II. LE TRAITÉ EURATOM : UN CADRE LARGEMENT PÉRIMÉ

Sans être devenu pour autant entièrement inutile, le cadre juridique du traité Euratom apparaît aujourd'hui inadapté à la situation actuelle de l'énergie nucléaire dans l'Union européenne.

Ce cadre juridique est dépassé dans sa forme, car son organisation institutionnelle n'a pas suivi l'évolution de l'Union européenne. Il est également dépassé sur le fond, car nombre de ses dispositions sont tombées en désuétude ou ne sont pas appliquées conformément aux intentions initiales.

A. UNE ORGANISATION INSTITUTIONNELLE DATÉE

1. Des objectifs initiaux aujourd'hui dépassés

a) Un traité originellement très ambitieux

Le traité instituant la Communauté européenne de l'énergie atomique (CEEA), dit Euratom, a été signé à Rome le 25 mars 1957, en même temps que le traité instituant la Communauté économique européenne. Comme le traité CEE, et à la différence du traité CECA du 18 avril 1951, il a été conclu pour une durée illimitée (article 208). Mais comme le traité CECA, et à la différence du traité CEE, il s'agit d'un traité sectoriel, qui ne concerne qu'une seule activité économique bien spécifique.

Après l'échec de la tentative de Communauté Européenne de Défense (CED) en 1954, le traité Euratom participait de la volonté de relancer très vite la construction européenne sur des bases économiques. Il est inspiré par la théorie dite de " l'intégration fonctionnelle " selon laquelle, par un effet d'entraînement, la solidarité instituée dans des secteurs sensibles s'étendrait progressivement à l'ensemble de l'activité économique pour déboucher sur une communauté politique.

Dès le 20 mai 1955, le Mémorandum présenté par les pays du Bénélux à leurs trois partenaires de la CECA (Allemagne, France et Italie), se prononçait en faveur d'un élargissement des bases communes du développement économique communautaire qui " devrait s'étendre entre autres aux domaines des transports, de l'énergie et des applications spécifiques de l'énergie atomique ".

Réunis à la conférence de Messine en juin 1955, les Six estimaient qu'il fallait " étudier la création d'une organisation commune à laquelle seront attribués la responsabilité et les moyens d'assurer le développement pacifique de l'énergie atomique en prenant en considération les arrangements spéciaux souscrits par certains gouvernements avec des tiers ".

Le comité intergouvernemental chargé des études préalables à la rédaction des futurs traités, présidé par Paul-Henri Spaak, confirmait lors de sa réunion à Bruxelles en février 1956, " la nécessité et l'urgence de créer une organisation européenne dans le domaine atomique ".

Les experts du comité Spaak proposaient d'attribuer à la nouvelle organisation les fonctions suivantes : " développer la recherche et les échanges d'informations, créer les installations communes nécessaires, assurer l'approvisionnement des industries en minerais et combustibles nucléaires, établir un contrôle efficace des matières nucléaires, instaurer le libre échange des produits et équipements de l'industrie nucléaire, ainsi que la libre circulation des spécialistes ". Toutes ces propositions ont été par la suite reprises dans le traité Euratom.

La conférence de Venise de mai 1956 a concrétisé l'accord des Six sur les modalités de la relance européenne. Leurs représentants ont adopté le rapport Spaak comme base des négociations destinées " à élaborer un traité instituant un marché commun général et un traité créant une organisation européenne de l'énergie nucléaire (Euratom) ".

Réglementant un secteur de haute technologie, qui apparaît de surcroît comme un paramètre fondamental de la puissance, le traité Euratom devait constituer un soubassement important de la construction de l'Union européenne.

b) La levée de l'hypothèque du nucléaire militaire

L'accord de principe pour la création de la CEEA masquait des difficultés relatives à l'aspect militaire de la question nucléaire. Sur ce point, le rapport Spaak préconisait un moratoire de cinq ans sur la fabrication et l'expérimentation de l'arme atomique, tandis que les conférences de Messine et de Venise ne se prononçaient pas. Cette prudence était révélatrice de l'importance des divergences à surmonter.

Parmi les Six, seule la France disposait d'un embryon d'industrie nucléaire digne de ce nom. Le budget qu'elle consacrait au nucléaire était supérieur à ceux réunis de ses cinq partenaires. Son objectif, dans le cadre du premier plan quinquennal de 1952, était de réaliser une percée pour le développement du nucléaire civil, tout en gardant ouverte une option militaire.

