protégé et culturellement homogène.

Il est vrai que la stratégie de l'opérateur australo-américain a été particulièrement habile. Précisant ses atouts (" Nous sommes les premiers et, à ce jour 3( * ) , le seul diffuseur en numérique au Japon et nous sommes déterminés à conforter notre avance "), il a rappelé qu'il disposait des moyens financiers adéquats (l'investissement nécessaire à son projet se situe entre 300 et 400 millions de dollars), que nul ne pouvait s'opposer à ses visées (" Les cieux au-dessus de l'Asie fourmillent de satellites capables de fournir ce service " - la diffusion par satellite - et qu'un satellite " peut être mis en orbite en l'espace de 18 mois "). Dans le même temps, il a donné aux autorités japonaises des garanties culturelles (il a assuré qu'il " avait le plus profond respect pour la culture du Japon et son marché télévisuel " et a indiqué qu'il sera " le seul diffuseur étranger à fournir un service spécialement conçu pour le spectateur japonais ", les autres diffuseurs se contentant, selon lui, de reformater les produits existants en ajoutant ici ou là un sous-titrage ou un doublage) et économiques (après avoir rappelé que, sur les 28 canaux proposés par sa filiale britannique BSkyB, seuls 6 lui appartenaient, il a annoncé que son bouquet serait ouvert aux meilleurs opérateurs de programmes au Japon, et que leur participation serait la condition du succès de JSkyB).

Estimant que la déréglementation en cours du secteur des télécommunications japonaises ne laissait planer aucun doute sur le fait que le temps était venu d'investir dans un bouquet de programmes numériques au Japon, M. Murdoch a effectué une visite à Tokyo, en juin 1996.

Cette visite a vivement inquiété les opérateurs que votre rapporteur a rencontrés.

Pourtant, le groupe Murdoch a déjà un pied sur l'archipel nippon. Disponible sur le Japon grâce au satellite Asiasat 2, le bouquet de programmes asiatiques de News Corp. est, en effet, d'ores et déjà proposé aux câblo-distributeurs. En juin 1996, 60 d'entre eux (400 000 abonnés) reprenaient déjà les programmes de Star Plus Japan Channel, la version japonaise de Star TV. News Corp. espère signer avec 150 sociétés de réseaux câblés d'ici un an. Dès le mois de décembre 1996, Star Movies, une chaîne thématique de cinéma payante, axée sur le cinéma asiatique et américain, a été lancée. Ces premiers programmes spécifiques préparent l'organisation d'un bouquet numérique spécifique au Japon.

La pénétration du marché japonais s'est effectuée en quatre étapes.

·  Première étape : News Corp. s'associe, au printemps 1996, avec le leader japonais de l'édition de logiciels Softbank pour une prise de participation dans la chaîne hertzienne TV Asahi.

·  Deuxième étape : la société JSkyB est officiellement créée le 16 décembre 1996, (News Corp. et Softbank se partagent à égalité le capital de départ qui se monte à 20 milliards de yens - un milliard de francs). Conformément à la loi, JSkyB n'est qu'une plate-forme de commercialisation de programmes par satellite. Le groupe Sony vient, en janvier 1997, de rejoindre JSkyB, ce qui a renforcé la crédibilité de ce bouquet .

Cette prise de participation dans JSkyB répond ainsi au souhait de Sony d'être un véritable opérateur de la télévision numérique au Japon et non pas simplement un fournisseur de programmes et de matériel. Certes, Sony mettra à disposition de JSkyB ses différents catalogues (musique et cinéma), par l'intermédiaire d'une nouvelle filiale créée par Sony Corp., Sony Music Entertainment (SME) et Sony Pictures Entertainment (SPE). Par ailleurs, l'industriel produira le matériel de diffusion et de compression pour la plate-forme, mais aussi pour le bouquet américain de Murdoch (ASkyB). Mais le président de Sony souhaite avant tout participer directement à la gestion financière de JSkyB, en ayant un rôle décisionnel.

Avec cette nouvelle alliance, la concurrence entre les projets JSkyB et DirecTV Japan se précise, contrairement aux souhaits du ministère des postes et télécommunications japonais, qui prône des ententes favorables au consommateur. Jusqu'ici considéré comme un " outsider " de la télévision numérique, le projet développé par News Corp. et Softbank au Japon se renforce et devient un concurrent dangereux de DirecTV Japan soutenu par Hugues Corp., Mitsubishi et Matsushita. Au moment où Sony annonçait sa prise de participation dans JSkyB, les responsables de DirecTV Japan confirmaient leur souhait de produire, dès ce printemps, un décompresseur particulier pour la réception de leurs futurs programmes.

· Troisième étape : News Corp. et Softbank doivent lancer, en avril 1997, par l'intermédiaire d'une nouvelle société, Sky Entertainment (dont ils sont actionnaires respectivement à hauteur de 19,9 % et 81,1 %), 12 chaînes sur le satellite JC Sat 3 : Sky Music, Sky PC (chaîne du multimédia produite par Softbank), Foxnews (adaptation des actualités de Fox TV), Sky News (adaptation des actualités de BSkyB et informations japonaises), Star + (version japonaise de Star TV), Star Movies (Films indépendants asiatiques et internationaux), Sky Movies (films commerciaux), Sky Action Movies (cinéma d'action), Sky Kids (animation internationale), Sky Sports (sport international et japonais), Sky 1 (divertissement international en partie issu de Fox TV), Sky 2 (divertissement japonais, comédies japonaises).

Ces douze chaînes seront disponibles sur la plate-forme de PerfecTV ! au moment de l'augmentation de son offre. Ce choix stratégique permet à JSkyB de tester ses programmes en profitant de l'expérience du premier bouquet, d'éviter une concurrence suicidaire dans un contexte d'explosion du nombre des chaînes, et de désigner un seul ennemi, non pas japonais, mais américain : Hugues et son projet DirecTV Japan. C'est pourquoi JSkyB souhaite développer un décodeur commun avec PerfecTV !

