Articles additionnels après l'article 77
M. le président. Je rappelle que les amendements n°s 1005, 1008 et 1006, ont été déclarés irrecevables.
L'amendement n° 1007, présenté par MM. Estier, Domeizel et Chabroux, Mme Printz, M. Krattinger, Mmes Campion et Blandin, M. Godefroy, Mmes San Vicente et Pourtaud, MM. Lagauche et Vantomme, Mme Herviaux, M. Frimat, Mme Cerisier-ben Guiga, M. Mano et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Après l'article 77, insérer un article ainsi rédigé :
« I. - L'article L. 381-1 du code de la sécurité sociale est modifié de la façon suivante :
« 1° Au premier, deuxième, troisième, quatrième et cinquième alinéas de l'article L. 381-1 du code de la sécurité sociale, après les termes "à l'assurance vieillesse", supprimer les termes "du régime général de sécurité sociale".
« 2° Après le quatrième alinéa, il est ajouté l'alinéa suivant :
« Les catégories de personnes mentionnées au présent article sont affiliées obligatoirement auprès du régime d'assurance vieillesse du régime général de sécurité sociale. Par dérogation, lorsque les prestations familiales sont à la charge des régimes de protection sociale des personnes salariées ou non salariées des professions agricoles, les catégories de personnes mentionnées au présent article sont affiliées aux régimes de protection sociale des personnes salariées ou non salariées des professions agricoles. »
« II. - Après l'article L. 731-42 du code rural, ajouter un article L. 732-42-1 ainsi rédigé : "En cas d'affiliation à l'assurance vieillesse en application de l'article L. 381-1 du code de la sécurité sociale, la cotisation due est à la charge du service de la caisse de mutualité agricole débiteur des prestations familiales et calculée sur une assiette forfaitaire."
« III. - Au II de l'article L. 741-9 du code rural, il est ajouté un c ainsi rédigé :
« Sur une assiette forfaitaire au cas où l'affiliation à l'assurance vieillesse résulte de l'application de l'article L. 381-1 du code de la sécurité sociale, à la charge du service de la caisse de mutualité sociale agricole débiteur des prestations familiales. »
La parole est à M. Charles Gautier.
M. Charles Gautier. Cet amendement, comme ceux qui viennent de passer à la trappe par le « miracle » de l'article 40, vise à défendre l'amélioration de la situation des conjoints dans une période conjoncturelle très difficile.
La réforme de la PAC va faire peser beaucoup d'incertitudes sur l'avenir des exploitants agricoles et, surtout, sur celui de leurs conjoints collaborateurs. Il faut respecter les sacrifices faits par les anciens en prenant en compte « certains manques à gagner » dus à la transposition des mesures du régime agricole dans le régime général et leur accorder plus de protection dans le cas du décès du chef d'exploitation. Or les conjoints qui ont opté pour le nouveau statut de conjoint collaborateur entre 1999 et aujourd'hui seront pénalisés.
C'est pour tenter d'apporter des solutions que nous avions déposé un certain nombre d'amendements, mais ils n'ont pas été retenus pour la raison que vous avez avancée, monsieur le ministre. Reste cet amendement n° 1007, qui vise à conférer aux deux régimes d'assurance vieillesse des salariés agricoles et des non-salariés agricoles la gestion de l'assurance vieillesse des parents au foyer, (l'AVPF), jusqu'alors gérée exclusivement par le régime général.
Cette gestion par la MSA est uniquement reconnue dans les cas où les prestations familiales sont versées par l'un des deux régimes de protection sociale des salariés ou des non-salariés des professions agricoles, évitant ainsi de créer artificiellement des situations de polypensionné.
Ces dispositions s'inscrivent en totale cohérence avec l'organisation en guichet unique de la MSA pour ses ressortissants.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Il est vrai qu'il y a une certaine logique à confier à la MSA la gestion de l'assurance vieillesse des parents au foyer, l'AVPF.
Toutefois est-il opportun de faire une exception sur ce point dans la mesure où l'AVPF est exclusivement gérée par le régime général et puisque la prestation est servie par la Caisse nationale des allocations familiales pour l'ensemble des régimes ?
La commission souhaiterait entendre l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. La MSA aurait naturellement toutes les compétences requises pour gérer l'AVPF, mais cette prestation est actuellement du ressort du régime général quel que soit le régime dont relèvent les personnes concernées.
Si l'on satisfaisait à votre demande, monsieur Gautier, tous les régimes de retraite pourraient demander à se voir confier la gestion de l'AVPF, ce qui reviendrait in fine à multiplier les organismes gestionnaires, et serait contraire à la volonté générale de simplification administrative.
Le Gouvernement n'est pas favorable, pour cette raison, à l'amendement n° 1007.
Il est cependant prêt à étudier les moyens de pallier les inconvénients liés au fait que les personnes concernées sont ainsi rattachées au régime général pour une toute petite partie de leur carrière, en prenant garde toutefois à ne pas provoquer l'éclatement de la gestion de l'AVPF.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1007.
(L'amendement n'est pas adopté.)
- Art. additionnels après l'art. 77
- Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
- Division additionnelle après l'art. 77 bis
Article 77 bis
M. le président. Art. 77 bis . - L'article L. 732-62 du code rural est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« En cas de décès d'un chef d'exploitation ou d'entreprise agricole dont la pension de retraite de base n'a pas été liquidée au jour de son décès, son conjoint survivant a droit au plus tôt au 1er avril 2003 à une pension de réversion du régime complémentaire au titre des points cotisés s'il remplit les conditions personnelles prévues au premier alinéa. Toutefois, cette pension de réversion est versée sans condition d'âge si le conjoint survivant est invalide au moment du décès ou ultérieurement, ou s'il a au moins deux enfants à charge au moment du décès du chef d'exploitation ou d'entreprise agricole.
« La pension de réversion prévue à l'alinéa précédent est d'un montant égal à 54 % de la pension de retraite complémentaire dont aurait bénéficié l'assuré décédé au regard des points acquis par cotisation au jour de son décès. »
L'amendement n° 1004, présenté par MM. Estier, Domeizel et Chabroux, Mme Printz, M. Krattinger, Mmes Campion et Blandin, M. Godefroy, Mmes San Vicente et Pourtaud, MM. Lagauche et Vantomme, Mme Herviaux, M. Frimat, Mme Cerisier-ben Guiga, M. Mano et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Aux 2e et 3e alinéas de cet article après les mots : "conjoint survivant", ajouter deux fois les mots : "ou le partenaire survivant d'un pacte civil de solidarité". »
La parole est à M. Charles Gautier.
M. Charles Gautier. C'est un amendement de cohérence.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Avis défavorable, par coordination.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1004.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam, pour explication de vote sur l'article 77 bis .
M. Gérard Le Cam. Cette série, que je pourrais qualifier d'agricole, s'achève. Naturellement - c'est la différence entre la gauche et la droite, et sans doute plus encore entre les communistes et la droite -, nous n'avons ni la même philosophie, ...
Mme Nelly Olin. C'est vrai !
M. Gérard Le Cam. ... ni la même approche, et nous avons su, je crois, le montrer à travers ce débat.
Le problème des retraites du monde agricole et des agriculteurs en particulier pose, de manière transversale, toute la question des moyens de vivre du monde agricole.
Nous vivons dans un monde où, pour deux centimes par oeuf, on ruine des aviculteurs ! Deux centimes par oeuf, cela ferait vingt-quatre centimes par douzaine, hausse qui ne serait pas très sensible, y compris dans le panier de la ménagère, en admettant qu'elle soit intégralement répercutée aux aviculteurs, mais on sait très bien que ce sont les transformateurs, les industriels et les grandes surfaces qui prennent la différence.
Nous vivons dans un monde où, pour un franc de différence au kilogramme de porc, les éleveurs de porcs sont en train de faire faillite.
Je ne peux pas partager la philosophie de ce monde où l'on compense, tant bien que mal, par des primes les revenus des agriculteurs à concurrence de 55 %.
J'ai toujours été favorable à un alignement. Il aurait d'ailleurs été souhaitable que, dès le départ - mais c'est le poids de l'histoire -, les agriculteurs s'affilient au régime général comme tout le monde. Ils ont fait d'autres choix à une autre époque et, aujourd'hui, nous devons assumer ces choix.
Il est nécessaire de réfléchir à ces questions, qui sont beaucoup plus importantes dans l'immédiat si l'on veut résoudre le problème de la contribution et de la capacité de contribution des agriculteurs.
Pour jouir d'une bonne retraite, il faut, c'est vrai, pouvoir la financer et cotiser. Or ce n'est pas le cas aujourd'hui. La situation de l'agriculture française n'est pas brillante, et le nombre d'agriculteurs fond comme neige au soleil.
Les mesures contenues dans le présent projet de loi ne permettent pas d'envisager cette « ruralité vivante », pour reprendre une expression que j'aime à utiliser, à laquelle la proposition de loi tendant à préserver les services de proximité en zone rurale aurait permis de contribuer. Hélas, ce texte, débattu le 23 janvier dernier par notre assemblée, n'a pas été adopté !
Toutes ces questions constituent un ensemble et ne peuvent être traitées séparément. Il est vrai que nous aurons à débattre d'un projet de loi sur la ruralité à la fin de l'année, mais nous verrons le moment venu ce qu'il faudra en penser.
Les agriculteurs comprendront, je le pense, ces quelques remarques, comme ils comprendront notre comportement, certes radical à l'occasion d'un certain nombre de votes, mais que nous voulons en même temps constructif pour le monde agricole.
M. le président. Je mets aux voix l'article 77 bis .
(L'article 77 bis est adopté.)
Division additionnelle après l'article 77 bis
M. le président. L'amendement n° 25, présenté par M. J. Boyer et les membres du groupe de l'Union centriste, est ainsi libellé :
« Après l'article 77 bis, insérer une division additionnelle ainsi rédigée :
« Chapitre IV
« Dispositions relatives aux régimes complémentaires des exploitants agricoles ».
La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Cet amendement étant en liaison directe avec l'amendement n° 30 que j'ai retiré, je le retire également.
M. le président. L'amendement n° 25 est retiré.
TITRE V
DISPOSITIONS RELATIVES
À L'ÉPARGNE RETRAITE
- Division additionnelle après l'art. 77 bis
- Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
- Art. 78 (début)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 1040, présenté par M. Gouteyron, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit cet intitulé :
« Dispositions relatives à l'épargne retraite et aux institutions de retraite supplémentaire. »
L'amendement n° 1071, présenté par M. Loridant, Mme Demessine, MM. Fischer, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Le titre V est ainsi rédigé :
« Titre V. - Dispositions relatives à la retraite supplémentaire et à l'épargne en vue de la retraite. »
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement n° 1040.
M. Adrien Gouteyron, rapporteur pour avis. Il s'agit d'un amendement de coordination avec les amendements tendant à insérer des articles additionnels qui vous seront proposés après l'article 84 et qui sont relatifs aux obligations de provisionnement et au contrôle des institutions de retraite supplémentaire.