La France admettait toutefois que le développement de l'énergie nucléaire dépassait ses capacités, et nécessitait la mise en commun des ressources avec d'autres pays européens. Dans cette optique, l'avance technologique de la France devait équilibrer la puissance industrielle allemande. Même cette apparente complémentarité fut en fait source de dissensions, l'industrie allemande estimant être suffisamment puissante, notamment dans les domaines chimique et électronique, pour pouvoir rattraper seule son retard dans le domaine nucléaire.

Du point de vue militaire, le dilemme qui se posait à l'ouverture des négociations d'Euratom était entre l'intégration, qui supposait l'égalité des droits et donc la renonciation unilatérale des partenaires de l'Allemagne à la possession d'armes nucléaires, et la liberté atomique militaire, qui introduisait une discrimination vis-à-vis de la RFA.

La France ne prit pas position sur la liberté dans le domaine atomique militaire avant 1956. Mais les menaces soviétiques lors de la crise de Suez furent révélatrices des possibilités diplomatiques qu'offrait la bombe atomique, et le Président du Conseil Guy Mollet annonça en novembre 1956 l'intention du gouvernement français d'engager des études devant mener à l'acquisition de l'arme suprême.

Une fois cette hypothèque levée, le traité Euratom pu être négocié en prévoyant un régime particulier pour ceux de ses signataires qui allaient se doter d'armes atomiques. Accessoirement, cela signifiait la fin du rêve des Etats-Unis de voir émerger une zone dénucléarisée en Europe.

c) Des réalisations en deçà des ambitions

Ainsi, le traité Euratom avait à l'origine comme ambition d'organiser sur le territoire de la Communauté l'ensemble d'une activité économique à l'époque nouvelle, la filière électronucléaire. Sans être un échec complet, il n'a pas eu le succès escompté.

Des raisons d'ordres différents permettent d'expliquer pourquoi les accomplissements du traité Euratom ne sont pas à la hauteur de ses ambitions initiales.

Sur un plan juridique, le traité Euratom a voulu établir, dans un secteur en pleine évolution, une législation détaillée qui s'est trouvée rapidement dépassée. C'est là une différence fondamentale par rapport au traité CEE, qui est un traité-constitution sur la base duquel toute une législation dérivée peut être adaptée aux circonstances sans qu'il soit forcément nécessaire de le réviser.

La Communauté Européenne de l'Energie Atomique a été conçue sur le modèle des structures nationales qui avaient été créées à l'époque par les puissances occidentales pour présider à la naissance de l'industrie nucléaire : United States Atomic Energy Commission aux Etats-Unis, United Kingdom Atomic Energy Authority au Royaume-Uni, Commissariat à l'Energie Atomique en France, Comitato Nazionale per l'Energia Nucleare en Italie, etc.

Les pouvoirs attribués à ces structures nationales se sont révélés assez rapidement inadaptés, et elles ont été soit remplacées, soit réformées. La CEEA, elle, continue de présenter une apparence juridique qui ne correspond pas à la réalité.

Sur un plan économique et politique, l'hypothèse faite en 1957 d'un grand développement de l'énergie nucléaire en Europe ne s'est pas concrétisée. A l'époque, on pouvait légitimement penser que le secteur nucléaire, dans lequel aucun Etat membre n'avait encore d'intérêts bien établis, offrait une occasion unique d'intégration européenne en permettant de développer un pan entier d'industrie directement au niveau communautaire, sans passer par la fusion progressive d'intérêts nationaux.

Dans les faits, l'énergie nucléaire s'est développée en Europe dans certains des Etats membres seulement, et sur des bases essentiellement nationales. Aujourd'hui, il s'agit d'un secteur peu consensuel, où les intérêts nationaux sont particulièrement marqués.

Enfin, sur un plan institutionnel, la CEEA a paradoxalement pâti du succès de la Communauté Economique Européenne, qui a absorbé certaines de ses fonctions.

La recherche nucléaire, tâche essentielle d'Euratom, est ainsi devenue une simple composante du programme-cadre de recherche communautaire. De même, le marché intérieur nucléaire s'est dissous dans la réalisation du marché unique. Plus généralement, le nucléaire a vocation à devenir un élément de la politique communautaire de l'énergie que l'Union européenne s'efforce actuellement, non sans difficultés, de mettre en place.

