Art. 16
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2004
Art. 18

Article 17

Il est institué, pour 2004, au profit du budget de l'Etat, un prélèvement exceptionnel de 30,5 millions d'euros sur les comités professionnels de développement économique, dont la répartition est fixée comme suit :

NOM DE L'ORGANISME

MONTANT PRÉLEVÉ

(en milliers d'euros)

Comité professionnel de développement de l'horlogerie, de la bijouterie, de la joaillerie et de l'orfèvrerie 829 Comité interprofessionnel de développement des industries du cuir, de la maroquinerie et de la chaussure 1 331 Comité de développement et de promotion du textile et de l'habillement20 803 Comité de développement des industries françaises de l'ameublement 7 537

M. le président. L'amendement n° I-147, présenté par MM. Miquel, Angels, Auban, Charasse, Demerliat, Haut, Lise, Marc, Massion, Moreigne, Sergent et les membres du groupe socialiste et rattachée, est ainsi libellé :

« Supprimer cet article. »

La parole est à M. Claude Haut.

M. Claude Haut. L'article 17 du projet de loi dispose que des prélèvements peuvent être effectués sur les comités professionnels. Il en existe un certain nombre, mais je me bornerai à évoquer le comité de développement et de promotion du textile et de l'habillement, qui va subir un prélèvement de 20 millions d'euros, alors que, chacun le sait, cette filière connaît de grandes difficultés.

Il est manifeste que le Gouvernement cherche de l'argent dans tous les coins, dans tous les fonds de tiroir. Il est extrêmement regrettable que cette quête éperdue se fasse au détriment d'entreprises qui sont déjà en situation délicate. Ces cotisations qui vont être ponctionnées, ce sont autant de sommes qui vont manquer aux entreprises du textile pour mener à bien leur action de restructuration et de modernisation de la filière, notamment dans les territoires lourdement touchés par les mutations industrielles et par la concurrence déloyale des entreprises du textile qui délocalisent leur production dans les pays où ne sont versés que des salaires de misère.

Si le Gouvernement destinait ces fonds au lancement d'un programme de développement du textile, nous pourrions l'accepter, mais il s'agit uniquement pour lui de réduire le déficit du budget, qui est largement creusé par les cadeaux accordés par ailleurs.

C'est pourquoi le groupe socialiste demande au Sénat d'adopter l'amendement n° I-147, qui tend à supprimer l'article 17, afin de laisser les comités professionnels exercer les compétences qui leur ont été dévolues.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Il est faux de dire que les prélèvements proposés sont arbitraires.

D'une part, les réserves que ces organismes de droit privé ont constituées proviennent très majoritairement de fonds publics. D'autre part, ces prélèvements ne sauraient en aucun cas empêcher ces organismes de poursuivre leurs missions.

Il faut être capable de choisir entre deux chemins : soit on est complètement dans le secteur privé, on se finance par des cotisations et c'est de l'argent privé que les cotisants utilisent ensemble pour une finalité commune ; soit on demande la mise en jeu d'une mission de l'Etat, celle de procéder à des prélèvements obligatoires, le produit des prélèvements ainsi opérés ayant alors par définition le caractère de fonds publics et le jour où il faut rendre des comptes on doit accepter que l'Etat régule la trésorerie des organismes correspondants.

Mes chers collègues, il en va exactement de même quand, dans chacune de vos communes, vous demandez, au moment de fixer la subvention d'une association qui dépend de votre commune, la situation de la trésorerie de ladite association, de manière à éviter de financer l'année suivante, grâce à l'argent de vos contribuables, une trésorerie qui serait excessive, voire pléthorique. Ce n'est que de la bonne gestion et cela fait partie de l'exercice normal de nos missions d'élus au service de l'intérêt général.

Comment le Gouvernement et ses services ont-ils procédé pour prélever quelque argent sur les comités professionnels de développement économique, ou CPDE, qui ont été constitués dans différentes professions ?

Tout d'abord, des règles de portée générale ont été définies. La dépense correspondant à trois mois de fonctionnement de chacun des organismes est évaluée. Lorsque apparaît un excédent de trésorerie égal aux réserves totales constatées, diminuées de ce fonds de roulement correspondant à trois mois d'activité, cet excédent est proratisé en fonction de ce que représentait la ressource publique - c'est-à-dire le produit de la taxe parafiscale - dans l'ensemble des ressources perçues par l'organisme.

Il a également été décidé de ne pas opérer de prélèvement si le résultat du calcul que je viens de décrire était inférieur à 100 000 euros.

Ainsi, monsieur le ministre, vous avez accordé une sorte de franchise de 100 000 euros qui s'applique, je le répète, à l'excédent de trésorerie hors fonds de roulement correspondant à trois mois d'activité, et pour la seule part correspondant à l'origine publique des fonds.

Ainsi, un fonds de roulement a priori suffisant est maintenu pour les organismes concernés, qui ne devraient pas se trouver fondés, à condition que ces règles aient été appliquées avec constance et neutralité, à déplorer une ponction sur des fonds d'origine privée puisque, par définition, dans le cadre de ce mécanisme, l'Etat ne réalise une ponction que sur les fonds d'origine publique.

Donc, mes chers collègues, ayant tâché de résumer de façon aussi claire que possible les règles qui ont été appliquées, je crois très sincèrement que l'amendement n° I-147 doit être rejeté.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Alain Lambert, ministre délégué. Les explications très détaillées que M. le rapporteur général a données me permettront d'être bref.

Les auteurs de l'amendement l'ont certainement bien compris, ce prélèvement s'inscrit dans le cadre de la refonte du financement des comités professionnels de développement économique. La suppression des taxes parafiscales doit en effet conduire non seulement à repenser le financement de ces organismes, mais aussi à tirer un bilan du passé.

Entre 90 % et 95 % des recettes des CPDE provenaient des taxes parafiscales. Les comités ont, en moyenne, accumulé un an de charges de fonctionnement en trésorerie, et le prélèvement a pour objectif de restituer à la collectivité le surplus de fonds publics mis à disposition de ces centres. Cela est conforme au droit commun de la dévolution du boni de liquidation des taxes parafiscales.