M. le président. La parole est à M. Paul Loridant, pour défendre l'amendement n° 1071.
M. Paul Loridant. Nous y voilà, suis-je tenté de dire, car le titre V est en quelque sorte le bouquet final de ce projet de loi portant réforme des retraites, puisqu'il traite de l'épargne retraite, de la retraite individuelle et de la retraite supplémentaire.
Monsieur le ministre, ce titre V fait naître une confusion entre l'épargne et ce que vous appelez pudiquement - puisque vous ne voulez pas parler de fonds de pensions - l'épargne retraite.
Nous sommes en effet en présence d'une série de dispositions qui, sous des dehors de technique financière, ouvrent le débat sur la question cruciale des fonds de pension et de l'épargne retraite.
Nous pouvons nous interroger pendant de longues heures sur les motivations profondes de cette orientation.
Première observation : tout laisse penser, quand on y réfléchit un peu, que l'on a mis en perspective la réforme de notre régime de retraite par répartition pour amener les citoyens de ce pays, les assurés sociaux, à procéder à la souscription de plans d'épargne retraite, qu'ils soient individuels ou collectifs.
L'amendement n° 1071 est donc l'occasion de revenir sur quelques-uns des aspects du projet de loi.
Comme nous l'avons vu, les mesures mises en oeuvre pour le régime général comme pour le régime de la fonction publique vont globalement conduire à une réduction drastique du niveau des prestations servies par l'un et l'autre régime.
Vous pourrez toujours dire que ce n'est pas ce que vous voulez, monsieur le ministre, mais ce sera le cas, quoi que l'on dise ou quoi que l'on fasse.
Tout concourt dans le projet de loi portant réforme des retraites à la réduction des prestations servies, au détriment des salariés et au profit de l'équilibre comptable des régimes de retraite. Qu'avez-vous préservé ? Alors même que vous reconnaissez que cette réforme ne permet pas d'assurer l'équilibre, vous avez préservé des retraites au petit pied, une solidarité à la petite semaine, qui ouvre en fait la porte à des inégalités de situation entre retraités.
C'est en effet ce à quoi va tendre le présent projet de loi.
Dans les faits, à y regarder de près, ce qui est mis en oeuvre n'est rien d'autre qu'une extension de l'étage individualisé de retraite qui rompt avec l'équilibre solidaire des régimes par répartition auxquels notre pays est attaché depuis la Libération.
Nous ne pouvons en particulier oublier que seuls pourront véritablement épargner ceux qui en auront les moyens - nous le verrons avec éclat dans le cadre de la discussion de l'article 79 -, ce qui ne fera que déplacer vers les retraités les inégalités de ressources existant entre salariés et, d'un façon générale, entre les citoyens de ce pays.
Nous ne pouvons non plus oublier qu'en réalité deux dispositifs d'épargne sont induits par le présent projet de loi, dispositifs dont le caractère « volontaire » est en fait plus ou moins obligatoire. Le premier de ces dispositifs est celui qui sera induit par l'ouverture du marché - car ce sera bien un marché - des rachats de cotisations des années non cotisées, notamment les années d'études, le second étant celui que les présents articles visent à mettre en oeuvre.
Nous sommes obligés de nous interroger sur une question d'ordre macroéconomique. A cet égard, monsieur le ministre, je regrette que ne soient pas à vos côtés, pour discuter de ce titre V, le ministre des finances et celui du budget.
Quels effets auront, sur la croissance économique de notre pays ces dispositifs d'épargne supplémentaires ?
Nous le savons tous, la France est un pays où l'épargne des ménages est particulièrement forte. C'est même vraisemblablement le pays de l'Union européenne où l'épargne des citoyens est la plus élevée. Nous savons au demeurant que l'épargne est encore plus élevée chez les citoyens âgés de plus de 40 ans et chez les retraités.
Avec ce titre V, nous courons le risque d'un développement complémentaire de cette épargne qui ne fera que peser sur la croissance, viendra réduire la consommation alors même que la croissance économique est en panne, à moins, monsieur le ministre - et c'est pourquoi je regrette l'absence du ministre des finances à vos côtés -, qu'il ne s'agisse de répartir autrement l'épargne accumulée pour en modifier l'affectation.
Que visez-vous, monsieur le ministre ? S'agit-il de recycler les primes d'assurance vie, de « vider » l'épargne logement, d'aller vers la décollecte du livret A ?
M. Roger Karoutchi. C'est un procès d'intention ! Ce n'est pas du tout cela !
M. Paul Loridant. Je reviendrai sur ce point, parce que nous sommes au coeur du sujet.
Cet amendement tend à ce que dans le titre V l'on distingue clairement ce qui revient à la retraite supplémentaire et ce qui relève strictement de l'épargne. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. La commission émet un avis favorable sur l'amendement n° 1040 et un avis défavorable sur l'amendement n° 1071.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, l'objet du titre V, qui doit être mis en relation avec l'affirmation par la nation de son attachement au régime de retraite par répartition à l'article 1er du projet de loi, est, je vous le rappelle, de permettre à tous de se constituer une épargne en vue de la retraite, dans des conditions de sécurité satisfaisantes et dans le respect du principe de l'égalité, notamment devant l'impôt.
Cet article vise donc à étendre les dispositions qui étaient jusqu'à présent réservées aux seuls fonctionnaires et agents publics et, depuis la loi relative à l'initiative et à l'entreprise individuelle du 11 février 1994 dite loi Madelin, aux travailleurs indépendants, à l'ensemble des salariés et, plus généralement, à l'ensemble des résidents sur le territoire français.
M. Roger Karoutchi. Très bien !
M. François Fillon, ministre. Le dispositif que nous proposons ne modifie pas le système d'épargne salariale - c'est l'article 80 -, mais l'épargne collectée sur le plan pertenarial d'épargne salariale volontaire pour la retraite, le PPESVR, sera orientée vers la retraite supplémentaire. C'est une réponse à la question posée par M. Loridant...
M. Paul Loridant. Elle est partielle, monsieur le ministre !
M. François Fillon, ministre. ... - je n'ai pas fini, monsieur Loridant - à propos du fait que la France est le pays d'Europe qui épargne le plus, fait qui démontre d'ailleurs que le débat sur l'épargne retraite est un débat assez largement théorique par rapport aux réflexes qui sont ceux des Français dans la réalité.
Nous voulons donc orienter l'épargne collectée sur le PPESVR vers la retraite supplémentaire, ce qui se traduira notamment par un allongement de la durée de ce plan jusqu'à l'âge de la retraite et par un renforcement des règles prudentielles et de placement qui s'appliqueront au nouveau PPESVR.
A cet égard, il faut rappeler que le plan d'épargne d'entreprise, le PEE, et la participation ne sont pas affectés par la réforme proposée par le Gouvernement.
Une incitation fiscale est prévue - c'est l'article 81 - et son montant sera fixé par la prochaine loi de finances.
Dans les mécanismes collectifs, qui ne sont pas sensiblement modifiés par le texte, l'article 82, qui modifie les conditions dans lesquelles les contributions des employeurs au régime de retraite complémentaire et de prévoyance sont assujetties aux cotisations sociales, rationalise les règles actuellement en vigueur, qui ne permettaient pas de distinguer en son sein les régimes complémentaires légalement obligatoires, c'est-à-dire l'ARRCO, l'AGIRC, l'AGFF notamment, des régimes supplémentaires mis en place dans le cadre de l'entreprise ou dans le cadre de la branche, au titre de la retraite ou de la prévoyance.
Cet article a également pour effet de poser comme principe l'exonération totale des cotisations versées aux régimes légalement obligatoires, y compris l'AGFF, qui finance notamment la retraite à 60 ans à l'ARRCO et à l'AGIRC. Ces régimes constituent en effet une partie intégrante de notre assurance vieillesse.
Cet article a aussi pour effet de dégager une marge clairement identifiable pour les cotisations versées aux régimes supplémentaires véritablement collectifs.
Je rappelle, à cet égard, que, grâce à cet amendement, est évité ce qui avait suscité, tant dans l'opposition actuelle qu'au sein de la majorité, des critiques et des interrogations sur le plan d'épargne retraite de la loi Thomas, à savoir le fait qu'il avait pour effet d'entraîner une perte de recettes importante pour la sécurité sociale, en ce sens qu'il contraignait, sans aucune possiblité d'y échapper, l'employeur à compléter l'épargne du salarié en vue de la retraite.
Certains amendements proposés par le Sénat ont pour objet d'instaurer un crédit d'impôt pour cette épargne retraite. Je ne vous apprendrai pas que le Gouvernement est engagé dans une tâche de réduction de son déficit budgétaire dont dépend la crédibilité de la France en Europe, de même qu'il entend bien poursuivre sa politique de réduction des prélèvements obligatoires, comme s'y est engagé le Président de la République.
Ce sont les raisons pour lesquelles je suis opposé à l'octroi d'un crédit d'impôt, mais favorable au principe d'une déductibilité fiscale en faveur de l'épargne,...
M. Paul Loridant. Seuls les riches pourront en bénéficier !
M. François Fillon, ministre. ... d'un niveau compatible avec les contraintes que je viens de rappeler.
Voilà les quelques remarques générales que je souhaitais formuler sur le titre V.
Cela étant dit, le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 1040 et défavorable à l'amendement n° 1071. (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Gilbert Chabroux, pour explication de vote sur l'amendement n° 1040.
M. Gilbert Chabroux. Avec ces dispositions relatives à l'épargne retraite, nous abordons le dernier titre de votre texte, un titre crucial.
Il faut constater, en effet, que les réformes étudiées jusqu'à présent - allongement de la durée de cotisation, baisse des pensions, disparition d'avantages familiaux - ne suffiront pas. L'intrusion des gestionnaires de fonds vous paraît nécessaire. A partir de là, il ne s'agit plus seulement de la réforme des retraites dont nous débattons, il s'agit d'une révolution dans le financement de la protection sociale. Il faudrait être bien naïf pour croire que le texte dont nous achevons l'examen est d'abord un plan de sauvetage du système de retraite par répartition. Si tel est le cas, alors les articles qui suivent montrent bien qu'il sera bientôt réduit à n'être qu'un frêle esquif, celui de la solidarité, face au paquebot de la capitalisation et du profit emmené par les institutions financières. (Exclamations sur plusieurs travées de l'UMP.)
M. Roger Karoutchi. Oh !
M. Dominique Braye. Le grand capital !
M. Gilbert Chabroux. Il s'agit d'une image, qui illustre bien les perspectives dans lesquelles vous vous situez. La réforme des retraites ne consistera pas seulement à faire porter l'effort sur les seuls salariés par l'allongement de la durée de cotisation. Il s'agira également de pomper le revenu disponible des salariés à la source. (Ah ! sur certaines travées de l'UMP.) Il faut dire que l'on n'a pas lésiné sur les moyens de la propagande - et j'emploie à dessein ce terme très politicien - pour affoler les Français et pour leur faire croire qu'ils n'avaient désormais plus d'autre solution que de constituer eux-mêmes leur retraite. Les discours sur la solidarité intergénérationnelle n'en apparaissent que plus vains, pour ne pas dire dérisoires. Il est vrai que, dans une perspective libérale, tout ce qui peut battre en brèche l'esprit solidaire mis en place depuis la Libération et le protocole constitutionnel de 1946 doit être utilisé.
