Articles additionnels

après l'article 1er ou avant l'article 21

Art. additionnels après l'art. 1er
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu'à l'aide publique aux partis politiques
Art. additionnels après l'art. 1er ou avant l'art. 21 (interruption de la discussion)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 221, présenté par M. Peyronnet et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

« Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« L'article L. 193 du code électoral est ainsi rédigé :

« Art. L. 193. - Les conseillers généraux sont élus au scrutin de liste à deux tours, avec dépôt de listes comportant autant de candidats que de sièges à pourvoir, sans adjonction ni suppression de noms et sans modification de l'ordre de présentation.

« Au premier tour de scrutin, il est attribué à la liste qui a recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés un nombre de sièges égal au quart du nombre des sièges à pourvoir, arrondi à l'entier supérieur. Cette attribution opérée, les autres sièges sont répartis entre toutes les listes à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne, sous réserve de l'application du quatrième alinéa ci-après.

« Si aucune liste n'a recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés au premier tour, il est procédé à un second tour. Il est attribué à la liste qui a obtenu le plus de voix un nombre de sièges égal au quart du nombre des sièges à pourvoir, arrondi à l'entier supérieur. En cas d'égalité de suffrages entre les listes arrivées en tête, ces sièges sont attribués à la liste dont les candidats ont la moyenne d'âge la moins élevée. Cette attribution opérée, les autres sièges sont répartis entre toutes les listes à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne, sous réserve de l'application du quatrième alinéa ci-après.

« Les listes qui n'ont pas obtenu au moins 3 % des suffrages exprimés ne sont pas admises à la répartition des sièges.

« Les sièges sont attribués aux candidats dans l'ordre de présentation sur chaque liste.

« Si plusieurs listes ont la même moyenne pour l'attribution du dernier siège, celui-ci revient à la liste qui a obtenu le plus grand nombre de suffrages. En cas d'égalité de suffrages, le siège est attribué au moins âgé des candidats susceptibles d'être proclamés élus. »

L'amendement n° 300, présenté par M. Frimat, Mme Blandin, MM. Domeizel, Dreyfus-Schmidt, Estier, Godefroy, Lagauche, Masseret, Peyronnet et Sueur, Mme M. André, MM. Badinter, Courrière, Debarge, Frécon, C. Gautier, Mahéas, Sutour et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

« Avant l'article 21, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Au dernier alinéa de l'article L. 193 du code électoral, les mots : "au plus âgé" sont remplacés par les mots : "au candidat le plus jeune". »

L'amendement n° 222 rectifié, présenté par MM. Peyronnet et Dreyfus-Schmidt, est ainsi libellé :

« Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Après l'article L. 193 du code électoral, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art... . - I - Dans les départements, dont l'indice d'urbanisation INSEE est inférieur à 65 %, l'élection a lieu au scrutin uninominal majoritaire à deux tours par canton, selon les règles prévues à l'article L. 193.

« II. - Dans les départements dont l'indice d'urbanisation INSEE est supérieur à 65 %, il est procédé :

« A. - A un scrutin proportionnel de liste pour les unités urbaines recensées par l'INSEE dont la population dépasse un seuil fixé par décret. Ce scrutin s'effectue des le cadre d'une circonscription unique composée dans cantons compris en totalité ou en partie dans l'unité urbaine considérée. Ces conseillers généraux sont élus au scrutin de liste à deux tours, avec dépôt de listes comportant autant de candidats que de cantons compris en totalité ou en partie dans l'unité urbaine considérée, sans adjonction ni suppression de noms et sans modification de l'ordre de présentation.

« Au premier tour de scrutin, il est attribué à la liste qui a recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés un nombre de sièges égal au quart du nombre des sièges à pourvoir, arrondi à l'entier supérieur. Cette attribution opérée, les autres sièges sont répartis entre toutes les listes à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne, sous réserve de l'application du quatrième alinéa ci-après.

« Si aucune liste n'a recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés au premier tour, il est procédé à un second tour. Il est attribué à la liste qui a obtenu le plus de voix un nombre de sièges égal au quart du nombre des sièges à pourvoir, arrondi à l'entier supérieur. En cas d'égalité de suffrages entre les listes arrivées en tête, ces sièges sont attribués à la liste dont les candidats ont la moyenne d'âge la moins élevée. Cette attribution opérée, les autres sièges sont répartis entre toutes les listes à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne, sous réserve de l'application du quatrième alinéa ci-après.