J'espère qu'il ne vous a pas échappé que le Gouvernement avait inscrit au budget une contribution de 30,5 millions d'euros au profit des CPDE. Dans ces conditions, le prélèvement du même montant est totalement à l'abri de toute critique. Il vise à maintenir pour 2004 la simple neutralité de l'opération.

C'est pourquoi je ne comprends pas bien le sens de cet amendement, dont je souhaite le retrait. A défaut, je proposerai à la Haute Assemblée de le rejeter.

M. le président. L'amendement n° I-147 est-il maintenu ?

M. Gérard Miquel. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-147.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 17.

(L'article 17 est adopté.)

Art. 17
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Art. 18 bis

Article 18

I. - Les articles L. 131-8 à L. 131-11 du code de la sécurité sociale sont abrogés.

II. - Les biens, droits et obligations de l'établissement public dénommé Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale sont transférés à l'Etat le 1er janvier 2004.

M. le président. L'amendement n° I-148, présenté par MM. Miquel, Angels, Auban, Charasse, Demerliat, Haut, Lise, Marc, Massion, Moreigne, Sergent et les membres du groupe socialiste et rattachée, est ainsi libellé :

« Supprimer cet article. »

La parole est à M. Gérard Miquel.

M. Gérard Miquel. L'existence du FOREC a, jusqu'à présent, permis de mieux cerner et de mieux maîtriser les dépenses liées aux allégements de cotisations sociales.

M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est un comble !

M. Gérard Miquel. Sa suppression par l'article 18 du projet de loi de finances, orchestrée pour des motifs budgétaires et alors que le Gouvernement entend poursuivre et amplifier la politique d'allégement de cotisations sans contreparties, serait préjudiciable tant à la transparence qu'à la maîtrise de cette politique.

En effet, si l'on intègre des dépenses, il faut aussi réintégrer des recettes. Et il faudra bien que soit assurée la compensation des allégements dans le budget de l'Etat, comme elle était assurée dans le FOREC.

Nous ne voyons donc pas en quoi la suppression du FOREC peut avoir une incidence directe sur l'équilibre ou le déséquilibre des comptes.

En tout cas, l'existence de réserves, dont le Gouvernement n'indique d'ailleurs pas le montant, suffit à démontrer que l'existence du FOREC n'a pas creusé le déficit.

La clarté serait plus grande si l'on mettait face à face les dépenses liées aux allégements de cotisations et les recettes précises assurant l'équilibre et garantissant la compensation. Nous pensons que vous n'arriverez pas à assumer la totalité des allégements et que, par conséquent, vous reprendrez d'une main aux entreprises ce que vous prétendez leur donner de l'autre, et cela ne renforcera pas leur confiance dans la pratique des allégements.

La suppression du FOREC, que vous prétendez mettre en place pour des raisons de clarté et d'équilibre, va produire le résultat inverse de ce qui était recherché.

Mme Marie-Claude Beaudeau. Tout à fait !

M. Gérard Miquel. Vous n'apportez aujourd'hui aucune garantie quant à la capacité de l'Etat d'assurer la compensation des allégements.

Monsieur le ministre, mes chers collègues de la majorité, vous voulez supprimer le FOREC par souci de transparence, alors que les comptes du FOREC, ses charges et ses produits étaient tout à fait transparents.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Cet avis est nécessairement défavorable, monsieur le président. Nous avons en effet salué comme étant une utile clarification budgétaire la suppression du FOREC, ce « compte de nulle part », qui se trouvait en tout cas en un lieu indistinct entre la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale, cette étrangeté comptable et administrative, d'une complexité inutile, où l'on s'efforçait de confondre des ressources très hétérogènes pour maintenir dans la discrétion le financement des considérables charges pérennes issues de la désastreuse législation Aubry.

Tout cela, mes chers collègues, il est utile de le faire apparaître en pleine lumière grâce à la rebudgétisation, qui est seule conforme aux principes de la loi organique relative aux lois de finances, dont celui qui est aujourd'hui ministre délégué au budget a d'ailleurs été l'un des principaux artisans.

L'avis de la commission ne peut donc qu'être strictement défavorable à cet amendement.

M. Michel Charasse. Ce « strictement » est désagréable ! (Sourires.)

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Alain Lambert, ministre délégué. Je rappelle que la suppression du FOREC correspond à un souhait de la majorité des deux assemblées, émis l'année dernière de manière très légitime. J'ai, à cette occasion, pris, au nom du Gouvernement, l'engagement d'y répondre dans le projet de loi de finances pour 2004. J'espérais recevoir des compliments, y compris du groupe socialiste ! Mais peut-être les explications que je vais donner vont-elles le conduire à réparer cet oubli. (Nouveaux sourires.)

L'existence de ce fonds, qui était chargé de compenser au régime de sécurité sociale les allégements de charges liés aux 35 heures, est l'une des principales sources d'opacité de nos finances publiques, ainsi que le faisait remarquer il y a instant M. le rapporteur général.

Non seulement le FOREC a été mis en place avec retard, vous vous en souvenez, mais il a de surcroît été à l'origine d'une « tuyauterie » de financements très vivement critiquée par les parlementaires et surtout par les partenaires sociaux.

M. Alain Vasselle. Exactement !

M. Alain Lambert, ministre délégué. Entre 2000 et 2002, son équilibre financier n'a pu être assuré qu'au prix de changements incessants d'affectation de ses ressources et d'artifices comptables.

En supprimant le FOREC, nous faisons donc oeuvre de clarté. Nous revenons à une application stricte de la loi de 1994, votée sur proposition de Mme Simone Veil et qui impose à l'Etat de financer intégralement les allégements de charges qu'il décide.

C'est ce qui me conduit, monsieur Miquel, à solliciter de votre part le retrait de cet amendement, ce qui m'épargnerait d'en demander le rejet à la Haute Assemblée.

M. le président. La parole est à M. Marc Massion, pour explication de vote.

M. Marc Massion. En écoutant M. le président de la commission des finances, j'ai eu l'impression que je n'avais pas été clair dans ma dernière intervention car, à aucun moment, je n'ai voulu comparer la loi Robien et la loi Aubry. Ce que j'ai évoqué, c'est le principe de la réduction du temps de travail.

