SOMMAIRE

PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet

1. Procès-verbal (p. 1).

2. Contribution du Sénat au débat sur l'avenir de l'école. - Débat sur une déclaration du Gouvernement (p. 2).

M. le président.

MM. Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche ; Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire.

MM. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles ; le ministre.

MM. Serge Lagauche, le ministre.

MM. Philippe Nogrix, le ministre.

MM. Adrien Gouteyron, le ministre.

Mme Annie David, M. le ministre.

MM. Philippe Darniche, le ministre.

MM. Pierre Laffitte, le ministre.

MM. Jean-Marc Todeschini, le ministre.

PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron

Mme Monique Papon, M. le ministre.

MM. Ivan Renar, le ministre.

MM. François Fortassin, le ministre.

MM. René-Pierre Signé, le ministre.

MM. Jean-Claude Carle, le ministre.

MM. Michel Moreigne, le ministre.

MM. Philippe Richert, le ministre.

MM. Pierre Martin, le ministre.

MM. Christian Demuynck, le ministre.

MM. Louis Duvernois, le ministre.

M. le président.

Clôture du débat.

3. Hommage à Olivier Guichard (p. 3).

MM. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice ; le président.

4. Evolutions de la criminalité. - Suite de la discussion d'un projet de loi en deuxième lecture (p. 4).

Rappel au règlement (p. 5)

MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le président.

Article 16 septies (p. 6)

Amendement n° 246 de Mme Nicole Borvo. - Mme Nicole Borvo, MM. François Zocchetto, rapporteur de la commission des lois ; Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. - Rejet.

Adoption de l'article.

Article 16 octies (p. 7)

Amendements n°s 247 de Mme Nicole Borvo et 51 de la commission. - Mme Nicole Borvo, MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet de l'amendement n° 247 ; adoption de l'amendement n° 51 rédigeant l'article.

Article 16 nonies (p. 8)

Amendement n° 248 de Mme Nicole Borvo. - Rejet.

Adoption de l'article.

Article 16 decies (p. 9)

Amendements n°s 249 de Mme Nicole Borvo et 52 de la commission. - Mme Nicole Borvo, MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet de l'amendement n° 249 ; adoption de l'amendement n° 52 rédigeant l'article.

Article 16 undecies (p. 10)

Amendements n°s 250 de Mme Nicole Borvo, 185 de M. Robert Badinter et 53 de la commission. - Mme Nicole Borvo, MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet des amendements n°s 250 et 185 ; adoption de l'amendement n° 53.

Adoption de l'article modifié.

Articles additionnels après l'article 16 undecies (p. 11)

Amendement n° 54 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 274 de M. Laurent Béteille. - MM. Laurent Béteille, le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article additionnel avant le chapitre Ier (p. 12)

Amendement n° 227 de Mme Nicole Borvo. - Mme Nicole Borvo, MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet d'une demande de réserve ; rejet de l'amendement.

Article 17 (p. 13)

Amendements n°s 251 de Mme Nicole Borvo, 186 rectifié de M. Robert Badinter et 55 de la commission. - Mme Nicole Borvo, MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet des amendements n°s 251 et 186 rectifié ; adoption de l'amendement n° 55.

Adoption de l'article modifié.

Article 18 (p. 14)

Amendement n° 56 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Article 22 A. - Adoption (p. 15)

Article 23 (p. 16)

M. Michel Dreyfus-Schmidt.

Suspension et reprise de la séance (p. 17)

PRÉSIDENCE DE M. Daniel Hoeffel

5. Mise au point au sujet d'un vote (p. 18).

MM. Joseph Ostermann, le président, Michel Dreyfus-Schmidt.

6. Candidatures à une commission mixte paritaire (p. 19).

7. Evolutions de la criminalité. - Suite de la discussion d'un projet de loi en deuxième lecture (p. 20).

Article 23 (suite) (p. 21)

Amendements identiques n°s 187 de M. Robert Badinter et 252 de Mme Nicole Borvo ; amendements n°s 188 à 190 de M. Robert Badinter et 57 de la commission. - M. Michel Dreyfus-Schmidt, Mme Nicole Borvo, M. Michel Dreyfus-Schmidt, François Zocchetto, rapporteur de la commission des lois ; Robert Badinter, Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. - Retrait de l'amendement n° 188 ; rejet des amendements n°s 187, 252, 189 et 190 ; adoption de l'amendement n° 57.

Adoption de l'article modifié.

Article 24 A (p. 22)

Mme Nicole Borvo.

Amendements identiques n°s 58 de la commission et 191 de M. Robert Badinter. - MM. le rapporteur, Michel Dreyfus-Schmidt, le garde des sceaux, Robert Badinter, Mme Nicole Borvo. - Adoption des deux amendements supprimant l'article.

Article 24 (p. 23)

Amendement n° 59 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Article 25 bis. - Adoption (p. 24)

Article 26 (p. 25)

Amendement n° 192 de M. Robert Badinter. - MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.

Adoption de l'article.

Article 28. - Adoption (p. 26)

Article 29 B (p. 27)

Amendements identiques n°s 60 de la commission et 193 de M. Robert Badinter. - MM. le rapporteur, Michel Dreyfus-Schmidt, le garde des sceaux. - Adoption des deux amendements supprimant l'article.

Article 29 C (p. 28)

Amendements identiques n°s 61 de la commission et 194 de M. Robert Badinter. - MM. le rapporteur, Michel Dreyfus-Schmidt, le garde des sceaux. - Adoption des deux amendements supprimant l'article.

Article 29 bis (p. 29)

Amendements identiques n°s 62 de la commission et 195 de M. Robert Badinter ; amendement n° 196 de M. Robert Badinter. - MM. le rapporteur, Michel Dreyfus-Schmidt, le garde des sceaux. - Adoption des amendements n°s 62 et 195 supprimant l'article, l'amendement n° 196 devenant sans objet.

Articles additionnels après l'article 29 bis (p. 30)

Amendements n°s 198 et 197 de M. Robert Badinter. - MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet des deux amendements.

Amendement n° 199 de M. Robert Badinter. - MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.

Article additionnel après l'article 29 ter (p. 31)

Amendement n° 63 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article 29 quater (p. 32)

Amendements identiques n°s 64 de la commission et 200 de M. Robert Badinter. - MM. le rapporteur, Michel Dreyfus-Schmidt, le garde des sceaux. - Adoption des deux amendements supprimant l'article.

Article additionnel après l'article 29 quater (p. 33)

Amendement n° 201 de M. Robert Badinter. - MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le rapporteur, le garde des sceaux, Robert Badinter. - Rejet.

Article 30 (p. 34)

Amendements identiques n°s 65 de la commission et 202 de M. Robert Badinter. - MM. le rapporteur, Michel Dreyfus-Schmidt, le garde des sceaux. - Adoption des deux amendements.

Adoption de l'article modifié.

Article 31 (p. 35)

Amendements identiques n°s 66 de la commission et 203 de M. Robert Badinter. - Adoption des deux amendements.

Adoption de l'article modifié.

Article 38 (p. 36)

Amendements identiques n°s 67 de la commission et 204 de M. Robert Badinter. - Adoption des deux amendements.

Adoption de l'article modifié.

Article 39 (p. 37)

Amendements identiques n°s 68 de la commission et 205 de M. Robert Badinter ; amendement n° 69 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption des trois amendements.

Adoption de l'article modifié.

Article 40 (p. 38)

Amendements n°s 70 de la commission et 206 de M. Robert Badinter. - MM. le rapporteur, Michel Dreyfus-Schmidt, le garde des sceaux. - Retrait de l'amendement n° 206 ; adoption de l'amendement n° 70.

Adoption de l'article modifié.

Article additionnel avant l'article 41 (p. 39)

Amendement n° 71 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article 41 (pour coordination) (p. 40)

Amendement n° 72 de la commission. - Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Article 42 (p. 41)

Amendements identiques n°s 73 de la commission et 207 de M. Robert Badinter. - MM. le rapporteur, Michel Dreyfus-Schmidt, le garde des sceaux. - Adoption des deux amendements.

Adoption de l'article modifié.

Articles 45 A et 45 bis. - Adoption (p. 42)

Article 45 ter (p. 43)

Amendement n° 74 de la commission. - Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Article 49. - Adoption (p. 44)

Article 53 (p. 45)

Amendements n°s 208 et 209 de M. Robert Badinter. - MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement n° 208 supprimant l'article, l'amendement n° 209 devenant sans objet.

Article 53 bis (p. 46)

Amendements identiques n°s 210 de M. Robert Badinter et 253 de Mme Nicole Borvo. - M. Robert Badinter, Mme Josiane Mathon, MM. le rapporteur, le garde des sceaux, Jean-Pierre Sueur, Michel Dreyfus-Schmidt, Mme Nicole Borvo. - Rejet, par scrutin public, des deux amendements.

Adoption de l'article.

Article 54 bis (p. 47)

Amendements n°s 211 de M. Robert Badinter et 75 de la commission. - MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet de l'amendement n° 211 ; adoption de l'amendement n° 75.

Adoption de l'article modifié.

Article 56 bis. - Adoption (p. 48)

Article 57 (p. 49)

Amendement n° 212 de M. Robert Badinter ; amendements identiques n°s 77 de la commission et 213 de M. Robert Badinter. - MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet de l'amendement n° 212 ; adoption des amendements n°s 77 et 213.

Adoption de l'article modifié.

Article 57 quater (p. 50)

Amendement n° 214 de M. Robert Badinter. - MM. Robert Badinter, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.

Adoption de l'article.

Article 57 quinquies (p. 51)

Amendement n° 215 de M. Robert Badinter. - M. Michel Dreyfus-Schmidt. - Retrait.

Adoption de l'article.

Article 58 (pour coordination) (p. 52)

Amendement n° 78 de la commission. - Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Article 60 (p. 53)

M. Michel Dreyfus-Schmidt.

Amendements identiques n°s 79 de la commission et 216 de M. Robert Badinter ; amendement n° 80 de la commission. - MM. le rapporteur, Michel Dreyfus-Schmidt, le garde des sceaux. - Adoption des trois amendements.

Adoption de l'article modifié.

Article 61 (p. 54)

M. Michel Dreyfus-Schmidt.

Amendements n°s 261 de Mme Nicole Borvo, 81 et 82 de la commission ; amendement n° 83 de la commission et sous-amendement n° 217 de M. Robert Badinter ; amendements n°s 218, 219 rectifié bis de M. Robert Badinter et 84 à 86 de la commission. - Mme Nicole Borvo, MM. le rapporteur, Michel Dreyfus-Schmidt, Robert Badinter, le garde des sceaux. - Rejet, par scrutin public, de l'amendement n° 261 ; rejet du sous-amendement n° 217 et de l'amendement n° 219 rectifié bis ; adoption des amendements n°s 81 à 86, l'amendement n° 218 devenant sans objet.

Adoption de l'article modifié.

Article additionnel après l'article 62 bis (p. 55)

Amendement n° 87 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article 62 ter (p. 56)

Amendement n° 220 de M. Robert Badinter. - MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le rapporteur, le garde des sceaux. - Rejet.

Adoption de l'article.

Article 63 (p. 57)

Amendements n°s 88 et 89 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux, Robert Badinter. - Adoption des deux amendements.

Adoption de l'article modifié.

Article 63 quater. - Adoption (p. 58)

Article additionnel avant l'article 64 bis (p. 59)

Amendement n° 90 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article additionnel avant l'article 65 bis (p. 60)

Amendement n° 91 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article 66 (p. 61)

Amendement n° 92 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.

Amendement n° 93 de la commission. - Adoption.

Amendement n° 94 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.

Amendement n° 95 de la commission. - Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Article 66 bis (p. 62)

Amendement n° 96 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Article 68 A. - Adoption (p. 63)

Article 68 BA (p. 64)

Amendement n° 97 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux, Michel Dreyfus-Schmidt. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.

Article 68 B (p. 65)

Amendements n°s 98 à 105 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption des huit amendements.

Adoption de l'article modifié.

Article 68 C (p. 66)

Amendements n°s 106 à 111 de la commission. - MM. le rapporteur, le garde des sceaux. - Adoption des six amendements.

Adoption de l'article modifié.

Articles additionnels après l'article 68 C (p. 67)

Amendement n° 112 de la commission. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Amendement n° 113 de la commission. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Division et articles additionnels après l'article 68 C (p. 68)

Amendements n°s 138 à 141 de M. Jean-Claude Carle. - MM. Jean-Claude Carle, le rapporteur, le garde des sceaux, Michel Dreyfus-Schmidt. - Adoption des quatre amendements insérant trois articles additionnels, une division additionnelle et son intitulé.

Articles 68 et 68 bis B. - Adoption (p. 69)

MM. le président, René Garrec, président de la commission des lois ; Michel Dreyfus-Schmidt.

Renvoi de la suite de la discussion.

8. Dépôt de projets de loi (p. 70).

9. Dépôt de propositions de loi (p. 71).

10. Retrait d'une proposition de loi (p. 72).

11. Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution (p. 73).

12. Dépôt de rapports (p. 74).

13. Dépôt de rapports d'information (p. 75).

14. Ordre du jour (p. 76).

COMPTE RENDU INTÉGRAL

PRÉSIDENCE DE M. CHRISTIAN PONCELET

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

CONTRIBUTION DU SÉNAT AU DÉBAT

SUR L'AVENIR DE L'ÉCOLE

Débat sur une déclaration du Gouvernement

M. le président. L'ordre du jour appelle la contribution du Sénat au débat sur l'avenir de l'école.

Messieurs les ministres, mes chers collègues, je me réjouis de cette initiative du Gouvernement qui permet au Parlement d'apporter sa pierre à ce grand débat national. Après celle de l'Assemblée nationale, l'intervention du Sénat va ainsi, j'en suis convaincu, mettre un point d'orgue au débat ouvert sur l'initiative du Président de la République.

A cet égard, je me félicite que la Commission du débat national sur l'avenir de l'école, présidée par M. Claude Thélot, puisse tenir ses réunions dans nos murs sous le regard de Public Sénat, à l'instar de la commission Stasi sur le principe de laïcité dans la République.

Pour ce débat exceptionnel qui s'engage aujourd'hui dans notre hémicycle, la conférence des présidents a prévu des modalités d'organisation particulières, destinées à rendre la discussion plus vivante, plus dynamique, plus interactive.

A l'issue de la déclaration du Gouvernement, le président de la commission des affaires culturelles, M. Jacques Valade, interviendra ès qualités pendant quinze minutes ; puis, dix-sept de nos collègues pourront prendre la parole au nom de leur groupe ou de la réunion administrative des sénateurs non inscrits, pour sept minutes maximum chacun.

Le Gouvernement répondra immédiatement à chaque orateur, en cinq minutes maximum.

Je forme le voeu que chaque intervenant puisse enrichir ce grand débat par son point de vue. L'enjeu est d'importance, car l'école de la République doit avoir pour ambition d'accueillir et de former la jeunesse dans toute sa diversité.

La parole est à M. le ministre.

M. Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j'aimerais simplement, pour ouvrir ce débat dont je me réjouis, vous présenter quelques observations sur la façon dont s'est déroulé jusqu'à présent le grand débat national sur l'avenir de l'école, voulu par M. le Président de la République et M. le Premier ministre. Ces derniers avaient notamment fixé deux objectifs prioritaires à ce grand débat qui vient de s'achever sur le terrain : d'une part, tenter de parvenir autant que possible à un diagnostic partagé sur les points forts et, éventuellement, sur les difficultés que peut rencontrer aujourd'hui notre système éducatif ; d'autre part, au-delà des développements consacrés à telle ou telle question particulière, indiquer les priorités qui doivent, aux yeux des participants à ce débat, être retenues dans le futur projet de loi d'orientation qui sera rédigé à l'automne prochain, et examiné ensuite par la représentation nationale.

Ce débat s'est donc achevé vendredi dernier sur le terrain, c'est-à-dire dans les établissements et dans les arrondissements. La façon dont il s'est déroulé mérite quelques observations, qui nourriront peut-être la réflexion que nous aurons ensemble tout à l'heure.

Tout d'abord, personne n'a nié, et je m'en réjouis, la qualité à mon avis très remarquable des documents de base fournis aux Français pour participer à ce débat : je pense non seulement au document diagnostic élaboré par le Haut Conseil de l'évaluation, mais également aux vingt-deux questions et aux fiches les accompagnant rédigées par la Commission nationale du débat public présidée, avec le talent que nous lui reconnaissons tous, par Claude Thélot.

M. Jean-Claude Carle. Très bien !

M. Luc Ferry, ministre. Les documents de base étaient en soi déjà fort intéressants, et je suis heureux de constater que, quelles que soient les critiques tout à fait légitimes qu'on ait pu leur adresser, chacun en a reconnu et salué la très grande qualité, dont je tiens à remercier les personnes qui ont contribué à leur rédaction.

