CONCLUSION GÉNÉRALE
Pour
analyser les implications de la diversité des marchés du travail
nationaux pour le fonctionnement de l'UEM, nous avons procédé en
trois grandes étapes faisant chacune l'objet d'une partie. Tout d'abord,
nous avons analysé en détail les principales
caractéristiques des marchés du travail des différents
pays européens (participant déjà à l'euro ou non).
Ensuite, pour les pays pour lesquels les données sont disponibles, nous
avons réalisé une comparaison du comportement de l'emploi et des
salaires au cours des années quatre-vingt-dix. Enfin, ces comportements
ont été introduits dans une petite maquette de manière
à simuler la réaction des pays européens à des
chocs communs ou spécifiques.
La première partie montre que le marché du travail du Royaume-Uni
se distingue nettement de ceux des pays d'Europe continentale, dans toutes ses
dimensions (organisation des relations professionnelles, législation de
l'emploi, indemnisation du chômage, rôle des politiques actives du
marché du travail). Toutefois, les pays d'Europe continentale sont loin
de former un groupe parfaitement homogène. Globalement semblables en ce
qui concerne l'importance du rôle des partenaires sociaux, les fortes
contraintes légales en général, et la
générosité des revenus de remplacement, ces pays se
distinguent souvent très nettement par quelques traits saillants, de
sorte qu'il est difficile de dégager un modèle commun du
marché du travail. La France se singularise plus particulièrement
par la fragmentation des relations du travail.
Deux conclusions importantes se dégagent de la deuxième partie.
Tout d'abord, on ne peut accepter l'hypothèse de comportements
identiques sur les différents marchés du travail en Europe. En
particulier, dans les années 90, les marchés du travail italien
et allemand ont été caractérisés par des
réponses rapides et relativement importantes des salaires et de l'emploi
aux fluctuations économiques. Alors qu'au Royaume-Uni, ces derniers ont
été plutôt inertes. Ensuite, nous montrons que ces
différences de comportement ne peuvent être aisément
rattachées aux caractéristiques des marchés du travail
présentées dans la première partie ; ce qui n'est pas
nécessairement surprenant aux regards de la diversité des
conclusions proposée par les différents modèles
théoriques. En particulier, des organisations très
différentes des marchés du travail peuvent conduire à des
degrés de flexibilité comparables. De même, on ne trouve
pas ici de véritable support à l'hypothèse selon laquelle
une réglementation plus "libérale" du marché du travail
conduit à plus de flexibilité salariale et à un ajustement
plus rapide de l'emploi au niveau macro-économique.
La troisième partie montre que les différences de fonctionnement des marchés du travail européens ne devraient pas compliquer la gestion macro-économique en cas d'événements frappant de la même manière tous les pays. En effet, les différences de comportements sur le marché du travail ne sont pas suffisantes pour qu'un choc commun affecte de manière très différente les pays de l'union monétaire. En revanche, pour l'heure, la flexibilité des salaires et de l'emploi est partout trop faible pour permettre de compenser la perte des instruments purement nationaux de régulation conjoncturelle. Compte tenu de l'absence de relation claire entre les caractéristiques institutionnelles et cette flexibilité, il serait périlleux de chercher à renforcer cette dernière en déréglementant le marché du travail. Au niveau macro-économique, les marchés du travail ne semblent donc pas pouvoir fournir pour l'heure un moyen d'ajustement des déséquilibres sur le marché des biens et ainsi ne peuvent se substituer à une certaine autonomie des politiques budgétaires nationales en cas de choc spécifique. En cas de choc commun, la disparité des comportements sur le marché du travail ne semble pas suffisante pour justifier des réponses de politiques économiques différentes selon les pays, même s'il existe vraisemblablement d'autres sources d'hétérogénéité structurelle pouvant le justifier, comme l'ont montré les travaux sur les différences de transmission de la politique monétaire en Europe.