Mes chers collègues, vous avez le droit de critiquer les lois Aubry, mais ce qui est désagréable et sous-jacent dans certaines de vos interventions, c'est que vous semblez nous reprocher d'avoir encouragé la paresse des Français à travers ces lois.

C'est vrai que nous avons mis en place la réduction du temps de travail avec les lois Aubry, mais vous avez soutenu le principe de la même démarche avec la loi Robien.

M. Gérard Miquel. Tout à fait !

M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.

M. Alain Vasselle. Etant rapporteur de la commission des affaires sociales pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, je n'étonnerai personne si je m'exprime sur le FOREC.

Je partage complètement l'analyse et le rappel historique qui ont été faits par M. le ministre sur les changements incessants constatés chaque année pour assurer l'équilibre du FOREC, de même que j'adhère sans réserve aux propos qui ont été tenus par M. le rapporteur général.

En ma qualité de rapporteur, j'ai été associé à des réunions de travail sur ce sujet à l'Assemblée nationale et au Sénat, mais surtout avec les ministres concernés et leurs collaborateurs, et j'ai toujours été un chaud partisan de la clarification des flux financiers entre le budget de l'Etat et celui de la sécurité sociale. Nous avons avancé dans cette clarification et je ne peux que m'en réjouir et m'en féliciter. Le Gouvernement a fait oeuvre utile en la matière.

La commission des affaires sociales avait proposé, en son temps, une alternative simple : soit le maintien du fonds avec un éclatement de ce dernier au profit de chacune des branches de la sécurité sociale, soit sa disparition pure et simple par rebudgétisation.

Je rappellerai tout de même à nos collègues qui affirment que le compte du FOREC se clôturera avec un excédent qu'il ne faut pas oublier que la Caisse d'amortissement de la dette sociale, la CADES, supporte aujourd'hui - et ce n'est pas vous, monsieur le président, qui me contredirez - pas moins de 2,4 milliards d'euros de créances que vous n'aviez pas prévu, mes chers collègues, de faire financer par le FOREC s'agissant des 35 heures !

Je souhaite appeler votre attention, monsieur le ministre, sur le point suivant : en matière de clarification, nous ne sommes pas encore au bout de ce qui est souhaitable. En effet, la rebudgétisation du FOREC se traduit par la réaffectation au budget de l'Etat de l'ensemble des recettes qui avaient été affectées au fonds. Or une partie de ces recettes proviennent de la sécurité sociale. Je souhaiterais donc prendre date aujourd'hui pour que, dès que la conjoncture et le budget de l'Etat le permettront, nous puissions réaffecter à la sécurité sociale les recettes qui avaient été confisquées par vos prédécesseurs au profit des 35 heures.

Si l'on fait le total des sommes qui ont été confisquées à la sécurité sociale, durant les exercices 2001, 2002 et 2003, ce ne sont pas moins de 10 milliards d'euros qui ont été captés par le budget de l'Etat.

C'est la raison pour laquelle il faudra poursuivre cet exercice de clarification, monsieur le ministre, de manière à avoir des comptes clairs et transparents et une véritable lisibilité entre ce qui relève du budget de l'Etat et ce qui relève de la sécurité sociale. Nous éviterons ainsi le mélange des genres et les difficultés que nous rencontrons.

Nous reviendrons sur ce point à l'occasion de l'examen de l'article 25 s'agissant du budget annexe des prestations agricoles et des droits sur les produits du tabac.

Telles sont les remarques que je tenais à faire, mais je ne doute pas de la volonté du Gouvernement de pousuivre cette tâche de clarification des flux financiers. J'espère que la prochaine réforme de la sécurité sociale et de l'assurance maladie et la loi organique seront l'occasion de donner toute la lisibilité et la transparence nécessaires pour que nos concitoyens comprennent bien la répartition des charges selon leur nature. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-148.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 18.

(L'article 18 est adopté.)

Art. 18
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Art. additionnels après l'art. 18 bis (début)

Article 18 bis

Après le quatrième alinéa de l'article L. 247 du livre des procédures fiscales, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les dispositions des troisième et quatrième alinéas sont le cas échéant applicables s'agissant des sommes dues au titre de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 du code général des impôts. » - (Adopté.)

Articles additionnels après l'article 18 bis

Art. 18 bis
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Art. additionnels après l'art. 18 bis (suite)

M. le président. L'amendement n° I-232, présenté par M. Badré et les membres du groupe de l'Union centriste, est ainsi libellé :

« Après l'article 18 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« L'article L. 59 A du livre des procédures fiscales est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Dans ces matières, la commission départementale est également compétente lorsque le désaccord l'incite à se prononcer sur des questions de droit et pas seulement sur des questions de fait. »

L'amendement n° I-230, présenté par M. Badré et les membres du groupe de l'Union centriste, est ainsi libellé :

« Après l'article 18 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« A la fin de l'article L. 59 B du livre des procédures fiscales, il est ajouté un nouvel alinéa ainsi rédigé :

« Dans ces matières, la commission départementale est également compétente lorsque le désaccord l'incite à se prononcer sur des questions de droit et pas seulement sur des questions de fait. »

La parole est à M. Denis Badré, pour défendre ces deux amendements.

M. Denis Badré. Ces amendements sont d'inspiration identique puisqu'il s'agit de faire figurer la même disposition dans deux articles du livre de procédure fiscale.

Ces amendements visent les compétences des commissions départementales des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, dont l'intérêt est connu : elles garantissent le caractère contradictoire des débats et l'égalité des citoyens devant l'impôt. Elles fonctionnent cependant dans des conditions qui sembleraient pouvoir être améliorées et qui, notamment, varient parfois d'un département à un autre.

C'est pourquoi nous souhaiterions, de manière générale, que la délocalisation d'un certain nombre de dossiers puisse être favorisée.