Ainsi, la génération actuellement en activité non seulement est sollicitée pour financer les retraites liquidées, mais elle devrait, en outre, épargner pour sa propre retraite future tout en acceptant de cotiser plus longtemps, et bientôt davantage, au système par répartition. C'est un poids insupportable, une véritable injustice,...
M. Roger Karoutchi. Oh !
M. Gilbert Chabroux. ... et tout cela dans l'incertitude du revenu final.
Au passage, on peut s'interroger : le Gouvernement espère-t-il, par ce moyen, soutenir la consommation, dernier et fragile rempart de la croissance ? Vous risquez, tout au contraire, d'aggraver encore l'inquiétude des Français et d'augmenter l'épargne de précaution. Ce qui sera soutenu par la capitalisation, ce n'est pas l'économie nationale, ce sont la spéculation et les profits des institutions financières transnationales, qui se moquent bien des Etats et des citoyens. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Ce qui doit inquiéter les Français, ce n'est pas la fiabilité du système de retraite par répartition c'est plutôt la fiabilité du système de capitalisation, inspiré du système anglo-saxon, que vous voulez mettre en place.
M. Jean Chérioux. Sûrement pas !
M. Gilbert Chabroux. Nous avons tous en mémoire les arnaques de dimension planétaire du groupe Maxwell ou d'Enron. Nous savons quel est le niveau des retraites en Grande-Bretagne ou aux Etats-Unis, et combien de personnes âgées sont contraintes d'avoir un petit boulot en plus de leur retraite pour disposer d'un revenu qui leur permette tout juste de vivre.
Mes chers collègues, je ne développerai pas plus mon argumentation.
M. Dominique Braye. Tout ce qui est excessif est dérisoire !
M. Gilbert Chabroux. J'y reviendrai par la suite. Je vous expliquerai, si vous n'avez pas encore compris !
En tout cas, vous savez déjà que nous refusons, avec la plus grande vigueur, de voir apparaître dans notre pays un épigone du système anglo-saxon, pour un certain nombre de raisons. Je le rejète : le groupe socialiste votera résolument contre toutes les dispositions que vous nous présentez dans le cadre du titre V. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Paul Loridant, pour explication de vote.
M. Paul Loridant. Monsieur le ministre, les explications que vous avez données me laissent quelque peu perplexe.
Un sénateur de l'UMP. Ah !
M. Paul Loridant. Comme je l'ai indiqué au début du débat de ce projet de loi sur les retraites, j'affirme que - et je demande que vous me démontiez si tel n'est pas le cas - un ménage avec deux enfants peut constituer une épargne de 720 000 euros sans payer un seul centime d'impôt sur les revenus tirés de ce capital.
Mes chers collègues, 720 000 euros, cela correspond à un peu plus de 4,7 millions de francs. Cela représente tout de même un capital important pour une retraite. Or, cela ne vous suffit pas, monsieur le ministre : il faut faire une retraite supplémentaire, une épargne retraite, créer des fonds de pension, apporter des parts de marché supplémentaires aux compagnies d'assurance et au système bancaire.
Monsieur le ministre, si vous additionnez le livret A, le CODEVI, le compte d'épargne logement, le plan d'épargne logement, le plan d'épargne populaire - on peut récupérer les fonds en rente ou en capital -, l'assurance vie jusqu'à un million de francs exonérés d'imposition, le plan d'épargne en action dont le plafond est d'un peu plus de 600 000 francs, le compte d'actions classique bénéficiant d'un abattement de 10 000 francs sur les dividendes soumis à l'impôtet si vous y ajoutez le plan d'épargne d'entreprise et quelques autres, cela représente plus de 720 000 francs ! Alors expliquez-nous, monsieur le ministre, pourquoi vous avez besoin, pour financer l'épargne supplémentaire, de constituer ces fonds de pension.
M. Dominique Braye. N'allez pas nous faire une apoplexie ! (Sourires.)
M. Paul Loridant. Dites-nous à qui, à quel public, s'adressent ces fonds de pension.
M. François Fillon, ministre. On va vous le dire !
M. Paul Loridant. Ils ne s'adressent pas à la France populaire, à la France d'en bas !
En toute hypothèse, ce titre V constitue le bouquet final de votre réforme de la retraite : il s'agit de favoriser les inégalités, d'aller encore plus loin en suivant les modèles anglo-saxon et américain, et d'amener une partie de nos concitoyens à mettre leur épargne sur les marchés financiers.
En vérité, je vous le dis (Rires sur les travées de l'UMP) , ce titre V est fait non pas pour les futurs retraités, mais pour les banques et les compagnies d'assurance ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. Dominique Braye. En vérité, il nous l'a dit ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1040.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, le titre V est ainsi rédigé, et l'amendement n° 1071 n'a plus d'objet.
- Intitulé du titre V
- Dossier législatif : projet de loi portant réforme des retraites
- Art. 78 (interruption de la discussion)
Article 78
M. le président. « Art. 78. - Toute personne a accès, à titre privé ou dans le cadre de son activité professionnelle, à un ou plusieurs produits d'épargne réservés à la retraite, dans des conditions de sécurité financière et d'égalité devant l'impôt. »
La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau, sur l'article.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le ministre, les fonds de pension font peur aux Français. Ils n'en veulent pas, et on les comprend.
Les scandales à répétition, que ce soit à l'étranger, notamment Maxwell et Enron, ou dans notre pays, l'effondrement des cours d'Eurotunnel, de France Télécom et du Crédit Lyonnais, ont mis en évidence, dans toute son ampleur, le danger que représentent les marchés financiers, la Bourse, pour les salariés et le financement de leurs retraites.
Pour les plus anciens et dans la mémoire collective des Français, le souvenir du naufrage des systèmes de retraites par capitalisation des années trente, qui ont ruiné des centaines de milliers de salariés, notamment des cadres, reste vif. Le 24 juin 1945, le secrétaire général de la CGC, Yves Fournis, déclarait : « Il est donc absolument nécessaire de réaliser pour les cadres une retraite qui soit décente, qui soit digne, qui leur permette, quand ils auront terminé leur vie d'activité, d'avoir une vie qui soit encore sur un niveau comparable à celle qu'ils avaient auparavant [...] et, pour cela, il faut tout de suite abandonner les systèmes de la capitalisation. [...] Nous savons la triste expérience de ces dernières années. [...] Il est donc indispensable de substituer à ce régime celui de la répartition, qui permet à chaque instant de pouvoir répartir les ressources réelles sur la totalité des participants. »
Monsieur le ministre, vous voulez nous faire revenir soixante ans en arrière. Mais vous savez tellement bien que les Français ne veulent pas des fonds de pension que vous continuez à vous défendre, contre l'évidence, de les mettre en place dans votre loi.
Instaurer les fonds de pension, développer la capitalisation, c'est pourtant tout l'objet du titre V, dont nous commençons l'examen. Cet article 78 tente de travestir cette expression que vous ne sauriez prononcer même en l'assortissant de « à la française » en « droit d'accès à des produits d'épargne ». Quelle indécence de faire un « droit » pour les salariés d'un système fatal qui va ronger le système de retraite par répartition qu'ils ont acquis en 1945, et qui vise, à terme, à remettre en cause leur droit-même à la retraite !
Ce titre V est la conclusion logique, comme l'a dit M. Paul Loridant tout à l'heure, des quatre titres précédents, dans lesquels vous vous êtes appliqué, nous l'avons démontré en détail, à organiser le déclin de la répartition. D'ici à 2020, votre « réforme », cumulée avec les effets des mesures Balladur, conduira à une chute de 20 % à 30 % du montant moyen des pensions.
Comment osez-vous présenter ensuite l'accès à la capitalisation par le biais des fonds de pension comme un « droit nouveau » ? En fait, vous voulez en faire une quasi-obligation pour les futurs retraités afin qu'ils tentent, je dis bien « tentent », de maintenir leur pouvoir d'achat, voire, pour certains, qu'ils essayent juste de vivre dignement leurs derniers jours.
Mes chers collègues, je repense, avec un certain amusement mais aussi avec amertume, à nos débats sur le niveau des prétendus « prélèvements obligatoires ».
M. Roger Karoutchi. Pourquoi « prétendus » ?
Mme Marie-Claude Beaudeau. Chers collègues de la majorité, quand les impôts et les cotisations servent la justice sociale et les services publics, l'efficacité économique, vous voulez les baisser. Quand ils alimentent les marchés financiers, vous ne cessez de les encourager, tout en prenant garde de ne pas les intégrer dans le chiffre fatidique...
Monsieur le ministre, votre démarche n'est pas nouvelle. Si la loi Thomas de 1996, dont vous vous inspirez largement dans la nouvelle rédaction de l'article 79, n'a jamais été appliquée, le gouvernement précédent a déjà tenté de développer des fonds de pension pour la retraite, mais sans aller jusqu'au bout de cette démarche, en créant les fonds d'épargne salariale, les PPESV, les plans partenariaux d'épargne salariale volontaire, auxquels vous n'avez plus qu'à ajouter un « R » comme retraite, ce que vous faites à l'article 80.
Vous comptiez, à l'origine, en rester là et remettre à une prochaine loi sur l'épargne retraite la mise en place concrète des fonds de pension français. J'aurais reconnu là, monsieur le ministre, votre habilité tactique, qui consiste à fractionner le débat et à désolidariser les questions de financement de la remise en cause de la répartition. Mais, lors du débat à l'Assemblée nationale, sous la pression de votre majorité et des lobbies financiers qu'elle représente (M. Roger Karoutchi s'exclame) , sans doute aussi par ruse, au moment où le mouvement social marquait une pause, vous avez institué le plan d'épargne individuel pour la retraite, le PEIR. Cette fois, une étape décisive est franchie dans l'établissement des fonds de pension en France.
Que sont les PEIR destinés à tous et les PPESVR, sinon des fonds d'épargne pour la retraite, destinés à être placés sur les marchés financiers, facultatifs, alimentés par le salarié ou par l'employeur ou par les deux, et ouvrant droit à des avantages fiscaux à l'entrée ou à la sortie ? C'est littéralement la définition des fonds de pension !
Avec l'article 78, nous touchons à l'objectif direct de votre projet de loi, qui est unilatéralement tourné vers l'intérêt du patronat et du capital : exonérer progressivement le patronat du financement de la répartition, laisser dépérir la répartition en lui supprimant ses ressources naturelles, contraindre les salariés qui le peuvent à ponctionner leur salaire net ; parallèlement, développer un marché, juteux, de l'épargne retraite au profit des institutions financières et détourner l'argent des retraites pour alimenter les marchés financiers, ce que, en l'occurrence, vous faites également avec le fonds de réserves et le régime complémentaire pour les fonctionnaires institué par l'article 52 qui, je vous le rappelle, par sa nature de régime par répartition « provisionnée », constitue des « réserves sur les marchés ».
