COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. BERNARD ANGELS,

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

DÉCÈS D'UN ANCIEN SÉNATEUR

M. le président. Mes chers collègues, j'ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collège Henri Belcour, qui fut sénateur de la Corrèze de 1980 à 1998.

3

DÉCISION DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel, par lettre en date du 20 novembre 2003, le texte d'une décision du Conseil constitutionnel qui concerne la conformité à la Constitution de la loi relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité.

Acte est donné de cette décision.

Cette décision du Conseil constitutionnel sera publiée au Journal officiel, édition des lois et décrets.

4

LOI DE FINANCES POUR 2004

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2004 (n° 72, 2003-2004), adopté par l'Assemblée nationale. [Rapport n° 73 (2003-2004).]

Nous en sommes parvenus à la discussion des articles de la première partie.

PREMIÈRE PARTIE

CONDITIONS GÉNÉRALES

DE L'ÉQUILIBRE FINANCIER

Question préalable (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2004
Art. 1er

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que nous aurons, le mardi 25 novembre, à seize heures, un débat sur les recettes des collectivités locales.

La commission des finances propose qu'à l'issue de ce débat nous examinions l'ensemble des articles et des amendements tendant à insérer des articles additionnels se rapportant aux finances locales.

Les articles et les amendements concernés sont les suivants :

- Articles 30 à 40 du projet de loi ;

- Amendement n° 192 tendant à insérer un article additionnel après l'article 4 quater ;

- Amendements n°s 91 rectifié, 93 rectifié, 129, 130, 131 rectifié et 132 tendant à insérer des articles additionnels après l'article 6 ;

- Amendements n°s 92 rectifié, 107 rectifié et 204 tendant à insérer des articles additionnels après l'article 8 ;

- Amendements n°s 244 et 250 rectifié tendant à insérer des articles additionnels après l'article 15 ;

- Amendement n° 82 tendant à insérer un article additionnel avant l'article 30 ;

- Amendement n° 154 tendant à insérer un article additionnel après l'article 31 ;

- Amendements n°s 83, 84, 156, 157 rectifié, 158 rectifié, 159 rectifié, 188 rectifié et 238 rectifié tendant à insérer des articles additionnels après l'article 32 ;

- Amendement n° 87 tendant à insérer un article additionnel avant l'article 33 ;

- Amendement n° 95 tendant à insérer un article additionnel après l'article 39.

Il n'y a pas d'opposition ?...

Il en est ainsi décidé.

TITRE Ier

DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES

I. - IMPÔTS ET REVENUS AUTORISÉS

A. - Dispositions antérieures

Première partie
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2004
Art. 2

Article 1er

I. - La perception des impôts, produits et revenus affectés à l'Etat, aux collectivités territoriales, aux établissements publics et organismes divers habilités à les percevoir continue d'être effectuée pendant l'année 2004 conformément aux lois et règlements et aux dispositions de la présente loi de finances.

II. - Sous réserve de dispositions contraires, la loi de finances s'applique :

1° A l'impôt sur le revenu dû au titre de 2003 et des années suivantes ;

2° A l'impôt dû par les sociétés sur leurs résultats des exercices clos à compter du 31 décembre 2003 ;

3° A compter du 1er janvier 2004 pour les autres dispositions fiscales.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau, sur l'article.

Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous avons pris l'habitude de voter chaque année l'article 1er du projet de loi de finances comme une formalité. Cela me semble un peu difficile cette année.

Le principe fondamental qu'il pose risque en effet d'être définitivement remis en cause en 2004, avec l'éventuelle adoption, d'ici à la fin de l'année prochaine, du projet de constitution européenne rédigé par la Convention européenne présidée par Valéry Giscard d'Estaing.

Chaque année l'article 1er de la loi de finances renouvelle l'autorisation de percevoir les impôts. Il constitue un élément essentiel de notre démocratie. L'impôt n'est légitime que parce qu'il est librement consenti par la nation et que le Parlement exprime son consentement tous les ans, en application de l'article 35 de notre Constitution, qui dispose : « La loi est votée par le Parlement. La loi fixe les règles concernant ... l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures. »

Ce principe fondamental de l'indépendance de notre pays, de la souverainté nationale, de notre démocratie, est déjà battu en brèche depuis des années. Est-ce le Parlement, qui ne modifie chaque année qu'à la marge le projet de budget - 0,5 % des dépenses - ou la Commission de Bruxelles, qui fixe dans les faits les principales orientations budgétaires et fiscales ?

Alors que nous nous apprêtons à discuter du projet de budget pour 2004, M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie déclare déjà à l'intention de Bruxelles : « Vous chercherez dans les prochaines semaines les éléments complémentaires permettant d'asseoir la crédibilité de cette démarche, à savoir d'être au rendez-vous de Maastricht en 2005. »

Le Parlement n'aura pas voté le budget pour 2004 que vous l'aurez déjà profondément modifié, monsieur le ministre, pour vous conformer aux injonctions de Bruxelles.

A peine voté, le budget de 2003 n'avait pas été appliqué non plus. Pensez aux 7,5 milliards d'euros de gels et d'annulations de crédits, certains dès le mois de janvier, au détriment, notamment, je me permets de le rappeler, du logement social.

Je vous demande, monsieur le ministre, de communiquer au Parlement les mesures que vous vous êtes engagé à annoncer d'ici à quelques semaines à la Commission européenne pour tendre vers le déficit budgétaire de 3 % toléré par le pacte de stabilité.

Le déficit, voilà bien un critère qui fonctionne unilatéralement et qui atteste de la connivence étroite existant entre les gouvernements nationaux, le vôtre en particulier, et leur émanation, l'Europe de Maastricht, défendue par la Commission de Bruxelles.

Cela apparaît de façon caricaturale cette année, puisque, tout en continuant à fustiger le déficit budgétaire, vous vous appliquez à le creuser avec les principales mesures pour 2004 que nous avons déjà évoquées au cours de la discussion générale. Je n'y reviens donc pas.

Je rappelle mon opposition totale à cette pratique du déficit qui aggrave la dette publique, renforce un peu plus l'emprise des marchés financiers sur notre pays et ne correspond en rien à une politique de relance pour et par une meilleure satisfaction des besoins.

Au contraire, vous instrumentalisez le déficit, que vous aggravez, au nom de l'Europe, pour amputer gravement la dépense publique et sociale et poursuivre la liquidation de nos services publics.

Gouvernements nationaux et Union européenne travaillent ainsi de concert à l'édification de l'Europe du capital et à la démolition systématique de tous les acquis sociaux et démocratiques nationaux.

Les responsabilités du gouvernement auquel vous appartenez, comme d'ailleurs celles de vos prédécesseurs, sont entières dans chaque décision européenne que vous pourriez contester ou refuser de voter en Conseil européen.

Loin de cela, pour imposer votre politique antisociale, vous vous servez de l'Europe pour vous défausser sur une entité supranationale sur laquelle le peuple n'a pas de prise démocratique, sur une Europe politique virtuelle qui n'existe pas et n'est pas prête de devenir le cadre de l'expression démocratique des peuples.

Avec le projet de constitution européenne, vous et vos partenaires voulez franchir une nouvelle étape que vous espérez irréversible : inscrire dans le marbre, comme une loi fondamentale, cette machine de guerre institutionnelle et économique contre les intérêts des salariés européens et lui subordonner définitivement toutes nos lois.

De fait, notre Constitution deviendrait caduque. « La constitution et le droit adopté par les institutions de l'Union dans l'exercice des compétences qui lui sont attribuées ont la primauté sur le droit des Etats membres, stipule l'article 10 du texte de M. Giscard d'Estaing.

Les orientations économiques et budgétaires y sont très encadrées, dans la continuation étroite de Maastricht, sous un sacro-saint principe général figurant dans son article 3 dans la partie concernant les objectifs de l'Union : « le marché unique où la concurrence est libre et non faussée ».

A l'article III-76 de ce projet de traité, on trouve par ailleurs la phrase suivante : « Les Etats membres évitent les déficits publics excessifs. »

A l'article III-80, la dictature des marchés financiers par rapports aux Etats démocratiques nationaux est énoncée on ne peut plus clairement : « Ni la Banque centrale européenne, ni une banque centrale nationale, ni un membre quelconque de leurs organes de décision ne peuvent solliciter ni accepter des instructions des gouvernements des Etats membres. » Il m'est évidemment impossible de tout citer...

L'article 40 est pourtant également explicite : « Les Etats membres s'engagent à améliorer progressivement leurs capacités militaires... » « en étroite coopération avec l'OTAN, » peut-on lire plus loin.

La hausse de 4,3 % des crédits militaires pour 2004, l'objectif affiché d'inscrire les frais des opérations militaires extérieures « exceptionnelles », comme en Côte d'Ivoire - 629 millions d'euros cette année -, en loi de finances initiale, comme dépenses ordinaires, n'obéissent-ils pas déjà à cet objectif ?

Messieurs les ministres, mes chers collègues, j'ai conscience d'ouvrir un vaste débat, un débat qui devrait être central dans notre discussion budgétaire. Le principe fondamental exprimé par l'article 1er des lois de finances, la maîtrise par la nation et ses représentants de la politique budgétaire de l'Etat et de la levée des impôts, est bien menacé.

Messieurs les ministres, si la majorité de la représentation nationale consent à perdre ses prérogatives pour ceux dont elle défend les intérêts, qui sont les vrais auteurs de cette Europe du capital, le peuple, lui, j'en ai la conviction, saura vous rappeler ce qu'est la souveraineté nationale.

Si le Président de la République n'organise pas de référendum sur le projet de Constitution européenne, celle-ci n'aura pas de légitimité.

S'il y a référendum, comme nous l'exigeons, notre peuple pourra s'en servir comme d'une véritable motion de censure contre cette politique dont il fait durement l'expérience depuis Maastricht.

