Défense
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2004
Art. 47 (début)

Article 46

Pour 2004, les crédits de mesures nouvelles de dépenses ordinaires des services militaires applicables au titre III : « Moyens des armes et services » s'élèvent au total à la somme de moins 271 403 euros.

M. le président. Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'ensemble de l'article 46.

Mme Hélène Luc. Le groupe CRC vote contre.

(L'article 46 est adopté.)

Art. 46
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2004
Art. 47 (interruption de la discussion)

Article 47

I. - Il est ouvert à la ministre de la défense, pour 2004, au titre des mesures nouvelles sur les dépenses en capital des services militaires, des autorisations de programme ainsi réparties :

Titre V : « Equipement » : 16 410 633 000 euros.

Titre VI : « Subventions d'investissements accordées par l'Etat » : 358 251 000 euros.

Total : 16 768 884 000 euros.

II. - Il est ouvert à la ministre de la défense, pour 2004, au titre des mesures nouvelles sur les dépenses en capital des services militaires, des crédits de paiement ainsi répartis :

Titre V : « Equipement » : 2 001 536 000 euros.

Titre VI : « Subventions d'investissements accordées par l'Etat » : 331 622 000 euros.

Total : 2 333 158 000 euros.

M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc, sur l'article.

Mme Hélène Luc. Les dépenses militaires représentent 850 milliards de dollars dans le monde. En 2003, la France a enregistré la plus forte progression budgétaire européenne. Même en Grande-Bretagne, il a été demandé au ministère de la défense de réviser le budget à la baisse. La France ne doit pas s'engager dans cette course aux armements, elle ne doit pas suivre les Etats-Unis.

Le budget de la défense, auquel nous accordons beaucoup d'importance, incarne la sanctuarisation réclamée par le Président de la République, le Gouvernement et le ministère de la défense et représente le premier budget en matière de dépenses d'investissement. Déjà en hausse de plus de 7 % l'an dernier, il augmente cette année de 4,6 %, ce qui représente 32,4 milliards d'euros. Cette profusion de crédits intervient alors même que d'autres domaines importants sont relégués au second plan, tels que le social, l'enseignement, la santé, le logement ou encore les infrastructures routières.

Le titre V incarne parfaitement les choix stratégiques du Gouvernement en matière de défense. Alors que le titre III portant sur les moyens et armes de service, qui inclut notamment les personnels militaires et civils, augmente de 0,5 %, le titre V portant sur les équipements connaît une croissance vertigineuse de 9,2 %. C'est certes la suite logique de la loi de programmation militaire...

M. André Dulait, président de la commission des affaires étrangères. Eh oui !

Mme Hélène Luc. ... mais j'avais voté contre !

Il faudrait donc opérer un transfert de crédits du nucléaire militaire en faveur des personnels civils et militaires. Je constate et déplore cette orientation qui marginalise le volet social. Des économies sont réalisées sur les dépenses de fonctionnement et de personnels. C'est ainsi que les personnels civils se verront consacrer seulement 0,38 euro par jour et par agent, une somme très éloignée des besoins et des attentes en matière d'amélioration des conditions de travail, de déroulement de carrière, de formation, ou encore de revalorisation des primes et indemnités.

J'évoquais justement cette situation avec des gendarmes en compagnie desquels j'ai partagé le repas de la Sainte-Barbe des pompiers.

M. Adrien Gouteyron. Les gendarmes, c'est Sainte-Geneviève !

Mme Hélène Luc. Vous avez annoncé la volonté de confier à des sociétés privées la gestion des logements de gendarmes, de 25 000 véhicules civils, ainsi que la fourniture d'heures de vols pour la formation initiale des pilotes d'hélicoptères, voire le soutien des opérations extérieures.

Il est en effet prévu en 2005 que ce dernier soit confié au privé. Il faut rappeler que ce soutien, qui était jusqu'à présent assumé par les forces armées, porte sur des fonctions aussi diverses que l'alimentation, le logement ou les télécommunications des forces stationnées à l'étranger. Cela concerne-t-il Djibouti, par exemple ?

Cette volonté affichée d'externaliser et de sous-traiter de nombreux domaines de la défense présente le risque majeur d'une immixtion de la sphère privée dans cet attribut régalien de l'Etat. Vos choix budgétaires et stratégiques, madame la ministre, en particulier la projection des forces et le nucléaire, ne correspondent pas aux attentes de la France en matière de défense. Restons-en à la dissuasion.

Que dire encore de la hausse de près de 70 % des autorisations de paiement de 2001 à 2003 ? C'est l'option du surarmement qui finira par primer !

Nous avons le devoir d'opérer une réorientation stratégique vers des équipements conventionnels, mais également vers une amélioration de la condition sociale des salariés du secteur de la défense. La finalité est de recentrer nos efforts sur la sécurité du territoire national et européen, en totale conformité avec les différents traités internationaux.

Cela s'accompagne inévitablement d'un changement de notre conception du monde. Sur le dossier de l'Irak, par exemple, nous avons soutenu le choix de la France de vouloir régler le conflit au sein de l'ONU.

Prenons exemple sur l'action de l'ONU en Iran. L'Irak doit servir à repenser l'approche des problèmes de sécurité et de défense. Ainsi, la promotion et l'intensification des actions humanitaires et de paix sous l'égide de l'ONU est une possibilité.

Je suis intervenue cette semaine sur le budget de la coopération et j'ai plaidé pour que ce volet soit prioritaire. La lutte contre les inégalités et la pauvreté doit apparaître comme une réponse majeure aux défis qui se posent dans le monde. La solution militaire, elle, n'est pas une réponse. Regardons l'Irak et les énormes dégâts humains et matériels causés par les bombardements. La guerre n'a pas réglé le problème du terrorisme, elle crée au contraire un climat propice à son développement.

Parce que nous ne cautionnons pas l'orientation stratégique de ce budget qui n'est pas cohérent avec notre vision de la politique étrangère de la France, nous voterons contre les crédits du titre V.

M. Philippe François. Si vis pacem, para bellum !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Madame Luc, en ce qui concerne les personnels civils, je note que l'enveloppe de prime que nous leur octroyons est supérieure à l'enveloppe indemnitaire de ces mêmes personnels entre 1998 et 2002, toutes années confondues. En conséquence, vous quintuplez vos critiques envers vos amis !

Je note de plus que vous vous élevez contre les crédits du titre V, qui donnent du travail à 170 000 personnes employées dans les industries de défense. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc, pour explication de vote sur les crédits figurant au titre VI.

Mme Hélène Luc. Trois axes guident nos orientations : premièrement, la protection du territoire national et de sa population ; deuxièmement, une promotion et une intensification des actions humanitaires et de paix sous l'égide des instances internationales et du droit international - nous savons que les militaires effectuent des missions difficiles en Côte d'Ivoire, au Kosovo et dans d'autres pays ; troisièmement, une augmentation des capacités d'intervention de la protection civile, donc une augmentation effective des moyens humains et financiers.

Madame la ministre, la France ne doit pas réfléchir en termes de domination militaire. Il n'y a aucune justification à une telle augmentation du budget de la défense. Celle-ci doit prendre la voie d'une défense française et européenne indépendante du modèle américain.

Comme l'a dit Mme Nicole Gnesotto, directrice de l'institut d'études de sécurité de l'Union européenne, lors du colloque sur la guerre du futur qui a eu lieu la semaine dernière au Sénat, auquel vous avez d'ailleurs assisté, madame la ministre, l'objectif, pour l'Europe n'est pas de dépenser autant que les Etats-Unis.

M. André Dulait, président de la commission des affaires étrangères. Ce n'est pas demain la veille !

M. Robert Del Picchia. Il n'y a pas de danger !

Mme Hélène Luc. En pourcentage, évidemment !

L'essentiel, disait-elle, ce sont les relations commerciales et culturelles, les échanges. Le militaire vient en appui.

Le groupe communiste républicain et citoyen pense qu'il faut tirer toutes les leçons de la guerre en Irak pour élaborer une autre approche des problèmes de sécurité et de défense. Une approche uniquement sécuritaire ne peut conduire qu'à des échecs.

Le Congrès et le Sénat américains viennent d'adopter, le 18 novembre dernier, un budget militaire de 401 milliards de dollars, dont 55 miliards de dollars sont consacrés à des expériences sur la miniaturisation des bombes nucléaires. En réalité, cette décision correspond à un changement de doctrine militaire qui risque de remettre en cause le traité que nous avons signé contre la prolifération des armes nucléaires.

Ne nous laissons pas entraîner dans ce sillage. La France reste encore dans une stratégie de projection des forces. Les problèmes de sécurité ne doivent pas se régler d'abord par des moyens militaires. Ces positions entraîneraient un fort risque de surarmement.

Disant cela, nous ne sous-estimons pas les efforts qui doivent être faits pour la défense, bien au contraire, mais nous voulons le faire autrement, par des actions qui conviennent à notre époque, à notre monde devenu si dangereux.

Pour ces raisons, madame la ministre, nous ne voterons pas votre projet de budget.

M. le président. Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.

M. Michel Thiollière. Je m'abstiens.

Mme Hélène Luc. Le groupe CRC vote contre.

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'ensemble de l'article 47.

(L'article 47 est adopté.)

M. le président. Nous avons terminé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant la défense.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante-cinq, est reprise à vingt-deux heures.)

M. le président. La séance est reprise.

Art. 47 (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2004
Deuxième partie

3

DÉCLARATION DE L'URGENCE

D'UN PROJET DE LOI

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la lettre suivante :

Paris, le 5 décembre 2003.

« Monsieur le président,

« J'ai l'honneur de vous faire connaître que, en application de l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement déclare l'urgence du projet de loi complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française, déposé sur le bureau du Sénat le 22 octobre 2003.

« Veuillez agréer, monsieur le président, l'assurance de ma haute considération. »

« Signé : Jean-Pierre RAFFARIN. »

Acte est donné de cette communication.

4

LOI DE FINANCES POUR 2004

Suite de la discussion d'un projet de loi

Art. 47 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2004
Services du premier ministre - V - Aménagement du territoire

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi des finances pour 2004 adopté par l'Assemblée nationale.

Services du Premier ministre (suite)

V. - AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE

Deuxième partie
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2004
Etat B - Titres III et IV

M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant les services du Premier ministre : V. - Aménagement du territoire.

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Roger Besse, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'ai souhaité, au cours de cette brève intervention, vous présenter les principales observations que m'a inspirées le budget de l'aménagement du territoire pour l'année 2004.

S'agissant de la présentation des grandes masses de ce budget, je me permets de vous renvoyer aux premières pages de mon rapport écrit. En un mot, le budget de l'aménagement du territoire rassemble les crédits gérés par la délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale, la DATAR, c'est-à-dire le budget de fonctionnement de la DATAR, la prime d'aménagement du territoire, la PAT, et le Fonds national d'aménagement et de développement du territoire, le FNADT.

Succinctement, j'indiquerai que le budget de l'aménagement du territoire s'élève à un peu moins de 300 millions d'euros.

Afin de fixer les idées, je rappellerai que l'ensemble des crédits publics relatifs à la politique d'aménagement du territoire s'élève à près de 11 milliards d'euros, dont plus de la moitié correspondent à des crédits du ministère de l'équipement.

Au total, le budget de l'aménagement du territoire ne correspond donc qu'à environ 2,5 % des crédits publics consacrés chaque année à l'aménagement du territoire. A titre de comparaison, les crédits des fonds structurels européens correspondent, à eux seuls, à un tiers de la totalité des crédits consacrés à l'aménagement du territoire.

Grâce à votre action, monsieur le ministre, des réformes importantes sont venues simplifier la gestion des fonds structurels européens, avec pour conséquence l'amélioration de leur consommation et, partant, un sensible rattrapage des retards accumulés.

Le présent projet de loi de finances prévoit un budget en augmentation de 1,9 % et s'élevant à 273 millions d'euros.

Cette évolution des crédits s'explique par un double phénomène.

D'une part, comme les années précédentes, les crédits de la PAT connaissent une variation importante. Compte tenu de leur faible consommation, ils diminuent de 5 millions d'euros entre 2003 et 2004. On peut toutefois noter que, en 2002, la PAT a tout de même « primé » plus de 12 000 emplois.

D'autre part, les crédits du FNADT, principal outil de l'aménagement du territoire, augmentent de 10 millions d'euros, soit une hausse de 5 %.

Cette augmentation des crédits du FNADT s'explique d'abord par l'augmentation des crédits destinés à financer les contrats de plan Etat-région. Ces contrats sont dotés de 36 millions d'euros au titre des dépenses d'interventions, soit une hausse de 80 % par rapport aux crédits de 2003. Ils bénéficient aussi de 135 millions d'euros en autorisations de programme et de 70 millions d'euros en crédits de paiement.

On constate ensuite, entre 2000 et 2003, une consommation des crédits d'Etat à hauteur de 45,6 %, assortie d'une forte augmentation de la consommation des crédits pour l'année 2003. Cette tendance très positive mérite d'être soulignée.

L'augmentation des crédits du FNADT s'explique également par la création de deux nouveaux articles relatifs aux programmes régionaux du FNADT. Les programmes concernés sont les conventions interrégionales de massif, notamment le programme « Mont-Saint-Michel » et le plan « Loire ». Il s'agit non pas d'une véritable augmentation des crédits, mais d'une modification de périmètre ; ces crédits proviennent, en effet, de différents ministères.

L'objectif de cette modification de nomenclature est de faciliter l'exécution des programmes concernés en les réunissant sur une ligne budgétaire unique.

Cette réforme, qui avait été envisagée par le comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire du 13 décembre 2002, a donc été mise en oeuvre par le Gouvernement.

S'agissant des moyens des services, c'est-à-dire du budget de fonctionnement de la DATAR, il convient de signaler que ceux-ci diminuent de 300 000 euros.

Cette diminution provient de la prise en compte du faible taux de consommation de certains crédits constaté en 2002 - notamment les crédits destinés aux études -, de la réduction des crédits affectés aux dépenses de matériel et de fonctionnement des services, mais aussi de la suppression de deux emplois. Ainsi les effectifs budgétaires de la DATAR passeront-ils de 123 personnes à 121 personnes.

Je vous serais reconnaissant, monsieur le ministre, de bien vouloir faire le point de l'exécution des contrats de plan Etat-région et des perspectives pour 2004, notamment.

Je concentrerai à présent mon intervention sur les observations que j'ai été conduit à faire lors de l'examen de ce projet de budget.

Je souhaite tout d'abord aborder la question de la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances par la DATAR.

La mise en oeuvre de la LOLF par la DATAR s'intègre dans le cadre de son application par l'ensemble des services du Premier ministre, dont le Gouvernement envisage la réunion au sein d'une mission unique ; ses crédits seraient de l'ordre de 1,5 milliard d'euros.

Le programme « Aménagement du territoire », actuellement envisagé, s'élèverait à seulement 270 millions d'euros environ. Ce chiffre correspond approximativement au budget actuel de la DATAR. Ce programme pourrait donc être considéré comme relativement modeste.

Les objectifs et indicateurs correspondant à ce programme doivent encore être définis. Il me semble qu'ils devraient davantage se rapprocher des objectifs que la loi du 25 juin 1999 fixe en matière d'aménagement du territoire que ne le font les composantes actuelles de l'agrégat « Aménagement et développement du territoire ».

Surtout, la mise en oeuvre de la LOLF ne pourra être un succès que si la DATAR se dote d'une véritable capacité d'évaluation et d'expertise.

Je souhaiterais donc savoir, monsieur le ministre, ce qui est prévu pour développer les capacités d'évaluation de la DATAR.

Ma deuxième remarque concerne la nécessité d'adapter la gestion du FNADT au renforcement de la décentralisation.

Dans le cadre de mon récent contrôle du FNADT, dont j'ai publié les conclusions sous la fome d'un rapprt d'information, j'ai notamment constaté que la section générale, censée financer des projets d'importance nationale, jouait souvent un rôle d'accompagnement des projets locaux.

Dans ces conditions, et à la suite notamment du débat qui a eu lieu en commission des finances, il me semble qu'il pourrait être utile, d'une part, d'accroître les crédits de la section locale non contractualisée, afin de permettre aux préfets de décider localement de subventionner tel ou tel projet, et ce afin d'être toujours au plus proche des besoins exprimés par les collectivités locales ; d'autre part, d'augmenter le montant minimal des opérations financées par la section générale, afin de réduire la logique de « saupoudrage » qui est trop souvent celle du FNADT.

Pourriez-vous, monsieur le ministre, faire connaître votre position à cet égard ?

Ma troisième et dernière remarque concerne le développement des zones rurales.

Conformément aux engagements pris par le Président de la République, le comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire du 3 septembre 2003 ainsi que le projet de loi pour le développement des territoires ruraux tendent à relancer la politique de développement des zones rurales.

Parmi les mesures proposées, j'en évoquerai deux : la réforme du dispositif relatif aux services publics en zones rurales ; les diverses dispositions concernant le développement des technologies de l'information et de la communication également en zones rurales.

La question des services publics en zones rurales me tient particulièrement à coeur, vous le savez, monsieur le ministre.

Tout d'abord, le régime des maisons de services publics devrait être simplifié.

Créées par la loi « Voynet », les maisons des services publics de 1999 ont vocation à réunir divers services publics, relevant notamment de l'Etat. Le projet de loi relatif au développement des zones rurales tend à adapter le régime juridique des maisons de services publics, afin de leur permettre d'accueillir des services privés, dans le respect des règles de la concurrence, et d'autoriser des cadres non fonctionnaires à les diriger.

Ensuite, le Gouvernement a lancé cette année un dispositif visant à permettre le maintien d'une offre satisfaisante de services publics à l'échelle des « bassins de vie ».

Le 21 juillet 2003, un accord national a d'ailleurs été conclu à ce sujet entre l'Etat, l'Association des maires de France, l'AMF, les présidents des conseils généraux concernés et les grands organismes gérant des services de proximité.

Sur la base de cet accord, une « expérience pilote » a été lancée dans quatre départements, la Charente, la Corrèze, la Dordogne et la Savoie.

Je suis personnellement persuadé que ces efforts, qui vont dans le bons sens, méritent d'être poursuivis et rapidement généralisés, dans la mesure où l'expérience se révélerait probante.

Comme vous le savez, monsieur le ministre, le rural profond, qui souffre d'un isolement endémique, continue à être entraîné dans la spirale du déclin, avec, en corollaire, l'effacement progressif des services publics de proximité.

Je ne décrirai pas ce phénomène, que vous connaissez mieux que quiconque, monsieur le ministre, me contentant de vous dire que le temps presse et qu'il est urgent d'aider les collectivités qui en font la demande à mettre en place des maisons de services publics là où leur présence paraît indispensable pour retarder et, si possible, stopper, le processus d'isolement, ressenti comme un véritable abandon par les populations concernées.

Je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous puissiez m'indiquer si cette suggestion, que je crois de bon sens, vous semble susceptible d'être retenue et mise en oeuvre.

En ce qui concerne maintenant le développement des technologies de l'information et de la communication en zones rurales, il faut indiquer que, au titre du haut débit, le comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire du 3 septembre dernier prévoit diverses mesures destinées à favoriser le développement de technologies comme le Wi-Fi, c'est-à-dire le haut débit par voie hertzienne, le satellite et le courant porteur en ligne.

Il semble opportun de rappeler qu'actuellement seulement 21 % du territoire, soit 9 000 communes sur 36 000, ont accès au haut débit. Ce sont ainsi 15 millions de personnes qui se trouvent privées de cet extraordinaire moyen de communication.

Les récents efforts consentis dans ce domaine par France Télécom, à l'instigation du Gouvernement, sont méritoires et devraient, dans les prochains mois, améliorer très sensiblement la situation de ce que j'appellerai « l'autre France ».

S'agissant de la couverture en téléphonie mobile, le Gouvernement a décidé, lors du dernier comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire, de consommer 44 millions d'euros, dont 30 millions d'euros au titre du fonds national d'aménagement et de développement du territoire, à l'implantation de pylônes dans les zones dites « blanches », et d'autoriser plusieurs opérateurs à utiliser le même pylône.

Il s'agit d'un effort sans précédent, concret et efficace qu'il convient de saluer et de mettre en exergue.

Au nombre des engagements pris dans le cadre du comité interministériel précité figure celui de rendre éligibles au Fonds de compensation pour la TVA - le FCTVA - les investissements d'infrastructures réalisés par les collectivités territoriales en matière de téléphonie mobile.

Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous dire quels seraient le calendrier et les modalités, notamment législatives, de mise en oeuvre de cette modification des règles du FCTVA ?

Avant de conclure, permettez-moi quelques observations.

L'Agence française pour les investissements internationaux, l'AFII, devrait bénéficier pour 2004 d'une dotation égale à celle de 2003, soit 7,46 millions d'euros, qui tient compte de la réduction de crédits votée l'an dernier par le Parlement. Cette agence, dont j'ai pu vérifier l'efficacité, joue, à mes yeux, un rôle majeur, et son action en faveur des investissements internationaux en France est indispensable, comme le prouve d'ailleurs l'annonce de la création de 22 860 emplois en 2002 reposant sur 438 projets.

J'ai noté par ailleurs qu'il n'avait pas été jugé souhaitable de réinscrire les crédits dédiés antérieurement à l'Institut des hautes études de l'aménagement et du développement du territoire, l'IHEDAT.

Enfin, dans le cadre du futur projet de loi portant sur le développement des territoires ruraux, j'ai noté que différentes mesures viendront compléter utilement les dispositifs gérés par la DATAR. Il en est ainsi de la révision prévue des zonages, notamment des zones de revitalisation rurale. Par ailleurs, ainsi que j'ai eu l'occasion de vous l'indiquer, je serai très favorable, personnellement, à la création de zones franches rurales, sur le modèle des zones franches urbaines.

Ce projet de loi devrait également permettre le lancement des réformes très attendues en faveur de la montagne.

Ainsi donc les crédits de l'aménagement du territoire pour 2004 ont été maintenus, malgré les fortes contraintes budgétaires, et des efforts de rationalisation ont été entrepris dans tous les domaines.

La DATAR, sous votre autorité, monsieur le ministre, et sous l'impulsion de son nouveau délégué, M. Nicolas Jacquet, que je tiens à saluer et à féliciter ainsi que ses collaborateurs, s'est résolument engagée dans une voie vertueuse faite d'efficacité, de transparence et de rigueur.

Je forme le voeu ardent que l'ensemble de ces efforts, dont nous mesurons la portée, permettent au Gouvernement d'assurer la cohésion du territoire.

En conclusion, je vous rappelle, mes chers collègues, que la commission des finances vous recommande d'adopter le projet de budget de l'aménagement du territoire.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Jean Pépin, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les enjeux de l'aménagement du territoire sont liés à ceux de la décentralisation.

