N° 339

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1996-1997

Rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 22 avril 1997.

Enregistré à la Présidence du Sénat le 9 mai 1997.

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la mission d'information de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1), chargée d'étudier le régime juridique applicable à Saint-Barthélémy et Saint-Martin ,

Par MM. François BLAIZOT et Michel DREYFUS-SCHMIDT,

Sénateurs.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jacques Larché, président ; René-Georges Laurin, Germain Authié, Pierre Fauchon, Charles Jolibois, Robert Pagès, vice-présidents ; Michel Rufin, Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest, Paul Masson, secrétaires ; Guy Allouche, Jean-Paul Amoudry, Robert Badinter, José Balarello, François Blaizot, André Bohl, Christian Bonnet, Mme Nicole Borvo, MM. Philippe de Bourgoing, Charles Ceccaldi-Raynaud, Michel Charzat, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Charles de Cuttoli, Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye, Christian Demuynck, Michel Dreyfus-Schmidt, Patrice Gélard, Jean-Marie Girault, Paul Girod, Daniel Hoeffel, Lucien Lanier, Guy Lèguevaques, Daniel Millaud , Georges Othily, Jean-Claude Peyronnet, Claude Pradille, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Jean-Pierre Schosteck, Alex Türk, Maurice Ulrich, Robert-Paul Vigouroux.


Départements et territoires d'outre mer . - Rapports d'information.