Ces deux amendements ont pour objet d'élargir les compétences de ces commissions pour qu'elles puissent se prononcer sur toutes les questions de fait, susceptibles d'éclairer les questions de droit.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. M. Badré met l'accent sur des aspects procéduraux particulièrement importants.

De nombreux contribuables qui se présentent devant les commissions départementales des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ont de la peine à comprendre les limites de la compétence de ces dernières.

Toutefois, pour faire vraiment évoluer les choses, comme le souhaiteraient les auteurs des amendements, et étendre la compétence desdites commissions aux questions de droit, peut-être faudrait-il modifier substantiellement leur composition, ainsi que leur propre mode de fonctionnement, afin de tenir compte de leur caractère d'instance préjuridictionnelle ou parajuridictionnelle.

Comme vous le savez, l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme impose le respect des règles du procès équitable, notamment l'équilibre des expressions et la non-participation du rapporteur au délibéré. Dès lors, même si l'instance demeure administrative, si elle joue un rôle dans l'arbitrage de questions proprement juridiques et s'il s'agit d'un jalon qui pourra être utilisé dans le procès à proprement parler, toutes ces précautions doivent être prises.

Telle est l'analyse, peut-être incomplète, que la commission a faite sur ce sujet. Mais l'avis du Gouvernement nous éclairera certainement de manière très utile.

Mme le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Alain Lambert, ministre délégué. L'analyse du Gouvernement n'est pas différente de celle du rapporteur général, si ce n'est que cette dernière est plus approfondie que celle dont je vous fais part.

Ces amendements visent à étendre la compétence des commissions départementales des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires aux différends existants entre l'administration et les contribuables concernant des questions de droit.

L'évolution proposée paraît problématique.

Certes, ces commissions jouent un rôle très utile dans les procédures de contrôle fiscal en apportant la vision du représentant de l'entreprise sur les affaires contrôlées par l'administration. Elles émettent des avis qui éclairent les parties sur l'appréciation des circonstances de fait. Ces sujets comportent inévitablement une part de subjectivité.

Pour autant, il n'apparaît pas envisageable au Gouvernement, à ce stade, d'étendre leur compétence actuelle en leur confiant l'examen des questions de droit. Dans ce domaine, il s'agit en effet de procéder à l'examen des fondements juridiques des décisions prises et de s'assurer de la bonne application des textes. Cette mission relève, par nature, du pouvoir du juge, et de lui seul, compte tenu des règles relatives à la séparation des pouvoirs. Il ne me paraît donc pas possible de confier à une commission à caractère non juridictionnel, fut-elle à composition paritaire, de trancher des questions de droit.

Cela étant, dans la pratique, ces commissions sont conduites à porter une appréciation sur des questions qui se trouvent au croisement du droit et de l'appréciation des faits ; il est bien évident que l'administration en tient compte.

Le Gouvernement est, par ailleurs, pleinement conscient de la nécessité de renforcer l'efficacité de ces commissions pour améliorer les garanties au bénéfice du contribuable.

Je suis en mesure de prendre devant vous l'engagement d'aboutir, au cours de l'année à venir, à des avancées concrètes dans ce domaine, se situant dans le droit-fil des propositions figurant dans le rapport du député Jean-Yves Cousin.

Au bénéfice de l'engagement que je viens de prendre, je demande à M. Denis Badré de retirer ses deux amendements.

M. le président. Les amendements sont-ils maintenus, monsieur Badré ?

M. Denis Badré. Je les retire, monsieur le président.

M. le président. Les amendements n°s I-232 et I-230 sont retirés.

Demande de réserve

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je pense qu'il est bon, à ce stade de nos travaux, de prévoir le déroulement de nos prochaines séances.

Nous avons avancé à un bon rythme depuis vendredi après-midi et tout laisse penser que nous serons en situation de voter l'article d'équilibre demain, mercredi, avant le dîner.

Lorsque nous reprendrons nos travaux cet après-midi, monsieur le président, sans doute à quinze heures, nous disposerons d'une petite heure, jusqu'à seize heures, pour poursuivre la discussion des articles.

A seize heures, s'ouvrira le débat sur les recettes des collectivités locales. Après ce débat, dont la durée prévue est de trois heures, nous procéderons à l'examen des articles 30 à 40. Si nous ne parvenons pas à achever l'examen de ces derniers ce soir, nous pourrons le reprendre demain.

Toutefois, en début de matinée demain, nous commencerons nos travaux par l'examen des dispositions relatives à la participation de la France au budget des Communautés européennes. C'est donc en fin de matinée, éventuellement, et l'après-midi que nous poursuivrons l'examen des quelques articles restant en discussion sur les recettes des collectivités locales.

Pour la cohérence des débats et en application de l'article 44 du règlement du Sénat, je demande la réserve sur les articles 25 et 24, dans l'ordre que je viens d'indiquer.

L'article 25 est relatif au financement du budget annexe des prestations sociales agricoles et l'article 24, tirant les conséquences de la suppression du FOREC, vise la réaffectation des ressources de ce fonds.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de réserve ?

M. Alain Lambert, ministre délégué. Avis favorable.

M. le président. La réserve est ordonnée.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Jean-Claude Gaudin.)

PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi de finances pour 2004, adopté par l'Assemblée nationale.

Dans la discussion des articles de la première partie, nous avons commencé l'examen des amendements tendant à insérer des articles additionnels après l'article 18 bis, et nous en sommes parvenus à l'amendement n° I-234.

Articles additionnels après l'article 18 bis (suite)

Art. additionnels après l'art. 18 bis (début)
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Art. 19

M. le président. L'amendement n° I-234, présenté par M. Badré et les membres du groupe de l'Union centriste, est ainsi libellé :

« Après l'article 18 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Le 2° de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales est ainsi rédigé :

« Lorsque l'administration n'a pas répondu dans un délai de trois mois à la sollicitation d'un redevable de bonne foi ayant notifié à celle-ci sa demande de conformité de situation de fait ou de droit avec les textes fiscaux, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement d'impôts envers ce redevable ou soutenir une interprétation des textes différente.

« La notification doit être préalable à l'opération en cause et effectuée à partir d'une présentation écrite précise et complète de la situation de fait.

« Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions d'application du présent 2° , dont le contenu, le lieu de dépôt ainsi que les modalités selon lesquelles l'administration accuse réception de ces notifications. »

La parole est à M. Denis Badré.

M. Denis Badré. La complexité croissante, que personne ne peut nier, de notre réglementation fiscale génère souvent des incertitudes - il faut en effet avoir compris pour savoir - mais elle produit aussi beaucoup d'insécurité.

Dans ce contexte, il est proposé d'accroître les possibilités de recours au rescrit, procédure selon laquelle, au-delà du délai de réponse prévu, le silence des services de l'administration vaut acceptation.

Selon nous, cette procédure est de nature à garantir plus de sécurité aux contribuables.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission est intéressée par cette démarche, car on se rapprocherait d'une vraie procédure de rescrit fiscal. Une telle procédure va manifestement dans le sens de la sécurité juridique et fiscale et d'une bonne information des contribuables.

La commission souhaiterait entendre l'avis du Gouvernement sur ce sujet, en espérant qu'il nous ménage quelques ouvertures et nous donne des raisons d'espérer.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Alain Lambert, ministre délégué. Il s'agit en effet d'un sujet important qui va sans doute connaître des évolutions fructueuses dans l'avenir.

M. Denis Badré propose d'étendre à l'ensemble de l'administration fiscale le délai de réponse de trois mois prévu pour le traitement des demandes des contribuables.

Dans l'état actuel des choses, il n'est pas possible de souscrire à cette proposition. En effet, un dispositif prévoyant un accord tacite à l'expiration d'un délai aussi bref que celui qui est prévu ne peut fonctionner de manière satisfaisante que s'il s'applique à un nombre limité de situations fiscales.

Une extension à l'ensemble des procédures ne permettrait pas aux services fiscaux de procéder à l'examen sérieux de chaque demande. Certains contribuables, qui ne seraient pas nécessairement les plus vertueux, bénéficieraient ainsi de régimes fiscaux avantageux alors que les conditions légales imposées par le législateur ne seraient pas satisfaites.

A ce stade, il est impossible de prendre un tel risque. C'est pourquoi le Gouvernement privilégie l'extension ponctuelle du dispositif à certains régimes fiscaux déterminés.

Ainsi, la loi relative au mécénat et aux associations a tout récemment permis aux associations de s'assurer auprès de l'administration qu'elles remplissent les conditions requises pour recevoir des dons ouvrant droit à réduction d'impôt. Le projet de loi de finances pour 2004 prévoit une mesure similaire en faveur des jeunes entreprises innovantes. Il faut continuer dans cette voie. Des pistes ont d'ailleurs été ouvertes dans le rapport présenté par le député Jean-Yves Cousin.

Monsieur Badré, je m'engage à travailler d'une manière approfondie sur ce sujet pour que nous puissions trouver des solutions sans pour autant affaiblir le contrôle fiscal nécessaire à l'égalité de tous les citoyens devant l'impôt.

Sous le bénéfice de cet engagement, je souhaite que vous retiriez votre amendement pour ne pas avoir à en demander le rejet.

M. le président. Monsieur Badré, l'amendement n° I-234 est-il maintenu ?

M. Denis Badré. M. le rapporteur général souhaitait que M. le ministre me donne des raisons d'espérer. Une toute petite raison m'ayant été apportée, je vais retirer cet amendement.

Mais, monsieur le ministre, j'insiste pour que vous puissiez avancer dans le sens de ma proposition, dans la mesure où la sécurité juridique est l'une des conditions indispensables du consentement à l'impôt, principe auquel nous sommes très attachés.

M. le président. L'amendement n° I-234 est retiré.

M. Michel Charasse. Je le reprends, monsieur le président.

M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° I-234 rectifié.

La parole est à M. Michel Charasse, pour le présenter.

M. Michel Charasse. Je veux ajouter un commentaire sur cet amendement.

L'idée de M. Badré, que la commission a appréciée, n'est pas mauvaise : quand on est au ministère du budget, on est gêné quelquefois de constater que l'administration ne répond pas.

Le dispositif proposé par M. Badré mérite cependant d'être réétudié.

Mon cher collègue, vous écrivez dans votre amendement : « lorsque l'administration n'a pas répondu dans un délai de trois mois ». Mais il faut d'abord prévoir le cas où le contribuable fait valoir de nouveaux arguments, en particulier juridiques, qui nécessitent un délai supplémentaire d'étude et de réflexion, voire des investigations complémentaires !

La notification doit, en outre, se faire par lettre recommandée. Le texte est rédigé de telle manière que, si l'inspecteur des impôts ou le contrôleur de base ne veut pas entrer dans des considérations nouvelles, la loi lui imposant un délai de trois mois, il répondra par la négative, et le dossier sera traité de manière expéditive alors qu'il mérite peut-être une investigation approfondie. L'administration ayant notifié par facilité un refus dans les trois mois s'estimera ainsi débarrassée par une réponse négative de pur réflexe.

Par conséquent, compte tenu de ce qu'a dit Alain Lambert, et du fait que l'on doit sortir de cette situation où l'administration ne répond pas, ce qui est ressenti de façon extrêmement désagréable par le contribuable, il nous faut trouver un système - et ce n'est pas facile -, pour faire en sorte que l'administration soit tenue de répondre au bout d'un certain délai, sans que pour autant cela favorise les personnes de mauvaise foi ou les procéduriers que nous connaissons bien et qui, généralement, sont milliardaires.

Par conséquent, monsieur le président, je retire l'amendement après l'avoir repris, mais je tenais à verser ces éléments au débat afin qu'ils enrichissent modestement les réflexions qui seront conduites, comme M. le ministre l'a indiqué.

M. le président. L'amendement n° I-234 rectifié est retiré.

L'amendement n° I-235 rectifié, présenté par M. Badré et les membres du groupe de l'Union centriste, est ainsi libellé :

« I - Après l'article 18 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Le dernier alinéa de l'article 1727 du code général des impôts est ainsi rédigé :

« Le taux de l'intérêt de retard tend à se rapprocher progressivement du taux légal majoré de 2 % dans un délai de cinq ans.