Le projet de M. Giscard d'Estaing n'est pas amendable : tout projet de constitution ne pourrait aller que dans le même sens et est à rejeter.

La souveraineté nationale est un acquis fondamental de la Révolution française, dois-je le rappeler ? Le budget se vote seulement par les élus du peuple !

M. Paul Loridant. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.

(L'article 1er est adopté.)

B. - Mesures fiscales

Art. 1er
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2004
Art. additionnels après l'art. 2

Article 2

I. - Le I de l'article 197 du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Le 1 est ainsi rédigé :

« 1. L'impôt est calculé en appliquant à la fraction de chaque part de revenu qui excède 4 262 EUR le taux de :

« 6,83 % pour la fraction supérieure à 4 262 EUR et inférieure ou égale à 8 382 EUR ;

« 19,14 % pour la fraction supérieure à 8 382 EUR et inférieure ou égale à 14 753 EUR ;

« 28,26 % pour la fraction supérieure à 14 753 EUR et inférieure ou égale à 23 888 EUR ;

« 37,38 % pour la fraction supérieure à 23 888 EUR et inférieure ou égale à 38 868 EUR ;

« 42,62 % pour la fraction supérieure à 38 868 EUR et inférieure ou égale à 47 932 EUR ;

« 48,09 % pour la fraction supérieure à 47 932 EUR. » ;

2° Au 2, les sommes : « 2 051 EUR », « 3 549 EUR » et « 580 EUR » sont remplacées respectivement par les sommes : « 2 086 EUR », « 3 609 EUR » et « 590 EUR » et la somme : « 980 EUR » est remplacée par les mots : « 700 EUR, 997 EUR pour les contribuables ayant eu au moins trois enfants, » ;

bis A la fin du troisième alinéa du 2, les mots : « vingt-sixième anniversaire » sont remplacés par les mots : « vingt-cinquième anniversaire » ;

3° Au 4, la somme : « 386 EUR » est remplacée par la somme : « 393 EUR ».

II. - Au deuxième alinéa de l'article 196 B du même code, la somme : « 4 137 EUR » est remplacée par la somme : « 4 338 EUR ».

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, sur l'article.

M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cet article 2 du projet de loi de finances, comme de tradition, porte sur le barème de l'impôt sur le revenu et consacre pour la troisième fois la réduction des taux d'imposition du barème.

Cette réduction uniforme atteint cette année 3 %, ce qui n'aura d'ailleurs qu'une portée limitée sur la réalité de l'imposition des contribuables.

On observera en effet que, si le Gouvernement accorde régulièrement quelque publicité à la mise en oeuvre de cette réduction de l'impôt sur le revenu, le produit de l'impôt ne connaît pas en réalité de réduction sensible.

Pour 2003, les évaluations de recettes sont, en effet, de 53 055 millions d'euros et elles atteindront 52 192 millions d'euros pour 2004, cette baisse étant finalement due essentiellement non à la diminution des taux, mais à la seule indexation du barème.

En fait, cela fait longtemps que la baisse du barème ne fait au mieux que geler le produit fiscal que l'Etat tire de l'impôt sur le revenu.

On se rappellera par exemple que l'exécution du budget de 2002 a dégagé un produit d'environ 50 milliards d'euros, alors que le collectif d'été avait procédé à une première réduction des taux du barème progressif.

A la vérité, cette politique de baisse de l'impôt sur le revenu demeure profondément injuste.

Elle tend à répartir entre un nombre plus important de contribuables le règlement de la facture, et il est avéré que ce ne sont que les détenteurs de très gros revenus qui ont réellement bénéficié des effets de la réforme.

De surcroît, la baisse de l'impôt sur le revenu accompagne naturellement la politique de maîtrise de la dépense publique, c'est-à-dire, pour parler franc, la politique de réduction de la dépense publique.

En clair, ceux qui ne voient pas la couleur de la baisse de l'impôt - je pense bien sûr aux contribuables non imposables ou à ceux qui sont faiblement imposés - sont également ceux qui subissent le plus la baisse de la dépense publique : défaillance du système de santé face à la canicule, gel des créations de postes d'enseignants dans les écoles rurales, amputation des crédits de construction de logements sociaux, ou encore régression des crédits destinés aux transports en commun.

Pour le bonheur de quelques-uns, on devrait donc voter sans hésiter pour le malheur d'une très large majorité des habitants de notre pays !

C'est évidemment pour ces raisons qu'à défaut de quelques corrections nous ne pouvons voter en l'état cet article 2 du présent projet de loi.

M. le président. Je suis saisi de neuf amendements faisant l'objet d'une discussion commune. Toutefois pour la clarté des débats, je les appellerai successivement.

L'amendement n° I-111, présenté par MM. Miquel, Angels, Auban, Charasse, Demerliat, Haut, Lise, Marc, Massion, Moreigne, Sergent et les membres du groupe socialiste et rattachée, est ainsi libellé :

« Supprimer cet article. »

La parole est à M. Marc Massion.

M. Marc Massion. Les baisses d'impôt sur le revenu mises en oeuvre par le Gouvernement depuis l'été 2002 se sont révélées aussi injustes qu'inefficaces, alors même qu'elles atteignent, avec l'actuel projet de budget, près de 9,8 %.

Ces baisses sont injustes, car elle ne s'adressent, par définition, qu'à la moitié des ménages qui sont imposables : les autres doivent subir au contraire des hausses de prélèvements, notamment sous la forme de hausse des tarifs publics et de hausse des impôts locaux.

Les personnes imposables modestes connaissent une baisse de quelques dizaines d'euros, quand les plus hauts revenus bénéficient d'une réduction de plusieurs milliers d'euros, sans compter les multiples exonérations dont ne bénéficient que les détenteurs des plus hauts revenus.

Ces baisses sont également inefficaces, car elles s'adressent à une population qui a tendance à épargner plutôt qu'à consommer. Elles n'ont donc pas permis de soutenir la consommation et, partant, la croissance.

L'effondrement de la croissance française en 2003 - elle est inférieure, en moyenne, à la croissance européenne - malgré la mise en oeuvre précipitée d'une baisse de plus de 5 % de l'impôt sur le revenu dès l'été 2002, est l'illustration de l'échec de cette politique.

Si l'on renonçait à la baisse de 3 % de l'impôt sur le revenu proposée par le gouvernement actuel, on pourrait dégager plus de 1,76 milliard d'euros de marge de manoeuvre pour une réelle politique de croissance. C'est pourquoi nous proposons de mettre fin aux allégements fiscaux en question, au profit de mesures visant plus spécifiquement les ménages modestes.

Dans une période de ralentissement économique important, alors que la consommation des ménages est au plus bas, c'est en effet une politique de relance du pouvoir d'achat des Français les plus modestes qui serait nécessaire : augmentation plus significative de la prime pour l'emploi et baisse de la TVA sur certains produits ou services, par exemple.

Si l'on continue dans cette voie, la baisse de l'impôt sur le revenu ne permettra plus à l'Etat de répondre à ses missions et aux attentes des Français, alors même que les dépenses d'avenir, comme celles de la recherche, qui sont aussi les gages d'une croissance soutenue, sont remises en cause de façon brutale.

En cultivant l'injustice sociale et en créant les conditions d'une véritable impuissance économique, vous êtes en train de mettre en faillite le modèle social français.

M. le président. L'amendement n° I-42, présenté par MM. Loridant et Foucaud, Mme Beaudeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« Rédiger comme suit les six derniers alinéas du 1° du I de cet article :

« 6,98 % pour la fraction supérieure à 4 262 euros et inférieure ou égale à 8 382 euros ;

« 19,54 % pour la fraction supérieure à 8 382 euros et inférieure ou égale à 14 753 euros ;

« 28,85 % pour la fraction supérieure à 14 753 euros et inférieure ou égale à 23 888 euros ;

« 38,16 % pour la fraction supérieure à 23 888 euros et inférieure ou égale à 38 868 euros ;

« 43,50 % pour la fraction supérieure à 38 868 euros et inférieure ou égale à 47 932 euros ;

« 49,09 % pour la fraction supérieure à 47 932 euros. »

La parole est à M. Paul Loridant.

M. Paul Loridant. Cet amendement est un amendement repli par rapport à l'amendement n° I-111.

A l'évidence, la situation des comptes publics ne justifie pas que nous procédions, ainsi que nous y invite l'article 2, à une nouvelle réduction des taux du barème de l'impôt sur le revenu. Je vous l'ai déjà dit l'an dernier, monsieur le ministre, cela me paraît une erreur fondamentale dans le contexte économique de notre pays.

Sans vouloir entrer dans des calculs complexes, notons simplement que, pour nombre de contribuables, la baisse du taux de l'impôt sur le revenu sera pratiquement anecdotique.

Prenons un exemple simple.

Soit un contribuable célibataire déclarant 12 000 euros de revenu net imposable annuel, ce qui correspond, pour mémoire, à un revenu net mensuel d'un peu plus de 1 400 euros, soit un peu plus de 9 000 francs. Ce contribuable, avec les taux antérieurement pratiqués, aurait acquitté 1 044 euros.

Avec l'application du barème tel qu'il résulte de la rédaction de l'article 2, il se retrouve avec une cotisation de 1 012 euros, soit une réduction spectaculaire de 32 euros...

Il ne reste plus qu'à espérer que ce contribuable ne soit pas fumeur, la hausse des taxes sur le tabac prévue pour janvier représentant un euro par paquet.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. C'est pour son bien !

M. Paul Loridant. Certes !

M. Dominique Braye. Soixante mille morts par an !

M. Paul Loridant. De surcroît, il ne faut pas qu'il ait le mauvais goût d'utiliser un véhicule roulant au gazole, parce que, à chaque plein, en vertu de l'article 11 du présent projet de loi, cela lui coûterait facilement un euro de plus pour payer la TIPP, la taxe intérieure sur les produits pétroliers...

