II. 2.2 UEM ET MARCHÉ DU TRAVAIL
Pour
étudier l'impact des disparités de fonctionnement des
marchés du travail en UEM, on analyse la réponse des
économies européennes à deux types de chocs. Les premiers
affectent indirectement le marché du travail
via
les
déséquilibres sur le marché des biens. Par exemple, en cas
de récession, l'emploi s'ajuste à la baisse, mais à des
vitesses variables selon les pays, et l'augmentation du chômage se
traduit par une modération salariale également variable selon les
pays. Les prix relatifs des pays de l'UE sont modifiés, ainsi que les
niveaux de production et d'emploi. Le second type de choc affecte directement
le marché du travail, en modifiant le pouvoir d'achat des salaires. Il
peut s'agir d'une variation des termes de l'échange intérieurs ou
des cotisations sociales, d'une crise sociale, etc. La hausse des salaires
présente un caractère plus ou moins persistant selon les pays, ce
qui modifie la dynamique des compétitivité-prix des pays de l'UE,
leur production et leur niveau d'emploi.
On présente les trajectoires suivies par les pays de l'UE selon que ces
économies font face à une récession ou à une hausse
des salaires, et selon que ces événements sont partagés
par tous ou ne concernent qu'un seul pays. Ces simulations sont
réalisées à partir d'une maquette présentée
dans l'encadré 3, dont le but est d'illustrer les contributions des
marchés du travail aux réponses des économies
européennes à divers événements économiques.
Les simulations sont réalisées à production de l'UE
exogène. Elles ne nous renseignent donc uniquement sur réponses
relatives
des pays européens les uns par rapport aux
autres.
Encadré 3 : Une maquette simple des interdépendances en UEM
Afin
d'illustrer et de quantifier les conséquences des différences de
fonctionnement du marché du travail sur l'UEM, nous avons construit une
maquette simple. Celle-ci se focalise sur la contribution des marchés
à l'ajustement de l'économie, ignorant les autres
mécanismes de rééquilibrage. Pour chaque pays
considéré dans la partie II de l'étude, nous retenons les
équations de salaire et d'emploi estimées sur les années
90 :
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A. 2.2.1 LE CAS D'UNE RÉCESSION EUROPÉENNE
Face
à une chute de l'activité dans tous les pays européens
simultanément (choc symétrique négatif sur la demande des
biens et services63(
*
)), les entreprises
ajustent à la baisse le niveau de l'emploi. Le chômage augmente et
la productivité baisse, deux évolutions qui pèsent sur les
salaires. Plus l'emploi s'ajuste rapidement, plus le chômage augmente
à court terme mais moins la productivité diminue. L'effet sur les
salaires est d'autant plus fort que l'impact du chômage est important
(
Italie
,
Allemagne
) et que l'indexation des salaires sur la
productivité est élevée à court terme. Si on
retient l'hypothèse d'une contraction de 1% du PIB de l'activité,
au bout d'un an, les salaires en
Allemagne
, en
France
et en
Italie
sont inférieurs de 0,6% à ceux du
Royaume-Uni
et du Danemark, et de 0,3% à ceux des
Pays-Bas
et de la Suède. A partir de 3 ans, les salaires italiens sont ceux qui
ont connu la plus forte baisse : -1,2% par rapport au
Royaume-Uni
,
au Danemark et aux
Pays-Bas
, pays dans lesquels la baisse des salaires
est très faible (voir Graphique 1).
Ces disparités d'évolutions salariales entraînent une
modification des coûts salariaux unitaires, donc de la
compétitivité-prix des différents pays. Celle-ci
s'améliore en
Allemagne
, en
Italie
et dans une moindre
mesure en
France
et en Finlande. Ces pays gagnent des parts de
marché sur ceux dont les salaires se sont le moins ajustés
à la baisse (
Royaume-Uni
, Danemark et
Pays-Bas
), ce qui
limite
ex post
la chute de leur activité (voir Graphique 2).
L'effet de la compétitivité est d'autant plus fort que
l'économie considérée est ouverte sur l'extérieur.
Ainsi, la baisse de l'activité aux
Pays-Bas
, pays dans lequel les
salaires s'ajustent peu, est particulièrement prononcée64(
*
).
Si les marchés du travail induisent bien des évolutions
salariales différentes dans les pays de l'UE, leurs conséquences
sur les parts de marché relatives, et donc sur la production et
l'emploi, apparaissent assez limitées. En cas de chute de la demande de
1% du PIB dans tous les pays de l'UE, les niveaux de production de ces pays ne
s'écartent pas les uns des autres de plus de 0,15 point à un
horizon de 1 an, de 0,25 et 0,30 point à des horizons plus
éloignés (2 et 5 ans)65(
*
). Si
on applique ce résultat à la récession européenne
du début des années 90, où la contraction
ex ante
de la demande est estimée à environ 2% du PIB, les ordres de
grandeurs restent faibles, puisque toutes choses égales d'ailleurs,
l'écart maximum entre pays est de l'ordre d'un demi-point de
PIB.
Graphique 2 : Réponse des PIB à une baisse de 1% du PIB de
la demande dans l'ensemble de l'UE
Lorsqu'un
seul pays de l'UE connaît une récession, c'est-à-dire
lorsqu'il subit un choc asymétrique sur le marché des biens et
services, la baisse des salaires a un impact assez faible sur la
répartition du revenu entre les pays membres. La chute de la production
et de l'emploi conduisent bien à une hausse du taux de chômage.
Mais cette hausse n'a pas un effet de modération salariale suffisamment
prononcé pour permettre au pays en récession de gagner des parts
de marché sur ses partenaires de l'UE. Malgré la diversité
des situations mise en avant dans la partie II, l'impact du taux de
chômage sur les salaires est bien trop faible dans les pays de l'UE pour
que le marché du travail stabilise la conjoncture.
Au total, les disparités de fonctionnement du marché du travail
ne sont pas suffisamment prononcées pour compromettre une réponse
de politique économique commune, notamment monétaire, face
à une récession généralisée en Europe. Aucun
pays n'améliore significativement sa situation au détriment de
ses partenaires. Par ailleurs, en cas de récession ne concernant qu'un
seul pays, les ajustements sur le marché du travail, et notamment
l'impact du chômage sur les salaires, ne sont pas suffisamment importants
pour stabiliser la production. Même si la flexibilité des
marchés du travail des pays de l'UE s'est plutôt accrue dans les
années 90, la perte de la politique monétaire et les limites
à l'utilisation de la politique budgétaire pour stabiliser
l'activité (au moins dans les premières années de l'UEM)
auraient un coût important si les économies devaient
connaître des situations conjoncturelles très diverses dans les
prochaines années.