Si certaines parties de l'exécution du traité Euratom ont conflué avec celle du traité CEE, d'autres ont dû être coordonnées avec l'exécution d'autres traités internationaux au point de perdre leur intérêt propre. C'est notamment le cas du contrôle de sécurité exercé par Euratom dans les Etats membres en étroite coordination avec le système des garanties de l'AIEA.

Insuffisante adaptation juridique, inadéquation à la diversité des politiques nucléaires des Etats membres et dilution progressive dans le processus européen d'intégration économique : telles sont les trois causes de la péremption de nombre des dispositions du traité Euratom.

2. Un équilibre institutionnel fragilisé

a) Les spécificités institutionnelles du traité Euratom

Le schéma institutionnel du traité Euratom est, dans ses grandes lignes, semblable à celui du traité CEE et repose sur le " triangle communautaire " formé par le Conseil, la Commission et le Parlement européen. Cette assimilation a été renforcée par le traité de fusion des exécutifs communautaires de 1965, ainsi que par le traité de Maastricht de 1992 qui proclame que " l'Union dispose d'un cadre institutionnel unique qui assure la cohérence et la continuité des actions menées en vue d'atteindre ses objectifs ".

Mais cette unité de principe recouvre en réalité certaines spécificités institutionnelles propres au traité Euratom.

En ce qui concerne les actes conventionnels conclus par la CEEA, l'article 101.1 du traité Euratom prévoit que la Communauté, dans le cadre de sa compétence, peut s'engager par la conclusion d'accords internationaux.

Cette affirmation de principe du parallélisme de la compétence interne et de la compétence externe de conclure des accords internationaux, dans le cadre du traité Euratom, contraste avec les efforts qui ont longtemps été nécessaires de la part de la Cour de Justice des Communautés européennes pour faire admettre une approche semblable dans le cadre du traité CEE. Mais ce qui était une spécificité originelle du traité Euratom est aujourd'hui admis par la jurisprudence communautaire.

En revanche, alors que l'Acte unique et le traité de Maastricht ont prévu l'exigence d'un avis conforme du Parlement européen pour la conclusion de certains accords extérieurs dans le cadre du traité CEE, l'article 206 du traité Euratom ne prévoit qu'une simple consultation du Parlement européen .

En ce qui concerne les actes de droit communautaire dérivé , les similitudes initiales entre le traité Euratom et le traité CEE se sont progressivement estompées.

Alors que l'Acte unique et le traité de Maastricht ont institué des procédures de coopération et de codécision entre le Conseil et le Parlement européen pour les directives et règlements adoptés dans le cadre du traité CEE, qui ont ensuite été étendues par le traité d'Amsterdam, les dispositions équivalentes du traité Euratom sont resté figées.

De ce fait, les articles 162 et 163 du traité Euratom ne prévoient qu'une simple consultation du Parlement européen sur les directives et règlements adoptés par le Conseil dans le cadre de la CEEA.

Ainsi, les particularités institutionnelles du traité Euratom se sont accentuées, à mesure que les règles du traité CEE évoluaient dans un sens plus favorable au Parlement européen.

b) La contestation par le Parlement de sa position subalterne

Le Parlement européen tolère de moins en moins bien d'être cantonné dans un rôle consultatif par le traité Euratom, alors que ses pouvoirs tendent à s'accroître par ailleurs. Si une minorité seulement des députés européens est franchement hostile au nucléaire, la grande majorité est mécontente de l'équilibre institutionnel actuel de la CEEA.

Cette insatisfaction du Parlement européen s'exprime notamment par le biais de sa compétence budgétaire, car il dispose d'un pouvoir de codécision pour les dépenses non obligatoires.

En 1992 et 1993, le Parlement européen s'est ainsi refusé à voter le budget de recherche nucléaire de la Communauté, pour manifester son mécontentement de ne pas pouvoir en modifier les orientations. Il a fallu fondre budgétairement la recherche nucléaire dans les crédits du programme-cadre de recherche pour surmonter cette opposition.

De même, en 1998, le Parlement européen a d'abord refusé de voter les crédits budgétaires constituant la participation de la CEEA au financement de la modernisation des centrales de la Corée du Nord, dans le cadre de l'Organisation pour le développement énergétique de la péninsule coréenne (KEDO), créée en 1997 à l'initiative des Etats-Unis et sous les auspices de l'AIEA.

