ARTICLE L. 127-4 DU CODE DE COMMERCE

M. le président. L'amendement n° 126 rectifié, présenté par MM. Godefroy, Raoul et Massion, Mme Y. Boyer, MM. Angels, Picheral, Piras, Saunier, Trémel, Courteau, Bel, Dussaut, Masseret et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Après le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 127-4 du code de commerce, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque le bénéficiaire a conclu un contrat d'accompagnement avec une société coopérative de production dont il est salarié, l'immatriculation prévue à l'alinéa ci-dessus ne devient obligatoire qu'à la rupture du contrat de travail du bénéficiaire. »

La parole est à M. Daniel Raoul.

M. Daniel Raoul. Le contrat d'accompagnement prévoit deux étapes à la création d'entreprise : la première pour la période pendant laquelle l'entrepreneur réunit les éléments nécessaires afin de commencer à produire, en préservant son statut de salarié, et la seconde à partir du moment où il commence à vendre et à facturer les biens ou services produits.

Le concept de coopérative d'activités et d'emploi, concerné par la première étape, au même titre que les pépinières d'entreprises, propose aux entrepreneurs, pour la seconde étape, un contrat de travail en contrat à durée indéterminée, CDI, dès les premières facturations.

Ce CDI à temps partiel est évolutif jusqu'au développement complet et à la pérennisation de l'entreprise. Il répond à notre souci de transparence et permet aux entrepreneurs qui le souhaitent de développer leur activité dans un cadre collectif.

De ce fait, le contrat de travail du salarié entrepreneur au sein de la coopérative d'activités se substitue à l'obligation d'immatriculation prévue par le projet de loi.

A l'issue de la période de maturation, l'entrepreneur doit évidemment choisir : ou bien il crée une entreprise individuelle qu'il va immatriculer, ou bien il pérennise son activité en devenant associé de la coopérative. Dans les deux cas, il passe en douceur de l'accompagnement à l'autonomie.

Cette nouvelle forme d'entreprise coopérative, après sept ans d'expérience, a ainsi soutenu nombre de personnes qui ne trouvaient pas de place sur le marché du travail, mais qui ont pu créer leur entreprise avec le soutien d'une organisation collective.

Notre amendement vise non pas à modifier le mode d'accompagnement ou à lui substituer un autre mode d'accompagnement, mais à compléter les mesures prévues, en tenant compte de ce nouveau concept de coopératives d'activités et d'emploi, qui apporte une voie d'initiative supplémentaire. J'ajoute que ce texte officialiserait le développement de projets collectifs réalisés au sein de structures éprouvées et fiables garantissant la sécurité économique et juridique. Il ne serait donc pas équitable de refuser aux créateurs d'entreprise qui se placent dans ce cadre le bénéfice du contrat d'accompagnement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Annick Bocandé, rapporteur. La commission spéciale pense que la mesure proposée dans cet amendement est trop restrictive, mais elle souhaite entendre l'avis du Gouvernement avant de se prononcer définitivement.

M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?

M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat. Les coopératives d'activité créées sous forme de sociétés coopératives ouvrières de production, les SCOP, jouent un rôle éminent, monsieur le sénateur, dans l'accompagnement des projets de création d'activité en leur sein, projets d'ailleurs souvent portés par des personnes en difficulté.

A la différence des couveuses classiques, les coopératives d'activité ont vocation, à l'issue d'une période de test de durée variable, à intégrer les porteurs de projets en tant que salariés coopérateurs. Il n'est donc pas nécessaire, dans un tel cadre, de passer par le contrat d'accompagnement tel qu'il est défini dans le projet de loi.

Je rappelle à cet égard que les modalités spécifiques d'accompagnement instaurées par les articles 10 et 11 du projet de loi sont tout à fait facultatives. En outre, le statut de coopérative règle de façon plus précise que ne le fait le contrat d'accompagnement les questions de statut et de responsabilité qui découlent de la double qualité de salariés et de coopérateurs des membres.