La commission des affaires économiques a souhaité cette année traiter de façon thématique un certain nombre de ses avis budgétaires.

Ainsi propose-t-elle les fonds structurels européens pour ce qui est de son avis sur l'aménagement du territoire.

En effet, un risque non négligeable pèse sur la pérennité de ces aides en raison de l'inévitable redistribution qui interviendra après l'élargissement de l'Union européenne.

Mais permettez-moi quelques mots, au préalable, sur le budget de l'aménagement du territoire proprement dit.

Monsieur le ministre, le Gouvernement présente, par votre intermédiaire et sous votre responsabilité, le budget de l'aménagement du territoire dans le projet de loi de finances pour 2004 comme un « budget d'équilibre » entre la participation à l'effort de maîtrise de la dépense publique et la prise en considération des investissements nécessaires à l'avenir du pays.

Le Gouvernement souligne que la mise en place, au cours de l'année 2003, de nouveaux outils de gestion permet de mesurer le montant des engagements financiers à couvrir en fonction de l'état d'avancement réel des projets. Il indique que, grâce à une meilleure allocation des ressources au cours de l'année budgétaire, une diminution sensible du montant des reports pourrait intervenir.

En fait, les dépenses ordinaires et les crédits de paiement proposés s'établissent à 272,7 millions d'euros, soit une augmentation de 1,9 % par rapport à 2003, comme l'a dit notre excellent collègue M. Besse, rapporteur spécial.

Les autorisations de programme prévues s'élèvent elles-mêmes à 278,8 millions d'euros, soit une augmentation de 3 % par rapport à 2003.

Bien que le projet de budget reconduise globalement les dotations pour 2003, les différentes composantes de l'enveloppe évoluent par rapport à l'exercice précédent.

Ainsi, le montant des crédits de fonctionnement, c'est-à-dire principalement les dotations de la DATAR, devrait s'élever à 13,1 millions d'euros, soit une économie significative de 300 000 euros par rapport à la dotation pour 2003. C'est un aspect positif qu'il convient de saluer et qui marque la forte volonté de restructurer et de réorienter la DATAR, ce dont je vous remercie, monsieur le ministre, ainsi que le nouveau délégué, M. Nicolas Jacquet, et son équipe.

Dans ce contexte, les crédits d'intervention du FNADT atteindraient 72 millions d'euros, complétés par un transfert au titre des crédits relatifs à trois programmes interrégionaux contractualisés - conventions interrégionales de massifs, programme Mont-Saint-Michel et Plan Loire Grandeur Nature. Cette dotation globale devrait être complétée, en outre, par les éventuels reports de la gestion de 2003, dans la limite de 5 millions d'euros.

La DATAR devrait donc disposer d'une capacité d'intervention de plus de 80 millions d'euros.

En ce qui concerne la prime d'aménagement du territoire, la PAT, outre les 50 millions d'euros inscrits, une enveloppe de 10 millions d'euros d'autorisations de programme devrait faire l'objet d'un report en 2004, portant ainsi le montant des crédits ouverts à 60 millions d'euros.

Vous trouverez dans mon rapport écrit, mes chers collègues, des développements sur le FNADT, sur l'Etat d'avancement des pays et des agglomérations, ainsi que sur les engagements de l'Etat au titre des contrats de plan Etat-régions, que je ne me propose pas de présenter ici, faute de temps.

J'en viens maintenant aux fonds structurels européens.

Il s'agit en effet d'une question fondamentale, ne serait-ce que par l'ampleur des enveloppes financières : la dotation réservée chaque année à la France, on le sait, est dix fois supérieure aux crédits stricto sensu de l'aménagement du territoire lui-même, ce qui est considérable.

Or, la sous-utilisation chronique par la France des fonds structurels européens constituait une hypothèque majeure que le Gouvernement issu du scrutin du printemps 2002 a choisi de lever rapidement, afin que notre pays puisse, si possible, demeurer éligible à la nouvelle génération des fonds structurels à partir de 2006, dans une compétition européenne qui sera très difficile du fait de l'arrivée des huit pays de l'Europe de l'Est - laissons Chypre et Malte de côté. Les enjeux sont donc très importants. Il était consternant, en effet, de constater que la consommation des aides régionales communautaires était auparavant largement insuffisante.

Pourtant, la politique régionale de l'Union européenne met en jeu une enveloppe, considérable, de 195 milliards d'euros pour six ans : c'est le deuxième budget communautaire, après celui de l'agriculture, dont bénéficie notre pays, pour une part non négligeable de 16 milliards d'euros, soit 8 % du total.

Quatre fonds structurels - le FEDER, le fonds européen de développement régional ; le fonds social européen ; le FEOGA-Orientation, le fonds européen d'orientation et de garantie agricole ; et l'IFOP, l'instrument financier d'orientation sur la pêche, pour un montant plus modeste - consacrent 94 % de leur montant au financement des programmes liés à l'objectif 1, qui recueille près de 70 % ; à l'objectif 2, qui recueille environ 11 % ; à l'objectif 3, qui recueille un peu plus de 12 % de la dotation globale ; et, pour un montant d'environ 10 milliards d'euros, quatre programmes d'initiative communautaires : INTERREG III, LEADER , EQUAL et URBAN II.

Pour la France, l'objectif 1 concerne les départements d'outre-mer, la Corse et trois arrondissements du Nord - Pas-de-Calais - vous les connaissez bien, monsieur le ministre -, qui bénéficient d'un soutien transitoire jusqu'en 2005.

L'objectif 2 concerne les zones en mutation socio-économique dans les secteurs de l'industrie et des services, qui doivent répondre à plusieurs critères : les zones rurales en déclin répondant à certains critères et certaines zones urbaines en difficulté. C'est dire l'enjeu !

Pour la programmation de 2000-2006, ce sont 18,7 millions d'habitants qui sont concernés par l'objectif 2 en France, soit 32,9 % de la population. Cela représente une diminution de l'ordre de 25 % par rapport à la précédente génération des fonds.

Aujourd'hui, la France reçoit 5,477 milliards d'euros au titre de l'objectif 2 : elle est jusqu'à présent le premier pays bénéficiaire de cet objectif, avec 27 % des crédits disponibles pour l'Union européenne.

L'objectif 3, qui n'est pas régionalisé, vise, quant à lui, à favoriser l'adaptation et la modernisation des politiques et des systèmes nationaux d'éducation, de formation et d'emploi : c'est à ce titre que la France reçoit les 4,540 milliards d'euros que j'évoquais précédemment.

On sait que, dès son installation, le Gouvernement que vous représentez auprès de nous, monsieur le ministre, a souhaité mettre en oeuvre trois types de mesures : un allégement des procédures, dont nous vous remercions, même s'il est à poursuivre ; un renforcement de l'appui au projet ; une plus grande implication des collectivités locales.

A cet égard, on sait que l'article 35 du projet de loi relatif aux responsabilités locales, actuellement en instance devant le Parlement, prévoit de décentraliser, à titre expérimental, la gestion financière des fonds structurels européens du cycle 2000-2006 au bénéfice des collectivités qui en feraient la demande, la priorité étant accordée aux régions. En l'absence d'une quelconque manifestation de volonté de leur part, d'autres collectivités territoriales, leurs groupements ou même un groupement d'intérêt public pourraient se voir transférer cette responsabilité.

Ainsi, la décentralisation de la gestion des fonds structurels apparaîtra très certainement comme un progrès.

Il est vrai que le niveau de consommation des aides régionales communautaires est aujourd'hui satisfaisant, grâce, monsieur le ministre, à votre effort et à ceux des services de M. Jacquet. Vous avez réussi ensemble un travail vraiment très satisfaisant, même s'il demande à être poursuivi et approfondi.

En revanche, les plus grandes incertitudes demeurent quant à l'avenir des fonds structurels en France à partir de 2006. C'est là un véritable drame auquel il nous faudra pouvoir répondre positivement et efficacement : nous devons donc nous préparer à toute éventualité et rester vigilants.

Telles sont les remarques que, au nom de la commission des affaires économiques et du Plan, j'ai souhaité présenter dans le cadre de l'avis budgétaire.

J'ajouterai, monsieur le ministre, que la commission des affaires économiques a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de l'aménagement du territoire tels que vous les présentez dans le projet de loi de finances pour 2004.

En vous remerciant de tout le modernisme que vous avez promu et que vous êtes parvenu à insuffler, nous souhaitons que vous puissiez poursuivre votre action : sachez que nous voterons votre budget.

M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire, 28 minutes ;

Groupe socialiste, 19 minutes ;

Groupe de l'Union centriste, 13 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen, 12 minutes ;

Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 12 minutes.

Je vous rappelle que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Daniel Soulage.

M. Daniel Soulage. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis très heureux aujourd'hui de pouvoir débattre du budget de l'aménagement du territoire. En effet, ce domaine, interministériel par essence, est celui qui conditionne l'humanité de notre pays, parce qu'un aménagement harmonieux est essentiel à l'équilibre, à la rationalisation, mais aussi à la cohésion sociale et à la solidarité des populations.

A mon sens, compte tenu du déséquilibre présent entre population rurale et population urbaine - nous connaissons tous ces chiffres de 80 % de la population sur à peine 20 % du territoire -, l'aménagement du territoire est le lien qui favorise l'expression de la complémentarité et de la solidarité entre urbains et ruraux. L'heure étant à la politique de la ville, très médiatisée, je pense sincèrement, fort de mon expérience rurale, que l'aménagement du territoire doit aujourd'hui être axé prioritairement sur le développement des territoires ruraux.

Aussi, avant d'évoquer ce que je connais plus particulièrement, je voudrais revenir très rapidement sur le projet de budget.

Le Gouvernement présente le budget de l'aménagement du territoire dans le projet de loi de finances pour 2004 comme un budget d'équilibre entre la participation à l'effort de maîtrise de la dépense publique et la prise en considération des investissements indispensables au retour de la croissance et à son accompagnement.

Les dépenses ordinaires et les crédits de paiement proposés s'établissent à 272,7 millions d'euros, en augmentation de 5,1 millions d'euros, soit 2 %, par rapport à la loi de finances initiale pour 2003.

Les autorisations de programme prévues s'élèvent à 278,8 millions d'euros, en hausse de 8,8 millions d'euros, soit 3 %, par rapport à la loi de finances initiale pour 2003, privilégiant le caractère pluriannuel des actions à travers les deux outils que sont le FNADT, le fonds national d'aménagement et de développement du territoire, et la PAT, la prime d'aménagement du territoire. Cela me semble être la vision la plus réaliste et la plus cohérente lorsqu'on mesure les conséquences des choix d'aujourd'hui sur notre avenir et sur celui de nos enfants.

Monsieur le ministre, il me semble important de souligner les difficultés auxquelles les territoires ruraux les plus fragiles se trouvent confrontés. En tant qu'élu local de Lot-et-Garonne, je sais à quel point il est triste de voir son canton perdre peu à peu son dynamisme et sa force vive, et combien il faut se battre pour stopper le déclin et inverser la tendance.

Nous disposons d'une politique des villes. Il nous faut maintenant une politique cohérente pour le monde rural qui soit ambitieuse, tant par les moyens que par les idées. Un projet de loi concernant le développement des territoires ruraux va bientôt nous être soumis, et je suis ravi qu'il ait été présenté par le ministre de l'agriculture.

L'agriculture est en pleine mutation. La politique agricole commune et les négociations internationales contribuent à modifier en profondeur ce secteur d'activité. Coeur du monde rural, les agriculteurs ne doivent pas être les oubliés.

D'une part, le travail en lui-même a beaucoup évolué, et les ressources sont moindres. Il faut donc que les contraintes qui s'exercent sur l'agriculteur s'adaptent à ces changements, en particulier grâce à l'adoption d'un nouveau statut et à l'encouragement de la pluriactivité.

D'autre part, les productions agricoles locales représentent l'identité de nos régions et contribuent au maintien de l'activité économique. Valeur ajoutée de nos territoires, les indications géographiques protégées doivent être reconnues à l'échelle mondiale. C'est une nécessité pour le maintien de ces productions.

Le maintien de la population agricole est une première étape, mais la revitalisation du milieu rural passe par une vision plus transversale : moyens de communication, dynamisme économique, maintien des services publics, accès à la culture et à l'enseignement supérieur, vie associative... La richesse de notre vie quotidienne dépend de l'aménagement de notre territoire.

Un constat s'impose tout d'abord : désormais, il n'existe plus d'urbanité ni de ruralité. Une étude récente de la DATAR nous l'a montré, le monde rural est hétérogène. De ce constat doivent naître des politiques très ciblées : 800 cantons français ne peuvent pas continuer à perdre toute attractivité et toute vie ! Plus de 4 millions de personnes vivent en zone de revitalisation rurale et sont concernées par les mesures qui vont être prises.

La politique de développement du milieu rural doit répondre à trois grands objectifs : assurer le maintien de la vie économique et favoriser son développement ; garantir le maintien d'une offre minimale de services publics et privés ; développer les infrastructures de manière que certaines zones ne se trouvent pas en marge de tous les moyens de communication existants, y compris la téléphonie mobile et le haut débit.

En ce qui concerne le développement économique, tout d'abord, je soulignerai que, en milieu rural, les zones les plus fragilisées sont celles qui doivent faire face à la monoactivité, en l'occurrence l'agriculture. Même si le schéma tend à s'inverser et si des activités de services se développent, ce n'est pas encore suffisant. Nous aidons les jeunes agriculteurs à s'installer, et c'est tout à fait normal ; mais il nous faut aussi aider les artisans, les commerçants, voire les professions libérales : je pense aux médecins, trop peu nombreux, qui préfèrent s'installer dans des zones plus dynamiques et contribuent ainsi, involontairement, au dépérissement des bourgs. En la matière, l'incitation fiscale, couplée à d'autres éléments, telle une aide liée à l'installation, peut contribuer à enrayer le processus.

L'expérience des zones de revitalisation rurale nous a déjà fourni des éléments en ce sens, même si certains dispositifs ne donnent pas les résultats escomptés. Les critiques émises en 2001 dans le rapport de Mme Geneviève Perrin-Gaillard, que vous citez, monsieur le rapporteur, sur les effets du dispositif d'exonération de la taxe professionnelle sont intéressantes. Ce rapport montre qu'il nous faut aller beaucoup plus loin et mettre les richesses naturelles et culturelles de nos territoires au service du développement économique.

Mais d'autres aspects sont très positifs ! Ainsi, l'aide à l'investissement en matière de logement touristique en zone de revitalisation rurale m'a permis d'attirer sur ma commune rurale une résidence Pierre et Vacances : cette implantation contribue à développer et à faire connaître mon village - une superbe bastide du xiiie siècle -, mais également mon département et ma région. Elle représente également un débouché pour les produits locaux.

Une réforme du zonage des territoires ruraux de développement prioritaire et des zones de revitalisation rurale est prévue. C'est une bonne chose, car il faut pouvoir prendre en compte tous les secteurs en difficulté. Mais il convient d'être prudent : si ce système était généralisé, il deviendrait inefficace. En effet, les ZRR sont destinées à soutenir les zones les plus enclavées, les plus fragilisées, celles où les handicaps naturels, économiques et sociaux ne peuvent être surmontés sans aides spécifiques.

Je voudrais également attirer votre attention, monsieur le ministre, sur la politique qui est menée en faveur de la préservation du paysage, politique qui n'est pas sans incidence sur la vie économique et sociale.

A l'heure actuelle, la réglementation des constructions, malgré les assouplissements récents, est contraignante. Certes, je comprends tout à fait la nécessité de préserver le paysage et de limiter les charges des collectivités en matière de réseaux et de services : étant maire d'une bastide, cela me semble évident. Cependant, la survie de nos territoires passe par l'accueil de toutes les personnes qui souhaitent s'y installer.

La rénovation du bâti existant est donc une priorité. Mais, au-delà, nous devons pouvoir mener une politique active de construction afin de proposer une offre de logement en adéquation avec la demande. Pour cela, des droits à construire doivent être donnés pour que les prix du foncier baissent, sans dommage pour la préservation de notre paysage. La difficulté vient de la nécessité d'atteindre un juste équilibre entre l'installation d'une population active et le développement d'un tourisme résidentiel.

Parallèlement au développement économique, il nous faut assurer le maintien d'un minimum de services.

Comme la DATAR l'a souligné, il est difficile, à l'échelon du département, d'influer sur les décisions prises en matière d'organisation des services publics. De plus, les maisons de services publics sont des dispositifs encore complexes et très hétérogènes. Un assouplissement est nécessaire - je crois qu'il est en cours - afin de permettre, comme cela est prévu dans le projet de loi qui concernera le développement des territoires ruraux, l'accueil de services privés au sein de ces maisons de services publics. Par ailleurs, la réciproque doit être vraie.

En effet, la constitution de « multiples ruraux », structures pouvant faire office de dépôt de pain, de bureau de tabac, voire de café de village, et recevoir également par convention le droit de rendre un service public, doit être renforcée. Ainsi, les buralistes pourront être associés à ce système, ce qui leur permettrait de diversifier leurs activités.

Pour attirer et maintenir une population active, il est nécessaire d'offrir un minimum de vie, et donc de services, dans le bourg. Cela va des services spécialisés dans l'accueil de la petite enfance - crèche, halte-garderie - aux services spécifiques aux personnes âgées - aide au maintien à domicile, éventuellement service de transport - en passant par la mise en place à l'échelon intercommunal de bibliothèques-médiathèques et d'activités culturelles et sportives. Le soutien à la mise en place et au maintien de ce type d'activités est impératif si l'on veut que la population concernée bénéficie des services qu'elle est en droit d'attendre et d'un cadre de vie comparable à celui du secteur urbain.

Enfin, en matière d'infrastructures - sans vouloir relancer le débat que nous avons eu au Sénat, au printemps dernier -, j'insisterai simplement sur le fait que le monde rural a besoin de réseaux de communication afin que les régions les plus enclavées soient reliées au reste de la France. Il faut renforcer l'accès au réseau autoroutier, assurer une bonne desserte des gares, que ce soit par les TER ou par les TGV, et, si l'on veut attirer des entreprises, mettre en place des liaisons aériennes régulières avec Paris.

Permettez-moi à cet égard d'exprimer mon inquiétude à propos de la desserte de l'aéroport d'Agen, après les problèmes rencontrés par Air Littoral. Il faut sûrement augmenter l'aide du fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien, le FIATA, pour maintenir ces petites lignes aériennes.

Pour ce qui est des routes, mon département est, par exemple, en liaison directe avec Bordeaux et Toulouse. Mais lorsqu'il s'agit d'aller à Paris ou de rejoindre l'Espagne, cela devient beaucoup plus compliqué ! Pourtant, les bénéfices à tirer d'une liaison entre Limoges et l'Espagne traversant cette zone seraient considérables, compte tenu du volume d'échanges commerciaux qui passent par les Pyrénées. Ils sont supérieurs, je crois, à ceux qui franchissent les Alpes ! Une autoroute qui doublerait la route nationale 21 serait un formidable outil de développement pour tout le Sud-Ouest.

Il en va de même pour l'accès aux nouvelles technologies. La couverture en téléphonie mobile est en bonne voie. Un effort substantiel a été consenti, mais cela aura pris du temps ! En ce qui concerne le haut débit, 74 % de la population française y a accès, mais l'offre est concentrée sur 21 % du territoire. Ainsi, 15 millions de personnes en sont privées. Alors que les entreprises fonctionnent en majorité avec cet outil, nous accusons un retard considérable, et les élus ruraux ne peuvent se résigner à subir cette fracture numérique. Je sais, monsieur le ministre, que vous vous appliquez à la réduire dans les meilleurs délais.

Pour atteindre ces objectifs, nous disposons déjà de moyens qu'il nous faut utiliser à bon escient. La loi pour l'initiative économique est un apport sensible. Elle permet de créer des comités pour l'initiative économique locale et d'offrir ainsi une structure intéressante en matière de développement économique local.

La péréquation est également un mécanisme qui doit contribuer à limiter les inégalités entre départements. En la matière, l'excellent rapport de Jean François-Poncet et de Claude Belot souligne à quel point la péréquation interdépartementale actuelle doit être repensée pour que les compétences transférées puissent être mises en oeuvre par tous.

Enfin, les fonds européens sont également une source importante de financement des projets, mais la complexité de la procédure freine considérablement l'accès à ces fonds. Je tiens d'ailleurs à vous remercier, monsieur le ministre, de tout ce que vous avez fait pour remédier à cette situation.

Le dépérissement des zones les plus fragiles n'est pas une fatalité, mais leur développement ne dépend pas non plus d'un seul facteur. La loi, les moyens dégagés, l'investissement des collectivités sont des outils à notre disposition pour enrayer ce processus.

Ce qui est encourageant, c'est qu'il existe nombre de candidats à la vie à la campagne. A cet égard, je souhaite souligner, pour conclure, l'initiative du président de mon conseil général, Jean François-Poncet, qui, il y a quelques jours, a lancé un défi aux Parisiens : quinze jours pour quitter Paris et s'installer dans le Lot-et-Garonne !

C'est un grand succès et cet exemple démontre que nombreux sont les entrepreneurs, les artisans, les commerçants qui souhaitent améliorer leur qualité de vie en s'installant à la campagne. Ce qui les retient, c'est le manque d'information, en particulier sur le terroir et sur les aides. Des structures locales sont à leur disposition : il faut qu'ils le sachent et qu'ils n'hésitent pas à y faire appel.

Les collectivités locales ont des devoirs : dans nos territoires, nos communautés de communes ou nos communes, il nous faut, nous élus et responsables professionnels, sans cesse animer, informer, mobiliser et prendre en charge pour les premières démarches tous les acteurs du développement, tous ceux qui veulent bien se mobiliser.

Monsieur le ministre, je vous remercie et je vous félicite de votre action, ainsi que M. le délégué à l'aménagement du territoire, qui est certainement maintenant Lot-et-Garonnais de coeur, puisqu'il nous a fait le plaisir de venir dans notre département.

Le groupe de l'Union centriste vous apportera bien sûr son soutien et votera votre projet de budget.

M. le président. La parole est à M. Daniel Goulet.

M. Daniel Goulet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour moi, l'aménagement du territoire est l'enjeu majeur de la prochaine décennie.

C'est dire l'importance que, personnellement, je porte à votre budget et à notre démarche commune, monsieur le ministre.

Comment répondre, en effet, aux défis d'un siècle de modernité évolutive dans lequel il faut assurer un équilibre entre les villes et les campagnes, maintenir les activités économiques et les développer pour assurer l'emploi, tout en préservant une qualité de vie et de services à ceux qui, comme les Normands et les Ornais, que j'ai l'honneur de représenter, ont décidé de vivre dans des communes qui comptent parfois moins de 200 habitants ?

