c) Faire évoluer le régime financier et fiscal afin d'encourager une intercommunalité de projet et de réduire les concurrences abusives entre communes
1.- Encourager une véritable intercommunalité de projet

Cet objectif essentiel a été l'un des motifs de la réforme de la dotation globale de fonctionnement opérée par la loi du 31 décembre 1993.

Le coefficient d'intégration fiscale apparaît comme un indicateur globalement pertinent , ce qui confirme le bien fondé de la réforme. Néanmoins, le degré d'intégration fiscale, tel qu'il est mesuré par ce coefficient, ne correspond pas toujours à l'exercice de compétences ni à des transferts de charges effectifs entre les communes et les groupements.

Afin de corriger le coefficient d'intégration fiscale, en soustrayant certaines dépenses du produit fiscal du groupement, le pré-rapport du Gouvernement relevait deux critères : l'absence manifeste de lien avec les compétences du groupement, la facilité d'identification comptable des dépenses en cause. L'application de ces deux critères le conduisait à écarter les contingents d'aide sociale et d'incendie .

Lors de son audition par le groupe de travail, M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation, avait néanmoins considéré que le cas des services d'incendie et de secours devrait faire l'objet d'un examen particulier dans la mesure où certains établissements publics de coopération intercommunale exerçaient cette compétence avant la départementalisation.

En outre, l'Etat lui-même a encouragé la création de communautés de communes et de districts en se fondant sur l'argument des effets positifs de cette création en termes de DGF et qu'une diminution de celle-ci obligerait les groupements concernés à accroître leur fiscalité. M. Michel Thénault, directeur général des collectivités locales, avait convenu lors de son audition que la correction du coefficient d'intégration fiscale exigerait, en conséquence, un mécanisme de " lissage " pour les structures existantes.

Enfin, et surtout, le groupe de travail avait souhaité que soit vérifié si l'application des critères susmentionnés ne devrait pas conduire à écarter d' autres transferts.

Il ne peut, en conséquence, que se féliciter de constater que cette observation a été prise en compte par le Gouvernement qui a réalisé à cet effet des simulations qui ont conduit à modifier la méthode initialement envisagée.

Lors d'une nouvelle audition, M. Dominique Perben, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation , a en effet exposé que les contingents d'aide sociale ne représentaient que 0,8 % de la masse globale et que la question de l'exclusion des contingents d'incendie ne se poserait plus après la mise en application de la loi relative aux services d'incendie et de secours.

Il a, en conséquence, avancé l'idée que les transferts financiers ne soient déduits du calcul du coefficient d'intégration fiscale d'un groupement que pour la fraction supérieure au niveau de 35 % des recettes intercommunales, qui correspondait au niveau moyen constaté et considéré comme acceptable. Une telle solution lui était apparue plus équitable pour inciter les établissements publics de coopération intercommunale à exercer réellement leurs compétences en commun.

Mais M. Paul Girod a relevé que, lorsque le groupement confie l'une de ses compétences, par exemple le traitement des ordures ménagères, à une autre structure intercommunale, la contribution qu'il verse à cette structure serait considérée comme un transfert ne pouvant être pris en compte dans le coefficient d'intégration fiscale. Il a donc craint que l'établissement d'une " franchise " de 35% n'encourage en pratique la délégation de compétences à des entreprises privées.

De même, M. Jean-Patrick Courtois a craint une conception extensive de la notion de dépense de transfert qui pourrait, par exemple, inclure les dépenses relatives aux constructions scolaires.

M. Jean-Jacques Hyest, tout en soulignant les " effets d'aubaine " qui affectent la DGF des groupements de communes, a néanmoins jugé nécessaire de rechercher une correction équilibrée du coefficient d'intégration fiscale.

Le groupe de travail a donc considéré qu'il serait pas préférable de raisonner à partir des sommes effectivement consacrées par les structures intercommunales à l'exercice de leurs compétences. Il souhaite que la réflexion sur ce point soit approfondie.

Enfin, l'idée d'encourager l'évolution des formes d'intercommunalité à travers la DGF doit désormais être accueillie avec prudence . Elle pourrait, en effet, soulever un problème d'équilibre entre les différentes composantes de la dotation d'aménagement, la part versée aux structures intercommunales diminuant d'autant celles revenant respectivement à la dotation de solidarité rurale et à la dotation de solidarité urbaine. D'ores et déjà, la DGF des groupements représente plus de la moitié de la dotation d'aménagement (soit 4,6 milliards de francs en 1996) 23( * ) .

Des mesures d'incitation ne peuvent donc avoir un caractère pérenne. Elles ne peuvent se concevoir que dans une phase transitoire où l'intercommunalité n'a pas encore atteint une pleine maturité.

Néanmoins, il existe désormais 1 445 établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, donc éligibles à la DGF, qui regroupent 16 200 communes, soit une population totale de 31,1 millions d'habitants. A échéance de cinq ans, 80 % de la population pourraient être couverts par de telles structures 24( * ) . Il pourrait alors être envisagé de créer trois dotations l'une attribuée aux communes, l'autre aux départements et la dernière aux établissements publics de coopération intercommunale.

Enfin, M. Jean-Paul Delevoye a souligné que si l'intercommunalité permet de créer des services supplémentaires, elle ne peut échapper à la réflexion sur les moyens de susciter des richesses locales supérieures aux dépenses, ce qui implique notamment une rationalisation des dépenses d'investissement et de fonctionnement.

2.- Réduire les concurrences abusives entre communes par l'unification ou le rapprochement des taux de la taxe professionnelle

L'idée, évoquée par un récent rapport de la Direction de la Prévision, de spécialiser les taxes par niveau de collectivité pourrait exposer à de grands risques financiers des collectivités qui ne disposeraient que d'une seule ressource fiscale. Elle doit donc être écartée.