M. le président. La parole est à M. Paul Loridant, sur l'article.
M. Paul Loridant. Il m'arrive parfois d'avoir de saintes lectures. ( Ah ! sur plusieurs travées de l'UMP.)
M. Dominique Braye. Seulement parfois ?
M. Paul Loridant. Dans une interview accordée au journal La Croix le 3 juillet dernier, M. Jacques Voisin, président de la confération française des travailleurs chrétiens, la CFTC, affirmait : « Le fait de ne pas vouloir aller plus loin dans le financement de la réforme des retraites laisse planer une incertitude sur la volonté politique de maintenir la répartition. [...] La réforme dans sa forme actuelle va amener les salariés à sécuriser leur retraite par l'épargne, donc par la capitalisation qui sera, elle, soutenue par les fonds publics. Est-ce que, en fin de compte, ce n'est pas cela que l'on cherchait ? » Voilà ce que déclare l'un des signataires de vos accords, monsieur le ministre.
M. Jean-Jacques Hyest. La CFTC ne les a pas signés !
M. Dominique Braye. Monsieur Loridant, ne dites pas n'importe quoi !
M. Jean Chérioux. Elle les a négociés, mais pas signés !
M. Paul Loridant. La CFTC a donc eu une lueur de lucidité !
M. Alain Gournac. Il faut vérifier vos informations !
M. Paul Loridant. L'article 78 nous offre au moins l'occasion de voir à peu près de quoi il retourne.
Remettons-nous à l'esprit le texte de cet article : « Toute personne a accès, à titre privé ou dans le cadre de son activité professionnelle, à un ou plusieurs produits d'épargne réservés à la retraite, dans des conditions de sécurité financière et d'égalité devant l'impôt. » On verra si cela se vérifie.
Cela laisse clairement penser que la constitution de l'épargne retraite est d'abord et avant tout une affaire personnelle.
Nous sommes donc fort loin de ce qui constitue le socle de notre régime de retraite par répartition, c'est-à-dire la solidarité à la fois intergénérationnelle et interprofessionnelle.
Nous sommes en présence d'un dispositif dont l'objectif est simple, mais la réalisation complexe. L'objectif principal de ce dispositif est de capter une épargne la plus importante pour un usage sur lequel nous nous posons d'ailleurs quelques questions.
Ce sont en effet des milliards et des milliards d'euros qui sont dans la ligne de mire du dispositif des articles 78 à 84.
Nous avions souligné, lors de la discussion des articles 20 et 28 du présent objet de loi, que se posait avec une certaine force la question de la mise en oeuvre d'un processus de rachat de cotisations assorti de la fameuse neutralité actuarielle qui va entraîner un important volume d'épargne de précaution et sans doute de longue durée.
Dans ce titre V, nous sommes dans le même cas de figure, avec le souci de développer, là encore, une importante épargne destinée à la retraite.
Par nature, cette épargne sera de longue durée, d'autant que la durée d'assurance va augmenter et que cela permettra aux compagnies d'assurance d'essayer de s'assurer la clientèle des salariés tentés de souscrire des plans d'épargne retraite.
Cette épargne sera donc hautement intéressante pour les institutions financières et pour les entreprises d'investissement qui proposeront demain ces nouveaux produits d'épargne aux salariés. Les campagnes publicitaires et de marketing sont déjà prêtes, mes chers collègues, à la fois à titre individuel et dans le cadre de contrats collectifs. (Marques d'approbation sur les travées du groupe CRC.)
Il est évident que, pour l'ensemble des entreprises du secteur de l'industrie financière, la mise en place de ces produits d'épargne ne manque pas d'intérêt.
Nous allons donc en quelque sorte offrir sur un plateau d'argent à des entreprises dont le caractère philanthropique n'est pas toujours démontré une épargne de plus en plus importante et d'autant plus intéressante que la mobilisation des sommes épargnées par les souscripteurs ne sera que tardive et de longue durée.
Cette épargne en vue de la retraite ne sera donc dénouée qu'au moment de la liquidation de la pension du régime général, sauf quelques cas de force majeure, dont nous savons qu'ils ne seront pas les plus nombreux.
En quelque sorte, vous liez les souscripteurs de l'épargne retraite de façon indissoluble à leur organisme gestionnaire qui aura les mains libres et une grande visibilité pour en faire usage sur les marchés financiers.
Ce sont là quelques observations que nous voulions formuler à l'occasion de l'examen de cet article 78.
Nous ajoutons que nous sommes en total désaccord avec les orientations de ce titre V, comme avec le reste du projet de loi d'ailleurs. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. Alain Gournac. Tant mieux !
M. le président. La parole est à M. Gérard Larcher.
M. Gérard Larcher. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'article 78 a pour objet de consacrer un droit à titre de complément de régime de retraite obligatoire par répartition. Avec cet article, c'est le fondement des régimes de retraite obligatoire que nous renforçons. Il s'agit de permettre l'accès à des produits d'épargne réservés à la retraite dans des conditions de sécurité, ce qui est très important.
M. Paul Loridant. On verra !
M. Gérard Larcher. Je voudrais soulever devant vous, monsieur le ministre, mes chers collègues, un sujet important pour 360 000 personnels hospitaliers.
Le projet de loi portant réforme des retraites a prévu, pour la fonction publique, dans son article 52, la création d'un régime public de retraite additionnel obligatoire.
L'article 79 que nous allons examiner prévoit également la création d'un plan d'épargne individuelle pour la retraite ouvrant des droits viagers sous la forme d'un contrat d'assurance doté d'un comité de surveillance représentant les intérêts des participants au plan.
Cette nouvelle situation va induire un bouleversement certain pour les régimes de retraite complémentaire facultatifs existants, notamment pour la complémentaire retraite des hospitaliers, la CRH, régime facultatif, qui fonctionne également en répartition provisionnée.
Ce régime a été créé en 1963 par le comité de gestion des oeuvres sociales des établissements hospitaliers publics. Il est géré paritairement par les représentants des employeurs et les représentants syndicaux de la fonction publique hospitalière. Le régime est souscrit par le comité auprès des AGF, qui assurent la gestion du contrat de retraite, qu'il s'agisse de l'encaissement des cotisations, du versement des allocations ou de la gestion des capitaux placés.
Ce régime couvre 360 000 hospitaliers, dont 115 000 allocataires.
Conçu à l'origine comme un régime par répartition garantissant une rente sur une durée de cinq ans prorogeable, il a permis, depuis 1963, le versement d'une rente sur une base viagère et la constitution d'un processus de capitalisation qui dégage aujourd'hui 2,5 milliards d'euros de provisions.
Mais les actifs gérés se révéleront insuffisants à moyen terme pour couvrir les engagements sur la base de la rente viagère.
Le régime additionnel garanti par l'Etat, qui est prévu à l'article 52 du projet de loi, et le plan d'épargne individuelle pour la retraite, qui sera proposé à l'article 79, vont bouleverser l'équilibre du régime de la CRH en raison de la concurrence qu'ils instaureront inévitablement.
Les hospitaliers hésiteront, et c'est naturel, à maintenir leur adhésion à la CRH. Quant aux nouveaux entrants dans la fonction publique hospitalière, ils hésiteront à y adhérer. Dès lors, l'effondrement du régime de la CRH est à prendre sérieusement en compte en raison de l'impossibilité de garantir cette rente viagère aux 360 000 agents hospitaliers concernés.
Dans ce contexte, il me paraît important que le Gouvernement se saisisse avec les hospitaliers, aussi bien les employeurs que les représentants des partenaires sociaux, de cette question sous peine de laisser 40 % des agents de la fonction publique hospitalière sans versement d'une rente viagère après avoir cotisé depuis leur entrée dans la carrière.
Je suggère par conséquent que le régime complémentaire retraite des hospitaliers soit transformé en plan d'épargne individuelle pour la retraite. Il nous faut donc discuter sur la garantie des provisionnements nécessaires. (Vives exclamations sur les travées du groupe CRC.)
M. Paul Loridant. C'est la démonstration de ce que nous disons !
M. Gérard Larcher. Je souhaiterais, monsieur le ministre, que ce sujet, qui dépasse les articles 78 et 79 du projet de loi, soit abordé avec les hospitaliers, sinon, n'en doutons pas, nous connaîtrons un certains nombre de difficultés que je voulais, à l'occasion de ce débat, soumettre à l'ensemble de notre assemblée.
M. Paul Loridant. Bravo !
M. le président. Je suis saisi de sept amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 746 est présenté par Mme Demessine, MM. Fischer, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 1009 est présenté par MM. Estier, Domeizel et Chabroux, Mme Printz, M. Krattinger, Mmes Campion et Blandin, M. Godefroy, Mmes San Vicente et Pourtaud, MM. Lagauche et Vantomme, Mme Herviaux, M. Frimat, Mme Cerisier-ben Guiga, M. Mano et les membres du groupe socialiste et apparenté.
Tous deux sont ainsi libellés :
« Supprimer cet article. »
L'amendement n° 1072, présenté par M. Loridant, Mme Demessine, MM. Fischer, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit cet article :
« I. - Toute entreprise, branche professionnelle, profession peut mettre en place un régime collectif à adhésion obligatoire de retraite complétant les prestations servies par les régimes d'assurance vieillesse de la sécurité sociale et les régimes de retraite complémentaire obligatoires. L'Etat, en sa qualité d'employeur d'agents publics, et les collectivités territoriales en leur qualité d'employeurs d'agents territoriaux peuvent faire de même en complément des régimes spéciaux d'assurance vieillesse.
« Les régimes ainsi mis en place garantissent intégralement le service de leurs prestations par des provisions suffisantes représentées par des actifs équivalents, constituées auprès d'un organisme d'assurance ou d'un organisme de retraite régi par le code de la sécurité sociale. »
« II. - Toute personne majeure peut se constituer auprès d'un organisme d'assurance ou d'un organisme bancaire, une épargne individuelle disponible à compter de son départ en retraite. »
« III. - Les régimes mentionnés au I du présent article peuvent, dans une limite définie par la loi de finances, ouvrir droit à une réduction d'impôt au profit des personnes qui en bénéficient. Lorsque tel est le cas, l'épargne constituée au titre II peut également ouvrir à une réduction d'impôt dans la limite du quart de celle définie pour les opérations du titre du I du présent article. »
L'amendement n° 264, présenté par M. Leclerc, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
« Au début de cet article, ajouter les mots : "En complément des régimes de retraite obligatoires par répartition,". »
L'amendement n° 747, présenté par Mme Demessine, MM. Fischer, Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Dans le texte de cet article, les mots : "ou dans le cadre de son activité professionnelle, à un ou plusieurs produits d'épargne réservés à la retraite" sont remplacés par les mots : ", à un ou plusieurs produits d'épargne salariale". »
L'amendement n° 265, présenté par M. Leclerc, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
« Compléter cet article par les mots : "définies par la loi". »
L'amendement n° 44, présenté par M. Cantegrit, est ainsi libellé :
« Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Les citoyens français établis hors de France ont accès dans les mêmes conditions à un ou plusieurs produits d'épargne réservés à la retraite ».
La parole est à Mme Michelle Demessine, pour défendre l'amendement n° 746.
Mme Michelle Demessine. Cet amendement vise à supprimer l'article 78. Nous sommes opposés, en effet, comme vient de le dire notre collègue Paul Loridant, au développement des fonds de pension parce qu'ils se construisent aux dépens d'un système fondé sur la répartition.