Telle est l'incroyable équation que l'aménagement du territoire doit résoudre, le tout dans un contexte de décentralisation, d'élargissement de l'Europe et de mondialisation de l'économie.

Réduire les fractures sociales, monsieur le ministre, c'est d'abord éviter les fractures territoriales, numériques ou autres, j'allais dire à tout prix - mais l'expression est malheureuse, s'agissant d'une discussion budgétaire -, éviter que ne s'instaure une France à deux vitesses, celle des villes et celle des campagnes, l'une étant mieux dotée que l'autre en services publics, médecins ou infrastructures scolaires, pour ne prendre que quelques exemples.

En effet, aménager le territoire, c'est rétablir ou préserver l'égalité des chances en équilibrant les territoires et en faisant - le mot est à la mode - de la discrimination positive.

Il y a beaucoup d'embûches, certes, mais aussi quelques outils.

La première embûche, c'est le mille-feuille des compétences locales, dans lequel nos maires ruraux ne se reconnaissent plus.

Il s'agit d'un vieux serpent de mer, mais la clarification n'arrive pas à s'imposer, les espaces de réflexion devenant sans tarder, et vous le savez, des espaces de pouvoir ; les cantons, les pays, les parcs, les établissements publics de coopération intercommunale continuent à se superposer en étant englobés dans des schémas de cohérence territoriale, les SCOT.

Je vous avais interrogé l'an dernier sur l'avenir des pays et j'avais souligné qu'ils servaient à la reconstitution de fiefs. La situation ne s'est guère améliorée depuis lors. Espaces de projets et d'actions - peut-être ? sans doute ! -, ils deviennnent des espaces de pouvoirs. Les maires y sont souvent noyés dans une assemblée où ils n'osent pas prendre la parole, où ils n'ont qu'à voter des décisions souvent préparées sans eux.

Les objectifs du Gouvernement et cette volonté décentralisatrice ne doivent pas être mis en oeuvre au détriment de la cohérence. Les élus locaux ne supporteront pas plus longtemps de nouvelles exigences technocratiques ou administratives. Vous le savez bien, car vous vous êtes fait souvent le défenseur des élus locaux lorsque vous étiez président de l'association des maires de France. J'ai souvenir de vos prestations, fort appréciées dans les départements !

La deuxième embûche, monsieur le ministre, c'est le maquis de la fiscalité locale et la paupérisation des communes rurales. Il faudra, sans tarder, engager cette réforme - tant de fois promise, chaque fois reportée - des finances locales. Le ministre de la réforme budgétaire, que je connais bien, a, sur ce sujet, un chantier considérable, mais à sa mesure.

Par ailleurs, comment articulez-vous le budget de l'aménagement du territoire, celui de la décentralisation et le budget des collectivités locales ?

La troisième embûche, je le dis au risque de faire sursauter certains de mes amis, est le cumul des mandats.

D'un mot, on ne peut pas présider un exécutif local et satisfaire à la fois aux obligations d'un autre mandat, ou de plusieurs autres mandats, qui sont aussi parfois des fonctions, fussent-elles importantes. Vous-même, à titre personnel, vous l'avez bien compris.

Par exécutif local, il faut aussi comprendre les communautés d'agglomération, de plus en plus importantes, et les pays, qui appellent chaque jour une attention, une présence, une disponibilité et une proximité accrues. Monsieur le ministre, une telle responsabilité de fonction doit être considérée comme un véritable mandat, car c'en est un, si on l'exerce pleinement et sans suppléant !

Les élus, pas plus que les acteurs, n'ont le don d'ubiquité. On connaît trop bien les effets pervers de ces cumuls, surtout lorsqu'ils s'inscrivent dans des plans de carrière, dont je n'ai pas à juger, et on connaît leur effet désastreux sur l'électorat.

Parlons des outils.

Ils sont nombreux et l'on se plaît à rêver d'un guichet unique. Je voudrais, à ce sujet, dire qu'il ne faut pas confondre la non-consommation et l'absence de besoins.

En effet, les besoins existent mais la complexité des procédures, la mauvaise information, voire l'absence d'information des utilisateurs potentiels est souvent la cause d'une absence de consommation, voire d'effets dissuasifs. Je pourrais vous donner de nombreux exemples.

La règle d'annulation automatique peut apparaître comme injuste, les bénéficiaires étant dès lors doublement pénalisés.

C'est bien cette complexité qui a été la cause de la sous-consommation des fonds européens, par ailleurs souvent mieux utilisés par certains de nos voisins, à l'image de l'Espagne dont la structure très décentralisée a permis d'optimaliser leur utilisation, évitant un saupoudrage dommageable, comme on l'a constaté par exemple en Basse-Normandie. En effet, trop de petits dossiers affluent, même si ces petits dossiers sont recevables et éligibles, je n'en disconviens pas. Nous perdons ainsi l'effet de levier des fonds d'appels structurants.

Je voudrais maintenant réserver un développement particulier à la DATAR.

La Normandie, haute et basse réunies - ou pas encore -, travaille avec la DATAR dans le cadre de « Normandie développement ».

A ce titre, elle bénéficie, au côté des financements apportés par les deux régions et les cinq départements normands réunifiés, ainsi que par les entreprises adhérentes, d'une importante contribution de la DATAR - il suffit de voir le titre IV du FNADT -, qui représente en 2003, avec 1,15 million d'euros, plus de 50 % de notre budget. C'est à souligner.

« Normandie développement » est un outil important, apprécié, au service des deux régions normandes, qui oeuvre principalement sur trois dimensions : la promotion de la Normandie à l'international et la prospection d'investisseurs étrangers ; l'ingénierie de projets, en particulier les gros projets industriels et l'instruction des demandes de primes d'aménagement du territoire, le soutien aux bassins en difficulté. Moulinex et le bassin d'Argentan sont deux exemples douloureusement d'actualité.

Il est donc indispensable de soutenir financièrement la DATAR dans toutes ces actions d'autant que le dernier rapport de l'INSEE prévoit que la Basse-Normandie pourrait perdre 25 000 actifs d'ici à 2015.

Lorsque j'ai rencontré le délégué général, au mois de janvier, je lui ai exposé la situation du département de l'Orne à l'aube de l'arrivée de deux autoroutes de désenclavement. Je sollicitais son expertise pour être en mesure de rationaliser et d'organiser l'arrivée de ces autoroutes qui peuvent être pour l'Orne une chance de développement, ou alors contribuer à le vider. Or, en l'état de la réglementation et à moins que vous ne me démentiez, en qualité de sénateur, je ne peux pas demander une étude à la DATAR, qui doit normalement en référer aux autorités préfectorales ou départementales.

Nous nous en sommes expliqués, et je crois que vous aurez une réponse à me donner.

Pourtant, je suis élu d'un département et, en cette qualité, je peux moi aussi me considérer comme un acteur de l'aménagement du territoire.

Chaque EPCI, le long du tracé, multiplie les études de tous ordres, sans cohérence et parfois sans coordination. Or, bien souvent, ces études existent à la DATAR, un organisme compétent et actif, qui pourtant ne semble pas être à la portée des élus dispersés.

Alors, que faire ? Une meilleure accessibilité à ce « prestataire de service » réduirait, me semble-t-il, les coûts d'études et rationaliserait les actions d'aménagement du territoire.

C'est pourquoi, sur la base de ces expériences, j'ai imaginé de nouvelles conditions de saisine de la DATAR. Je vous avais interrogé en février dernier sur ce point, mais mes propos n'étaient sans doute pas assez clairs ni persuasifs. Je vais donc préciser ma pensée.

Monsieur le ministre, ouvrez la saisine de la DATAR aux élus nationaux, même et surtout s'ils ne président pas un exécutif local.

La DATAR est plus que jamais un instrument décisif du développement économique et équilibré des territoires. C'est même un passage obligé.

Prenons le cas des contrats de pôles intercommunaux. Quel gain de temps et d'énergie si un seul prestataire établissait les études préalables : meilleure cohérence, moindre coût.

L'Orne pourrait être un département pilote en la matière. Il faudrait faire un état des lieux des études commandées ces trois dernières années, examiner leurs conclusions, relever les doublons quand, par exemple, une étude commandée par un pays reprend celle qui a déjà été élaborée par une communauté de communes voisine, et surtout évaluer les mises en pratique des préconisations et leurs effets sur les territoires. Ce serait sûrement payant.

L'Orne avec ses cinq pays, ses deux parcs, ses quarante cantons et autant de communautés de communes, ses 504 communes compte 293 000 habitants ! Que de structures ! Que de budgets de fonctionnement ! Que d'émiettement des centres de décisions !

Comment coordonner cette mosaïque ?

La DATAR ne pourrait-elle pas réaliser un audit sur la situation de mon département ? Nous aurions ainsi un test grandeur nature.

Avant de conclure, je voudrais saluer le remarquable travail du comité interministériel d'aménagement du territoire, qui a été largement partie prenante dans le projet de loi du ministre de l'agriculture relatif au développement des territoires ruraux, on l'a dit tout à l'heure, on ne le soulignera jamais assez, et relever la détermination dont votre collègue Hervé Gaymard et vous-même faites preuve, avec sérieux et réalisme dans un contexte budgétaire pourtant difficile, aux véritables réalités du terrain.

Il est vrai que certaines dispositions de ce projet de loi sont de nature fiscale et auraient pu déjà être prises, sans attendre, par une simple modification du code général des impôts - un peu comme on l'a fait pour les buralistes - dans le cadre parfaitement opportun de la discussion budgétaire.

Monsieur le ministre, comment allez-vous, comment allons-nous coordonner cette décentralisation voulue par M. le Premier ministre avec les autres textes qui sont annoncés, dont celui qui concerne les territoires ruraux ?

Face à ces chantiers et aux modifications qui se dessinent, il faut constituer un grand ministère de l'aménagement du territoire qui pourrait être à la fois l'architecte et le chef de file du comité interministériel et le coordonnateur de l'ensemble pour en assumer un réel suivi.

Chaque jour, l'actualité nous montre les conséquences dramatiques d'un aménagement du territoire anarchique, mal pensé ou pensé dans la précipitation de l'action politique instantanée, au détriment d'un aménagement durable attentif aux responsabilités que nous avons tous, nous élus, à l'égard des véritables acteurs du terrain et aussi de nos populations, souvent les premières victimes de nos incohérences.

Monsieur le ministre, si gouverner c'est prévoir, aménager le territoire n'est pas la moindre des tâches au profit des générations futures.

Cela étant dit, monsieur le ministre, vous aurez compris que je vous apporte mon total soutien ainsi que celui de mon groupe, qui votera votre projet de budget.

M. le président. La parole est à Mme Evelyne Didier.

Mme Evelyne Didier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les questions que je vais aborder ont déjà été soulevées par les orateurs qui ont pris la parole avant moi : très curieusement, nous parlons des mêmes choses sans arriver aux mêmes conclusions !

Les crédits du ministère de l'aménagement du territoire stricto sensu inscrits dans le projet de loi de finances pour 2004 s'élèvent à 272,77 millions d'euros et sont donc en hausse de 1,9 % par rapport au budget voté en 2003. Cependant, cette légère progression masque une réalité plus contrastée qu'il n'y paraît à première vue.

D'une part, elle fait suite à une baisse en 2003 et, d'autre part, l'exécution du budget de 2003 a été marquée par un gel important de crédits. Devons-nous nous attendre, monsieur le ministre, à un nouveau gel des crédits en 2004 ?

Aujourd'hui, alors que pour 79 % des Français l'aménagement du territoire doit constituer une priorité gouvernementale des prochaines années, nous devons nous interroger sur les objectifs du Gouvernement.

Tout d'abord, à l'instar du budget de 2003, les moyens affectés aux acteurs de l'aménagement du territoire, outils indispensables dans la construction d'une réflexion cohérente au niveau national, diminuent.

En premier lieu, la DATAR voit son budget de fonctionnement diminuer de 2,2 % en 2004, après une baisse, déjà, en 2003. Jusqu'où irez-vous dans la rationalisation de « cet outil précieux pour éclairer les choix d'avenir, mener le dialogue avec les territoires et peser davantage sur les choix de l'Europe » ? Je vous cite, monsieur le ministre !

De plus, nous déplorons la suppression confirmée de l'Institut des hautes études de développement et d'aménagement du territoire. Enfin, notons que vous ne prévoyez qu'une simple reconduction des crédits de l'Agence française pour les investissements internationaux, l'AFII, en 2004.

Après les outils, je voudrais évoquer les crédits destinés aux fonds consacrés à la politique de l'aménagement du territoire.

En ce qui concerne les crédits du Fonds national d'aménagement du territoire, le FNADT, il est permis de s'interroger, tout comme notre collègue Roger Besse, rapporteur spécial, sur l'augmentation proposée par le présent projet de loi de finances, compte tenu du faible taux de consommation des crédits de ce fonds chaque année. Je voudrais saisir l'occasion qui m'est donnée ici pour évoquer les difficultés rencontrées dans le montage des dossiers dont nous font part certains élus, difficultés auxquelles s'ajoutent des délais d'instruction souvent trop longs.

Mais revenons aux crédits. Soulignons que cette évolution est due essentiellement à l'augmentation des autorisations de programme et des crédits de paiement destinés aux contrats de plan Etat-région. Cette augmentation importante, alors même que la consommation des crédits est faible, représente-t-elle une mesure d'affichage ou plutôt une enveloppe pour solde de tout compte, compte tenu de l'avenir incertain des contrats de plan Etat-région après 2004 ? Je vous pose de nouveau la question, monsieur le ministre.

Le taux d'exécution de ces crédits sera-t-il satisfaisant en 2004 ? Compensera-t-il le peu d'empressement de l'Etat dans la mise en oeuvre de ces contrats de plan ? Nous ne le pensons pas, monsieur le ministre, et nous ne sommes pas les seuls.

Ces nombreux retards dans la gestion des contrats de plan Etat-région inquiètent, en effet, les élus de gauche et de droite concernés par des projets contractualisés. Ils se demandent si les collectivités locales ne vont pas devoir prendre en charge l'essentiel du financement des infrastructures prévues.

Rappelons que, à la fin de l'année 2002, seulement 33 % des crédits avaient été consommés. De nombreux crédits ont été gelés, notamment ceux qui concernent le volet routier et ferroviaire.

De nombreux projets sont aujourd'hui compromis. Monsieur le ministre, intervenant lors du débat à l'Assemblée nationale, vous avez affirmé : « Le débat est ouvert. » Vous avez évoqué une évolution dans le cadre de la décentralisation et parlé d'assouplissements nécessaires. Ce n'est pas très rassurant. Pouvez-vous nous éclairer sur ce point ?

Que deviendront les contrats de pays, d'agglomération, de ville inscrits dans le volet territorial des contrats de plan Etats région et qui représentent 25 % de ces contrats ?

Monsieur le ministre, aménager le territoire, c'est aussi donner la possibilité aux acteurs locaux d'anticiper. Or les élus ne connaissent ni les moyens dont ils pourront disposer ni les priorités du Gouvernement.

En ce qui concerne les territoires en crise, nous pouvons saluer l'aide apportée à certains sites en difficulté.

En effet, votre projet de budget comporte une nouvelle ligne budgétaire, consacrée à la mobilisation de crédits au profit des contrats de sites, qui est la concrétisation de votre démarche de revitalisation des zones et bassins d'emploi les plus touchés.

A ce sujet, nous voudrions savoir quels sont les critères d'éligibilité à ces contrats. Pourquoi de nombreux territoires en situation difficile, comme le bassin de Briey, en Meurthe-et-Moselle, que je connais bien et qui a dû faire face récemment à la fermeture d'usines importantes après avoir déjà subi la première désindustrialisation, ne peuvent-ils pas bénéficier eux aussi de ce dispositif ? Le bassin de Briey est pourtant limitrophe du bassin de Longwy, qui a été retenu, à juste titre.

En même temps, vous réduisez les crédits affectés à la prime d'aménagement du territoire, qui a pourtant vocation à permettre d'accompagner les créations, les localisations et les extensions d'entreprises dans les zones les plus fragiles, c'est-à-dire les plus touchées par le chômage. En effet, dans le projet de loi de finances pour 2004, les autorisations de programme sont en diminution de 25 % par rapport aux dotations inscrites en 2003, et les crédits de paiement régressent de 11 %. En deux ans, les crédits de la PAT auront diminué de 30 %, quelque 18 millions d'euros de crédits ayant été annulés en 2003.

Avant que je n'achève mon intervention, permettez-moi, monsieur le ministre, de vous avouer mes inquiétudes, qui sont aussi celles de nombreux élus, quant au désengagement de l'Etat vis-à-vis des services publics, dont le rôle essentiel dans l'aménagement du territoire n'est pourtant plus à démontrer.

M. Jacques Mahéas. C'est vrai !

Mme Evelyne Didier. Fondamentalement, le premier objectif de l'aménagement du territoire est d'organiser l'égalité des chances sur l'ensemble du territoire. Or le Gouvernement ne semble pas s'engager dans cette voie.

Votre volonté affirmée de relancer une politique globale d'aménagement du territoire, notamment en milieu rural, ne se traduit pas dans les faits. Aussi, au moment où des centaines de bureaux de poste sont menacés, quelle crédibilité pouvons-nous accorder au comité interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire du 3 septembre 2003 et au futur projet de loi pour le développement des territoires ruraux, qui visent à relancer, selon vous, la politique de développement des zone rurales ?

La réorganisation des services publics et des entreprises publiques se traduit, dans de nombreux bassins, par la suppression de guichets - réseau postal, Banque de France, France Télécom, trésoreries, etc. -, mais aussi par la disparition de services d'urgence dans les hôpitaux régionaux de proximité.

Toutes ces fermetures nourrissent un sentiment d'abandon du territoire et de la population. Dans la plupart des cas, les élus locaux ne sont pas associés à la réflexion, contrairement à ce qui est parfois affirmé. L'aménagement du territoire ne peut se faire sans les territoires ni les citoyens. Comment peut-on sortir de cet engrenage, où chaque service administratif mène sa propre réforme sans tenir compte de l'aménagement du territoire, sans contribuer à une vision globale de ce dernier ?

Enfin, l'aménagement numérique du territoire est un enjeu de développement. La qualité des réseaux de télécommunications est un critère important pour l'installation des entreprises. Pourtant, aujourd'hui, la fracture numérique s'installe entre les territoires qui seront reliés à l'Internet à haut débit et couverts par la téléphonie mobile et les autres. Dans le canton dont je suis conseillère générale, on a ainsi dit à un maire : « Trouvez-moi cent clients et je vous apporte le haut débit. » C'est tout de même incroyable !

En conclusion, ce projet de budget ne me paraît pas à la hauteur des défis que l'Etat doit relever pour maintenir une cohésion territoriale et sociale. C'est pourquoi nous ne le voterons pas.

M. le président. La parole est à M. François Fortassin.

M. François Fortassin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous abordons ce soir un sujet important pour tous les élus, mais peut-être plus encore pour les élus ruraux.

Certes, cette affirmation est un lieu commun, mais les propos que nous avons pu lire ou entendre nous ont fait éprouver, il faut bien le dire, quelques déceptions.

Tout d'abord, existe-t-il véritablement, à l'heure actuelle, une vision globale en termes d'aménagement du territoire ? Certes, la bonne volonté n'est pas absente, mais où sont les grandes orientations, indispensables à mes yeux à un développement harmonieux et équilibré de notre territoire national ?

A cet égard, les crédits de la DATAR s'amenuisent. Certes, je ne suis pas, en ce qui me concerne, un défenseur à tout crin de la DATAR. Cet organisme technocratique est bien éloigné des préoccupations de nos concitoyens, mais ce n'est pas parce qu'il n'a pas forcément très bien fonctionné par le passé - après tout, on doit pouvoir le réformer - qu'il faut lui rogner les ailes !

Il en va de même en ce qui concerne la prime d'aménagement du territoire, dispositif auquel les élus, en particulier dans les zones fragiles, quelle que soit leur sensibilité, étaient particulièrement attachés, car il permettait à l'évidence de corriger des inégalités.

Quant aux contrats de plan Etat-région, leur fonctionnement est relativement poussif, il faut bien le dire, sans que l'on sache, notamment pour le plan routier, si cela est dû à l'insuffisance des crédits de paiement ou aux enquêtes et aux achats de terrains, qui traînent en longueur. On ne peut que s'interroger.

S'agissant du démantèlement des services publics en milieu rural, vous m'objecterez à juste titre, monsieur le ministre, qu'il n'a pas commencé sous votre autorité. Mais vous l'avez quelque peu accentué !

Comme je le disais en préambule, la bonne volonté existe, mais, incontestablement, des questions demeurent sans réponse. A mes yeux, tout cela manque un peu de souffle et d'impulsion. Pour qu'un développement harmonieux et équilibré du territoire soit possible, affirmer quelques principes me semble nécessaire, je le répète, notamment celui de la solidarité géographique.

En effet, si, dans ce pays, la solidarité sociale fonctionne bien dans l'ensemble, la solidarité géographique n'existe pas ! De plus, le développement « naturel » de l'économie nous conduit à constater que, tandis que certaines zones se développent et s'enrichissent de plus en plus, d'autres deviennent des friches. Le rôle de l'Etat est d'être, aux côtés des élus, un régulateur, afin de corriger cette tendance presque naturelle.

En guise d'exemple de ce manque de solidarité géographique, j'évoquerai le cas de la téléphonie mobile. France Télécom nous affirme que 80 % de la population de notre pays sera desservie d'ici à quelques mois. Or, quand on sait que 80 % de la population française vit sur 20 % du territoire, cela signifie qu'il suffira aux opérateurs de couvrir un cinquième de celui-ci pour considérer que notre pays est parfaitement desservi ! Ainsi, un tiers seulement de la superficie d'un département peu éloigné de Paris comme l'Aisne est couvert par les réseaux de téléphonie mobile. Or la téléphonie mobile n'est pas un luxe, c'est maintenant un outil de travail, notamment dans les zones touristiques. En Espagne, pays voisin du nôtre, la téléphonie mobile concerne l'ensemble du territoire. Ce que les Espagnols sont parvenus à faire, pourquoi ne pourrions-nous pas le réaliser ?

En fait, cette réussite espagnole tient à la mise en place d'une véritable péréquation. En ce qui nous concerne, la péréquation, nous en parlons beaucoup, mais c'est un peu l'Arlésienne ! D'ailleurs, il faudrait peut-être dire la vérité : si l'on veut faire une véritable péréquation sans solliciter les collectivités un peu aisées, il nous faudra beaucoup de temps ! (Sourires.) J'aimerais que l'on m'explique comment on peut opérer la péréquation sans toucher aux ressources de la région parisienne !