On notera également qu'il ne bénéficiera pas de l'application de la prime pour l'emploi, son revenu imposable étant juste supérieur de 24 euros au seuil d'application de ce dispositif.

Alors, monsieur le ministre, chers collègues de la majorité, il faut faire des choix !

Quels impôts faut-il vraiment baisser ?

M. Michel Charasse. C'est cela la question !

M. Paul Loridant. C'est parce que nous pensons toujours que la baisse de l'impôt sur le revenu n'est pas la solution la meilleure ou la meilleure cible en matière de réduction des impôts que nous vous proposons, par cet amendement, de limiter à 1 % la réduction du barème, et ce pour dégager les marges permettant de surseoir à la hausse des taxes sur les carburants ou de financer des baisses plus ciblées de la fiscalité indirecte. Je pense en particulier à une baisse du taux normal de TVA.

Enfin, cela dégagerait quelques marges pour financer des dépenses socialement utiles, qu'il serait sans doute trop long de citer ici, même si chacun garde évidemment en mémoire la situation créée par la canicule de cet été, qui a révélé de graves insuffisances dans le domaine de la solidarité.

Peut-être pourrait-on ainsi s'exonérer de la gymnastique complexe qui nous attend sur l'application de la suppression d'un jour férié, idée dont les concepteurs n'ont sans doute pas été visités par l'Esprit Saint ! (Sourires.)

M. Jean Chérioux. Attention ! Ne maniez pas des concepts que vous connaissez mal !

M. Michel Charasse. M. Chérioux est spécialiste en théologie !

M. Paul Loridant. Pour que chacun en décide en toute conscience, nous vous proposons d'adopter cet amendement.

Vous connaissez mon âme de bon apôtre et de bon chrétien. (Rires et exclamations.) Dans cette affaire, je viens en aide à nos amis du groupe de l'UDF.

M. Bayrou a en effet proposé la même baisse à l'Assemblée nationale, mais le Gouvernement n'a pas cru devoir l'écouter. Par compassion pour nos amis de l'UDF, nous proposons donc un amendement allant dans le sens qu'ils souhaitent. Je ne doute pas un seul instant que le groupe de l'Union centriste du Sénat le votera.

M. Yann Gaillard. L'espoir fait vivre !

M. le président. L'amendement n° I-198, présenté par M. Mercier et les membres du groupe de l'Union centriste, est ainsi libellé :

« Dans le 1° du I de cet article, remplacer respectivement les taux : "6,83 % ; 19,14 % ; 28,26 % ; 37,38 % ; 42,62 % ; 48,09 %" par les taux : "6,86 % ; 19,21 % ; 28,36 % ; 37,51 % ; 42,76 % ; 48,25 %". »

La parole est à M. Denis Badré.

M. Denis Badré. M. Loridant vient de préparer par une superbe transition mon intervention.

Cet amendement n° I-198 est appelé après le sien dans la mesure où il s'éloigne un peu moins du texte gouvernemental, ...

M. Paul Loridant. Si peu !

M. Denis Badré. ... puisque, au lieu de réduire l'impôt sur le revenu de 3 %, nous proposons de limiter cette baisse à 1,7 %.

Nous avons le souci de rendre la politique fiscale plus lisible par l'ensemble de nos concitoyens, ce qui n'est pas très facile.

En fait, diminuer comme nous le proposons la baisse de l'impôt sur le revenu permettrait de supprimer, en compensation, l'augmentation de la TIPP sur le gazole.

En effet, nous pensons que les Français ne comprendront pas forcément qu'à l'heure où l'on diminue l'impôt sur le revenu, impôt payé par la moitié des foyers fiscaux, on augmente en même temps cette taxe indirecte qui touche l'ensemble des contribuables, notamment ceux qui vivent en zone rurale ou en grande banlieue et qui utilisent pour aller travailler leur voiture qu'ils ont équipée au gazole, dans un souci d'économie.

S'agissant de l'impôt sur le revenu lui-même, nous sommes préoccupés du fait que la baisse de cet impôt soit gagée par une augmentation du déficit ; je ne vois pas par quoi d'autre elle pourrait être gagée !

Vous savez combien nous avons le souci d'être exemplaires vis-à-vis de Bruxelles. Quels que soient les jugements que nous pouvons porter sur le pacte de stabilité, celui-ci existe et nous nous sommes engagés à le respecter ; c'est même nous qui l'avons inventé. Il me paraît donc difficile que nous soyons les premiers à dire que, finalement, on peut passer outre.

Evidemment, nous n'aurons plus besoin du pacte de stabilité lorsque nous disposerons d'une gouvernance économique ! Vous allez dire que je me répète, mais il faut savoir enfoncer les clous quand c'est nécessaire.

Il est donc fâcheux de diminuer l'impôt sur le revenu en augmentant le déficit. Nous pourrions, certes, plaider avec succès à Bruxelles si nous pouvions démontrer que cette baisse de l'impôt sur le revenu va permettre de réduire, à terme, le déficit par une augmentation sensible des recettes grâce au retour de la croissance.

Si cette baisse de l'impôt sur le revenu libère du pouvoir d'achat, qui se transformera en consommation, qui relancera la croissance, et si, l'année prochaine ou dans deux ans, nous pouvons démontrer que, finalement, cette mesure allait dans le bon sens puisque, la croissance étant de retour, on sera revenu très en deçà des critères de Maastricht, tant mieux ! Mais, malheureusement, nous ne sommes pas complètement sûrs qu'il en ira ainsi. Nous ne savons pas encore si ceux qui bénéficieront de cette baisse de l'impôt sur le revenu orienteront ce pouvoir d'achat vers l'épargne ou vers la consommation.

C'est pourquoi, dans le doute, nous estimons préférable de limiter la mesure.

Par ailleurs, le second objectif qui doit guider notre réflexion pendant toute la discussion de la loi de finances est l'amélioration de la compétitivité du pays. Or, de ce point de vue, tout ce qui réduit les prélèvements obligatoires est bon. Pour faire revenir chez nous ceux qui auraient la tentation de nous quitter, pour faire venir chez nous des étrangers qui pourraient s'y installer, baissons les prélèvements obligatoires ! Ce n'est pas forcément la meilleure solution, mais elle n'est pas mauvaise.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous proposons une baisse limitée de l'impôt sur le revenu.

M. le président. L'amendement n° I-40, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi les deux derniers alinéas du 1° du I de cet article :

« 48 % pour la fraction supérieure à 38 868 euros et inférieure à 47 932 euros ;

« 54 % pour la fraction supérieure à 47 932 euros. »

La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. La baisse de l'impôt sur le revenu ne profite, comme il était prévisible dès le départ, qu'aux revenus les plus importants.

M. Jean Chérioux. Qu'à ceux qui payent des impôts !

M. Thierry Foucaud. Oui, mais à ceux dont les revenus sont les plus importants, monsieur Chérioux !

Il est évident que, pour les contribuables non imposables, cette baisse n'a pas d'autre effet que de les maintenir dans une situation de non-imposition.

Pour les contribuables effectivement imposés, les effets de la correction des taux du barème sont extrêmement variables. Par exemple, pour un revenu imposable net de 15 250 euros - environ 100 000 francs -, la baisse de la cotisation annuelle d'impôt sur le revenu atteindra le montant exceptionnel de 52 euros, soit un gain de pouvoir d'achat de 1 euro par semaine.

Pour un contribuable déclarant un revenu net imposable de 50 000 euros, la réduction sera un peu plus importante et atteindra 453 euros, c'est-à-dire neuf fois plus, pour un revenu trois fois plus important environ.

Je vous ferai grâce des calculs portant sur des revenus encore plus importants, mais il est évident que la portée de la réforme de l'impôt sur le revenu est infinitésimale pour les revenus modestes et même moyens et qu'elle ne trouve sa pleine application que pour les revenus les plus élevés, qui sont d'ailleurs bien souvent largement amputés par l'optimisation fiscale.

La baisse de l'impôt sur le revenu, c'est la solidarité à l'envers. C'est faire payer les pauvres, qui sont, vous le savez bien, les plus nombreux, et les faire payer pour les riches, qui n'ont que l'infortune de l'être... (Sourires.)

Vous comprendrez aisément que nous proposions de faire en sorte que la réduction des taux d'imposition du barème puisse toucher un peu moins les plus hauts revenus en relevant de manière sensible les taux d'imposition qui leur sont appliqués.

D'aucuns nous diront que c'est décourager le travail, pénaliser ceux que leurs efforts mettent en situation de gagner tout à fait correctement leur vie, en quelque sorte surimposer le talent et l'excellence. C'est oublier un peu vite, de notre point de vue bien sûr, que les revenus les plus élevés sont ceux qui procèdent le plus à l'optimisation fiscale de leur situation, au travers de l'ensemble des dispositions dérogatoires à la stricte application du barème, ce qui fait que l'impôt sur le revenu n'a, hélas ! pas grand-chose à voir avec la réalité des revenus des ménages.

Pour l'ensemble de ces raisons, nous ne pouvons que vous inviter, mes chers collègues, à adopter cet amendement de réécriture partielle du barème de l'impôt sur le revenu.

M. le président. L'amendement n° I-41, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi les deux derniers alinéas du 1° du I de cet article :

« 46 % pour la fraction supérieure à 38 868 euros et inférieure à 47 932 euros ;

« 52 % pour la fraction supérieure à 47 932 euros. »

La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Cet amendement est un amendement de repli par rapport à notre position de principe. Il s'agit, vous l'aurez compris, de réduire quelque peu l'accroissement des taux d'imposition des deux dernières tranches résultant de l'amélioration de la progressivité de l'impôt.

M. le président. L'amendement n° I-43, présenté par Mmes Beaudeau et Didier, MM. Foucaud, Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« I. - Rédiger comme suit le 2° du I de cet article :

« 2° Au 2, les sommes : "2 051 EUR", "3 549 EUR", "580 EUR" et "980 EUR" sont remplacées respectivement par les sommes : "2 086 EUR", "3 609 EUR", "590 EUR" et "997 EUR" ; ».