L'amendement proposé - et j'espère avoir répondu aux inquiétudes éventuelles de ses auteurs - paraît donc inutile. En effet, il n'apporte de garantie supplémentaire ni aux parties prenantes ni aux tiers.

En conséquence, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est maintenant l'avis de la commission ?

Mme Annick Bocandé, rapporteur. Je demande aux auteurs de l'amendement de bien vouloir le retirer. S'ils n'acceptaient pas, la commission émettrait un avis défavorable.

M. le président. Monsieur Goedefroy, l'amendement n° 126 rectifié est-il maintenu ?

M. Jean-Pierre Godefroy. Nous confirmez-vous bien, monsieur le secrétaire d'Etat, que les SCOP ont accès aux financements prévus dans le dispositif du contrat d'accompagnement ?

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat. Je crains qu'il n'y ait une méprise sur la portée du contrat d'accompagnement.

Le contrat d'accompagnement n'est pas un outil de financement qui permettrait de drainer les crédits publics des collectivités territoriales ou de l'Etat : il s'agit d'un outil juridique par lequel sont définis les droits et les obligations des parties dans le cadre de l'accompagnement à la création d'entreprise. Les coopératives d'activité et les contrats d'accompagnement renvoient donc à deux statuts différents qui se complètent sans se chevaucher.

Cette précision devrait à la fois dissiper les illusions que vous venez, malheureusement, d'exprimer et apaiser les craintes que vous avez pu nourrir.

M. le président. Monsieur Godefroy, quelle décision prenez-vous ?

M. Jean-Pierre Godefroy. Dans ces conditions, monsieur le président, je préfère garder mes illusions et maintenir l'amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 126 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 31, présenté par Mme Bocandé, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Rédiger comme suit la seconde phrase du second alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 127-4 du code de commerce :

« Si le contrat d'accompagnement le prévoit, l'accompagnateur et le bénéficiaire sont tenus solidairement responsables, jusqu'à la fin du contrat, des engagements pris après l'immatriculation. »

L'amendement n° 141, présenté par M. Sido, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi la seconde phrase du second alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 127-4 du code de commerce :

« L'accompagnateur et le bénéficiaire sont tenus solidairement des engagements pris après l'immatriculation de l'entreprise lorsque le contrat le prévoit, jusqu'à la fin de celui-ci. »

L'amendement n° 239, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

« Rédiger comme suit la seconde phrase du second alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 127-4 du code de commerce :

« L'accompagnateur et le bénéficiaire sont, après l'immatriculation, tenus solidairement des engagements pris par ce dernier conformément aux stipulations du contrat d'accompagnement, jusqu'à la fin de celui-ci. »

La parole est à Mme Annick Bocandé, rapporteur, pour présenter l'amendement n° 31.

Mme Annick Bocandé, rapporteur. Cet amendement vise à assouplir le régime de responsabilité des accompagnateurs en matière d'engagements et à l'harmoniser avec le régime de responsabilité relatif aux dommages. C'est pourquoi il est prévu que, après l'immatriculation de la nouvelle entreprise, la coresponsabilité en matière d'engagements ne soit possible que si le contrat d'accompagnement le prévoit.

La commission spéciale a déjà approuvé la proposition de l'Assemblée nationale tendant à revenir sur le principe de coresponsabilité systématique en matière de dommages. Il s'agit en effet de ne pas décourager les accompagnateurs de la création d'entreprises en les soumettant à des contraintes excessives. Ce n'est pas non plus rendre un service aux nouvelles entreprises que de les dégager de toute responsabilité, sachant que la création d'entreprise suppose une part de risque à l'épreuve duquel se mesure la viabilité d'un projet.

Il faut rappeler que la philosophie du projet de loi est d'aider les nouveaux entrepreneurs à mettre le pied à l'étrier et en aucune façon de faire des accompagnateurs les pilotes de la nouvelle entreprise ni de les obliger, surtout lorsqu'ils sont bénévoles, à endosser la responsabilité des dettes éventuellement contractées par le créateur. Le contrat d'accompagnement devra donc permettre de définir les droits, mais aussi les obligations de chacun.

