c) Une approche pragmatique : entre incertitude et réserve

Il est très difficile de classer les pays ayant adopté une attitude pragmatique dans une catégorie particulière, notamment parce que leur position a évolué fortement durant les six derniers mois et qu'ils ne se sont pas encore prononcés sur l'ensemble de la réforme.

La Grèce , initialement très opposée à l'Agenda 2000, se concentre désormais sur deux ou trois points, rendant assez imprévisible sa position sur l'ensemble du projet. Elle déplore principalement l'approche différenciée adoptée pour les produits méditerranéens (huile d'olive et tabac notamment) et pour les autres produits agricoles. Elle regrette l'absence " d'un paquet unique pour les productions du Nord et du Sud ". En effet, la Grèce indique que les secteurs des cultures arables, de la viande bovine et du lait sont voués à obtenir la part la plus importante de l'effort communautaire, tandis que les secteurs de l'huile d'olive, du tabac et du lin sont peu pris en compte dans la réforme de la PAC. De même, les petites exploitations seront, estime-t-elle, lésées par rapport aux grandes exploitations dans les secteurs visés.

Récemment, M. Stéphane Tzoumakas, ministre de l'agriculture, a demandé une augmentation des ressources propres de l'Union Européenne, une augmentation du quota laitier et de la quantité de production d'huile d'olive prévue pour la Grèce.

La position de l'Italie est tout à fait originale. En effet, les réactions italiennes, tant des pouvoirs publics que des professionnels, sont à ce jour, du moins officiellement, assez négatives. Néanmoins, l'Italie paraît désireuse d'appuyer le contenu des propositions de la Commission. Faut-il y voir le souhait de peser le plus et le mieux possible dans la négociation afin de ne pas apparaître comme un adversaire déterminé de la réforme de la PAC ?

Les conséquences de la réforme de la PAC de 1992 pour ce pays sont en partie à l'origine de cette démarche. En effet, cette réforme s'est traduite en Italie par une diminution des aides communautaires. Tandis que les dépenses totales du FEOGA-Garantie sont passées de 31,3 milliards d'écus en 1992 à 39,1 milliards d'écus en 1996, soit une progression de 24,9 %, les sommes revenant à l'Italie sont passées de 5,1 milliards d'écus en 1992 à 4,2 milliards d'écus en 1996 (3,4 milliards d'écus en 1995), soit une chute de 17,6 %.

Les professionnels expliquent cette évolution par les changements intervenus dans la PAC en 1992 et, notamment, par l'introduction des aides compensatoires en faveur des grandes cultures. Ce dernier secteur, qui bénéficiait de 10,2 milliards d'écus en 1992, soit 32,8 % des crédits du FEOGA-Garantie, a reçu 16,4 milliards d'écus en 1996, soit 49 % des crédits du FOEGA-Garantie.

Pendant la même période, l'Italie, troisième producteur agricole de l'Union Européenne, a constaté que la part des dépenses du FEOGA-Garantie allant à l'huile d'olive, aux fruits et légumes, au vin et au tabac s'est fortement réduite, passant de 17,1 % en 1992 à 13,9 % en 1996.

Dans la négociation de l'Agenda 2000, les Italiens souhaitent ainsi se montrer très pragmatiques et défendre un meilleur taux de retour en faveur de l'agriculture italienne.

Très hostiles au régime des quotas dans le secteur laitier
qui bloque le développement de la production nationale, qui ne couvre que 87,9 % des besoins domestiques, les Italiens plaident pour plusieurs aménagements substantiels de l'actuelle proposition de réforme :

- augmentation du quota alloué à l'Italie ;

- possibilité de transférer la partie du quota italien " ventes directes " inutilisé sur le quota " ventes aux laiteries " ;

- possibilité d'exclure du régime des quotas laitiers les quantités de lait produites pour la fabrication de fromages à appellation d'origine contrôlée (Parmiggiano, Grana Padane...). A cet égard, les Italiens sont prêts à renoncer aux restitutions dont bénéficient ces fromages sur certaines destinations ;

- octroi de quotas supplémentaires pour les zones défavorisées et les jeunes agriculteurs.

En matière de viande bovine , face à la proposition de la Commission qui maintient les critères de densité à l'hectare et le plafond d'animaux éligibles aux primes par exploitation, l'Italie réclame une plus grande mise en oeuvre du principe de subsidiarité pour la répartition des droits à prime alloués à chaque Etat membre.

Les Italiens souhaitent donc sauvegarder leur modèle d'élevage intensif très spécifique et pour lequel ils n'envisagent pas de solution alternative.

Enfin, dans le secteur des céréales , les Italiens sont très inquiets des répercussions du découplage des aides, c'est-à-dire de l'instauration d'une prime unique pour les grandes cultures. Rappelons que l'Italie, avec un taux de couverture agro-alimentaire de 61 % (comme l'Allemagne et le Royaume-Uni), ne partage pas les intérêts des pays exportateurs nets sur le marché mondial.

Par ailleurs, M. Pinto, ministre de l'agriculture, déplore que l'Agenda 2000 soit muet sur les productions méditerranéennes . Il demande avec vigueur qu'intervienne une réforme des OCM du tabac, de l'huile d'olive, du vin et du riz et en attend un rééquilibrage des dépenses communautaires en faveur des productions et des producteurs méditerranéens.

Les principales organisations professionnelles italiennes (Coldiretti, Confederazione italiana Agricoltori et Confagricoltura) sont plus réservées que les pouvoirs publics. Elles estiment inacceptable le fait que l'Agenda 2000 ne traite pratiquement pas des productions méditerranéennes, aussi bien en termes de mesures que de retours budgétaires. Elles s'opposent globalement aux propositions agricoles contenues dans l'Agenda 2000 et demandent une augmentation du retour budgétaire au bénéfice de l'Italie.

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