CHAPITRE V -

MIEUX CONCILIER DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE, PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT ET AMÉLIORATION DE LA QUALITÉ ARCHITECTURALE

I. PARFAIRE L'APPLICATION DES LOIS " MONTAGNE " ET " LITTORAL "

La loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne et la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral comptent parmi les textes les plus importants adoptés en matière de droit de l'urbanisme depuis le vote des lois de décentralisation. Lois de protection, elles ont permis de préserver des pans entiers du patrimoine national. La très grande majorité des citoyens, des élus et des praticiens de l'urbanisme s'accordent à penser que le bilan d'application de ces deux textes est largement positif, même si chacun d'eux est susceptible de faire l'objet d'amodiations qui ne sauraient en modifier l'économie générale.

A. UN BILAN POSITIF

La loi " littoral " et la loi " montagne " ont sauvé -le terme n'est pas trop fort- des parties du territoire que menaçait une pression foncière importante. Beaucoup de leurs détracteurs leur ont reproché de favoriser la multiplication des contentieux, à cause du flou terminologique entourant certaines de leurs dispositions. Si cette appréciation n'est pas dépourvue de fondement, il semble cependant que le pire soit désormais passé, la jurisprudence abondante produite depuis 1985-1986 ayant largement éclairé ces questions.

1. Des lois de protection...

La loi " littoral " a préservé une zone soumise à une terrible pression foncière. Les communes littorales, en moyenne deux fois plus densément peuplées que les autres communes, ont été les premières bénéficiaires -et parfois les victimes- de la multiplication du nombre de résidences secondaires. Entre 1982 et 1990, elles ont accueilli plus de 40 % de ces nouvelles constructions. Elles subissent d'ailleurs, aujourd'hui encore, une pression foncière soutenue puisque, bien qu'elles ne représentent que 4 % de la superficie du territoire, 15 % des logements neufs y sont construits chaque année 44( * ) .

Même si des progrès sont encore susceptibles d'être accomplis, la loi " littoral " est désormais correctement appliquée dans la majeure partie du territoire. Selon une enquête réalisée par le ministère de l'Equipement en 1996, sur 832 communes étudiées, 728, soit près de 90 % étaient couvertes par un POS opposable aux tiers. Le nombre moyen de POS encore incompatibles avec les dispositions de la loi, s'élevait à 17,5 % à la même époque. Même si ce chiffre demeure relativement élevé, on mesure, grâce à lui, les progrès réalisés depuis 1986.

De l'avis même de plusieurs élus concernés, une modification de la loi destinée à préciser certaines des dispositions qu'elle contient, et qui ont donné lieu à tant de querelles de juristes représenterait plus d'inconvénients que d'avantages.

La loi " montagne " a également permis de protéger le patrimoine français. Sa modification est envisagée par certains avec une plus grande impatience que celle de la loi " littoral ", car ce texte applique aux espaces de moyenne montagne des règles élaborées pour protéger la haute montagne. Votre groupe de travail estime, quant à lui, que la principale difficulté relative à l'application de la loi " montagne " concerne la construction en zone historiquement mitée. Elle pourrait être résolue grâce à une appréciation souple de la notion de " hameau " et de construction " en continuité ". Sous cette réserve importante, votre groupe de travail estime que le bilan de la loi " montagne " est positif, notamment en ce qui concerne la préservation du sol, support des activités agricoles et pastorales.

2. ...dont quelques dispositions ont alimenté une abondante jurisprudence

Plusieurs dispositions de la loi " littoral " ont, par leur formulation elliptique, favorisé la multiplication de recours contentieux.

La notion d'espace " proche du rivage " (article L. 146-4-II du code de l'urbanisme) a donné lieu à des recours dans la mesure où ces espaces sont susceptibles d'accueillir, sous certaines conditions, une " extension limitée " de l'urbanisation, alors que la bande littorale de 100 mètres qui court le long du rivage est, en principe, inconstructible.

Le concept " d'espaces remarquables " (article L. 146-6 du code de l'urbanisme) a également suscité des querelles doctrinales suivies d'instances juridictionnelles. On notera, à ce propos, que les services de l'Etat ont parfois donné une interprétation particulièrement extensive de l'adjectif " remarquable ", allant presque, sur le fondement d'une circulaire 45( * ) , jusqu'à assimiler la notion d'espace remarquable au sens du code de l'urbanisme à celle d'espace présentant un intérêt écologique au sens du droit de l'environnement. Selon le ministère de l'Equipement, les espaces remarquables classés au titre de l'article L. 146-6 précité couvraient, en 1994, plus de 300.000 hectares, soit 14 % de la superficie des communes littorales.

En ce qui concerne la loi " montagne ", c'est la notion de " hameau " qui a donné le plus de fil à retordre aux juristes et aux juges. Selon le Conseil d'Etat, un hameau peut viser un ensemble de quelques maisons, ou un petit centre urbain plus réduit qu'un village ou encore l'agglomération de quelques maisons rurales le long d'une route 46( * ) .

Votre groupe de travail estime qu'il ne revient pas au législateur de donner a priori des définitions générales de concepts dont la jurisprudence a, peu à peu, dégagé les contours. La plupart des décisions rendues par le juge sont des décisions d'espèce. Il serait vain et illusoire de prétendre déterminer, dans la loi, les critères définissant les " hameaux ", les " espaces remarquables " ou " l'extension limitée de l'urbanisation ".

En revanche, comme le montrent les travaux préparatoires aux deux lois précitées et comme le fait d'ailleurs souvent le juge, il convient d'appliquer ces notions avec un pragmatisme qui fait parfois défaut aux services déconcentrés de l'Etat.

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