C. LA REFONDATION D'UNE POLITIQUE EUROPÉENNE DE SÉCURITÉ ET DE DÉFENSE

1. Les efforts infructueux d'implication de l'UEO pour une visibilité européenne en matière de défense.

L'UEO, créée en 1948 par le traité de Bruxelles, près de dix années avant la mise en place de ce qui allait devenir l'Union européenne et un an avant l'Alliance atlantique, avait initialement pour objet de fonder, entre ses cinq membres originels auxquels se sont ajoutés ultérieurement l'Allemagne, l'Italie, l'Espagne, le Portugal et la Grèce, une structure de défense collective. Cet aspect de sa raison d'être -définie à l'article V du traité de Bruxelles- fut rapidement vidé de sa substance après la création de l'Alliance Atlantique et de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord à laquelle il revint de facto le rôle d'assurer la défense de l'Europe occidentale contre la menace soviétique.

Dès lors, l'UEO a été cantonnée à un rôle de forum consultatif sur les questions de défense européenne, sans prise sur la réalité, dépourvue qu'elle était par ailleurs de moyens opérationnels.

Cependant, plusieurs gouvernements européens se sont montrés soucieux de conférer à la Communauté européenne puis à l'Europe une meilleure visibilité en matière de défense et de sécurité. La " déclaration de Rome " adoptée en 1984 , considérée comme fondatrice d'une relance de l'UEO préconisait une " meilleure utilisation de l'UEO " pour " renforcer " la " sécurité occidentale ". Concrètement, un calendrier régulier de réunions des ministres des affaires étrangères et de la défense fut décidé, conférant à l'organisation un statut de forum permanent de concertation.

Mais c'est surtout la plate-forme de la Haye , adoptée en octobre 1987, qui constitua l'étape la plus décisive, notamment en liant la réactualisation de l'UEO à la construction communautaire qui " restera incomplète tant que cette construction ne s'étendra pas à la sécurité et à la défense ".

Ce rapprochement croissant entre la logique communautaire, d'une part, et la mise en place d'une entité européenne de sécurité et de défense, d'autre part, se concrétisera d'abord par l' élargissement de sa composition : l'adhésion à l'UEO des nouveaux membres de l'Union européenne tout d'abord : Espagne et Portugal en 1990, puis la Grèce en 1995.

Cette ouverture aux membres de l'Union européenne fut complétée à l'égard de ceux d'entre eux qui avaient un statut de pays neutres -Autriche, Finlande, Suède et Irlande- ainsi que, pour des raisons spécifiques, le Danemark, en tant que membres observateurs .

De même, les membres de l'OTAN non parties à l'Union furent-ils accueillis en qualité de membres associés (Islande, Norvège, Turquie, puis, récemment, la Pologne, la Hongrie et la République tchèque). Enfin, les sept Etats d'Europe centrale et orientale avec lesquels l'Union européenne avait signé un accord d'association devinrent associés partenaires .

Un embryon de capacités militaires propres.

La réunion du Conseil de l'UEO à Petersberg le 19 juin 1992 fut l'occasion de préciser les missions qui pourraient être confiées à l'organisation en place. Les missions de Petersberg, que l'on pourrait qualifier, par symétrie avec l'OTAN, de " missions ne relevant pas de l'article V ", regroupent les opérations humanitaires, de maintien de la paix et de gestion de crises. Pour réaliser ces missions, l'UEO s'est dotée d' instruments à l'ampleur symbolique , mais supposés constituer une base évolutive : un Comité militaire (1998), un état-major militaire dont relèvent la cellule de planification et le centre de situation, et un centre d'observation satellitaire basé à Torrejon (Espagne).

