3. Restaurer l'esprit de service public

Un rapport récemment remis à Mme la ministre de la Culture et de la Communication, en décembre 1977, par M. Jean-Louis Missika, sur " Les entreprises de télévision et les missions de service public " pose à juste titre la question de la place des chaînes publiques dans l'offre de télévision.

Force est de constater avec M. Jean-Louis Missika que la conception d'un marché équilibré fondé sur la concurrence entre deux ensembles équivalents, privé et public, a suscité un certain malaise au sein du secteur public. Aux problèmes d'identité de France 2 engagée dans une épuisante course à l'audience, s'ajoute désormais la crise de croissance de France 3 qui se sent, à tort ou à raison, mal préparée au progrès technique et, surtout, mal récompensée de ses succès d'audience.

La situation actuelle n'est pas claire. Au vu des contraintes pesant sur l'ensemble des chaînes généralistes nationales , on ne distingue plus clairement le secteur privé du secteur public, qui, l'un et l'autre, peuvent se réclamer du triptyque " informer, éduquer, distraire ".

Le secteur public n'a plus le monopole de l'information, et, de façon bien plus évidente encore, celui de la distraction. Quant aux fonctions éducatives et culturelles, elles ont disparu des écrans des chaînes généralistes aux heures de grande écoute pour être diffusées au plus profond de la nuit pour le seul bénéfice des couche-tard, voire des insomniaques. La culture, l'éducation existent mais pour les rencontrer, il faut aller sur un cinquième canal, que son image encore austère ou élitiste empêche d'aller à la rencontre de tous les publics.

France 2 et France 3 ne sont pas, en dépit de la bonne volonté qui les anime, ces grandes chaînes généralistes de référence qui seules peuvent donner une dimension nationale populaire aux missions de service public : offrir aux téléspectateurs des rendez-vous qui permettent d'élargir leurs connaissances et de stimuler leur curiosité, encourager la création, telles sont les vraies raisons d'être des chaînes financées par la collectivité.

Aujourd'hui, le secteur public fait l'objet d'une sorte de culte officiel sans rapport avec la réalité des programmes et de stratégies, en fait entièrement dictées par la volonté de se livrer à une concurrence frontale avec secteur privé, telle qu'elle est imposée par la structure du budget.

Les pouvoirs publics sont pleinement responsables de cette dégradation. D'abord, parce qu'ils ont eu tendance à perdre de vue l'idée de culture pour tous qui caractérisait les temps héroïques des années 50 et 60 ; ensuite, parce qu'ils ont refusé de donner au secteur public le financement public nécessaire à son développement et qui lui aurait évité de rechercher frénétiquement des ressources publicitaires, au point de gommer la différence entre les deux secteurs.

Personne n'est satisfait :

• le secteur public généraliste, qui ne sait plus où il en est, et n'assure en matière culturelle qu'un service minimum ;

• le secteur privé, qui ne dissimule pas son mécontentement de voir son concurrent jouer sur tous les tableaux pour capter des recettes publicitaires ;

• le téléspectateur, enfin, qui ne voit plus bien la différence et finira peut-être par voter avec sa télécommande, diminuant l'audience des chaînes, minant ainsi la légitimité de la redevance. Il ne faut pas oublier que, en Europe, l'audience des chaînes publiques a fortement diminué, passant de plus de 80 % au début des années 80, à moins de 50 % depuis 1994.

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