M. Jacques Mahéas. Pas à toutes les ressources, il faut faire attention ! Il y a des départements pauvres en Ile-de-France ! (Nouveaux sourires.)

M. François Fortassin. Tout à fait, mon cher collègue. J'ajouterai que des inégalités peuvent aussi exister au sein d'un même département ! Il faut sans doute les corriger.

Il s'agit là, pour l'heure, de questions sans réponse. En outre, je le dis tout net : je ne crois pas, pour ma part, que l'on puisse véritablement procéder à un aménagement du territoire tel que nous le concevons dans le cadre du libéralisme.

En effet, en matière d'aménagement du territoire, il est clair que l'Etat doit jouer un rôle majeur : il doit orienter, il doit soutenir, il doit insuffler un dynamisme, ce qui est, je regrette de devoir le dire, en contradiction avec le libéralisme.

Mme Evelyne Didier. Oui !

M. François Fortassin. Il faut l'affirmer très nettement !

Enfin, monsieur le ministre, permettez-moi de vous faire une sorte de confidence au coin du feu. L'heure tardive y est propice !

L'Etat n'a pas d'argent.

M. Jacques Mahéas. De moins en moins !

M. François Fortassin. Certes, cela peut arriver sous d'autres gouvernements. La croissance n'est pas au rendez-vous, mais c'est ainsi. Elle reviendra !

Cela étant, on peut essayer de faire preuve d'imagination ! Or, aujourd'hui, nous savons, quelles que soient nos sensibilités politiques, qu'un certain nombre de représentants de l'Etat dans les départements s'ingénient à entraver le développement du territoire !

On le reconnaîtra peut-être plus volontiers dans les couloirs que dans l'hémicycle, mais c'est la réalité. Les préfets sont généralement des hommes et des femmes de qualité - ils sont en fait tous excellents, même s'il y a des degrés dans l'excellence ! (Rires) - avec lesquels nous entretenons de très bons rapports. En revanche, en descendant dans la hiérarchie, on rencontre beaucoup plus de difficultés ! Ceux qui ont perdu une parcelle, parfois importante, de pouvoir du fait de la décentralisation, à laquelle nous adhérons dans l'ensemble, prennent leur revanche par un excès de réglementation.

Par exemple, dans mon département, la réalisation d'une déviation routière va être retardée de cinq à dix ans parce qu'une centaine d'individus, pour la plupart d'ailleurs domiciliés en Allemagne, en Autriche, aux Pays-Bas, etc., ont acheté en indivision quelques mètres carrés pour empêcher les travaux. Est-ce normal ? Ne faudrait-il pas changer la loi sur ce point ? N'est-il pas envisageable de prévoir des sanctions lorsque des personnes entravent à ce point le développement d'un territoire ?

Nous rencontrons donc des difficultés dans nos départements, je le répète. Je souhaite, monsieur le ministre, que vous donniez des instructions à l'ensemble de vos services afin que, dans la période délicate que nous connaissons, ils fassent preuve d'un peu plus de souplesse. Il n'est pas question de ne pas observer la réglementation, mais réaliser des études à l'infini pour déterminer si telle ou telle espèce de batracien ou de crapaud accoucheur est présent et sur un territoire donné est sans doute superflu !

M. Jacques Mahéas. Surtout quand il s'agit du crapaud calamite ! (Rires.)

M. François Fortassin. C'est exact !

Je suis d'autant plus à l'aise pour en parler que je représente un département où il est hors de question de saccager la nature, puisque notre richesse patrimoniale majeure, ce sont nos paysages ! Toutefois, il n'est nul besoin que des ayatollahs de l'écologie viennent nous dire ce que nous devons faire.

Voilà, monsieur le ministre, ce que je souhaitais vous dire. Au-delà des crédits, je voudrais que vous insuffliez davantage de dynamisme à l'aménagement du territoire. L'ensemble des élus locaux qui se battent quotidiennement avec pugnacité pour celui-ci, par amour de leur région, vous en sauraient gré. Je suis l'élu d'un département relativement pauvre. Nous essayons souvent de compenser le manque de moyens par l'imagination. Puisque vous êtes entouré de beaux esprits, monsieur le ministre, j'espère qu'ils se montreront encore plus imaginatifs que nous ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à Mme Yolande Boyer.

Mme Yolande Boyer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de budget pour 2004 affiche une augmentation de 1,9 % des crédits par rapport à 2003. Je le qualifierai donc de stable, puisque cette progression compense à peine l'inflation.

Cependant, tout cela devient relatif quand on y regarde de plus près. En effet, les annulations de crédits opérées en 2003 représentent 8 % du budget voté. Dès lors, comment croire à la sincérité du projet de budget présenté ?

Il faut ajouter que le budget de l'année précédente était, quant à lui, en baisse de 5,8 % par rapport à 2002. Vous n'échappez donc pas au mot d'ordre général de réduction des crédits, monsieur le ministre. Nous le savons tous, l'aménagement du territoire est, par essence, transversal, et les autres projets de budget de l'éducation, des transports, etc., ne sont guère mieux lotis.

Après ces considérations générales, je passerai en revue quelques outils qui contribuent à l'aménagement du territoire et je donnerai notre point de vue sur chacun d'entre eux.

J'évoquerai tout d'abord la prime d'aménagement du territoire, pour laquelle le Gouvernement procède à des coupes claires, avec des réductions des crédits de paiement et des autorisations de programme de 11 % et de 25 % respectivement. C'est beaucoup !

Certes, il ne s'agit que d'un outil parmi d'autres, qui ne peut permettre de tout résoudre... Mais le chômage s'aggrave, les plans sociaux se succèdent. Par conséquent, pourquoi fragiliser ainsi cet outil ? Sous prétexte de concentrer les aides sur les territoires les plus en difficulté, vous diminuez les budgets, en attendant peut-être que les territoires exclus comptent eux aussi parmi les plus en difficulté !

S'agissant maintenant des contrats de plan Etat-région, les CPER, on nous dit que, en 2004, le Gouvernement entend assumer prioritairement les engagements pris à ce titre. Tant mieux, mais personne aujourd'hui n'est en mesure de savoir ce qu'il adviendra des contrats de plan en cours d'exécution ! Ces contrats jouent un rôle primordial par l'impulsion donnée à de nombreux projets, mais l'Etat ne respecte plus ses engagements : les exercices 2002 et 2003 ont été marqués par le gel de 20 % des crédits ! Comme mes collègues du groupe socialiste de l'Assemblée nationale, je pense qu'une commission d'enquête sur les engagements de l'Etat dans le cadre des CPER est aujourd'hui une nécessité si l'on veut y voir un peu plus clair !

Le troisième outil est le FNDAT. Il nous semble important, à travers ce fonds, de maintenir un équilibre entre les dotations à des projets structurants, certes indispensables, et le financement de projets plus modestes, essentiels pour les petites communes rurales.

J'évoquerai ensuite la DATAR.

Les élus lui accordent beaucoup d'importance. Son rôle d'expertise et de soutien des collectivités est majeur, particulièrement dans le monde rural. Ses moyens vont encore diminuer cette année. Cette baisse sera, cette fois, de 2,27 % en crédits de fonctionnement. Peu à peu, la DATAR rétrécit. Que comptez-vous faire, monsieur le ministre, pour y remédier ?

M. le rapporteur a longuement évoqué les fonds structurels. Pour ma part, je les aborderai sous un autre aspect, puisque vous aviez pour objectif une meilleure consommation de ces fonds par une simplification des procédures. On a tellement conseillé aux élus de monter des dossiers, avec un taux significatif de crédits européens, que, dans certaines régions, les crédits sont épuisés, et les élus se retrouvent avec leurs dossiers sur les bras, faute de crédits !

Il faudra bien arriver à trouver des solutions pour qu'ils aboutissent. Il y a beaucoup d'inquiétude à ce sujet dans ma région, la Bretagne.

Le principe de l'aménagement du territoire est de faire en sorte que chaque citoyenne et chaque citoyen, où qu'il se trouve, puisse avoir les mêmes services. Ce principe me semble mis à mal, notamment en ce qui concerne les nouvelles technologies d'information et de communication. Celles-ci sont indispensables pour désenclaver certains territoires ruraux. Or, on se rend compte que ce sont les collectivités les plus pauvres et les moins peuplées qui doivent faire un effort financier. Où est l'égalité ?

Il en va de même pour les services publics en milieu rural.

Comment croire aux grandes déclarations de principe sur l'aménagement du territoire alors que l'on assiste à un démantèlement des services : disparition de bureaux de poste ; plan de réduction des perceptions ; disparition de gendarmeries.

De récentes réunions de commissions de travail au sein de l'Association des maires de France, que vous connaissez bien, monsieur le ministre, ont mis en avant ces incohérences.

Ce principe d'égalité et de répartition des responsabilités aurait dû être au coeur du projet de loi sur les responsabilités locales, en discussion actuellement devant le Parlement. Malheureusement, le flou qu'il entretient entre les responsabilités des uns et des autres ne va pas dans le sens de l'égalité.

Parallèlement, les premiers éléments que nous possédons sur le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux ne nous rendent guère optimistes.

Permettez-moi d'ajouter quelques mots sur l'IHEDAT, l'Institut des hautes études de développement et d'aménagement du territoire.

J'étais intervenue l'an passé sur ce sujet et j'avais alors défendu - malheureusement sans succès - un amendement visant à rétablir les crédits de cet institut.

M. Jacques Mahéas. Il coûte très cher !

Mme Yolande Boyer. Certes, des réflexions ont été lancées, mais l'IHEDAT me semble aujourd'hui enterré ; il serait remplacé par un centre de ressources européen. Je persiste à croire, en tant qu'ancienne auditrice, qu'il s'agissait d'un outil précieux et que le Gouvernement a eu tort de ne pas tenir compte des voix qui se sont élevées, sur toutes les travées, pour le défendre.

Avant de terminer, je souhaite m'exprimer quelques instants sur des questions vitales pour ma région, la Bretagne.

Cette région a beaucoup à perdre à l'heure où le centre de gravité de l'Europe se déplace vers l'est. Au nom du principe d'égalité, cette région excentrée et ses habitants attendent un effort supplémentaire de l'Etat afin d'éviter un sinistre territorial.

Quelles sont les propositions du Gouvernement, notamment en ce qui concerne le TGV ?

Aujourd'hui, Brest et Quimper sont, dans le meilleur des cas, à près de quatre heures et quinze minutes de Paris. Vous le savez bien, les élus de tous bords réclament, depuis des années, un TGV efficace, c'est-à-dire mettant ces villes à trois heures de Paris.

Le CIADT du 18 décembre revêt, pour tous les Bretons, une importance capitale.

Nous espérons tous que le TGV breton sera retenu, car nous connaissons les délais entre la prise de décision et la réalisation d'un tel projet.

Je tiens à ajouter qu'il serait dangereux de proposer une solution qui réduirait le temps de parcours entre Paris et Rennes uniquement et créerait une coupure avec le reste de la Bretagne, particulièrement le Finistère.

Autre sujet d'actualité sur la Bretagne qui a fait couler beaucoup d'encre : le paiement ou non des voies express. Voilà un bel exemple de liberté laissée aux collectivités locales !

Malheureusement, on ne retrouve pas sur ce thème la même unanimité des élus bretons que sur le TGV, puisque ceux-là mêmes qui, à Paris, votent pour, une fois sur leur territoire se déclarent contre !

En conclusion, monsieur le ministre, je m'interroge à propos de votre budget : où sont l'ambition, la solidarité, l'égalité ? Offrir à chacun les mêmes chances, les mêmes atouts, où qu'il se trouve sur le territoire, nécessite l'émergence de dynamiques. Or je ne les vois pas. Compte tenu de tout ce que je viens d'exposer, le groupe socialiste ne votera pas votre budget, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Michel Thiollière.

M. Michel Thiollière. Monsieur le ministre, je souhaite d'abord vous faire part de mon adhésion aux propos que vous avez tenus lorsque vous avez exposé, à l'Assemblée nationale le 23 octobre dernier, avec toute la conviction que l'on vous connaît, les priorités du Gouvernement en matière d'aménagement du territoire : nouer de nouveaux partenariats entre l'Etat et les collectivités ; affirmer la solidarité qui doit prévaloir entre les territoires, notamment en direction des zones rurales et montagneuses et en termes de réduction de la fracture numérique ; enfin, accompagner les mutations économiques et sociales des territoires.

Je me permettrai d'insister, monsieur le ministre, sur la dernière des priorités que je viens d'évoquer. Pour illustrer mes propos, c'est de l'exemple stéphanois que je m'inspirerai, ce que vous voudrez bien me pardonner, mais je sais que vous y êtes attaché vous-même et que vous suivez ces problèmes avec beaucoup d'attention. Nous, parlementaires, avons souvent pour habitude de nous inspirer de nos exemples locaux pour en déduire quelques principes plus généraux.

L'adaptation de notre économie est un processus continu. Parallèlement, nos territoires sont affectés par des réorganisations industrielles de grande ampleur. C'est ainsi que le Comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire du 26 mai 2003 a dégagé des orientations très complémentaires les unes des autres.

Il faut en effet réagir à des situations de crise aiguë, provoquées par la fermeture projetée ou programmée d'entreprises majeures dans certaines régions. Je ne ferai qu'évoquer à ce sujet la situation de GIAT Industries, que j'évoquais tout à l'heure devant Mme le ministre de la défense.

Il faut ensuite anticiper les mutations économiques et sociales des territoires. Notre politique d'aménagement du territoire se doit d'évoluer, car l'élargissement de l'Union européenne, mais aussi la mondialisation, ouvrent devant nous des perspectives nouvelles.

C'est en ce sens que je me fais l'avocat d'une logique de développement de l'attractivité de nos territoires, fondée sur le principe de coproduction des politiques de développement local, coproduction qui s'attache à la solidarité territoriale et à la cohésion nationale.

Je me permets d'insister sur ce terme de solidarité territoriale, parce que je crois en effet que celle-ci, à travers la politique d'aménagement du territoire, doit s'exprimer notamment en faveur des grandes agglomérations ou des régions les plus fragiles.

La France de demain, dans l'Europe de demain, sera livrée à une concurrence très rude. Pour que tous les Français puissent bénéficier du développement de notre pays de façon équitable, les territoires doivent être attractifs pour bâtir un réseau plus dense et plus étoffé de villes et de métropoles.

L'équilibre du territoire et l'attractivité économique, sociale, culturelle passent par le développement et l'amélioration de l'offre métropolitaine de nos grandes villes, comme l'indiquent les conclusions de l'étude sur les villes européennes réalisée par la DATAR en mars dernier. Nos métropoles doivent, pour faire face à l'élargissement de l'Union européenne et à la mondialisation, acquérir une taille critique qui les situe au niveau de leurs « consoeurs » européennes.

Il s'agit donc d'une nécessité politique, que je me permets d'illustrer à travers ce que je vis dans une agglomération de 400 000 habitants. L'attractivité, nous y travaillons d'arrache-pied, car c'est avec elle, et en la développant, que se construira notre avenir.

Ainsi, avec l'Etat, avec la région Rhône-Alpes, avec le département de la Loire, la communauté d'agglomération de Saint-Etienne s'est engagée dans une démarche de contrat d'agglomération, en lien avec les contrats de développement de la région Rhône-Alpes, ces contrats étant eux-mêmes déclinés en contrat d'objectif. Ce projet de territoire ainsi défini est ambitieux.

Nous avons besoin à ce titre de tout le soutien de l'Etat pour réaliser nos projets. C'est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, je voudrais vous interroger sur trois points particuliers. Les réponses que vous nous ferez seront autant de jalons qui nous permettront d'aménager le territoire.

Le premier point concerne les fonds structurels européens et leur avenir.

Les fonds versés par le FEDER, le Fonds européen de développement régional, sont ceux que je connais le plus dans ma région. Ils constituent, en effet, un levier vital pour les régions en reconversion, notamment pour toutes les régions situées en objectif 2, et l'on sait combien leur importance est grande dans la politique d'aménagement du territoire.

Nous avons donc aujourd'hui besoin de savoir, pour des projets à cinq ou dix ans, dans quelles mesures et pour combien de temps encore ces fonds structurels pourront nous apporter une aide qui permette d'imaginer des cofinancements indispensables.

Le deuxième point touche aux infrastructures de transport, lesquelles, en termes d'attractivité, sont primordiales.

Nous souhaitons ardemment la réalisation de l'autoroute A 45 entre Lyon et Saint-Etienne. Son utilité est encore plus évidente cette semaine, puisque les inondations de ces derniers jours ont coupé l'A 47 entre Lyon et Saint-Etienne. Alors que les TGV ne peuvent plus circuler entre ces deux villes, c'est toute une région qui se trouve asphyxiée. La Loire et la Haute-Loire sont aujourd'hui coupées du reste de la région Rhône-Alpes et du sillon rhodanien.

De telles infrastructures sont indispensables pour assurer le développement d'une agglomération comme la nôtre. Par ailleurs, dans cinq ans, la saturation des axes existants sera complète entre Lyon et Saint-Etienne, respectivement la deuxième et la huitième agglomération de France. Cette saturation pénaliserait grandement les efforts qu'engagent les responsables de nos territoires, mais aussi les entreprises qui se développent chez nous. Or si celles-ci ne peuvent se développer chez nous, elles quitteront notre territoire pour s'installer, non pas dans une autre région française, mais le plus souvent, hélas !, dans un autre pays d'Europe.

Monsieur le ministre, mon dernier point concerne le CIADT.

Vous l'avez compris, les élus sont très attentifs aux résultats du CIADT. Le CIADT compte pour un élu ! Il compte peut-être plus pour un élu que pour tout autre Français. Ces réunions sont en effet l'un des seuls moments de notre vie politique nationale où s'exerce une forme de transversalité et donc une forme de cohérence par rapport à ce que décide le Gouvernement pour l'aménagement du territoire.

Si le CIADT compte pour les élus locaux, ceux-ci doivent avoir, dans leur boîte à outils, le calendrier des réunions, bien entendu l'ordre du jour de leurs travaux, mais aussi les matériaux nécessaires pour assurer le suivi. J'ai presque envie de vous dire, monsieur le ministre, que là commencent nos difficultés.

Quand une décision a été prise au cours d'une réunion de CIADT, quand vous-même, vos services, le délégué de la DATAR, tous vos collaborateurs ont fait en sorte que le CIADT soit positif pour le territoire, on retombe ensuite dans la verticalité ministérielle et administrative.

En conclusion à ces rapides propos, je rappellerai que l'aménagement du territoire est une clé du développement de notre pays. Son objectif est d'assurer plus d'équité entre les citoyens à travers les territoires, mais aussi de développer les performances de notre pays par rapport aux autres pays européens.

Il faut compter dans l'Europe d'aujourd'hui ; ce sera encore plus nécessaire dans celle qui se construira à partir de 2004. Et pour compter en Europe, il faut être plus solidaires les uns des autres. Il faut une armature régionale et métropolitaine de meilleure qualité que celle dont nous disposons aujourd'hui dans notre pays et il faut construire des territoires attractifs pour que notre France soit également attractive.

Reste la méthode : nous vous faisons confiance, monsieur le ministre, ainsi qu'à vos services et à la DATAR pour que cette méthode adopte de plus en plus un partenariat public - public comme cela se fait dans de nombreux pays étrangers.

J'ai suivi ce qui se passe par exemple à Bilbao, à Glasgow ou dans la Ruhr, où tous les partenaires publics s'asseoient autour de la même table, sans distinction, parce qu'ils visent un objectif commun avec une méthode que l'on appelle parfois le « gagnant-gagnant », et chacun s'y retrouve.

Je verrais assez volontiers la SNCF, RFF - Réseau ferré de France -, GIAT Industries et toutes les collectivités définir avec l'Etat un objectif commun et ouvrir une route qui soit celle de la rentabilité de nos efforts communs.

Comme vous le savez, monsieur le ministre, nous n'en sommes pas là chez nous. Il faut encore beaucoup de temps et beaucoup de travail pour essayer de faire converger les efforts de ceux qui, pourtant, devraient être les plus ardents défenseurs de l'aménagement de leur territoire.

Cela dit, monsieur le ministre, avec mes collègues, je soutiens bien entendu votre politique, qui me paraît indispensable au fonctionnement de notre démocratie, au fonctionnement de nos territoires et donc à l'avenir de notre pays.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Avant de répondre à chacun d'entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais vous remercier de la qualité de l'analyse que vous avez faite de mon budget, mais aussi des interrogations très fondées que vous m'avez adressées.

Comme se le demandait M. Fortassin, peut-on avoir une vision d'une politique d'aménagement du territoire en analysant son budget ? Le budget n'est en effet que la traduction d'une volonté politique qui s'exprime sous l'autorité de M. le Premier ministre. Il faut ensuite mettre en oeuvre cette volonté politique.

A ce propos, je tiens à remercier toutes celles et tous ceux qui ont manifesté, cette année, leur satisfaction sur l'heureuse évolution de la DATAR. J'avais en effet entendu l'an dernier un certain nombre d'analyses critiques sur la DATAR. On souhaitait qu'elle évolue, qu'elle soit plus proche des préoccupations des élus du terrain, plus attentive à l'accompagnement des projets, plus attentive à mettre les moyens nécessaires à la disposition des élus locaux.

Je prends donc acte de la satisfaction émise par les uns et les autres.

Peut-être M. Fortassin a-t-il encore certaines attentes, mais je pense qu'avec Nicolas Jaquet et toutes ses équipes, nous avons donné à la DATAR, selon le voeu de M. le Premier ministre, une volonté d'anticipation, une volonté de développer l'attractivité, mais aussi la volonté d'avoir une dimension européenne en plus d'une dimension locale.

Nous avons souhaité en même temps rationaliser nos moyens de fonctionnement. Je crois qu'au service de l'Etat on ne peut pas avoir un discours différent de celui que l'on tient en tant que maire.

Lorsque l'on est maire, à la tête d'un exécutif départemental ou d'un exécutif régional, on passe son temps à faire la chasse à l'économie. Et l'on fait des audits, et l'on dit en permanence à ses adjoints : « Messieurs, si nous voulons privilégier l'investissement, il faut réduire les fonctionnements inutiles. » L'honnêteté que nous devons avoir envers le contribuable exige que notre vigilance soit mobilisée pour que le moindre euro d'impôt prélevé soit bien utilisé et ne serve pas à financer des structures de fonctionnement inutiles.

