5.6.4 Détail du coût de passage portuaire
Il est constitué par :
- le coût de la manutention,
- les droits de ports,
- les coûts de pilotage, remorquage et lamanage,
- le stockage et la reprise sous magasin ou sur terre-plein,
- les opérations administratives,
auxquels on doit ajouter les coûts d'immobilisation de la marchandise et du navire dans le port dont les valeurs unitaires sont importantes et qui dépendent de la célérité des opérations dans le port : ainsi, « un navire coûte chaque jour 9 000 $ pour un vraquier moyen, 16 000 $ pour un porte-conteneurs de 1 600 EVP (et même 25 000 à 30 000 $ pour un porte-conteneurs de 4 000 EVP) ; un séjour de la marchandise au port de trois semaines pour l'accomplissement des formalités douanières signifie une augmentation de son coût d'environ 0,6 % »
La manutention est pour tous les ports et toutes les marchandises (sauf les liquides en vrac) le poste qui pèse le plus lourd dans le coût de passage, d'où l'importance quantitative, mais aussi qualitative de ce poste.
marchandises |
importance de la manutention dans le coût de passage |
conteneurs |
60 % |
conventionnel |
50 à 80 % |
vracs solides |
50 à 60 % ou plus |
produits pétroliers |
25 à 30 % |
Source : Jean Chapon, Transports (op cité)
La DTMPL, sur la base de la réactualisation rapide d'une étude ancienne, a estimé qu'entre 1985 et 1995/1996, la part relative de la manutention 39 ( * ) dans le coût de passage portuaire est passée en moyenne, tous types de navires confondus, de 62 % à 54 %, même si la situation est très contrastée selon les ports. Cela étant, ces gains sont très insuffisants en comparaison des tarifs des concurrents étrangers 40 ( * ) . Les annexes 2 et 3 donnent des exemples de facturations à l'armateur pour du fret conventionnel et pour des conteneurs. Pour certains chargements de frets conventionnels, les tarifs peuvent aller du simple au double. Cela contribue sans doute au désir des armateurs de se reprendre de ces surcoûts sur les PLTC facturées aux concessionnaires ou aux chargeurs.
Les droits de ports se composent des droits sur le navire et (seulement en France et dans certains ports méditerranéens), de droits sur la marchandise.
Les droits sur le navire sont variables, et unitairement d'autant moindres que la cargaison opérée dans le port est plus importante. Le tableau ci-après en donne un aperçu.
Marchandises ou bateau |
Importance des droits sur le navire dans le coût de passage |
porte-conteneurs de 1 600 TEU |
20 000 à 30 000 F * |
300 conteneurs dans un « 1 600 TEU » |
4 à 8 % |
pondéreux solides |
12 à 16 % |
pondéreux solides de forte densité |
20 à 30 % |
produits pétroliers |
40 à 50 % |
* 40 000 à 60 000 F dans les ports étrangers de la Manche et de la Mer du Nord.
On voit l'importance du poste pour les produits pétroliers, d'autant plus grande que la manutention effectuée par passage est peu onéreuse. Les industriels de ce secteur s'en plaignent d'ailleurs, arguant que les installations correspondantes du port sont amorties et qu'ils « subventionnent » d'autres trafics plus volatils. Ils s'estiment mieux traités aux Pays-Bas ou en Grande-Bretagne. De fait, ils sont depuis peu partiellement entendus en France. Mais il convient de relativiser cette querelle, car le coût de passage portuaire à l'importation (hors déchargement) représente de l'ordre de 0,6 % du prix de reprise à la raffinerie.
En attendant de pouvoir disposer des travaux de l'Observatoire des coûts de passage portuaires (lesquels dépendent beaucoup des types de navires et de trafics), il est difficile de se faire une opinion sur la position concurrentielle des ports français, d'autant que les avis et exemples fournis sont divergents. Le paragraphe 5.4.2. a évoqué la bonne position du port d'Anvers. Notre sentiment est que les droits de ports ont fait l'objet d'ajustements au cours de ces dernières années, notamment pour les navires de lignes régulières, qui les rendent davantage compétitifs globalement parlant.