Par ailleurs, à ma connaissance, personne - et c'est un fait relativement rare dans ce cas de figure - n'a contesté ni le pluralisme ni l'indépendance de la Commission nationale du débat public présidée par Claude Thélot, et je m'en réjouis. Je tiens à remercier les parlementaires, notamment les sénateurs ici présents, qui ont participé et participent encore aux travaux de cette commission.

En outre, le taux de participation à ce débat a dépassé toutes les espérances raisonnables que nous pouvions former puisque plus d'un million de personnes ont participé à des réunions dans les arrondissements et les établissements, environ 300 000 internautes se rendant sur le site de la Commission nationale. Un examen plus attentif des chiffres permet de constater que, parmi ce million de participants, figurent 45 % de professeurs, soit 450 000 personnes - cela correspond à une participation très massive, alors qu'on avait dit qu'ils bouderaient le débat -, 35 % de parents d'élèves, soit 350 000 personnes, 10 % d'élèves, c'est-à-dire tout de même 100 000 jeunes, et 10 % de représentants d'autres professions, dont de très nombreux élus et chefs d'entreprise. Je les remercie chaleureusement tous pour leur participation aux discussions sur l'avenir de l'école.

Enfin, les quatre sujets retenus prioritairement par les participants au débat sur le terrain, c'est-à-dire dans les arrondissements et les établissements, sont extrêmement intéressants à analyser du point de vue des motifs de leur choix.

Ces quatre sujets, qui ont occupé à peu près 45 % des débats sur le terrain, sont les suivants : premièrement, comment motiver efficacement les élèves ? Deuxièmement, la violence dans les établissements, ou autour des établissements, et la question de l'autorité ; troisièmement, la lutte contre l'échec scolaire ; enfin, quatrièmement, la question de la diversification des parcours, c'est-à-dire la question du collège unique et de sa nécessaire réorganisation.

Ces sujets sont des sujets lourds et graves. Ils traduisent la volonté des participants à ce grand débat de voir les missions de l'école, les objectifs fondamentaux de notre système scolaire recentrés sur l'essentiel, après quelques années au cours desquelles on aurait pu s'égarer vers l'accessoire.

Le fait qu'il s'agisse de sujets lourds et graves devra être pris en compte dans la rédaction de la future loi d'orientation.

Permettez-moi de présenter encore trois brèves remarques avant de conclure.

Première remarque, pourquoi fallait-il organiser un grand débat national ? Certains sceptiques se sont interrogés à cet égard, non sans quelque ironie : cela signifie-t-il que le Gouvernement, n'ayant pas d'idées, en cherche sur le terrain, ou alors, s'il a des idées, qu'il n'a pas le courage de les appliquer ? Evidemment, cette interprétation malveillante n'est pas la bonne.

Ce débat était nécessaire au moins pour trois raisons.

Tout d'abord, même si nous disposons dans l'éducation nationale de très nombreux rapports, souvent excellents - rapports de l'inspection générale, rapports d'experts -, il existe néanmoins un gouffre - ceux qui ont participé à la Commission nationale le savent très bien, et ceux qui ont organisé ou animé des débats sur le terrain ont pu le constater -, entre l'opinion des experts du système éducatif et l'opinion de nos concitoyens, sur le terrain. Il fallait réduire au minimum ce gouffre et donc, grâce aux documents de base et à ce débat, élever le niveau de compétence, le niveau de conscience de nos concitoyens sur ces questions touchant à l'école. On croit parfois, qu'il s'agit de questions faciles, puisque tout le monde a fréquenté l'école et a des souvenirs à cet égard ; mais en vérité, et vous le savez bien, dès lors que l'on entre dans les détails, ces questions deviennent extrêmement difficiles et rapidement techniques. De ce point de vue-là, le débat a en grande partie atteint ses objectifs.

Par ailleurs, il était important d'entendre autrement que par le biais d'un sondage d'opinion les priorités que retenaient les Français pour l'école et qu'ils souhaitaient voir inscrites dans une loi d'orientation. Alors qu'un sondage d'opinion reflète une opinion à un moment x, les priorités retenues par les participants à ce débat ont souvent été indiquées après des heures et des heures de discussion. C'est donc évidemment beaucoup plus précieux pour nous que les résultats d'un simple sondage d'opinion.

Enfin, il était à mon avis important, notamment dans le contexte actuel, d'associer autant que possible nos concitoyens à la préparation de la future loi d'orientation et, évidemment, aux décisions qu'elle contiendra.

J'en viens à ma deuxième remarque, qui concerne la loi d'orientation elle-même.

On me pose souvent la question du « terrain d'atterrissage », si je puis dire : où allons-nous ? A quoi va servir ce grand débat ? Dans quelle direction nous emmène-t-il ?

Il est évidemment beaucoup trop tôt pour répondre à cette question. Je ne veux pas même imaginer maintenant ce que sera la loi d'orientation, parce qu'il faut à mon avis tenir compte de ce qui a été dit au cours des 19 000 ou 20 000 débats, et j'attends par conséquent la synthèse de ces derniers qui sera remise par Claude Thélot en mars prochain, ainsi que la suite des auditions et des travaux de la Commission nationale et les recommandations que cette dernière fera à Xavier Darcos et à moi-même en fin de parcours, soit en septembre 2004.

Il est donc beaucoup trop tôt, je le répète, pour dire à quoi ressemblera la future loi d'orientation. Si, d'ailleurs, nous organisons un débat, c'est pour en tenir compte et non pour rédiger en sous-main un projet de loi avant que les conclusions du débat ne soient rendues !

Cela étant dit, qui est non pas une précaution rhétorique mais la réalité, nous pouvons d'ores et déjà considérer que la loi d'orientation devra peut-être - c'est en tout cas une hypothèse que je formule dès maintenant - prendre en compte deux éléments.

Tout d'abord, me semble-t-il, ceux qui ont participé à ce débat ont manifestement choisi des questions fondamentales et souhaitent très certainement que l'on recentre les missions de l'école sur des aspects essentiels, disons, pour parler le jargon de la maison, sur les « fondamentaux ».

Par ailleurs, nous devrons engager une réflexion - le débat d'aujourd'hui contribuera certainement à éclairer cette problématique - sur le fait qu'un certain nombre de sujets étaient absents de la loi d'orientation de 1989. Ainsi, par exemple, aussi surprenant que cela puisse paraître - mais ce n'est pas une critique de cette loi, c'était simplement l'état de la société en 1989 -, la question de la violence scolaire n'existait pas dans le débat public, en 1989, et la loi d'orientation de 1989 n'en parlait donc pas.

En outre, un certain nombre d'autres problématiques mériteront également, me semble-t-il, d'être déplacées, d'être reformulées dans des termes nouveaux. Par exemple, le fameux objectif de 80 % d'une génération au niveau du bac était assorti d'un délai dans la loi d'orientation de 1989 elle-même - ce n'est pas non plus une critique de cette loi, c'est un simple constat -, délai qui n'a pas été tenu. Peut-être faut-il, aujourd'hui, formuler autrement cette problématique tout à fait légitime en des termes différents.

Enfin, j'évoquerai un troisième exemple, celui de la scolarité obligatoire, dont on a beaucoup débattu et dont on débat encore, puisque certaines organisations syndicales proposent de la prolonger jusqu'à dix-huit ans.

C'est une hypothèse qui mérite discussion, et je ne l'écarte pas a priori. Je dis simplement qu'il serait peut-être intéressant, là aussi, de reformuler au fond la même problématique, mais très différemment, en imaginant par exemple - mais ce n'est qu'un exemple - l'hypothèse d'un crédit de formation tout au long de la vie, crédit qui pourrait être alloué à ceux qui ont eu la malchance de quitter le système scolaire trop tôt sans avoir une formation suffisante pour s'insérer dans la cité.

Voilà quelques exemples de déplacements de frontières, de reformulations de problématiques, dont, je crois, la loi d'orientation pourrait utilement tenir compte ou, en tout cas, qui devraient être étudiés au moment de la rédaction de cette loi d'orientation.

On a parfois dit que le débat sur le terrain était un exercice de démocratie directe, formule un peu imagée, excessive certainement, mais qui disait bien ce qu'elle voulait dire et avait sa légitimité.

Pour conclure, je veux vous dire de manière très claire que, même s'il y a eu une petite part de démocratie directe dans l'organisation de ce débat, et c'est une bonne chose, il reviendra évidemment à la démocratie représentative de se prononcer, en dernière analyse, sur la future loi d'orientation sur l'école. C'est à vous, la représentation nationale, qu'il appartiendra de discuter ce texte, puis, le cas échéant, de le voter.

C'est la raison pour laquelle je me réjouis tout particulièrement que le Sénat puisse se saisir dès maintenant de ce grand débat auquel Xavier Darcos et moi-même participons aujourd'hui dans l'attitude qui convient, celle de l'écoute et de l'humilité. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, après Luc Ferry, je tiens à vous dire à mon tour combien je me réjouis de voir le Sénat prendre part au grand débat national sur l'avenir de l'école.

Je veux rendre hommage au président de la commission des affaires culturelles, M. Jacques Valade, qui a eu l'initiative de cette organisation du débat, propre au Sénat, afin de le rendre plus vivant, plus réactif et de mieux l'inscrire dans l'esprit du grand débat national. Il est en effet bien regrettable, je le pensais déjà lorsque je siégeais parmi vous, qu'un sujet aussi important que l'avenir de notre pays par son système éducatif soit cantonné chaque année à une petite discussion intervenant à l'occasion de la réflexion budgétaire, quelle que soit la qualité des échanges que les sénatrices et les sénateurs peuvent avoir à ce moment-là.

Réjouissons-nous donc que, aujourd'hui, les interventions puissent être vivantes. Elles préludent d'ailleurs à d'autres débats de fond, puisque dans quelques semaines, après l'Assemblée nationale, la Haute Assemblée sera conduite à réfléchir sur un projet de loi d'orientation qui permettra de faire aboutir les contributions de tous nos concitoyens.

Je souligne à cet égard l'ampleur qu'a connue la participation à ce grand débat national, avec la tenue de quelque 30 000 réunions publiques résultant du dédoublement de 15 000 débats publics, plus de 1 million de participants ayant manifesté une opinion, sans compter 300 000 internautes qui se sont connectés sur le site du grand débat et ont exprimé un avis.

J'ajoute que, contrairement à ce qu'annonçaient quelques esprits chagrins et à ce que souhaitaient peut-être certaines organisations professionnelles, les enseignants ont contribué de façon massive au débat, puisque 45 % des participants, soit 450 000 personnes, étaient des enseignants. Autrement dit, un enseignant sur deux y a participé. Il faut donc saluer leur implication réelle et s'en réjouir, d'autant qu'elle ne s'est pas manifestée au détriment des autres acteurs de l'école que sont en particulier les parents d'élèves.

J'observe aussi que, parmi les questions qui avaient été proposées par la commission présidée par Claude Thélot, les discussions ont bien ciblé celles qui sont à nos yeux essentielles : comment motiver les élèves, les faire travailler, lutter contre l'échec scolaire, réduire la violence et l'incivilité ? Que faire des élèves en grande difficulté ? Comment s'adapter à la diversité ? Telles sont bien les questions qui sont au coeur du système éducatif. Elles n'ont pas un caractère formel, artificiel, et ne s'intéressent pas seulement aux structures ou aux superstructures. Il est heureux qu'elles aient été privilégiées.

Je note par ailleurs que les médias nationaux et locaux, en particulier la presse quotidienne régionale ou départementale, ont accordé une place importante à ces débats avec plus de mille deux cents articles de presse. Ils leur ont donné un écho dans tout le pays. Ils ont bien compris la volonté du Gouvernement de faire en sorte que le grand débat soit une démultiplication, au plus près des territoires, d'une réflexion collective.

Ainsi, l'image qui ressort du grand débat de ces dernières semaines est positive. D'une manière générale, les contributions et les synthèses témoigneront d'un travail considérable et d'une véritable démocratie participative permettant à la nation de se ressaisir d'un sujet qui la concerne au premier chef, celui de son école, c'est-à-dire de son avenir.

Après Luc Ferry, je souhaite donner à mon tour quelques pistes qui me paraissent pouvoir être retenues dans notre réflexion. Ce faisant, je m'inscris dans le droit-fil des propos tenus par le Président de la République lui-même lors de son allocution du 20 novembre 2003 au cours de laquelle il a émis le voeu que le pays se rassemble autour de ce qu'il désire pour sa jeunesse et renouvelle le pacte qui le lie à son école. Il a ajouté : « Le débat national est une chance pour notre pays. »

En effet, je vois, pour ma part, au moins trois raisons de saisir cette chance. La première c'est qu'est offerte à tous une occasion sans précédent de s'entendre sur l'essentiel dans le domaine scolaire. Nous savons bien tous, dans cette enceinte comme ailleurs, combien la passion française pour l'école est capable de susciter des querelles, des divisions, des crises et des manifestations. Toutefois, la passion même que la France a pour son école est l'atout principal à partir duquel nous devons fonder notre réflexion et capter les aspects les plus positifs.

Certes, je ne suis pas naïf au point de penser que soudain un consensus général surgira sur la question scolaire.

Mme Hélène Luc. Certes, non !

M. Xavier Darcos, ministre délégué Mais je suis convaincu que, sur bien des sujets, des convergences sont possibles : sur la priorité à donner aux fondamentaux par exemple, sur l'accueil des élèves handicapés, ou encore sur la lutte contre la violence et les incivilités. D'ailleurs, pour qui sait regarder l'éducation nationale sur la longue durée - et c'est, pour elle, le seul point de vue qui convient, vous me l'accorderez -, le plus frappant, c'est le cheminement continu, parfois invisible, d'idées qui, conflictuelles au début, finissent par faire consensus : qu'on pense, par exemple, à l'émergence de la notion d'établissement comme lieu d'une politique éducative, d'un projet éducatif qui est apparue lentement au cours des années quatre-vingt pour s'imposer finalement au début des années quatre-vingt-dix.

La deuxième raison de prendre ce débat au sérieux, c'est qu'il prépare une nouvelle loi d'orientation pour l'école : c'est un débat pour construire, pour agir. Nous estimons nécessaire que la nation fixe à son école un nouvel horizon pour les quinze ans à venir.

La loi de 1989 a quinze ans. Il n'est pas question de la remettre en cause, ni de la critiquer : elle a simplement vieilli. Les réalités ont changé, comme vient de le rappeler Luc Ferry à propos de la violence scolaire, par exemple, ce phénomène quasiment inconnu en 1989 et qui est devenu aujourd'hui un sujet préoccupant.

Par ailleurs, la dimension européenne et internationale de l'éducation, dans un monde de plus en plus ouvert et concurrentiel, doit être résolument intégrée dans nos réflexions et nos perspectives.

De même, il nous faut adapter nos objectifs de qualification aux besoins de la société à l'horizon 2010-2015.

On pourrait multiplier les exemples, mais vous aurez compris qu'il ne s'agit pas pour nous de jeter à bas, pour je ne sais quelles raisons de principe, une loi que nous n'avons pas élaborée nous-mêmes, ni d'accoler notre nom à une énième réforme de l'éducation nationale. Non, le monde change à vive allure et rien ne serait pire pour l'avenir de la France que de refuser d'adapter son système scolaire à ces changements. Un très long cycle de l'histoire de notre éducation s'achève. Il nous faut, ensemble, ouvrir une page nouvelle.

Enfin, troisième raison : il me semble que ce débat doit être l'occasion pour les Français de se rassembler autour de leurs enseignants.

M. Adrien Gouteyron. Très bien !

M. Xavier Darcos, ministre délégué. Nous le savons, la crise de l'autorité retentit de manière particulièrement aiguë au sein de l'institution scolaire : crise de l'autorité des maîtres trop souvent remise en cause aujourd'hui, crise de l'autorité des savoir eux-mêmes, contestation de la culture scolaire, mais aussi des règles de vie collective. Le métier de professeur devient de plus en plus difficile alors qu'il n'en est pas de plus essentiel !

Je souhaite que ce grand débat national permette à tous les Français, et à leurs élus, de se rassembler autour de leurs enseignants, de redonner toute sa dignité à leur fonction, de les replacer au coeur de la nation, en leur disant notre estime et en leur apportant notre soutien !

Rien n'est plus indispensable pour une nation que de rendre sa dignité à la fonction enseignante. Il n'y a pas d'éducation possible de la jeunesse sans un soutien, sans une reconnaissance forte de ceux à qui la nation en a confié la charge et la responsabilité. Je souhaite, pour ma part, que la future loi d'orientation soit explicite sur cette question et que, s'appuyant sur un nécessaire rappel des valeurs qui fondent l'école de la République, elle redonne à nos maîtres l'assurance et l'espoir dont ils ont besoin.

Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je ne veux pas achever mon propos sans rappeler que la commission présidée par Claude Thélot comptait parmi ses membres Olivier Guichard, ancien ministre de l'éducation nationale. Au moment où s'ouvre ce débat, je tiens à rappeler son souvenir. (Marques d'approbation sur les travées de l'UMP.)

Enfin, je vous prie d'excuser mon absence pour une partie de la discussion, une autre mission cet après-midi m'obligeant à quitter le Sénat. Que personne ne croit que, pour une fois dans ma vie, la chose scolaire cesserait de m'intéresser. Il y a parfois des obligations impérieuses ! Mais, comme vous le savez, Luc Ferry répondra à toutes vos interrogations. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, dans le cadre de la déclaration du Gouvernement sur l'avenir de l'école, la séance qui nous réunit aujourd'hui est destinée à permettre au Sénat d'apporter la contribution de ses membres au débat national.

L'objectif est que chacun puisse, quelle que soit sa sensibilité politique, faire part de ses réflexions sur l'avenir de notre système éducatif. Trois sénateurs de la commission des affaires culturelles, Mmes Annie David et Monique Papon, M. Jean-Claude Carle, sont membres de la commission présidée par M. Claude Thélot et ont, à ce titre, participé à ses travaux et à de nombreuses auditions. Particulièrement impliqués dans ce débat, ils nous diront les préoccupations des acteurs du système éducatif. Par ailleurs, la plupart d'entre nous ont assisté aux réunions organisées dans leurs départements respectifs et se feront l'écho de ces débats publics.

La forme adoptée par la conférence des présidents, et qui a été rappelée par le président Poncelet, est celle d'un débat plus dynamique et plus interactif. Il est souhaitable que chaque intervenant puisse exprimer son sentiment, son témoignage et ses interrogations.

Nos interventions sont donc destinées, messieurs les ministres, à verser au débat un certain nombre de convictions et de propositions, afin de le nourrir. Vos réponses aux orateurs nous éclaireront, sans préjuger naturellement des conclusions ultimes, car il appartiendra à la commission Thélot de faire la synthèse de tout ce qui aura été exprimé, y compris au Parlement, ainsi que vous l'avez rappelé.

Le Président de la République a souhaité que les Français se réapproprient leur école et s'accordent sur un nouveau « pacte scolaire » adapté à notre temps. Quoi de plus légitime qu'un large débat démocratique pour un sujet qui, plus que tout autre, a trait à notre destin collectif, celui de nos enfants et celui de la nation ?

Plus d'un million de Français ont déjà participé au forum en ligne et aux 15 000 débats publics qui se sont tenus sur l'ensemble du territoire. Cette mobilisation prouve l'attachement, quasi viscéral, qui lie la société à son école, par-delà les tensions et les dissensions qui les traversent l'une comme l'autre.

Mais l'école a besoin d'un nouvel élan, celui du xxie siècle. Il lui faut, avant tout, rassembler de nouveau, autour d'un projet fort et cohérent, conçu collectivement et accepté par la nation tout entière. Le débat sur l'avenir de notre système éducatif nous renvoie à notre ambition pour l'avenir de notre jeunesse et de notre pays. Que souhaitons-nous transmettre aux générations futures, pour les quinze à vingt années à venir ? Quel type de message peut-on délivrer au travers de l'école ?

Au-delà du débat, structuré autour des questions proposées par la commission Thélot, une finalité directe et pratique doit se dégager.

Les réflexions s'articulent autour de trois axes principaux : quelles sont les missions de l'école ? Comment faire réussir les élèves ? Comment améliorer le fonctionnement du système éducatif ?

A l'issue de ce « débat pour agir », le Gouvernement s'est engagé à présenter devant le Parlement une nouvelle loi d'orientation. Elle traduira la confiance retrouvée de la nation en son école et elle doit déboucher sur une mobilisation collective de tous les acteurs de la communauté éducative - élèves, enseignants, parents -, mais également de la société française.

Je limiterai mon propos à la tentative d'identifier les défis prioritaires qui ressortent, à mi-parcours, des échanges et réflexions engagés, comme des champs d'actions incontournables.

Faisons tout d'abord de ce débat l'occasion de retrouver un nouveau consensus sur l'essentiel, à savoir les valeurs et les savoirs les plus fondamentaux autour desquels nous souhaitons nous rassembler, ceux qu'il apparaît utile de transmettre à notre jeunesse.

L'école doit transmettre les valeurs essentielles de la République. Ces valeurs partagées sont les notions de respect mutuel, de tolérance, de solidarité, d'égalité à l'école et de promotion par le mérite, qui constituent le socle de notre cohésion nationale.

Les débats sur l'application du principe de laïcité dans les établissements d'enseignement publics, qui se poursuivront au Sénat, d'abord devant la commission des affaires culturelles, puis en séance publique ces prochaines semaines, confirment la place spécifique de l'école comme référence de notre identité républicaine.

Ces débats doivent conserver la sérénité nécessaire et s'affranchir des péripéties factuelles à propos desquelles nous apprécierions, messieurs les ministres, même si cela n'est pas le sujet du présent débat, quelques précisions de votre part.

Premier lieu de l'apprentissage du « vivre ensemble », l'espace scolaire repose sur l'acceptation et le respect de règles communes. Nous savons aujourd'hui qu'il s'agit d'un équilibre fragile, sans cesse à refonder. L'école, qui doit être celle de la fraternité, n'est pas épargnée par les phénomènes de violence, d'incivilités et d'intolérances, qui débouchent sur des expressions communautaristes, racistes et antisémites. Convenons qu'il s'agit d'un phénomène nouveau, comme vous l'avez rappelé, qui ne pouvait pas être pris en compte dans la loi d'orientation précédente. Le Gouvernement actuel a le courage d'aborder ces problèmes de front, dans le respect et la médiation, mais aussi avec fermeté.

Par ailleurs, l'école doit jouer un rôle fondamental dans la réhabilitation de l'effort et du travail. Rappelons que la moitié des débats publics ont relevé les préoccupations des enseignants face au manque de motivation des élèves. De ce fait, les enseignants se sentent souvent isolés et déconsidérés dans l'exercice de leur mission éducative. Rendons à leur mission ses lettres de noblesse, comme vient de le rappeler Xavier Darcos, en réaffirmant notre attachement aux valeurs de travail et de respect qui sont celles de l'école. En lui adossant une légitimité sociale forte, le métier d'enseignant retrouvera dignité et, surtout, confiance.

Cela implique une redéfinition du métier d'enseignant et une réforme profonde de leur formation, sujets qui seront abordés dans la suite de ce débat par d'autres de nos collègues.

Quels savoirs l'école doit-elle transmettre ?

A demander tout à l'école, on a perdu de vue l'essentiel, « ce qu'il n'est pas permis d'ignorer », pour reprendre la formule de Jules Ferry. Un élève qui sort de l'école primaire doit impérativement maîtriser le triptyque simple : lire, écrire et compter. Cette affirmation ne va pas encore de soi aujourd'hui : 15 % à 20 % des élèves éprouvent de grandes difficultés face à la lecture à l'entrée en sixième. C'est encore le cas de plus de 10 % des jeunes de dix-sept ans, il y a un combat à mener contre l'illettrisme. Sans maîtriser cette base solide, le processus d'acquisition des connaissances est durablement entravé.

Il n'est pas irréaliste d'assigner à l'école primaire une obligation de résultat en matière d'acquisition des savoirs fondamentaux. Mais force est de constater le désarroi des enfants, totalement instrumentalisés par les techniques modernes les plus sophistiquées - télévision, outils informatiques, jeux électroniques - qu'ils maîtrisent spontanément, et le véritable choc psychologique qu'implique pour eux l'arrivée à l'école. Ils se trouvent déstabilisés dans un milieu qu'ils considèrent rapidement comme obsolète et étranger.

Un accueil convenable suppose de repérer, dès le premier stade des apprentissages, les enfants les plus fragiles et de leur offrir un encadrement approprié : on ne saurait laisser s'installer l'incompréhension, puis l'échec, synonymes d'exclusion. Fixons des paliers, des étapes à franchir, selon des rythmes et des modalités adaptés à la diversité des élèves, pour éviter que ne se cumulent des lacunes, bien souvent irréversibles, qui perturbent le bon fonctionnement des classes et, de ce fait, l'avenir de chaque enfant.

Il est nécessaire de prendre en compte la diversité des élèves pour garantir l'égal accès au savoir à des élèves par nature inégaux.

Faisons enfin preuve de lucidité en reconnaissant et en traitant comme telle la grande hétérogénéité des élèves, qui n'est pas seulement sociale. En instituant le collège unique, on a prétendu assimiler égalité et uniformité, quitte à tirer vers le bas l'ensemble du système. Cela n'a fait que renforcer les inégalités, nourrir les rancoeurs et les désillusions, bien souvent sources d'un rejet radical et violent de l'institution scolaire. Plus personne ne le conteste raisonnablement aujourd'hui : le collège unique a laissé à la dérive des jeunes qui n'avaient ni le goût ni les aptitudes pour suivre le cursus et le rythme général.

M. Jean-Claude Carle. C'est vrai !

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Sans remettre en cause la noble ambition de transmettre à tous un même socle de connaissances et de compétences qui soit notre culture commune, il est temps de reconnaître que les facettes de la réussite ne peuvent qu'être multiples.

Notre ambition se résume à une formule simple, plus réaliste que l'incantation de 80 % de bacheliers pour une classe d'âge : le système scolaire doit former 100 % de qualifiés. Cet objectif nous fixe une obligation d'agir à l'égard de ce seuil incompressible de 60 000 jeunes, environ 8 % d'une génération, qui sortent chaque année du système scolaire sans qualification, sans guère de chance d'insertion sur le marché du travail. C'est un véritable gâchis humain dont le coût financier direct est considérable.

La première urgence, sur laquelle il semble facile de s'accorder, est de substituer au collège unique le collège pour tous qui offre à chacun des parcours de réussite personnalisés, adaptés à ses aptitudes, à ses capacités et même, pourquoi pas, à ses projets.

La réussite de cette mutation repose sur un changement profond des méthodes et des mentalités. Point faible de notre système scolaire, la procédure d'orientation a un rôle fondamental à jouer. Il appartient à l'ensemble de la communauté éducative, et en premier lieu aux professeurs, de prendre en main ce processus et de s'y impliquer davantage. L'accès pour les élèves et pour leurs familles à une information sur les différents parcours possibles et sur leurs débouchés est un facteur essentiel. C'est un moment privilégié pour établir un lien et un échange au sein de la communauté éducative, les familles éprouvant parfois le sentiment d'être mises à l'écart et d'être finalement privées d'une décision qui leur est imposée. L'explication, au contraire, engendre l'acceptation.

Finissons-en avec les orientations couperet, vécues comme un échec personnel et familial. Elles ont contribué à ternir l'image de la filière professionnelle, alors que celle-ci offre à ses diplômés des perspectives d'insertion économique aussi prometteuses, voire meilleures, que certaines filières générales. Notre pays a besoin de qualifications et de talents divers. Reconnaître la diversité des parcours d'excellence, c'est déjà contribuer à valoriser des filières et des métiers méconnus ou sur lesquels pèsent des préjugés infondés : cela passe, par exemple, par la réhabilitation de l'apprentissage et de l'artisanat.

L'orientation se prépare également le plus en amont possible. N'attendons pas la fin de la scolarité obligatoire à seize ans pour proposer aux jeunes en difficulté d'autres solutions. Comme s'y est engagé le ministre de l'éducation nationale l'an dernier en développant l'alternance pour les collégiens des classes de quatrième et de troisième, c'est dès l'âge de quatorze ans qu'il faut pouvoir offrir aux jeunes une approche plus concrète des métiers et des formations professionnelles, leur aménager une transition souple et réversible vers le monde de l'entreprise. C'est parfois par un détour, une prise de distance par rapport au cursus traditionnel que l'on peut redonner à des jeunes le goût d'apprendre.

L'échec scolaire n'est pas une fatalité. La formation tout au long de la vie peut être la nouvelle frontière de l'intégration. En recherchant une meilleure articulation entre la formation initiale et la formation continue, nous pourrons offrir à chacun une nouvelle chance d'insertion.

Introduisons plus de souplesse dans le fonctionnement du système éducatif, soyons pragmatiques, efficaces, et non pas dogmatiques et pressés. Pour ce faire, ménageons à notre système éducatif une plus grande souplesse, des capacités d'évolution et d'adaptation. Les acteurs de l'éducation nationale ont souvent su prouver leurs talents pour expérimenter des méthodes originales.

Faisons davantage confiance aux communautés éducatives et aux établissements pour se développer, et ce en étroite coopération avec les collectivités territoriales et l'environnement économique.

Donnons une application plus concrète au principe d'autonomie des établissements d'enseignement, afin qu'ils s'adaptent à leurs publics hétérogènes. La cohésion de l'équipe éducative autour d'un véritable projet propre à l'établissement est l'un des principaux critères de réussite. Ce peut être une façon de répondre aux inégalités criantes entre les établissements et de rendre plus concrète la notion de communauté éducative.

La question essentielle qui se pose est non plus seulement celle des moyens, mais celle des objectifs et des façons les plus propices d'y parvenir.

M. Jean-Claude Carle. Très bien !

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Tant de moyens investis méritent une meilleure utilisation. Leur constante augmentation n'est pas la panacée. Les mentalités sont aussi essentielles pour accompagner et soutenir les changements.

La politique de saupoudrage des moyens et des réformes, sans répondre à une réelle vision d'ensemble ni à une évaluation des résultats, a conduit à une impasse. Les zones d'éducation prioritaires devaient être un instrument de l'égalité des chances. Le bilan est loin d'être à la hauteur des espérances : les taux de réussite à l'évaluation à l'entrée en sixième sont inférieurs de dix points à la moyenne, et ces établissements restent les plus touchés par les incivilités et les phénomènes de violence.

L'éducation nationale doit s'appuyer, plus qu'elle ne le fait actuellement, sur l'évaluation, et en tirer toutes les conséquences, en vue de valoriser et de diffuser les pratiques les plus efficaces. Un meilleur ciblage des priorités et des besoins permet une répartition plus ajustée des moyens, par redéploiement et non pas seulement par injection supplémentaire. Il est temps de rompre avec la fuite en avant que nous avons connue auparavant.

Il faut répondre au défi de l'ouverture sur le monde, Xavier Darcos a évoqué ce point tout à l'heure.

Enfin, puisque l'école incarne notre avenir, ayons pour elle une ambition forte, à la hauteur des enjeux qui animent notre société. L'école a le devoir de préparer les générations futures à s'adapter aux évolutions d'un monde en mutation. Le savoir et les qualifications sont plus que jamais des armes indispensables pour tirer profit des opportunités qu'offre un environnement concurrentiel. L'école doit s'adapter aux défis de son temps : développer l'enseignement des sciences, par exemple, pour enrayer la désaffection des jeunes à l'égard des études scientifiques, qui sont des voies d'excellence. Les travaux récents de la commission des affaires culturelles ont mis en avant l'importance de ces enjeux nouveaux.

Lors de son allocution du 14 juillet dernier, le Président de la République a souligné la nécessité d'améliorer, chez nos jeunes concitoyens, la connaissance des langues étrangères. C'est ce qu'a rappelé avec force notre collègue Jacques Legendre dans un récent rapport d'information dont les propositions vous seront utiles, messieurs les ministres, en vue de renforcer et de diversifier l'apprentissage des langues vivantes par les plus jeunes.

Enfin, de la capacité de notre système éducatif à répondre au défi de l'ouverture sur le monde et de l'intégration en Europe dépendront la compétitivité et l'influence de notre pays dans les années à venir. La mise en place de la réforme LMD - licence-mastère-doctorat - contribuera à faire évoluer en ce sens notre université.

L'évolution de la perception de chaque individu, dès l'enfance, du monde qui l'entoure, l'évolution de la société en mutation exponentielle imposent à l'école de prendre en compte ces exigences nouvelles. Elle s'adaptera à ces ambitions élevées avec d'autant plus d'aisance qu'elle sera parvenue à garantir à tous l'accès à l'essentiel, les valeurs du « vivre ensemble » et les savoirs fondamentaux.

La loi de 1989 n'était pas une mauvaise loi, mais, incontestablement, elle a fait son temps. C'est en construisant un véritable projet d'avenir que la société retrouvera confiance en son école, mais aussi en elle-même. Le débat démocratique est une chance de retrouver ce consensus qui a imposé, au fil des décennies, l'école de la République comme le ciment de la nation.