« Les listes qui n'ont pas obtenu au moins 3 % des suffrages exprimés ne sont pas admises à la répartition des sièges.

« Les sièges sont attribués aux candidats dans l'ordre de présentation sur chaque liste.

« Si plusieurs listes ont la même moyenne pour l'attribution du dernier siège, celui-ci revient à la liste qui a obtenu le plus grand nombre de suffrages. En cas d'égalité de suffrages, le siège est attribué au moins âgé des candidats susceptibles d'être proclamés élus.

« B. - A un scrutin uninominal majoritaire à deux tours par canton dans le reste du territoire départemental, selon les règles prévues à l'article L. 193 du code électoral. »

La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour présenter l'amendement n° 221.

M. Jean-Claude Peyronnet. Les trois amendements en discussion commune portent sur la représentation au sein des conseils généraux.

La première décentralisation promue par Gaston Defferre et réalisée par la loi du 2 mars 1982 a été parfois présentée comme la grande victoire des départements. Même si beaucoup l'ont déploré, c'est un fait !

Dans les années qui ont suivi, on a annoncé à plusieurs reprises la fin des départements. Ainsi, bien qu'il ait approuvé les conclusions de la commission Mauroy, qui proposait d'accorder aux départements une place importante et des compétences nouvelles, M. Lionel Jospin a été périodiquement accusé de vouloir leur mort, et lorsque M. Raffarin a été nommé Premier ministre, on a cru que, en tant qu'ancien président de région, il voudrait à son tour les assassiner !

Or, dans un discours prononcé la semaine dernière, M. Raffarin a indiqué que si les départements devaient mourir, ce serait d'indigestion, en raison du nombre des compétences qu'ils peuvent exercer ! Ils ne sont donc plus menacés, si ce n'est par le manque de représentativité des conseils généraux, qui met en péril leur existence même.

Le système électoral actuel présente l'avantage - je considère que c'en est un, même si je propose d'instaurer, par cet amendement, une représentation purement proportionnelle - de concilier la représentation territoriale et le vote politique.

Toutefois, de sérieux problèmes se font jour.

Tout d'abord, le scrutin uninominal rend extrêmement difficile l'application de la parité pour les élections cantonales. En outre, il est également délicat d'assurer la représentation des différentes forces politiques du pays au sein des conseils généraux.

Un sénateur de l'UMP. Nous, nous n'avons pas de problème !

M. Jean-Claude Peyronnet. Surtout, on constate une distorsion entre la représentation des zones urbaines et celle des zones rurales (M. Hilaire Flandre s'exclame), avec une surreprésentation rurale évidente qui ne correspond plus à la répartition de la population française, 80% de cette dernière vivant désormais sur 20% du territoire. Cela pose un grave problème.

M. Hilaire Flandre. Il n'y a pas assez de professeurs en France ?

Mme Nicole Borvo. Demandez la parole, monsieur Flandre, nous vous écouterons avec plaisir !

M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Peyronnet !

M. Jean-Claude Peyronnet. Parallèlement, le cinquième de la population occupant 80% du territoire se trouve donc surreprésenté dans le système que nous connaissons. La situation est d'autant plus grave que les conseils généraux risquent d'y perdre leur crédibilité. Toutefois, cela ne signifie pas que les présidents de conseil général ne font pas d'efforts pour adapter leur politique à la réalité du pays.

Quoi qu'il en soit, par l'amendement n° 221, nous proposons au Sénat d'instaurer un mode de représentation proportionnelle calqué sur le scrutin proportionnel de liste à deux tours avec prime institué, pour les élections régionales, par la loi de 1999. Cela permettrait de pallier les graves difficultés que je viens de signaler.

Par ailleurs, nous avons déposé deux autres amendements de repli, que je défendrai, le cas échéant, en temps utile.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour présenter l'amendement n° 300.

M. Bernard Frimat. L'amendement n° 300 nous permet d'aborder pour la première fois un thème sur lequel nous aurons l'occasion de revenir.

