2. Les ambitions formulées par les traités de Maastricht et d'Amsterdam : des dispositions minimales suspendues à l'expression d'une véritable volonté politique

Des dispositions minimales....

Le traité sur l'Union européenne adopté à Maastricht en décembre 1991 a institué une politique étrangère et de sécurité commune qui " inclut l'ensemble des questions relatives à la sécurité de l'Union européenne, y compris la formulation à terme d'une politique de défense commune, qui pouvait conduire, à terme, à une défense commune. "

L'Union européenne pourra demander à l'UEO " d'élaborer et de mettre en oeuvre les décisions et les actions de l'Union qui ont des implications dans le domaine de la défense. "

Le traité d ' Amsterdam a apporté quelques évolutions en matière de Politique étrangère et de sécurité commune (Pesc) : création d'une unité de planification et d'alerte rapide ; création d'un nouvel instrument juridique avec les stratégies communes, qui s'ajouteront aux actions communes et aux positions communes ; désignation, enfin, d'un Haut représentant pour la Pesc.

En matière de défense, le texte d'Amsterdam apporte quelques avancées d'importance inégale : la politique de défense commune fera l'objet d'une définition " progressive " et non plus " à terme " . Surtout, les " missions de Petersberg " sortent du seul giron de l'UEO pour intégrer celui de l'Union européenne, celle-ci ayant désormais accès, à travers l'UEO et ses missions, à une capacité opérationnelle ; enfin l'intégration de l'UEO à l'Union européenne, décrite dans le traité comme une éventualité, nécessitera une décision unanime du Conseil , puis l'accord de chaque Etat membre.

• ... suspendues à l'expression d'une volonté politique enfin au rendez-vous

Les derniers sommets bilatéraux franco-britannique ( Saint-Malo , le 4 décembre 1998) et franco-allemand ( Toulouse , le 29 mai 1999) ont été l'occasion d'exprimer, sur la défense européenne, une résolution et une orientation nouvelles . Les déclarations formulées à l'issue de chacune de ces rencontres ont témoigné d'une volonté, encore inédite de la part de nos partenaires britanniques, de conforter une politique européenne de défense autonome dotée de forces crédibles.

Ces deux dernières initiatives ont débouché sur le sommet européen de Cologne qui, sur la base d'un rapport de la présidence allemande, a tracé des jalons concrets pour une défense européenne, militairement et politiquement crédible.

- La déclaration franco-britannique de Saint-Malo

Celle-ci a exprimé plusieurs idées-forces :

- l'Union européenne doit avoir une capacité autonome d'action , appuyée sur des " forces militaires crédibles " avec les " moyens de les utiliser " et en étant " prête à le faire ". C'est en effet cette disponibilité politique à utiliser les instruments existants qui aura le plus fait défaut jusqu'à présent ;

- pour approuver des actions militaires dans lesquelles l'Alliance ne serait pas engagée en tant que telle, l'Union européenne doit être dotée de structures appropriées -évaluation, renseignement, planification- en évitant les duplications avec les capacités de l'Alliance. L'Union européenne devra pouvoir recourir à des moyens pré-identifiés de l'Alliance ou à des moyens nationaux ou multinationaux extérieurs au cadre de l'OTAN . Cette ouverture britannique à d'éventuelles utilisations d'outils " hors OTAN " constitue l'un des éléments novateurs pour un pays qui, jusqu'alors, privilégiait le cadre atlantique pour toute action militaire, même européenne ;

- toute action de défense européenne privilégiera le cadre institutionnel de l'Union -Conseil européen, Conseil affaires générales et réunion des ministres de la défense- " La variété des positions des pays européens devra être prise en compte " : en effet, dans le cadre des quinze membres de l'Union, comment intégrer à une action européenne les bonnes volontés des pays neutres non membres de l'OTAN (Finlande, Suède, Autriche) ou du Danemark et de l'Irlande, en particulier dans le cadre du maintien, réaffirmé dans la déclaration, des engagements de défense collective auxquels ont souscrit les Etats membres " dans le cadre de l'article 5 du traité de Washington et de l'article V du traité de Bruxelles " ?

- les rapports futurs de l'UEO et de l'Union européenne ne sont qu'évoqués, sur la base de leur " évolution ", sans que l'idée de " fusion "  ou d'  " intégration " soit explicitement mentionnée, témoignant du souci de privilégier les aspect pragmatiques de la défense européenne sur son volet institutionnel.

- Le sommet franco-allemand de Toulouse

La déclaration de Toulouse, faite à l'issue du sommet franco-allemand du 29 mai 1999 a conforté l'objectif d'une " avancée majeure " pour une Europe de la sécurité et de la défense, et la détermination des deux pays à " développer de façon concertée les capacités nécessaires à (l') autonomie " européenne en matière de défense dans la perspective de l'intégration de l'UEO dans l'Union européenne. Surtout les deux membres fondateurs du Corps européen ont décidé " d'adapter cette grande unité multinationale, et en priorité son état-major, pour qu'elle constitue à l'avenir un Corps de réaction rapide européen ".

Créé en 1992, entre Français et Allemands, le Corps européen regroupe aujourd'hui les deux pays fondateurs, l'Espagne, la Belgique et le Luxembourg. Bien qu'il ait été considéré comme opérationnel depuis 1995, il n'a jamais été impliqué, en tant que tel, dans aucune des crises européennes, tant en Bosnie qu'au Kosovo, pour lesquelles, cependant, il présentait une configuration parfaitement adaptée : un état-major basé à Strasbourg qui, avec le bataillon de quartier général, regroupe quelque mille personnels dont près de 200 officiers ; de 4 divisions blindées ou mécanisées, de la brigade franco-allemande et d'une compagnie de reconnaissance luxembourgeoise, le tout rassemblant un effectif théorique mobilisable global de près de 50.000 hommes.