Il vous appartient donc, messieurs les ministres, de prendre en compte, et en charge, les conclusions issues de la synthèse de l'ensemble des débats, des réunions publiques et des réflexions récoltées tant sur le terrain que sur Internet et au Parlement, afin de nous proposer à l'automne le texte novateur qui fondera l'école de demain et qui conciliera valeurs sociétales et savoirs, dans une approche solidaire, volontariste et porteuse d'avenir.

Nous attendons ce texte, messieurs les ministres, avec intérêt, patience, impatience et enthousiasme. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Luc Ferry, ministre. Je tiens à remercier M. Valade pour son exposé en tous points admirables. Puisqu'il m'invite à apporter des précisions concernant le projet de loi sur la laïcité, j'aborderai l'angoissante question de savoir si ce texte conduira ou non à l'interdiction du port de la barbe, qui préoccupe aujourd'hui certains observateurs. (Sourires.)

Le projet de loi, dans sa formulation actuelle, vise à interdire les signes et les tenues qui manifesteraient ostensiblement l'appartenance religieuse.

Hier, lors de mon audition devant la commission des lois à l'Assemblée nationale, M. Vaxès m'a demandé ce qui se passerait au cas où, la créativité humaine étant infinie en la matière, certains auraient le mauvais esprit de vouloir contourner le projet de loi en inventant d'autres signes que ceux qui sont explicitement interdits par l'exposé des motifs du texte, à savoir les grandes croix, les kippas et le foulard islamique, quel que soit le nom qu'on leur donne, pour reprendre la formulation du Président de la République.

La question me semble légitime, en particulier pour un juriste, même si elle peut prêter à sourire. J'ai donc répondu à M. Vaxès, quant à son interrogation sur « l'éventuelle pilosité » de certains qui pourrait se transformer en signe religieux, que cela tomberait sous le coup de la loi, dès lors que ce serait transformé en signe religieux et que le code de ce signe serait apparent. (Exclamations sur plusieurs travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme Nicole Borvo. Il va falloir trouver le code !

M. Luc Ferry, ministre. Evidemment, cette précision ne visait pas à interdire la barbe, ce qui serait d'une grande absurdité. Je voulais simplement et plus sérieusement indiquer que la loi ne pourra être appliquée sans un minimum de bon sens. Il est évident que, la créativité humaine en matière d'invention de signes - l'arbitraire du signe - étant illimitée, il sera toujours possible d'imaginer contourner la loi en inventant des signes ostensibles d'appartenance religieuse autres que ceux qui y sont explicitement visés.

Je rappellerai plus fondamentalement que la visée principale de cette loi est de faire en sorte que, dans nos établissements, les classes ne se structurent pas en communautés d'appartenance religieuse. Lorsqu'un professeur entre dans sa classe, il n'est pas normal qu'il puisse distinguer immédiatement le clan des catholiques, celui des juifs et celui des musulmans (Très bien ! sur plusieurs travées de l'UMP), surtout dans le contexte actuel de montée des communautarismes et d'affrontements parfois violents qu'elle génère dans nos établissements.

Tel était le sens de mon propos d'hier. En effet, si certains avaient la mauvaise idée de tenter de contourner non seulement la lettre mais l'esprit de cette loi en inventant de nouveaux signes ostensibles d'appartenance religieuse, ou politique d'ailleurs, ceux-ci seraient alors susceptibles de tomber sous le coup de la loi. (« Très bien ! » et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Ivan Renar. Gainsbourg au conseil de discipline !

M. le président. La parole est à M. Serge Lagauche.

M. Serge Lagauche. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je suis un élu du Val-de-Marne, et mon département appartient à une académie qui multiplie les handicaps scolaires, obtient des résultats aux examens nettement plus faibles que le reste de la France et symbolise même, pour certains, les difficultés de l'école en banlieue. Les causes proviennent autant de notre système scolaire que de l'environnement social extérieur.

Là peut-être plus qu'ailleurs, la question de la gestion de l'hétérogénéité des élèves et de la lutte contre l'échec scolaire est très prégnante. Comment faire pour que nos élèves issus de familles défavorisées ou non francophones - et ce n'est pas marginal puisque nous accueillons 3 600 primo-arrivants par an - bénéficient des mêmes chances que ceux des milieux plus favorisés, qui maîtrisent déjà le savoir-être, le capital social et culturel reconnus par l'école ou, plus simplement, notre langue ?

Comment repérer précocement les élèves en difficulté et les prendre en charge de manière efficiente ? Car à l'école, il est question d'apprentissages disciplinaires, mais aussi de maîtrise des codes et du fonctionnement implicite du système. Or cette maîtrise des codes est considérée comme une évidence partagée, alors que c'est une norme qui ne va pas de soi pour tout le monde et qui peut être source d'échec pour certains enfants, pour qui elle constitue une culture propre à l'école, éloignée de leur milieu familial, social, culturel. Un certain nombre d'implicites peuvent ne pas être intériorisés, par exemple la façon dont il faut travailler ou ce que l'on attend d'eux.

Les pratiques enseignantes ont alors un impact considérable : elles peuvent soit réduire les écarts, soit les amplifier. Les pratiques utilisées, les stratégies pédagogiques ne produisent pas toutes les mêmes effets : il est nécessaire d'aider les enseignants à développer, selon les situations, celles qui sont les plus efficaces. Si les missions de l'école sont si complexes, c'est bien parce qu'elle doit prendre en compte la singularité des élèves tout en conservant des objectifs communs à tous.

C'est pourquoi la question de la formation des enseignants à une meilleure adaptation pédagogique ou l'utilisation pratique des résultats de la recherche en éducation est importante. Le développement d'un accompagnement individualisé des élèves tout au long de la scolarité obligatoire est une solution pour lutter contre l'échec scolaire. Seuls 36 % des enfants ont recours à leurs parents pour relire un devoir réalisé à la maison. Là réside une des grandes injustices sociales de l'école, à laquelle nous pouvons remédier par des temps de travail dirigé, d'aide individualisée en dehors des horaires disciplinaires. Pour cela, il faut réaménager les temps de service des enseignants, ce qui peut difficilement être réalisé avec des moyens humains et financiers constants.

Il ne s'agit pas de supprimer l'hétérogénéité, celle-ci doit au contraire tirer tout le monde vers le haut, élever le niveau moyen sans freiner l'excellence. La mise en oeuvre de ces dispositifs d'aide individualisée et une meilleure continuité pédagogique entre l'école et le collège, puis entre le collège et le lycée, devraient être de nature à réduire les redoublements et les réorientations.

Concernant la lecture, les évaluations réalisées en CE 2 et en sixième montrent que la principale difficulté des enfants concerne la compréhension du texte. Or celle-ci relève plus des connaissances accumulées dans la mémoire que de la technique de lecture elle-même. La compréhension, si elle est l'objectif principal de la lecture, ne lui est pas spécifique. La compréhension est un savoir préalable : elle est développée ou doit l'être avant l'apprentissage de la lecture.

Pour ce faire, le rôle de la maternelle est considérable, encore plus pour l'enfant qui n'a pas accès, dans son milieu familial et culturel, à l'exploration précoce d'un univers de l'écrit adapté à son âge, valorisé par l'école et qu'elle seule peut alors rendre accessible. Je reste persuadé que, dans ces cas-là en particulier, la préscolarisation peut être un atout considérable, un outil de prévention de l'échec scolaire, notamment par l'acquisition précoce de la culture scolaire. C'est pourquoi, je regrette la polémique initiée par le Gouvernement à ce sujet, et plus encore le recul de la scolarisation des enfants de deux ans en ZEP : elle concernait 35,7 % des enfants en 2003, contre seulement 32 % en 2000.

De même, je ne pense pas que le redoublement soit une solution efficace contre l'échec scolaire, non pas parce que je suis idéologiquement contre le redoublement, mais parce que des études françaises et internationales ont montré son inefficacité. Aussi, comme de nombreux enseignants, je n'ai pas compris, monsieur le ministre, vos propos sur le redoublement très précoce.

Si le redoublement massif, particulièrement en CP, a été abandonné, c'est bien parce qu'il a montré son incapacité à résoudre les difficultés scolaires. Ainsi, la proportion d'élèves en retard en CM 2 est passée de 25,4 % en 1990 à 19,5 % en 2000. Plus globalement, je ne crois pas que c'est en regardant vers le passé qu'on trouvera les réponses aux nouveaux défis que doit relever notre système scolaire.

Pour ma part, je ne suis pas un nostalgique de l'école de la IIIe République, ou d'un pseudo-âge d'or désormais révolu. Car ce serait oublier que cette école-là était élitiste et n'avait même pas à se poser la question de l'hétérogénéité des élèves. D'un point de vue quantitatif aussi bien que qualitatif, malgré les idées reçues particulièrement tenaces, notre école fait mieux aujourd'hui que par le passé, et ce même si la démocratisation a des ratés.

A tous ceux qui crient haro sur la loi d'orientation de 1989, il est bon de rappeler les raisons pour lesquelles on en est arrivé à cette loi.

Six ans après la loi Haby, le collège unique n'avait toujours pas été mis en place : près d'un collégien sur trois quittait le système après la cinquième. S'agissant du collège unique, soyons honnêtes : dans les faits, il n'y a guère que depuis la fin des années quatre-vingt-dix qu'il existe réellement. La population adulte d'alors était très peu qualifiée : 70 % d'entre elle avait au mieux un certificat d'aptitude professionnelle, un CAP, et seulement 16 % un baccalauréat ou plus.

Les études prospectives montraient alors que de très fortes tensions concernant les besoins en main-d'oeuvre très qualifiée apparaîtraient si l'on ne parvenait pas à atteindre l'objectif de 80 % d'une tranche d'âge au niveau du baccalauréat général, technologique ou professionnel dès 2000. C'est pourquoi, à partir des années quatre-vingt, les différents ministres ont entrepris, selon des méthodes différentes, d'atteindre cet objectif, qui s'est traduit, sur le plan législatif, par la loi d'orientation de 1989.

Abandonner cet objectif de mener 80 % d'une classe d'âge au niveau du baccalauréat serait une hérésie, surtout quand, selon le rapport du Haut Conseil de l'évaluation de l'école, notre économie aura besoin, d'ici à 2010, de faire passer le taux de bacheliers par génération de 62 % à 70 %, et celui des diplômés de l'enseignement supérieur de 38 % à 45 %. D'ailleurs, je regrette que l'enseignement supérieur soit le grand absent du débat sur l'école, d'autant qu'il est le parent pauvre de votre politique d'éducation.

Remettre en cause le collège unique n'est pas non plus la bonne voie : la notion de culture commune est totalement contradictoire avec la sélection précoce. L'égalité des chances ne consiste assurément pas à évacuer le plus faible. D'ailleurs, l'enquête PISA, Program for International Student Assessment, a montré que tous les pays qui arrivent en tête de classement ont repoussé la sélection le plus tard possible, ont des professeurs qui enseignent plusieurs matières au collège et ont massivement développé les pratiques artistiques, contrairement à ce qui se pratique en ce moment. Pour nous, la mixité sociale est la valeur fondatrice de l'école républicaine. Nous croyons toujours à l'« éducabilité » possible pour tous et refusons de désespérer de quiconque. Mais, pour cela, il faut s'en donner réellement les moyens, et les moyens les plus appropriés.

En tout cas, pour nous, socialistes, même si nous n'en refusons pas d'emblée des adaptations ou une actualisation, les valeurs et objectifs affirmés par la loi d'orientation de 1989 restent plus que jamais valides pour aller vers une école toujours plus égalitaire. Car ce n'est pas le texte qui est sacré, ce sont les fondamentaux qu'il porte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Luc Ferry, ministre. Monsieur Lagauche, vous avez mis l'accent, avec beaucoup de justesse, sur un certain nombre de difficultés de notre système actuel. L'hétérogénéité des classes est en effet la première difficulté que les professeurs de collèges, en particulier, mettent en avant lorsqu'on les interroge sur les principaux problèmes qu'ils rencontrent dans leur vie professionnelle.

Vous avez évoqué la question de l'illettrisme. Vous savez qu'il n'y a pas de divergences entre nous à cet égard.

Sur la préscolarisation à deux ans, ce n'est pas le Gouvernement qui a lancé la polémique ; il s'en passerait volontiers ! En revanche, s'agissant de la préscolarisation des enfants de moins de trois ans dans les ZEP, je tiens à vous rassurer de manière tout à fait claire : toutes les familles qui souhaitent que leurs enfants soient scolarisés avant trois ans dans les ZEP en ont le droit et peuvent le faire. Il n'y a aucune difficulté sur ce point. L'objectif est évidemment maintenu et rien n'est remis en cause.

En ce qui concerne le redoublement précoce, vous disiez, monsieur le sénateur, ne pas comprendre l'apparition de ce thème dans la discussion publique, de mon fait, je le reconnais bien volontiers. Je n'ai pas de réponse à apporter à cette question, mais celle-ci est légitime. Elle est d'ailleurs soulevée par plus de 80 % des enseignants.

Un certain nombre d'anciens ministres de l'éducation nationale ont jugé anormal que des élèves entrent en classe de sixième sans savoir lire ni écrire convenablement. Deux d'entre eux ont demandé que l'examen d'entrée en sixième soit rétabli.

Mme Nicole Borvo. Ah !

M. Luc Ferry, ministre. Ce n'est pas forcément une bonne idée, non pas en soi, mais parce que si l'on veut faire un barrage au niveau de l'entrée en sixième, c'est évidemment beaucoup trop tard. On doit s'assurer avant - probablement à la fin du CE 1 - que les acquis fondamentaux sont bien présents.

C'est l'un des objectifs des dédoublements des cours préparatoires et, bientôt, je pense, des CE 1, que nous mettrons très massivement en place cette année, et que nous poursuivrons l'année prochaine. Quant à la loi d'orientation de 1989, vous l'avez entendu tout à l'heure, je n'en fais pas une critique systématique, loin de là. Il conviendra d'en dresser un bilan avant de rédiger la prochaine loi d'orientation. C'est d'ailleurs précisément à cet exercice que le Haut Conseil de l'évaluation de l'école a déjà commencé à se livrer.

M. le président. La parole est à M. Philippe Nogrix.

M. Philippe Nogrix. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me félicite que nous abordions aujourd'hui, devant la Haute Assemblée, un thème qui me tient beaucoup à coeur, puisqu'il touche directement à la jeunesse et à la formation. Ce débat est sans doute une expérience unique en France, qui a donné l'occasion à tous les Français, quelles que soient leurs fonctions, d'échanger leurs sentiments sur l'école, sujet qui touche toute la population, son avenir, et qui s'inscrit dans une perspective de long terme.

Il faut souligner l'importance de la participation des Français au débat, en particulier celle du corps professoral, et peut-être regretter la plus faible mobilisation des parents d'élèves et surtout des élèves. Sans doute aurait-il fallu, monsieur le ministre, une consultation particulière, faite pour eux, dans laquelle ils auraient pu s'exprimer dans leur langage. La mobilisation, importante malgré tout, est le signe que l'école préoccupe nos concitoyens. Le malaise profond dans lequel elle se trouve nécessitait qu'on lui accorde un débat de cette taille.

En effet, les paradoxes sont nombreux et constituent autant de sujets récurrents auxquels aucun gouvernement n'a su répondre jusqu'alors. Le débat a fait ressurgir un certain nombre de lieux communs, tels les besoins d'augmentation des effectifs d'enseignants et des moyens dans les écoles, dans un contexte de diminution du nombre des élèves, d'augmentation de l'échec scolaire et d'aggravation de l'illettrisme. Les moyens sont-ils le vrai problème ? Si la participation au débat avait été plus équilibrée, les résultats auraient sans doute été différents.

Comment sortir de ces analyses, comment trouver les chemins d'une évolution positive, celle d'une amélioration progressive et non d'un enfermement idéologique autour de certains poncifs ?

C'est bien une réflexion de fond qu'il était nécessaire d'engager sur l'école, afin d'en redéfinir les objectifs et de s'interroger sur le rôle et la place de chacun des acteurs du système : les enseignants, les parents, les élèves et les employeurs. Il est aussi urgent de recentrer l'école sur son rôle premier : la transmission du savoir et la découverte de la citoyenneté. Car l'école, c'est aussi le lieu de l'apprentissage des règles de notre République, du savoir vivre dans notre société. En somme, notre école doit retrouver sa fonction d'intégration.