La loi de 1999 dispose que si plusieurs candidats obtiennent le même nombre de suffrages, l'élection est acquise au plus âgé. A notre satisfaction - nous en avons quand même quelques-unes ! - cette disposition avait été conservée dans la rédaction initiale du projet de loi. Nous nous réjouissions de cette décision à la fois symbolique et porteuse de dynamisme, au regard de la mobilisation de la jeunesse entre les deux tours de l'élection présidentielle de 2002 pour défendre les valeurs de la République.

Hélas ! notre désarroi a été grand lorsque nous avons constaté que les amendements adoptés par le biais du recours à l'article 49, alinéa 3, de la Constitution tendaient à revenir sur cette louable première intention.

M. Josselin de Rohan. Autrement dit, on a le droit d'amender ici, mais pas à l'Assemblée nationale !

M. Bernard Frimat. Non, il est permis d'amender le texte aussi bien à l'Assemblée nationale qu'au Sénat. Nous essayons d'ailleurs de vous y inviter, mes chers collègues, avec un succès limité ! Nous avons le droit de déposer et de présenter des amendements, donc nous en usons, avec l'espoir de vous convaincre.

Mme Nicole Borvo. Voilà !

M. Josselin de Rohan. L'Assemblée nationale a fait la même chose !

M. Bernard Frimat. Ne nous enlevez pas cet espoir, monsieur de Rohan ! Je regrette finalement que vous condamniez la position initiale du Gouvernement. Pour une fois que nous pouvions nous accorder sur un point ! (Rires.)

Nous souhaitons donc, pour notre part, que l'on revienne à la rédaction initiale du projet de loi. Nous développerons à nouveau nos arguments, d'autant que, à la suite de vos interruptions, monsieur de Rohan, mon propos a quelque peu perdu de sa clarté ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour présenter l'amendement n° 222 rectifié.

M. Jean-Claude Peyronnet. Cet amendement vise - avec succès, me semble-t-il ! (Sourires) - à concilier la juste représentation des populations et le maintien du lien territorial avec les électeurs.

Il est évident que, pour atteindre cet objectif, il convient d'instaurer un scrutin mixte. Par cet amendement, il est donc proposé, pour un certain nombre de départements, au-delà d'un seuil d'urbanisation dont on pourrait discuter, d'instituer une élection au scrutin proportionnel dans les zones les plus urbanisées et au scrutin uninominal dans les zones plus rurales.

Un tel dispositif permettrait de résoudre le problème de la sous-représentation des populations urbaines et de concilier de façon assez pertinente, à mon sens, les deux aspects que j'évoquais au début de mon intervention.

La question de la constitutionnalité de l'élection d'une assemblée dans de telles conditions, selon deux modes de scrutin différents, peut être posée. Toutefois, je relève que les modalités régissant les élections sénatoriales sont encore plus complexes, puisque s'ajoute au scrutin uninominal, qui s'applique pour certains départements, et à la représentation proportionnelle, en vigueur pour les autres, le mode de scrutin particulier des Français de l'étranger.

M. Christian Cointat. Il n'est pas particulier ! C'est un scrutin comme les autres !

M. Jean-Claude Peyronnet. Il est tout de même quelque peu différent !

M. Christian Cointat. Mais non !

M. Jean-Claude Peyronnet. Le territoire concerné est vaste, mais peu importe ! Quoi qu'il en soit, les sénateurs sont élus selon divers modes de scrutin.

Cependant, le Conseil constitutionnel n'a jamais été saisi sur ce point, et quand il s'est prononcé sur la loi tendant à réformer le mode d'élection du Sénat, il a évoqué ces trois modes différents sans formuler la moindre remarque et sans étendre, ce qu'il avait toute latitude de faire, le champ de la saisine pour donner son avis sur des dispositions qui auraient éventuellement pu apparaître comme non constitutionnelles.

On peut donc parfaitement concevoir qu'instaurer deux modes d'élection à une même assemblée départementale ne nous expose pas à la censure du Conseil constitutionnel. Une telle solution présenterait le grand avantage, je le répète, de permettre une représentation satisfaisante des populations urbaines et de maintenir le lien territorial avec les populations rurales, qui y sont très attachées.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. Je m'exprimerai d'abord sur les amendements n°s 221 et 222 rectifié, l'amendement n° 300 soulevant un problème différent.