Les « réformes » des retraites menées un peu partout en Europe - celles contre lesquelles les travailleurs sont mobilisés dans divers pays - obéissent à un programme d'ensemble des patronats européens, voire mondiaux. On se rappelle le sommet de Barcelone, au printemps 2002, où tous les chefs d'Etat de l'Union européenne s'étaient mis d'accord sur l'objectif d'un recul de cinq ans de l'âge de départ effectif à la retraite.
A côté et au-dessus de l'Union européenne, il y a aussi la Banque mondiale, qui vient de publier un rapport intitulé Pension Reform in Europe : Process and Progress que l'on peut considérer comme un mode d'emploi des réformes en cours.
Dans tous les pays, ces projets invoquent deux justifications. La première est d'ordre démographique : « Il va y avoir tellement de retraités qu'on ne pourra plus payer les retraites ». La seconde est d'ordre économique : « On ne peut augmenter encore les prélèvements sociaux. »
Partout, les réformes visent, dans un premier temps, à baisser, puis à geler à terme le système par répartition. Simultanément, elles tendent à développer les fonds de pension.
Au-delà des différences existant d'un pays à l'autre, on ne peut qu'être frappé par le caractère très coordonné de l'offensive. Les principes de cette véritable guerre contre la répartition ont été exposés dans différents documents officiels.
Les fortes résistances sociales justifient le recours à des réformes qui conservent formellement le système, tout en le vidant progressivement de son contenu.
Les mêmes procédés se retrouvent un peu partout : durcissement des règles d'indexation, ajustement du niveau des retraites en fonction de l'espérance de vie, comme en Italie ou en Suède, ou encore recul de l'âge de départ à la retraite.
Cette dernière méthode est particulièrement cynique, car elle se pare des vertus de la raison : « Puisque nous vivons plus longtemps, il nous faudra travailler plus longtemps. »
Mme Paulette Brisepierre. C'est normal !
Mme Michelle Demessine. En réalité, compte tenu de l'état du marché du travail et de l'usure des salariés soumis à l'intensification du travail, on sait que ces derniers partiront à peu près au même âge, mais avec une retraite diminuée.
De plus, ces mécanismes ne peuvent qu'amplifier les inégalités enregistrées durant la vie active, et frapper particulièrement les femmes et les personnes en situation précaire. (Exclamations sur les travées de l'UMP.) C'est comme cela ! C'est la vérité !
M. Roger Karoutchi. C'est votre vérité !
Mme Michelle Demessine. A terme, le but est bien la capitalisation, autrement dit la disparition in fine de toute garantie collective.
Pour toutes ces raisons, nous vous invitons, mes chers collègues, à voter notre amendement.
M. le président. La parole est à M. Gilbert Chabroux, pour défendre l'amendement n° 1009.
M. Gilbert Chabroux. J'ai dit que nous refuserions toutes les dispositions du titre V relatives à l'épargne retraite. Nous refusons d'entrer dans ce système !
A l'évidence, c'est une illusion grossière que de faire croire aux salariés qu'ils vont se constituer leur retraite à partir de leur épargne, tout simplement parce que, dans un système comme dans l'autre, c'est l'état de l'économie à l'heure de la liquidation de la pension qui décidera du montant réel des retraites.
M. Paul Loridant. C'est exact !
M. Gilbert Chabroux. De plus, les sommes qui vont être confiées par les salariés aux gestionnaires de fonds seront placées non à capital garanti, mais en valeurs mobilières, par définition variables.
Qu'arriverea-t-il lorsque les grands fonds de pension américains vont commencer à liquider les retraites en grande quantité ?
La référence à la sécurité financière figurant à l'article 78 n'a pas d'autre signification réelle que celle du respect des règles prudentielles de droit commun. C'est en réalité à la plus totale insécurité que vont être abandonnés les salariés.
L'un de nos collègues députés a déclaré que l'épargne retraite est indispensable, faute de quoi le départ en retraite se traduirait par un changement brutal de situations des intéressés. Il a raison, mais nous pensons que ce risque est en réalité beaucoup plus important avec la capitalisation qu'avec la répartition. Chacun peut d'ailleurs constater l'extrême variabilité des marchés, ce qui vous a conduit à ne pas mettre l'épargne retraite en avant dans votre communication sur le projet de loi. Il n'en demeure pas moins que le piège est bien là.
Afin de rendre plus attractive l'épargne retraite, la déductibilité fiscale à l'entrée est mise en place. C'est ici la référence à l'égalité devant l'impôt qui devient inopérante, pour ne pas dire plus ! Comment, en effet, un salarié non assujetti à l'impôt sur le revenu va-t-il déduire quoi que ce soit de son revenu ?
Il y a une autre évidence dans ce texte : avec la capitalisation apparaît nettement dans notre législation la volonté de mettre en place une protection sociale à deux vitesses : aux salariés modestes, une retraite par répartition non seulement de base mais basique, et, aux autres, une part de répartition, et surtout, si tout va bien, une partie de capitalisation.
On ne peut pas ne pas penser que cette partie de capitalisation destinée aux salariés qui gagnent encore décemment leur vie au prix de nombreux efforts est appelée à devenir pour eux de plus en plus importante. C'est un danger considérable qui n'a d'ailleurs pas échappé à la CFE-CGC. En effet, les salariés, cadres et techniciens, vont devoir abandonner une part non négligeable de leurs revenus, jusqu'à la liquidation de leur pension, sans aucune garantie réelle de revenus futurs.
J'attirerai l'attention du Sénat sur ce point. On a beaucoup dit que la déductibilité porte en elle le germe de la déliquescence des systèmes par répartition. C'est évident. De surcroît, nous ne devons pas négliger le fait que le salarié est incité à transférer indirectement une part de son impôt vers la capitalisation. Les ressources de l'Etat vont donc diminuer d'autant. C'est tout l'édifice budgétaire de la nation qui est menacé.
Ce n'est en effet qu'une énième déduction faisant suite à des baisses et à des transferts de charges vers les collectivités. La capitalisation est une pompe aspirante de nos finances publiques et de notre système de solidarité dont le seul avantage est de multiplier les profits des organismes gestionnaires et des institutions financières. La capitalisation va à l'encontre des intérêts des salariés de notre pays en général.
Il n'est pas intellectuellement honnête de parler de retraite par capitalisation. Ça nous semble antinomique. Le placement de sommes d'argent, quel que soit d'ailleurs le support, n'est qu'un placement, par définition soumis aux aléas de l'économie. Les placements apparemment les plus sûrs, à capital garanti ou dans l'immobilier, ne sont pas à l'abri d'un accident. C'est encore plus vrai lorsque l'on envisage de soumettre les sommes captées aux aléas de la conjoncture. Il n'est donc littéralement pas possible de parler de retraite par capitalisation.
Les placements à long terme existent. Ils ont leur raison d'être depuis toujours, même en bourse, pour soutenir l'activité économique sur la durée. Ils demeurent toujours risqués. Si le CAC 40 est aujourd'hui à 3 129 points, monsieur Chérioux, il avait atteint 6 400 points !
M. Jean Chérioux. Pourquoi me dire ça, à moi ? (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Gilbert Chabroux. Parce que vous savez quelle est la situation exacte !
M. Jean Chérioux. Non, je ne m'intéresse pas au CAC 40 !
M. Gilbert Chabroux. Mais faire croire à des salariés inexpérimentés en matière financière qu'ils vont ainsi obtenir à coup sûr une meilleure retraite, c'est mélanger délibérément deux registres différents : celui du placement de sommes épargnées au-delà de l'indispensable et celui de la garantie d'un revenu différé.
Ces deux registres sont fondamentalement et clairement incompatibles, même si l'on tord la législation pour forcer leur emboîtement.
Les effets négatifs de tout cela sont prévisibles pour les salariés, pour la croissance, pour la nation. Nous avons tenu à les résumer brièvement, mais avec beaucoup de force.
Je le répète, le groupe socialiste du Sénat votera contre toutes les dispositions relatives à l'épargne retraite. (Applaudissemnts sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Paul Loridant, pour présenter l'amendement n° 1072.
M. Paul Loridant. Je pensais que nous nous prononcerions sur les amendements de suppression, compte tenu de leur importance, avant de poursuivre avec la présentation des amendements, monsieur le président.
Il me faut indiquer clairement au Sénat qu'il s'agit évidemment d'amendements de repli. Sinon, cela n'aurait pas de sens après tout ce que nous venons de dire.
L'amendement n° 1072 a en effet pour objet de prévoir l'organisation de la garantie des salariés qui, parce que vous persisteriez dans cette voie, monsieur le ministre, seraient amenés à souscrire.
Cet amendement vise à définir, d'une part, les opérations de retraite supplémentaire collectives et les opérations d'épargne individuelle. Dans le souci de protéger les droits des assurés, il pose également le principe de la garantie des engagements nés de ces régimes.
Les organismes susceptibles de mettre en oeuvre des régimes de retraite supplémentaire sont, conformément aux dispositions de la directive sur les institutions de retraite professionnelle, les organismes d'assurance relevant des directives « assurance » et des organismes de retraite dont le statut devra être défini par le code de la sécurité sociale.
Afin de ne pas gêner les régimes nationaux obligatoires de sécurité sociale, complémentaires ou spéciaux et le développement de grands régimes collectifs obligatoires supplémentaires, les avantages fiscaux qui pourront leur être accordés sont hiérarchisés.
Contrairement aux projets du Gouvernement, il convient de ne pas donner d'avantages fiscaux excessifs aux produits d'épargne individuelle qui, d'une part, sont à la charge exclusive des assurés et, d'autre part, tendront progressivement à se substituer, pour ceux qui en auront les moyens, aux grands régimes de retraite obligatoires solidaires.
Cela dit, je reste sur un sentiment d'insatisfaction puisque j'ai tout à l'heure avancé des chiffres sur des montants d'épargne qui n'entraînent aucune fiscalité.
Par ailleurs, le sujet que nous traitons concerne tout autant le ministre des affaires sociales que le ministre des finances puisque, par ce régime, vous voulez aussi financer des bilans des entreprises, soit par le biais d'obligations, soit par le biais d'actions.
Par ailleurs, il faudra bien qu'il y ait des mesures fiscales, et je souhaiterais encore une fois, monsieur le ministre, que le ministre des finances soit à côté de vous pour défendre ce projet (Exclamations sur les travées de l'UMP) ...
Mme Nelly Olin. Encore !
M. Alain Gournac. Et le Pape aussi ?
M. Dominique Braye. Vous pouvez toujours le souhaiter !
M. Serge Lagauche. Cela suffit, monsieur Braye ! Vous nous cassez la tête !
M. François Fillon, ministre. Il n'y a qu'un gouvernement, monsieur Loridant !
M. Paul Loridant. ... pour défendre ce projet parce que ce n'est pas seulement de la retraite dont nous parlons, c'est aussi du financement de l'économie !
J'ajoute que, eu égard aux enjeux, je devais obtenir des réponses sur ces questions importantes avant que se poursuive le débat. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 264.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. Revenons à l'article 78, qui précise les grands principes devant régir l'épargne retraite.