Dès sa création, cependant, le Corps européen présentait quelques faiblesses : sa composition à partir de forces prédésignées, essentiellement blindées, d'une part, l'organisation de son état-major, ses effectifs, alors majoritairement composés de personnels appelés, d'autre part, le désignaient davantage pour un engagement de type " centre Europe " que pour une projection en cas de gestion de crises.

La réflexion évolue donc vers un concept plus souple de " réservoirs de forces ". Le Corps européen s'articule autour d'une Force d'intervention légère (FIL) pour les opérations de faible intensité à caractère essentiellement humanitaire (2.000 à 5.000 hommes) et d'une Force d'intervention mécanisée (FIM) à même de réunir 20.000 à 35.000 soldats. L'évolution en cours conduira à donner à son état-major la capacité d'assurer le commandement d'une composante terrestre projetée (comme l'ARCC au sein de l'OTAN) et à y affecter des forces plus facilement projetables.

Nos partenaires allemands n'ont toutefois pas encore engagé de restructurations comparables aux nôtres, et la professionnalisation de l'armée allemande, comme celle de l'armée espagnole, restent à faire, ce qui nécessitera un délai de mise en oeuvre qui sera difficilement inférieur à celui de 6 années que nous avons choisi pour notre propre transition.

Les voeux exprimés à Toulouse devraient donc, pour prendre toute leur signification, être suivis rapidement et, notamment à Bonn, de décisions concrètes.

- Le sommet de Cologne et l'ambition d'une nouvelle défense européenne

La déclaration du Conseil européen de Cologne exprime donc, en réponse aux ouvertures du sommet de l'Alliance, une réelle volonté politique de poursuivre la construction d'une politique européenne commune en matière de sécurité et de défense. Le sommet de Cologne a précisé cette ambition politique en termes de moyens et de capacités tant décisionnels qu'opérationnels : poursuivre un effort de défense soutenu ; renforcer les capacités de renseignement, de projection, de commandement et de contrôle ; adapter, entraîner et mettre en cohérence des forces européennes nationales et multinationales.

De même, le sommet a-t-il insisté sur l' aspect industriel de l'ambition européenne de défense : favoriser la restructuration des industries européennes de défense ; améliorer l'harmonisation des besoins militaires ainsi que la programmation et la fourniture des armements.

S'agissant des rapports futurs entre l'UEO et l'UE , la perspective d'intégration est amodiée, pour laisser la place à la définition future des " modalités de l'inclusion de celles des fonctions de l'UEO qui seront nécessaires à l'UE pour assumer ses nouvelles responsabilités dans le domaine des missions de Petersberg " (gestion de crises). Cette précision rédactionnelle vise notamment l'article V du traité de Bruxelles de 1948 conférant juridiquement à l'UEO la responsabilité de la défense collective de ses membres, garantie qui, précise la déclaration de Cologne, ne devra pas se trouver affectée par l' " achèvement " progressif " de la mission de l'UEO " à la fin de l'an 2000. Au demeurant, la déclaration rappelle que l'Alliance reste le fondement de la défense collective de ses membres ". Le rapport de la présidence allemande précise d'ailleurs que " les engagements pris au titre de l'article 5 du traité de Washington et de l'article V du traité de Bruxelles seront maintenus en tout état de cause pour les Etats membres parties à ces traités ". Seuls quatre Etats de l'Union ne sont pas visés par cette disposition : l'Irlande, l'Autriche, la Finlande et la Suède.

Le dispositif décisionnel dont l'Union européenne devra se doter à l'horizon 2000 pour " assurer le contrôle politique et la direction stratégique des opérations de Petersberg conduites par l'Union européenne " est précisé par le rapport de la présidence allemande. Il comprendrait un dispositif d'analyse des situations, des sources de renseignement et des moyens de planification stratégique, ce qui suppose :

. des sessions régulières du Conseil " affaires générales " auxquelles pourraient participer les ministres de la défense ;

. un comité politique et de sécurité , organe permanent siégeant à Bruxelles comprenant les représentants compétents en matière politico-militaire ;

. un comité militaire composé de représentants militaires ;

. un état-major de l'Union européenne , appuyé sur un centre de situation, le centre satellitaire et l'institut d'étude et de sécurité.

Enfin, la mise en oeuvre des opérations de gestion de crises dans le cadre de l'Union européenne nécessitera de la part de ses membres de mettre en place des forces adaptées dotées d'une " capacité de projection, soutenabilité, interopérabilité, flexibilité et mobilité " -reprenant en cela les formulations du sommet de Washington concernant la nécessaire évolution des forces alliées.

Surtout, le rapport fait désormais clairement le départ entre les opérations conduites par l'Union européenne avec recours aux moyens de l'OTAN ou sans recours à ceux-ci :

- dans le premier cas, conformément aux décisions prises à Washington, l'Union européenne bénéficiera des dispositions arrêtées à Berlin (concernant notamment les GFIM ), de l' accès garanti aux moyens de planification de l'OTAN, de la présomption de disponibilité pour l'Union européenne de moyens collectifs de l'OTAN préalablement identifiés ;

- dans le deuxième cas, l'Union européenne aura recours aux moyens nationaux de ses membres ou à ses moyens multinationaux préalablement identifiés : soit des structures de commandement nationales prévoyant une représentation multinationale (idée de " nation-pilote "), soit le recours à des structures de commandement existant au sein des forces multinationales (Eurocorps, Eurofor, Euromarfor...).

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