En conséquence, il apparaît souhaitable de compléter le dispositif adopté par l'Assemblée nationale en matière de dommages et d'appliquer un régime de responsabilité identique en matière d'engagements, ceux-ci pouvant être des engagements financiers.

C'est pourquoi l'amendement n° 31 tend, comme dans le régime défini en matière de dommages par l'Assemblée nationale, à ce que la responsabilité de l'accompagnateur en matière d'engagements, après l'immatriculation, ne puisse être mise en cause que si le contrat le prévoit.

M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, pour présenter l'amendement n° 141.

M. Bruno Sido. J'aurais souhaité pouvoir entendre d'abord M. le secrétaire d'Etat présenter l'amendement n° 239. En effet, si la proposition de la commission spéciale ressemble à s'y méprendre à celle que j'ai modestement déposée, l'amendement du Gouvernement - je ne me livrerai pas à une explication sémantique, non sum dignus, ni, naturellement, à l'exégèse du texte - ne me semble pas montrer qu'un contrat a été préalablement passé, ni qu'il faut distinguer la période qui précède l'immatriculation et celle qui la suit.

Par conséquent, si je n'ai rien à ajouter à ce qu'a dit Mme le rapporteur - Mme la rapporteure, pardonnez-moi ! -, j'écouterai attentivement M. le secrétaire d'Etat.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat, pour présenter l'amendement n° 239 et pour donner l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 31 et 141.

M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat. Le dépôt de l'amendement n° 239 est justifié par le fait que l'immatriculation constate un événement très important dans la vie du créateur : elle marque son accès à l'autonomie. Les parties en présence doivent donc pouvoir traduire dans le contrat la répartition des responsabilités, à partir de ce moment-là.

Cependant, il s'agit de garantir la bonne exécution du contrat au regard des tiers. L'amendement proposé vise donc à réduire les engagements de la structure aux actes passés par le bénéficiaire à l'occasion du programme d'accompagnement, conformément aux clauses stipulées par le contrat et dans la limite qu'elles définissent.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 141 et 239 ?

Mme Annick Bocandé, rapporteur. L'amendement n° 141 est satisfait par celui de la commission. Je demande donc à M. Sido de bien vouloir le retirer.

M. Bruno Sido. Je le retire, madame le rapporteur.

M. le président. L'amendement n° 141 est retiré.

Veuillez poursuivre, madame le rapporteur.

Mme Annick Bocandé, rapporteur. L'amendement n° 239 du Gouvernement tend à modifier substantiellement le régime de responsabilité. Il répond au souhait de la commission spéciale de voir assouplir ce régime, même s'il le fait de manière plus encadrée, puisqu'il a pour objet d'imposer la coresponsabilité pour les engagements pris par le bénéficiaire en application du contrat. Quant aux engagements pris en dehors des stipulations du contrat, le bénéficiaire serait tenu d'en assumer l'entière responsabilité.

La commission a émis un avis favorable sur cet amendement et m'a demandé en conséquence de retirer l'amendement n° 31.

M. le président. L'amendement n° 31 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 239.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix, modifié, le texte proposé pour l'article L. 127-4 du code de commerce.

(Ce texte est adopté.)

 
 
 

ARTICLE L. 127-5 DU CODE DE COMMERCE

M. le président. L'amendement n° 32, présenté par Mme Bocandé, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Rédiger comme suit le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 127-5 du code de commerce :

« L'acte de création ou de reprise d'entreprise doit être clairement distingué de la fonction d'accompagnement. »

La parole est à Mme Annick Bocandé, rapporteur.

Mme Annick Bocandé, rapporteur. Cet amendement tend à lever l'ambiguïté relative à l'indépendance des activités de l'accompagnateur de celles du créateur, de façon à ne pas exclure les entreprises qui recourent à la pratique de l'essaimage.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat. La rédaction proposée par la commission s'avère moins claire, moins précise et moins adaptée au but visé que la rédaction présentée par le projet de loi. Cet objectif, qui est, me semble-t-il, partagé par l'ensemble des sénateurs, consiste à éviter une confusion d'intérêts entre l'accompagnateur et le bénéficiaire afin que ne se développent pas, sous couvert d'accompagnement à la création, la fausse sous-traitance ou le marchandage.

Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.

M. le président. L'amendement est-il maintenu, madame le rapporteur ?

Mme Annick Bocandé, rapporteur. Oui, monsieur le président, car nous souhaitons lever l'ambiguïté que nous avions relevée tout à l'heure dans la définition de ce que nous appelons le contrat d'accompagnement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 32.

(L'amendement est adopté à l'unanimité.)

M. le président. Je mets aux voix, modifié, le texte proposé pour l'article L. 127-5 du code de commerce.

(Ce texte est adopté à l'unanimité.)

 
 
 

ARTICLE L. 127-6 DU CODE DE COMMERCE

M. le président. L'amendement n° 240, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

« Rédiger comme suit la seconde phrase du second alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 127-6 du code de commerce :

« Après l'immatriculation, l'accompagnateur garantit la responsabilité à l'occasion du contrat d'accompagnement, si le bénéficiaire a bien respecté les clauses du contrat jusqu'à la fin de ce dernier. »

La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement partage le souci de mieux définir le champ de la responsabilité de l'accompagnateur dans le cadre du contrat visé à l'article L. 127-1 du code de commerce.

Cependant, l'amendement adopté par l'Assemblée nationale, qui conduit à ne voir l'accompagnateur déclaré responsable que lorsque le contrat le prévoit, n'apparaît pas conforme aux principes du droit de la responsabilité et des contrats ; de plus, il ne serait pas juridiquement praticable au regard de la jurisprudence, les deux parties pouvant être condamnées in solidum malgré une stipulation contraire du contrat.

Aussi l'amendement n° 240 vise-t-il, mesdames, messieurs les sénateurs, à répondre à vos attentes en matière de responsabilité tout en respectant les règles générales du droit de la responsabilité. Son adoption permettrait de circonscrire les dédommagements que devra supporter la structure accompagnatrice si le bénéficiaire devait être reconnu responsable d'une faute, et à la condition que ce dernier ait respecté les clauses du contrat.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Annick Bocandé, rapporteur. La commission émet un avis favorable, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 240.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix, modifié, le texte proposé pour l'article L. 127-6 du code de commerce.

(Ce texte est adopté.)

 
 
 

ARTICLE ADDITIONNEL

APRÈS L'ARTICLE L. 127-6 DU CODE DE COMMERCE

M. le président. L'amendement n° 145 rectifié bis, présenté par MM. Seillier, Adnot, Fournier et Türk, est ainsi libellé :

« Après le texte proposé par cet article pour insérer un article L. 127-6 dans le code de commerce, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Art. L. ... . _ Le premier alinéa de l'article L. 127-4 et l'article L. 127-6 ne sont pas applicables lorsqu'un contrat de travail est conclu entre une société coopérative ouvrière de production ayant pour objet l'accompagnement à la création d'activité économique et le bénéficiaire. L'immatriculation visée à l'article L. 127-4 ne devient obligatoire qu'à la rupture du contrat de travail du bénéficiaire. »

Cet amendement n'est pas soutenu.

 
 
 

ARTICLE L. 127-7 DU CODE DE COMMERCE

M. le président. Je mets aux voix le texte proposé pour l'article L. 127-7 du code de commerce.

(Ce texte est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'ensemble de l'article 10, modifié.

(L'article 10 est adopté.)

Art. 10 (suite)
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Art. 11

Article additionnel après l'article 10

M. le président. L'amendement n° 228, présenté par Mme Terrade, MM. Foucaud, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« Après l'article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Après l'article L. 125-4 du code du travail, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :

« Art. L. ... _ Il est interdit d'acheter des biens ou des services à des entreprises industrielles, commerciales, artisanales ou agricoles à un prix tel que le vendeur ou fournisseur expose son entreprise à des difficultés économiques pouvant conduire soit à sa disparition soit à des suppressions d'emploi, soit au non-respect des dispositions du présent code, du code de la sécurité sociale et des conventions collectives applicables au secteur d'activité. Le vendeur, le fournisseur ou leurs salariés ont qualité pour saisir la juridiction compétente en cas d'inobservation de ces obligations. »

La parole est à M. Gérard Le Cam.