Les droits sur la marchandise pour les trafics non exonérés représentent entre le tiers et la moitié des droits sur le navire. De fait, ils ont une incidence négligeable sur le fret des lignes régulières, mais ils pèsent plus lourdement sur le compte d'escale d'un grand vraquier sec ou d'un grand pétrolier.
Les coûts de pilotage, remorquage et lamanage sont variables d'un port à l'autre en fonction de leurs conditions d'accès et de leurs caractéristiques nautiques.
Ces coûts étant déterminés au navire, et non au poids, ils s'abaissent unitairement avec la quantité de marchandises traitées : c'est l'effet « diviseur » qui désavantage les faibles quantités 41 ( * ) . Ainsi, pour le trafic des conteneurs, Le Havre manipule en moyenne 550 conteneurs par escale contre 936 à Rotterdam ou 1 139 à Anvers 42 ( * ) , lesquels se trouvent ainsi automatiquement avantagés.
Dans l'exemple de 300 conteneurs traités depuis un porte-conteneurs de 1 600 TEU, le poids de ces trois postes représente au total 15 à 25 % du coût de passage. Pour le vrac solide, son poids dans le coût de passage se situe entre 8 et 12 %.
La position compétitive des ports français sur ces trois postes appelle les mêmes observations que pour les droits de ports. Il est difficile de se faire une idée globale sur les performances comparées par rapport aux ports concurrents, mais en règle générale, les frais de ports semblent être du même ordre de grandeur et parfois moindres que pour les ports étrangers. Par ailleurs, ils ont une importance relative (8 %) dans les comptes d'exploitation des navires, ce qui en fait un poste moins sensible que les coûts de manutention ; cela ne dispense pas de rechercher chaque fois que possible des gains de productivité et des tarifs plus bas ou plus adaptés. Ainsi, l'expérience a montré, en matière de remorquage, que l'introduction d'une entreprise concurrente dans un port étranger avait pu faire baisser les prix correspondants d'environ 20 % à 25 % dans ce port.
Le stockage et la reprise sous magasin et sous terre-plein ont un coût très variable selon la nature de la marchandise et la durée des opérations.
Les opérations administratives concernant le navire représentent un coût faible (1 à 2 % pour les vraquiers, 2 à 4 % pour les autres navires). Par contre celles concernant la marchandise sont plus importantes, notamment pour le transit (exemple cité par Jean Chapon de 300 F par conteneur) et pour le connaissement (90 à 100 F par conteneur, comparable à l'ensemble des postes pilotage + remorquage + lamanage).
5.6.5 Essai de synthèse
Quoiqu'une vue globale soit difficile du fait de la diversité des situations et du manque de données disponibles, il est possible d'esquisser les conclusions suivantes :
Le premier poste de coût est le fret maritime. Celui-ci est actuellement au plus bas compte tenu des surcapacités mondiales lesquelles sont directrices sur les prix. De nouvelles interventions auprès des armateurs semblent toutefois souhaitables pour le fret conventionnel pour atténuer les handicaps concurrentiels dus au régime du « FOB Anvers ».
Le second poste de coût est celui de la desserte des hinterlands. Une attention particulière doit donc lui être accordée au niveau national.
Le troisième poste de coût, qui est donc de facto et, comme nous l'avons montré, de plus faible importance stratégique, est le coût de passage portuaire. Cela n'exclut pas dans les ports français, et notamment à Marseille qui est considéré comme cher 43 ( * ) , une recherche attentive d'économies de gestion, notamment pour le poste manutention qui est le plus fort.
* 39 Y compris magasinage. Si l'on prend seulement la part du navire de la manutention, les pourcentages cités deviennent respectivement égaux à 44 % en 19S5 et 35 % en 1995/1996.
* 40 Exceptions mises a part. Nous avons constaté sur un exemple que Barcelone est très cher dans un cas de conteneurs à l'exportation
* 41 II en est de même des droits de port sur le navire
* 42 Source Évaluation CMA, mentionnée par la Mission de préfiguration de l'Observatoire des Coûts de passage portuaire.
* 43 Cf. Étude BCEOM réalisée pour le Commissariat général du Plan : Analyse de la compétitivité des ports français » , octobre 1997. Un résumé de cette étude figure en annexe 4, Cf. également : étude MLTC, juillet 1997, déjà citée.