Le Parlement n'a accepté de débloquer les crédits nécessaires qu'en échange de la décision prise au printemps 1999 par le commissaire chargé de l'énergie à l'époque, M. Leon Brittan, de lui transmettre systématiquement tous les accords internationaux Euratom afin qu'il puisse se prononcer avant le Conseil. Cette décision, qui allait au-delà des engagements pris par le Président de la Commission, M. Jacques Santer, est susceptible d'évoluer vers un véritable avis conforme.

Le Parlement européen cherche également, avec la complicité de la Commission contre le Conseil, à étendre sa compétence dans le domaine nucléaire sur la base des dispositions générales du traité CEE relatives à la protection de la santé des populations. De son point de vue, l'intérêt est qu'il dispose dans ce cas d'un pouvoir de codécision.

En 1996, lors de la conférence intergouvernementale préparatoire au traité d'Amsterdam, le Parlement européen n'a pas réussi à obtenir la révision du traité Euratom, qui n'était pas à l'ordre du jour officiel.

La question d'un renforcement des pouvoirs du Parlement européen dans le domaine nucléaire pourrait être de nouveau évoquée lors de la conférence intergouvernementale qui a été ouverte en février dernier pour préparer l'élargissement de l'Union européenne, même si l'ordre du jour de cette nouvelle CIG a été volontairement restreint.

Votre rapporteur admet que la position inférieure du Parlement européen dans l'équilibre institutionnel du traité Euratom n'est pas satisfaisante, et paraît aujourd'hui contraire à l'effort constant de " démocratisation " de la construction européenne.

Mais il estime que l'absence de consensus sur le nucléaire dans les Etats membres, qui se traduit par des prises de position du Parlement européen souvent dictées par sa minorité la plus farouchement antinucléaire, ne plaide pas en faveur d'une modification du statu quo institutionnel au sein de la CEEA.

c) L'attitude ambiguë de la Commission à l'égard du nucléaire

Politiquement, le collège des Commissaires apparaît aussi divisé à l'égard du nucléaire que les Etats membres.

La Commission Santer était majoritairement d'une sensibilité hostile au nucléaire. La faible implication de M. Papoutsis, commissaire en charge de l'énergie et personnellement opposé au nucléaire, avait conduit à une moindre prise en considération des analyses de la Direction générale de l'énergie, dont l'expertise contribue à une bonne appréhension des questions nucléaires au sein de la Commission.

Il est encore trop tôt pour savoir avec certitude quelle sera l'orientation dominante de la nouvelle Commission Prodi. Mais des signes existent d'une position plus favorable au nucléaire.

La nouvelle commissaire chargée de l'énergie, Mme Loyola de Palacio, ne partage manifestement pas les préventions de son prédécesseur à l'égard du nucléaire. Elle prépare actuellement l'organisation d'un débat sur l'avenir de la politique énergétique européenne et la place de chaque source d'énergie. Ce débat, qu'elle veut " dépassionné ", mettra l'accent sur la préoccupation de sécurité d'approvisionnement et l'objectif de réduction des émissions de CO 2 : deux thèmes susceptibles de remettre au goût du jour l'option nucléaire.

Un autre indice est la réponse officielle faite le 19 avril dernier par le Président de la Commission au Ministre-Président de la Bavière, qui l'avait saisi de la conformité au traité Euratom de la décision allemande d'abandonner le nucléaire.

Dans sa réponse à M. Edmund Stoiber, M. Romano Prodi fait valoir, sans surprise, que le traité Euratom laisse libre chacun des Etats membres de développer une industrie nucléaire ou d'y renoncer.

Mais il a ajouté, et cela est plus nouveau, que la fermeture des centrales nucléaires allemandes " nécessitera des efforts accrus dans les domaines des énergies renouvelables et de l'efficacité énergétique afin d'atteindre l'objectif de Kyoto ". Le Président de la Commission a également considéré qu'" au sujet de l'éventuel abandon de l'énergie nucléaire par l'Allemagne, on ne saurait en aucune façon passer sous silence la question de la sécurité des approvisionnements dans le domaine de l'énergie ".

La Commission semble donc prête à sortir de la réserve prudente qu'elle avait observée jusqu'à présent à l'égard de l'énergie nucléaire, compte tenu de l'absence de consensus parmi les Etats membres.