M. Gérard Le Cam. Nous tenons, à travers cet amendement, à attirer votre attention sur les risques d'un développement incontrôlé de la sous-traitance en cascade.

A l'intérieur du réseau touffu des sous-traitants s'exercent des pressions sur les prix exigés par les donneurs d'ordre, pressions qui se répercutent en se faisant toujours plus fortes. En bout de chaîne, les entreprises sous-traitantes sont soumises à des exigences de rentabilité telles qu'elles sont obligées de tirer drastiquement vers le bas tous leurs coûts, au premier rang desquels les salaires, et donc l'emploi : c'est devenu pour certaines d'entre elles une condition de survie, et nous savons combien de ces petites entreprises disparaissent parce que, précisément, elles ne peuvent faire face aux exigences de prix de leur donneur d'ordre.

Ce n'est pourtant pas faute, pour nombre d'entre elles, d'avoir modernisé et rationalisé leur outil de production ! Peut-on admettre qu'une entreprise qui vient de se moderniser en intégrant les nouvelles technologies puisse mettre la clé sous la porte ? C'est pourtant devenu chose courante. Quel gâchis ! Les salariés du textile ont pu éprouver le drame que représentent de telles situations. Nous ne pouvons laisser survenir de telles dérives, qui peuvent aboutir à des ventes à perte.

Il est de la responsabilité de l'Etat d'agir pour limiter la capacité de nuisance, en particulier, des grands donneurs d'ordre. A force de tirer vers le bas l'ensemble des coûts, et donc des prix, nous frôlons la déflation, en courant évidemment le risque d'un appauvrissement généralisé - exception faite cependant des catégories sociales à hauts revenus !

Il est de la responsabilité de l'Etat d'empêcher ces pratiques de pression sur les prix, qui conduisent à des licenciements, à des contournements de la loi au non-respect des conventions collectives, et qui aboutissent à la dégradation des conditions de travail.

Il faut mettre un terme à l'engrenage du dumping salarial et, plus globalement, du dumping social.

Nous tenons à réfléchir dès aujourd'hui, sur les plans tant national qu'européen, à une réglementation renouvelée qui tendrait à promouvoir des coopérations utiles pour l'emploi et à permettre d'améliorer les conditions de travail de l'ensemble des secteurs d'activité.

Il faut mettre un terme aux abus qu'exercent la grande industrie et la grande distribution à l'égard de nos petites entreprises, comme il faut mettre un terme aux pressions qu'exercent les marchés financiers et notre système bancaire sur les conditions du crédit.

Favoriser les investissements créateurs d'emplois par le biais de prêts à taux réduit serait faire preuve d'un réel volontarisme politique et du souci de mettre les richesses créées au service du développement économique et social.

Si votre intention, mes chers collègues, est bien de favoriser la création de PME, alors vous comprendrez le sens de l'amendement que nous vous soumettons.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Annick Bocandé, rapporteur. Je comprends tout à fait l'objectif que vise cet amendement, et je peux moi aussi témoigner de telles pratiques, qui sont moins rares qu'on ne le pense.

Cependant, il convient d'émettre un avis défavorable, et ce pour deux raisons.

D'une part, l'amendement n'entretient pas de lien direct avec le texte, qu'il ne faut pas transformer, comme l'a souligné M. Hyest au cours de la discussion générale, en projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique. D'autre part, la loi Galland comporte d'ores et déjà de nombreuses dispositions relatives aux relations entre fournisseurs et donneurs d'ordre.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat. Chacun comprendra qu'une telle disposition, à supposer qu'elle soit fondée, ne peut trouver sa place dans le code du travail, qui régit les relations entre les employeurs et les salariés.

