III. " L'EXCEPTION FRANÇAISE " : UNE MÉTHODE REJETÉE PARTOUT, ET PAR PRESQUE TOUS

Que votre commission, tout en constatant l'amélioration des déficits publics, soit hostile à la méthode retenue par le gouvernement, n'est pas une information d'un intérêt remarquable.

C'est pourquoi il est utile, pour appuyer cette opinion, de montrer combien elle est partagée. Il est bien sûr possible que le gouvernement français ait raison contre tous. Il est probable que non.

A. LES MISES EN GARDE SUR LA PRÉCARITÉ DE LA SITUATION FRANÇAISE

Dans sa monographie récente portant sur la France, l' OCDE critique le choix d'un ajustement budgétaire passant par un surcroît d'intervention publique.

" Nonobstant la réduction tendancielle du déficit demeurent plusieurs problèmes de fond, décrits dans l'Étude précédente et soulignés dans l'audit susmentionné. Le taux de prélèvements obligatoires n'a cessé d'augmenter de 1992 à 1997, pour atteindre un pic de 46,1 % (45,3 % si les allégements de cotisations sociales sont déduits au lieu d'être comptabilisés comme des subventions). Même si de telles comparaisons internationales sont par nature fragiles, ce taux est supérieur d'environ 3 points à la moyenne européenne et 8 points à la moyenne OCDE, alors même que l'intégration économique et monétaire réduit les obstacles à la mobilité des facteurs et facilite l'arbitrage fiscal.

Le poids de la dépense publique dans le PIB a diminué de 0,3 point en 1997 passant à 55,4 % (contre un maximum historique de 56,1 % en 1993). Néanmoins, il demeure lui aussi largement supérieur aux moyennes constatées en Europe ou plus généralement dans les pays de l'OCDE. Dans ces conditions, la question de l'efficience des services de l'Etat ne saurait être éludée
".

Les travaux de l'OCDE permettent par ailleurs de constater que le déficit structurel des administrations publiques est plus élevé en France que dans toute l'Union européenne, à égalité avec la Grèce en 1999.

Déficit structurel des administrations publiques : la France dernière de l'euro-11

(En % du PIB)

 

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

Euro-11

4,8

4,6

4,5

3,4

1,9

2,1

1,8

1,7

Irlande

2,4

1,7

2,2

0,4

- 0,9

- 2,1

- 3,4

- 4,6

Luxembourg

-

-

-

- 3,0

- 2,9

- 2,2

- 2,2

- 2,1

Finlande

2,1

2,2

2,4

1,7

1,3

0,7

- 0,3

- 0,9

Pays-Bas

2,6

3,4

3,2

1,4

0,7

1,8

1,6

0,8

Belgique

6,2

4,3

3,5

2,3

1,6

1,2

1,2

1,2

Espagne

6,0

5,2

6,2

3,3

1,6

1,6

1,4

1,2

Portugal

5,6

5,2

4,9

2,5

1,9

2,2

1,9

1,8

Autriche

4,2

5,0

4,7

3,2

1,3

2,0

1,9

1,9

Italie

8,6

8,6

7,7

6,3

2,2

2,1

1,9

1,9

Allemagne

3,3

2,7

3,1

2,9

2,1

2,3

2,0

2,0

France

4,8

5,2

4,4

3,4

2,3

2,6

2,2

2,0

Hors euro-11

Danemark

0,9

1,6

1,9

0,9

0,3

- 0,5

- 2,2

- 2,8

Suède

8,1

7,8

6,4

2,5

- 0,4

- 1,4

- 1,3

- 1,7

Royaume-Uni

6,2

6,1

5,2

4,6

2,6

0,9

0,1

0,1

Grèce

13,0

9,1

9,6

6,7

3,5

2,2

2,2

2,5

Source : OCDE - (Un signe - signifie un excédent)

Dans son rapport préliminaire sur l'exécution des lois de finances en 1998, la Cour des Comptes , présidée par M. Pierre Joxe, constate que l'essentiel de la réduction des déficits publics provient d'un surcroît de recettes, malgré un niveau déjà très élevé de prélèvements obligatoires, tandis que les dépenses sont de plus en plus rigides. La Cour déplore ainsi la difficulté croissante à laquelle le gouvernement se heurtera pour réduire les déficits publics.

La Banque centrale européenne déplore que l'ensemble des pays de l'Euro-11 aient différé les programmes d'assainissement budgétaire. Elle observe notamment en 1998 que " l'Allemagne et la France, pourtant proches de leur potentiel de production, ont connu des déséquilibres trop proches de la valeur de référence de 3 % du PIB retenue pour les déficits au plus fort d'un ralentissement économique ". Et elle ajoute : " La stratégie envisagée pour l'avenir n'est pas de nature à apporter les apaisements nécessaires ". La France n'a pas l'excuse de la réunification.

La Commission européenne met particulièrement la France en garde contre l'insuffisance de marge qu'elle se donne pour éviter de replonger dans les déficits publics excessifs.

B. LA PRÉFÉRENCE PARTAGÉE POUR LA RÉDUCTION DES DÉPENSES PUBLIQUES

Les grandes institutions internationales et européennes, ainsi que la Cour des comptes, mettent toutes l'accent sur la nécessité de réduire les dépenses publiques pour réduire les déficits et préparer les chocs démographiques.

Mais il est intéressant de noter que cet avis est partagée par des alliés du gouvernement actuel.

Le Chancelier Gerhard Schroeder et le Premier ministre Tony Blair ont récemment pris position dans leur manifeste " Europe : une troisième voie " en faveur d'une réduction de la sphère publique :

" In the past, social democrats have all too often been associated with the view that the best way to promote employment and growth is to increase government borrowing in order to finance higher government spending. We do not rule out government deficits- during a cyclical downturn it makes sense to let the automatic stabilisers work. And borrowing to finance higher government investment, in strict accordance with the Golden Rule, can play a key role in strengthening the supply side of the economy.

However, deficit spending cannot be used to overcome structural weaknesses in the economy that are a barrier to faster grownth and higher employment. " 18( * )


Le gouvernement français persiste lui dans sa politique solitaire de relance de l'emploi par un surcroît de dépenses (35 heures, emplois-jeunes, fonction publique).

Il n'est cependant pas jusqu'au président de l'Assemblée nationale et ancien premier ministre M. Laurent Fabius qui ne dise que l'assainissement des finances publiques doit passer par une baisse des dépenses :

" Aujourd'hui, les prélèvements obligatoires atteignent un niveau record : 46 % du PIB, soit quatre points au-dessus de la moyenne de l'Union européenne. Comment moins prélever ?

En enrayant la progression de la dépense budgétaire
. " 19( * )

Puissent donc les propos tenus par le ministre de l'Economie à l'issue du séminaire gouvernemental de préparation du budget 2000 d'avril dernier se réaliser : " La gauche, ce n'est pas obligatoirement plus de dépenses publiques et de dette " !

Ainsi, et ainsi seulement le " goût du risque " et la " revalorisation du rôle du créateur " l'emporteront sur la rente, comme le souhaitait, lui-même encore récemment le ministre de l'Economie.

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