Je ne répéterai pas indéfiniment ce que j'ai déjà dit : le présent texte concerne non pas les élections cantonales, mais les élections régionales et les élections européennes. Dès lors, la commission estime qu'il convient de ne pas surcharger le projet de loi en y insérant des dispositions étrangères à l'objet principal de la réforme.

M. Claude Domeizel. Et l'article 11 bis ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. Je rappelle également que le choix de la circonscription cantonale pour l'élection des conseillers généraux remonte à la loi du 22 juin 1833 et qu'il a toujours été confirmé par la suite.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. La tradition !

M. Patrice Gélard, rapporteur. En effet, à l'occasion du vote de chacune des grandes lois relatives aux libertés locales, le législateur a toujours pris acte de la nécessité d'assurer la représentation du département dans sa diversité géographique, et non pas seulement selon des caractéristiques démographiques.

L'adoption d'une circonscription départementale et le recours au scrutin de liste porteraient atteinte, en outre, au lien existant à l'heure actuelle entre le conseiller général et l'électeur, car la représentation minimale souhaitable des différentes composantes territoriales ne serait plus garantie, contrairement au voeu de nos contitoyens, qui restent attachés à la notion de proximité. (M. Philippe Nogrix applaudit.)

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Faisons un référendum !

M. Patrice Gélard, rapporteur. Par ailleurs, l'amendement n° 222 rectifié me paraît inacceptable sur le plan juridique, car on ne peut renvoyer à des unités urbaines définies par l'INSEE le soin d'établir les circonscriptions électorales. En tout état de cause, cela pourrait être le fait du Gouvernement, mais il faudrait alors un décret. Je ne crois pas que l'on puisse laisser à un organisme non parlementaire le soin de découper les circonscriptions électorales.

Un sénateur de l'UMP. Tout à fait !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Sous-amendez !

M. Patrice Gélard, rapporteur. Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur les amendements n°s 221 et 222 rectifié.

Quant à l'amendement n° 300 - et je le dis une fois pour toutes, puisqu'une dizaine d'amendements de même nature ont été déposés - c'est une fausse bonne solution.

Dans l'histoire des institutions, que l'on remonte à Athènes ou à la démocratie romaine, c'est toujours le plus ancien qui est choisi en cas de partage des voix. A cela, il y a une raison fondamentale : le plus ancien est réputé avoir plus d'expérience et plus de compétence que le plus jeune, qui aura le temps de faire ses armes. (Mme Nicole Borvo s'exclame.)

En outre, cette disposition aux termes de laquelle c'est le plus jeune qui doit être choisi, au lieu du plus ancien, est démagogique et n'a pas de fondement objectif.

Enfin, dans de très nombreuses constitutions modernes, a été créé un droit nouveau : le droit à la dignité. A cet égard, je songe à un élément capital et qui prendra de plus en plus d'importance en raison de l'allongement de la durée de la vie : le respect dû aux anciens.

M. Claude Estier. C'est le droit d'aînesse !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et l'allocation personnalisée d'autonomie ?

Mme Nicole Borvo. Ce n'est pas ce que vous avez fait avec l'allocation personnalisée d'autonomie !

M. Patrice Gélard, rapporteur. Vouloir à tout prix faire en sorte que les plus jeunes soient choisis au détriment des plus anciens, c'est aller à l'encontre de toutes nos traditions et de toutes les traditions constitutionnelles. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-François Copé, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces trois amendements.

S'agissant du sujet évoqué dans les amendements n°s 221 et 222 rectifié, je suis un peu troublé. En effet, dans ce débat passionnant, mais lent, on évoque bien souvent la nécessité de discussion, de concertation, d'écoute. La réforme des modes de scrutin cantonaux n'est pas un petit sujet. C'est un sujet énorme, car chacun sait que, au-delà de cette question - je le dis pour ces deux amendements, j'aurais pu le dire d'ailleurs pour les amendements précédents - une réflexion doit être menée sur le mode de fonctionnement des conseils généraux.