Je souhaite toutefois indiquer à la Haute Assemblée que ce sujet fait l'objet de toute l'attention du Gouvernement, car il est essentiel que les relations entre les producteurs et les distributeurs soient suivies par l'Etat. A l'heure actuelle, nous étudions l'interprétation nouvelle, plus moderne qu'il faut donner aux dispositions de la loi Galland.

Nous informerons bien entendu la Haute Assemblée de l'état de nos réflexions sur ce sujet, auquel de nombreux sénateurs sont très sensibles.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 228.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Art. additionnel après l'art. 10
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Art. 12

Article 11

M. le président. « Art. 11. - I. - Il est inséré, au chapitre II du titre II du livre III du code du travail, une section 2 bis intitulée " Soutien à la création, par contrat d'accompagnement, d'une activité économique" et comprenant un article L. 322-8 ainsi rétabli :

« Art. L. 322-8. - Les aides de l'Etat et des collectivités publiques peuvent être mobilisées au bénéfice de l'accompagnement à la création d'une activité économique défini à l'article L. 127-1 du code de commerce.

« Les conditions d'application du présent article sont déterminées par décret en Conseil d'Etat. »

« II. - Le chapitre III du titre VIII du livre VII du même code est ainsi rédigé :

« Chapitre III

« Situation des personnes bénéficiaires

du contrat d'accompagnement

à la création d'une activité économique

« Art. L. 783-1. - La personne physique visée à l'article L. 127-1 du code de commerce bénéficie des dispositions des titres III et IV du livre II et du titre V du livre III du présent code relatives aux travailleurs privés d'emploi, ainsi que des dispositions du code de la sécurité sociale prévues aux articles L. 311-3 et L. 412-8.

« Les obligations mises par les dispositions mentionnées au premier alinéa à la charge de l'employeur incombent à la personne morale accompagnatrice qui a conclu le contrat prévu aux articles L. 127-1 à L. 127-7 du code de commerce.

« Art. L. 783-2. - Un décret en Conseil d'Etat précise en tant que de besoin les modalités d'application du présent chapitre. »

« III. - L'article L. 311-3 du code de la sécurité sociale est complété par un 25° ainsi rédigé :

« 25° Les personnes bénéficiaires d'un accompagnement à la création d'une activité économique dans les conditions définies par l'article L. 127-1 du code de commerce. »

« IV. - Après le dix-huitième alinéa (13°) de l'article L. 412-8 du même code, il est inséré un 14° ainsi rédigé :

« 14° Dans des conditions fixées par décret, les personnes bénéficiaires d'un accompagnement à la création d'une activité économique au titre de l'article L. 127-1 du code de commerce. »

L'amendement n° 33, présenté par Mme Bocandé, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« I. - Dans le premier alinéa du I de cet article, après les mots : "à la création", insérer les mots : "ou à la reprise". »

« II. - Effectuer la même insertion :

« _ dans le premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 322-8 du code du travail ;

« _ dans l'intitulé proposé par le II de cet article pour le chapitre III du titre VIII du livre VII du code du travail ;

« _ dans le second alinéa du III de cet article ;

« _ dans le second alinéa du IV de cet article. »

La parole est à Mme Annick Bocandé, rapporteur.

Mme Annick Bocandé, rapporteur. C'est un amendement de coordination qui ouvre au repreneur d'entreprise le bénéfice des aides accordées au créateur d'entreprise.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat. Le dispositif d'accompagnement à la création d'entreprise qui a été défini par les articles 10 et 11 du projet de loi permet à un créateur de préparer et de tester progressivement son projet en situation concrète, avec l'appui d'une structure qui l'accompagne.

Ce dispositif présente des caractéristiques qui le rendent plus adapté à la création d'entreprise qu'à la reprise d'entreprise. Le repreneur d'entreprise connaît en effet l'activité de celle-cison marché, ses clients, son statut social, son statut fiscal. Il n'est donc pas nécessaire de le faire bénéficier d'un accompagnement tel que celui qui est prévu dans le projet de loi.