« II. - Pour compenser les pertes de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

« ... Les pertes de recettes résultant pour l'Etat du relèvement de l'augmentation de la réduction d'impôt lié au quotient familial sont compensées à due concurrence pour le relèvement du taux sur les sociétés. »

La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau.

Mme Marie-Claude Beaudeau. La réforme de l'impôt sur le revenu comporte un ensemble de dispositions, pour le moins disparates, qui n'aboutissent pas à une réduction uniforme de la contribution des contribuables. Cette situation se confirme cette année. Alors que l'on applique, une nouvelle fois, une réduction de 3 % des taux d'imposition du barème, on en profite pour financer une partie de ladite réduction en atténuant les effets de la demi-part de quotient familial dont bénéficient les veufs et les veuves.

Cette mesure n'est pas nouvelle puisque la réforme de l'impôt sur le revenu, discutable à mes yeux, qu'avait engagée le gouvernement précédent comprenait déjà de telles dispositions.

Je crois me souvenir, mes chers collègues, qu'à l'époque certains membres de la majorité sénatoriale s'étaient émus de la situation faite aux veuves. Nous ne pouvons que regretter que la commission des finances, dans sa grande sagesse, se soit privée du droit d'amender la disposition incriminée.

Vous comprendrez que l'on ne puisse admettre qu'au détour d'une disposition d'un projet de loi de finances, on finance, en quelque sorte, la réduction d'impôts des présidents-directeurs généraux de nos plus grandes entreprises en augmentant l'impôt dû par ceux et par celles - mais surtout par celles - qui ont eu la douleur de perdre un enfant en bas âge ou un époux.

Rappelons-nous, en effet, les termes des articles 197 et 195 du code général des impôts.

Il est stipulé ceci, à l'alinéa 2 de l'article 197 : « Par dérogation aux dispositions du premier alinéa, la réduction d'impôt résultant de l'application du quotient familial, accordée aux contribuables qui bénéficient des dispositions des a, b et e du 1 de l'article 195, ne peut excéder 964 euros pour l'imposition des années postérieures à l'année du vingt-sixième anniversaire de la naissance du dernier enfant ; »

J'en viens à l'article 195 : « Par dérogation aux dispositions qui précèdent, le revenu imposable des contribuables célibataires, divorcés ou veufs n'ayant pas d'enfant à leur charge est divisé par 1,5 lorsque ces contribuables :

a) Ont eu un ou plusieurs enfants majeurs ou faisant l'objet d'une imposition distincte ;

b) Ont eu un ou plusieurs enfants qui sont morts, à la condition que l'un d'eux au moins ait atteint l'âge de seize ans ou que l'un d'eux au moins soit décédé par suite de faits de guerre ;

c) Ont adopté un enfant, à la condition que, si l'adoption a eu lieu alors que l'enfant était âgé de plus de dix ans, cet enfant ait été à la charge de l'adoptant comme enfant recueilli dans les conditions prévues à l'article 196 depuis l'âge de dix ans... »

Ce qui est en question, c'est qu'une partie de l'équilibre de la loi de finances qui a été légèrement améliorée à la lumière de l'article d'équilibre est en fait directement gagée sur la mise en question de la portée de la demi-part accordée aux veufs, célibataires ou divorcés ayant élevé des enfants imposés distinctement.

Une telle mesure est particulièrement discutable en soi ; en outre, mes chers collègues, je la trouve en contradiction avec vos appels à la solidarité en faveur de nos compatriotes les plus âgés.

On ne peut pas à la fois s'émouvoir, comme on a pu le faire, de la situation des personnes âgées et profiter du subtil équilibre comptable des lois de finances pour augmenter les impôts que ces mêmes personnes vont être invitées à payer.

Cette mesure, qui ne figurait pas dans le texte initial du projet de loi de finances et qui a été introduite à l'Assemblée nationale par M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des finances, et MM. Gilles Carrez et Marc Laffineur, participe au relèvement de 230 millions d'euros du produit de l'impôt sur le revenu. Elle illustre assez bien la philosophie profonde du contenu de ce projet de loi de finances.

Tout se passe comme si le plan de solidarité vieillesse annoncé par le Gouvernement était déjà, d'une certaine manière, en partie financé par le processus que nous dénonçons.

De fait, non content d'avoir sérieusement attaqué le pouvoir d'achat des retraités, le Gouvernement attaque de nouveau cette catégorie de la population par le biais de leurs impôts.

Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, je ne peux que vous inviter à adopter cet amendement n° I-143, et ce par scrutin public.

M. le président. L'amendement n° I-112, présenté par MM. Miquel, Angels, Auban, Charasse, Demerliat, Haut, Lise, Marc, Massion, Moreigne, Sergent et les membres du groupe socialiste et rattachée, est ainsi libellé :

« A. - Rédiger comme suit le 2° du I de cet article :

« 2° Au 2, les sommes : "2 051 EUR", "3 549 EUR", "980 EUR" et "580 EUR" sont remplacées respectivement par les sommes : "2 086 EUR", "3 609 EUR", "997 EUR" et "590 EUR".

« B. - Pour compenser les pertes de recettes résultant du A ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

« ... La perte de recettes résultant pour l'Etat du relèvement de l'augmentation de la réduction d'impôt liée au quotient familial est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Marc Massion.

M. Marc Massion. Cet amendement vise à annuler la disposition adoptée par l'Assemblée nationale en première lecture et qui aurait pour effet d'accroître l'imposition de 630 000 personnes à revenus moyens ou modestes par la réduction du plafond de la demi-part accordée aux personnes seules ayant élevé des enfants.

Certes, à l'Assemblée nationale, l'amendement avait été sous-amendé, afin d'amoindrir quelque peu la brutalité de cette mesure.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Vous le reconnaissez tout de même ! Dites-le à Mme Beaudeau !

M. Marc Massion. Il n'en reste pas moins que la majorité ne paraît guère gênée d'augmenter l'impôt de nombreux contribuables après avoir accepté de réduire l'impôt de personnes qui gagnent jusqu'à trente fois plus. Les chemins de votre justice fiscale sont d'une simplicité déconcertante ! Là comme ailleurs, vous augmentez les impôts des uns pour financer les réductions d'impôts des autres.

Vous allez certainement expliquer que le dispositif qui permet à toute personne seule ayant eu des enfants à charge de bénéficier d'une demi-part supplémentaire au titre de l'impôt sur le revenu, adopté après la guerre, visait les nombreuses veuves qui, obligées de consacrer tous leurs moyens à l'éducation de leurs enfants, n'avaient pu épargner, alors que les pensions étaient à l'époque très faibles.

Vous allez peut-être aussi montrer du doigt les personnes divorcées qui choisissent de ne pas se remarier pour conserver un avantage fiscal.

Mais, franchement, croyez-vous que des millions de veufs et de veuves ont fait le choix de la subtilité fiscale ? Quand un conjoint disparaît, l'autre ne reconstruira pas nécessairement un nouveau foyer.

La demi-part supplémentaire est un élément souvent important et sensible pour les veufs ayant élevé ou élevant des enfants. Si le nombre des veuves de guerre est évidemment en régression, celui des veuves civiles est, lui, bien sûr, toujours aussi important.

M. le président. L'amendement n° I-279, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le dixième alinéa (2°) du I de cet article :

« 2° Au 2, les sommes : "2 051 EUR", "3 549 EUR", "980 EUR" et "580 EUR" sont remplacées respectivement par les sommes : "2 086 EUR", "3 609 EUR", "900 EUR" et "590 EUR" ; ».

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission des finances a considéré que la mesure votée à l'Assemblée nationale, qui procède bien entendu du souci tout à fait légitime du bon usage des deniers publics, méritait cependant d'être quelque peu recadrée ou modifiée dans le sens d'une meilleure équité fiscale.

C'est pourquoi, mes chers collègues, nous proposons, par cet amendement n° I-279, de maintenir la demi-part supplémentaire en en plafonnant le bénéfice à 900 euros pour toutes les personnes seules ayant élevé des enfants.

Nous estimons en effet que cet élément de notre fiscalité doit être préservé dès lors qu'il s'agit bien de personnes seules. Ce n'est que justice, car une personne seule peut effectivement se trouver dans une situation matérielle ou pécuniaire plus difficile qu'une personne vivant en couple, pour des niveaux de revenus apparemment identiques ou très proches : il est des frais fixes qu'une personne seule doit nécessairement assumer de la même manière qu'un couple.

Il faut reconnaître que, bien souvent, mes chers collègues, les personnes seules - célibataires, veufs, veuves ou divorcées - n'ont pas fait l'objet d'une sollicitude suffisante de la part du législateur.

Toutefois - et, de ce point de vue, la démarche de l'Assemblée nationale nous semble justifiée -, certaines personnes bénéficient d'avantages fiscaux alors que leur situation, objectivement, ne devrait pas y ouvrir droit. Lorsque deux personnes ont choisi de partager ensemble beaucoup de choses mais conservent néanmoins le statut fiscal du contribuable isolé donnant droit, pour chacun, à la demi-part supplémentaire, il y a, nous semble-t-il, une déviation telle que l'esprit du code général des impôts n'est pas respecté.

La commission des finances vous propose donc de maintenir la demi-part plafonnée à 900 euros pour les personnes seules ayant élevé des enfants dans les conditions précédemment en vigueur et, en revanche, de supprimer cette demi-part pour les personnes ne vivant pas seules, par exemple parce qu'elles vivent en concubinage.

Monsieur le ministre, la mesure que préconise la commission devrait avoir, en principe, exactement la même traduction financière que celle qu'a votée l'Assemblée nationale, tant il est vrai que nous n'aurions pas voulu nous montrer, en la matière, moins vertueux que nos collègues députés.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° I-110 est présenté par MM. Pelletier, Joly et Othily.