EXAMEN EN COMMISSION

~~~

La commission a procédé mercredi 23 avril 1997, à l' examen du rapport d'information de MM. François Blaizot et Michel Dreyfus-Schmidt sur Saint-Barthélémy et Saint-Martin.

M. François Blaizot
a tout d'abord rappelé que l'Assemblée nationale avait complété un projet de loi relatif à la fonction publique à Mayotte par deux articles additionnels concernant le statut administratif, fiscal et douanier de Saint-Barthélémy et de Saint-Martin et que le Sénat avait disjoint ces deux articles dans l'attente d'une information plus complète sur ces questions.

Il a précisé que la commission avait estimé que ces amendements introduits à l'initiative de M. Pierre Mazeaud n'avaient pas leur place dans ce projet de loi, mais avait jugé opportun de constituer une mission d'information pour approfondir l'examen de ce problème.

Il a indiqué qu'une délégation composée de M. Michel Dreyfus-Schmidt et de lui-même, avait effectué un déplacement à Basse-Terre, à Saint-Martin et à Saint-Barthélémy du 2 au 7 mars 1997.

Abordant ensuite le constat qu'il avait établi à la suite de ce déplacement, M. François Blaizot a d'abord relevé que Saint-Barthélémy et Saint-Martin étaient situées dans la région des Caraïbes, marquée par une très grande diversité et où la présence de la France concernait moins d'un pour cent du territoire et de la population.

Il a ensuite souligné que ces deux îles, bien qu'associées par leur appartenance à la France, leur proximité géographique et leur éloignement commun par rapport au département de la Guadeloupe auquel elles sont rattachées, étaient en fait très différentes.

Il a rappelé que l'île de Saint-Barthélémy, après avoir été initialement peuplée par des colons français, avait connu un siècle d'occupation suédoise et qu'elle avait ensuite été rétrocédée à la France par un traité franco-suédois de 1877.

Il a en outre noté le sentiment très profond d'attachement à la France de la population de Saint-Barthélémy.

Puis il a expliqué que l'île de Saint-Martin, plus étendue que celle de Saint-Barthélémy, était également beaucoup plus peuplée puisqu'on dénombrait 35.000 habitants dans la partie française de l'île contre 6.000 habitants à Saint-Barthélémy.

Il a précisé que la population de Saint-Martin, d'origine très diverse, s'était accrue très rapidement sous l'influence d'une immigration incontrôlée, que cette population était anglophone et que le dollar servait couramment de monnaie d'échange.

Il a, en outre, souligné les problèmes particuliers résultant à Saint-Martin du partage de l'île avec les Pays-Bas, constatant notamment que les infrastructures économiques les plus importantes, comme par exemple l'aéroport international, le port principal et l'unique dépôt de carburant, se trouvaient en territoire hollandais. Il a à ce sujet précisé que la partie hollandaise de l'île jouissait comme les autres Antilles néerlandaises d'un statut d'autonomie très poussée, alors que l'administration française était pour sa part restée très concentrée.

Il a enfin constaté que les cyclones survenus au cours des dernières années avaient occasionné des dégâts importants et que cet aléa climatique pesait fortement sur l'activité économique de ces îles, basée sur le tourisme.

M. François Blaizot a ensuite présenté le régime fiscal, douanier et administratif de Saint-Barthélémy et de Saint-Martin.

Il a rappelé que ces îles relevaient du statut des départements français d'outre-mer depuis la départementalisation de la Guadeloupe en 1946 et que l'article 73 de la Constitution prévoyait que le régime législatif et l'organisation administrative de ces départements pouvaient faire l'objet de mesures d'adaptation nécessitées par leur situation particulière.

Il a ensuite relevé que les différents décrets de 1948 qui avaient introduit la législation fiscale française en Guadeloupe avaient prévu le maintien provisoire en vigueur du " régime particulier " de Saint-Barthélémy et de Saint-Martin.

S'agissant du régime douanier, après avoir rappelé que Gustavia, capitale de Saint-Barthélémy avait été dotée du statut de port franc à l'époque suédoise, il a indiqué que les deux îles étaient considérées comme un territoire d'exportation vis-à-vis de la Guadeloupe et qu'aucun droit de douane n'y était appliqué, à l'exception toutefois d'un droit de quai spécifique perçu au profit de la commune de Saint-Barthélémy.

Il a constaté que les impôts indirects n'étaient pas non plus perçus dans les deux îles, sauf la TVA immobilière, mais qu'en revanche les droits d'enregistrement sur les mutations, donations ou successions étaient normalement acquittés dans les deux îles.

En ce qui concerne les impôts directs, il a indiqué que bien qu'un décret de 1948 ait également prévu une clause dérogatoire en faveur de Saint-Barthélémy et de Saint-Martin, l'administration fiscale contestait leur exonération en s'appuyant sur la jurisprudence du Conseil d'Etat et que l'impôt sur le revenu donnait lieu à de multiples discussions.

Il a estimé qu'en dépit d'un avis du Conseil d'Etat de 1988 considérant qu'une exonération de l'impôt sur le revenu à Saint-Barthélémy serait contraire au principe de l'égalité des contribuables devant l'impôt, sauf à justifier d'une situation tout à fait exceptionnelle, l'administration n'avait pas réellement cherché à recouvrer cet impôt.

