b) Une insertion déficiente du dispositif dans l'ordonnancement juridique

Deux problèmes concernant l'insertion du dispositif de traitement du surendettement dans l'ordonnancement juridique demeurent en suspens : le champ d'application dudit dispositif d'une part, la coordination de la procédure avec celle de la saisie immobilière d'autre part.

· Si la notion de dettes susceptibles de faire l'objet d'une procédure de surendettement est largement entendue, l'article L. 333-3 du code de la consommation exclut expressément les dettes à caractère professionnel .

Outre les difficultés liées à la définition de la notion de dette professionnelle, une telle exclusion laisse hors du champ des procédures collectives les professions libérales, dès lors que par ailleurs la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises ne leur est pas applicable. Il convient en outre de souligner que cette lacune de l'ordonnancement juridique crée une disparité de situations entre les membres des professions libérales établis dans les trois départements de l'Alsace et de la Moselle, susceptibles de bénéficier de la faillite civile, et ceux qui sont établis dans les autres départements français.

Afin de pallier, dans la mesure du possible, cette insuffisance de la législation, la jurisprudence procède à une analyse fine de la situation de surendettement : ainsi, le débiteur affichant des dettes professionnelles peut néanmoins être éligible à la procédure de redressement s'il se trouve en état de surendettement au regard de ses autres dettes, non professionnelles. Dans une telle hypothèse, le principe de réalité prévaut lorsqu'il s'agit d'élaborer le plan de redressement : les dettes professionnelles devront être prises en considération 14( * ) .

Cependant, qualifier la nature d'une dette peut parfois se révéler délicate. Une dette peut en effet être contractée à la fois pour les besoins professionnels et pour ceux de la vie privée : ainsi peut-il en aller d'un crédit souscrit pour l'acquisition de la résidence principale dont une partie sera réservée à l'usage familial et une autre sera utilisée pour l'exercice de l'activité professionnelle ; un autre exemple est celui du crédit contracté pour l'achat d'un véhicule. Il semble que la tendance majoritaire des juridictions saisies d'un recours en contestation contre une décision d'irrecevabilité soit de prendre en considération ce type de dettes, de nature hybride, pour caractériser l'état de surendettement.

Une autre faiblesse relative à la définition du champ d'application de la loi a en outre été signalée au groupe de travail : le bénéficiaire de la procédure de traitement du surendettement peut en effet être soit un individu, soit un ménage ou une famille. Or, lorsqu'un couple a contracté solidairement un prêt et que l'époux ou l'épouse refuse le plan amiable, la procédure ne peut aboutir. Cette situation apparaît assez fréquemment lorsque l'état de surendettement résulte d'une séparation.

· La mise en oeuvre du dispositif de traitement du surendettement des particuliers a mis en lumière un autre problème de coordination avec les dispositions de droit commun applicables en matière de saisie immobilière et relatives à la suspension des procédures d'exécution : l'articulation des compétences respectives du juge de l'exécution et du juge de la saisie immobilière n'est pas satisfaisante.

En effet, l'article L. 331-5 du code de la consommation offre à la commission de surendettement la faculté de saisir le juge de l'exécution aux fins de suspension des procédures d'exécution diligentées contre le débiteur. En cas d'échec de la phase de conciliation et de passage à la phase de recommandation, la durée de la suspension, précédemment acquise pour la durée de la procédure devant la commission sans toutefois pouvoir excéder un an, est prolongée jusqu'à ce que le juge confère force exécutoire aux mesures recommandées et, en cas de contestation de ces mesures, jusqu'au jugement statuant sur cette contestation.

Ces dispositions ne peuvent que rarement être mises en oeuvre en matière de saisie immobilière : la Cour de cassation, dans un avis du 15 juin 1995, a rappelé que le juge de l'exécution n'était pas compétent en matière d'exécution forcée sur les immeubles et ne pouvait accorder un délai de grâce que dans les cas prévus par la loi. Or, les articles 702 et 703 du code de procédure civile (ancien), qui déterminent les conditions de mise aux enchères des immeubles saisis et les modalités de remise d'une adjudication dont la date a été fixée, excluent tout autre mode de sursis, dérogeant ainsi au régime fixé par les articles 1244-1 et 1244-2 du code civil. La Cour de cassation a en conséquence estimé " d'une part, que le juge de l'exécution ne peut être valablement saisi d'une demande de délai et de suspension de la procédure d'exécution qu'avant la publication du commandement à fin de saisie immobilière, toute demande incidente à la saisie immobilière formée postérieurement à cette publication ressortissant exclusivement du juge de la saisie ; d'autre part, qu'aucun sursis ne peut être accordé sur le fondement du droit commun après la fixation de la date d'adjudication qui résulte de la délivrance de la sommation de prendre communication du cahier des charges, quand bien même le juge de l'exécution aurait été saisi antérieurement à la publication du commandement ".

Ainsi le sursis à exécution des poursuites prononcé par le juge de l'exécution, à la demande de la commission de surendettement sera-t-il considéré comme dépourvu d'effets par le juge de la saisie immobilière s'il est prononcé après publication du commandement. Or, cette publication devant intervenir dans un délai fixé au maximum à quatre vingt dix jours (art. 674 du code de procédure civile ancien) suivant la délivrance du commandement de payer valant procès-verbal de saisie, il est rare qu'un débiteur soit suffisamment informé pour réagir en temps utile. Il paraît donc urgent de remédier à cette situation de nature à mettre en péril les procédures de traitement du surendettement en mettant en cohérence les dispositions applicables en matière de saisie immobilière.

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