L'amendement n° I-197 est présenté par M. Mercier et les membres du groupe de l'Union centriste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

« I. - A la fin du 2° du I de cet article, supprimer les mots : "et la somme 980 EUR est remplacée par les mots : « 700 EUR, 997 EUR pour les contribuables ayant eu au moins trois enfants,". »

« II. - Supprimer le 2° bis du I de cet article.

« III. - Pour compenser les pertes de recettes résultant du I et du II ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

« ... - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat du maintien du plafond de la réduction d'impôt résultant de l'application du quotient familial pour les contribuables bénéficiant des dispositions du I de l'article 195 du code général des impôts sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Jacques Pelletier, pour défendre l'amendement n° I-110.

M. Jacques Pelletier. Cet amendement va dans le sens de celui que vient de présenter M. le rapporteur général. Il a pour objet de revenir sur le mauvais sort qui a été fait par l'Assemblée nationale aux conjoints survivants.

En effet, la suppression de la demi-part dont bénéficient les conjoints survivants risque, dans certains cas, d'être pour eux source de très grande difficulté. En particulier, certaines personnes qui, jusqu'à présent, n'étaient pas imposables risquent de le devenir.

Je pense que nous devons être très attentifs à la situation des conjoints survivants et tout spécialement lorsqu'ils doivent élever des enfants. Je sais par expérience proche à quelles difficultés sont confrontés les veuves ou les veufs pour assumer la vie de tous les jours.

M. le président. La parole est à M. Denis Badré, pour défendre l'amendement n° I-197.

M. Denis Badré. Monsieur le président, à amendement identique, plaidoyer identique. Je joins ma voix à celle de M. Pelletier pour inviter le Sénat à prendre en compte la situation souvent très difficile des conjoints survivants qui ont des enfants à élever.

M. le président. L'amendement n° I-280, présenté par M. Marini, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Après le I de cet article, insérer deux paragraphes ainsi rédigés :

« I bis. - Les deuxième a et troisième alinéa b du 1 de l'article 195 du code général des impôts sont ainsi rédigés :

« a) Vivent seuls et ont un ou plusieurs enfants majeurs ou faisant l'objet d'une imposition distincte ; »

« b) Vivent seuls ou ont eu un ou plusieurs enfants qui sont morts, à la condition que l'un d'eux au moins ait atteint l'âge de seize ans ou que l'un d'eux au moins soit décédé par suite de faits de guerre ; »

« I ter. - Le septième alinéa e du 1 de l'article 195 du code général des impôts est ainsi rédigé :

« e) Vivent seuls et ont adopté un enfant, à la condition que, si l'adoption a eu lieu alors que l'enfant était âgé de plus de dix ans, cet enfant ait été à la charge de l'adoptant comme enfant recueilli dans les conditions prévues à l'article 196 depuis l'âge de dix ans. Cette disposition n'est pas applicable si l'enfant adopté est décédé avant d'avoir atteint l'âge de seize ans ; »

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Il s'agit d'un amendement de conséquence de l'amendement n° I-279.

M. le président. L'amendement n° I-277, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

« Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

« ... - En 2004, le premier et le deuxième acomptes provisionnels ainsi que les prélèvements mensuels prévus respectivement aux articles 1664 et 1681 B du code général des impôts sont réduits de 3 %. »

La parole est à M. le ministre.

M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Cet amendement a pour objet d'anticiper, dès le paiement des acomptes de 2004, la baisse de 3 % de l'impôt sur le revenu de 2003, qui apparaîtra lors de la liquidation des impôts au second semestre de l'année 2004.

M. Philippe Marini, rapporteur général, et Jean-Philippe Lachenau. Très bien !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Comme il est d'usage, nous entamons la discussion des articles de la première partie par l'examen des dispositions relatives à l'impôt sur le revenu. Cela montre bien que, dans le classement des rubriques fiscales, c'est cet impôt qui donne le ton de la politique fiscale.

Quelles que soient les difficultés de l'heure, quels que soient les problèmes de finances publiques auxquels un gouvernement est confronté, c'est d'abord par ses choix en matière d'impôt sur le revenu qu'il caractérise ses orientations quant à la fiscalité et à l'évolution de celle-ci.

La commission a, bien sûr, examiné avec beaucoup de soin l'ensemble des amendements qui ont été déposés sur cet article et elle salue le souci de rigueur et de réduction du déficit public qui anime les auteurs d'au moins certains d'entre eux. Mais elle pense qu'en matière fiscale il faut de la persévérance. Il convient que le cap soit bien tracé, que les orientations soient claires. Rien ne sert de conduire une politique pendant une année si on ne la la poursuit pas ensuite avec une détermination suffisante.

Le choix qui est fait par le Gouvernement de diminuer de 3 % de façon proportionnelle l'ensemble du barème de l'impôt sur le revenu n'est que la poursuite des décisions qui ont été prises lors de l'examen du collectif budgétaire de la mi-année 2002, puis lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2003.

La commission maintient l'analyse qu'elle avait faite de ces deux mesures, car elle n'a aucune espèce de raison de modifier sa vision des choses.

Bien entendu, la baisse de l'impôt sur le revenu ne constitue pas toute la politique fiscale, mais elle en est un élément essentiel, qui témoigne d'une volonté politique à la fois de baisse des prélèvements obligatoires et de revalorisation du travail, de l'esprit d'initiative et de responsabilité.

Nous sommes certes dans une phase de basse conjoncture économique, mais ce n'est certainement pas en maltraitant celles et ceux qui, par leur énergie, peuvent contribuer sans doute le mieux à la reprise que l'on est susceptible de donner les signaux opportuns pour passer du marasme, ou d'une très faible croissance, à une conjoncture plus porteuse.

C'est en vertu de cette analyse de portée générale - analyse que, je le répète, nous n'avons aucune espèce de raison de modifier par rapport à l'examen des lois de finances précitées - que la commission a émis un avis défavorable sur les amendements n°s I-111, I-42, I-98, I-40 et I-41, qui concernent le barème de l'impôt sur le revenu.

S'agissant des autres amendements, je voudrais prier leurs auteurs de bien vouloir se rallier à l'amendement n° I-279 de la commission, ou du moins de bien vouloir se considérer comme très largement satisfaits par ce dernier, car nous avons partagé le souci d'une mesure bien lisible pour ce qui est des contribuables seuls ayant élevé des enfants. Cela s'applique aux amendements n°s I-43, I-112, I-110 et I-197.

Je me tourne vers vous avec confiance, monsieur le ministre, en espérant que le travail de la commission trouvera grâce à vos yeux.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Alain Lambert, ministre délégué. Avec votre autorisation, monsieur le président, j'évoquerai brièvement le principe général de l'impôt sur le revenu avant de donner l'avis du Gouvernement sur l'ensemble des amendements. Comme le disait M. le rapporteur général voilà un instant, la question de l'impôt sur le revenu est nécessairement au coeur du débat de la première partie d'une loi de finances et il n'est pas anormal que nous y consacrions quelques instants.

Que l'on mette un peu, beaucoup ou pas du tout d'idéologie dans la question de l'impôt sur le revenu, cette question nous rattrape en permanence. Denis Badré est bien placé pour le savoir, dès lors que l'on se soucie de la compétitivité de la France, de la nécessité de garder sur notre territoire ceux de nos compatriotes qui sont les plus créatifs et les plus performants, la question des prélèvements opérés sur le fruit de leur travail est en permanence posée.

D'où une première affirmation : la pression fiscale ou, comme le disent maintenant tous ceux qui sont familiers du sujet, la pression fiscalo-sociale joue un rôle déterminant sur l'attractivité de notre pays et, si elle est trop élevée, elle pénalise le travail, et donc l'emploi.

Nous devons donc être conscients de la responsabilité que nous prenons lorsque nous imposons trop lourdement nos compatriotes.

Le deuxième aspect est celui de la justice. Il a notamment été évoqué par Marc Massion et par les sénateurs du groupe CRC.

Je rappelle que c'est d'une baisse de tous les taux du barême qu'il s'agit ici et qu'elle s'appliquera aux revenus du travail et aux retraites, qui représentent 93 % des revenus imposables au barême. Elle ne concerne donc ni les plus-values ni les revenus de placements financiers.

J'ajoute que le maintien du plafond du quotient familial et de la décote à son niveau de 2002 avantage directement les familles et les contribuables à revenus modestes.

Il est donc clair que le Gouvernement demeure très attentif à cette question de la justice. C'est d'ailleurs pourquoi il a tenu à associer à cette baisse de l'impôt sur le revenu le relèvement de la prime pour l'emploi, afin de garantir un gain de pouvoir d'achat pour tous.

S'agissant de l'impôt sur le revenu en lui-même, contrairement à ce que j'ai entendu ici ou là, il n'y a aucunement baisse de sa progressivité. En effet, un contribuable qui payait deux fois plus d'impôt que tel autre paiera toujours deux fois plus que celui-là après la diminution des taux du barème. La progressivité de l'impôt n'est donc pas remise en cause.

Je souligne à nouveau la cohérence des mesures que nous prenons : baisse de l'impôt sur le revenu, relèvement de la prime pour l'emploi, relèvement du SMIC. Qu'elles figurent ou non dans le projet de loi de finances, toutes obéissent à la même logique : revaloriser le travail, renforcer le pouvoir d'achat des Français et alimenter la croissance.

Marc Massion disait tout à l'heure : au fond, la baisse d'impôt sur le revenu n'est pas très convaincante puisque la croissance n'a pas été forte en 2003. Je lui en donne acte, mais l'on peut se demander ce qu'elle aurait été s'il n'y avait pas eu cette baisse d'impôt.