« II - Les pertes de recettes résultant du I sont compensées, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »

La parole est à M. Denis Badré.

M. Denis Badré. Cet amendement concerne le taux de l'intérêt de retard qui, actuellement de 0,75 % par mois, c'est-à-dire de 9 % l'an, semble démesuré par rapport à la nature de cet intérêt et lui donne l'allure d'une sanction qu'il n'est au demeurant pas et qu'il ne doit pas être. D'ailleurs, si c'était une sanction, les services de l'administration fiscale seraient obligés d'en motiver l'application, ce qui n'est pas le cas pour l'instant et ne serait bon, à mon sens, pour personne.

C'est pourquoi nous pensons qu'il conviendrait d'abaisser le taux de l'intérêt de retard en le rapprochant de celui des intérêts moratoires, autrement dit d'adopter le taux légal.

Notre amendement dispose : « Le taux de l'intérêt de retard tend à se rapprocher progressivement du taux légal majoré de 2 % dans un délai de cinq ans ».

Nous essayons de prendre en compte, là aussi, la réalité de la situation actuelle mais, en même temps, de montrer que nous souhaitons la moraliser en affichant clairement que l'intérêt de retard n'est pas une sanction.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Depuis de nombreuses années, la commission est particulièrement sensible à ce sujet des intérêts de retard.

Il nous est arrivé de défendre, lors de l'examen de lois de finances antérieures, l'idée selon laquelle il fallait trouver une formule qui permette de fixer le taux des intérêts de retard en fonction d'un taux de marché, tout en maintenant un écart suffisant pour que les débiteurs ne fassent pas de l'optimisation financière au détriment du Trésor. Depuis de très nombreuses années, vous le savez, monsieur le ministre, nous critiquons le taux de 9 % par an, tout à fait excessif au regard de la réalité financière d'aujourd'hui.

Nous savons aussi que l'abaissement de ce taux, qui représente un enjeu budgétaire considérable, est probablement hors de portée dans l'immédiat.

Toutefois, nos collègues députés ont réalisé une avancée significative que je voudrais saluer. Grâce à l'initiative de MM. Gilles Carrez et Jean-Yves Cousin, il sera possible de transiger sur le montant des intérêts de retard et de faire remise gracieuse d'une fraction au moins des sommes dues à ce titre.

C'est dire, à la suite de ce rappel et de ce coup de chapeau à l'Assemblée nationale, que la commission des finances apprécie l'analyse de Denis Badré. Le moment n'est sans doute pas venu d'aller beaucoup plus loin que ce qui a déjà été réalisé à l'Assemblée nationale cette année.

De ce fait, et donc pour des raisons strictement budgétaires, nous souhaitons le retrait de cet amendement. Mais, avant de valider cette demande de retrait, une bonne surprise étant toujours possible, la commission souhaiterait connaître l'avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Alain Lambert, ministre délégué. Ce sujet de l'intérêt de retard a en effet été évoqué à l'Assemblée nationale, qui a adopté, avec l'accord du Gouvernement, un amendement permettant d'accorder une remise de l'intérêt de retard ou de l'inclure dans une transaction.

Nous avons donc avancé tout en étant conscients, monsieur le rapporteur général, et cher Denis Badré, de ne pas avoir atteint totalement l'objectif visé.

A ce stade, il ne nous est pas possible d'aller au-delà, compte tenu des enjeux budgétaires inhérents à ce sujet, puisque un point de taux d'intérêt représente tout de même 130 millions d'euros. Le coût de cette disposition est donc extrêmement lourd. Cela dit, j'ai bien compris votre objectif. Il nous faut travailler ensemble et progresser chaque année sur ce sujet.

Sous le bénéfice de ces observations, je remercie donc par avance M. Badré de bien vouloir retirer son amendement.

M. le président. L'amendement n° I-235 rectifié est-il maintenu, monsieur Badré ?

M. Denis Badré. C'est bien parce que je suis conscient des difficultés auxquelles nous nous heurtons et du coût de l'opération que mon amendement prévoyait un objectif à échéance de cinq ans. Vous admettrez avec moi que cet objectif est raisonnable et qu'il est nécessaire de l'atteindre si nous voulons sortir d'une situation où l'intérêt de retard est perçu comme une sanction.

Cela dit, je retire l'amendement.

M. le président. L'amendement n° I-235 est retiré.

M. Paul Loridant. Je le reprends, monsieur le président.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Excellente initiative ! (Sourires.)

M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° I-235 rectifié bis.

La parole est à M. Paul Loridant, pour le présenter.

M. Paul Loridant. L'amendement de M. Badré est excellent.

Le taux d'intérêt légal est un taux de marché. Sauf erreur de ma part, il a été décidé, grâce à un amendement que j'avais déposé sur une loi de finances antérieure qu'il s'agirait de la moyenne pondérée du taux d'émission des bons du Trésor à sept semaines.

Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, puisque, le Gouvernement n'a de cesse de prôner les taux de marché en tous domaines et de mettre en cause les taux administrés, je ne comprends pas pourquoi, aujourd'hui, on nous dit qu'il est impossible de recourir à un taux de marché majoré de deux points pour ôter tout caractère de sanction à l'intérêt de retard.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Parce que cela coûterait trop cher !

M. Paul Loridant. J'ai cru comprendre qu'il y avait des enjeux budgétaires, ce qui nous laisse penser que de nombreux redressements fiscaux sont en cours...

En tout état de cause, cet amendement me paraît très intéressant et je vous indique par avance que je ne le retirerai pas, monsieur le président. (Sourires.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-235 rectifié bis.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° I-149 rectifié, présenté par MM. Charasse, Miquel, Massion, Moreigne, Sergent, Demerliat, Lise, Haut, Marc, Angels, Auban et les membres du groupe socialiste et rattachée, est ainsi libellé :

« Après l'article 18 bis insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« L'article 1727 du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L'intérêt de retard institué par le présent article, qui a le caractère d'une indemnité forfaitaire dont le montant est fixé par la loi, vise à réparer le préjudice subi par le Trésor public en raison du non-respect par le contribuable de ses obligations en matière de déclaration et de paiement de l'impôt aux dates légales. Il ne constitue pas une sanction et n'a donc pas à être motivé par l'administration, nul n'étant censé ignorer la loi. »

La parole est à M. Michel Charasse.

