2. Un contrôle local des emplois balbutiant

a) Les principes

Le trésorier-payeur général est responsable du contrôle local des emplois. Sa mission est définie par l'article 3 du décret n° 96-629 du 6 juillet 1996 relatif au contrôle financier déconcentré, ainsi que par l'article 2 de l'arrêté du 29 juillet 1996 pris en application de ce décret. C'est dans ce cadre réglementaire que s'inscrit le dispositif de contrôle des emplois au ministère de l'éducation nationale. Une instruction du directeur du budget du 30 mai 1997 a indiqué aux contrôleurs financiers régionaux les modalités de mise en oeuvre de ce contrôle.

Le dispositif du contrôle national des emplois de l'éducation nationale est conçu en deux volets :

- la comptabilisation des effectifs des services déconcentrés ;

- la mise en place d'un contrôle juridique des emplois.

Il convient toutefois de préciser que l'ensemble de ce dispositif ne concerne que les emplois d'enseignants du premier degré et les personnels ATOS, les enseignants du second degré ne se voyant appliquer que le premier volet.

La comptabilisation des effectifs des services déconcentrés comporte trois phases : l'attribution d'une enveloppe de gestion, l'élaboration de situations mensuelles d'emplois dans les services académiques, et l'agrégation, au niveau national, des données obtenues au niveau déconcentré.

L'enveloppe de gestion doit correspondre aux dotations autorisées par la loi de finances. Elle ne pourra être obtenue qu'après les ajustements rendus nécessaires par les besoins de la gestion, tels que la prise en compte des surnombres autorisés ou encore la réalisation de compensations internes. Il s'agit de présenter cette enveloppe de gestion sous la forme d'agrégats qui correspondent à un regroupement thématique de dotations budgétaires : par exemple, les corps de personnels ATOS, ou les enseignants du premier degré, ou encore les enseignants du second degré, les personnels de direction...

Le contrôleur financier central vise ces enveloppes qui sont ensuite " traduites " par les directions gestionnaires du ministère en délégations d'emplois, par département et par académie. Ces délégations sont transmises mensuellement par les directions gestionnaires aux services déconcentrés ainsi qu'aux contrôleurs financiers en région. Le nouveau dispositif devrait permettre de respecter les dotations inscrites en loi de finances, dans la mesure où le visa central bloquera une délégation qui dépasserait le plafond de l'enveloppe de gestion.

Les délégations d'emplois prennent les formes suivantes :

- pour les emplois du premier degré, elles sont réalisées par groupes d'emplois fonctionnels, par département et par académie ;

- pour les personnels ATOS, les délégations sont réalisées par corps et par académie.

Sur la base de ces délégations doit être opéré un double contrôle :

- tous les actes conduisant à l'occupation d'un emploi, dont la liste est fixée par l'arrêté du 29 juillet 1996 (ouvertures de concours, listes d'aptitude sur commissions administratives paritaires locales...), doivent être soumis par les recteurs d'académie au visa préalable du contrôleur financier en région ;

- tous les autres actes font l'objet d'un examen global mensuel de cohérence sur compte-rendu ; en cas d'irrégularités répétées tant au stade de l'engagement qu'au stade du paiement, cet examen a posteriori est transformé en visa préalable.

Dans un second temps, les services du rectorat doivent faire parvenir chaque mois une situation par corps et par grade des emplois consommés dans les départements de l'académie pour le premier degré, et pour l'académie en ce qui concerne les personnels ATOS. Les flux constatés entre deux mois successifs d'observation doivent également être mentionnés.

Cette situation doit permettre d'effectuer une analyse comparative avec les données issues du fichier de paie et d'identifier, notamment à partir de l'examen de l'évolution des écarts, les éventuels déséquilibres. Elle sera communiquée à la fin de chaque trimestre au contrôleur financier central afin de lui permettre de vérifier le respect global de l'autorisation parlementaire.

Enfin, la dernière étape consiste à agréger au niveau national les données établies par les rectorats. Les effectifs employés par le ministère devraient ainsi être connus et régulièrement actualisés. Une comparaison pourra être faite avec les enveloppes de gestion, qui permettra de mettre en apparence les postes vacants ou les surnombres.

Toutefois, un des enjeux essentiels du dispositif de contrôle des emplois à l'éducation nationale est de suivre non seulement l'effectif réel des personnels titulaires par rapport aux effectifs autorisés, mais également celui des personnels non titulaires sur emplois ou sur crédits. A cette fin, une attention particulière est portée, dans un premier temps, sur l'adéquation entre le recrutement d'agents non titulaires et le volume d'emplois vacants, d'une part, et la cohérence des imputations budgétaires, d'autre part. En pratique, le contrôle ne consiste pour l'instant qu'à s'assurer, pour un grade déterminé, que les effectifs réellement en place convertis en équivalents temps plein complet, n'excèdent pas les délégations d'emplois visées par le contrôleur financier central.

Après la comptabilisation des effectifs des services déconcentrés, le contrôle juridique des emplois devra être mis en place au niveau local. Il s'agit pour le contrôleur financier local de délivrer un visa a priori sur les actes de recrutement effectués à l'échelon déconcentré, c'est-à-dire les enseignants du premier degré, les personnels ATOS des catégories B et C, et les contractuels, dont les maîtres auxiliaires.