· Enfin, le lancement, en avril 1998, du bouquet JSkyB, sur le nouveau satellite JC Sat 4 (prévision 150 chaînes) marquera la quatrième étape. Autour des douze premiers programmes, plus de cent chaînes produites par des sociétés japonaises seront ajoutées. JSkyB n'investira qu'à hauteur de 10 % dans ces programmes. Elle lance un appel à tous les producteurs locaux et compte notamment profiter de sa participation dans TV Asahi. Les systèmes d'encodage et de cryptage devraient être similaires à ceux de PerfecTV ! Par ailleurs, une seule antenne suffira pour recevoir les programmes des deux satellites JC Sat et même de BS. Dans l'hypothèse d'un maintien du nombre de chaînes sur JC Sat, le spectateur se verra offrir la possibilité de recevoir au moins 260 chaînes, en concurrence avec le bouquet de DirecTV sur Superbird.

Parallèlement JSkyB construit un centre de diffusion satellite géré par une nouvelle filiale Sky Service Entreprise (39,9 % JSkyB - 61,1 % Softbank) qui produira un programme d'information électronique.

L'entrée de Rupert Murdoch sur ce marché constitue la première grande offensive d'un investisseur étranger dans la télévision japonaise. Elle est suivie de peu par celle du groupe allemand Bertelsmann.

Bertelsmann au Japon

Alors que l'opérateur allemand a abandonné ses projets de développement en Europe, il a conclu, en novembre 1996, une alliance avec la maison de commerce Mitsui, portant sur des échanges de catalogues de programmes audiovisuels et multimédia.

Mitsui, un des cinq actionnaires du premier bouquet de télévision numérique japonais PerfecTV !, prévoit la diffusion des programmes du catalogue Bertelsmann sur ce service multi-chaînes en numérique. Les deux sociétés réfléchissent à une stratégie commune pour se développer sur le marché de la télévision numérique par satellite en Europe.

Cette coopération illustre parfaitement l'ouverture du Japon aux intérêts étrangers et l'esprit d'échange souhaité par les acteurs économiques japonais.

Les diffuseurs analogiques ont diversement réagi à l'offensive du groupe Murdoch.

· Depuis octobre 1996, les cinq chaînes de la plate-forme analogique CS Ban sont reprises sur le bouquet numérique PerfecTV ! Elles disposent donc de deux possibilités de réception - analogique et numérique - grâce au même satellite. CS Ban prévoit d'abandonner la diffusion analogique en septembre 1998.

· Skyport , deuxième plate-forme analogique, disponible sur le satellite Superbird B, a choisi d'apparaître comme un bouquet numérique à part entière dénommé Sky D. Celui-ci devrait offrir huit chaînes de Skyport ainsi que six programmes déjà diffusés par le même satellite Superbird (Let's Try, Green Channel...). Cette numérisation interviendra avant fin 1997 et le bouquet sera disponible à la fois sur Superbird et JS Sat. Chaque chaîne aura toutefois la possibilité d'être commercialisée parallèlement par des plates-formes existantes : PerfecTV !, DirecTV ou JSkyB. Skyport ne souhaite donc pas prendre le risque d'une exclusivité sur DirecTV compte tenu de la concurrence qui sera très forte.

·  Avec le lancement de la plate-forme PerfecTV ! en octobre 1996, JSB, l'opérateur de la chaîne cryptée Wowow , diffusée par un satellite de communication, doit affronter une concurrence sans précédent. Le " Canal + japonais ", qui revendique 2,2 millions d'abonnés, a reconnu qu'en octobre 1996, 11 000, puis au mois de novembre, 10 000 abonnés, ont résilié leur contrat. JSB, qui a perdu 78 milliards de yens depuis sa création, dispose d'une marge d'action limitée pour fixer son prix d'abonnement, même si de nouvelles formules de périodes gratuites sont proposées. Récemment, une campagne a été lancée sur le thème : " Wowow : les meilleurs programmes internationaux de cinéma, de sport et de divertissement sur une seule chaîne ". La concurrence est d'autant plus vive que les propriétaires d'une antenne permettant de recevoir les chaînes diffusées sur les satellites BS peuvent aisément recevoir les services de PerfecTV ! en ajoutant une tête sur la même parabole.

Le président de JSB, M. Shoji Sakuma a annoncé en décembre 1996 que Wowow participerait à un bouquet numérique CS à partir de l'automne 1997, sans préciser toutefois s'il s'agira de PerfecTV !, DirecTV, ou JSkyB.

· Enfin, l'opérateur public NHK qui diffuse trois programmes satellite BS, dispose d'un parc de dix millions de décodeurs analogiques spécifiques. Il souhaite le conserver et reste prudent quant à une numérisation trop rapide. La NHK n'envisage donc pas, à court terme, une offre numérisée de ses programmes. Elle continue de privilégier la haute définition et ses capacités de réception en travaillant sur de nouveaux écrans plats. Elle prépare, pour le printemps 1997, un document de réflexion sur la numérisation de la diffusion, que ses promoteurs souhaiteraient d'une portée comparable à celui réalisé par la BBC au début de l'année 1996.

La NHK hésite encore sur la stratégie à suivre. Alors qu'elle projette de lancer un quatrième satellite, elle n'a pas encore choisi entre le mode analogique et le mode numérique, la décision définitive revenant au ministère des Postes et des Télécommunications. Ses investissements dans la TVHD, dans laquelle 500 000 foyers ont investi, ne constituent pas un atout en faveur de la numérisation.

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