J'enregistre avec d'autant plus de satisfaction le discours positif que vous avez porté sur la DATAR, son action et son évolution depuis un an que, parallèlement, nous avons réduit ses moyens de fonctionnement. Le constat que nous faisons aujourd'hui est bien la preuve qu'en réduisant les structures de fonctionnement on peut parfaitement obtenir de meilleurs résultats.

M. Jacques Mahéas. Pas partout!

M. Jean-Paul Delevoye, ministre. Par ailleurs, nous sommes invités par le Président de la République à réfléchir tous à une mondialisation plus humaine.

Une des spécificités de la philosophie européenne, et plus particulièrement de la philosophie française, consiste à concilier le libéralisme économique, gage d'efficacité, mais porteur d'inégalités, et régulation publique.

Il nous faut en effet disposer d'argent public pour provoquer la relance quand la croissance est faible, disposer aussi d'outils de régulation sociale pour mener des politiques de solidarité - les fameux « filets de sécurité » - et d'outils de régulation territoriale. Depuis dix ans, en effet, on observe une réduction des écarts de richesse entre les pays de l'Union et un accroissements des écarts à l'intérieur de chaque pays.

Notre souci est de peser de plus en plus sur nos dépenses de fonctionnement pour dégager de plus en plus de quoi financer les dépenses d'investissement. C'est d'autant plus important que, dès que nous investissons au niveau du FNADT, de la PAT ou des contrats de plan, nous exerçons un effet levier.

La capacité de dégager de l'investissement public est un gage d'avenir. D'ailleurs, si l'on analyse la situation sur quinze ans, on constate que, pour avoir laissé déraper la dette de l'Etat, aujourd'hui, on lève de plus en plus d'impôts pour rembourser la dette, et de moins en moins pour investir. En entretenant un déficit structurel, nous fragilisons à terme nos politiques de solidarité parce que nous entravons notre capacité de croissance.

M. Jacques Mahéas. C'est de l'autocritique !

M. Jean-Paul Delevoye, ministre. Nous avons décidé, au niveau de la DATAR, d'être extrêmement attentifs à faire jouer pleinement l'effet levier de l'argent public investi sur les territoires pour favoriser la croissance. C'est pourquoi, plutôt que de saupoudrer la PAT, nous avons préféré la concentrer.

Nous avons aussi souhaité respecter les contrats de plan Etat-région et, pour 2004, nous avons mis en place les annuités, de manière à accompagner la volonté des élus locaux.

C'est tout le débat sur la consommation réelle des contrats de plan. Le taux de mise en oeuvre des crédits d'Etat affectés aux contrats de plan, ceux qui ont été délégués par les ministères en 2000-2001 et ceux qui ont été programmés en 2003, est de 45,6 %.

M. Jacques Mahéas. Ce n'est pas beaucoup !

M. Jean-Paul Delevoye, ministre. Certes, c'est inférieur au taux théorique de 57,1 %, mais c'est tout de même supérieur aux 42,9 % correspondant au taux théorique sur trois ans.

Nous vivons vraiment dans un pays extraordinaire ! A partir des mêmes chiffres, l'opposition et à la majorité, va développer des analyses exactement contraires !

Mais là n'est pas l'important. L'important, c'est l'efficacité réelle et les conditions de l'obtenir. On peut évidemment afficher des ambitions à travers un contrat de plan tout en sachant pertinemment que, compte tenu du délai d'étude, du délai de programmation, ces ambitions ne seront pas réalisées avant cinq, six ou sept ans.

Très peu de temps après ma prise de fonctions au ministère, j'ai demandé au responsable d'une grande entreprise publique quel niveau de réalisation il comptait obtenir à la fin de son contrat de plan. Sa réponse, extrêmement surprenante, fut la suivante : « Monsieur le ministre, 0 %. » Comme je l'interrogeais sur une éventuelle volonté politique de sa part qui l'aurait conduit à résister ainsi, il m'a simplement dit que son administration et lui-même n'étaient pas préparés à ce dossier et que, le temps de mener les études techniques, de faire les analyses, de lancer les consultations, il fallait sept ou huit ans.

Autrement dit, la réflexion sur la nouvelle génération des contrats de plan devrait nous conduire à envisager des contrats de plan sur objectif, éventuellement différents quant à la durée, mais offrant une vision qui corresponde à un projet. Le contrat passé entre l'Etat et les collectivités territoriales porterait sur un objectif, un calendrier, un résultat.

Tout le monde dénonce la sous-évaluation systématique d'un certain nombre de dossiers. Ainsi, on lance le processus et, après deux ou trois ans, on s'aperçoit qu'il y a des surcoûts de 10, 20, 30, 40 %, d'où la nécessité de refaire une négociation extrêmement difficile pour tenter de combler cet écart entre la prévision et la réalisation.

Il est clair que nous devons balayer les uns et les autres devant notre porte, cesser de nous préoccuper sans cesse d'« afficher », cesser de cultiver des illusions, et nous attacher au contraire à des contractualisations à la fois réalistes et extrêmement précises.

Quels sont les objectifs que nous nous sommes fixés, avec le président de la DATAR.

Le premier, c'est l'anticipation. A l'évidence, l'un des métiers fondamentaux de la DATAR est d'éclairer notre réflexion par ses études : rapport sur les infrastructures, rapport sur la ruralité, rapport sur la métropole. La DATAR a vocation à fournir toute une série d'analyses vous permettant, nous permettant de débattre.

Le deuxième objectif est de développer l'attractivité. C'est la raison pour laquelle le Premier ministre a décidé que, lors du CIADT du 18 décembre, serait posée la question de savoir de quelles infrastructures la France doit se doter pour relever le défi de la logistique du XXIe siècle et, à partir de là, quelles priorités doit s'assigner notre pays dans le cadre européen.

Il n'est plus question, aujourd'hui, dans un CIADT, de faire telle portion de route pour faire plaisir à telle personne. Nous avons tous entendu de tels propos : « C'est la route de tel député ! » Cela, c'est fini ! Aujourd'hui, la dévolution de l'argent public doit être guidée par une seule préoccupation : quel avenir devons-nous bâtir ? Quel développement devons-nous assurer ?

Cette réflexion sera au coeur du CIADT du 18 décembre et elle se traduira très concrètement par des décisions qui seront soumises à l'arbitrage du Premier ministre. Celui-ci décidera en fonction de la vision qu'il a d'un ancrage de l'espace français dans un cadre européen, qui, pour tirer la croissance, doit accentuer la mobilité des hommes et des marchandises.

Le problème, ce n'est pas qu'il y ait trop d'Etats-Unis ; c'est qu'il n'y a pas assez d'Europe. Si nous voulons que la puissance économique européenne ait vocation à peser sur l'équilibre du monde, elle doit se doter des infrastructures adéquates, comme vous l'avez dit les uns et les autres.

Ainsi que l'indiquait Michel Thiollière, ce qui, aujourd'hui, ralentit la croissance dans un certain nombre d'espaces européens, c'est la saturation. On voit bien qu'un certain nombre de régions, notamment en Allemagne, par la saturation de leurs réseaux, voient leur développement économique s'asphyxier.

Ce matin, Nicolas Jacquet et moi-même inaugurions la plate-forme logistique de Dourges, qui répond à une saturation programmée, annoncée, vécue de l'agglomération lilloise, laquelle était donc en train de subir le freinage de son développement.

Nous avons mis en place une solidarité concernant les nouvelles technologies et la téléphonie mobile.

Sans critiquer le gouvernement précédent, je rappelle que celui-ci avait opté, à la suite de la diminution du prix des licences UMTS, pour une contribution plus forte des opérateurs, en réduisant la concurrence entre ces derniers. Le précédent gouvernement avait donc fait le choix de la solution « un pylône, un opérateur ». A l'évidence, il y avait des ruptures de couverture.

Nous avons repris ce dossier et obtenu l'accord des trois opérateurs pour la mutualisation et l'itinérance, mettant les trois opérateurs sur un même pylône. Nous avons refait toutes les études de couverture par des modules cellulaires sur l'ensemble des départements. Nous avons sollicité la hiérarchisation par les élus locaux, avec un débat dans le cadre régional, et nous avons enclenché un programme de 44 millions d'euros pour aboutir à une couverture du territoire. Cela s'est fait en accord avec les collectivités territoriales et avec l'arbitrage du Premier ministre, qui a permis aux maîtres d'ouvrage que sont les collectivités territoriales de bénéficier du FCTVA.

Actuellement, le ministre de l'intérieur et le ministre des finances sont en train de traduire très concrètement la volonté du Premier ministre, de façon à enclencher la première phase de cette opération téléphonie mobile.

Sur le haut débit, nous avons le souci d'aller dans la direction que nous a fixée le Président de la République et de couvrir les territoires jusqu'en 2007. Des dispositifs de caractère fiscal ont été mis en place, notamment pour permettre l'amortissement rapide des antennes satellitaires, en vue de faire accéder au haut débit, en milieu rural, des industries, des artisans, des professions libérales.

S'agissant des services publics, nous avons mis en place, monsieur Besse, des expérimentations dans quatre départements.

Nous étions en effet entre deux positions aussi inacceptables l'une que l'autre : d'un côté, la volonté d'imposer un moratoire, qui consiste à refuser l'évolution de la société et à préserver le passé ; de l'autre côté, le laisser-faire consistant à s'en remettre à chaque administration pour qu'elle se dote de son propre plan de réorganisation. Cela reviendrait à la laisser se replier sur elle-même, moyennant un semblant de concertation : on informe les élus et on les met en réalité devant le fait accompli.

Nous avons donc tenté une autre approche, qui parte des besoins des usagers et assure la concertation avec les élus locaux, le préfet intervenant comme médiateur.

Dans les quatre départements de l'expérimentation - la Savoie, la Charente, la Corrèze et la Dordogne - aujourd'hui, les élus, l'ensemble des administrations concernées et les préfets sont en train d'appréhender les besoins des usagers et d'envisager la réorganisation physique des services.

J'ai encore en tête l'expression du président d'un conseil général de l'un de ces départements pilotes qui était d'accord pour transformer le bureau de poste en cabinet médical parce que, ce qui est important, ce n'est pas le bureau de poste, mais le facteur, car c'est lui qui assure en fait le service de proximité.

D'autres disaient que, compte tenu de la chute de la démographie scolaire, il était préférable de transformer tel collège en centre de formation en alternance aux métiers du commerce et de l'artisanat.

Avec cette approche, on parvient à trouver des solutions qu'on croyait impossibles, tant il est vrai que nous vivons dans une société verticale, cloisonnée, où personne ne parle à personne. Avec une approche territorialisée, on parvient à trouver des solutions extrêmement pertinentes, extrêmement intelligentes, en développant la capacité d'accueil dans les mairies, de façon que chacun puisse savoir où exposer son problème. On parvient à organiser des pôles d'intelligence administrative. En fait, on associe la simplification de la démarche à la complexité du traitement.

Notre société sera de plus en plus complexe et nos concitoyens devront avoir des démarches de plus en plus simples.

Ayant ainsi tracé les lignes directrices de notre action, je voudrais ajouter que nous avons eu aussi un souci de transparence et de sincérité. L'exercice qui consiste à comparer la loi de finances initiale 2004 à la loi de finances initiale 2003 est un peu vain. Ce qui est important, c'est de comparer les sommes réellement consommées en 2003 et les sommes demandées en 2004.

Nous vous avons fourni tous les éléments, messieurs les rapporteurs, et je tiens à souligner votre souci d'honnêteté intellectuelle : vous vous êtes rendus dans notre ministère, vous avez, avec vos collaborateurs, posé des questions extrêmement pertinentes. Nous obtenons aujourd'hui, sur un certain nombre de lignes, des taux de consommation de plus de 90 %, voire, dans certains services, de 100 %, alors que nous en étions l'année dernière à 42 % ou 43 %.

Un effort à donc été fait afin de demander exactement ce dont nous avons besoin par rapport aux crédits consommés. Lorsqu'on a levé l'impôt, il importe de mobiliser réellement les sommes qui nous sont affectées, de les consommer dans leur quasi-totalité.

Quel est l'avenir des fonds structurels et quelle amélioration de leur consommation pouvons-nous espérer ?

Grâce aux mesures de simplification que nous avons prises à ce jour, dix-neuf regions sur vingt et une concernées par le FEDER objectif 2 ont dépassé le seuil à atteindre au 31 décembre pour éviter le dégagement d'office. Nous étions extrêmement inquiets, mais, pour l'instant, nous avons un taux d'avancement des programmes à la mi-parcours de 51,6 % et un taux de réalisation de 16 %

Quand nous sommes arrivés aux affaires, nous nous disions qu'il serait absolument impossible de consommer les 16 milliards d'euros qui étaient mis à la disposition de la France et que nous allions devoir rendre à l'Europe un certain nombre de crédits non consommés. C'est d'ailleurs ce qui s'est passé avec les programmes précédents !

Nous étions extrêmement affaiblis sur le plan européen, car, au moment où, avec le commissaire Barnier, nous nous battions pour la poursuite des politiques de fonds structurels, nos collègues européens, lors de la première réunion à laquelle nous avons participé, nous ont dit : « Comment la France peut-elle demander la poursuite des fonds structurels quand elle ne les consomme pas ? »

M. Jacques Mahéas. Elargissez les objectifs, au lieu de les restreindre !

M. Jean-Paul Delevoye, ministre. Monsieur Mahéas, ce que vous dites est très curieux. Je vous croyais plutôt très attentif à la consommation des fonds structurels. Ce n'était pas l'élargissement des objectifs qu'il fallait faire, mais l'assouplissement des procédures.

M. Jacques Mahéas. C'est conjoint !

M. Jean-Paul Delevoye, ministre. Je ne voudrais pas vous mettre en porte-à-faux avec votre collègue Mme Yolande Boyer, qui vient d'avouer elle-même qu'aujourd'hui, à la limite, il y a trop de dossiers parce que, tout simplement, on a soulevé le couvercle de la marmite ! Heureusement que je n'élargis pas les objectifs puisqu'il y a trop de dossiers !

Beaucoup d'élus disaient : « Je suis éligible aux fonds structurels, mais j'y renonce parce que c'est trop compliqué. » Nous avons donc radicalement simplifié les procédures. Aujourd'hui, et c'est le cas qu'évoque Mme Boyer, on a tellement sollicité les dossiers que, à la limite, il va falloir en supprimer quelques-uns et dire à certains qu'ils sont éligibles, mais qu'il n'y aura pas les crédits.

C'est pourquoi nous portons une grande attention, au niveau de la DATAR, aux projets qui nous sont présentés, pour vérifier s'ils sont réalisables dans les délais. Car, ce qui est important, ce n'est pas uniquement le taux de programmation, c'est aussi le taux de réalisation puisque c'est sur les factures payées que l'Europe juge de l'affectation des crédits.

Nous poussons aujourd'hui un « ouf » de soulagement, parce que la réserve de performance va pouvoir nous être octroyée par l'Europe : nous avons su en effet éviter les embûches des dégagements d'office.

Quel est l'avenir des fonds structurels ? C'est la vraie question qu'ont posée MM. Pépin, Besse et plusieurs d'entre vous.

Avec le commissaire Barnier, dont je salue l'action, nous tentons de convaincre nos partenaires européens de la nécessité de poursuivre les politiques de cohésion. Elles sont encore plus nécessaires alors que l'élargissement va engendrer un apport considérable de population et un apport très faible de richesses, puisque le PIB des pays candidats ne représentera que 5 % du PIB européen actuel. Cela implique qu'en application de la règle des 75 % du PIB en moyenne communautaire, la totalité de nos territoires métropolitains perdront leurs droits aux fonds structurels.

Ainsi, en 2006, nous risquons de connaître la fin des fonds structurels au nom de la solidarité. Or, si nous nous réclamons tous de la solidarité, nous n'acceptons pas qu'en vertu de son principe nous soyons exclus du bénéfice des politiques de solidarité.

Avec Michel Barnier, nous essayons de réorienter le budget des fonds de cohésion, de telle sorte que nos territoires qui sont frappés par la reconversion industrielle, frappés par la disqualification urbaine, frappés par la désertification rurale puissent être encore éligibles aux fonds structurels. Le combat est loin d'être gagné, car certains pays ont une approche strictement budgétaire du problème et estiment que le système des fonds structurels ne peut plus continuer.

D'autres, au contraire, souhaitent garder cette manne qui leur permet d'accentuer leur développement. D'autres encore, comme la France, estiment que l'espace européen doit se développer tout en conservant des politiques de solidarité.

Le Gouvernement doit prendre un certain nombre de décisions en concertation avec M. Barnier, notamment pour mettre en place des phasing out positifs en faveur des régions qui seraient évincées.

En ce qui concerne les contrats de plan, je vous ai déjà indiqué que nous faisions en sorte, dans le budget 2004, de respecter les engagements de l'Etat en termes d'annuités.

La DATAR a-t-elle besoin d'une capacité d'expertise et d'évaluation ? C'est le débat qui s'est instauré dès le départ entre le Commissariat général du Plan et la DATAR. Pour notre part, nous estimons que le Commissariat général du Plan devrait avoir non pas des capacités d'expertise et d'évaluation, mais des capacités de prospective. La DATAR, elle, doit avoir des capacités d'analyse. C'est pourquoi nous souhaitons la création d'un observatoire des territoires susceptible de fournir des indications précises sur la richesse ou la pauvreté des terrritoires, permettant d'asseoir une réflexion fiable et solide sur les problématiques de péréquation.

S'agissant de la simplification des maisons des services publics, nous y sommes tout à fait favorables.

Les crédits de fonctionnement de l'AFII sont maintenus. Nous opérons une rationalisation en la matière. Etre modeste dans les moyens n'empêche pas d'être ambitieux dans les objectifs.

Monsieur le rapporteur spécial, je suis sensible aux compliments que vous avez adressés par mon entremise, à la DATAR, à M. Nicolas Jacquet et à toute son équipe.

Monsieur Pépin, vous avez exprimé certaines inquiétudes.

Je pense vous avoir répondu sur les fonds structurels européens. Vous avez raison, nous avons allégé les procédures, renforcé l'appui aux projets et aux collectivités locales. Bien évidemment, nous souhaitons poursuivre cette politique de cohésion territoriale.

En ce qui concerne le FNADT, vous avez souhaité qu'au nom de la décentralisation plus de crédits soient transférés sur le plan local. Or, actuellement, c'est déjà une réalité, puisque plus des deux tiers de ces dossiers sont traités à l'échelon local. Il ne nous apparaît pas nécessaire d'aller plus loin dans cette déconcentration. Les crédits du FNADT me paraissent de nature à répondre à votre souci.

Monsieur Soulage, d'abord, je rends hommage à votre capacité promotionnelle du Lot-et-Garonne, et je mesure la difficulté qui doit être la vôtre aujourd'hui d'être à Paris après vous avoir entendu vanter la qualité de vie dans votre département.

Je comprends que vous soyez pressé de quitter la capitale pour rejoindre votre beau village de Monflanquin. Vous avez saisi toute l'attractivité fiscale des ZRR, et la résidence de tourisme Pierre et Vacances n'est pas le moindre des charmes de votre village que vous nous invitez à venir découvrir. Je suis ravi d'en être l'ambassadeur, mais votre description, qui nous permet de comprendre totalement votre motivation, nous a tous mis en appétit ! (Sourires.)

Vous avez très clairement indiqué la complémentarité et la solidarité indispensables entre le monde rural et le monde urbain. Nous souhaitons, en effet, aborder cette question sous l'aspect territorial. La DATAR, dans son étude sur la ruralité, a montré à quel point l'organisation des territoires, la régulation territoriale justifiaient aujourd'hui que l'on aille dans le sens des « pays ».

M. Goulet nous a fait part de ses vives inquiétudes sur les espaces de projets devenus espaces de pouvoir. Je reviendrai sur cette question, mais je crois que nous devons les uns et les autres réfléchir à la mutation agricole, à l'anticipation par rapport à l'évolution de la PAC, au fait de pouvoir concilier le développement des métropoles et celui des espaces périurbains. Nous devons être capables d'anticiper et de mettre en oeuvre des synergies pour porter collectivement nos ambitions.

Au-delà de la vision touristique des choses, il faut peut-être réfléchir à des outils de régulation foncière permettant de mettre en place des politiques de logement ou de préservation du patrimoine. Ce sont des politiques totalement innovantes. Dans le souci de déconcentration, de délégation de responsabilité sur le plan des territoires, la réforme de l'Etat doit aussi assurer l'égalité des chances territoriale. C'est pourquoi les politiques doivent être à géométrie variable, adaptées aux besoins territoriaux, qui sont nécessairement différents dans le Lot-et-Garonne et dans le Nord, en Alsace et en Bretagne.

S'agisssant du développement des liaisons aériennes, vous savez que nous avons eu le souci, sous l'autorité du Premier ministre, d'élargir l'assiette du FIATA et de rendre éligibles des villes où la fréquentation des voyageurs est un peu plus faible, de façon à pouvoir effectivement, là aussi, relier l'ensemble du territoire.

L'élargissement de l'Europe doit probablement nous amener à réfléchir, dans le cadre des transferts aux régions d'un certain nombre d'aéroports, à des aéroports de proximité. Il est possible, en effet, que la pratique américaine, qui semble aujourd'hui étrangère à nos modes de vie, avec ces avions de tourisme et ces avions d'affaires qui fréquentent les aéroports de proximité, se répande assez rapidement dans notre espace européen.

Vous avez rendu hommage à l'effort du Gouvernement en matière de téléphonie mobile.

En ce qui concerne la péréquation interdépartementale, objet du rapport d'information présenté par MM. François-Poncet et Belot, vous avez mille fois raison ! La décentralisation, c'est plus de liberté donnée aux territoires, et cette liberté peut entraîner une rupture du principe d'égalité. L'équilibre de la loi de décentralisation passe à l'évidence par une vraie politique de péréquation, à laquelle, je le sais, le Sénat est très attaché.

Vous avez, monsieur Goulet, pointé quelques embûches et proposé quelques réflexions sur les outils.

Sur le « mille-feuille institutionnels », vous avez parfaitement raison. Une décentralisation qui consisterait à remplacer le centralisme de l'Etat par un centralisme régional, départemental ou intercommunal nous ferait passer à côté de la vraie réforme des politiques publiques. Réduire le délai entre la prise de décision et l'action politique, c'est diminuer les centres de pouvoir, c'est diminuer les superpositions de centres de décision. Plus on multiplie les niveaux de responsabilité, plus on neutralise la capacité de décision. La simplification des tâches consiste à savoir qui fait quoi et à avoir une bipolarité entre les territoires et l'Etat.

C'est la raison pour laquelle nous allons proposer, à l'occasion de la réforme de l'Etat, de réduire les vingt-cinq administrations à huit ou neuf pôles sur un espace régional, de façon à pouvoir contractualiser en direct avec les agglomérations, les départements, les régions, sur des politiques publiques permettant d'être plus efficace.

