2. La maîtrise des dépenses, seule solution envisageable dans un contexte de remise en cause des contributions nettes

La question des déséquilibres budgétaires, soulevée par certains Etats membres, ne peut être résolue que par la maîtrise des dépenses de l'Union européenne. Cette conclusion était déjà celle du Conseil européen de Fontainebleau : " La politique des dépenses est, à terme, le moyen essentiel de résoudre la question des déséquilibres budgétaires ". Les autres solutions proposées ne peuvent être envisagées, soit en raison de la négation même de la logique communautaire qu'elles impliquent, soit en raison de l'impossibilité de les retenir, tout au moins à moyen terme, faute d'accord suffisant entre les Quinze.

a) La logique communautaire prohibe les solutions fondées sur le " juste retour "

: le " juste retour " : une revendication aux fondements erronés

La notion de " juste retour " repose sur un double postulat éminemment contestable :

- d'une part, chaque Etat membre devrait recevoir de l'Union européenne un montant de crédits au moins égal, ou tout au moins peu inférieur, au montant de sa participation au financement du budget communautaire ;

- d'autre part, une simple analyse comptable, consistant à comparer le montant brut des dépenses de l'Union européenne dans un Etat et les recettes communautaires en provenance de ce dernier, donnerait une idée exacte du solde budgétaire dudit Etat.

Ce double postulat est d'abord en totale contradiction avec la logique communautaire, fondée sur la solidarité.

En deuxième lieu, sur le plan économique, la recherche d'un juste retour qu'il vise à justifier conduirait à des résultats absurdes
, comme l'a démontré la Cour des comptes à propos de la correction britannique : " six autres Etats membres pourraient y prétendre. Il en résulterait, par exemple sur la base des dernières données définitives (exercice 1996), que la correction totale passerait de 2,9 milliards d'ECU (un Etat membre) à 12,4 Milliards ECU (sept Etats membres), soit 22 % des ressources TVA et PNB pour cet exercice. De plus, étant donné que les Etats membres bénéficiaires ne participent pas à son financement, cette correction serait largement financée dans les faits par des Etats membres dont le PNB par habitant est inférieur à la moyenne communautaire ".

Enfin, en se limitant à une analyse comptable, ce double postulat donne une vision erronée de l'apport des politiques européennes . Ainsi, quatre séries de considérations au moins peuvent être avancées pour réfuter l'analyse par les seuls soldes budgétaires comptables :

- la nécessité de prendre en compte les effets externes favorables des dépenses de l'Union européenne. Comme le souligne la Commission, " la PAC, les interventions structurelles et les dépenses extérieures ne profitent pas uniquement aux bénéficiaires immédiats, mais développent aussi un effet d'entraînement qui transcende les frontières nationales ". C'est l'exemple bien connu de l'aide octroyée à un Etat pour construire des infrastructures dont la réalisation est confiée à des entreprises relevant d'un ou de plusieurs autres Etats ;

- les fréquentes " illusions d'optique " quant aux bénéficiaires effectifs d'une dépense. Sur ce point, la Commission donne deux exemples dans son étude de 1997 : " les restitutions à l'exportation octroyées dans le cadre de la PAC peuvent être considérées comme octroyées à l'Etat membre d'où les biens sont exportés, alors que, en réalité, les bénéficiaires finals sont des producteurs établis dans d'autres Etats membres ; un autre exemple peut être trouvé dans les dépenses consenties en matière de recherche pour lesquelles les consortiums multinationaux demandent que les crédits de l'Union européenne soient versés à l'un des membres du consortium ou sur un compte bancaire ouvert en Belgique ou au Luxembourg " ;

- l'extrême diversité des dépenses budgétaires de l'Union européenne : alors que les dépenses structurelles augmentent la richesse de l'Etat bénéficiaire à hauteur du montant consenti, d'autres ne l'augmentent qu'à concurrence d'une partie de leur montant (ainsi, une aide octroyée à un Etat pour l'achat d'un bien fabriqué dans cet Etat n'accroît sa richesse qu'à hauteur de la valeur ajoutée procurée par la vente) ;