Comme je l'ai dit précédemment, cela n'exclut pas que nous réfléchissions à d'autres mesures qui pourraient notamment permettre à des repreneurs d'entreprise de bénéficier pendant un certain laps de temps du concours du cédant, qui connaît l'entreprise et qui pourrait donc apporter une aide efficace. Toutefois, ces mesures ne peuvent trouver leur place dans ce texte. Nous y réfléchissons et nous vous présenterons, dans le cadre du projet de loi sur le statut de l'entrepreneur, qui traitera en particulier du départ d'activité de celui qui cède son entreprise, de nouvelles dispositions répondant au souci que Mme le rapporteur a exprimé.

M. le président. Madame le rapporteur, l'amendement n° 33 est-il maintenu ?

Mme Annick Bocandé, rapporteur. Il appartient aux sénateurs d'être cohérents. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste.) Depuis le début de la discussion, nous avons rappelé à quel point la reprise était aussi importante que la création. Aussi, pour être cohérents, nous maintenons cet amendement.

M. Jean-Pierre Plancade. C'est presque impertinent ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.

M. Daniel Raoul. Nous soutenons pleinement cet amendement, et les réponses du Gouvernement ne font que conforter notre analyse.

En effet, ce qu'il nous a dit de la connaissance qu'aurait le repreneur de l'entreprise, de son statut social, de son statut fiscal, ne peut s'appliquer à la reprise d'une entreprise individuelle, particulièrement dans le domaine du commerce et de l'artisanat, surtout quand il s'agit d'un compagnon qui passe, tout d'un coup, du statut de salarié à celui d'artisan ou de commerçant !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 33.

(L'amendement est adopté à l'unanimité.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 11, modifié.

(L'article 11 est adopté.)

Art. 11
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Art. additionnel après l'art. 12

Article 12

M. le président. « Art. 12. - Après le cinquième alinéa de l'article L. 612-4 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Cette proratisation est également applicable aux personnes exerçant une activité non salariée non agricole durant un nombre de jours par année civile n'excédant pas un seuil fixé par décret. La cotisation annuelle ainsi déterminée ne peut pas être inférieure à un montant fixé par décret. »

L'amendement n° 34 rectifié, présenté par Mme Bocandé, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« I. - Rédiger comme suit la seconde phrase du texte proposé par cet article pour insérer un alinéa dans l'article L. 612-4 du code de la sécurité sociale :

« La cotisation annuelle ainsi déterminée est calculée sur le bénéfice réel de cette activité non salariée non agricole. »

« II. - Pour compenser les pertes de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

« ... - Les pertes de recettes pour les organismes de sécurité sociale résultant du calcul de la cotisation annuelle mentionnée au sixième alinéa de l'article L. 612-4 du code de la sécurité sociale sur le bénéfice réel de l'activité non salariée non agricole sont compensées à due concurrence par l'augmentation des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à Mme Annick Bocandé, rapporteur.

Mme Annick Bocandé, rapporteur. Cet amendement vise à aller au bout de la logique suivie par le Gouvernement en faveur des travailleurs occasionnels, en prenant comme base le bénéfice réellement dégagé, sans plancher minimum. Ainsi, le montant des cotisations serait proportionnel aux bénéficies.

Les travailleurs occasionnels devront, en effet, continuer à s'acquitter d'un montant minimum de cotisations calculé sur une assiette égale à dix-huit fois la base mensuelle de calcul des prestations familiales, soit un peu plus de 6 000 euros. Ce plancher risque d'être trop élevé pour cette catégorie de travailleurs.

C'est pourquoi la commission spéciale souhaite l'institution d'un dispositif plus équitable, adapté à la réalité des revenus des entrepreneurs occasionnels.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat. Le calcul des cotisations sociales sur la base du bénéfice réel de l'activité occasionnelle aboutit, madame le rapporteur, à remettre en cause la notion même de cotisation minimale.