M. Michel Charasse. Cet amendement concerne aussi l'intérêt de retard, déjà visé dans l'amendement n° I-235 rectifié de M. Badré ; toutefois, il concerne non pas le taux de cet intérêt mais sa nature.

Comme l'a très bien dit avant moi M. Badré, l'intérêt de retard n'est pas une sanction. Le Conseil d'Etat et la Cour de cassation l'ont confirmé à plusieurs reprises, pour la Cour de cassation, le dernier arrêt date du 9 octobre 2001 et, pour le Conseil d'Etat, du 12 avril 2002.

Cela n'a pas empêché le tribunal de grande instance de Paris de décider arbitrairement, le 6 mars 2003, qu'il s'agissait d'une sanction et, par conséquent, de moduler le taux de l'intérêt de retard en estimant qu'il était trop élevé.

On peut toujours, monsieur Loridant, discuter sur le taux, mais, en l'occurrence, le juge entre dans un domaine qui ne le concerne pas. Même si l'on peut espérer qu'en appel puis en cassation les cours confirmeront leur position, il n'empêche que le jugement est exécutoire, l'appel au civil n'étant pas suspensif, et que par conséquent l'Etat ne peut recouvrer les sommes qui lui sont dues.

Or, mes chers collègues - et c'est pour cela que la fixation du taux n'est pas si facile -, l'intérêt de retard correspond non seulement à l'intérêt de l'argent que le contribuable conserve et ne verse pas au Trésor public, mais aussi aux frais administratifs, qui sont énormes quand il faut relancer, re-relancer, surrelancer un contribuable !

Cet amendement n° I-149 rectifié vise tout simplement, monsieur le président, à éviter qu'il reprenne l'envie à un tribunal civil d'étendre à l'excès son champ de compétences dans le domaine fiscal, qui est autonome et n'est pas le domaine pénal.

Même si le Conseil constitutionnel a pu décider que les sanctions fiscales pouvaient bénéficier des dispositions sur la non-rétroactivité en vertu du principe défini par la déclaration de 1789, il n'empêche que ce ne sont pas des sanctions au sens pénal du terme.

Ce que prévoit l'amendement n° I-149 rectifié est très simple. Il y est d'abord rappelé que l'intérêt de retard a le caractère d'une indemnité forfaitaire. A ce propos, on a sans doute tort, monsieur le ministre, de le qualifier d'« intérêt de retard », puisque cela va bien au-delà. Je me souviens d'ailleurs d'une très bonne intervention qui avait été faite sur ce sujet par M. le ministre délégué lorsqu'il était président ou rapporteur général de la commission des finances du Sénat.

Il s'était lui-même étonné du taux qui, au-delà du simple préjudice de trésorerie de l'Etat, couvre également, je le répète, les frais de l'administration.

Mais je reprends le texte de l'amendement « L'intérêt de retard (...), qui a le caractère d'une indemnité forfaitaire dont le montant est fixé par la loi - il n'est donc pas fixé par le juge - vise à réparer le préjudice subi par le Trésor public en raison de non-respect par le contribuable de ses obligations (...). Il ne constitue pas une sanction et n'a donc pas à être motivé par l'administration, nul n'étant censé ignorer la loi. » C'est donc clair.

L'amendement n° I-149 rectifié a donc pour principal objet de mettre l'administration à l'abri des incursions des juges de l'ordre judiciaire, qui doivent savoir qu'il est des matières dans lesquelles ils n'ont pas compétence. En particulier ce qui touche à l'impôt, excepté en matière de fraude fiscale - mais là, les choses sont très claires - ne regarde pas le juge judiciaire !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Il n'est pas enthousiaste, monsieur le président.

M. Michel Charasse. M. le rapporteur général aime les juges !

M. Philippe Marini, rapporteur général. En effet, certains veulent mettre l'administration à l'abri, d'autres veulent mettre le contribuable à l'abri.

J'ai suivi avec une attention toute particulière l'argumentation qui vient d'être présentée par notre collègue Michel Charasse. Il est vrai que, jusqu'à l'adoption de l'amendement Cousin-Carrez, les intérêts de retard qui compensaient les frais engagés par l'administration avaient un caractère forfaitaire et en aucun cas celui d'une sanction. Mais, au fil du temps, les faits se sont écartés du droit. Avec un taux de 9 % par an, on ne peut plus sérieusement prétendre que les intérêts de retard sont la simple compensation de frais majorés d'une marge qui serait de nature à éviter qu'un débiteur fasse en quelque sorte de l'optimisation grâce au crédit de l'Etat.

M. Paul Loridant. Il fallait voter notre amendement !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Dès lors que la divergence s'est approfondie entre le coût de l'argent, le niveau des taux de marché et les 9 % en question, il est devenu de plus en plus difficile de soutenir la thèse juridiquement orthodoxe et correcte qui vient d'être rappelée par Michel Charasse.

De ce fait, il faut en sortir et, au moins à titre transitoire, en attendant que de nouvelles marges de manoeuvre budgétaires permettent d'abaisser le taux des intérêts de retard, il faut admettre que les montants exigés à ce titre fassent l'objet de remises gracieuses, de transactions fiscales et que le juge puisse, le cas échéant, en tirer les conséquences.

Le vote intervenu à l'Assemblée nationale conduit à modifier la nature des intérêts de retard, en attendant de trouver, grâce à des moyens budgétaires adéquats, un régime beaucoup plus satisfaisant.

Telle est, mes chers collègues, l'analyse qui a pu être faite par la commission des finances et qui nous conduit à émettre un avis défavorable sur la proposition de notre excellent collègue Michel Charasse.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Alain Lambert, ministre délégué. Je pense pouvoir rassurer Michel Charasse en lui disant que l'arrêt du tribunal de grande instance évoqué est tout à fait isolé. Toutes les cours d'appel ont fait leur la jurisprudence de la Cour de cassation qui, dans un arrêt du 9 octobre 2001, a jugé que l'intérêt de retard ne constituait pas une sanction et n'avait donc pas à être motivé.