Il a précisé qu'il n'y avait pratiquement aucune déclaration souscrite à Saint-Barthélémy, les habitants de l'île faisant valoir qu'ils étaient exemptés de l'impôt sur le revenu en application du traité de rétrocession franco-suédois et qu'à Saint-Martin les déclarations étaient un peu plus nombreuses mais le taux de recouvrement médiocre, de l'ordre de 50 %.

Il a en outre relevé que les impôts locaux étaient perçus seulement à Saint-Martin et donnaient lieu à des contestations concernant notamment la taxe professionnelle.

Enfin, à propos des charges sociales, M. François Blaizot a noté que la mission d'information n'avait pu obtenir de chiffres précis que pour Saint-Barthélémy (à savoir un montant total de cotisations évalué à 17 millions de francs et un montant total de prestations s'élevant à 18 millions de francs), et qu'elle avait été informée de fraudes considérables en matière de cotisations sociales à Saint-Martin, ainsi que de l'importance du travail au noir dans cette dernière île.

A l'issue de cette présentation, M. Michel Dreyfus-Schmidt a marqué la nécessité d'établir le départ entre le rapport d'information et le rapport législatif sur les deux amendements introduits par l'Assemblée nationale dans le projet de loi relatif à la fonction publique à Mayotte. Il a rappelé que ces amendements rejetés par le Sénat au vu de l'avis de la commission des finances, constituaient des " cavaliers " législatifs et qu'il avait annoncé au cours du débat au Sénat la perspective, le cas échéant, d'une saisine du Conseil constitutionnel.

Il a estimé que le déplacement de la mission d'information avait pour objet d'établir un constat de la situation actuelle de ces deux îles et non de discuter des questions de droit.

Il a précisé qu'il était resté hostile à l'adoption de ces amendements à l'issue du déplacement alors que M. François Blaizot y était pour sa part demeuré favorable.

Il a constaté que les îles de Saint-Barthélémy et Saint-Martin, bien que distantes seulement de 18 kilomètres, étaient en fait très différentes l'une de l'autre à bien des égards. Il a souligné que ces îles qui pendant longtemps avaient souffert d'une grande pauvreté et d'un isolement très marqué, avaient connu la prospérité depuis les années 1980, et il a considéré que le handicap naguère lié à l'éloignement de ces îles par rapport à la Guadeloupe devait être aujourd'hui très relativisé par l'existence de moyens modernes de communication.

Il a déclaré que leurs habitants n'avaient pas payé d'impôt sur le revenu des personnes physiques antérieurement parce qu'ils n'avaient pas de revenus et qu'aujourd'hui ils prétendaient ne pas l'acquitter au prétexte qu'ils n'y avaient jamais été assujettis.

A propos de Saint-Martin, il a admis les problèmes suscités par l'absence de frontière matérialisée avec la partie hollandaise et par les difficultés de négociation avec les autorités des Antilles néerlandaises, mais il a considéré qu'une frontière réelle pourrait éventuellement si nécessaire être mise en place.

Il a en outre contesté la réalité des distorsions de concurrence entraînées par les écarts de niveau du salaire minimum et des charges sociales entre les parties française et hollandaise, soulignant notamment l'importance du " travail au noir ".

Il a cependant estimé que les besoins importants de la population de Saint-Martin justifiaient une aide spécifique.

Après avoir constaté l'image de grande prospérité donnée par les habitants de Saint-Barthélémy, il a admis que l'application de l'impôt de solidarité sur la fortune serait susceptible de poser des difficultés pour les habitants originaires de l'île qui pourraient être amenés à vendre leur maison de famille si véritablement la valeur en était énormément surfaite, ce dont il n'avait pas encore la preuve.

Par ailleurs, il a réfuté l'interprétation du traité de rétrocession franco-suédois faite par les habitants de l'île, faisant observer que ce traité n'avait pu prévoir l'exonération de l'impôt sur le revenu qui n'existait pas à l'époque et que la loi de ratification de ce traité disait expressément que les lois applicables à la Guadeloupe l'étaient à Saint-Barthélémy.

Il a également noté que la " loi Pons " de défiscalisation avait été largement appliquée dans les deux îles, entraînant d'ailleurs apparemment une certaine surcapacité hôtelière à Saint-Martin, et que les zones franches étaient très répandues dans la région des Caraïbes.

Evoquant ensuite les difficultés spécifiques liées à la situation dite par certains de " double insularité ", comme par exemple les coûts résultant de la nécessité de se rendre en Guadeloupe pour les accouchements ou pour la poursuite d'études supérieures, il a fait valoir que ces difficultés rencontrées dans de nombreuses îles n'étaient pas propres à Saint-Barthélémy et Saint-Martin et qu'elles pourraient être prises en compte par d'autres voies que l'immunité fiscale.

Enfin, il a regretté que la commission des finances ne se soit pas associée à la mission d'information.

Après les observations de M. Luc Dejoie et Patrice Gélard, la commission a autorisé la publication du rapport d'information .

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page