Surtout, à partir de 1993, avec la création de l' Eurocorps , réalisée à l'initiative de la France et de l'Allemagne rejointes ensuite par la Belgique, l'Espagne et le Luxembourg, ces gouvernements européens ont souhaité traduire dans les faits leur capacité à produire des états-majors multinationaux dotés de forces multinationales . Les résultats concrets n'ont pas cependant été à la hauteur des espérances : l' Eurocorps , opérationnel depuis 1995 et dont l'état-major et la structure des forces sont, pourtant, comparables à ceux de l'ARCC (Corps allié de réaction rapide) n'a jamais été, en tant que tel, déployé sur aucun des théâtres d'opérations. Ce ne fut pas davantage le cas de l'état-major d' Eurofor -aux ambitions et au calibre certes plus réduits-, force terrestre opérationnelle rapide regroupant la France, l'Italie, l'Espagne et le Portugal, ni de son pendant maritime, Euromarfor -force aéromaritime méditerranéenne.

Le soutien de l'OTAN à l'IESD et à l'UEO

L'OTAN s'est par ailleurs progressivement résolue à promouvoir une IESD en son sein. Le nouveau concept stratégique de l'Alliance constitue en quelque sorte le dernier état des offres de moyens et de capacités que l'OTAN est prête à fournir à cette identité incarnée encore, pour l'heure, par l'UEO mais aussi, progressivement, par l'Union européenne elle-même. Cette disponibilité de l'Alliance à l'égard de l'IESD est une réponse concrète à la déclaration faite par les ministres de l'UEO à Maastricht, où celle-ci se fixait comme objectif de renforcer le pilier européen de l'Alliance. Au demeurant, les forces relevant de l'UEO , créées postérieurement à cette déclaration (1991) sont supposées pouvoir être utilisées soit dans un cadre UEO, soit dans un cadre OTAN.

Plus concrètement, les propositions de l'OTAN à l'égard de l'IESD s'articulent autour de quatre points, tels qu'ils ont été réaffirmés par le nouveau concept stratégique :

• créés à partir du sommet de l'Alliance de 1994, les groupes de forces interarmées multinationales, GFIM, sont conçus au sein d'une structure de commandement existante -celles de la structure intégrée de l'OTAN-. Ils sont organisés autour de " noyaux " d'état-major et de moyens de commandement prédésignés, qui rassemblent autour d'eux des modules de forces (troupes et matériels). Ainsi " non détachés " de la structure militaire intégrée au sein de laquelle ils sont constitués, ils en sont " détachables " pour une opération interarmées, notamment pour la gestion de crises. De fait, cette caractéristique les rend utilisables, soit sous " chapeau " OTAN, soit dans le cadre de l'UEO.

Trois noyaux de quartier général de GFIM, auxquels participent quelques officiers français, ont été installés dans chacun des deux commandements régionaux de l'OTAN, ainsi que dans le cadre du commandement atlantique. La mise en oeuvre pratique du concept se heurte cependant à la difficulté de conjuguer deux contraintes apparemment contradictoires :

- le souci de recourir aux états-majors existants pour assurer la formation et l'entraînement des personnels ;

- la nécessité de pouvoir " déformer " ces états-majors, au cas par cas, dans des circonstances difficilement prévisibles pour les adapter aux exigences d'une crise.

Le GFIM, dont le concept est sensé être adapté aux enjeux des crises régionales et aux " nouvelles missions " tant de l'Alliance que, ultérieurement, des Européens eux-mêmes, apparaît donc également comme un moyen de préserver l'outil militaire de l'Alliance ;

la mise à disposition de moyens collectifs pré-identifiés de l'Alliance au profit d'opérations dirigées par l'Union européenne. C'est la notion de " présomption de disponibilité " de ces moyens qui a été rappelée dans le nouveau concept stratégique ;

• l'accès " garanti " de l'Union européenne à des capacités de planification de l'OTAN pour des opérations dirigées par l'Union européenne. A cette fin, l'OTAN entend poursuivre l'adaptation de son système de planification pour mieux intégrer la disponibilité de forces pour des opérations dirigées, à terme, par l'Union européenne ;

• enfin, l'identification d'une série d'options de commandement européen pour des opérations " Union européenne " renforçant le rôle de l'adjoint européen au SACEUR et lui permettant d'exercer ses responsabilités européennes.

Ces offres seront parallèles au développement -jusqu'alors inexistant- de mécanismes de consultation et de coopération entre l'Union européenne et l'OTAN , à l'instar de ceux déjà développés entre celle-ci et l'UEO.

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