Cela pourrait conduire potentiellement à accorder des droits sans qu'aucune cotisation soit versée en contrepartie. Par ailleurs, on risquerait de devoir étendre le dispositif à l'ensemble des travailleurs indépendants dans la même situation.

Ni le principe ni surtout le coût d'une telle mesure ne nous permettent aujourd'hui de soutenir cet amendement. Il appartiendra à un décret de fixer le niveau de la cotisation minimum, madame le rapporteur, et vous pouvez faire confiance au Gouvernement pour qu'il soit raisonnable. Il sera fixé à trois mois de cotisations, ce qui représente le quart de la cotisation minimum actuelle. Cette durée de trois mois est cohérente avec le délai qui sépare deux obligations déclaratives ; il semble techniquement très difficile de descendre en deçà.

Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.

M. le président. L'amendement est-il maintenu, madame le rapporteur ?

Mme Annick Bocandé, rapporteur. J'ai bien entendu votre argumentation, monsieur le secrétaire d'Etat, mais elle ne me satisfait pas.

Prenons l'exemple du travailleur occasionnel qui va travailler deux mois pendant l'été en vendant des glaces ou des gaufres sur la plage. Alors qu'il aura fait l'effort de travailler, il va devoir acquitter des cotisations extrêmement importantes. Cela ne me paraît pas très encourageant ni très productif. Aussi, monsieur le secrétaire d'Etat, la commission spéciale maintient cet amendement. (Très bien ! sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Godefroy. Cet amendement nous paraît tout à fait pertinent compte tenu du type d'activité et du niveau de revenu qu'il vise. Il permettra de « coller » davantage à la réalité et de ne pas pénaliser ceux qui exercent ces activités, qui sont souvent de condition très modeste.

Nous voterons donc cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Hilaire Flandre, pour explication de vote.

M. Hilaire Flandre. La démagogie doit avoir des limites dans certains cas ! Vouloir accorder des prestations sociales à des gens qui ne cotisent pas, au prétexte qu'ils n'ont réalisé aucun revenu, c'est ouvrir la porte à tous les abus et à tous les excès !

Mme Annick Bocandé, rapporteur. Ce n'est pas ce que la commission propose !

M. Hilaire Flandre. Nous allons sans doute examiner dans quelque temps un autre dossier, celui des intermittents du spectacle, dont la situation semble être effectivement à revoir,...

M. Jean-Pierre Plancade. Ce n'est pas la même situation.

M. Hilaire Flandre. ... mais nous ne pouvons pas aller jusqu'où Mme le rapporteur veut nous entraîner.

M. le président. La parole est à Mme Annick Bocandé, rapporteur.

Mme Annick Bocandé, rapporteur. Je crois que notre collègue n'a pas compris ce que j'ai dit. Il n'est pas question d'accorder une exonération totale de charges sociales. Il est simplement question de calculer celles-ci sur le bénéfice réel, ce qui est bien plus équitable.

M. Hilaire Flandre. Si, j'ai bien compris ! Mais à refuser d'exiger un minimum de cotisations, c'est ouvrir la porte à tous les excès. (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 34 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 279, présenté par M. Vasselle, est ainsi libellé :

« I. - Compléter le texte proposé pour cet article pour insérer un alinéa après le cinquième alinéa de l'article L. 612-4 du code de la sécurité sociale par un alinéa ainsi rédigé :

« Les dispositions du cinquième alinéa sont applicables aux activités non salariées agricoles. »

« II. - En conséquence, à la fin du premier alinéa de cet article, remplacer les mots : "il est inséré un alinéa ainsi rédigé :" par les mots : "sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :" ».

« III. - Pour compenser les pertes de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

« ... - Les pertes de recettes pour les organismes de sécurité sociale résultant de l'application des dispositions du cinquième alinéa de l'article L. 612-4 du code de la sécurité sociale aux activités non salariées agricoles sont compensées à due concurrence par l'augmentation des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

« IV. - En conséquence, faire précéder le début de cet article de la mention : "I". »

Cet amendement n'est pas soutenu.

Je mets aux voix l'article 12, modifié.

(L'article 12 est adopté.)