12. Protection et renforcement des droits de l'homme, des réfugiés et des demandeurs d'asile en Europe (Jeudi 24 avril)

Ces dernières années ont vu le nombre de demandeurs d'asile augmenter régulièrement dans les Etats membres du Conseil de l'Europe : en 1992, treize pays industrialisés d'Europe ont reçu 692 686 demandes contre 65 400 en 1983.

Parallèlement, les difficultés économiques et les tensions sociales ont rendu l'opinion publique de plus en plus hostile aux arrivées massives de demandeurs d'asile et ont conduit les Etats à modifier leur législation pour la rendre plus restrictive.

Dans de nombreux pays, les procédures appliquées en la matière ont cessé d'être conformes aux normes minimales sur certains points fondamentaux.

Le rapport propose que ces normes protègent davantage les droits de l'homme des réfugiés et sauvegardent le plus important d'entre eux : le principe de non-refoulement. Il préconise la coordination des politiques et l'harmonisation des législations en matière d'asile à l'échelle de l'Europe, par la conclusion d'un accord contraignant entre les Etats membres du Conseil de l'Europe.

Il faudrait également prendre des mesures pour améliorer les conditions de détention et d'expulsion, et pour s'opposer à tout acte de racisme, de xénophobie, d'antisémitisme et d'intolérance.

A l'issue du débat, la recommandation 1327 contenue dans le rapport 7783, après amendements, est adoptée.

13. Etat d'urgence en Albanie - Intervention de M. Nicolas ABOUT, sénateur (ap. RI) (Jeudi 24 avril)

Présentant ses observations, le rapporteur rappelle que la commission s'est rendue à Tirana pour la deuxième fois au début du mois d'avril et y a constaté que la situation s'était nettement améliorée, même si les inquiétudes restent vives. Le climat entre les partis politiques, aussi, est bien meilleur, mais il faut rappeler qu'ils ont une lourde responsabilité à porter. Le rapporteur se réjouit de la bonne coopération au sein du gouvernement de coalition. Il est heureux de la présence des représentants du parti socialiste albanais, ce qui signifie qu'ils vont contribuer à donner des ailes au processus de démocratisation dans leur pays. Depuis quelques jours, la force de protection multinationale soutient fortement le retour à la normale et il faut rendre hommage à l'Italie et aux pays qui ont envoyé des hommes sur place.

On ne peut qu'être déçu que l'Union européenne ait mis tant de temps à agir, alors que le Traité de Maastricht le lui imposait pourtant.

Le rapport énonce les conditions qui devront être remplies pour que la campagne électorale et les élections à venir se déroulent de façon libre et équitable afin que les résultats ne puissent être mis en doute ni en Albanie ni à l'extérieur. Le Conseil de l'Europe devra envoyer un grand nombre d'observateurs.

Des inquiétudes peuvent être nourries quant à la situation dans le sud du pays. Il faudra faire des efforts pour que tous les intéressés oeuvrent à la restauration de pouvoirs locaux légitimes.

La coopération internationale semble insuffisante. L'UEO ne joue pas le rôle qui devrait être le sien et semble, comme l'OSCE, vouloir limiter l'intervention du Conseil de l'Europe.

La priorité à court terme du processus de normalisation et de démocratisation est bien le déroulement démocratique et régulier des élections dans ce pays que l'on aimerait voir devenir membre à part entière.

M. Nicolas ABOUT, sénateur (ap. RI), intervient dans ce débat en ces termes :

" Monsieur le Président, mes chers collègues, puisque plusieurs orateurs précédents ont évoqué des génocides, permettez-moi, en ce jour anniversaire du génocide arménien de 1915, d'avoir une pensée pour toutes les victimes de tous les génocides, en particulier de tous ceux qui ont frappé des Européens. J'en viens à mon propos.

Pour la première fois, à ma connaissance, nous débattons de la situation intérieure d'un Etat ayant le statut de membre plénier de notre Organisation, un Etat en proie à l'anarchie, voire à des menaces de guerre civile. Comment est-ce possible, alors même que l'appartenance à notre Organisation devrait symboliser à la fois la reconnaissance et la garantie de l'établissement d'un Etat de droit, c'est-à-dire d'abord du règlement pacifique de conflits et de divergences politiques ? Il est normal de voir apparaître des conflits d'intérêts dans toute société.