La modernisation de notre système et de nos programmes est urgente, compte tenu de l'irruption à l'école de l'incivilité, de la violence et des problèmes inhérents à notre société d'aujourd'hui. Il faut redonner aux parents leur rôle dans l'éducation. C'est à eux de transmettre le respect des autres, l'acceptation de l'autorité, le sens de l'effort et le goût de la réussite.

L'école porte en elle le reflet du malaise social que notre pays connaît aujourd'hui. C'est à l'école, hélas ! que commence l'exclusion, parce que notre système scolaire classique ne possède pas d'alternatives suffisantes en cas d'échec. De trop nombreux élèves quittent le système à seize ans, sans même maîtriser les fondamentaux du savoir, car ils ont perdu leur temps à l'école : trop longtemps au fond de la classe, ils s'ennuient, trimestre après trimestre. Leurs handicaps sont nombreux et ils se sont développés tout au long de leur scolarité, sans qu'on leur propose quoi que ce soit pour les surmonter. Il faudrait les aider à découvrir leurs talents et leurs possibilités de réussir dans la vie.

La France diplômée, l'enseignement diplômant n'est pas la panacée. Il faut renforcer la voie de l'acquisition de savoir-faire, de qualifications et de véritables métiers dont nous avons besoin. Toutefois, cela nécessite, bien entendu, de mettre en oeuvre une formation tout au long de la vie, permettant l'adaptation aux nouvelles technologies, dont le rythme de remplacement ne fera que s'accélérer, nécessitant l'acquisition continuelle de nouvelles compétences.

Pour conclure, on voit poindre à la lecture du débat une grande inquiétude : la disparition progressive de l'attrait des jeunes diplômés pour la fonction d'enseignant. Il faudra, monsieur le ministre, trouver la méthode pour inverser la tendance.

Il est grand temps de modifier le mode de fonctionnement des établissements scolaires. Il faut y faire du management, laisser venir le « remue-méninges », permettre aux enseignants de s'exprimer et d'être des créateurs de pédagogie, plutôt que des « applicateurs » de circulaires ministérielles.

J'aurais pu résumer mon propos en quelques formules : le débat était le bienvenu, c'est une réussite ; des évolutions, vite, très vite ; une vision nouvelle, c'est indispensable ; la confiance redonnée aux enseignants, oui, oui, oui ; des parents responsabilisés, mais comment ?

Il me reste à souhaiter que la commission du débat national sur l'avenir de l'école, présidée par Claude Thélot, parviendra à traiter la masse des contributions qu'elle a suscitées, et que la synthèse qui en sortira sera effectivement constructive en permettant au Gouvernement - à vous-même, monsieur le ministre -, d'élaborer un texte riche d'évolutions, porteur d'avenir et « reconstructeur » de cette grande fonction qu'est l'éducation, dont l'école est le maillon le plus important. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Luc Ferry, ministre. Monsieur le sénateur, je voudrais, tout d'abord, vous remercier d'avoir souligné combien ce débat était utile, voire nécessaire. Je voudrais également vous remercier des idées que vous avez émises et apporter une précision en ce qui concerne l'augmentation des moyens.

Demander plus de moyens pour l'éducation nationale est une idée sympathique et je ne peux qu'y souscrire. Ce qui est peut-être plus pervers, c'est que l'on identifie immédiatement l'augmentation des moyens à la seule augmentation des postes. Je voudrais donc dire à ceux qui demandent toujours des créations de postes, sans tenir compte des évolutions démographiques, que pratiquement 96 % du budget de l'éducation nationale sont, d'emblée, « dévorés » par le traitement des personnels.

Par conséquent, continuer à créer des emplois alors que la démographie scolaire diminue est totalement contreproductif, car un certain nombre de projets pédagogiques ne peuvent plus être financés faute de crédits. Un bon budget est donc non pas un budget qui, systématiquement, prévoit davantage de postes, mais un budget qui permet de financer les projets pédagogiques.

Je voudrais également m'associer aux propos que vous avez tenus, monsieur le sénateur, sur la nécessité pour notre système scolaire de découvrir tous les talents. Je pense, en particulier, à la nécessaire diversification des parcours au collège. Malgré certaines tentatives, en particulier les itinéraires de découverte, nous sommes encore très loin du compte : notre collège ne reconnaît toujours pas suffisamment les différentes possibilités de parcours susceptibles de faire émerger tous les talents.

Mon souci est de revaloriser la voie professionnelle. Nous en avons parlé avec les membres de la commission du débat national sur l'avenir de l'école, notamment avec son président Claude Thélot. D'autres propositions que celles que j'ai déjà formulées peuvent sans doute être mises en oeuvre.

Cependant, je voudrais quand même rappeler que l'une des stratégies que j'ai adoptées depuis un an et demi consiste à faire en sorte que les métiers soient découverts plus tôt, soit en amont du collège, et qu'ils ne soient pas choisis par défaut, c'est-à-dire en cas d'échec dans la voie générale. Mais il importe également de montrer que les lycées professionnels peuvent constituer une voie d'excellence permettant d'aller jusqu'au niveau bac + 3, voire bac + 4.

Ces deux aspects du problème, en amont et en aval du lycée, sont importants pour parvenir à une valorisation de la voie professionnelle et à la prise en charge, grâce aux différents parcours possibles, de la diversité des talents dont font preuve nos enfants.

M. le président. La parole est à M. Adrien Gouteyron.

M. Adrien Gouteyron. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, mes chers collègues. Je ne reviendrai pas sur l'intérêt de ce débat. J'indiquerai simplement que, depuis longtemps, je suis de ceux qui considèrent qu'il est nécessaire que la nation s'intéresse à son école. Certes, individuellement, les Français s'en préoccupent, mais il était nécessaire de mobiliser la nation.

J'ai apprécié l'effort de mobilisation auquel nous avons assisté et la réussite de l'opération. Je crois que l'on n'oubliera pas ce qui s'est passé.

Il était important que l'on débatte de l'avenir de l'école ailleurs que dans certaines enceintes ou dans certains cénacles.

Monsieur le ministre, j'ai choisi de traiter un thème qui n'est pas l'un des quatre thèmes prioritaires que vous avez énumérés, mais qui les concerne tous : il s'agit de la formation des enseignants. Je tiens tout d'abord à rappeler quelques chiffres.

L'éducation nationale dispose - vous l'avez souligné vous-même, monsieur le ministre - de quelque huit cent mille enseignants. Au cours des dix prochaines années, 40 % d'entre eux partiront à la retraite. Il faudra les remplacer, ce qui représente plus de trente mille enseignants par an à recruter.

Je rejoins les propos qui ont été tenus tout à l'heure par mon collègue Philippe Nogrix : il faut effectivement que les jeunes diplômés s'intéressent à la carrière d'enseignant et soient attirés par elle. C'est fondamental !

Il faut aussi que les recrutements de ces enseignants soient réguliers, qu'ils fassent l'objet d'un effort continu, car l'enjeu ne supporte pas de relâchement. Les ministres successifs - vous-même, bien sûr, monsieur le ministre, ainsi que vos successeurs - devront y veiller avec beaucoup d'attention.

L'objectif est difficile à tenir, car le flux de sortie des diplômés à bac + 3 s'établit à quelque cent cinquante mille par an, sur lesquels il faut prélever plus du cinquième. Mais c'est absolument indispensable pour notre système éducatif.

C'est un objectif difficile à tenir, certes, mais je pense que c'est aussi une chance. Dans les dix ans qui viennent, nous aurons la possibilité de renouveler en profondeur le corps enseignant, donc de mieux adapter les enseignants aux missions qui sont les leurs, et de les former réellement à l'école d'aujourd'hui.

Je ferai une première remarque à ce sujet.

La IIIe République - c'est banal de le dire, mais il convient de le rappeler - avait réussi à donner à ses futurs enseignants la fierté de leur métier et le sens profond de leur mission. (M. Pierre Martin applaudit.) Ceux-ci avaient compris la valeur émancipatrice de l'école et ils étaient chargés de la promouvoir et de la mettre en oeuvre. Ils avaient compris qu'ils avaient, en quelque sorte, à établir dans les classes la jeune République de l'époque.

Je crois que nous aurons gagné quand nos enseignants auront une claire conscience des missions qui sont les leurs, ou, plutôt, de la mission qui est la leur, qui ne se résume pas uniquement à enseigner une discipline : ils doivent, aujourd'hui encore, assumer une mission émancipatrice, faire en sorte d'arracher les élèves à tous les déterminismes - à celui du milieu et, éventuellement, à celui de la religion -, à tout ce qui les enferme et à tout ce qui les limite.

Vous disiez tout à l'heure, monsieur le ministre, qu'il était insupportable d'avoir dans une classe des groupes de croyants, qu'il s'agisse de chrétiens, de juifs ou de musulmans. La première mission de l'enseignant est bien d'arracher l'enfant puis le jeune aux déterminismes qui tendent à le conditionner.

Il n'y a plus de consommateur dont on flatte les penchants. Il n'y a plus d'appartenant à une communauté, qui se limite à cette communauté et hésite à s'ouvrir aux autres. Il n'y a qu'un élève dans une école de la République.

Si on arrivait à faire passer aux enseignants le sens profond de leur mission, on rendrait à leur métier ce qui est sa noblesse.

Monsieur le ministre, permettez-moi d'en venir à quelques considérations peut-être un peu plus techniques.

Je crois que cette mission exige une continuité tout au long du parcours : dans le primaire, au collège, au lycée. Mais il me semble que c'est surtout dans le primaire et au collège que cette exigence prend toute sa force et doit se réaliser. J'en suis donc conduit à me demander s'il est normal de former de la même manière les enseignants qui auront à assurer leurs fonctions dans les premières classes de l'enseignement secondaire et ceux qui auront à le faire dans les dernières classes des lycées.

Ne faut-il pas envisager de former une « catégorie » - je n'aime pas le mot, mais je n'en trouve pas de meilleur - d'enseignants qui aient d'abord à l'esprit cette mission-là ?

Certes, nous avons un peu de mal à imaginer une telle solution parce que nous portons en nous les modèles du passé, et, d'emblée, nous avons tendance à l'associer à la création d'un corps d'enseignants sous-formés, moins bien rémunérés, avec de moindres possibilités de promotion. Il ne faut évidemment pas qu'il en soit ainsi !

On a commencé à donner aux professeurs des écoles la même dignité qu'aux professeurs du secondaire, même s'il reste encore un peu de chemin à parcourir. Pourquoi, monsieur le ministre, n'arriverait-on pas à constituer un corps d'enseignants de collège capable d'assumer ces tâches redoutables que vous avez énoncées dans votre propos initial et qui aurait non seulement la même dignité que le corps des professeurs chargés d'enseigner une discipline, mais aussi la dignité particulière qui s'attacherait à la difficulté de leur mission ?

Monsieur le ministre, cela m'amène à la question de la part respective, dans la formation des enseignants, de la préparation aux métiers et de la formation dans la discipline.

Le moins que l'on puisse dire est que la situation actuelle n'est pas satisfaisante. On le sait bien, pour les professeurs du secondaire, la première année en IUFM est essentiellement consacrée à la préparation du concours et se déroule donc dans les universités. La deuxième année est évidemment plus professionnalisée.

Il est essentiel, me semble-t-il, de trouver un autre équilibre. L'idéal serait une entrée progressive dans l'enseignement, cursus qui ne réduirait pas la formation professionnelle à une sorte d'ajout subsidiaire à la formation disciplinaire.

Hier, à l'Assemblée nationale et aujourd'hui encore ici, M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire a souligné la nécessité de rassembler la nation autour des enseignants. C'est en effet un objectif qu'il nous faut absolument atteindre, et je souhaite que la loi d'orientation nous fournisse l'occasion de le faire. La loi d'orientation ne sera pas une bonne loi si elle ne traite pas convenablement de la formation des enseignants de France ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Luc Ferry, ministre. Monsieur le sénateur, je retrouve dans vos propos l'excellent spécialiste du système éducatif que vous êtes. Ce que vous avez dit sur le recrutement et sur la formation de professeurs est en effet crucial tant il est vrai qu'il ne suffit pas de mettre des postes au concours pour remplacer les départs à la retraite : encore faut-il aussi s'assurer que les viviers de recrutement sont suffisamment riches pour préserver la qualité de l'enseignement.

C'est évidemment un sujet très préoccupant. Il renvoie d'ailleurs à un problème qui, pour être technique, n'en est pas moins, lui aussi, crucial : comme l'indique le diagnostic préalable établi par le Haut Conseil d'évaluation, nous aurons très certainement besoin dans les années qui viennent de plus de diplômés de haut niveau - licence et même mastère -, notamment dans les filières générales, en particulier dans les filières scientifiques.

A cet égard, l'effondrement du choix de la filière L au baccalauréat est une très mauvaise nouvelle. Il faudra que nous contrecarrions cette tendance assez désastreuse pour l'avenir au regard des enjeux que vous avez évoqués et auxquels nous sommes, bien évidemment, sensibles.

Vous avez fait l'éloge des enseignants de la IIIe République, ce qui me donne le plaisir d'évoquer un livre peu lu aujourd'hui, Les Déracinés, qui met justement en scène deux conceptions de l'éducation,...

M. le président. Très bonne lecture !

M. Luc Ferry, ministre. ... d'un côté celle que Barrès défend, à savoir l'éducation vue comme un enracinement dans la communauté d'appartenance - la Lorraine pour les élèves qu'il met en scène - et, de l'autre côté, la vision républicaine de l'enseignement, dans laquelle il n'y a pas de véritable éducation de l'enfant sans une certaine forme de déracinement, ou d'« arrachement », comme vous le disiez si bien, aux communautés d'appartenance, aux communautés d'origine.

Ces deux belles conceptions de l'éducation sont encore très largement d'actualité et nous pourrions utilement relire Les Déracinés à la lumière des très justes observations sur la IIIe République que vous venez de faire, monsieur Gouteyron. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'école est l'affaire de chacun d'entre nous. Elle est un droit à la connaissance, un droit pour les apprentissages, un droit pour apprendre à vivre ensemble, un droit essentiel pour chacun de nos jeunes puisqu'il leur permet d'acquérir, de la maternelle à la fin de leur parcours scolaire, les savoirs et les connaissances nécessaires pour construire leur avenir.

En ce sens, le système scolaire de l'éducation nationale a fait de spectaculaires progrès depuis vingt ans. Mais ses moyens, ses méthodes et ses programmes arrivent au bout de ce qu'ils peuvent, malgré la mise en place des ZEP et malgré l'investissement professionnel remarquable de la plupart des enseignants et des personnels de l'éducation nationale.

Aujourd'hui, l'école aggrave la ségrégation sociale : le nombre de jeunes quittant le système éducatif sans qualification augmente ; le nombre d'étudiants stagne et tend même à régresser.

Parce que le parti communiste a été de toutes les luttes pour l'école publique et qu'il demande depuis fort longtemps un grand débat sur l'école, ses parlementaires ont accepté de participer à la commission Thélot pour l'organisation de ce débat de société, que nous voyons non pas comme une finalité en soi mais bien dans la perspective d'une transformation profonde du système éducatif, répondant aux attentes de la communauté éducative, de nos jeunes, de leurs parents, confrontés à une société en pleine évolution.

Or, la rapidité dont il a fallu faire preuve laisse les discussions inachevées. Nous avons certes disposé de trois mois pour débattre, mais nos débats ont été concentrés sur une semaine par département. L'ambition affichée ne se retrouve pas dans cette organisation des débats.

Vous annoncez plus d'un million de participants, monsieur le ministre, mais il manque véritablement trois publics : les jeunes eux-mêmes, les directeurs d'établissements et surtout les parents d'élèves, notamment ceux des quartiers difficiles.

Débattre sur l'école nécessite aussi d'avoir une vision globale allant de la maternelle à l'enseignement supérieur. Or, la place accordée à l'école maternelle est insignifiante et l'enseignement supérieur est exclu du débat.

Quant aux thèmes abordés, beaucoup rejoignent vos préoccupations. Vos déclarations intempestives, monsieur le ministre.

M. Eric Doligé. M. le ministre est toujours calme !

Mme Annie David. ... ont sans doute franchi le cercle de la commission des affaires culturelles, rendant difficile la neutralité, tandis que d'autres thèmes, tels que la gratuité ou la scolarisation des enfants de moins de trois ans, sont ignorés, dévoyant ainsi la discussion.

L'école de la réussite pour tous est avant tout un enjeu social, mais on ne peut faire un état des lieux de l'école sans faire celui de la société. Or, voilà encore un sujet que vous avez exclu du débat.

Il ne peut y avoir une démocratisation scolaire efficace sans une politique sociale conquérante et ambitieuse : le droit au logement, actuellement en crise et dont le Gouvernement s'est délesté, le droit à la santé, remis en cause par le texte relatif à la politique de santé publique, le droit au travail, malmené aujourd'hui, avec pour preuve la multiplication des plans de licenciement, le droit pour l'école d'avoir les moyens de ses ambitions.