Or, sur ce point - j'ai d'ailleurs eu l'occasion de le dire hier -, M. le Premier ministre comme M. le ministre de l'intérieur ont entamé, dès le mois d'août, de très larges concertations avec l'ensemble des groupes parlementaires et des partis politiques. A aucun moment, et je peux en témoigner pour avoir assisté, au côté du Premier ministre, à ces réunions, on ne nous a parlé de modifier les modes de scrutins cantonaux. Jamais !

C'est pourquoi je suis un peu troublé de voir qu'aujourd'hui nous y consacrons un temps important, au cours d'un débat passionnant mais lent. Ne serait-il pas opportun de renvoyer cette réflexion passionnante à un rendez-vous ultérieur, notamment à l'occasion de concertations préalables très approfondies, au-delà de cette assemblée, avec les présidents de conseils généraux et avec les associations et les cercles qui étudient en détail ces sujets ?

M. Jacques Oudin. Très bien !

M. Jean-François Copé, secrétaire d'Etat. Quant à l'amendement n° 300, comme M. Gélard l'a rappelé, il tend à bouleverser une tradition républicaine, démocratique, très ancienne qui donne la primauté au plus âgé.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Quand les femmes ne votaient pas !

M. Jean-François Copé, secrétaire d'Etat. Avec votre proposition, il s'agirait, si j'ai bien compris, de donner la primauté au plus jeune.

Personnellement, j'aime beaucoup les jeunes. Je suis même partisan, dans un certain nombre de circonstances, d'accompagner leur promotion. A mes yeux, c'est une très bonne idée.

Cela étant dit, je propose que l'on élargisse le débat, car cette question mérite d'être examinée. On ne bouleverse pas des traditions républicaines et démocratiques à la faveur d'un tel amendement, présenté à la va-vite. Et quand je dis : à la va-vite, loin de moi l'idée d'en rajouter car, je le répète, le débat est passionnant mais lent. Il convient d'examiner cette question dans le cadre d'une réflexion plus globale portant sur les questions de citoyenneté.

Pour toutes ces raisons et parce que, sur cette question, la réflexion n'est pas mûre, nous demandons au Sénat de rejeter l'amendement n° 300, comme les deux amendements précédents.

M. le président. J'indique au Sénat que, en tout état de cause, nous devrons interrompre nos travaux à treize heures.

La parole est à M. Michel Mercier, contre l'amendement n° 221.

M. Michel Mercier. Je suis totalement opposé à cet amendement, ainsi qu'à l'amendement n° 222 rectifié.

Les modes de scrutin ont tous des avantages et des inconvénients. A l'échelon régional, on peut retenir un mode de scrutin proportionnel car les grandes infrastructures, qui relèvent de leurs compétences, nécessitent un débat intéressant l'ensemble de la région.

Dans les départements, compte tenu de leurs compétences actuelles et de celles qui leur seront confiées par les lois à venir, il s'agit avant tout de questions de proximité.

M. Philippe Nogrix. Exactement !

M. Michel Mercier. Le mode de scrutin doit donc respecter la proximité.

Les cantons ne sont que des circonscriptions électorales ; ils ne sont pas des collectivités locales. On peut donc redécouper ces circonscriptions électorales afin qu'elles correspondent le plus possible à la proximité. Il appartient aux gouvernements successifs de prendre des initiatives en ce sens. M. Peyronnet a dit : en milieu urbain, le canton ne correspond à rien.

M. Patrice Gélard, rapporteur. C'est faux !

M. Michel Mercier. C'est totalement faux. Il suffit de procéder à des redécoupages en milieu urbain pour que le canton corresponde à une réalité, le quartier par exemple. Cela vient d'être fait à Marseille, et c'est fort bien. Nous l'avons fait à Lyon voilà quelques années. Désormais, dans la ville capitale du Rhône, il y a trois conseillers généraux par arrondissement. Le découpage correspond à des quartiers bien identifiés. Je peux attester que le conseiller général est beaucoup plus connu que le conseiller d'arrondissement, qui est le quatorzième ou le quinzième d'une liste, où l'anonymat est complet. (M. Philippe Nogrix applaudit.) Le conseiller général personnifie véritablement le quartier et c'est très intéressant. Il faut donc procéder à des redécoupages.