L'administration de demain ne sera pas de gauche ou de droite ; ce sera une administration lente ou rapide, de bonne ou de mauvaise qualité du point de vue juridique, et fiable ou non techniquement. L'accroissement de cette réactivité passe par la simplification et la clarification des pouvoirs.

Vous vous êtes alarmé du fait que les pays servaient à reconstituer des fiefs. Pardonnez-moi ! L'Etat a peut-être des défauts, mais il a aussi beaucoup de qualités. Il a, en tout cas, la pudeur de ne pas s'immiscer dans la volonté des élus locaux de s'organiser eux-mêmes. Si les élus locaux veulent être vertueux, c'est parfait ; s'ils veulent transformer leur espace de projets en espace de pouvoir, c'est leur décision, car cette évolution passe évidemment par une décision des collectivités locales. En tout cas, pour nous, le pays a vocation à être un espace de projets ; il ne doit en aucun cas être un espace de pouvoir, et il convient de distinguer totalement l'espace de projets de l'espace d'exécution.

A propos la DATAR, vous indiquez vous-même que Normandie Développement vous donne totale satisfaction et vous demandez s'il serait possible d'ouvrir la saisine de la DATAR aux parlementaires. Permettez-moi de dire que si vous disposez, avec Normandie Développement, d'un très bel outil de partenariat entre l'Etat et les collectivités territoriales, c'est cet outil-là qu'il vous appartient de solliciter pour qu'il réalise un certain nombre d'études. Il serait de toute façon absolument impossible à la DATAR de répondre à 600 ou 700 demandes particulières d'étude sur l'ensemble des territoires de France. A contrario, à chaque fois qu'un parlementaire se rend à la DATAR pour obtenir une réponse, celle-ci est tout à fait heureux de le recevoir.

Il nous faut donc développer des outils tels que ceux que vous évoquez, permettant de réfléchir à la superposition des structures et à l'évolution des territoires. Le chiffre que vous annoncez - une perte de 25 000 actifs en 2025 - nécessite à l'évidence une réflexion des élus locaux et territoriaux sur la diversification de l'activité et sur les moyens de favoriser les créations d'emplois. Sinon, un certain nombre de difficultés risquent de surgir.

Madame Didier, s'agissant des contrats de site, vous avez évoqué l'un des bassins d'emploi de Meurthe-et-Moselle proche du bassin de Longwy. A cet égard, notre pays présente à la fois une formidable qualité et un formidable défaut.

Cette formidable qualité, c'est notre capacité d'invention et d'imagination. Ce formidable défaut, c'est la tendance de notre esprit cartésien à vouloir tout formater, à trouver pour tout des formules d'équation.

C'est la raison pour laquelle nous avons souhaité que le contrat de site soit un état d'esprit, une réactivité. Nous n'avons surtout pas voulu le formater, le normaliser, ni le réduire à une équation. Il s'agit de pouvoir rebondir rapidement, en mobilisant la totalité des acteurs, dans les bassins qui ont perdu un grand nombre d'emplois.

En même temps, n'oublions pas la vertu des mots : cette pratique est désignée dans certains territoires sous le nom de contrat de site, et dans d'autres sous le nom de contrat d'agglomération. Les deux contrats mobilisent la même énergie, la même coordination afin d'assurer la revitalisation d'un territoire. Il n'y a donc pas de critère précis, il y a simplement la volonté forte du Gouvernement de faire en sorte, dès qu'un bassin d'emploi est durement frappé, de pouvoir mobiliser la solidarité nationale et européenne pour lui donner un nouvel espoir.

S'agissant de la concertation au sein de La Poste, chaque service fait sa propre réforme. Je crois vous avoir répondu sur ce sujet.

Monsieur Fortassin, je regrette que nous n'ayons pas eu plus de temps pour vous écouter, car vos considérations sur la libellule, le crapaud et les ayatollahs de l'écologie étaient tout à fait passionnantes ! (Sourires.)

Ce faisant, vous avez posé une vraie question, qui est d'ailleurs au coeur de nos problématiques d'aménagement du territoire : celle de la préservation de l'intérêt général et de l'intérêt particulier. Nous devons en même temps respecter la liberté de choix des personnes, le droit de propriété, et faire en sorte que le politique soit rétabli dans son rôle de défenseur de l'intérêt général.

Vous avez tout à fait raison : tout le monde veut des routes, tout le monde veut des TGV, mais pas trop près de chez soi, et c'est la même chose pour les aéroports, etc.

Il faut veiller à ce que chacun puisse, dans le débat, exprimer son opinion personnelle. En effet, lorsque nous sommes dans l'opposition, nous sommes tous tentés de dénoncer l'injustice du pouvoir, au motif qu'il n'épouse pas les causes que l'on défend ou qu'il ne choisit pas les solutions qu'on voudrait lui imposer. Que de fois n'ai-je entendu à la télévision : « La justice n'est pas juste ! » A y regarder d'un peu plus près, on s'aperçoit tout simplement que la justice n'a pas rendu la décision espérée. De même, les maires se voient très souvent accusés par les associations locales de ne pas prendre des décisions justes, tout simplement parce qu'ils ne prennent pas les mesures qu'elles ont elles-même retenues.

Par conséquent, il faut tout faire pour empêcher la politique publique de devenir uniquement la conjugaison d'intérêts catégoriels.

Vous l'avez dit avec raison, l'attractivité des territoires passera aussi par notre capacité à répondre rapidement à la demande. C'est pourquoi nous souhaitons simplifier l'ensemble des procédures et des démarches, tout en préservant la capacité d'expression des populations.

A cet égard je le dis mezzo voce -, nous rencontrons certaines difficultés pour respecter notre engagement en matière d'énergies renouvelables.

Le débat sur les éoliennes a fait « fleurir le bon ton » entre les élus qui veulent s'impliquer dans les énergies renouvelables et la population qui, dans sa majorité, juge cette politique tout à fait pertinente. Pour autant, dès qu'il s'agit d'installer quelques pylônes dans une commune, une telle politique, totalement acceptable hier, devient soudainement inacceptable !

Madame Boyer, j'ai bien entendu votre appel en faveur de la lointaine Bretagne. Sachez que vous êtes plus proche de notre coeur que vous ne pouvez l'imaginer en raison de l'éloignement géographique !

M. Roger Besse, rapporteur spécial. Il y a pire !

M. Jean-Paul Delevoye, ministre. En ce qui concerne la fin de la gratuité des voies express, au regard notamment de l'amendement déposé par M. Josselin de Rohan, le discours tenu par les élus bretons ne me semble pas différent, qu'il soit prononcé ici ou en Bretagne.

M. Jacques Mahéas. Ah bon ?

M. Jean-Paul Delevoye, ministre. En réalité, la possibilité offerte aux collectivités locales de financer par le péage un certain nombre d'infrastructures de déplacement ne peut être perçue autrement que comme une formidable opportunité.

Ainsi, à Toulon, le financement par les péages d'un tunnel très important pour désengorger la ville est apparu à tous comme une solution envisageable.

Cette possibilité me paraît aller dans le sens de la responsabilisation des élus locaux en leur permettant de se doter des outils nécessaires pour améliorer le confort de leurs concitoyens.

Cette liberté nouvelle met-elle en péril les liaisons en Bretagne ? Il faut savoir que les routes nationales ne seront pas concernées par ce droit de péage. Il n'y a donc pas de risque. J'ai d'ailleurs entendu des élus bretons dire que la RN 164, qui traverse la région, ne serait frappée d'aucun péage. Les Bretons n'ont donc, me semble-t-il, aucune inquiétude à avoir.

S'agissant du TGV, le CIADT, sous l'autorité du Premier ministre, devra arrêter les choix en matière de grandes infrastructures de transport qui permettront de relever le défi de la compétition mondiale dans l'espace européen. Comme l'ont dit tant le Premier ministre que le délégué de la DATAR, aucun choix d'infrastructure ne peut aujourd'hui se concevoir dans une dimension franco-française. Nous devons avoir une vision européenne.

Des décisions restent à prendre, et je suis comme vous, dans l'attente, mais on ne peut pas imaginer que la ligne TGV s'arrête à Rennes. Il serait légitime qu'elle aille jusqu'à la pointe du Finistère. Nous avons, en effet, le souci de raccorder notre façade maritime à l'Europe centrale par la création d'un grand axe Ouest-Est.

Monsieur Thiollère, permettez-moi, avant de répondre à votre intervention, de saluer l'action des services publics qui, aujourd'hui, s'efforcent d'apporter des remèdes aux inondations qui frappent votre région et, plus durement encore, les régions que traverse le Rhône.

Vous avez parlé d'évolution industrielle, d'anticipation, de dimension européenne et mondiale.

S'agissant de l'avenir des fonds structurels européens, je crois déjà avoir répondu. Vous savez l'attention que le Gouvernement porte à votre région.

Le territoire ligérien est aujourd'hui bien doté au titre de l'objectif 2, ce qui prouve la vitalité de celles et de ceux qui conçoivent les projets, mais aussi la volonté de l'Etat de les accompagner. Votre territoire représente 40 % des bénéficiaires de l'objectif 2 en zone régionale. En outre, les dossiers que vous avez déposés et qui sont à l'étude pèsent très lourd.

Vous avez évidemment, avec la société Saint-Etienne Métropole et l'établissement public foncier de l'Ouest Rhône-Alpes, l'EPORA, souhaité que l'on analyse attentivement les possibilités d'accompagner votre effort.

La réflexion que vous avez engagée avec l'agglomération lyonnaise, en lien avec l'aménagement du territoire, est exemplaire et nous sommes en train d'examiner très attentivement et de façon très positive la demande que vous formulez pour l'EPORA.

S'agissant de l'A 45 et de la saturation entre Lyon et Saint-Etienne, nous sommes conscients, si nous laissons la circulation s'engorger, que nous risquons de casser la dynamique de revitalisation du bassin industriel dans votre région, mais, paradoxalement, en même temps qu'émerge cette dynamique apparaissent les effets la limitant.

La consultation sur l'A 45 s'est arrêtée à la mi-juillet et, à ce jour, rien n'interdit d'imaginer la mise en concession de l'A 45. En tout cas, nous espérons là aussi qu'une suite favorable sera apportée.

Enfin, vous avez évoqué le projet urbanistique Saint-Etienne 2005 et les partenariats public-privé.

Là aussi, nous analyserons très attentivement votre projet de renouvellement urbain dans le cadre des prochaines décisions qui pourraient être prises.

Je terminerai en disant que vous avez pointé du doigt un vrai sujet : après les annonces politiques, les actes doivent suivre. C'est la raison pour laquelle nous irons sur le terrain avec le contrat de site, avec les expériences pilotes, avec la téléphonie mobile. S'agissant des CIADT également, nous avons le souci de voir comment ils se déclinent concrètement. En effet, on s'aperçoit quelquefois que la transversalité qui a précédé les décisions du CIADT est fragilisée par la verticalité de la reprise par les administrations.

D'ailleurs, lorsque nous analyserons la loi organique, nous serons extrêmement attentifs à la possibilité de conjuguer la verticalité de la loi organique et l'horizontalité nécessaire à l'accompagnement des politiques publiques.

En tous cas, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de vos questions précises. Nous restons à votre disposition pour vous apporter les compléments d'information que vous estimeriez nécessaires, et nous vous remercions de l'appréciation positive que vous avez exprimée sur la DATAR. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant l'aménagement du territoire et figurant aux états B et C.

ÉTAT B

Services du premier ministre - V - Aménagement du territoire
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2004
Etat C - Titre VI

M. le président. « Titre III : moins 312 966 euros. »

Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président. « Titre IV : 16 681 352 euros. »

Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.

(Ces crédits sont adoptés.)

ÉTAT C

Etat B - Titres III et IV
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2004
Fonction publique et réforme de l'Etat

M. le président. « Titre VI. - Autorisations de programme : 278 823 000 euros ;

« Crédits de paiement : 47 863 000 euros. »

Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président. Nous avons terminé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant l'aménagement du territoire.

Fonction publique et réforme de l'Etat

Etat C - Titre VI
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2004
Etat B - Titres III et IV

M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant la fonction publique et la réforme de l'Etat.

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Roger Besse, en remplacement de M. Gérard Braun, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis amené à remplacer mon excellent collègue Gérard Braun, rapporteur spécial, qui s'est trouvé dans l'obligation de rejoindre son département. Il vous prie de bien vouloir l'excuser.

L'examen des crédits de la fonction publique appelle deux analyses distinctes.

La première est verticale. Elle porte sur la présentation des crédits du ministère chargé de la gestion de la fonction publique. Ceux-ci s'élèvent à 223 millions d'euros en 2004, soit une progression de 5,6 %. Cette hausse succède à une baisse de 2 % des crédits pour 2003, qu'avait justifiée la décision de consommer les reports existants. Compte tenu de l'augmentation de la dépense, afficher une baisse des crédits semblait anormal.

Pour cette année, il faut au contraire se féliciter de la décision du ministre de la fonction publique de « purger » les reports, afin que le montant des crédits traduise la réalité de la dépense. Cette hausse résulte donc d'une « opération vérité ».

La seconde analyse est horizontale et concerne l'ensemble des charges de personnel de l'Etat - rémunérations, charges sociales et pensions -, qui s'établissent à près de 121 milliards d'euros pour 2003, c'est-à-dire 44,1 % des dépenses du budget général.

Nous ne sommes pas encore en mesure de donner le montant exact de ces charges pour 2004 en raison de la généralisation des expérimentations de globalisation des crédits. Rappelons cependant que la charge globale des personnels de l'Etat est passée de 40,7 % des crédits du budget général en 1997 à 44,1 % pour 2003.

De toute évidence, la tendance à l'accroissement des charges de la fonction publique demeure en raison du dynamisme des rémunérations individuelles et de la démographie pour les charges de pension.

J'en viens maintenant aux observations.

Première observation, les effets du changement d'orientation pour 2004 sont encore ténus. Le Gouvernement a annoncé une légère baisse des effectifs. Elle ressort, pour l'ensemble des ministères civils, à 5 561 emplois, représentant 8 % des départs à la retraite. Cette baisse représenterait moins de 116 millions d'euros d'économies en année pleine, soit guère plus de 0,1 % des charges de la fonction publique. En réalité, des diminutions d'effectifs plus substantielles sont attendues de la réforme de l'organisation des services déconcentrés que doit engager le Gouvernement, en cohérence avec les avancées de la décentralisation.

Concernant la réforme des retraites, en raison de l'inévitable longueur des dispositifs transitoires, les gains attendus en 2004 sont quasiment insensibles.

Deuxième observation : l'Etat doit d'abord diminuer le nombre des fonctionnaires.

M. Jacques Mahéas. Ah !

M. Roger Besse, rapporteur spécial. La réforme des retraites n'a pas eu d'autre ambition que de freiner la progression du coût des pensions. Ainsi, pour tenter de contenir la part exorbitante des crédits de la fonction publique dans le budget de l'Etat, il faut nécessairement jouer sur la charge des rémunérations.

Or, un recrutement visant au simple maintien des effectifs détournerait une part croissante des jeunes diplômés du secteur marchand, et l'augmentation du nombre de départs à la retraite représente une occasion unique de diminuer les effectifs de l'administration sans coût social.

Il apparaît que les gains budgétaires peuvent être substantiels avec une politique de non-remplacement énergique : en 2010, ils excéderaient 5 milliards d'euros en cas de non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux.

Au même moment, le gain attendu de la réforme des retraites pour le régime de l'Etat n'excéderait pas 3 milliards d'euros, pour atteindre 10 milliards d'euros à l'horizon 2020.

Ainsi un plan de stabilisation des charges de la fonction publique peut être esquissé par une politique volontaire de non-remplacement des départs progressivement épaulée par la réforme des retraites.

La réflexion sur les missions de l'Etat qui devait précéder la réforme budgétaire s'est avérée décevante. Il est donc urgent que la diminution des charges de rémunération constitue un objectif propre. C'est à cette réalisation que la réforme de l'Etat devra naturellement contribuer autant que possible.

Troisième observation : l'évolution des charges de pension est désormais contenue à terme. S'agissant de la fonction publique, la réforme des retraites était nécessaire en raison de l'évolution du besoin de financement des régimes de la fonction publique, qui devait s'élever à quelque 28 milliards d'euros en 2020, soit 1,3 % du PIB, dont près de 21 milliards d'euros pour le régime de l'Etat. L'élément central de la réforme est l'allongement de la durée de cotisation de 37,5 ans à 40 ans en 2008, puis, comme pour le régime général, à 41 ans en 2012 et, vraisemblablement à 42 ans en 2020.

M. Jacques Mahéas. Et à 50 ans en 2050 ?

M. Roger Besse, rapporteur spécial. Il s'agit d'une contrainte particulièrement forte, car elle s'accompagne d'un renforcement de la pénalisation subie pour les annuités manquantes : c'est ce qu'on appelle la décote, qui existait déjà dans le régime général. Ce mécanisme était pourtant indispensable, car il était seul susceptible d'infléchir les comportements.

D'une façon générale, la réforme parvient à concilier les objectifs suivants : infléchir substantiellement la dérive financière à venir des régimes de la fonction publique ; maintenir le niveau des pensions pour une carrière complète ; établir une nouvelle équité vis-à-vis des autres régimes. L'effet combiné des mesures phares de la réforme - décote, surcote, indexation des pensions sur les prix - doit réduire de 13 milliards d'euros le besoin de financement des régimes de la fonction publique en 2020, soit un peu moins de la moitié. Le verre est-il à moitié plein ou à moitié vide ? C'est une question que l'on peut se poser.

Si la réforme ne permet d'absorber qu'environ la moitié des besoins de financement à venir, il faut simplement considérer qu'elle n'en était que plus urgente et nécessaire, particulièrement dans ses aspects les plus contraignants.

Toutefois, la suppression de certains dispositifs dérogatoires procurant des avantages globalement peu justifiables, essentiellement pour les départements et les territoires d'outre-mer, permettrait de réaliser une économie de l'ordre de 400 millions d'euros.

Quatrième observation : la réforme de l'Etat est relancée par le Gouvernement.

Sur le plan de la gestion publique, le retard de la France s'est accentué sous la précédente législature.

La réforme budgétaire qu'impliquera la pleine application de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, jointe à la nécessité de contenir l'évolution des charges de la fonction publique, incitaient à un saut qualitatif en matière de réforme de l'Etat. Le Gouvernement a décidé de provoquer cette avancée.

Dans le cadre de la LOLF, les projets annuels de performance devront accompagner chaque programme budgétaire et seront confrontés à des rapports annuels de performance. Ce passage d'une logique de moyens à une logique de résultats impliquera un bouleversement de la gestion publique.

Le Gouvernement a récemment mis en place les stratégies ministérielles de réforme, les SMR, présentées par les différents ministres, qui intègrent notamment les effets de la décentralisation et de la LOLF.

A l'occasion de l'examen du présent projet de loi de finances, la commission des finances, procédant à l'audition de certains ministres, a obtenu de leur part des engagements précis qui s'inscrivent dans le cadre de ces SMR.

Par ailleurs, la mise en place d'une gestion prévisionnelle des effectifs devient indispensable. Le Gouvernement doit être ainsi amené à réformer profondément le statut de la fonction publique.

Enfin, accompagnant le projet de loi sur les responsabilités locales, le Gouvernement est en voie d'arrêter le principe d'une réforme portant sur une nouvelle organisation du niveau régional visant à rationaliser les services de l'Etat, gage d'économies d'échelle et de simplification pour l'usager. Tirant les conséquences de l'ensemble de ces perspectives de réforme, d'économies et de rigueur, la commission des finances vous recommande, mes chers collègues, l'adoption de ce budget.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Roger Besse, en remplacement de M. Pierre Fauchon, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. C'est la première fois que la commission des lois est conduite à se prononcer sur le budget de la fonction publique. S'agissant d'un avis, nous ne prétendons évidemment pas reprendre l'analyse détaillée de la commission des finances. Nous nous en tiendrons donc à quelques brèves réflexions, qui sont autant de questions.

La première observation d'ordre général sera pour relever que la modification du système de présentation du budget ne permet guère d'établir des comparaisons, pourtant indispensables dans ce genre d'exercice.

La seconde observation sera pour regretter de ne pas disposer non plus d'éléments de comparaison internationale. Quiconque cherche à apprécier la relation service rendu-coût doit être en mesure de comparer les chiffres français avec ceux de nos partenaires de l'Union européenne de dimension et d'organisation comparables.

D'après les informations que nous avons pu recueillir, il apparaît que le nombre des agents publics et para-publics est très sensiblement plus élevé en France que partout ailleurs.

Sans doute faut-il se garder de toute comparaison sommaire, aussi nous vous demandons, monsieur le ministre, de bien vouloir communiquer au Parlement des éléments permettant de pousser plus loin la comparaison, ce qui suppose de disposer évidemment des éléments analytiques correspondant aux grandes fonctions de l'Etat afin d'y voir plus clair dans ce domaine.

Cette interrogation est de portée générale. Il n'est sans doute pas nécessaire d'en rappeler l'importance en ces temps difficiles où la concurrence internationale est plus vive que jamais et où il importe de renforcer la compétitivité de notre pays, ce qui ne saurait aller sans une réduction des charges générales, et ce qui suppose un ajustement rigoureux de ces dernières à leur utilité. Il ne devrait plus être nécessaire de rappeler que la création ou l'entretien de postes non indispensables n'est qu'une manière artificielle et, à terme, ruineuse de soutenir l'emploi. Nos économies ne sont plus en état de dégager les plus-values qui ont pu, en d'autres temps, autoriser une telle politique.

Quelques aspects particuliers de ce budget appellent les observations complémentaires suivantes.

Tout d'abord, la parité, devenue constitutionnelle pour les élections, est bien peu appliquée en ce qui concerne les 3 800 emplois supérieurs de la fonction publique de l'Etat puisque les femmes n'en occupaient que 12,5 % au 31 décembre 2001, alors qu'elles représentent plus de 55 % de l'ensemble des agents civils.

Il est paradoxal que l'on ait pu imposer dans certaines élections un système extrêmement contraignant, peut-être même au détriment de la liberté de choix des électeurs, tout en étant incapable d'aboutir à une situation plus équilibrée dans un domaine où ce genre de considération n'a pas lieu d'être.

Il convient, à cette occasion, de signaler que le souci de parité, en lui-même très justifié, ne doit pas s'exercer à sens unique, et qu'il convient de veiller à ce qu'il soit pleinement respecté, en particulier dans le corps de la magistrature où un minimum d'équilibre paraît souhaitable dans une mission qui touche de si près aux problèmes humains les plus personnels.