- les multiples modes de calcul des soldes budgétaires. Ainsi, l'intégration des ressources propres traditionnelles " gonfle " considérablement le montant apparent de la contribution des Etats qui, à l'instar des Pays-Bas, disposent de nombreuses infrastructures portuaires et perçoivent de ce fait des droits de douane pour le compte de l'Union européenne. De même, considérant que les dépenses administratives des institutions européennes bénéficient à l'ensemble des Etats de l'Union, la Belgique et le Luxembourg contestent l'intégration de ces dépenses dans le calcul des soldes budgétaires.

D'une manière générale, force est de constater que certaines dépenses ne peuvent être attribuées à un Etat précisément individualisé. Il en va notamment ainsi des dépenses consacrées aux actions extérieures et, dans une certaine mesure, des dépenses administratives. Seule une partie des crédits, que l'on peut évaluer à environ 90 %, entre dans la catégorie dite des " dépenses réparties " sur la base de laquelle sont le plus souvent calculés les soldes budgétaires. De leur côté, les recettes de l'Union sont dans leur quasi-totalité prises en compte, parfois de manière contestable (ainsi, les versements de ressources propres traditionnelles sont considérés comme effectives intégralement par l'Etat membre qui les transfère au budget de l'Union européenne). Ainsi, lorsque les Quinze versent 100 euros au budget de l'Union, seuls 90 environ sont comptabilisés comme dépenses réparties. Il en résulte donc un solde négatif net apparent de 10 euros alors que, en réalité, le solde global est égal à zéro. Dans ces conditions, selon les règles arithmétiques les plus élémentaires, les soldes négatifs sont forcément surévalués et les soldes positifs sous-évalués .

Ainsi, les notions de " juste retour " et de " solde net ", philosophiquement, économiquement et comptablement erronées ne sauraient servir de référence pour la détermination du cadre financier de l'Union européenne.

la conséquence : le caractère inacceptable des solutions fondées sur les soldes nets

Dans la mesure où les soldes nets n'ont pas de signification comptable et ne rendent aucunement compte de la réalité des apports des politiques européennes, toute solution, quelle qu'elle soit, dictée par le souci de les résorber en leur appliquant une clé de répartition doit impérativement être écartée.

Aussi est-il inconcevable d'envisager une généralisation de la correction britannique ou un dispositif d'écrêtement qui, consistant à appliquer un pourcentage à une donnée par nature gravement inexacte, constitueraient des non-sens économiques, comptables et incompatibles avec la logique communautaire.

Non seulement cette généralisation ne saurait être admise, mais la suppression pure et simple du chèque britannique paraît même s'imposer en raison notamment :

- de la diminution continue des dépenses agricoles, dont le montant élevé avait pu un temps occulter l'absurdité de ce dispositif eu égard aux principes de base de la construction européenne ;

- du fait que la suppression du chèque britannique apporterait déjà une nette amélioration à la situation des quatre Etats membres qui, s'appuyant sur ce regrettable précédent, ont réclamé une diminution de leur contribution nette au budget de l'Union ;

- de la réduction de l'écart de prospérité relative entre le Royaume-Uni et d'autres Etats largement contributeurs nets, comme le montre le tableau ci-après, établi d'après les données de la Commission :

PNB par habitant

(en parité de pouvoir d'achat)

 

1980

1999

Belgique

108,5

115,2

Danemark

102,9

112,9

Allemagne

117,8

108,8

Grèce

66,6

69,8

Espagne

70,0

79,8

France

112,9

104,3

Irlande

62,3

86,8

Italie

102,1

102,7

Luxembourg

146,7

174,9

Pays-Bas

105,1

106,2

Autriche

104,9

112,4

Portugal

53,6

71,2

Finlande

94,9

99,4

Suède

110,9

93,8

Royaume-Uni

97,0

98,6

EUR-15

100,0

100,0

Source : Commission européenne

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