Or, les annonces, alors même que le débat n'est pas encore clos, de suppressions de postes, tant d'enseignants que de personnels de différents services pour la rentrée 2004, n'augurent pas du bon respect de ce dernier droit.

L'école n'est pas isolée du tissu social et laisser croire que l'échec scolaire ne pourrait être réglé que par l'école elle-même est hypocrite, voire dangereux.

En accueillant les élèves, elle enregistre les dégâts humains causés par le chômage et la précarité comme des dégâts psychiques liés à la fragilité croissante des jeunes face à l'avenir. La désespérance sociale pèse lourdement sur l'espérance que l'on place dans l'école !

C'est sur le triptyque de l'école laïque gratuite et obligatoire que s'est fondée l'école de Jules Ferry, mais ce sont bien les luttes citoyennes qui ont permis d'instaurer et de conserver un service public d'éducation nationale et autorisé l'accession à l'enseignement secondaire de la quasi-totalité des jeunes.

L'école est laïque : je réaffirme mon attachement à la laïcité, vecteur de la cohésion d'une société riche en diversité, mais nous aurons l'occasion d'en débattre puisque le Gouvernement a décidé de légiférer...

L'école est gratuite : si elle l'a été, ce n'est plus le cas aujourd'hui. Les familles sont, quelquefois fortement, mises à contribution, et des initiatives de compensation ont d'ailleurs été inventées par l'Etat et, surtout, par les collectivités territoriales. Mais la gratuité totale de l'école en termes de droit public n'existe pas.

L'éducation est un droit essentiel, l'école n'est pas une marchandise. Langevin et Wallon remarquaient à ce sujet voilà plus de cinquante ans : « Le niveau de développement d'un pays se mesure aux moyens qu'il consacre à l'éducation. » Parce que l'école tisse le lien social et doit assurer l'égalité des chances, nous devons nous inscrire dans une démarche de gratuité effective.

La scolarité est obligatoire : elle l'est aujourd'hui jusqu'à seize ans ; ne faut-il pas la rendre obligatoire jusqu'à dix-huit ans pour répondre au besoin qui s'annonce d'une élévation du niveau de qualification ? Vous avez dit vous-même, monsieur le ministre, que la discussion devrait s'engager sur cette réforme, qui répond aussi au droit pour tous les élèves de poursuivre, à l'issue du collège, des études de second cycle et à la nécessité d'élever, pour tous, le niveau de culture et de qualification indispensable à l'épanouissement de chacun et de la société.

Cette mesure doit s'accompagner d'une réflexion sur les contenus de la culture commune et sur les voies diversifiées pour accéder à cette dernière. En effet, malgré l'accès d'un plus grand nombre d'enfants issus de milieux modestes à l'enseignement secondaire, le collège unique n'a pas permis d'effacer les disparités sociales et encore 160 000 jeunes sortent du cursus scolaire sans qualification.

Cependant, c'est grâce à ce socle commun de connaissances que chaque individu, en s'appropriant le patrimoine commun, se lie à la communauté nationale. Une orientation précoce ne ferait qu'aggraver des inégalités contre lesquelles l'école doit lutter.

Si le collège unique n'a pas su remplir sa mission, c'est souvent en raison d'un manque de moyens, mais aussi parce que la diversité des élèves aurait dû impliquer une diversité des réponses. Au sein du collège, nous devons prendre en charge spécifiquement les élèves en grande difficulté, sans oublier pour autant les bons élèves ou les élèves surdoués, et nous devons aussi assurer l'accueil des enfants handicapés.

De même, il faut repenser le contenu des enseignements. La résorption de l'échec scolaire doit passer par une harmonisation des contenus et par des pratiques pédagogiques diversifiées. Le collège de la réussite pour tous reste donc à construire.

Par ailleurs, l'enseignement secondaire général est peu diversifié et apporte peu à la démocratisation. Peut-être conviendrait-il de créer de nouvelles filières générales, plus attractives.

Le contenu des enseignements de la filière professionnelle n'est pas exempt de critiques : ainsi, à l'ère de la mondialisation, on n'y enseigne qu'une langue étrangère.

Toutefois, il ne suffit pas de s'attaquer à l'échec scolaire à partir du collège ; il faut le prévenir dès la maternelle. La scolarisation des moins de trois ans régresse aujourd'hui, alors que des études montrent qu'elle permet de réduire l'échec scolaire pour les enfants issus de classes défavorisées. Ce droit d'être scolarisé dans une école maternelle de qualité doit permettre une meilleure réussite de tous les élèves. Le Haut Conseil d'évaluation de l'école souligne, lui aussi, le rôle incontestable du développement de la scolarisation en maternelle dans l'amélioration des résultats de l'ensemble du système scolaire.

L'école primaire et le collège : lieux d'acquisition d'une culture commune et de la réussite pour tous, tels sont les clés pour accéder et pour réussir au lycée. L'idée que la connaissance ne peut être accessible qu'à certains est pour moi inacceptable !

Aujourd'hui au moins autant qu'hier, pour de très nombreux élèves, l'école est le seul lieu d'acquisition des savoirs. Elle doit le rester, car ce sont ces acquisitions qui permettent de construire les bases d'une formation solide et durable, laquelle conditionne à la fois les possibilités futures de formation et l'égalité de chacun dans la participation à la vie démocratique. Il ne peut y avoir de transformation efficace sans une véritable démocratie. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Luc Ferry, ministre. Madame David, je salue tout d'abord votre participation à la Commission du débat national présidée par Claude Thélot. C'est un excellent signe du pluralisme et de l'ouverture de celle-ci. Je me réjouis donc que des parlementaires du groupe auquel vous appartenez aient accepté de participer à ses travaux.

Vous avez repris les trois grands thèmes qui ont fondé notre école, à savoir une école laïque, gratuite et obligatoire. Il serait intéressant de savoir comment nous les réinterprétons aujourd'hui et comment nous améliorons la mise en oeuvre de chacun des programmes que ces thèmes nous tracent implicitement.

De la laïcité, je vous ai déjà dit tout à l'heure quelques mots, qui n'étaient d'ailleurs pas aussi intempestifs que vous le prétendez puisque répondre à des parlementaires dans le cadre d'une commission n'a rien d'intempestif !

Je vous ai également déjà parlé de la scolarité obligatoire. Prolonger l'obligation jusqu'à dix-huit ans est en effet une hypothèse, mais il me semble qu'envisager la scolarité en termes de formation tout au long de la vie pourrait être intéressant, y compris du point de vue qui est le vôtre. C'est en tout cas aussi une hypothèse de réflexion.

En ce qui concerne la gratuité, un élément doit être pris en compte dans la réflexion. La loi de décentralisation, que vous n'avez malheureusement pas votée, va en effet permettre la création d'un conseil territorial de l'éducation nationale dans lequel seront pour la première fois représentés les présidents de conseil régional et de conseil général ainsi que les maires, sous la présidence du ministre de l'éducation nationale - le fait qu'un tel conseil n'existe pas encore est d'ailleurs une aberration -, ce qui permettra d'aborder très concrètement les problèmes d'égalité entre les territoires et de gratuité que vous évoquiez tout à l'heure.

Les questions comme celle de la gratuité des livres au lycée pourront être beaucoup plus vite et beaucoup mieux réglées s'il existe un lieu où le ministre de l'éducation nationale - quel qu'il soit - puisse les aborder avec les représentants des régions et des départements.

On le sait, la richesse de nos écoles communales varie de un à presque dix sur notre territoire, situation qui soulève le type même de questions que l'on pourra poser de manière utile et efficace au sein de ce conseil. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Darniche.

M. Philippe Darniche. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que l'école se trouve actuellement au coeur de nombreux tourments, je n'ai jamais été persuadé, comme d'ailleurs un grand nombre de nos concitoyens, que cette crise institutionnelle pouvait être résolue uniquement par la spirale de la voie budgétaire, celle de l'augmentation des effectifs ou des moyens.

Avec près de 55 milliards d'euros, le budget de l'enseignement scolaire, en augmentation de près de 3 %, a dépassé en France le produit de l'impôt sur le revenu.

Pour s'en tenir aux seules comparaisons internationales, particulièrement éclairantes, si la France dépensait autant que la moyenne des pays de l'OCDE, elle réaliserait même une économie de 8,5 milliards d'euros, soit un demi-point de PIB. Si elle s'alignait sur l'Espagne, le Royaume-Uni ou l'Allemagne, l'économie serait respectivement de 12,5 milliards, 8 milliards et 4 milliards d'euros.

Il est donc clair que le ministère de l'éducation nationale ne manque pas de moyens et dispose parfaitement des ressources humaines et budgétaires pour remplir efficacement ses missions.

Toutefois, s'il existe bel et bien une crise de l'école, au sein même du débat plus général sur la laïcité, elle me semble plutôt relever de dysfonctionnements structurels, qui n'appellent pas forcément des dépenses supplémentaires - bien au contraire - et nécessiter avant tout un courage politique de recentrage volontaire sur les priorités.

Monsieur le ministre, « l'école pour tous au service de la réussite de chacun » est un idéal républicain auquel j'adhère profondément. L'enseignement scolaire de qualité doit rester une prise de conscience politique constante et s'affirmer comme une priorité nationale permanente, ce qui est le cas.

Monsieur le président, mes chers collègues, dans le cadre solennel de la contribution de notre Haute Assemblée au grand débat national sur l'avenir de l'école, je tiens à rendre ici hommage à ce pilier fondamental de la République que sont notre école publique et notre enseignement privé.

M. René-Pierre Signé. Vous n'oubliez pas l'école privée !

M. le président. Monsieur Signé, vous n'êtes pas autorisé à intervenir !

M. René-Pierre Signé. Je ne faisais que souligner le propos de l'orateur.

M. Philippe Darniche. Toutefois, depuis des années maintenant, un constat s'impose à tous : pourquoi l'école de la République ne semble-t-elle plus assurer ses missions essentielles ?

L'école est investie à mes yeux - dans ses structures et ses pratiques - de deux missions essentielles : celle d'apprendre, d'une part, et celle de former des citoyens, d'autre part.

La crise de l'école est bien plus grave qu'un simple mal de tête. Elle ne commande rien de moins que la cohésion sociale de la société et la dynamique de long terme de notre économie. Parce que l'école est malade, l'ensemble de la société souffre. Toute faille ne doit donc pas être considérée comme une fatalité mais doit être dépistée le plus tôt possible, dès la petite enfance.

Tout d'abord, un constat alarmant s'impose à tous. Dans sa volonté d'ouvrir l'enfance sur le monde, au travers de nombreuses activités de découvertes utiles, l'école s'est rapidement dispersée et a négligé les « fondamentaux » du primaire que sont l'apprentissage de l'écriture, de la lecture et du calcul. En effet, nombre d'élèves de maternelle cumulent des retards d'acquisition importants en lecture qui les exposent à l'illettrisme et aux difficultés d'insertion professionnelle et sociale. En amont, moins de 60 % des élèves entrant en sixième maîtrisent les outils de la langue pour lire, écrire et produire un texte de manière autonome. En aval, 12 % des jeunes convoqués à la Journée d'appel et de préparation à la défense, la JAPD - dont deux fois plus de garçons que de filles - éprouvent des difficultés pour accomplir des lectures nécessaires à leur vie quotidienne.

Par ailleurs, il est nécessaire de créer les conditions propices à de meilleures relations entre parents et enseignants. La nécessaire revalorisation de l'autorité parentale et le développement des relations associatives entre les parents et l'école s'avèrent indispensables. C'est la raison pour laquelle, dans sa responsabilité d'orientation au sein des filières pédagogiques, l'éducation nationale se doit de revoir sa copie en associant parents et enfants à la réflexion et en informant convenablement les familles sur les débouchés existants au regard des capacités de l'enfant.

Enfin, assurer la transmission des valeurs républicaines et réhabiliter durablement la fonction enseignante sont les deux défis à relever en ce début de siècle. Car si la fonction d'enseignant est essentielle à la société, celle d'étudiant est primordiale pour la citoyenneté.

Monsieur le ministre, quels contours devront impérativement être dessinés pour votre future loi d'orientation sur l'éducation au mois de septembre prochain ?

Tout d'abord, il faut répondre en urgence aux besoins pédagogiques en recentrant l'école, comme je l'ai dit, sur les apprentissages fondamentaux. L'action éducative doit par ailleurs être clairement définie par la mise à la disposition des enseignants d'un corps de règles, ainsi que des moyens efficaces pour les faire respecter.

Ensuite, nous devons revoir la précédente loi d'orientation de 1989 en reformulant l'objectif dévastateur de Lionel Jospin, alors ministre de l'éducation nationale, de faire parvenir 80 % d'une classe d'âge au baccalauréat. C'était une grossière erreur, car les structures intellectuelles des jeunes étudiants ne sont ni constantes, ni identiques à travers le temps.

Il en est de même du collège unique, qui, sous couvert de l'objectif d'égalité, a tiré vers le bas le niveau d'acquisition des connaissances. Il s'agit non pas de faire de l'élitisme, mais d'inverser la dynamique en tirant l'ensemble des élèves vers le haut. Cessons d'appliquer les idéologies égalitaristes, qui n'ont conduit qu'à la facilité et à la démotivation.

C'est la raison pour laquelle la « démocratisation » de l'enseignement a entraîné l'accentuation du sentiment d'échec personnel, car décréter que 80 % d'une classe d'âge doit atteindre le niveau du baccalauréat, c'était en exclure automatiquement 20 %.

Ainsi a-t-on gravement mis entre parenthèses les formations professionnalisantes au profit de l'enseignement général. En ne traitant pas à la source ce problème d'orientation sous forme de numerus clausus, nombre de filières universitaires dans les disciplines à faible employabilité ont inévitablement fait déboucher plusieurs générations d'étudiants sur de véritables impasses, et ce sans véritable espoir de retour.

A ce titre, monsieur le ministre, il n'est pas inutile de rappeler ici qu'au niveau universitaire la sélection par l'échec est flagrante. Le taux de redoublement en DEUG est considérable puisque seul un quart des élèves réussissent à obtenir ce diplôme dans les deux ans a priori requis ; un étudiant sur deux inscrits en DEUG n'obtiendra jamais son diplôme ; un tiers abandonnera même dès la première année.

Enfin, nous devons prendre en compte un sujet de société lourd et grave aux yeux de familles inquiètes à juste titre ou d'enseignants trop souvent malmenés physiquement, voire agressés sauvagement.

Je veux bien sûr parler de l'insécurité au sein des établissements et des moyens à imposer pour mieux prévenir et sanctionner la violence en milieu scolaire. Cela passe, comme d'autres l'ont dit avant moi, par la « réappropriation de la classe par les élèves, par leur responsabilisation grâce au carnet de comportements, et par des règlements intérieurs efficaces qu'il faut appliquer humainement et didactiquement mais sans jamais faillir. Les enfants réfléchissent la violence latente qui les entoure. Je pense aux médias, aux violences familiales et aux violences de rue.

Mes chers collègues, c'est en cernant les acquis et en réduisant efficacement les carences scolaires que les savoirs se transforment sereinement en outils de réussite.

Comment donc motiver les élèves, comment lutter contre la violence et contre l'échec scolaire et comment diversifier les parcours ? Autant de questions précieuses et de réponses à inventer, autant d'efforts à développer pour favoriser l'intégration scolaire des élèves handicapés et la prise en compte des élèves « à problèmes », sans oublier, bien sûr, la lutte contre l'absentéisme.

En conclusion, je pense que l'avenir de l'école passe par deux leviers essentiels.

Le premier, d'aspect sociologique, est la capacité des élèves à acquérir, dès leur plus jeune âge, une autonomie auprès des autres et avec les autres, à accepter les différences de leurs petits camarades de classe pour mieux apprendre à vivre ensemble.

Le second, d'ordre plus pédagogique, n'est autre que la « formation tout au long de la vie ». Car, ne nous leurrons pas, dans un environnement économique totalement ouvert et toujours plus concurrentiel, les parents savent que leurs enfants, s'ils ont quitté précocement le système scolaire ou n'ont pas été orientés assez tôt sur des filières professionnelles performantes telles que l'apprentissage, devront impérativement prévoir une formation continue pour actualiser leurs connaissances.

C'est le prix à payer dès le plus jeune âge pour s'épanouir personnellement et, plus tard, mettre durablement toutes les chances de son côté pour rester dans la course à la performance. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Paul Blanc. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Luc Ferry, ministre. Cher monsieur Darniche, vous vous êtes interrogé sur les contours de la future loi d'orientation, en soulignant que celle-ci devrait de toute façon recentrer les missions de l'école sur les fondamentaux, notamment la lutte contre l'illettrisme, que vous avez, à juste titre, longuement évoquée.