La deuxième réflexion particulière concerne la question de plus en plus importante de la mobilité, et plus spécialement de la mobilité internationale dans le cadre de l'Union européenne qui ne mérite déjà plus le qualificatif d'internationale.

Le déficit d'agents français dans les administrations européennes est un fait notoire et déplorable. Il est de l'intérêt de notre pays d'être présent et activement associé à toutes les actions d'intérêt commun conduites sous l'égide de l'Union, comme il est de l'intérêt d'un fonctionnaire français de vivre une expérience européenne qui représentera un enrichissement pour sa carrière. Encore faut-il évidemment que cette mobilité ne soit pas pénalisante, ce qui semble être quelquefois le cas, et que les difficultés matérielles qu'elle peut entraîner soient généreusement compensées. Sachant que le Gouvernement partage cette préoccupation, nous souhaiterions connaître les mesures qu'il se propose de prendre pour que des progrès significatifs soient accomplis.

La troisième observation, monsieur le ministre, concerne l'accès et l'accueil des handicapés dans la fonction publique. Nous nous réjouissons du développement de cette politique dont témoigne votre budget. Il nous apparaît que s'il est un secteur dans lequel cette préoccupation doit être considérée comme prioritaire, c'est à coup sûr la fonction publique, du fait d'une meilleure capacité d'adaptation inhérente à la notion même de service public. Nous vous remercions de tout ce que vous pourrez faire pour continuer d'améliorer la situation dans ce domaine.

Enfin, il est nécessaire de rappeler l'importance de la culture juridique dans la formation des agents du service public. On constate une certaine régression de cette culture au profit des connaissances économiques et sociales, voire de la culture générale.

Sans doute un bon agent de service public ne doit-il ignorer aucun des aspects de la culture. Il n'en demeure pas moins que la culture juridique doit conserver son rôle central. Cela vaut plus particulièrement pour les magistrats. Nous imaginons difficilement, en effet, qu'un magistrat professionnel puisse ne pas avoir fait avec succès des études de droit approfondies, ce qui est tout autre chose que d'avoir la capacité de passer avec succès une épreuve écrite ou orale portant sur un domaine délimité à l'avance et se prêtant à une initation rapide. Souvenons-nous que les avocats, aussi bien que les greffiers, les notaires et les huissiers doivent être titulaires de qualifications juridiques sérieuses. Il ne saurait en être autrement d'un magistrat, aussi longtemps du moins que la notion d'Etat de droit et de justice fondée sur des règles et des principes conservera son caractère fondamental dans notre société.

C'est au bénéfice de ces observations que la commission des lois du Sénat donne son approbation au budget de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire : 23 minutes ;

Groupe socialiste : 12 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen : 5 minutes.

Je vous rappelle que, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

La parole est à M. Jacques Mahéas.

M. Jacques Mahéas. M. Besse a été fort brillant dans son rôle d'homme-orchestre, mais permettez-moi, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, d'avoir une autre approche du budget de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Les crédits alloués à la fonction publique et à la réforme de l'Etat s'élèvent cette année à quelque 223 millions d'euros, soit une hausse de 4,37 %, dont vous semblez vous excuser, monsieur le ministre. Fidèle à l'idéologie dominante du Gouvernement, il s'agit, sous couvert de sincérité budgétaire, de donner des gages à Bruxelles et de rassurer votre majorité.

Rassurés, les Français, eux, ne le sont pas. Ils sont inquiets pour leur emploi, leur santé, leur vieillesse, leur retraite, leur école ; et les plus déshérités d'entre eux seront les premières victimes.

Rassurés, les fonctionnaires ne peuvent guère l'être non plus, eux qui se sentent légitimement pris pour cible : année salariale blanche en 2003, puis augmentation symbolique, pour ne pas dire électoraliste, pour 2004 ; réforme des retraites où ils se sont sentis manipulés ; réduction des effectifs ; conception brutale du salaire au mérite ; suppression du lundi de Pentecôte dès 2005...

Enfin, et surtout, comme on vient de l'entendre, l'attitude de défiance du Gouvernement à leur égard reflète parfaitement la conception ultralibérale de l'Etat qui veut, a priori, que la dépense publique soit forcément mauvaise, les fonctionnaires forcément trop nombreux et la fonction publique forcément inefficace.

C'est la poursuite du démantèlement de l'Etat dont on a une autre illustration avec le projet de loi relatif aux responsabilités locales.

Or la réussite de la réforme de l'Etat et de la décentralisation exige un Etat dynamique et des fonctionnaires confiants qui adhèrent au projet.

Je dirai maintenant quelques mots sur le budget lui-même, qui ne présente pas d'innovations particulières.

Les crédits vont, pour l'essentiel, à l'action sociale interministérielle. En baisse de 1,4 %, ils restent caractérisés par un taux de consommation relativement faible qu'il conviendrait d'expliciter, même si le phénomène n'est pas récent.

J'aimerais toutefois que vous me donniez quelques précisions supplémentaires sur le prélèvement sur le fonds de roulement de la mutuelle de la fonction publique. Cette opération risque de conduire à une gestion à flux tendu, donc à des difficultés pour servir efficacement les prestations.

J'attire votre attention à nouveau sur les obstacles rencontrés par les jeunes fonctionnaires qui cherchent à se loger dans les grandes agglomérations, notamment en Ile-de-France. La situation est encore aggravée par votre politique salariale et par une gestion de ces crédits inopérante.

En revanche, nous ne pouvons que nous réjouir de la nouvelle augmentation des dépenses en faveur du développement de l'insertion des personnes handicapées. Malheureusement, même ce domaine, pourtant déclaré chantier prioritaire, a subi des mesures de régulation budgétaire, même si les demandes des ministères étaient supérieures aux crédits votés par le Parlement.

Il est de coutume de profiter de cette discussion budgétaire pour embrasser, de manière plus ample, le devenir de la fonction publique.

Après 701 emplois en 2003, 4 561 postes disparaîtront en 2004. Seuls les ministères régaliens, justice et intérieur, échappent à la logique comptable, tandis que d'autres paient de nouveau un lourd tribut, l'équipement, l'économie, finances et industrie, la jeunesse et l'enseignement scolaire.

A la suite des propos de tel ou tel membre de la majorité appelant de ses voeux le non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux, ou sur trois, ou sur cinq, ce sont finalement près de 10 000 départs qui ne seront pas remplacés en 2004, soit un taux de non-renouvellement proche de 20 %.

Ces baisses d'effectifs sont avancées sans que le Gouvernement explique quelles missions de l'Etat il souhaite réduire.

Cette absence de stratégie est l'illustration d'une réforme non planifiée, d'un positionnement idéologique, d'une gestion irraisonnée des ressources humaines. Le rapport de la commission des finances ne nous rassure guère, qui affirme ouvertement - et en titre ! - : « Le nombre des fonctionnaires, première variable d'ajustement pour infléchir l'évolution de la dépense de fonction publique » et ce dans la droite ligne des engagements pris à Bruxelles, semble-t-il.

Nous aimerions donc être éclairés sur les véritables intentions du Gouvernement et nous espérons que vous ne participiez pas à ce double discours, monsieur le ministre, lorsque vous affirmiez, à l'Assemblée nationale : « La politique salariale (...) pourraît être mieux mise en relation avec la croissance. »

Car de « politique salariale », il n'y en a guère, justement, à moins que la rémunération au mérite n'en tienne lieu. Les agents, eux, se sentent méprisés et pris pour cible, sacrifiés qu'ils sont sur l'autel du déficit, alors que vous vous apprêtez à leur concéder le superflu - les primes au mérite - au détriment du nécessaire - un pouvoir d'achat conservé.

On connaît, néanmoins, le goût de M. Sarkozy pour ces exercices chiffrés, qu'il s'agisse des mesures de la délinquance ou des reconduites à la frontière ! Il en existe déjà des interprétations abusives, comme celle de ce directeur de la sécurité publique de l'Hérault qui, dans une note de service, impose à chaque service un nombre précis de gardes à vue... quotidiennes !

N'oublions pas que le système de notation des fonctionnaires a déjà été réformé, sa procédure modernisée et l'entretien d'évaluation rendu obligatoire par le décret du 29 avril 2002, sans parler des primes ou de la nouvelle bonification indiciaire, dont la répartition mériterait, d'ailleurs, d'être grandement améliorée.

En réalité, l'agitation autour de ce thème n'a constitué qu'un fort maladroit tour de passe-passe destiné à détourner les esprits de négociations salariales qui, après avoir été repoussées, n'ont abouti à rien pour l'année 2003 et à seulement 0,5 % d'augmentation en 2004, soit bien en deçà de l'inflation. Ces négociations n'en étaient pas, puisque tout était réglé d'avance, avec la même absence de dialogue social que lors du choix du lundi de Pentecôte travaillé, imposé sans aucune concertation.

Avec des coups de force semblables, on aboutit immanquablement à la rupture, et les sept fédérations de fonctionnaires, lassées d'être mises devant le fait accompli, ont décidé de boycotter les futures réunions.

Ce gouvernement qui prône l'action, et toujours l'action, va pourtant créer un observatoire des salaires de la fonction publique et propose d'attendre 2005 pour instituer des négociations salariales annuelles. S'agirait-il de mesures dilatoires ?

En attendant, 2003 sera une année blanche : depuis que vous êtes en fonction, les syndicats, désenchantés, constatent une perte de pouvoir d'achat de 3,5 %, alors qu'il n'y avait aucune année blanche sous la législature précédente : le pouvoir d'achat avait été maintenu.

L'évolution prévisible de leurs pensions n'est pas pour apaiser les agents, qui se sentent les grands perdants de la réforme des retraites. Ceux, nombreux, qui n'auront pas atteint les annuités recquises seront doublement pénalisés, à la fois par le calcul sur 1,875 % par annuité et par l'application de la décote. La perte de pouvoir d'achat risque, là encore, d'être très importante.

S'agissant de la réforme de l'Etat, j'avoue être plutôt rétif face à votre discours « managérial », tout ampoulé, tout gonflé de « culture de la performance » ou de « culture du résultat ».

Certes, dans le prolongement de la modernisation lancée par la précédente législature, vous affichez la réforme de l'Etat comme une « priorité gouvernementale » - une de plus ! - en réorganisant le dispositif administratif et en préconisant des « stratégies ministérielles de réforme ».

De même, la simplification administrative, déjà largement engagée, se poursuit, mais dans des formes discutables. La voie des ordonnances peut, certes, être légitime pour simplifier certaines procédures, mais, dans des domaines beaucoup plus complexes, ce recours a le défaut non négligeable de substituer l'administration au débat démocratique.

La polémique sur la réforme des marchés publics a montré que la transparence est la condition indispensable d'une solution adaptée et qui emporte l'adhésion.

Surtout, monsieur le ministre, votre politique de réforme de l'Etat se confond, pour l'essentiel, avec un vaste mouvement de décentralisation qui s'apparente, en réalité, à un désengagement financier de l'Etat et à un démantèlement des services publics.

Monsieur le ministre, trop d'inquiétudes et d'incertitudes conduisent le groupe socialiste à rejeter un budget qui n'a pas, loin s'en faut, le souffle nécessaire.

M. le président. La parole est à Mme Evelyne Didier.

Mme Evelyne Didier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, moi aussi, je remplace ! (Sourires.) J'interviens dans ce débat au nom de Mme Josiane Mathon, qui a dû rentrer sur ses terres, frappées par les inondations.

Le budget de la fonction publique que nous étudions aujourd'hui est un élément essentiel de la politique que mène ce gouvernement.

Il concerne directement près de 5 millions de fonctionnaires au sens large du terme. C'est donc un indicateur de l'action gouvernementale, pour ou contre l'emploi, pour ou contre le pouvoir d'achat de très nombreux foyers, pour ou contre l'amélioration des conditions de travail.

Au-delà, ce budget est le révélateur du sens que vous donnez à l'action de l'Etat dans le cadre de votre décentralisation anti-solidaire.

L'étude attentive de votre projet de budget fait apparaître une augmentation en trompe-l'oeil de 5,59 % des crédits dédiés au ministère de la fonction publique.

Mais c'est, en réalité, un budget contre l'emploi.

Près de 10 000 départs à la retraite ne seront pas remplacés en 2004, soit un taux de non-renouvellement des postes de près de 20 %. Vous détruisez directement, monsieur le ministre, près de 4 500 postes.

C'est également un budget contre le pouvoir d'achat des salariés et de leurs familles : déjà, en 2003, les fonctionnaires viennent de perdre 1,5 % de leur pouvoir d'achat, leurs salaires n'ayant été revalorisés que de 0,5 % quand l'inflation atteignait 2 %. Désormais, il faudrait attendre 2005 et votre « rendez-vous annuel obligatoire ». Pour l'heure, vous servez un budget d'austérité salariale aussi injuste socialement qu'il sera inefficace économiquement. En écrasant les salaires, vous freinez la consommation des ménages, moteur de la croissance.

Ce budget va-t-il permettre une amélioration des conditions de travail ? Nous constatons que l'une des clés essentielles pour cela, la formation des fonctionnaires, est négligée. En 2003, le chapitre 34-94, regroupant les crédits afférents, ne sont pas consommés. Au 31 août, 12,3 % de cette enveloppe avaient été utilisés. De plus 20 % des crédits destinés aux actions de formation interministérielle ont été gelés. Quel peu de cas votre gouvernement fait de la promotion des compétences des agents de l'Etat !

Est-ce là un signe concret de l'appel lancé aux différents ministres afin qu'ils s'impliquent personnellement dans la gestion de leurs départements ministériels ?

En 2004, le chapitre 34-94 connaît une légère augmentation, de 400 000 euros. Seront-ils utilisés ?

Votre budget s'attaque aux fonctionnaires. Il met en application, l'an prochain, la réforme des retraites. Celle-ci, rappelons le, fait supporter aux seuls salariés l'évolution démographique de notre pays, excluant la possibilité de faire cotiser les revenus financiers des entreprises. Concrètement, les agents de la fonction publique devront, d'ici à 2009, cotiser cent soixante trimestres au lieu de cent cinquante, et le rendement de chaque annuité baissera, passant de 2 % en 2003 à 1,786 % en 2020. Je ne peux pas laisser dire que vous avez sauvé le système des retraites par répartition, quand, six mois après le grand mouvement social contre votre réforme, se multiplient dans les médias les offres de placements individuels et privés.

Votre budget, monsieur le ministre, porte une vision négative de la fonction publique. Il renvoie les emplois-jeunes à la case chômage et ne permet pas d'enrayer la désaffection qui guette la fonction publique. On constate, à cet égard, une chute de 40 % du nombre des candidats aux Instituts régionaux d'administration.

Ce manque d'attrait de la fonction publique est un véritable problème. Le Gouvernement l'entretient au lieu de le combattre, en cherchant à appliquer à la fonction publique une gestion de type privé.

Votre vision de l'Etat l'apparente à un organisme gestionnaire devant rechercher en premier lieu l'économie, le moindre coût, la moindre place pour ne pas gêner la « main invisible » du marché.

Vous ne réformez pas l'Etat, vous le défigurez. La puissance publique devrait, d'après vous, non plus assurer la solidarité nationale, mais se résumer à des fonctions régaliennes dont certaines seraient partiellement externalisées, c'est-à-dire privatisées. L'ampleur de la grève historique des personnels du ministère des affaires étrangères devrait pourtant faire réfléchir.

Les fonctionnaires sont attachés à leurs missions de service de l'intérêt général, mais vous leur proposez tout autre chose.

Vous avancez l'idée d'un salaire au mérite, au résultat, pour faire voler en éclat l'égalité de traitement. Il est juste de dire que cette mesure, qui plus est dans une période de stagnation salariale, peut entraîner des différences, voire des oppositions, entre fonctionnaires. Que deviendra l'efficacité du service rendu au public si vous alimentez des concurrences stériles entre individus, entre services ?

Votre gouvernement prône le dialogue social, mais vous envisagez d'instaurer un service minimum dans les services publics. C'est dire que votre objectif est, non pas de rechercher le dialogue, la prise en compte des besoins des agents, mais plutôt de réduire la charge salariale et restreindre le droit de grève constitutionnellement reconnu.

Quel crédit apporter à votre discours sur le dialogue social quand, dans une entreprise publique comme GIAT, où un accord de méthode est en cours, la direction et les pouvoirs publics déménagent nuitamment une partie de la production placée sous le contrôle des salariés du site de Saint-Chamond ? Avec raison, les organisations syndicales parlent de provocation et de « méthode de voyoux » , dans cette affaire.

De GIAT à l'hôpital, de l'école à l'équipement, c'est la même vision libérale qui vous anime ! Votre budget disloque la fonction publique. C'est pourquoi, monsieur le ministre, nous nous y opposerons.

M. le président. La parole est à M. Yann Gaillard.

M. Yann Gaillard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'Etat, au fond, leur Etat, les Français l'aiment-ils ? On pourrait croire que oui, à en juger par la nervosité qui se manifeste quand les TOS passent sous la coupe des communes, ou les monuments historiques sous celle des régions.

Et pourtant, est-il entité dont la « réforme » soit plus unanimement désirée ? Deux ministres ne sont pas de trop, sauf ce soir, bien entendu ! (Sourires.)

En 1957, Emmanuel Berl écrit dans La France irréelle : « Quoique les citoyens demandent beaucoup à l'Etat au nom des fidélités, des appartenances, des sacrifices consentis, des malheurs subis, le peuple persiste à le regarder comme un parasite, parfois glorieux, souvent funeste et toujours inutile. »

On comprend que réformer l'Etat soit une tâche délicate. On lèse facilement plus d'intérêts qu'on apporte de satisfactions. Fini le temps des tableaux inspirés, à la manière du Souverain captif d'André Tardieu, sous la IIIe République, ou de La Mort de l'Etat républicain de Michel Debré, sous la IVe République. La réforme de la Constitution elle-même est devenue un acte de gestion courante. L'Etat n'est plus un totem métaphysique, mais une boîte à outils !

Pragmatisme et prudence de Sioux inspirent donc le cocktail de mesures que vous et votre secrétaire d'Etat avez proposé au Parlement. Celui-ci vous avait devancés, à la fin du gouvernement Jospin, en votant la LOLF, cette loi unanimiste Migaud-Lambert, née des deux chambres et des deux camps, comme par l'effet d'une Pentecôte inattendue. (Sourires.) Sous ce panonceau, vous dressez votre étal. Le moment n'est plus aux effets d'annonce. Il faut tenir, et vite. Donc ne pas proposer des choses impossibles.

Quelles sont donc les visées possibles d'une réforme de l'Etat, qui ne prétend pas au bouleversement, mais qui a pour ambition le progrès ?

Une première cible est celle des collectivités locales. Vous avez raison d'accompagner la décentralisation Raffarin en revoyant le déploiement de l'Etat sur le terrain. La deuxième cible est celle des citoyens ou, plus modestement, les usagers - on ne dit plus nulle part, je le remarque en passant, les « administrés ». La troisième cible, enfin - et surtout, allais-je dire -, ce sont les fonctionnaires, qui ne sont pas pour vous l'interlocuteur le plus facile, mais il est bon que soient réunies dans la même main fonction publique et réforme administrative.

Aux collectivités locales, vous promettez des marges d'action supérieures et une plus grande disponibilité de l'Etat. Aux citoyens - usagers - clients, la nécessaire et jusqu'ici toujours décevante simplification, car, hélas ! rien n'est plus compliqué que de simplifier ! Et aux fonctionnaires, promesse redoutable, et pas toujours bien reçue, la rémunération au mérite. Bien entendu, vous voulez rapprocher les unes des autres les trois fonctions publiques et la France de l'Europe. Bien entendu, vous ne parviendrez pas à tout faire, mais ce sera déjà beaucoup si vous parvenez à imposer votre méthode d'auto-réforme à vos collègues, et à prendre quelques mesures symboliques, car, en droit public, le symbole est déjà réalité.

La méthode, ingénieuse, est celle des SMR, ces « stratégies ministérielles de la réforme » qui pourraient constituer une invite pressante au progrès si les meilleures d'entre elles étaient récompensées par quelques gratifications budgétaires. Le fonds pour la réforme de l'Etat peut-il en tenir lieu ?

Quant aux mesures symboliques, pour ne m'en tenir qu'à deux ou trois, je salue d'un sourire l'idée d'une charte Marianne pour la qualité de l'accueil. Plus déterminantes, ces deux idées révolutionnaires : ouvrir les concours administratifs à des citoyens européens, et remplacer le détachement par la mise en disponibilité pour les fonctionnaires qui entrent en politique, car c'est ruiner, à terme, le mythe de l'énarchie.

Pour finir, je dirai deux mots de votre projet de réforme de l'ENA, avec prudence, car je sais que c'est toucher là, comme disait Gustave Flaubert, au manteau de Tanit.

Les orientations me paraissent bonnes : il faut en effet redonner à l'Ecole sa vocation d'école d'application. Mais comment faire si subsiste ce fâcheux concours de sortie qui force des pères de famille au bachotage ? La commission Silguy recommandait de le supprimer ; mais comment éviter dès lors arbitraire et népotisme ? Vous vous êtes donc résigné à maintenir le classement en introduisant une distinction entre corps et emploi d'affectation. On verra si cela marche !

Pour ma modeste part, vous le savez, monsieur le ministre, j'avais rêvé d'une réforme différente. Le classement aurait eu lieu dès le concours d'entrée - je sais bien que ce n'est pas politiquement correct -, avec le droit de tenter celui-ci trois années de suite. Après quoi, il ne serait plus resté aux élèves qu'à faire leur stage et à apprendre leur futur métier !

Le rapprochement avec la fonction publique territoriale est une excellente mesure, et j'approuve, évidemment, l'idée de passer le plus de temps possible à Strasbourg, dans cette ancienne commanderie de Saint-Jean - face au palais du conseil général, où règne notre collègue Philippe Richert - où Edith Cresson avait déporté, pour notre bien, les futurs énarques (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jean-Paul Delevoye, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire. Monsieur le rapporteur, je tiens tout d'abord à saluer votre polyvalence. Elle ne m'étonne guère de votre part, connaissant vos talents et vos compétences.

Lorsque l'on aborde le budget de la fonction publique, on doit considérer non seulement la fonction publique, mais le secteur public dans son ensemble.

Quoi qu'il en soit - et ce point me permet de faire la transition avec le budget de l'aménagement du territoire que nous venons d'examiner -, je voudrais moi aussi saluer M. Jacky Richard et la direction qu'il anime, dont l'action nous a aidés à parvenir à une bonne consommation des crédits votés, puisqu'elle s'établit actuellement à 99,47 %.

