F. EXAMEN DU RAPPORT D'INFORMATION DE M. CHRISTIAN DE LA MALENE SUR "  LES COOPERATIONS RENFORCEES DANS L'UNION EUROPEENNE "

Le mardi 3 juin 1997, la délégation a examiné le rapport d'information de M. Christian de La Malène sur les coopérations renforcées dans l'Union européenne.

M. Christian de La Malène rappelle la distinction entre les coopérations renforcées organisées en dehors du cadre de l'Union, comme les accords de Schengen ou la coopération aéronautique et spatiale, et les coopérations renforcées se situant dans le cadre de l'Union, comme l'Union économique et monétaire. La Conférence intergouvernementale, poursuit-il, a seulement traité des coopérations renforcées se situant à l'intérieur de l'Union. Ce thème s'est imposé aux négociateurs, amenés à rechercher un moyen de contourner, dans certains domaines, la contrainte de l'unanimité, et souhaitant par ailleurs, dans l'optique de l'élargissement à l'Est, disposer d'un instrument permettant de concilier ce dernier avec la poursuite de l'approfondissement de la construction européenne.

Puis M. Christian de La Malène souligne que des éléments de flexibilité ont déjà été introduits dans le fonctionnement de l'Union par le traité de Maastricht, mais que les négociateurs ne l'avaient alors fait qu'à contrecoeur, faute de pouvoir avancer à douze. La perspective d'un recours accru aux coopérations renforcées, malgré la pression commune de la France et de l'Allemagne dans ce sens, se heurte à nouveau aux réticences de certains Etats membres, qui craignent la mise en place d'une Europe " à la carte ", ou la formation de " clubs " dont certains Etats seraient exclus, ou encore une moindre solidarité financière entre Etats membres. Entre les ambitions des uns et les inquiétudes des autres, la présidence néerlandaise a cherché une voie moyenne consistant à poser des conditions nombreuses et rigoureuses au lancement de coopérations renforcées. Celles-ci seraient soumises à de fortes contraintes de fonctionnement et ne concerneraient en pratique qu'un nombre restreint de domaines dans le cas du premier pilier ; dans le cas des deuxième et troisième piliers, l'impératif de flexibilité pourrait principalement prendre la forme de solutions spécifiques, adaptées à la nature des problèmes traités par ces piliers.

Au total, poursuit le rapporteur, les coopérations renforcées reposeront sur un dispositif relativement complexe et difficile à manier. Il sera politiquement nécessaire, dans la réalité, de maintenir un dialogue étroit entre les Etats participants et les non-participants. L'exemple de l'UEM est là, au demeurant, pour attester de la difficulté à mettre en place et à faire fonctionner, au sein d'un ensemble fondé sur une même participation de tous les membres, un sous-ensemble reposant sur une différenciation : il est clair qu'au moment des choix décisifs, les critères politiques prennent une plus grande importance, et qu'il paraît alors nécessaire de trouver des formules permettant d'éviter une coupure au sein de l'Union.

M. Christian de La Malène estime que, dans ces conditions, il serait exagérément optimiste de voir dans les coopérations renforcées, du moins telles qu'elles devraient être conçues dans le futur traité, une formule permettant de lever complètement la contradiction latente entre élargissement et approfondissement. Il conviendra même d'être attentif, ajoute-t-il, à ce qu'une flexibilité aussi encadrée ne serve paradoxalement d'alibi à l'inaction, notamment dans le cas du deuxième pilier. L'idée de départ des coopérations renforcées était de donner aux Etats membres un outil permettant, le cas échéant, à certains d'entre eux de poursuivre certains objectifs sans être entravés par les contraintes et les pesanteurs d'une Union comptant de plus en plus de membres. Le dispositif d'arrivée est tel que, lorsqu'ils voudront mettre en oeuvre des coopérations renforcées, les Etats membres resteront soumis à une bonne partie de ces pesanteurs et de ces contraintes. Parce qu'il officialise les coopérations renforcées, un tel schéma risque d'avoir un effet dissuasif vis-à-vis de leur mise en oeuvre en dehors du cadre de l'Union mais, ainsi rabattus vers le cadre de l'Union, les Etats en retrouveront en grande partie la logique et les lourdeurs, peu propices à l'action de certains d'entre eux seulement. Si bien qu'il n'est pas certain que le dispositif prévu favorise effectivement l'affirmation de l'identité européenne sur la scène internationale puisque, en l'absence d'une volonté politique unanime en ce sens, cette affirmation ne peut résulter pour l'instant que de l'action de certains Etats membres.

M. Xavier de Villepin s'inquiète de la complexité du dispositif envisagé, alors que les problèmes à résoudre sont simples et que le souci d'efficacité devrait primer. Par exemple, si l'on veut que l'Union continue à contribuer au maintien de la paix en Bosnie, alors que les Etats-Unis doivent en principe se retirer et que certains Etats membres ne souhaitent pas participer à de telles opérations, il faut disposer d'une formule permettant d'organiser l'action commune des Etats membres qui ne se résignent pas à une reprise possible des hostilités.

M. Christian de La Malène précise que, dans le cas de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC), la Conférence s'oriente vers la définition de formes variées de flexibilité, y compris l'action de certains Etats membres au nom de l'Union, mais que la CIG n'a toujours pas tranché la question de savoir si les coopérations renforcées devraient être autorisées par le Conseil à l'unanimité ou à la majorité qualifiée. Il émet à nouveau la crainte que le nouveau dispositif ne décourage finalement les coopérations renforcées en dehors de l'Union, tout en les rendant très difficiles à l'intérieur de celle-ci.

Puis, après un large échange de vues, la délégation a décidé d'autoriser la publication du rapport d'information de M. Christian de La Malène .

Le rapport de M. Christian de La Malène :

" Les coopérations renforcées dans l'Union européenne "

a été publié sous le n° 351 (1996-1997)

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page