Vous avez également insisté sur l'importance de délivrer à nos enseignants un corps de règles applicables et claires dans un certain nombre de secteurs.

Je voudrais simplement, en liant les deux thèmes, vous dire que nous travaillons dans cette optique, qui est proche de la vôtre, notamment en matière de lutte contre l'illettrisme, avec, par exemple, le développement des dédoublements de cours préparatoire, dans lesquels on peut enseigner la lecture et l'écriture par groupe de dix ou douze.

Nous avons publié, voilà quelques jours, un livret pédagogique contenant un certain nombre de recommandations pédagogiques sur les méthodes de lecture, qui aidera les enseignants qui pratiquent le dédoublement de classe - Mme Papon interviendra tout à l'heure sur ce thème important, qui lui tient à coeur - et qui donne aussi un certain nombre de règles claires en matière, par exemple, d'association du diagnostic et de la remédiation.

L'avantage de l'enseignement par petits groupes en matière de fondamentaux, qu'il s'agisse de la lecture ou d'autres apprentissages de base, c'est qu'il permet, au moment où l'on diagnostique une difficulté chez l'élève, de mettre aussitôt en place la remédiation.

Vous avez évoqué un autre thème, celui de l'échec au niveau du DEUG. Nous travaillons très activement sur cette question, qui est liée en grande partie à des défauts d'orientation.

Permettez-moi de vous citer un exemple chiffré : il faut savoir que près de 80 % des bacheliers technologiques inscrits à un DEUG général échouent. Or 50 % d'entre eux avaient au préalable demandé une affectation dans une filière technologique, la plupart du temps dans des sections de techniciens supérieurs, STS, qui leur a été refusée.

C'est sur ce type de problèmes que nous voulons agir afin de tenir compte des préoccupations que vous avez très justement soulignées.

M. le président. La parole est à M. Pierre Lafitte.

M. Pierre Laffitte. Monsieur le ministre, je vous remercie d'avoir organisé le grand débat national sur l'avenir de l'école, avec tant de succés.

M. René-Pierre Signé. Il n'a pas été suivi !

M. Pierre Laffitte. Je remercie également Jacques Valade d'avoir organisé cette contribution du Sénat.

Il s'agit en effet d'un débat politique majeur et, comme toujours, lorsque le problème revêt une telle importance, je constate, au sein de notre assemblée, une certaine convergence, en dépit de nos différences politiques. C'est satisfaisant pour la démocratie et pour notre Haute Assemblée.

Je commencerai par les maternelles, qui, pour être à la limite de ce débat sur l'école, n'en sont pas moins à la base de la socialisation. Elles sont en France une réussite incontestée. Pourquoi sont-elles si souvent exemplaires ? Peut-être parce que la liberté des personnels et des programmes y est plus grande.

Les orateurs qui m'ont précédé ont évoqué de façon remarquable la plupart des points essentiels du débat. Je bornerai donc mon propos à quelques remarques sur la motivation des élèves.

La motivation, à mon sens, passe par l'ouverture, l'innovation et la diversification.

L'ouverture du système de l'éducation nationale est réelle. Il faut la renforcer en facilitant beaucoup plus largement l'accès de personnalités extérieures. A cet égard, je citerai l'exemple des sénateurs qui, grâce à une initiative de notre président Christian Poncelet, se rendent chaque année dans des écoles primaires, des collèges, où ils sont reçus avec beaucoup d'intérêt par les enfants, qui ne connaissent pas la vie politique, pas plus qu'ils ne connaissent les fonctions législatives des sénateurs ou celles qu'ils remplissent au jour le jour auprès des populations, des maires et des collectivités. Les enfants, comme les professeurs, manifestent un réel intérêt pour ces rencontres, comme en témoignent leurs multiples questions.

C'est un exemple, mais l'on pourrait en citer beaucoup d'autres.

Il conviendrait selon moi, de faciliter cette ouverture, à laquelle les enseignants de base sont très favorables, alors que les circulaires en limitent encore trop souvent les conditions et que les inspecteurs généraux ne l'encouragent pas toujours.

Les visites à l'extérieur ont des effets extraordinaires. Lorsque l'on fait visiter des laboratoires de recherche à des classes, les enseignants constatent ensuite un accroissement considérable de la motivation de leurs élèves.

Autre exemple : le conseil général de mon département a organisé une visite à Auschwitz pour des élèves de quartiers difficiles. Ils en sont revenus très impressionnés et, me semble-t-il, opposés à jamais, quelle que soit leur confession, aux extrémismes. Ces deux exemples sont très différents, mais leur aspect positif est fondamental.

Enfin, s'agissant des stages de longue durée et des formes d'alternance, si leur pratique est moins répandue en France que dans d'autres pays, la société civile est désormais toute disposée à prêter son concours.

Par ailleurs, en ce qui concerne l'innovation, des opérations comme « La main à la pâte », lancée par l'Académie des sciences et très largement reprise, notamment avec votre appui, doivent être développées. Je pense, en particulier aux innovations liées à l'usage des médias. Il faudrait utiliser plus largement France 5, d'ailleurs créée sur l'initiative du Sénat, et qui vient de signer un accord avec le CNDP, le Centre national de documentation pédagogique.

Il est nécessaire de promouvoir bien d'autres actions d'éducation en s'appuyant sur l'Internet à haut débit, sur les nouvelles technologies, et sur l'enseignement à distance, en utilisant des services tels que ceux du CNED, le Centre national d'enseignement à distance, des universités et de l'AFPA, l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes. Les potentialités d'innovation sont considérables.

Enfin, il convient de diversifier les actions, ce que permettent l'innovation et l'ouverture, pour répondre également aux nouveaux besoins sociaux et économiques. Il faut promouvoir la culture scientifique, ce qui est aussi une forme de diversification. C'est d'ailleurs une priorité nationale et votre ministère, à cet égard, occupe une position tout à fait centrale.

Est-il vraiment nécessaire d'enseigner l'anglais à tous à l'école primaire ? Ne vaudrait-il pas mieux enseigner d'autres langues, en particulier l'allemand, l'italien ou l'espagnol, langues des pays avec lesquels s'effectue l'essentiel de notre commerce extérieur et avec lesquels nous entretenons d'importantes relations, touristiques notamment ! S'il est clair que, pour acheter, la pratique de l'anglais est indispensable, mieux vaut, lorsqu'on prétend vendre ses produits, parler la langue des pays acheteurs. Or, actuellement, la domination de l'anglais à l'école est absolue. Il s'agit non pas d'interdire l'apprentissage de l'anglais mais simplement d'éviter que l'on arrive à la situation que notre collègue M. Legendre a parfaitement décrite dans un rapport récent.

L'enseignement à distance permet de faciliter, dans le milieu secondaire, l'apprentissage d'autres langues et - pourquoi pas ? - « de mettre en vedette » celui de la langue la plus parlée au monde, le chinois, qui constitue un exercice de gymnastique mentale passionnant - je l'ai moi-même expérimenté - et qui peut se revéler extrêmement facile pour des enfants.

Enfin, ces préoccupations me conduisent à souligner la nécessité de développer les motivations des élèves non seulement en éveillant leurs facultés mais aussi en les incitant à découvrir les nouveaux métiers.

Telles sont, monsieur le ministre, les quelques remarques que je voulais formuler. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Luc Ferry, ministre. Je souhaiterais sinon répondre à M. Laffitte, du moins lui faire partager mes réflexions sur les questions qu'il a évoquées, notamment sur celle de la motivation des élèves, qui est en effet très importante puisqu'elle a été la première à être retenue par les participants au grand débat national.

Vous avez, monsieur le sénateur, mis particulièrement l'accent sur la question des motivations pouvant favoriser les vocations scientifique et l'intérêt pour la science, sujet que vous connaissez admirablement et qui, je le sais, vous tient particulièrement à coeur.

Cette crise des vocations scientifiques que nous connaissons en France depuis pratiquement une dizaine d'années, et qui se traduit par une baisse d'environ 25 % des inscriptions dans les premiers cycles universitaires des filières scientifiques, est évidemment très préoccupante.

Je crois qu'il y a trois raisons à cette situation. On évoque toujours les raisons budgétaires, et cette analyse comporte une part de vérité : depuis environ vingt ans, les gouvernements qui se sont succédé, toutes tendances politiques confondues, ont sous-doté l'enseignement et la recherche par rapport à l'enseignement scolaire. Cette tendance doit maintenant être activement corrigée, et c'est la raison pour laquelle, dans le budget pour 2004, nous avons décidé de transférer 100 millions d'euros de crédits de l'enseignement scolaire vers l'enseignement supérieur, pour montrer, à tout le moins, la direction à suivre.

La deuxième raison, plus profonde, tient à l'image de la science, que nombre de nos contemporains associent bien plus à la notion de risque qu'à la notion de progrès : nous ne nous trouvons plus aujourd'hui dans la même situation que les philosophes des Lumières aux xviiie siècle ! La science a fortement pâti de cette image négative, renforcée notamment par les débats qui ont entouré la question des organismes génétiquement modifiés, les OGM.

La troisième raison, enfin, est liée au fait que l'apprentissage des sciences demande des qualités qui sont devenues rares, celles du travail et de l'effort, alors que, depuis une trentaine d'années, la pédagogie privilégie plutôt l'expression de soi. Or, lorsque l'on apprend, par exemple, la liste des protéines, en biologie, ce n'est pas tellement l'expression de soi qui est la qualité à valoriser, c'est bien une certaine humilité face à un savoir que l'on reçoit de l'extérieur et pour l'appropriation duquel il est nécessaire de fournir un travail.

Il nous faut donc proposer des remèdes efficaces prenant en compte ces trois raisons du déclin des vocations scientifiques qui frappe aujourd'hui non seulement notre pays, mais également tous les pays occidentaux.

Vous avez évoqué l'un de ces remèdes, monsieur le sénateur, qui semble extrêmement efficace, que nous mettons en place dès cette année et que nous étendrons l'année prochaine. Il s'agit tout simplement de faire en sorte que les classes, notamment à partir du lycée - et même, si possible, avant - aillent visiter des laboratoires pour voir concrètement à quoi ressemble la recherche scientifique. De tels contacts contribuent fortement à susciter des vocations et, surtout, à dissiper l'image fallacieuse de la place de la science dans la cité que les jeunes se font trop souvent à partir de la télévision et des autres médias.

Bien évidemment, de nombreuses autres actions doivent être mises en place. Mais celle-ci semble particulièrement importante et efficace. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini.

M. Ivan Renar. Ciel ! Un barbu ! (Rires.)

Mme Hélène Luc. Il est vrai qu'il ne fait pas bon être barbu !

M. Jean-Marc Todeschini. Il ne m'a pas dit quel savon il fallait que j'utilise ! Mais je demanderai la longueur du sabot pour me raser. (Sourires.)

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que nous arrivons à mi-parcours du pseudo-débat sur l'avenir de l'école (Protestations sur les travées de l'UMP), le Gouvernement propose au Sénat de participer à celui-ci par un prétendu débat s'inscrivant parfaitement dans la ligne globale du dialogue institué avec les Français et que l'on pourrait résumer de la manière suivante : beaucoup de bruit pour rien !

M. René-Pierre Signé. Voilà qui est direct ! Cela nous réveille !

M. Jean-Marc Todeschini. Je n'exposerai pas ici les modalités générales du débat, pour le moins confuses : mon collègue Jean-Louis Carrère l'a déjà fait lors de la discussion budgétaire, en décembre dernier, démontrant à quel point il ne pouvait qu'être infructueux, compte tenu de la multitude des compétences plus ou moins réelles appelées à se prononcer simultanément et dans toutes les directions, sans pour autant bénéficier de réelles marges de manoeuvres.

Où en est réellement le débat ? A mi-parcours, de l'avis général, il n'a pas apporté les résultats escomptés ; les 15 000 réunions publiques prévues initialement, qui se sont tenues jusqu'à la semaine dernière, n'ont pas, faute de combattants, connu le succès attendu...

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. C'est faux !

M. Jean-Marc Todeschini. On annonce un million de participants, selon les sources mêmes du ministère de l'éducation nationale,...

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. C'est considérable !

M. Jean-Marc Todeschini. ... ce qui équivaut à environ soixante-dix participants par établissement.

M. René-Pierre Signé. Ils sont tout de même sortis de chez eux !

M. Jean-Marc Todeschini. Si l'on ôte l'ensemble des « institutionnels » obligés, partenaires incontournables, qui participent chaque fois aux débats, on observe que les Français ne se sont absolument pas mobilisés. (Protestations sur les travées de l'UMP.)

Ce chiffre de soixante-dix participants me paraît au demeurant extrêmement optimiste.

Mme Nicole Borvo. C'est certain !

M. Jean-Marc Todeschini. Ceux qui ont assisté à l'une de ces réunions publiques ont pu s'apercevoir que les citoyens-parents d'élèves y étaient plutôt minoritaires. Tous les échos que j'ai reçus me rapportent une participation maximale de cinq parents à chaque réunion !

M. René-Pierre Signé. Et encore !

M. Jean-Marc Todeschini. Sans vouloir tirer de conclusions hâtives, je suppose que, comme nous tous, ils ont senti que, sous couvert de débat démocratique, les jeux étaient déjà faits !

M. René-Pierre Signé. Exactement !

M. Jean-Marc Todeschini. Monsieur le ministre, chacun sait désormais que votre principal objectif est d'élaborer une réforme du système éducatif permettant de remettre en cause l'ensemble des acquis découlant de la loi d'orientation sur l'éducation du 10 juillet 1989.

M. Didier Boulaud. Très bien !

M. Jean-Marc Todeschini. De toutes parts, pourtant, les différents acteurs et usagers de l'école s'accordent pour affirmer qu'il ne faut surtout pas remettre en cause ces acquis majeurs de la loi de 1989.

M. Didier Boulaud. Cela ne fait rien : ils n'y connaissent rien !

M. Jean-Marc Todeschini. Je citerai plus particulièrement la conception et l'organisation du système scolaire en fonction des élèves, la reconnaissance des parents d'élèves comme membres à part entière de la communauté éducative, l'acquisition par tous d'une culture générale et d'une qualification assurée, la scolarisation dès l'âge de deux ans dans les zones défavorisées, les IUFM, les instituts universitaires de formation des maîtres, ou encore le seuil de 80 % d'une classe d'âge au niveau du bac.

Je souhaite vivement que l'ensemble de ces acquis, qui ont été porteurs de progrès en termes d'égalité des chances, de progrès social et culturel, ne soient pas balayés au terme du débat et purement et simplement rayés du code de l'éducation.

Les gouvernements de gauche ont toujours placé l'éducation en tête de leurs priorités, au coeur de leurs préoccupations. (Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. Didier Boulaud. Ce n'est plus le cas !

M. Jean-Claude Carle. Ils se sont contentés de paroles !

M. Jean-Marc Todeschini. Nous ne pouvons pas en dire autant de l'actuel gouvernement, qui, dès son arrivée, a mis brutalement fin à cet effort prioritaire en faveur de l'éducation nationale.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. C'est faux !

M. Didier Boulaud. C'est la revanche !

M. Jean-Marc Todeschini. Faut-il ici rappeler que le budget consacré à l'éducation est en déclin continu, que l'on a assisté à la réduction drastique des moyens pédagogiques accordés aux collèges et aux lycées ainsi qu'à la suppression du plan de recrutement des enseignants ?

M. Didier Boulaud. Absolument !

M. Jean-Marc Todeschini. Après cette vaste opération de démolition du service public de l'éducation nationale, le Gouvernement annonce qu'il veut écouter avant de fixer les missions de l'école.

Alors, je dis bravo ! Bravo pour ce double langage, bravo pour votre sens aigu de la démagogie. (Exclamations et rires sur les travées de l'UMP.)

Dites-vous bien, monsieur le ministre, que personne n'est dupe. Car, depuis un an, en guise de débat, parents et personnels de l'éducation ont connu crispation et mépris. En attendant, la pseudo-concertation tous azimuts permet d'occulter le débat essentiel, celui des suppressions massives de postes d'enseignants dans les collèges et les lycées à la rentrée prochaine :...

M. Jean-Paul Emorine. C'est faux !

M. Jean-Marc Todeschini. ... car 4 000 emplois d'enseignants en moins, c'est du jamais vu !

M. René-Pierre Signé. Des canons, pas des écoles !

M. Jean-Marc Todeschini. L'argument du Gouvernement selon lequel ces suppressions constituent une mesure d'accompagnement de la baisse des effectifs est fallacieux : les 41 900 élèves de moins à la rentrée 2004 représenteront à peine un demi-élève de moins par section ! Cette baisse ne concerne d'ailleurs que les collèges, puisque les lycées et les lycées professionnels devront, pour leur part, faire face à une hausse des effectifs, modérée, certes, de 9 250 élèves. Est-ce ainsi que l'on améliorera l'encadrement, alors que l'effectif moyen est supérieur à 30 élèves par classe ?