A examiner la situation des pays qui nous environnent, on s'aperçoit que ceux qui avaient relevé leur fiscalité, précisément pour redresser leurs comptes un peu trop promptement, soit se sont mis en récession, soit ont fait un virage à 180 degrés et sont revenus vers la baisse de l'impôt ; l'Allemagne, notamment, est dans ce cas. Cela montre au passage que ce point fait l'objet d'un débat dans tous les pays de l'Union européenne, en particulier ceux de la zone euro.

Je ferai maintenant écho aux questions soulevées par Denis Badré. Il ne prendra pas mal que je lui réponde en toute sincérité puisqu'il s'est exprimé lui-même en toute sincérité, et il sait que cela ne changera rien aux bonnes relations qui sont les nôtres. (Sourires.)

Cher Denis Badré, pour ce qui est de la lisibilité et de la cohérence que nous devons donner aux choix que nous opérons, il nous faut à tout prix éviter d'associer des catégories d'impôts différentes. Ainsi, il est dangereux d'associer, par exemple, l'impôt sur le revenu à la TIPP, ou l'impôt sur le revenu à l'ISF, ou l'ISF à la TIPP. Il faut prendre garde, lorsqu'on commence à rapprocher deux éléments qui n'ont rien à voir, à ne pas provoquer un effet boomerang.

On peut diaboliser toute baisse d'impôt ou toute hausse d'impôt, mais qu'on veuille bien considérer que nous ne cherchons tous qu'à faire de notre mieux afin que notre pays soit prospère et que notre économie offre ainsi de l'emploi à l'ensemble des Français.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !

M. Alain Lambert, ministre délégué au budget. Je n'oublie pas que Denis Badré a été parmi les premiers à évoquer avec beaucoup de force la nécessité d'attirer en France des personnes à potentiel important au regard de la marche de notre économie. Je pense donc qu'il ne pourra pas désapprouver des mesures susceptibles de profiter aux « impatriés ». Encore une fois, veillons à ne diaboliser aucune mesure fiscale.

Comment pourra-t-on expliquer aux Français que l'on accepte de défiscaliser - car c'est bien de cela qu'il s'agit - certaines catégories de contribuables, notamment les « impatriés », quand certains affirment par ailleurs qu'il n'est pas bon de baisser l'impôt des Français ?

Sur tous ces sujets, il faut parler avec retenue, calme, pondération, et faire preuve de beaucoup de sagesse.

Par ailleurs, cher Denis Badré, à vous entendre, le gage de la baisse de l'impôt sur le revenu serait financé par le déficit. Permettez-moi de vous le dire, toutes les mesures nouvelles, sans aucune exception, y compris toutes celles que vous proposez dans vos amendements, sont gagées sur le déficit. Tant que l'équilibre primaire n'est pas atteint, tout ce que nous décidons est gagé sur le déficit. Cela ne concerne donc pas une mesure plus qu'une autre.

M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est un bon argument.

M. Alain Lambert, ministre délégué. Enfin, s'agissant de l'efficacité économique, tout ce que je sais sur le sujet, je l'ai appris à la commission des finances du Sénat.

M. Denis Badré. C'est une bonne école !

M. Alain Lambert, ministre délégué. C'est une excellente école !

Or, lors du débat d'orientation budgétaire pour 2001, la commission des finances avait demandé à un certain nombre d'instituts de lui proposer quelques scénarios sur la meilleure stratégie possible en vue d'alimenter la croissance. La mesure qu'elle avait jugée la plus efficace consistait à mixer la baisse de l'impôt sur le revenu et la baisse des charges sociales. En toute humilité, mais avec conscience et responsabilité, c'est bien ce que propose le Gouvernement. Cela me conduit donc à émettre un avis défavorable sur les amendements n°s I-111 et I-42.

S'agissant de l'amendement n° I-198, je sollicite de la part de Denis Badré, peut-être sans espoir, mais en tout cas sous le bénéfice de mes observations, son retrait. S'il ne le souhaitait pas ou s'il ne le pouvait pas, ce que je saurais comprendre, je demanderais alors à la Haute Assemblée de rejeter cet amendement.

En outre, le Gouvernement est défavorable aux amendements n°s I-40, I-41 et I-43 puisqu'ils visent à supprimer le barème proposé.

De même, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° I-112.

L'amendement n° I-279 de la commission des finances concerne la question des personnes célibataires, divorcées, ou veuves n'ayant pas d'enfant à charge, mais ayant un ou plusieurs enfants majeurs faisant l'objet d'une imposition distincte. Monsieur le rapporteur général, il s'agit d'un sujet sensible : vous le savez, étant un excellent spécialiste de l'impôt, cela concerne un nombre considérable de nos compatriotes, généralement âgés.

Pour autant, cet avantage, institué après la Seconde Guerre mondiale afin d'alléger la charge des veuves de guerre, est aujourd'hui totalement déconnecté de la logique du quotient familial qui vise à proportionner l'impôt au nombre de personnes qui forment le foyer. En effet, entre l'époque où cet avantage a été institué et aujourd'hui, la situation n'a naturellement plus rien à voir.

De ce point de vue, cet avantage constitue désormais une « niche fiscale », pour employer une expression qui nous est familière, dont le maintien peut effectivement paraître contestable.

Cela étant, il existe dans notre code général des impôts d'autres avantages catégoriels, notamment en matière de quotient familial, qui sont tout aussi peu justifiés. Autant dire qu'une réflexion d'ensemble est nécessaire sur le bien-fondé de ces avantages dénoncés par le dernier rapport du Conseil des impôts.

C'est d'ailleurs le sens de l'engagement que j'ai pris devant les députés, sur leur demande, de constituer une commission, composée de députés et de sénateurs, mais aussi de membres des administrations concernées, afin de procéder à une réflexion d'ensemble au sujet de l'impôt sur le revenu.

Monsieur le rapporteur général, j'ai examiné votre amendement avec le plus grand soin. Le coût que vous avez décrit tout à l'heure est parfaitement exact. Vous comprendrez que je m'en remette à la sagesse du Sénat puisqu'il s'agit d'améliorer le dispositif adopté par l'Assemblée nationale, ce qui est d'ailleurs envisageable.

S'agissant des amendements n°s I-110 et I-197, je dirais que M. le rapporteur général a déposé un amendement qui, sans régler sur le fond le problème de la demi-part, permet cependant de la recentrer sur son objectif d'origine, c'est-à-dire l'allégement de la charge fiscale des personnes vivant seules. J'en partage personnellement l'esprit. Or, la proposition contenue dans ces deux amendements identiques s'y oppose un peu dès lors qu'elle conduit à revenir totalement à la situation initiale. Dans ces conditions, le Gouvernement demande le retrait de ces amendements. A défaut, il émettra un avis défavorable. Enfin, s'agissant de l'amendement n° I-280 de la commission des finances, dans la même logique, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-111.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-42.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Monsieur Badré, maintenez-vous l'amendement n° I-198 ?

M. Denis Badré. Monsieur le ministre, vous avez sollicité avec une telle courtoisie le retrait de cet amendement que je ne peux qu'être sensible à votre ton et à vos propos.

Avec la même courtoisie, je vous dirais que je ne le peux ni ne le veux. Je maintiens donc cet amendement, mais je tiens à m'en expliquer.

Monsieur le ministre, je vous remercie d'avoir pris acte de ma démarche et de l'avoir analysée à votre tour. C'est ainsi que nous progresserons. Je vous remercie aussi d'avoir rappelé combien vous étiez convaincu, comme moi-même et nombre de mes collègues, de la nécessité de tout mettre en oeuvre pour améliorer l'attractivité de notre pays. Ainsi, nous favoriserons la croissance, nous la relancerons et nous améliorerons notre position au sein de l'Union européenne et dans le monde.

J'ai suivi avec intérêt ce que vous avez préparé en faveur des « impatriés », et je vous en félicite.

En l'espèce, vous avez utilisé l'argument selon lequel il faut toujours se méfier de ne pas trop faire d'amalgame entre différentes catégories d'impôts. Vous êtes meilleur fiscaliste que moi et en technique fiscale, vous avez totalement raison.

Toutefois, j'adopte un point de vue un peu différent lorsque j'analyse la perception du budget par l'opinion publique. Celle-ci est composée de gens qui n'ont pas forcément une technique fiscale aussi éprouvée et élaborée que la nôtre. Ils ont moins étudié le sujet et manquent d'expérience. Or il nous faut, en tant que législateur, être sensibles aux conditions dans lesquelles nos mesures sont perçues par tous les Français, par l'homme de la rue qui se demande que penser de ce projet.

En effet, un projet de loi de finances doit avoir un impact psychologique. Celui qui va le lire ne se dira pas qu'il ne faut pas mélanger les catégories d'impôts. Il s'étonnera simplement du fait qu'on lui donne d'une main ce que l'on reprend de l'autre. Je crains que beaucoup de Français ne perçoivent ce texte ainsi, même si je ne dis pas qu'ils ont raison. Pour autant, l'effet que vous espérez tirer de ce votre projet risque d'être assez largement ruiné.

Monsieur le ministre, vous m'avez repris également, car j'ai exprimé mon ennui de voir une réduction d'impôt gagée par une augmentation du déficit. Bien sûr, toute mesure qui a un coût alourdit le déficit.

Politiquement, on peut toujours dire : je fais l'effort de réduire telle dépense, moyennant quoi je prévois de réduire telle recette. Mais, tant qu'on ne le fait pas, et en l'absence d'une croissance suffisante, il n'y a pas de mystère : toute baisse des recettes doit être gagée par une baisse des dépenses, et réciproquement, sinon, c'est le déficit qui s'alourdit.

S'agissant de la baisse de l'impôt sur le revenu, aucune solution n'étant proposée, c'est bien le déficit qui va augmenter. Cela pourrait se justifier si l'on me démontrait que le déficit s'alourdit cette année, mais que les mesures proposées vont relancer la croissance et, permettant ainsi une augmentation des recettes fiscales au cours des années suivantes, vont entraîner une réduction du déficit. C'est d'ailleurs le seul argument que nous pouvons développer à Bruxelles pour justifier le fait d'être, pendant un temps, en dehors des clous du pacte de stabilité.