Il semble nécessaire, afin de lever toute ambiguïté, de compléter ces principes en précisant la place de l'épargne retraite par rapport au régime de retraite obligatoire par répartition. Répétons-le, l'épargne retraite n'a vocation à intervenir qu'en complément des régimes par répartition, qui constituent le socle de nos retraites.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Absolument !
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour présenter l'amendement n° 747.
M. Guy Fischer. Cet amendement vise à éviter la création d'épargne réservée exclusivement à la retraite, alors que le cadre législatif permet d'ores et déjà, selon nous, de constituer une épargne pour la retraite.
J'ajoute que nous nous opposons au développement des fonds de pension, qui se ferait aux dépens d'un système fondé prioritairement sur la répartition.
Aux termes du projet de loi, le plan épargne retraite sera mis en oeuvre par accord collectif, de branche ou d'entreprise. Il s'imposera alors au salarié. Au demeurant, on voit mal comment le salarié pourrait, par exemple au moment de l'embauche, contester le principe même de l'adhésion au plan, sauf à renoncer à l'emploi qu'il cherche.
Si l'accord d'entreprise prévoit une cotisation du salarié, compte tenu de l'effet obligatoire des accords collectifs, celle-ci s'imposera au salarié.
La baisse programmée et annoncée du niveau des pensions ne peut qu'inciter à la conclusion d'accords d'entreprise mettant en place des fonds de pension. C'est toute votre logique !
L'encouragement à la capitalisation accentuera le désastre social dans la mesure où, dans la pratique, l'effort correspondant de cotisation ne sera accessible qu'aux rémunérations élevées, ce qui s'est confirmé dans tous les pays où ce système a été introduit.
En sens inverse, avec l'aide du Gouvernement, il ouvrira au privé et aux financiers un marché juteux que ceux-ci se désespéraient de voir leur échapper.
Organisant la régression sociale, le dispositif présenté est, de surcroît, incohérent sur le plan économique.
La capitalisation est critiquable sur le plan des retombées sociales, mais elle l'est aussi sur celui de son efficacité économique. Malgré Enron, malgré Worldcom, vous n'avez rien compris ! (M. Dominique Braye s'esclaffe.)
M. Jean Chérioux. Je crois que c'est vous qui avez beaucoup de choses à apprendre !
M. Guy Fischer. Des dizaines, des centaines de milliards d'euros se sont volatilisés. Et c'était l'épargne des salariés !
Après les lourdes pertes subies par les fonds de pension anglo-saxons, quelles catastrophes financières faudra-t-il encore pour qu'on renonce enfin à jouer les retraites des Français à la roulette de la Bourse ?
M. François Fillon, ministre. Quelle belle formule !
M. Dominique Braye. La roulette russe ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
Mme Odette Terrade. Ce n'est pas possible !
M. Serge Lagauche. C'est vraiment nul ! Monsieur Braye, continuez donc à lire votre journal !
M. Guy Fischer. C'est vraiment l'anticommunisme à fleur de peau ! Mais on a l'habitude !
On nous dit que la capitalisation ne devrait avoir qu'un rôle de complément par rapport à la répartition existante, affirmant que l'on ajoutera ainsi les avantages d'un système à ceux de l'autre, alors que les deux systèmes travaillent en réalité l'un contre l'autre : la capitalisation exige des revenus du capital élevés, ce qui implique un tassement de la masse salariale, qui est le socle même sur lequel repose la répartition.
Les avantages fiscaux accordés par le Gouvernement, avantages sans lesquels aucun régime d'épargne-retraite ne pourrait se développer, seront autant de ressources qui viendront à manquer à la répartition ; ainsi, peu à peu, celle-ci se trouvera « cannibalisée ». (M. Dominique Braye s'esclaffe.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 265.
M. Dominique Leclerc, rapporteur. C'est un amendement purement déclaratif, et je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 265 est retiré.
La parole est à M. Jean-Pierre Cantegrit, pour présenter l'amendement n° 44.
M. Jean-Pierre Cantegrit. Déjà, lors de l'examen de la loi Thomas, en 1997, j'avais introduit une référence aux Français de l'étranger.
Il faut savoir qu'un certain nombre de nos compatriotes - écoutez bien, chers collègues du groupe communiste républicain et citoyen et du groupe socialiste - qui ont contribué à des régimes par répartition dans certains pays africains attendent aujourd'hui le paiement de leur retraite. Les régimes par répartition d'un grand nombre de pays d'Afrique ne sont, en effet, plus en mesure de verser leur retraite à ces citoyens français qui ont cotisé chez eux, pas plus d'ailleurs qu'à leurs propres ressortissants.
Mme Paulette Brisepierre. Et depuis longtemps !
Mme Michelle Demessine. Qu'est-ce que ce serait avec la capitalisation !
M. Jean-Pierre Cantegrit. Voilà un exemple précis qui démontre que, contrairement à ce que vous affirmiez tout à l'heure, les régimes par répartition ne sont pas d'une sûreté totale.
A l'inverse, environ un tiers des deux millions des Français qui vivent à l'étranger résident dans des pays anglo-saxons où il existe des régimes par capitalisation. Eux le savent bien, la description que vous avez faite tout à l'heure, chers collègues, n'est rien d'autre qu'une caricature grossière.
M. Claude Domeizel. C'est vous qui caricaturez !
M. Jean-Pierre Cantegrit. Nos compatriotes qui vivent aux Etats-Unis, en Australie, en Grande-Bretagne, constatent concrètement que de nombreux retraités y connaissent une fin de vie tout à fait agréable avec un régime par capitalisation.
Mme Marie-France Beaufils. On voit aussi l'inverse !
M. Jean-Pierre Cantegrit. Ils voient également - mais cela, vous semblez l'oublier - ces régimes détenir une grande partie du capital de sociétés françaises.
M. Jean Chérioux. Hélas !
M. Jean-Pierre Cantegrit. C'est la raison qui m'amène à demander que nos compatriotes établis hors de France, qui sont en mesure de faire la comparaison - là, il ne s'agit pas de vaines déclarations - entre les retraites qui sont payées aux Russes et celles qui sont payées aux Américains vivant aux Etats-Unis,...
M. Dominique Braye. Eh oui !
M. Jean-Pierre Cantegrit. ... de pouvoir, eux aussi, bénéficier de ce complément que nous propose le Gouvernement.
M. Gérard Larcher. Très bien !
M. Jean-Pierre Cantegrit. Tel est le sens de cet amendement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Dominique Leclerc, rapporteur. La commission est défavorable aux amendements identiques n°s 746 et 1009, qui sont incompatibles avec son propre amendement. Je pourrais ajouter qu'ils s'écartent des conclusions du groupe confédéral sur les principes généraux de la réforme des retraites, qui prévoyait « un égal accès, pour ceux qui le souhaitent, à un complément de revenu par un dispositif d'épargne ».
La commission est également défavorable aux amendements n°s 1072 et 747.
En revanche, la commission est favorable à l'amendement n° 44.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Fillon, ministre. Le débat que vient d'engager l'opposition sur le titre V sonne faux. Il sonne faux parce que l'opposition - et singulièrement le groupe communiste - avait rêvé d'un grand et beau combat contre les fonds de pension. Mais, de fonds de pension, il n'y a point dans ce texte ! Alors, il reste les moulinets contre un ennemi qui n'existe pas.
Non, nous n'avons pas voulu changer de système ; c'est d'ailleurs pourquoi nous avons engagé cette réforme du régime par répartition, qui est destinée à le pérenniser.
Comme je l'ai dit dans mon discours introductif, pour favoriser la capitalisation, il y avait une solution extrêmement simple, qui était d'ailleurs, d'une certaine manière, celle qu'avait choisie le gouvernement précédent : elle consistait à ne rien faire, à laisser s'effondrer le niveau des pensions et à laisser les Français se débrouiller avec les dispositifs de capitalisation existants. (Protestations sur les travées socialistes.)
M. Dominique Braye. Exactement !
M. Serge Lagauche. C'est du pipeau !
M. François Fillon, ministre. Nous avons refusé cette solution, et vous pourrez toujours pousser tous les cris que vous voudrez, à l'avenir, il se vérifiera que la réforme proposée aujourd'hui sécurise les régimes par répartition et ne fait en rien basculer notre pays dans un autre système.
Avec ce titre V, nous voulons simplifier les dispositifs existants et assurer l'égalité de tous face à l'épargne retraite, notamment en plafonnant les avantages fiscaux et en réorientant l'épargne longue.
Et tous les mâles accents de M. Loridant n'y changeront rien ! Les Français ne s'y sont pas trompés : ils n'ont pas vu, dans cette réforme, l'arrivée de vos fameux fonds de pension.
Je souhaite répondre à la question précise que M. Loridant a évoquée quand il a soulevé la possibilité, pour les ménages, de cumuler l'ensemble des produits d'épargne bénéficiant d'un régime fiscal particulier. Cela, c'est la situation actuelle, dont vous vous êtes, semble-t-il, fort bien accommodés.
Je souligne que le principe d'équité qui préside au régime fiscal mis en place avec le titre V permettra l'instauration d'un plafond unique pour tous les produits. Ce plafond sera donc garant de l'équité dans le traitement fiscal de tous les Français au regard de leur épargne retraite. Il n'existera plus, à l'avenir, des Français qui n'ont pas droit à l'épargne retraite et des Français qui y ont droit : les fonctionnaires, ceux qui sont éligibles au dispositif de la loi Madelin, mais aussi ceux qui bénéficient des régimes mis en place par les élus locaux dans un certain nombre de collectivités.
Désormais, l'ensemble des Français seront traités de la même manière, monsieur Loridant, avec un plafonnement de l'avantage fiscal.
Par ailleurs, l'objectif du Gouvernement n'est pas d'augmenter le taux d'épargne des Français, mais, comme y ont d'ailleurs contribué les différents dispositifs que vous avez évoqués, d'orienter l'épargne vers des priorités reconnues, contribuant au développement d'une épargne longue. Tel est le cas du dispositif fiscal sur l'épargne retraite, dont je veux encore souligner le caractère équitable au regard du traitement fiscal.
Je souhaite également répondre en quelques mots à la question qui m'a été posée sur le CGOS, le comité de gestion des oeuvres sociales des établissements hospitaliers publics.
Le Gouvernement est très attaché à la préservation des régimes supplémentaires de retraite dont bénéficient les fonctionnaires en complément des prestations légales, et en particulier du régime spécifique de la fonction publique hospitalière. Le titre V du projet de loi conforte les dispositions fiscales qui sont propres à ces régimes, tout en les insérant dans un cadre plus général et plus équitable.
Je sais les inquiétudes que suscitent parmi leurs gestionnaires la création d'un régime additionnel obligatoire au bénéfice des fonctionnaires. Ces inquiétudes me semblent excessives. Tout d'abord, ce régime n'a pas vocation à couvrir l'ensemble des rémunérations accessoires des fonctionnaires. Ensuite, il sera géré par les partenaires sociaux et je ne doute pas que ceux-ci seront attentifs à sa bonne articulation avec les régimes supplémentaires préexistants, qui sont eux-mêmes gérés par les représentants des fonctionnaires.
S'agissant plus précisément du CGOS, mon collègue Jean-François Mattéi veillera tout particulièrement à ce que cet élément essentiel du dialogue social au sein du monde hospitalier conserve toute la place qui est la sienne.