En revanche, l'unification ou le rapprochement des taux de la taxe professionnelle permettrait de réduire les concurrences abusives entre communes pour attirer des entreprises sur leur territoire. Un dispositif en ce sens devrait nécessairement être étalé dans le temps, être concilié avec l'impératif d'une stabilité des ressources locales et correspondre à une volonté effective des élus de partager l'exercice de compétences.

A cet égard, si la taxe professionnelle d'agglomération apparaît comme un instrument efficace de solidarité locale en permettant le partage d'une ressource essentielle, son rôle comme outil d'intégration destiné à financer des compétences autour d'un projet commun mérite d'être examiné.

M. Michel Thénault, directeur général des collectivités locales, a ainsi fait observer devant le groupe de travail que certaines structures intercommunales dotées d'une taxe professionnelle d'agglomération reversant 90 % du produit de cette taxe aux communes, le développement de l'intercommunalité à partir de la taxe professionnelle d'agglomération pourrait dans certains cas correspondre davantage à une intercommunalité fondée sur la solidarité financière, ce qui n'était pas l'objectif poursuivi.

Le pré-rapport du Gouvernement relevait par ailleurs le problème des groupements dont la fiscalité additionnelle (taxes sur les ménages) est trop importante pour qu'ils puissent retrouver leur équilibre financier par la seule taxe professionnelle.

Le maintien d'une fiscalité additionnelle pendant une période transitoire pourrait permettre de lever cette difficulté.

Néanmoins, le développement de l'intercommunalité devant se concilier avec l'objectif de contenir la pression fiscale , la coexistence d'une fiscalité additionnelle et d'une taxe professionnelle d'agglomération devrait nécessairement être limitée dans le temps.

Rappelons, en effet, que sur un produit global de fiscalité locale d'un montant de 280 milliards de francs, 22 milliards de francs reviennent aux établissements publics de coopération intercommunale qui disposent d'un budget global de 70 milliards de francs.

En outre, le groupe de travail estime que la taxe professionnelle d'agglomération ne devrait être mise en place que si son produit est sûr et repose sur des bases fiscales évolutives. Dans le cas contraire, il serait préférable de maintenir une fiscalité additionnelle.

Si la taxe professionnelle doit, pour l'essentiel, être concentrée au niveau du groupement de communes, une part de son produit doit également revenir aux communes adhérentes qui restent confrontées à des charges en dépit des transferts de compétences à l'établissement public de coopération. Les reversements du groupement par le biais de l'attribution de compensation et de la dotation de solidarité doivent permettre de réaliser un équilibre satisfaisant.

La généralisation de la taxe professionnelle unique devrait également s'accompagner de la remise en cause de la règle de liaison entre les taux.

Enfin, la fixation d'un seuil permettrait de réserver, dans un premier temps, cette mesure aux grandes agglomérations. Le seuil ( 30 000 habitants ) proposé par le pré-rapport du Gouvernement pour la généralisation de la taxe professionnelle unique devra être examiné: choix d'un seuil unique, examen d'un seuil alternatif de 20 000 habitants qui est applicable pour la création des communautés urbaines et des communautés de villes (elles mêmes dotées obligatoirement d'une taxe professionnelle unique).

M. Jean-Marie Girault a estimé que la taxe professionnelle d'agglomération serait nécessaire pour rationaliser les choix des structures de coopération intercommunale et pour faire participer l'ensemble de l'agglomération aux coûts de centralité.

M. Paul Girod a jugé nécessaire de faciliter la mobilisation des ressources économiques et de rationaliser la répartition de la taxe professionnelle en prenant en compte la situation des communes qui disposent de la ressource fiscale mais qui ne subissent pas les charges relatives aux habitants de l'agglomération. Il a, en outre, suggéré la définition d'un seuil afin de réserver dans un premier temps le régime de la taxe professionnelle unique aux grandes agglomérations.

M. Robert Pagès a fait observer que le développement de la coopération intercommunale suscitait des dépenses nouvelles que le contribuable local ne pourrait indéfiniment financer. Il a donc plaidé pour la recherche de nouveaux financements à partir de la DGF ou d'autres ressources. Il a par ailleurs fait valoir que certaines collectivités qui étaient effectivement dotées d'un fort produit de taxe professionnele assumaient parallèlement des charges très lourdes.

M. Lucien Lanier s'est déclaré favorable à une péréquation des richesses entre les communes et souhaité que la réflexion soit approfondie sur les moyens de réduire les concurrences abusives.

M. Jean-Pierre Schosteck a fait observer que certaines communes qui ne disposaient pas de la taxe professionnelle n'avaient pas pris les mesures nécessaires afin d'aménager des zones d'activité pour l'implantation d'entreprises. Il a, en outre, jugé nécessaire de remettre en cause la règle de liaison entre les taux qui constitue une contrainte trop lourde pour les collectivités locales.

M. Guy Allouche a fait valoir qu'une péréquation de la taxe professionnelle était indispensable pour permettre à certaines communes de faire face à leurs charges de centralité.

M. Alex Türk a relevé que dans le cas de grandes villes qui se jouxtaient, la question de la centralité se posait dans des termes très différents et que le droit en vigueur n'apportait pas de solution satisfaisante.

M. Jean-Paul Delevoye a estimé que la coopération intercommunale, s'inscrivant dans une logique d'évolution des territoires, pouvait permettre de corriger l'" effet de ciseaux " subi par les communes en raison d'une contraction des dotations de l'Etat parallèle à une forte augmentation des dépenses des personnels et d'action sociale.

Il a considéré que le partage de la taxe professionnelle devait être envisagé dans le cadre d'une réflexion plus globale sur la péréquation des richesses et sur les relations entre l'Etat et les collectivités locales.

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