S'agissant de l'impact de la réduction de l'impôt sur le revenu, je reprends ce que disait M. le rapporteur général : il faut savoir donner des signaux ; une baisse de l'impôt sur le revenu, même si ce n'est pas la meilleure solution, constitue effectivement un signal positif envoyé aux Français qui travaillent, car il nous faut soutenir ceux qui souhaitent rendre notre pays compétitif.

Au demeurant, que la baisse soit de 3 % ou de 1,7 %, cela ne changera pas grand-chose en termes de compétitivité, alors même que cette différence coûtera assez cher. S'agissant de la croissance, l'effet sera, bien sûr, quelque peu proportionnel à l'importance de la baisse.

Cela dit, à partir du moment où l'effet recherché est d'abord psychologique, une baisse de 1,7 % me semble suffisante. Je le dis avec toute la conviction dont je suis capable, avec tout le calme et la pondération auxquels vous m'avez invité : baisser de 3 % ou de 1,7 % l'impôt sur le revenu aura, aux yeux des Français, le même effet sur le plan psychologique. A contrario, l'effet psychologique de cette baisse sera ruiné en partie, voire en totalité, lorsque les Français s'apercevront que celle-ci est combinée à une augmentation de la taxation du gazole.

A partir du moment où l'on aborde le débat de manière un peu calme, un peu sérieuse, un peu réfléchie, l'approche que nous proposons se défend parfaitement. Elle vise à la fois à relancer la mécanique, à avoir un certain impact sur la croissance, à motiver à nouveau ceux qui veulent voir notre pays redémarrer et sa compétitivité améliorée, sans laisser personne sur le bord de la route.

Notre proposition me semble donc vraiment équilibrée. Elle sert à la fois la justice, l'ensemble des catégories de Français, et permet non seulement la relance de la compétitivité, mais aussi le redémarrage de la croissance, au moins d'ici à l'année prochaine.

M. le président. La parole est à M. Dominique Braye, pour explication de vote sur l'amendement n° I-198.

M. Dominique Braye. Le groupe UMP soutiendra l'initiative du Gouvernement. Manifestement, mon ami Denis Badré ne m'a pas convaincu.

M. Denis Badré. J'ai donc été mauvais ! (Sourires.)

M. Dominique Braye. Pourquoi 1,7 % ? Pourquoi pas 1,6 % ou 1,8 % ? J'avoue ne pas bien comprendre !

M. Denis Badré. Parce que c'est exactement l'augmentation de la taxe sur le gazole !

M. Dominique Braye. Par ailleurs, le Gouvernement est à mon avis tout à fait conscient du fait que ce n'est pas en diminuant l'impôt systématiquement qu'il deviendra forcément populaire. Je ne pense pas du tout que c'est à ce niveau-là que le Gouvernement se situe.

Au demeurant, les élus connaissent des impopularités fort différentes. Certaines sont même très positives, lorsqu'ils font preuve de courage en prenant des mesures impopulaires, mais dans l'intérêt du pays.

Que font-ils, d'ailleurs, sinon leur devoir ? Quel grand homme d'Etat n'a pas été impopulaire quand il a pris certaines décisions ? Aucun ! Quant à l'impopularité qui consiste tout simplement à ne rien faire, c'est un autre problème, et c'est justement cet écueil que veut éviter le Gouvernement.

Le groupe UMP défend la position du Gouvernement, qu'il considère comme un message de confiance et de reconnaissance adressé aux Français. La diminution de l'impôt sur le revenu n'est pas une mesure prise individuellement. Avec la revalorisation de la prime pour l'emploi, le contrat initiative-emploi, le revenu minimum d'activité et l'augmentation sans précédent du SMIC, la baisse de l'impôt sur le revenu s'inscri, dans une démarche fondamentale de revalorisation du travail qui guide manifestement le Gouvernement.

Le Gouvernement entend donc réhabiliter le travail, parce que la lutte contre le chômage passe par la création d'emplois. Il souhaite rendre aux Français une part du fruit de leur travail qui leur a été, trop longtemps et trop souvent, injustement prélevée. Il croit aussi à la nécessité d'encourager sans attendre le travail et tous ceux qui prennent le risque d'entreprendre, et donc de créer des emplois. Par ailleurs, il estime urgent d'offrir aux Français les plus entreprenants un environnement fiscal et social attractif dans un monde de plus en plus ouvert et compétitif qui incite certains d'entre eux à quitter la France.

Mes chers collègues, permettez-moi, à ce stade de mon exposé, d'attirer votre attention sur le fait que, actuellement, l'Europe compte 920 000 chercheurs, alors que 400 000 chercheurs européens travaillent aux Etats-Unis. Ainsi plus de 40 % de notre capital de recherche s'est-il expatrié. Nous n'avons pas été capables de retenir ces chercheurs quand les Etats-Unis ont su les attirer.

M. Thierry Foucaud. Il faut augmenter les salaires !

M. Paul Loridant. Il faut augmenter les crédits du CNRS !

M. Dominique Braye. Or, je tiens à le rappeler, nombre de ces chercheurs ont été formés grâce à l'argent des contribuables français.

Nous ne pouvons qu'être d'accord avec M. le Premier ministre lorsqu'il déclare que nos concitoyens, notamment les moins fortunés, ne supportent plus que les fruits de leurs efforts leur rapportent à peine plus que les revenus d'assistance que perçoivent leurs voisins. C'est justement pour casser cette injustice que le Gouvernement propose de baisser les impôts.

Il faut récompenser le travail. (Mme Marie-Claude Beaudeau s'exclame.) Oui, madame Beaudeau, nous souhaitons réhabiliter le travail, et non pas l'impôt !

Mme Marie-Claude Beaudeau. Pour l'instant, c'est l'Etat qui paye, pas les patrons !

M. Dominique Braye. L'objectif est clairement défini : le travail doit être mieux payé. C'est la raison pour laquelle nous soutenons le Gouvernement.

Mme Marie-Claude Beaudeau. Demandez à vos amis du MEDEF d'augmenter les salaires ! Il faut déjà augmenter le SMIC !

M. Dominique Braye. Cette réforme d'envergure s'inscrit dans la durée.

Dans le projet de loi de finances pour 2004, 2,8 milliards d'euros sont consacrés à de nouveaux allégements d'impôts, pour valoriser le travail et l'initiative, dont 1,8 milliard d'euros destiné à la poursuite de la baisse de l'impôt sur le revenu. Cette baisse n'est crédible, je le répète, que parce qu'elle s'inscrit dans la durée.

Aux deux mesures successives d'allégement de l'impôt sur le revenu mises en oeuvre en août 2002, puis en 2003, s'ajoute une nouvelle baisse de 3 % pour 2004.

Mme Marie-Claude Beaudeau. Mais pour quoi faire ? Cela ne sert à rien !

M. Dominique Braye. Je ne comprends pas ce qui conduit Denis Badré à s'opposer à une baisse de l'impôt sur le revenu qui a été acceptée les années précédentes.

Depuis le début de la législature, la nouvelle majorité aura réduit de 10 % le poids de cet impôt,...

M. Philippe Marini, rapporteur général. Ce n'est pas rien !

M. Claude Estier. Cela a servi à quoi ?

M. Dominique Braye. ... compte tenu de toutes les autres mesures d'allégement votées depuis 2002 Voilà ce que je voulais rappeler, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Jean Chérioux, pour explication de vote.

M. Jean Chérioux. A l'évidence, si le budget est avant tout un acte financier, c'est aussi un acte économique. Or, sur le plan économique, comme vient de le démontrer très justement M. Dominique Braye, indiscutablement, la France est surchargée d'impôts. Il est donc nécessaire de les réduire sous peine de se retrouver dans la situation de la Grande-Bretagne au lendemain de la guerre : la politique menée par le gouvernement travailliste avait entraîné une hémorragie de cerveaux vers les Etats-Unis. Le risque, c'est que nous n'arrivions pas à conserver sur notre territoire des gens intelligents, des gens productifs, des gens qui inventent.

Cela dit, je voulais, surtout réagir aux propos de notre excellent collègue Denis Badré, qui a évoqué très justement l'importance de l'aspect psychologique. Je suis d'accord avec lui sauf sur un point : pour le Français moyen, l'aspect psychologique ne se situe pas au niveau de nos débats, et son souci premier n'est pas l'importance du déficit. Il a une vision plus pragmatique des choses, et ses problèmes sont d'ordre quotidien.

L'un des problèmes du Français moyen tient à sa déclaration de revenus et au paiement de ses impôts, et le plus dur pour lui, c'est de reverser une grande partie de ce qu'il a eu tant de mal à gagner. Par conséquent, le signal qui est donné doit être fort.

Vous proposez, monsieur Badré, de limiter la baisse de l'impôt sur le revenu à 1,7 %. Pour ma part, je crois que plus le signal sera fort, mieux cela vaudra.

En revanche, vous établissez un parallèle avec le problème du gazole. A l'évidence, c'est à la pompe, au moment où ils rempliront le réservoir de leur voiture, que les Français vont se poser le problème, ce n'est pas au moment où leur sera annoncée une hausse de la TIPP. L'incidence des variations de l'euro sur le prix du pétrole brut est telle que cette hausse ne sera pas réellement perçue.

Dès lors, ce que retiendront les Français, c'est que nous poursuivons l'effort considérable déjà consenti en matière de réduction des impôts, et c'est pourquoi vous auriez à mon avis intérêt à nous rejoindre, monsieur Badré.

Vous avez également soulevé le problème de l'efficacité économique.