M. Serge Lagauche. C'est du baratin !
M. François Fillon, ministre. J'en viens aux amendements.
Le Gouvernement est défavorable aux amendements de suppression n°s 746 et 1009.
L'amendement n° 1072 est assez étonnant. Certes, on nous a expliqué tout à l'heure qu'il relevait de la tactique, mais, au travers de cet amendement, le groupe communiste est conduit à proposer de constituer des fonds de pension obligatoires, dans le cadre de l'entreprise ou de la branche, au bénéfice des salariés. Je constate donc la brutale conversion du groupe communiste au système de retraite en capitalisation (M. Dominique Braye s'esclaffe) en complément de la sécurité sociale. Je demande au Sénat de s'opposer à la création de ces fonds de pension obligatoires.
M. Alain Gournac. Et nous allons nous y opposer !
M. Paul Loridant. Caricature !
M. François Fillon, ministre. Je le reconnais, monsieur Loridant ! (Sourires.)
Mme Nicole Borvo. Ah !
M. François Fillon, ministre. Sur l'amendement n° 264, le Gouvernement émet un avis favorable.
En revanche, il est défavorable à l'amendement n° 747.
S'agissant de l'amendement n° 44, je voudrais dire à M. Cantegrit que nous sommes bien évidemment attentifs à ce que les Français de l'étranger puissent bénéficier complètement de tous les droits qui sont offerts à tous les Français. Cependant, je suis un peu perplexe, car les Français qui sont visés par cet amendement ne paient pas, à ma connaissance, d'impôts en France. Dès lors, je vois asseez mal comment ils pourraient bénéficier d'un avantage fiscal s'appliquant aux contribuables résidant en France. Il y a là une difficulté technique qui mériterait d'être étudiée d'ici à la fin de notre débat, même s'il ne reste plus maintenant que quelques heures. Je pense que, dans l'état actuel de la rédaction de cet amendement, il n'est pas possible de l'adopter.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je demande que le Sénat se prononce par priorité sur l'amendement n° 264.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
M. François Fillon, ministre. Favorable.
M. le président. La priorité est ordonnée.
La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau, pour explication de vote sur l'amendement n° 264.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Par cet amendement, la commission entend préciser l'énoncé de l'article 78 en posant la complémentarité des produits d'épargne retraite avec les régimes obligatoires par répartition et en insistant sur l'égalité devant l'impôt.
Est-ce un oubli, monsieur le ministre, ou bien une volonté d'objectivité qui vous a conduit à ne pas prévoir, dans l'article 78, que les produits d'épargne retraite par capitalisation n'entreraient pas en concurrence avec les régimes par répartition ?
Monsieur le ministre, la semaine dernière, vous avez répondu à ma collègue Michèle Demessine, qui avait parlé de « cannibalisation » de notre système de retraite par le développement de l'épargne retraite par capitalisation, qu'un tel terme était « injurieux ». Il ne s'agissait évidemment pas d'insinuer, monsieur le ministre, que vous vouliez manger les retraités. (Sourires.) Mais si le mot semble un peu barbare, admettez que l'idée est juste.
Le développement de la capitalisation se fait sur la base de l'affaiblissement des prestations de la répartition. J'en veux pour preuve le régime Préfon, système par capitalisation réservé aux fonctionnaires, que vous ne cessez de mettre en avant. A peine 1 % des fonctionnaires, principalement les plus hauts cadres, y ont recours. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. François Fillon, ministre. C'est absolument faux !
Mme Marie-Claude Beaudeau. Quand un système de retraite fonctionne bien, sur des bases de justice sociale, comme celui que définit actuellement le code des pensions civiles et militaires, les salariés n'éprouvent aucun besoin de se tourner vers la capitalisation. C'est l'affaiblissement progressif des pensions dues aux mesures Balladur et aux accords dévastateurs des régimes AGIRC et ARRCO de 1996, que cette présente loi va considérablement amplifier, à quoi s'ajoutent l'insécurité sociale grandissante et une intense propagande, qui suscite le développement de la capitalisation, présentée ouvertement comme le complément nécessaire pour compenser la chute des pensions. Ce phénomène explique déjà en partie le vif regain d'intérêt pour les assurances vie chez les ménages les plus aisés.
On peut donc dire, monsieur le ministre, que la capitalisation se nourrit de la répartition.
C'est d'autant plus vrai que son développement prive directement l'assurance vieillesse de ressources. Ainsi, l'article 80 reprend et complète, afin de les rendre plus adaptés encore à l'épargne retraite le dispositif des fonds d'épargne salariale de la loi Fabius de 2001, les plans partenariaux d'épargne salariale volontaire, les PPESV.
Ces derniers reçoivent un abondement patronal exonéré de cotisation sociale jusqu'à 2300 euros par an. Le préjudice pour l'assurance vieillesse est direct et va s'aggraver. On peut déjà estimer à 6 millliards d'euros le coût conjugué, pour la sécurité sociale, des PPESV et des plans épargne entreprise, les PEE, moins directement liés au financement complémentaire des retraites ; encore que ... Les autres dispositifs d'épargne retraite d'entreprise existants entraînent le même type de pertes de resources pour l'assurance vieillesse.
Ainsi, ceux qui sont définis par les articles 82 et 83 du code général des impôts sont également exonérés pour les employeurs de cotisations sociales patronales jusqu'à hauteur - pour le moment encore, mais votre article 81, s'il est voté, risque de changer les choses - de 85 % du plafond de la sécurité sociale.
Comment nier, dans ces conditions, que vous subventionnez la capitalisation aux dépens de la répartition et que vous comptez le faire encore davantage, même si les plans d'épargne individuelle pour la retraite que l'article 79 permettra de mettre en place n'intègrent pas pour l'instant - mais c'était votre intention initiale et vous ne manquerez certainement pas d'y revenir - d'abondement patronal sujet à exonération ?
Je pourrais citer d'autres exemples, comme celui, éclatant, du CREF, ce régime de retraite complémentaire destiné à certaines catégories de fonctionnaires. Pour des raisons historiques, c'était un régime hybride fonctionnant à 60 % par répartition et à 40 % par capitalisation. Le refus de l'Etat de l'abonder ainsi que les nouvelles règles de provision sur les marchés ont entraîné en 2002, d'une part, de très lourdes pertes pour les titulaires - jusqu'à 40 % des sommes engagées - et, d'autre part, la conversion du régime à la capitalisation à 100 %.
Pour ces raisons, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous voterons contre l'amendement n° 264.
M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine, pour explication de vote.
Mme Michelle Demessine. Monsieur le ministre, vous avez vos convictions, nous avons les nôtres. Il ne s'agit pas de « mouliner », car ce sont les pages futures de notre histoire, que nous écrivons pour notre peuple.
M. François Fillon, ministre. Que vous écrivez dans le vide !
Mme Michelle Demessine. Ne vous en déplaise, c'est notre conviction profonde.
M. François Fillon, ministre. Une conviction ne peut tenir lieu de réalité !
Mme Michelle Demessine. Nous avons une conception de la réalité différente de la vôtre.
M. François Fillon, ministre. Il n'y a qu'une réalité !
Mme Michelle Demessine. Mais chacun l'interprète à sa façon. On verra, c'est la vie qui tranchera.
Nous sommes fondamentalement opposés au développement de tout système introduisant la capitalisation dans notre régime de répartition, car, comme toute capitalisation, elle se fera aux dépens de la répartition.
Il suffit pourtant de regarder ce qui se passe dans les pays où les fonds de pension sont le plus développés pour mesurer les risques d'une telle orientation. D'ailleurs, monsieur Cantegrit, vous n'avez pas cité ces exemples.
On se souvient de la faillite d'Enron, qui a privé ses salariés non seulement d'emplois, mais de droits à pension,...
M. Alain Gournac. Et celle du Crédit lyonnais !
Mme Michelle Demessine. ... évaporés en même temps que l'action de la firme américaine, fleuron de la nouvelle économie.
Mais le krach rampant qui s'est installé depuis deux ans a laminé les fonds de pension et a d'ores et déjà contraint de nombreux salariés à repousser leur départ en retraite ou à supporter une véritable dévaluation des pensions. Si l'on ajoute à ce risque permanent les inégalités qui se creusent entre ceux qui peuvent épargner pour leur retraite et ceux qui ne le peuvent pas, on a bien des motifs, monsieur le ministre, mes chers collègues, de combattre ces « réformes ».
L'acharnement du patronat est facile à expliquer. Pour l'industrie de la finance, il va de soi que le développement des fonds de pension élargit ses perspectives de profit. L'afflux régulier de nouveaux épargnants répond à la nécessité de soutenir les cours en suscitant une demande supplémentaire de titres. C'est d'ailleurs une véritable fuite en avant, car la chute sera encore plus dure quand la démographie viendra inverser le rapport entre les salariés partant à la retraite qui vendent leurs titres et les actifs qui les achètent via les fonds de pension.
Il va de soi que le blocage des régimes par répartition est en parfaite adéquation avec la volonté néolibérale de réduire au maximum les budgets sociaux. Les choses vont plus loin encore, et toutes les politiques néolibérales ne visent, ni plus ni moins, qu'à baisser fortement le prix de la force de travail en rétrécissant autant que faire se peut le salaire socialisé.
M. Roger Karoutchi. Quel verbiage !
Mme Michelle Demessine. Dans ce débat sur les retraites, on voit aussi poindre l'une des grandes craintes du patronat : que l'évolution de la démographie crée une telle pénurie de salariés actifs qu'on en revienne à un relatif plein emploi qui rétablirait un meilleur rapport de force en faveur des salariés.
C'est pourquoi la « stratégie européenne pour l'emploi » ne se fixe aucun objectif chiffré concernant les taux de chômage, mais vise au contraire à augmenter les taux d'emploi. Il s'agit de créer beaucoup d'emplois, précaires et mal payés, évidemment, afin de reproduire ce que l'on appelle « l'armée industrielle de réserve ».
M. Dominique Braye. Castro !
M. Roger Karoutchi. Oh là là, c'est insensé !
Mme Michelle Demessine. Si les salariés veulent bien, et peuvent, travailler plus longtemps, cela maintient la pression exercée par le chômage, notamment sur les jeunes. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
S'ils partent en retraite au même âge qu'avant la « réforme », ils doivent se contenter d'une pension diminuée, et la valeur de la force de travail en est baissée d'autant.
M. Alain Gournac. Changez les piles !
Mme Michelle Demessine. Au total, les « réformes » des retraites, sous prétexte d'ajustement technique à des évolutions démographiques inéluctables, représentent en fait une offensive sans précédent contre le statut du salariat.
Oui, mes chers collègues, la lutte des classes existe toujours, ...
M. François Fillon, ministre. Je croyais que vous aviez abandonné cette idée !
Mme Michelle Demessine. ... et elle n'a jamais été aussi féroce !
M. Dominique Braye. Caricature !
M. François Fillon, ministre. M. Fischer est-il d'accord avec la lutte des classes ?
M. Guy Fischer. Ah ! cela existe toujours !
M. François Fillon, ministre. Vous me décevez ! Je croyais qu'il y avait des communistes modernes...
Mme Michelle Demessine. Pour toutes ces raisons, nous ne pouvons accepter l'introduction des fonds de pension dans notre système de répartition.