Dans ces conditions, le débat juridique est clos et il n'y a plus matière à légiférer. C'est ce qui me conduit à émettre un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.

M. Michel Charasse. Dans cette affaire, je voudrais dire au rapporteur général que le débat sur la qualification de l'intérêt de retard est totalement indépendant du taux. Certes, je ne suis pas loin de penser que le taux de 9 % est trop élevé - on peut toujours le baisser -, mais il n'empêche, mes chers collègues, que nous devons faire attention.

D'abord, quel que soit le taux, comme l'a dit le rapporteur général, la transaction est toujours possible, c'est-à-dire que l'administration a toujours la possibilité de réduire le montant réclamé au titre de l'intérêt de retard.

Mais, monsieur le rapporteur général, si vous ne qualifiez pas clairement l'intérêt de retard, même s'il est ramené au taux évoqué par M. Paul Loridant et que souhaitait M. Denis Badré, vous trouverez toujours un juge judiciaire qui s'estimera en droit d'apprécier lui-même le préjudice du Trésor. Or le jugement du tribunal de grande instance du 6 mars 2003 constitue tout de même un coup d'épée porté dans un domaine qui ne regarde pas le juge.

Nous sommes pour l'instant à l'abri grâce à une jurisprudence de la Cour de cassation, mais vous savez comme moi que cette dernière a tendance à interpréter le droit au-delà de ce qui est tolérable - je n'entre pas dans les détails mais je pourrais citer des exemples - et à étendre constamment les pouvoirs du juge en élargissant leur champ de compétence au-delà de la loi.

Je ne trouve pour ma part absolument pas supportable que la Cour de cassation, demain, soit éventuellement saisie d'un appel et d'une cassation sur ce jugement et amenée, le cas échéant, à changer de position. En effet, vous le savez, la jurisprudence peut changer et, compte tenu de la composition actuelle de la Cour de cassation, permettez-moi d'émettre les plus grands doutes.

Par conséquent, monsieur le ministre, cet amendement vise à mettre le Trésor public à l'abri de tout risque. Sans doute une meilleure rédaction peut-elle être trouvée, mais je voudrais en tout cas que nous arrivions à clarifier la question en disant que c'est un préjudice qualifié dont le montant est fixé par la loi.

Là encore, je ne parle pas du taux que l'on peut toujours baisser et le droit de transaction de l'administration n'est bien entendu pas remis en cause.

Monsieur le ministre, cher Alain Lambert, vous n'êtes à l'abri de rien avec ces gens-là. Leur souhait, c'est d'étendre constamment leur champ de compétence, notamment en matière fiscale puisque c'est l'une des revendications très anciennes du corps judiciaire.

Par conséquent, monsieur le président, telles sont les raisons pour lesquelles je ne retire pas cet amendement, non que nous soyons particulièrement fiers de sa rédaction, mais sur le plan des principes.

J'ajoute pour conclure, le jugement n'étant pas suspensif, que le Trésor public ne peut toujours pas recouvrer ses droits dans cette affaire et que, par conséquent, le Trésor continue à être lesé.

M. le président. La parole est à M. Paul Loridant, pour explication de vote.

M. Paul Loridant. J'avoue que j'ai été troublé par l'argumentation de M. le rapporteur général. En effet, il reconnaît que le taux de 9 % est beaucoup trop élevé eu égard à la situation des marchés aujourd'hui, mais il a toutefois émis un avis défavorable sur l'amendement de M. Badré, qui avait pourtant la vertu de définir le taux d'intérêt de retard au taux d'intérêt légal majoré de deux points, devenant de fait un taux de marché qui permettait de combattre les opportunités.

Pour ma part, je ne comprends pas les arguments que M. le rapporteur général a invoqués pour repousser l'amendement de M. Charasse. A titre personnel, je me sens en phase avec la proposition de notre collègue Michel Charasse, et je voterai donc pour l'amendement n° I-149 rectifié.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général : il faut une deuxième leçon pédagogique pour que M Loridant comprenne !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Je vais m'y essayer, monsieur le président, puisque vous m'y invitez !

M. Paul Loridant. Je ne suis pas sûr d'arriver à comprendre !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Tout à l'heure, Michel Charasse nous a en substance demandé de choisir entre le vérificateur et le juge.

M. Michel Charasse. Non, l'impôt est liquidé dans ce cas-là !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Et il faudrait que nous fassions ce choix ; c'est extrêmement difficile ! Du côté du juge, il y a des voies de recours, des jurisprudences, parfois hasardeuses, mais qui sont finalement unifiées par la Cour de cassation. Mes chers collègues, si on l'on n'a pas confiance dans la Cour de cassation, en qui peut-on avoir confiance dans la République ?

Par définition, on ne saurait exprimer à l'égard de la cour suprême qui régule le fonctionnement des corps judiciaires que du respect et de la considération.

M. Michel Charasse. Depuis son arrêt concernant le Président de la République, je n'ai plus confiance en elle !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Quant à l'administration, elle est soumise au contrôle du juge lorsque les voies de recours normales sont utilisées par les contribuables.

Permettez-moi donc, cher collègue, de vous faire une réponse de juriste : on ne peut pas mettre sur le même plan la jurisprudence, surtout acquise par des décisions définitives de la cour suprême, et les aléas des différents stades administratifs d'une vérification fiscale.

Dans ces conditions, ayant bien pris note de l'amendement voté à l'Assemblée nationale sur l'intérêt de retard et la capacité de transiger, je pense, mes chers collègues, qu'il faut rejeter l'amendement de Michel Charasse et laisser, s'il y a lieu, à la jurisprudence le temps et la chance de s'épanouir en préservant l'intérêt général tout en veillant à la défense des libertés publiques et des libertés du contribuable.

M. Michel Charasse. Eh bien, bravo ! Laissez donc les juges agir à leur guise. Et ensuite, vous vous plaindrez !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-149 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

« II. - Ressources affectées