III. LES RISQUES QUI POURRAIENT DÉCOULER DU DÉVELOPPEMENT DE CES TECHNIQUES

Toute technologie nouvelle est susceptible d'entraîner des risques directs ou induits. Il importe de les connaître et de les maîtriser.

Au préalable, il convient de rappeler que le présent rapport n'a pas pour objet de trancher telle ou telle question scientifique, mais bien d'apporter à nos concitoyens un éclairage le plus objectif et le plus complet possible sur un sujet majeur pour leur avenir et celui de notre pays.

Aussi se limitera-t-il à décrire, dans leurs grandes lignes 46( * ) , les risques potentiels liés à l'avènement des OGM, ainsi que le système d'évaluation de ces risques pratiqué dans notre pays.

A. DEUX TYPES DE RISQUES POTENTIELS

Il existe deux grands types de risques dont on pense qu'ils pourraient être occasionnés par le développement du génie génétique et, notamment, des plantes transgéniques. D'une part, le risque environnemental lié à la culture en plein champ de plantes génétiquement modifiées, d'autre part le risque alimentaire lié à l'ingestion d'aliments contenant des organismes génétiquement modifiés ou des produits issus d'organismes génétiquement modifiés.

1. Le risque environnemental

a) Les flux de gènes et la dissémination des gènes de tolérance aux herbicides

La culture de plantes transgéniques entraîne la possibilité de diffusion des gènes introduits par transgénèse aux variétés non modifiées de la même espèce ou aux espèces apparentées. Cette dissémination de gènes -qui existe d'ailleurs déjà entre les plantes à l'état naturel- est appelé " flux de gènes ".

Les flux de gènes sont fréquents entre plantes de la même espèce. Ils s'opèrent par le croisement sexuel : le pollen est, d'une façon générale, le vecteur privilégié de dissémination des gènes, et donc potentiellement, d'un transgène -dans le cas d'une espèce génétiquement modifiée- via le vent ou les insectes pollinisateurs. Cette transmission peut également se faire en direction d'espèces sauvages apparentées.

Précisions d'emblée que la probabilité de réalisation d'un flux de gènes se pose différemment selon les espèces et l'écosystème concernés . En la matière, l'approche au cas par cas est la seule raisonnable. On considère, en effet, que le maïs, la pomme de terre, le tabac ou le soja, qui ne sont pas originaires d'Europe, ne posent dans l'ensemble pas de problème de transmission aux espèces sauvages apparentées car il n'existe dans l'écosystème européen aucune espèce sauvage avec laquelle ces plantes soient susceptibles de se croiser. Le maïs, notamment, est à ce point domestiqué qu'il ne peut survivre sans l'intervention de l'homme : il est peu vraisemblable que des graines issues de fertilisations croisées aient une descendance. Pour ces plantes, la probabilité d'un flux de gènes vers une variété spontanée est infime.

Il semble que pour d'autres espèces, comme le colza, la betterave ou la chicorée, le problème se pose différemment, en Europe surtout, terre d'origine de ces plantes, et la probabilité d'un flux de gène au sein de l'espèce et avec des espèces proches n'est pas nulle.

Certains travaux, concernant le colza , par exemple, montrent qu'il peut s'hybrider avec d'autres crucifères sauvages comme la ravenelle, la roquette bâtarde ou, plus rarement, la moutarde des champs. Les échanges intervariétaux sont également probables pour le groupe endive/chicorée , ainsi que pour la betterave sucrière dont les cultures sont d'ailleurs largement contaminées par des betteraves mauvaises herbes, résultant d'une hybridation entre betteraves cultivées et sauvages (betterave maritime), ce qui indique la forte probabilité du transfert d'un gène vers les mauvaises herbes.

Cette question de flux de gènes prend toute son ampleur lorsque l'on considère que la principale application actuelle de la transgénèse est l'introduction d'une tolérance aux herbicides dans les plantes . Un éventuel transfert de ce transgène de résistance vers les mauvaises herbes pourrait donc entraîner une perte d'efficacité desdits herbicides sur ces plantes indésirables. S'agit-il alors, comme cela est parfois avancé, d'un risque seulement économique, pour le fabricant du produit phytosanitaire considéré, de perte de valeur marchande de son herbicide et, partant, de la plante transgénique elle-même (d'autant que ce sont parfois les groupes agrochimistes qui développent les plantes transgéniques résistantes à leur herbicide) ? Votre rapporteur estime que l'enjeu est également environnemental, puisque la perte d'efficacité de ces produits actifs priverait l'agriculture d'herbicides " totaux " considérés comme les moins polluants du marché, et entraînerait le retour à l'utilisation des produits sélectifs, à la toxicité supérieure.

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