L'intérêt de ce contrôle juridique est d'abord de connaître la situation des emplois afin d'adapter les moyens aux besoins exprimés, à l'occasion des recrutements par exemple. Ce contrôle est donc tout à fait traditionnel dans les administrations, mais pas à l'éducation nationale. Le mauvais calibrage des concours trouve là aussi son origine.

Un tel contrôle permettrait également de veiller au respect des règles de la fonction publique, afin, notamment, de ne pas entretenir ou créer de l'emploi précaire. Or, l'éducation nationale, même si elle n'est pas la seule administration dans ce cas, est à l'origine d'un niveau considérable d'emploi précaire en raison du recours excessif qu'elle a pu faire aux contractuels, enseignants et non enseignants. Il est en effet regrettable de constater que des maîtres auxiliaires par exemple sont affectés sur des emplois d'enseignants titulaires. En outre, le recrutement de contractuels par les recteurs, au-delà des dotations inscrites dans la loi de finances, a été rendu possible par l'absence de contrôle juridique des emplois : les contrôleurs financiers locaux sont tenus dans l'ignorance - juridique - de telles pratiques.

Votre commission d'enquête ne peut que se réjouir de la décision prise par le ministre de l'éducation nationale d'exiger de ses services davantage de rigueur dans la gestion des personnels, qui ne pourra que contribuer à améliorer le bon emploi des deniers publics.

Elle s'interroge toutefois sur le caractère relativement technocratique de l'application " contrôle national des emplois " et se demande si elle ne compliquera pas davantage la gestion des personnels tout en poursuivant l'intention louable de vouloir en saisir tous les aspects. Le respect des dotations budgétaires est un impératif incontournable qui ne peut cependant ignorer les spécificités de la gestion de l'éducation nationale. Il convient en effet de ne pas bloquer le fonctionnement d'un service public qui emploie 1,2 million de personnes.

Votre commission d'enquête estime ainsi, en matière de gestion de personnels et de crédits, que la rigueur ne saurait être confondue avec la rigidité.

b) Une mise en place très inégale

Si les principes du contrôle national des emplois ont été arrêtés, leur mise en oeuvre concrète est loin d'être achevée. La commission d'enquête a pu constater qu'elle n'était que très partielle et, surtout, très inégale selon les académies.

Un rapide bilan de sa mise en oeuvre peut être dressé.

Le premier volet du dispositif - la comptabilisation des effectifs des services déconcentrés - commence d'être appliqué. Les outils de gestion ont été élaborés au niveau central : définition des notions d'enveloppe et d'agrégat, détermination des conditions de délivrance du visa a priori par le contrôleur financier central, conception des outils informatiques...

Ce travail a permis à l'administration centrale, à partir de la rentrée 1998-99, de déléguer les emplois en respectant les dotations prévues par la loi de finances. Les recteurs et les trésoriers-payeurs généraux reçoivent ainsi, au début de chaque mois, les dotations d'emplois.

Il est prévu, à partir de la rentrée scolaire prochaine, que les services déconcentrés établissent systématiquement la situation mensuelle de leurs emplois, et la transmettent au contrôle financier local. L'agrégation de ces données devrait permettre de connaître avec précision, les effectifs de l'éducation nationale. Cette étape est délicate à mettre en oeuvre car elle suppose un temps de réaction relativement court de la part des rectorats. Or, il a semblé à votre commission d'enquête, lors de ses déplacements dans différentes académies, que les rectorats n'étaient pas encore capables de fournir des informations présentant ce degré de précision. Pourtant, ce travail sera indispensable à l'efficacité d'un dispositif qui repose en grande partie sur l'établissement de relations partenariales entre les rectorats et les trésoreries générales.

La seconde étape du dispositif - le contrôle juridique des emplois - est moins avancée encore : elle n'en est même qu'à l'état d'ébauche, des groupes de travail animant la réflexion sur ce sujet.

Ainsi, le contrôle national des emplois ne sera pas pleinement opérationnel avant plusieurs années, notamment en ce qui concerne la délivrance, par les contrôleurs financiers locaux, de visas a priori sur les actes de gestion des personnels déconcentrés.

Il convient également de souligner le paradoxe de l'éducation nationale en matière informatique. Elle mène une campagne très active pour sensibiliser les élèves et les enseignants aux nouvelles technologies, et consacre des crédits croissants à la connexion des établissements scolaire sur Internet et à l'achat de matériels pédagogiques multimédia alors que, dans le même temps, son organisation informatique paraît quelque peu obsolète et ne semble pas en mesure de contribuer à la réussite du contrôle national des emplois.

En effet, la méconnaissance du nombre d'enseignants résulte également de la coexistence de deux systèmes informatiques incompatibles. Le premier est celui des trésoreries générales : c'est le système de la paye ; le second est celui des rectorats. Or, ce dernier est établi sur des critères pédagogiques et fonctionnels, et non sur des critères financiers.

Il conviendrait donc que le système informatique des rectorats soit rendu compatible avec celui des trésoreries générales, afin que le contrôleur financier déconcentré puisse disposer de l'ensemble des informations indispensables pour opérer un véritable contrôle national des emplois.

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