L'embarras politique de la Commission européenne à l'égard du nucléaire se retrouve au niveau administratif, dans l'organisation même de ses services et dans les rivalités qui opposent parfois ceux-ci.

En dehors de la contribution spécifique du Service juridique à l'Euratom et des trois services spécialisés que sont le Centre Commun de Recherche, l'Agence d'approvisionnement et la Direction du contrôle de sécurité, les questions nucléaires sont éclatées entre de très nombreuses directions générales de la Commission européenne : Energie, Recherche, Environnement, Relations extérieures et Elargissement.

Une forte rivalité oppose la Direction générale de l'Energie, qui aborde le nucléaire sous l'angle de la compétitivité énergétique et de la sécurité d'approvisionnement, à la Direction générale de l'Environnement, qui l'aborde sous l'angle de la radioprotection et de la gestion des déchets.

Pour leur part, les directions générales des Relations extérieures et de l'Elargissement ont été échaudées par leur échec à gérer convenablement, à travers les programmes PHARE et TACIS, l'action communautaire d'amélioration de la sûreté des centrales nucléaires à l'Est.

Dans le cadre de la réforme en cours de la Commission européenne, un projet de refonte des services en charge du nucléaire a été conçu par l'Inspection générale des services, consistant à transférer à la Direction générale de l'Environnement la responsabilité de la sûreté nucléaire à l'Est.

Ce projet, qui n'a pas encore été validé, soulève un problème de principe, car il violerait la nécessaire séparation des fonctions de conception des normes de sûreté et de contrôle de leur application. Il présente également une difficulté pratique, car la capacité d'expertise de la Direction générale de l'Environnement n'est pas meilleure que celle des directions générales Relations extérieures et Elargissement.

Toutefois, indépendamment de ses hésitations politiques et de ses rivalités administratives, la Commission oeuvre avec beaucoup de constance à étendre ses compétences dans le domaine nucléaire au-delà de la lettre du traité Euratom.

Tout d'abord, la Commission procède par voie de recommandations. Bien que celles-ci soient juridiquement non contraignantes, il est politiquement difficile pour les Etats membres d'en contester la mise en oeuvre. Inversement, la " comitologie " ne s'appliquant pas au traité Euratom, la Commission peut parfaitement ignorer l'avis des experts gouvernementaux sur les questions nucléaires.

En outre, la Commission a une conception très extensive des dispositions relatives à la radioprotection qui, selon elle, fondent sa compétence pour le contrôle des rejets des installations nucléaires ou la gestion des déchets nucléaires.

Enfin, la Commission considère que la sûreté nucléaire est englobée dans la compétence communautaire générale relative à la santé des populations. Avec la complicité du Parlement européen, elle a cherché récemment à introduire les substances radioactives dans des textes ayant pour base non pas le traité Euratom, mais les dispositions environnementales du traité CEE : directive sur l'eau potable, projet de directive-cadre sur l'eau, recommandation sur les inspections environnementales, directive instituant un cadre de coopération sur la pollution marine accidentelle...

Ce raisonnement a inspiré le recours juridictionnel de la Commission contre la décision du Conseil du 7 décembre 1998 de faire adhérer Euratom à la convention internationale sur la sûreté nucléaire. La Commission conteste le choix du Conseil de fonder cette adhésion uniquement sur les dispositions de radioprotection du chapitre III du traité Euratom, et voudrait se voir reconnaître aussi une compétence en matière d'implantation des installations nucléaires et de plans d'urgence, prévue par la convention internationale.

L'arrêt de la CJCE, qui est encore attendu, sera vraisemblablement déterminant pour préciser la compétence nucléaire de la Commission dans le cadre de l'élargissement de l'Union européenne.

Votre rapporteur constate avec regret que l'attitude ambiguë de la Commission sur les questions nucléaires justifie une certaine défiance à son égard de la part des Etats membres favorables à cette forme d'énergie, et attachés au respect de leurs compétences nationales.

Il considère surtout éminemment souhaitable que le Conseil parvienne à fixer une direction claire à la Commission dans ce domaine sensible. Tout flottement politique laisse la voie libre aux querelles administratives, et accroît le risque de voir les tendances hostiles au nucléaire dominer au sein même des instances de l'Union européenne.

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