Nous avons donc fourni un effort extrêmement important pour que les crédits votés soient consommés et ne restent pas en suspens. Ainsi, cette année, nous avons amélioré l'insertion des handicapés et oeuvré pour une plus grande transparence. L'Observatoire de l'emploi public continue d'apporter des informations chaque année plus précises, car nous avons besoin, et les partenaires sociaux avec nous, de savoir, pour chaque ministère, qui fait réellement quoi, qui est responsable de quoi, qui est mis à disposition d'un autre ministère, d'une organisation syndicale, d'une mutuelle...

Personne ne doit craindre la transparence : au contraire, si nous voulons pouvoir mener des débats précis, nous devons connaître exactement l'affectation des moyens humains comme des ressources monétaires et financières.

Monsieur le rapporteur, vous avez indiqué que la commission des finances estimait qu'il fallait réduire le nombre de fonctionnaires, ce à quoi M. Jacques Mahéas et Mme Evelyne Didier ont répondu que ce n'était pas du tout cela, qu'il fallait au contraire le maintenir ou l'augmenter. En réalité, le débat sur le nombre des fonctionnaires est un débat qui cache l'objectif : le nombre de fonctionnaires n'est qu'un moyen. Ce qui est important, c'est qu'aujourd'hui, dans le schéma de réforme et de modernisation des ministères, il appartient à chaque département d'analyser la pertinence de ses missions, de ses procédures, de ses moyens. L'effectif n'est que la conséquence de l'affectation des missions !

Nous devons tous prendre conscience que l'Etat n'est pas un puits sans fond. Depuis maintenant plus de vingt ans, on accepte que le déficit structurel de l'Etat soit de l'ordre de 20 %. Car, lorsqu'on affirme que le déficit de l'Etat atteint 3 % ou 4 % du PIB, c'est en réalité une façon de ne pas dire que, depuis vingt ans, les dépenses de l'Etat sont supérieures de 20 % à ses recettes ! La preuve en est d'ailleurs que la dette de l'Etat est passée de 15 % du PIB en 1980 à plus de 60 % aujourd'hui. Que l'on parle d'un ménage, d'une entreprise ou d'un Etat, cela signifie que de plus en plus d'argent est consacré au remboursement de la dette et de moins en moins à l'investissement, à la préparation de l'avenir. C'est une dérive.

A un moment où la population vieillit, où certains, n'ayant pas la qualification nécessaire, se sentent évincés du système marchand, nous avons besoin des politiques de solidarité publique. Et nous constatons que, paradoxalement, la défense du service public ne passe pas par l'accélération, mais au contraire par la maîtrise des dépenses.

M. Jacques Mahéas. Par la diminution des impôts !

M. Jean-Paul Delevoye, ministre. D'ailleurs, c'est bien le réflexe que vous avez tous, dans vos collectivités locales : vous adaptez vos dépenses à vos recettes.

Le paradoxe nous amènera probablement à un changement de culture. On peut être d'accord ou non, mais cette fatalité de la dépense qui prévaut quand on se tourne vers l'Etat et qui se double du choix de la maîtrise des dépenses quand on est maire, président de conseil général ou président de conseil régional, conduit à une schizophrénie à laquelle il faudra bien mettre un terme. Ainsi, l'Etat pourrait tout, alors que le maire, lorsque ses adjoints lui demandent 300 000 euros et qu'il n'en a que 100 000, les invite à faire des choix ? Les élus locaux passent leur temps à dire non, et l'Etat devrait passer son temps à dire oui ? L'heure n'est plus à susciter les dépenses : on doit aujourd'hui se préoccuper des recettes.

Et c'est peut-être là le fait nouveau : aujourd'hui, l'efficacité de l'administration doit être analysée, car la légitimité du service public passe par la qualité du service rendu.

Nous devons être conscients, et les fonctionnaires le savent bien, que le service public n'incarne plus aux yeux de nos concitoyens les valeurs de la République qu'il portait autrefois. Pour certains de nos concitoyens, il n'y a plus l'école de la République que nous avons tous connue, qui était la garante de l'égalité des chances : il y a la bonne ou la mauvaise école. Il n'y a plus l'hôpital, garant de la bonne santé pour tous : il y a l'hôpital devant lequel on peut se permettre d'avoir un infarctus et celui devant lequel il vaut mieux l'éviter.

Reconstruire le service public, c'est permettre la qualité du service rendu, ce qui passe non pas forcément par des moyens accrus, mais bien plutôt par une meilleure utilisation des compétences individuelles. Il ne s'agit pas de critiquer les fonctionnaires, il s'agit de critiquer un système dont chacun reconnaît, quand on quitte les discours convenus, quand on met à bas toutes les hypocrisies dont on a pris l'habitude, qu'il ne récompense pas la vertu : celui qui économise n'est pas mieux récompensé que celui qui dépense ; celui qui prend des initiatives n'est pas mieux récompensé que celui qui n'en prend pas.

Entrer dans le service public, c'est une passion, c'est une motivation, c'est une exigence envers soi-même. Mais, assez rapidement, le désenchantement apparaît ; alors, on s'engage dans un syndicat, non pas parce que l'on a une certaine conception du service public, mais parce que l'on a l'impression qu'ainsi on pourra avoir un déroulement de carrière plus rapide, qu'on accédera aux informations plus vite que les autres... Ce n'est pas cela, l'engagement syndical ! De même, quand on s'engage dans un parti politique, ce n'est pas pour pouvoir être candidat dans tel ou tel canton, c'est parce qu'on a une certaine conception de la France et de la société.

Il est hypocrite de laisser croire que le concours permet l'égal accès de tous quand ce sont les titulaires d'une licence qui enlèvent toutes les places lorsque le niveau demandé est celui du baccalauréat. Car cela fait naître une double frustration : celle des surdiplômés sous-payés, et celle des gens qui ont le niveau du baccalauréat et qui déduisent de tout cela que la fonction publique leur est interdite parce que les surdiplômés viennent prendre toutes les places.

Nous avons décidé - peut-être peut-on nous le reprocher - de poser les problèmes tels qu'ils sont, de refuser qu'une question soit taboue et, quand les choses ne sont pas possibles, de le dire. Nous voulons rompre avec ce discours de l'illusion selon lequel il n'y a qu'à payer, il n'y a qu'à augmenter les moyens, indéfiniment. Plus les moyens sont importants, moins il y a de résultats, mais qu'importe ! On est dans la spirale.

On occulte d'ailleurs un aspect extrêmement préoccupant : c'est que l'on demande que les effectifs des services publics soient toujours plus nombreux en omettant - et c'est peut-être l'un des problèmes les plus difficiles à régler, quelles que soient nos philosophies politiques - que les services publics ne peuvent pas être le réceptacle des déresponsabilisations individuelles.

Si les gens n'arrivent plus à se parler ni à régler autrement que par la violence leurs petits conflits de proximité, on aura beau augmenter le nombre de magistrats, nos tribunaux seront saturés. On aura beau multiplier le nombre d'enseignants, s'ils doivent en même temps éduquer et élever les enfants, l'école publique ne marchera jamais. On aura beau multiplier les services d'urgence, si les soins de proximité ne sont plus gérés par les familles elles-mêmes, les services publics exploseront.

Nous devons y réfléchir, car, si le service public doit favoriser l'égalité entre nos concitoyens, ce n'est certainement pas un océan d'irresponsabilité individuelle qui nous mènera à la responsabilité collective.

La question est importante. Antigone ne disait rien d'autre quand elle affirmait que les lois non écrites sont supérieures aux lois écrites, ce qu'une grande philosophe formulait en soulignant qu'au moment où la morale collective s'affaiblit, elle est remplacée par les lois juridiques, qui ne modifient pas les comportements individuels.

Il nous faut donc réfléchir à la pertinence des services, à la pertinence des procédures, à la pertinence des moyens, et faire en sorte que chaque fonctionnaire soit épanoui, se sente considéré sur son lieu de travail. Il nous faut aussi, lorsque les ressources financières manquent pour assumer un service public, ne pas hésiter à demander à l'Europe de l'exercer, ou à le déléguer aux collectivités territoriales, ou à le supprimer s'il est inutile. Pourquoi vouloir maintenir des structures à tout prix ? Ce n'est pas au problème de s'adapter aux structures, c'est aux structures de s'adapter aux défis que nous devons relever.

C'est la raison pour laquelle nous avons engagé des réformes grâce auxquelles les modes de recrutement seront améliorés, la validation des acquis professionnels rendue possible, le déroulement de carrière accéléré pour les gens motivés, l'accès aux responsabilités facilité - mais systématiquement sanctionné par des concours. Tout cela vous sera soumis au début de l'année 2004.

Monsieur le rapporteur, je vous remercie des propositions très courageuses que vous avez bien voulu formuler.

Monsieur Mahéas, vous nous avez reproché de mettre en exergue les fonctionnaires et de faire systématiquement leur procès. Comme vous, j'entends un certain nombre de discours. Selon certains, le bonheur est toujours dans le secteur public ; selon d'autres, le malheur est toujours dans le secteur public... Je ne souscris aux excès ni des uns ni des autres : je suis de ceux qui pensent qu'un secteur privé performant a besoin d'un service public performant et que la mondialisation de l'économie impose des outils de régulation de caractère public. Mais nous devons aussi veiller à proportionner le financement de la sphère publique aux possibilités du pays, sans quoi surgiraient les difficultés que j'évoquais tout à l'heure.

Je me permettrai d'apporter un bémol à vos affirmations sur la politique salariale. Le pouvoir d'achat, dites-vous, avait été maintenu sous le gouvernement Jospin. Je ne me référerai pas à mes propres discours, car vous pourriez les contester ; je m'appuierai sur les arguments présentés par les syndicats. Ils ont certes mentionné une perte de pouvoir d'achat de 3,6 %, mais en prenant pour référence la date du 1er janvier 2000 ! Alors, permettez-moi de partager cette responsabilité entre le gouvernement précédent et le gouvernement actuel...

M. Jacques Mahéas. Il y a eu deux années où la politique salariale a été extrêmement positive ! Vous allez tout de même accepter de considérer que le gouvernement Jospin a duré cinq ans. Il s'agit d'être honnête !

M. Jean-Paul Delevoye, ministre. Monsieur Mahéas, je reprends simplement les arguments que vous-même avez avancés !

M. Jacques Mahéas. Non !

M. Jean-Paul Delevoye, ministre. Je reprends vos propres termes, et je voudrais que vous les relisiez ! Selon vous, les syndicats ont indiqué que la perte de pouvoir d'achat était de 3,6 %. C'est bien ce que vous avez dit ?

M. Jacques Mahéas. Non ! Elle est de 3,5 % !

M. Jean-Paul Delevoye, ministre. Si vous voulez !

Je vous transmettrai les tracts syndicaux. (M. Jacques Mahéas manifeste son mécontentement.)

Nous n'allons pas, monsieur Mahéas, engager de débat ici : je vous crois sur parole !

M. Jacques Mahéas. Le Gouvernement...

M. Jean-Paul Delevoye, ministre. Je vous propose une discussion chiffres contre chiffres !

M. Jacques Mahéas. Allez-y !

M. Jean-Paul Delevoye, ministre. Nous n'allons pas engager un débat, certes, mais acceptez, monsieur Mahéas, que j'aille au bout de mon raisonnement.

Vous avez dit vous-même que les organisations syndicales évaluaient la perte de pouvoir d'achat à 3,5 %. Je vous ferai observer que leurs tracts précisaient que cette perte de pouvoir d'achat de 3,5 % vaut pour la période qui a commencé le 1er janvier 2000 ! C'est donc bien que les responsabilités sont partagées ! Vous n'êtes pas obligé de me croire, mais je pourrai vous en fournir la preuve !

Vous avez évoqué les négociations syndicales, et je ferai trois remarques à ce sujet.

Comme nous-mêmes, comme aussi les organisations syndicales, vous avez souligné qu'il convenait de mettre fin à cette hypocrisie qui voue systématiquement les négociations à l'échec parce que, d'un côté, les syndicats mettent en avant la comparaison entre le point d'indice de la fonction publique et l'indice des prix, comparaison à laquelle, de l'autre côté, tous les gouvernements, quels qu'ils soient, opposent l'effet sur la masse salariale, puisque la RMPP, la rémunération moyenne des personnes en place, augmente de 2 %, 3 % voire 4 %, et que le SMPT, le salaire moyen par tête, augmente lui-même d'autant.

Comment parvenir à concilier l'augmentation de la masse salariale et la comparaison entre la valeur du point d'indice et l'augmentation des prix ? Comment concilier une vision trop restrictive d'un côté et une vision sans doute trop globale de l'autre ?

Je m'appuie d'ailleurs sur une analyse de DEXIA, qui est partagée par l'ensemble des élus, quelle que soit leur couleur politique, selon laquelle l'augmentation de 4,9 % de la masse salariale des collectivités territoriales limite leur capacité d'investissement et diminue leur marge d'autonomie financière. Cet argument, qui a été formulé non par le Gouvernement, mais par un organisme qui travaille avec les collectivités territoriales et dont l'étude a été présentée au Sénat et approuvée par l'ensemble des élus locaux, montre à l'évidence que la non-maîtrise des dépenses de fonctionnement, en fragilisant les capacités d'investissement et d'autonomie financière, fragilisera de fait le service public, et donc les fonctionnaires.

En nous inspirant du Conseil d'orientation des retraites, mis en place par le précédent gouvernement, qui avait permis aux partenaires sociaux d'avoir un diagnostic partagé sur la question des retraites, nous avons installé un observatoire de l'emploi public auquel les syndicats peuvent demander les statistiques dont ils ont besoin pour asseoir leur réflexion sur l'évolution des salaires. Car, selon que l'on prend les statistiques de Bercy, de l'INSEE ou d'autres organismes, on aboutit à des résultats différents !

Deuxième remarque : la négociation salariale relève de la seule autorité du Gouvernement, quel que soit le gouvernement. Il l'a menée tous les ans, tous les deux ans, en début d'année, en fin d'année... Nous avons souhaité que le rythme des négociations ne soit plus marqué par cette irrégularité en fixant que, à partir du 1er janvier 2005, la négociation serait annuelle et obligatoire. Cela me paraît constituer une avancée sociale.

Troisième et dernière remarque : puisque les négociations allaient systématiquement à l'échec, puisque aucune n'a réussi depuis plus de cinq ans... (M. Jacques Mahéas proteste.)

Depuis cinq ans, aucune négociation ne s'est conclue par une signature !

M. Jacques Mahéas. Pas la signature de tout le monde, c'est vrai !

M. Jean-Paul Delevoye, ministre. Non ! Même les négociations menées par M. Sapin, qui avait pourtant mis 25 milliards de francs sur la table, n'ont pas abouti ! Et c'est la raison pour laquelle les décisions prises étaient des décisions unilatérales !

Si les négociations salariales dans la fonction publique n'ont jamais abouti, c'est parce qu'elles étaient abordées dans une posture de confrontation, d'échec et, au fond, de refus de parvenir à un accord. Une telle posture ne nous satisfait pas parce que, en fin de compte, elle ne permet pas aux syndicats de jouer leur rôle de partenaires sociaux capables d'avancer leurs propositions et de nous accompagner dans la réforme, et parce qu'elle place systématiquement le pouvoir politique, quel que soit le Gouvernement, dans la position de l'accusé, coupable de n'avoir pas accepté l'évolution des salaires selon cette relation beaucoup trop étroite entre le point d'indice de la fonction publique et l'indice des prix.

Madame Didier, vous affirmez que la formation des fonctionnaires est négligée. Mais les crédits de formation ont été largement consommés !

Cependant, vous mettez l'accent sur l'un des chantiers que nous avons décidé d'ouvrir : celui de la formation initiale et de la formation continue. D'ailleurs, dans le projet de loi que nous soumettrons au Parlement et qui concernera aussi bien la fonction publique d'Etat que la fonction publique territoriale, la formation sera - au demeurant, comme pour l'ensemble des salariés - un élément déterminant.

Je pense que vous mettez le doigt sur un vrai sujet.

Quant à l'intervention de Yann Gaillard, dont on a pu apprécier la culture, le talent, l'humour sous une apparente placidité et la gourmandise des mots, elle était tout à fait intéressante.

Je veux vous dire, monsieur Gaillard, que nous aimons l'Etat, et on se plaint de l'Etat. Vous avez raison de dire que notre pays a besoin de la protection de l'Etat, et de stratèges de l'Etat. Vous mettez l'accent sur cette formidable réflexion de Kennedy qu'il faudrait nous appliquer à nous-mêmes. Ne nous demandons pas ce que l'Etat peut faire pour nous, posons-nous aussi la question de savoir ce que l'on peut faire pour l'Etat. Nous devons réfléchir à une politique qui ne fasse pas des citoyens de simples consommateurs de prestations de service public.

Vous avez raison de dire que la réforme de l'Etat passe par la contractualisation des relations avec les collectivités territoriales, par le réveil de la citoyenneté et par une motivation reconnue des fonctionnaires.

Vous avez très clairement indiqué que vous approuviez l'ouverture des concours de l'ENA aux ressortissants communautaires. Nous aurons le souci d'appliquer le droit communautaire dans la fonction publique.

Pour faciliter la mobilité, nous nous inspirerons du rapport Berger sur la déontologie de façon à permettre une meilleure « respiration » entre les trois fonctions publiques comme entre le secteur privé et le secteur public.

Le principe d'égalité veut en outre qu'un fonctionnaire qui s'investit dans une carrière politique et est absent à 100 % de son administration n'ait pas le même déroulement de carrière que le fonctionnaire qui, lui, est à 100 % présent dans son administration. C'est la raison pour laquelle nous proposons que le fonctionnaire qui se lance dans une carrière politique soit mis en disponibilité et non pas en détachement.

Enfin, vous indiquez qu'il convient de toucher l'ENA, comme disait Flaubert, avec le manteau de Tanit. Je ne sais pas si vous étiez dans la peau du général Hamilcar ou de la belle Salammbô, mais je sais que vous n'êtes insensible ni à la beauté ni à la conquête, cher Yann Gaillard, connaissant votre tempérament tempétueux, batailleur, conquérant et, en même temps, séduisant. Je vous répondrai simplement que je ne voudrais pas non plus qu'en touchant à l'ENA je fasse son malheur. Au contraire, c'est pour faire en sorte qu'elle soit plus belle, plus resplendissante, et qu'elle puisse recueillir les fruits de la victoire de l'élite administrative, à laquelle nous sommes les uns et les autres très attachés.

C'est la raison pour laquelle nous avons, contrairement à votre idée, non pas prévu un concours d'entrée, mais mis en place une dominante professionnelle permettant à l'élève de choisir le corps dans lequel il souhaiterait entrer.

L'élève ne sera plus propriétaire, en quelque sorte, d'un poste qu'il pourrait préempter. Au contraire, grâce à cette qualification et à cette reconnaissance de compétence, l'administration pourra, sur le bilan non seulement d'un savoir mais aussi d'un savoir-faire, lui établir un profil de carrière lui permettant d'être le plus performant possible dans l'exercice de ses fonctions.

Le débat sur la fonction publique est éternel, tout simplement parce que nous sommes extrêmement attachés, les uns et les autres, aux outils de régulation publique et au secteur public.

En tout cas, nous devons avoir pour objectif la satisfaction de l'usager, pour moteur la responsabilisation du fonctionnaire et pour intérêt l'efficacité du service public.

M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et C concernant les services du Premier ministre : I. - Services généraux.

Je vous rappelle que le Sénat a déjà examiné le vendredi 28 novembre les crédits relatifs à la communication et hier, jeudi 4 décembre, les autres crédits relatifs aux services généraux du Premier ministre.

ÉTAT B

Fonction publique et réforme de l'Etat
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2004
Etat C - Titre V (début)

M. le président. « Titre III : 17 301 740 euros. »

La parole est à M. Jacques Mahéas, pour explication de vote.

M. Jacques Mahéas. Monsieur le ministre, je le répète : il y a bien eu une baisse du pouvoir d'achat des fonctionnaires de 3,5 % depuis que vous êtes responsable de ce ministère.

Il n'y aura aucune avancée dans le cadre des négociations annuelles si ces négociations se soldent par des années blanches comme 2003.

Tout ce que j'ai dit, c'est que, sous le gouvernement de Lionel Jospin, il y avait au contraire eu un gain de pouvoir d'achat. Lionel Jospin est resté au gouvernement pendant cinq ans - je conçois que cela vous ait semblé long - et il faut donc partir de l'année 1997, et non pas de 2000. Les négociations salariales ont ainsi été extrêmement positives pour les fonctionnaires en 1998 et en 1999. Ce que j'ai donc dit, c'est que sous le gouvernement de Lionel Jospin, il n'y avait pas eu d'année blanche et que jamais en si peu de temps on n'avait vu le pouvoir d'achat des fonctionnaires baisser de 3,5 % !

Cela étant dit, j'ai bien écouté vos longues explications. Vous taxez les Français d'« irresponsables individuels », qui demandent que les services publics les prennent en charge.

Mais où avez-vous vu cela, monsieur le ministre ? Dans votre commune ?

Dans la mienne, je vois des citoyens responsables qui constatent que les salaires n'augmentent pas et que le dialogue social est complètement bloqué. Les organisations syndicales ne veulent même plus participer aux réunions !

Je crois donc que votre discours est inadapté. La légitimité du service public, c'est certes sa qualité, mais un instituteur aura beau être brillant, s'il a trente-cinq élèves, il s'en sortira moins bien que s'il n'en a que vingt-cinq. C'est évident. Un fonctionnaire, quelles que soient les missions qui lui sont confiées, ne les remplira avec succès vis-à-vis du public que s'il a des conditions de travail satisfaisantes.

Bien évidemment, les 5 200 000 fonctionnaires mériteraient un débat plus approfondi que ces quelques minutes, dans une nuit de vendredi à samedi. Franchement, ce n'est pas très sérieux.

J'ai moi-même été fonctionnaire pendant très longtemps. Je pense avoir été un fonctionnaire convenable, toujours bien noté, avec le souci du service. Je ne peux donc accepter ni votre discours, monsieur le ministre, ni celui de M. le rapporteur spécial. Je suis du côté des défenseurs de la fonction publique, et j'y reste !

M. le président. Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président. « Titre IV : moins 14 093 406 euros. »

Je mets au voix les crédits figurant au titre IV.

(Ces crédits sont adoptés.)

ÉTAT C

Etat B - Titres III et IV
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2004
Etat C - Titre V (interruption de la discussion)

M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 29 400 000 euros ;

« Crédits de paiement : 11 421 000 euros. »

Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant la fonction publique et la réforme de l'Etat.

Etat C - Titre V (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2004
Deuxième partie