La crise albanaise illustre, à mes yeux, l'incapacité des Etats européens à mettre en place des stratégies globales de prévention des crises qui, bien naturellement, dégénèrent en conflits ou en guerres civiles.

Comment peut-on nous faire croire que cette crise n'était pas prévisible ? Depuis un an, le FMI et la Banque mondiale nous ont alertés des risques d'effondrement de ces sociétés pyramidales.

Comment ne pas prévoir le soulèvement populaire qui déboucherait naturellement de ce fiasco politico-financier quand on sait que la somme totale de l'épargne collectée représente plus de la moitié du PNB albanais ? Il ne faut être ni voyant, ni expert financier pour prévoir une telle catastrophe.

Enfin, on peut ajouter à tout cela un pouvoir qui a manifesté une totale irresponsabilité - n'en déplaise à nos collègues ! - sa complice inaction ayant miné l'image de la démocratie libérale et de l'économie de marché que nous vantons depuis maintenant des années au peuple albanais.

Les Européens, en particulier l'Union européenne, ont péché par manque de lucidité, de courage et d'engagement envers ce pays dont l'ancrage à l'Europe est désormais fragilisé. La prévention de ce type de crise et celles potentielles, liées aux multiples trafics mafieux en Europe, à la fragile transition économique des PECO et à la sécurité nucléaire, implique une action de la part de l'Union européenne et du Conseil de l'Europe. Pourquoi trouve-t-on toujours de l'argent et des soldats une fois que le pays est à feu et à sang ? Pourquoi n'en trouve-t-on pas ou rarement avant pour prévenir les incendies ? S'est-on aperçu que les fameuses opérations de maintien de la paix ne sont que le symbole de l'échec de ce que les occidentaux osent appeler la diplomatie préventive ? Ces opérations militaro-humanitaires nous permettent d'avoir bonne conscience, mais les dépenses qu'elles engendrent pourraient être mises au service d'une intelligente et courageuse politique de prévention.

S'agissant de l'Albanie, je pense que la force multinationale devrait rester jusqu'à ce que le désarmement de la population civile soit effectif. Le climat d'insécurité mine les chances d'un retour à la normale pour le fonctionnement des institutions nationales et locales de ce pays.

Ensuite, le FMI et l'Union européenne doivent mettre en place rapidement un plan de reconstruction de l'économie et exiger la condamnation des dirigeants des sociétés pyramidales, ainsi que l'indemnisation des milliers d'épargnants spoliés. C'est à cette condition que la confiance et l'Etat de droit seront restaurés dans ce pays.

Enfin, il convient de prévenir tout risque de contagion en Macédoine où se trouve une importante minorité albanaise. La libre circulation des armes en Albanie risque, en effet, d'alimenter un trafic au profit des extrémistes des deux bords. L'Union européenne et l'OSCE devraient ainsi contrôler la frontière entre ces deux pays pour empêcher ce trafic.

La diplomatie préventive que les Européens prétendent vouloir mener, implique des moyens et une sérieuse volonté politique. Elle suppose également que l'on agisse sur les origines du mal et non ses conséquences.

Sérieuse volonté politique ? Je suis pour ma part fort déçu de la récente communication du Comité des Ministres en réponse à notre dernière recommandation sur l'Albanie. Je n'y trouve à peu près rien de substantiel et, en tout cas, rien qui soit à la mesure de la crise albanaise.

En revanche, le projet de recommandation qui nous est soumis par notre collègue M. Van der Linden m'apparaît nettement plus concret. Je voudrais seulement insister sur la nécessité de s'attaquer aux causes de cette crise et de ne pas se contenter d'un traitement humanitaire d'urgence essentiellement médiatique, j'allais dire cosmétique, c'est-à-dire largement inadapté. "

A l'issue du débat, la recommandation 1328 figurant dans le rapport 7806, assortie d'amendements, est adoptée.

Puis, la directive 532 est adoptée à l'unanimité.

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