A cet égard, vous aimeriez, dites-vous, avoir des exemples. Je vous en donnerai un : entre 1986 et 1988, l'effort de baisse des impôts réalisé par le gouvernement Chirac, alors que M. Balladur était ministre d'Etat a été évident. A cette époque, les rentrées fiscales ont augmenté. Les propos de François Mitterrand lui-même lors de la campagne présidentielle de 1988 en témoignent : il affirmait en effet que le taux de prélèvement n'avait jamais été aussi élevé. Pourquoi ? Ce n'était pas parce qu'on avait augmenté les impôts, c'était parce que la France était plus prospère grâce à ces baisses d'impôt et que les rentrées fiscales étaient alors considérables. Ce qui a été vrai entre 1986 et 1988 sera vrai demain !

M. Claude Estier. Vous avez été battus, en 1988 !

M. Jean Chérioux. Ce n'est pas le problème ! C'est la France qui compte !

M. Philippe Marini, rapporteur général. On a tous été battus un jour ; c'est le jeu de la démocratie !

M. le président. La parole est à M. Paul Loridant, pour explication de vote.

M. Paul Loridant. Je souhaite d'abord rappeler qu'il s'agit d'un amendement de M. Mercier.

M. Denis Badré. Et du groupe de l'Union centriste !

M. Paul Loridant. Bien évidemment. Je souhaite également rappeler le contexte. En effet, M. Mercier, outre ses fonctions de sénateur et de président du conseil général du département du Rhône, est surtout le rapporteur spécial de la commission des finances pour les crédits de la décentralisation, et il est longuement intervenu lors de la discussion du projet de loi de décentralisation, récemment.

Bref, monsieur le ministre, nous avons bien saisi toutes les nuances des propos que vous avez adressés à M. Badré. Mais il existe une théorie scientifique des illusions d'optique à laquelle je vous renvoie et qui peut s'appliquer, notamment, dans les domaines de la psychologie, de la physiologie...

M. Dominique Braye Et de l'idéologie !

M. Paul Loridant. Oui, monsieur le ministre, on peut baisser l'impôt sur le revenu en évoquant les promesses du candidat Chirac à la Présidence de la République. Oui, vous pouvez nous dire qu'il s'agit de la reconduction de ce qui a été fait jusqu'à présent. Mais, quand on met bout à bout les mesures fiscales contenues dans ce projet de loi de finances pour 2004 et les lourdes dispositions de la loi relative à la décentralisation que nous venons de voter, qui transfèrent aux collectivités territoriales nombre de charges sans qu'elles aient l'assurance absolue d'un transfert de ressources équivalent - nos concitoyens, qui ne sont pas aussi stupides qu'on veut parfois le laisser croire, et en tout cas les maires, réunis cette semaine en congrès, l'ont bien compris -, on se rend compte que l'ensemble des mesures fiscales qui sont présentées aujourd'hui se traduisent certes, par une baisse de l'impôt sur le revenu, mais aussi par une augmentation inéluctable, à terme, de la fiscalité locale.

M. Max Marest. Attendez 2005 !

M. Paul Loridant. J'ai par conséquent le regret de dire à mes collègues de l'UMP et de la majorité du Sénat que les mesures qu'ils soutiennent sont peu visibles.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Il ne faut donc pas les réduire !

M. Paul Loridant. De grâce, mes chers collègues, ne donnez pas l'impression que tout doit marcher au pas de l'UMP dans cet hémicycle ! Quand nos collègues du groupe de l'Union centriste, notamment MM. Badré et Mercier, ainsi que M. Méhaignerie, président de la commission des finances de l'Assemblée nationale, ont le courage politique de dire qu'il faut peut-être faire une pause dans la baisse des impôts, nous y sommes attentifs : ils ont peut-être raison.

Lors de la présentation de l'amendement n° I-42, j'avais dit que je venais en bon apôtre au secours de MM. Mercier et Badré. (Sourires.)

M. Jean Chérioux. Ils n'en demandent pas tant !

M. Paul Loridant. Ils ont raison ! L'action du Gouvernement n'est pas lisible, et elle est préjudiciable à nos concitoyens.

J'évoquerai la revalorisation du travail. C'est un discours que j'ai tenu au moment de l'élection présidentielle et que je tiens encore. Mes chers collègues, si l'on veut revaloriser le travail, il y a une façon très simple de le faire : ...

Mme Marie-Claude Beaudeau. Il faut payer les salariés !

M. Paul Loridant. ... il suffit d'augmenter les salaires ! (MM. Dominique Braye et Max Marest s'exclament.) Simplement, à ce moment-là, vous voyez bien que l'on fait appel aux patrons, aux dirigeants d'entreprise. Dire que l'on revalorise le travail en adoptant des mesures fiscales qui, on le sait très bien, profitent finalement à ceux qui en ont le moins besoin, c'est-à-dire aux plus nantis, est un vrai problème.

Quant à la question de la recherche, monsieur Braye, j'entends bien ce que vous dites.

M. Dominique Braye. C'est un constat !

M. Paul Loridant. Des chercheurs vont effectivement s'installer dans d'autres pays. Mais, monsieur Braye, regardez les crédits du CNRS et de l'INSERM, regardez la situation des universités, le statut des enseignants-chercheurs.

M. Philippe Marini, rapporteur général. On peut être plus efficace avec moins d'argent !

M. Paul Loridant. Il n'y a plus d'enseignants-chercheurs ! On n'arrive pas à remplacer ceux qui vont partir à la retraite. On peut tenir des discours enflammés sur nos chercheurs qui partent à l'étranger, mais il n'y a plus de postes !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Il faut gérer mieux !

M. Paul Loridant. Dont acte !

Sur cet amendement de M. Mercier et des membres du groupe de l'Union centriste, le groupe CRC demande un scrutin public.

M. le président. La parole est à M. Max Marest, pour explication de vote.

M. Max Marest. Je souhaiterais que M. Loridant qui parle d'« illusion d'optique » change de paire de lunettes ! En effet, puisqu'il établit un parallèle entre la réduction des impôts devant intervenir en 2004 et les prétendues « défausses » de l'Etat sur les collectivités locales, je lui rappelle que les décisions de financement et de mise en pratique de la loi de décentralisation prendront effet à compter du 1er janvier 2005.

M. Paul Loridant. Cela reste à prouver !

M. Max Marest. Je suis désolé, les politiques des collectivités locales et la politique fiscale du Gouvernement n'ont absolument rien à voir ! C'est dans ce rapprochement qu'est l'illusion d'optique !

M. Claude Estier. Et la hausse du gazole ?

M. Max Marest. Le gazole, c'est autre chose !

M. le président. La parole est à M. Pierre Laffitte, pour explication de vote.

M. Pierre Laffitte. Je suis au regret de dire à mon ami Denis Badré, qui a très bien travaillé sur cette question de la fuite des cerveaux, que je ne le suivrai pas dans sa démonstration. En effet, le Gouvernement, après avoir annoncé une diminution de l'impôt sur le revenu de 3 %, se déconsidérerait en acceptant de la ramener à 1,7 %. Une diminution de 3 %, n'est pas énorme, mais elle s'inscrit dans une continuité, tout en restant relativement visible !

Les autres mesures de ce budget, et plus particulièrement celles qui concernent les sociétés innovantes, l'augmentation considérable du crédit d'impôt-recherche, participent d'une dynamique que M. Badré ne saurait récuser. C'est précisément cette dynamique qui, à mon avis, peut nous aider à ramener vers la France et l'Europe un certain nombre de nos expatriés qui contribuent effectivement de façon considérable au financement, par les pays européens et asiatiques, de la puissance américaine. Le fond du problème est là, et je pense que nous aurons, dans cette assemblée, l'occasion de débattre à nouveau de ce sujet.

Pour ce qui me concerne, et je crois que la majorité de mon groupe fera de même, je voterai contre l'amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-198.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)


M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 94 :

Nombre de votants319
Nombre de suffrages exprimés319
Pour142
Contre177

M. Paul Loridant. Hélas !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-40.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-41.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Claude Beaudeau, pour explication de vote sur l'amendement n° I-43.

Mme Marie-Claude Beaudeau. Mon amendement vise la part supplémentaire pour les contribuables célibataires, les personnes ayant élevé des enfants, les veufs et les veuves. J'avais présenté cet amendement avant que M. le rapporteur général défende son amendement n° I-279. J'estime que mon amendement se trouve satisfait par celui de la commission et, par conséquent, je le retire.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Je vous en remercie.

M. le président. L'amendement n° I-43 est retiré.

L'amendement n° I-112 est-il maintenu, monsieur Massion ?

M. Marc Massion. Je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° I-112 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° I-279.

(L'amendement est adopté à l'unanimité.)

M. le président. L'amendement n° I-110 est-il maintenu, monsieur Pelletier ?

M. Jacques Pelletier. L'amendement n° I-279, qui vient d'être adopté, va dans le bon sens. Toutefois, il ne va pas aussi loin que je l'aurais souhaité, car je pense que nous devons faire un sort particulier aux veufs et aux veuves, qu'elles soient veuves de guerre ou veuves civiles, qui élèvent seuls des enfants.

Je souhaiterais donc, monsieur le ministre, que le Gouvernement s'intéresse de près au sort de ces millions de personnes qui élèvent seules des enfants avec beaucoup de difficultés.

Cela étant dit, je retire l'amendement n° I-110.

M. le président. L'amendement n° I-110 est retiré.

Monsieur Badré, l'amendement n° I-197 est-il maintenu ?

M. Denis Badré. Je souligne, après mon collègue Jacques Pelletier, que nos amendements vont un peu plus loin que l'amendement n° I-279 de la commission. Toutefois, l'unanimité du vote sur ce dernier, à l'instant, montre notre volonté d'avancer dans le bon sens.

Je souhaite que nous marquions une étape, mais que nous reprenions ce débat lorsqu'il sera possible d'aller un peu plus loin, et je fais confiance au Gouvernement pour nous suivre alors.

Dans cette perspective, je retire donc l'amendement.

M. le président. L'amendement n° I-197 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° I-280.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-277.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 2, modifié.

(L'article 2 est adopté.)