Mme Nelly Olin. C'est votre fonds de réserve !
M. le président. La parole est à M. Paul Loridant, pour explication de vote.
M. Paul Loridant. A la suite du vote sur cet amendement, je crains que les autres amendements n'aient plus d'objet. C'est pourquoi je tiens à reprendre la parole en explication de vote sur celui-ci.
Monsieur le ministre, je n'entrerai pas dans une querelle de mots entre « fonds de pension » et « épargne retraite ». Mettons-nous d'accord sur le fond.
Cette épargne retraite suppose l'existence de souscripteurs et d'utilisateurs de cette épargne souscrite.
Si vous convenez que votre intention est d'utiliser cette épargne souscrite pour financer les hauts de bilans des entreprises soit en obligations, soit en souscriptions d'actions, appelez-les comme vous voulez, pour moi, dans le langage des milieux financiers et des marchés financiers, cela s'appelle, de fait, un fonds de pension.
Ensuite, vous pouvez réguler le mode de sortie, mais, dès lors que vous financez les hauts de bilans des entreprises et que vous passez par les marchés financiers, cela s'appelle, monsieur le ministre, dans le langage commun de ceux qui sont dans les salles de marchés financiers, un fonds de pension !
Mme Nicole Borvo. A la française !
M. Paul Loridant. Mettez-le à la française si vous voulez, mais vous n'en sortirez pas, vous êtes dans un fonds de pension !
M. François Fillon, ministre. Et le PPESV, c'était quoi ?
M. Paul Loridant. Monsieur le ministre, vous avez dit une autre chose importante. Vous m'avez répondu qu'il s'agissait non pas d'augmenter le niveau d'épargne des Français mais de réorienter cette dernière.
Mme Nicole Borvo. Voilà !
M. Paul Loridant. Dont acte, monsieur le ministre. Mais sans préjuger vos capacités, je réaffirme alors que la présence du ministre des finances à vos côtés est indispensable ! (Rires.)
En effet, l'orientation de l'épargne n'est pas seulement l'affaire du ministre des affaires sociales.
MM. Jean Chérioux et Alain Gournac. Le Gouvernement est un !
Mme Nelly Olin. Ce n'est pas un gouvernement pluriel !
M. Dominique Braye. Tous ses membres sont d'accord !
M. Paul Loridant. Un débat s'impose sur la politique de l'épargne et le financement de notre économie. Nous sommes au coeur du débat avec ce titre V.
Lorsqu'on parle de financement complémentaire de retraite, nécessairement, on évoque le financement de l'économie. Et, dès ce soir, je vais appeler le président de la commission des finances et le rapporteur général du budget pour qu'ils soient présents dans ce débat.
En effet, nous sommes en train d'anticiper le débat sur le projet de loi de finances de 2004 alors même que nous ne savons pas dans quelles conditions le budget de 2003 sera exécuté.
C'est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, nous devons voter contre cet amendement n° 264.
Je souhaiterais donc que vous disiez haut et fort, pour que non seulement nos collègues mais aussi tous les citoyens de ce pays l'entendent, que l'épargne retraite telle que vous voulez la constituer n'a qu'une seule sortie, la rente au moment de la retraite.
M. Jean Chérioux. Qu'est-ce que cela change ?
M. Paul Loridant. Vous faites prendre des risques financiers énormes aux futurs retraités ! Cela nécessite un débat qui dépasse le cadre de votre département ministériel, car cela concerne aussi l'ensemble des financements de l'économie de ce pays. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Cantegrit, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Cantegrit. J'ai défendu tout à l'heure l'amendement n° 44 qui tendait à intégrer nos compatriotes français de l'étranger dans le champ de l'article 78. Monsieur le ministre, vous m'avez indiqué que vous aviez des difficultés à accepter cet amendement parce que nos compatriotes français vivant à l'étranger n'étaient pas fiscalement domiciliés en France.
Permettez-moi de vous répondre tout d'abord qu'un grand nombre de nos compatriotes qui effectuent à l'étranger des missions temporaires, sur des plate-formes pétrolières, par exemple, acquittent leurs impôts en France. Dès lors, l'argument que vous m'avez opposé ne peut pas s'appliquer à ces Français de l'étranger qui conservent leur foyer fiscal en France et qui, par le biais de mon amendement, souhaitent pouvoir bénéficier de votre texte.
Quant à nos autres compatriotes français vivant à l'étranger et imposés à l'étranger, si, effectivement, monsieur le ministre, votre texte se limite à une réduction fiscale, il est forcément difficile de les intégrer dans le champ de cet article.
Mais j'imagine que ce dispositif du plan d'épargne individuelle offre d'autres possibilités et qu'il doit viser d'autres buts. C'est la raison pour laquelle je demande au Gouvernement de se pencher sur la situation des Français vivant à l'étranger afin qu'ils puissent bénéficier de ce dispositif par le biais d'un amendement qui pourra être examiné, par exemple, en commission mixte paritaire. Nous trouverons ainsi une formule à l'intention de nos compatriotes français qui vivent à l'étranger : sans bénéficier en totalité des avantages fiscaux instaurés par votre texte, ils pourront néanmoins se constituer une épargne retraite. Je pense notamment à ceux, dont j'ai parlé tout à l'heure, qui ont travaillé dans les pays africains et qui connaissent de nombreuses difficultés.
Telle est la demande qu'au nom de mes compatriotes français vivant à l'étranger j'ai souhaité formuler.
M. le président. La parole est à M. Dominique Braye, pour explication de vote.
M. Paul Loridant. Enfin, il prend la parole officiellement !
Mme Nicole Borvo. La lutte des classes le passionne !
M. Dominique Braye. Je souhaite exposer les raisons pour lesquelles je voterai l'amendement n° 264 et l'article 78, après avoir écouté une dialectique que je croyais manifestement désuète, ringarde et définitivement délaissée.
Mme Nicole Borvo. Ce n'est pas nous qui l'avons inventée !
M. Dominique Braye. Or je m'aperçois qu'effectivement on nous la ressert.
Certains parlent de « lutte des classes ». Force est de constater que, si elle n'existe plus - ou de moins en moins - dans notre pays, vous faites des efforts manifestement louables pour essayer de la ranimer.
Mmes Michelle Demessine et Nicole Borvo. Ce n'est pas la peine, elle existe !
M. Dominique Braye. Je doute pourtant que vous y parveniez parce que sa disparition est dans l'air du temps.
Mais j'en reviens à mon explication de vote.
Je me suis aperçu, au cours de ces débats, qu'au-delà de la catégorie qui était autrefois traditionnellement défendue par la gauche, la catégorie des fonctionnaires - nous aussi la défendions, mais c'était, à l'évidence, votre catégorie préférée -, vous aviez soudainement découvert bien d'autres catégories de Français que vous stigmatisiez et montriez du doigt il n'y a pas si longtemps : je veux parler des militaires, des agriculteurs et de tant d'autres (Exclamations sur les travées du groupe CRC.) ...
Mme Nicole Borvo. Nous n'avons jamais stigmatisé les agriculteurs !
M. Dominique Braye. ... auxquels vous trouvez tant de qualités qu'il vous faut maintenant les défendre ! Je crois d'ailleurs qu'au cours de ces débats aucune catégorie de Français n'a échappé à votre approbation et à votre soutien déterminé - nous en convenons -, mais non dénué d'opportunisme. (Protestations sur les mêmes travées.)
Je voterai donc cet amendement et cet article modifié parce que je ne vois pas pourquoi on laisserait un régime par capitalisation ne profiter qu'à deux catégories de Français qui sont, d'une part, les fonctionnaires - à cet égard, si cet article était si mauvais, pourquoi n'avez-vous pas présenté un amendement de suppression de ces systèmes par capitalisation destinés aux fonctionnaires ? - et, d'autre part, les élus.
Pourquoi les élus auraient-ils droit, à travers FONPEL, le fonds de pension des élus locaux, CAREL, la caisse autonome de retraite des élus locaux, etc., de bénéficier de ce système auquel, en tout cas dans ma région, beaucoup de vos amis semblent trouver un intérêt certain, puisqu'ils y sont tous affiliés. Je ne vois pas pourquoi on laisserait aux seuls élus le droit de bénéficier de tels régimes. Les fonctionnaires et les élus, socialistes et communistes y compris, mais aussi l'ensemble des Français doivent avoir accès à ces produits d'épargne. Nous n'irons pas, comme l'ont fait les communistes, jusqu'à proposer de les rendre obligatoires. Ils doivent être facultatifs et accessibles à toutes les catégories de Français.
C'est pourquoi je voterai cet amendement n° 264 et cet article 78 de façon que l'égalité progresse et qu'il n'y ait plus seulement deux catégories de Français, les fonctionnaires et les élus, à être favorisées. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Nicole Borvo. Quelle démonstration ! Revoyez vos dossiers, monsieur Braye !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Parmi certaines inexactitudes, j'en ai relevé une. Monsieur Loridant, vous avez indiqué que l'épargne prévue dans ce texte se traduirait obligatoirement par une rente. C'est inexact. L'épargne individuelle se traduira effectivement par une rente. En ce qui concerne l'épargne collective, elle pourra soit se traduire par une rente, soit, dans le cas d'accords d'entreprise, donner lieu au versement d'un capital ou à l'attribution d'une rente.
M. Paul Loridant. Vous avez raison, mais on y reviendra lors de la discussion des articles.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 264.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain et citoyen.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n°
224
:
Nombre de votants | 318 |
Nombre de suffrages exprimés | 316 |
Pour | 204 |
Contre | 112 |
En conséquence, les amendements identiques n°s 746 et 1009, ainsi que l'amendement n° 1072 n'ont plus d'objet.
Je mets aux voix l'amendement n° 747.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Jean-PierreCantegrit, pour explication de vote sur l'amendement n° 44.
M. Jean-Pierre Cantegrit. M. le ministre a bien voulu, tout à l'heure, me donner son accord à propos de la catégorie des Français qui paient leurs impôts. Le problème est donc, pour cette catégorie, déjà résolu. J'ai souhaité que soit trouvée une solution pour nos compatriotes qui ne sont pas domiciliés fiscalement.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Monsieur Cantegrit, accepteriez-vous de retirer votre amendement pour nous laisser le temps, d'ici à la commission mixte paritaire, de chercher, avec les ministres concernés, s'il existe le moyen de répondre à votre souhait ? Il me semblerait dommage d'avoir à nous prononcer sur votre amendement en sachant que le Gouvernement y est hostile et que la commission y est favorable. Je vous demande de ne pas provoquer un vote qui pourrait éventuellement se retourner contre vos espoirs.
M. le président. Monsieur Cantegrit, l'amendement est-il maintenu ?
M. Jean-Pierre Cantegrit. Je me rends bien entendu au souhait de M. le président de la commission des affaires sociales.
M. le président. L'amendement n° 44 est retiré.
Je mets aux voix l'article 78, modifié.
(L'article 78 est adopté.)
M. le président. La suite du débat est renvoyée à la prochaine séance.