Les questions qui relèvent de la compétence des départements étant notamment l'accueil des personnes âgées et la garde des enfants, des liens se créent entre l'élu et l'électeur, et une véritable responsabilité se dégage. Ce n'est pas parce qu'un découpage doit être effectué qu'il faut tout rejeter.

Quant à l'idée saugrenue qui consisterait à avoir, dans une assemblée départementale, une liste élue et des individus, cela signifierait que l'on donnerait à l'évidence tout le pouvoir à la liste et à la tête de liste, laquelle serait forcément le patron de l'exécutif désigné et, dans le milieu rural, quelques conseillers généraux seraient là à titre de vestiges.

M. Hilaire Flandre. A titre résiduel !

M. Michel Mercier. Ce serait tuer l'institution départementale.

Ces deux amendements méconnaissent donc complètement la nature du travail que les départements ont à faire, les liens de proximité qui doivent se créer entre les élus et les électeurs. Il faut redécouper les cantons, et c'est le Gouvernement qui doit prendre l'initiative de le faire. Chambouler le mode de scrutin, en choisir un qui ne corresponde pas aux compétences du conseil général, ce serait très néfaste pour le département. Aussi, nous sommes radicalement opposés à ces deux amendements. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)

M. Josselin de Rohan. Il faut s'y opposer de manière radicale !

M. le président. La parole est à M. Nicolas Alfonsi, pour explication de vote.

M. Nicolas Alfonsi. S'agissant de l'amendement n° 221, je soutiens l'idée, qui peut paraître paradoxale, selon laquelle la désertification doit entraîner non pas une représentation parfaite, mais une surreprésentation du monde rural. En effet, les élus sont les derniers à être présents dans un désert qui ne cesse de s'étendre. Par conséquent, je m'oppose à cet amendement.

Avec l'amendement n° 222 rectifié, les problèmes posés sont plus subtils. L'alternative est la suivante : ou bien on procède à un découpage, qui est toujours sujet à caution, à protestations, à commentaires partisans ; ou bien on retient le scrutin de liste car c'est un critère plus objectif. Le scrutin de liste m'interpelle. En effet, le critère de 65 % d'urbanisation me conduit à penser qu'on risque de retomber dans les inconvénients du premier amendement, c'est-à-dire une désertification rurale, malgré la prise en compte de ce critère d'urbanisation.

Une incertitude pèse donc sur le sort qui pourrait être réservé aux conseillers ruraux.

Cela étant dit, compte tenu de ce que le Gouvernement a dit à l'instant, j'attends avec une certaine impatience l'argument qu'il nous présentera quand il s'agira, dans une région, de supprimer deux départements. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et sur quelques travées de l'UMP. - M. Roger Romani sourit.)

M. le président. La parole est à M. Robert Bret, pour explication de vote.

M. Robert Bret. Comme vient de le dire M. le secrétaire d'Etat, il s'agit d'un sujet énorme. Pour notre part, nous avons toujours été favorables à une réflexion et à une réforme d'ensemble de nos institutions, comportant la cohérence indispensable et répondant au souci de rapprocher les citoyens de leurs élus. C'est une question essentielle pour l'avenir politique, pour la démocratie dans notre pays. Nous l'avons dit à plusieurs reprises et, au cours du débat, nous continuerons à le dire, de façon claire et précise.

Nous sommes nombreux à penser qu'il existe une véritable sous-représentation des cantons urbains, et donc de leur population c'est le cas, par exemple, dans les Bouches-du-Rhône, département fortement urbanisé -, et qu'il est nécessaire de changer le mode de scrutin pour l'élection des conseillers généraux. Comme les auteurs de cet amendement nous le proposent, la circonscription départementale et le mode de scrutin proportionnel de liste offrent aujourd'hui plus de garanties pour un bon renouvellement, au sens propre comme au sens figuré, de cette institution.

Contrairement à ce que vient de dire M. Michel Mercier, c'est non seulement une nécessité, mais aussi une garantie pour ces institutions. En effet, si elles ne sont pas capables de s'adapter, de se moderniser et de répondre à cette double exigence d'efficacité et de proximité, elles seront, je le crains, appelées à disparaître.

Par ailleurs, cela éviterait les découpages de cantons qui sont effectués au gré des changements de majorité, qui sont l'occasion de polémiques et qui éloignent encore un peu plus les citoyens de la politique, car nous sommes là loin de leurs préoccupations.

Ce cadre clair et lisible offrirait plus de garanties pour la démocratie et pour la vie politique.

M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel, pour explication de vote.

M. Claude Domeizel. Mon explication de vote sera brève : je voterai, bien sûr, ces amendements.

Je profiterai du temps qui m'est imparti pour m'adresser à M. Copé. Monsieur le secrétaire d'Etat, je ne suis sans doute pas le seul à être profondément choqué de vous avoir entendu dire, à plusieurs reprises, lorsque vous avez donné l'avis du Gouvernement sur les amendements, que le débat vous paraissait lent.

M. Jean-François Copé, secrétaire d'Etat. Mais passionnant !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Passionnant parce que lent !

M. Nicolas About. Là, c'est moins passionnant !

M. Josselin de Rohan. C'est la chenille processionnaire !

M. Claude Domeizel. Monsieur le secrétaire d'Etat, que vous trouviez le débat lent, c'est votre droit. Mais lorsque vous le répétez avec le ton que vous employez, cela devient un reproche.

M. Patrice Gélard, rapporteur. Ah !

M. Eric Doligé. C'est un reproche lent !

M. Nicolas About. C'est amical !

M. Josselin de Rohan. Vous avez mal compris !

M. Claude Domeizel. C'est un reproche ! Je le ressens ainsi.

En tout cas, vous avez exprimé à haute voix...

M. Patrice Gélard, rapporteur. Ce que l'on pensait tout bas !

M. Claude Domeizel. ... l'agacement que l'on peut lire sur votre visage depuis ce matin. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Eric Doligé. Ce n'est rien à côté du mien !

M. Claude Domeizel. Vous êtes allé jusqu'à décompter le temps passé dans cet hémicycle...

M. Josselin de Rohan. Et alors ?

M. Claude Domeizel. ... et faire le parallèle avec les 12 000 amendements déposés à l'Assemblée nationale.

M. Nicolas About. Et oui !

M. Claude Domeizel. Monsieur le secrétaire d'Etat, ici, nous ne sommes pas au Palais-Bourbon. C'est l'affaire de l'Assemblée nationale.

M. Hilaire Flandre. Si ce n'est toi, c'est donc ton frère !

M. Claude Domeizel. Vous le savez, si vous avez eu recours à l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, ce n'est pas en raison du dépôt de 12 000 amendements, qui tombaient. (Mais si ! sur plusieurs travées de l'UMP.)

M. Nicolas About. Des amendements loufoques !

M. Claude Domeizel. Ils étaient un prétexte !

M. Josselin de Rohan. Vous ne vous rendez pas compte de ce que vous dites !

M. Claude Domeizel. En fait, vous vouliez passer en force.

M. Josselin de Rohan. Vous avez déconsidéré le Parlement avec vos amendements !

M. Claude Domeizel. Vous ne vouliez pas avoir un débat à l'Assemblée nationale car l'un des points forts de désaccord que vous aviez au sein de votre majorité était le problème des seuils.

Mme Nicole Borvo. Voilà !

M. Claude Domeizel. Le fait que vous vouliez passer en force, c'est la preuve que votre capacité d'écoute est nulle,...

M. Jean-François Copé, secrétaire d'Etat. Ce n'est pas très gentil !

M. Claude Domeizel. ... comme elle est nulle lorsque vous parlez des retraites. Vous nous aviez promis d'être à l'écoute. Or vous avez commencé par n'avoir aucune capacité d'écoute.

M. Josselin de Rohan. Au fait ! Au fait !

M. Claude Domeizel. Monsieur le secrétaire d'Etat, je le répète : je suis profondément choqué,...

M. Eric Doligé. Ce n'est pas grave !

M. Claude Domeizel. ... car le Sénat n'a pas à être jugé sur la façon dont sont menés les débats.

M. Josselin de Rohan. Vous n'êtes pas le Sénat !

M. le président. La suite des explications de vote aura lieu cet après-midi, après les questions d'actualité au Gouvernement.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)

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