En Lorraine, alors que l'on s'apprête à vivre la disparition définitive des Houillères du Bassin de Lorraine - le sujet sera évoqué ici, même demain -, vos décisions de fermeture de postes sont ressenties comme un véritable coup de grisou : suppression de 76 postes dans le premier degré, alors même que 657 élèves supplémentaires sont attendus à la rentrée, et de 468 postes dans le second degré, sans compter celle de 44 postes d'agents administratifs et de 24 postes d'ouvriers et techniciens.

M. Didier Boulaud. C'est la nouvelle mathématique !

M. Jean-Marc Todeschini. Tout cela est inacceptable et injustifié !

Je citerai un autre exemple. Mon collègue et ami Bernard Frimat, sénateur du Nord et vice-président du conseil régional chargé des lycées, notait que, comme la région Lorraine, avec laquelle elle a tant de similitudes, la région Nord - Pas-de-Calais est frappée de plein fouet par votre politique, qui lui inflige la suppression de postes la plus importante, et de très loin, du pays. Dans une région où le chômage des jeunes est douloureusement vécu, est-il normal qu'à l'effort maximal des collectivités territoriales corresponde un désengagement de l'Etat ? Pourquoi vous rendez-vous responsable d'un Metaleurop de l'éducation ?

Inexorablement, ces suppressions auront des répercussions sur les enseignements et, à terme, sur les programmes ; l'enseignement de certaines disciplines va disparaître de certains établissements. Il ne fait pas de doute que seront d'abord sacrifiées les disciplines culturelles : vous avez, monsieur le ministre, suffisamment répété que les enseignants ne doivent pas se transformer en « animateurs culturels ». Je trouve ces propos extrêmement méprisants à l'égard des enseignants qui n'enseignent pas les disciplines dites « fondamentales » et que vous vous plaisez à énumérer ainsi : « lire, écrire, compter ».

Est-ce ainsi que vous comptez, monsieur le ministre, assurer l'égalité des chances entre tous les enfants ? L'école reste le seul bastion permettant à certains jeunes d'acquérir les bases d'une culture générale. Il me semble primordial d'y préserver l'enseignement des disciplines autres que « fondamentales », qui constituent un gage d'ouverture sur la société pour tous.

Mme Danièle Pourtaud. Tout à fait !

M. Jean-Marc Todeschini. Votre politique budgétaire a eu pour effet de réduire le nombre tant des postes d'enseignants que de ceux destinés aux non-enseignants et aux jeunes adultes chargés de la surveillance dans les établissements. Le remplacement des MI-SE et des aides-éducateurs par les assistants d'éducation a eu pour effet de supprimer la présence de plus de 20 000 adultes en deux ans - 2003 et 2004 - dans les établissements ce et, à l'heure où le Gouvernement insiste sur la nécessité de renforcer le nombre d'adultes au sein des établissements scolaires dans le cadre de la lutte contre la violence. Nous n'en sommes pas à une incohérence près !

Votre apport législatif, quant à lui, se réduit pour l'heure à une remise en cause du caractère national des diplômes et des formations, et au démantèlement de la communauté éducative du fait de la décentralisation des personnels TOS. Ces mesures, contenues dans le projet de loi « responsabilités locales », qui est actuellement en navette, laissent malheureusement présager une privatisation rampante du service public de l'éducation.

M. Didier Boulaud. Oh oui, alors !

M. Jean-Marc Todeschini. Les idées ringardes qui circulent actuellement sur le redoublement, sur la remise en cause de la mixité, voire sur le port de l'uniforme, n'augurent rien de bon non plus quant aux futures réformes du système éducatif.

M. Didier Boulaud. Les filles en rose et les garçons en bleu !

M. Jean-Marc Todeschini. Il faut réagir, se repositionner sur les véritables questions : l'intégration de tous les enfants, avec une meilleure prise en charge des individualités, des éventuels handicaps ; des propositions pour faire en sorte que, chaque année, 60 000 enfants ne sortent plus du système scolaire sans qualification ; enfin, un accès plus démocratique à l'enseignement supérieur.

En résumé, je souhaiterais que la question de l'égalité des chances soit débattue sous tous ses aspects. Il s'agit à mes yeux du premier débat, du débat fondamental. Or les 22 questions proposées pour cette consultation sur l'avenir de l'école ne font qu'effleurer ce sujet primordial.

Dans son principe, un débat sur l'avenir de l'école est tout à fait positif. Encore aurait-il fallu qu'il ne soit pas factice tant dans sa forme que sur le fond des thèmes abordés. Le parti socialiste n'a pas voulu cautionner ce simulacre de débat et a refusé dès le début de participer à la commission Thélot.

M. René-Pierre Signé. Il a bien fait !

M. Jean-Marc Todeschini. Notre position reste identique : nous avons beaucoup à dire sur l'école, mais nous souhaitons nous exprimer dans des conditions de débat réellement démocratiques et sur les sujets qui nous tiennent à coeur.

Le cadre que vous nous proposez, monsieur le ministre, ne répond malheureusement pas à ces conditions. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. René-Pierre Signé. Larges applaudissements !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Luc Ferry, ministre. Monsieur Todeschini, permettez-moi de vous demander sans aucune agressivité ni la moindre méchanceté si vous n'êtes pas vous-même lassé de répéter sans cesse la même ritournelle sur le démantèlement du service public et la baisse des moyens.

Je me souviens, et vous allez m'en donner la nostalgie, d'une époque où la gauche avait encore des idées sur l'école. Ce n'étaient pas les miennes, mais, au moins, il y avait un petit peu d'utopie, et l'on pouvait discuter ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Aujourd'hui, vous n'avez plus à la bouche que « les moyens, les moyens, les moyens » et « le démantèlement du service public » ! Mais enfin, qui pouvez-vous convaincre avec de tels thèmes ? Pensez-vous vraiment qu'une seule personne en France croie que nous sommes en train de démanteler le service public ?

M. Jean-Claude Carle. Même pas lui-même !

M. Luc Ferry, ministre. C'est grotesque ! (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste.)

J'aimerais que l'on retrouve un débat de fond entre des hommes de gauche qui ont des idées sur l'école, même utopiques - nous pouvons être en désaccord ! -, et des hommes de droite qui, aujourd'hui, on le voit, s'investissent dans le débat public et qui sont désormais les seuls à porter un message de fond sur l'école. (Mme Nicole Borvo proteste.) Le déséquilibre est frappant !

Le seul moyen pour vous de sortir de cette contradiction est d'affirmer que le débat n'a pas eu lieu. Mais je vous fais observer, monsieur Todeschini, que c'est très désobligeant pour vos collègues du parti communiste qui ont accepté d'y participer,...

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Oui, c'est très désobligeant pour eux !

Mme Nicole Borvo. Mais non !

M. Luc Ferry, ministre. ... c'est très désobligeant pour le million de Français qui a fait l'effort de se déplacer, dans les arrondissements et dans les établissements, pour y participer, et c'est très désobligeant pour la commission nationale, qui a pris le soin de faire réaliser une enquête par un institut indépendant, la SOFRES, afin de donner des chiffres qui ne sont pas ceux du ministère, contrairement à ce que vous prétendez.

La vérité, je le pense très sincèrement, c'est que vous regrettez d'avoir commis l'erreur politique majeure de ne pas participer à ce débat. (Sourires sur les travées de l'UMP. - Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Claude Estier. Absolument pas !

M. Didier Boulaud. C'est sans regret !

M. Luc Ferry, ministre. Non seulement c'était une erreur, mais c'est probablement une faute.

Pourquoi n'avez-vous pas participé à ce débat ? Je crains que ce ne soit tout simplement parce que vous n'avez plus rien à dire sur ces sujets ! (Bravo et applaudissements sur les travées de l'UMP. - Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

(M. Adrien Gouteyron remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. ADRIEN GOUTEYRON

vice-président

M. le président. La parole est à Mme Monique Papon.

Mme Monique Papon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la France n'a pas à rougir de son système éducatif, car les progrès de la démocratisation de l'école ont été importants au cours des vingt dernières années.

Pourtant, chacun s'accorde à reconnaître que notre système scolaire a besoin d'être rapidement « revisité » pour pouvoir répondre à l'évolution de notre société.

En effet, aujourd'hui - cela a déjà été dit, mais je n'hésite pas à le répéter -, le nombre de jeunes n'ayant acquis aucune qualification au cours de la scolarité obligatoire reste trop élevé ; celui des élèves ne maîtrisant pas les connaissances de base à l'entrée en sixième s'établit encore à 15 % et l'école reste confrontée à un noyau dur d'élèves en échec.

Est-il acceptable que les élèves ne sachent pas lire en quittant le CP ?

M. Didier Boulaud. Il y a des cycles !

Mme Monique Papon. Aussi, ne devrait-on pas envisager de repenser l'apprentissage de la lecture ? Pourquoi, par exemple, ne pas l'aborder en grande section de maternelle, pour les enfants qui y sont prêts ?

Pourquoi ne pas nous inspirer de méthodes telles que celles de Célestin Freinet ou du docteur Montessori, en prenant le meilleur de chacune ?

Entendons-nous bien ! Je ne fais pas ici l'apologie de ces méthodes : je pense simplement qu'elles pourraient servir à engager une réflexion sur l'apprentissage, l'apprentissage de la lecture, de l'écriture et de la découverte, afin peut-être d'élaborer de nouvelles méthodes mieux adaptées à la société dans laquelle vivent nos enfants. Il faut certes leur apprendre à lire et à écrire, mais il faut surtout leur apprendre à comprendre. Le plus important est sans doute de transmettre le savoir ; mais n'est-il pas aussi important de lui donner un sens ?

Je me félicite, pour ma part, du débat démocratique qui s'est instauré. Des nombreuses réunions auxquelles j'ai participé dans mon département ressortent toujours les mêmes préoccupations.

M. René-Pierre Signé. Vous sortez le soir !

Mme Monique Papon. Il est souvent question de l'insécurité en milieu scolaire, des incivilités, du non-respect de l'autorité. Les enseignants nous disent leurs difficultés à inculquer les limites dans un monde sans limites. L'école ne s'appuie plus sur les valeurs traditionnelles ; elle entre désormais en concurrence avec de nouveaux pôles d'autorité prônant plus ou moins consciemment le « no limit », par le biais notamment de certaines émissions de télévision ou de certains jeux vidéo. En outre, la véritable autorité de l'adulte ne peut être crédible que si ce dernier n'impose pas des règles qu'il transgresse lui-même très allégrement. (Très bien ! sur les travées de l'UMP.)

On nous parle beaucoup de difficultés d'orientation, de la nécessaire valorisation de l'enseignement manuel et des métiers, de l'écart qui se creuse entre les matières dites « nobles » et celles qui le sont moins, de l'absence de vrais liens et de souplesse dans les échanges entre l'enseignement général et l'enseignement professionnel.

Parallèlement, il est souvent question du socle commun des classes de collège, qui fonde la nécessité que tous les collégiens de troisième aient acquis une culture commune sans pour autant que soient empêchés d'avancer ceux qui l'ont acquise beaucoup plus tôt, et surtout, sans que les élèves soient répartis entre des classes dépotoirs, d'un côté, et des classes d'élite, de l'autre.

Monsieur le ministre, je pourrais continuer de dresser le catalogue des constats qui ont été recueillis au cours des divers débats tant il balaie les nombreux thèmes que la commission Thélot a élaborés. Je préfère cependant vous faire part des propositions qui alimentent la réflexion des publics que nous avons rencontrés lors de ces réunions, au cours desquelles les questions fusent.

Ne faut-il pas revoir les méthodes d'apprentissage fondamentales enseignées dans les IUFM et exiger une évaluation de leurs résultats ?

Ne serait-il pas plus efficace et moins coûteux d'envisager pour les jeunes enseignants des tutorats sur le terrain, auprès d'enseignants chevronnés ?

Et, puisque l'enseignement professionnel apparaît souvent comme le parent pauvre de l'éducation nationale, pourquoi ne pas généraliser, avant la troisième et en fonction de l'âge et de la maturité des élèves, des dispositifs reposant sur l'alternance entre l'enseignement général et l'enseignement professionnel, entre les établissements scolaires et les entreprises ?

Nos interlocuteurs nous interrogent aussi sur la coopération entre les parents et les enseignants. Elle est indispensable pour la réussite scolaire des enfants, et il faut veiller à promouvoir la place des parents dans les différents conseils et instances décisionnelles. Encore faut-il respecter les compétences des uns et des autres, et veiller à ce que chacun sache jusqu'où il peut aller sans porter atteinte à l'identité de l'autre.

Quant aux jeunes participant à ces débats - il est très intéressant de les écouter -, ils ont souvent exprimé leur souhait d'une véritable autorité, qui ne peut cependant s'imposer à eux que si les adultes savent leur montrer que ce qui leur est demandé leur permet de grandir, de réussir leur vie, et que le monde que nous leur proposons en vaut la peine.

A l'issue de ces réunions, j'ai acquis le sentiment que, au-delà de leur contribution à la préparation de la future loi d'orientation, qui donnera, je l'espère, un nouveau souffle à l'éducation nationale pour les dix ans à venir, il nous faut nous féliciter de l'impact positif qu'auront eu les débats sur la vie des établissements, à condition, bien sûr, de bien exploiter ce qui s'est exprimé.

Les travaux de la commission présidée par M. Claude Thélot, auquel je tiens à rendre ici hommage, vont donc se poursuivre. Je souhaite que, grâce aux synthèses des auditions passées et à venir, la démocratie soit plus éclairée et mieux informée en vue d'affronter les nouveaux défis de notre temps. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Luc Ferry, ministre. Madame Papon, je vous remercie très chaleureusement du travail de terrain que vous avez accompli, à l'instar d'ailleurs de nombre de parlementaires de la majorité.

En effet, il était très important que vous participiez non seulement aux travaux de la commission nationale présidée par M. Claude Thélot, mais aussi à l'organisation et à l'animation des débats sur le terrain, car, la plupart du temps, ceux qui ne sont pas des spécialistes de l'éducation nationale n'ont jamais l'occasion de s'exprimer. A chaque fois qu'un débat s'engage dans un établissement, ce sont d'abord les représentants officiels de tous horizons qui interviennent. Votre contribution aura donc été extrêmement utile, puisqu'elle aura permis à ceux qui prennent rarement la parole de pouvoir le faire.

Les problèmes dont vous vous êtes fait l'écho sont très importants. Comme je le disais au commencement de ce débat, disposer des résultats d'un sondage est très différent de recueillir les conclusions d'une discussion qui a duré plusieurs heures, malheureusement en comité restreint,...

M. René-Pierre Signé. Très restreint !

M. Luc Ferry, ministre. ... puisque, en moyenne, les 19 000 à 20 000 rencontres organisées ont réuni une cinquantaine de personnes, afin de permettre à chacune d'entre elles d'exprimer son point de vue et de faire entendre sa voix.

Je n'aurai pas le temps d'apporter une réponse à toutes les questions que vous avez soulevées, madame Papon, mais celle de la juste place des parents dans le système éducatif me semble fondamentale. Elle devra certainement être abordée dans le projet de loi d'orientation que nous rédigerons à l'automne prochain.

Comme vous l'avez souligné très justement, si les parents jouent un rôle indispensable et font partie de la communauté éducative, l'école n'est cependant pas la maison du père. On le voit bien, d'ailleurs, avec le débat sur les insignes religieux ! A un moment donné, la sphère publique doit être disjointe de la sphère privée, celle de la famille. La juste place des parents dans le système éducatif n'est donc pas aisée à définir ; des réponses nouvelles à cette question ancienne devront être apportées au travers de la future loi d'orientation, en se fondant notamment sur les expériences qui ont été évoquées au cours des débats que vous avez organisés ou animés sur le terrain.

J'aurai peut-être l'occasion, tout à l'heure, de revenir sur certains des nombreux autres éléments auxquels vous avez fait référence, s'agissant en particulier de la tradition. (M. le président de la commission des affaires culturelles applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Ivan Renar.

M. Ivan Renar. Monsieur le ministre, je vous ferai d'abord observer que, sur ces questions, nous avons tous travaillé, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons.

Beaucoup de choses ont déjà été dites, et je me bornerai à évoquer ici deux sujets qui, malheureusement, ont été éludés au cours du débat national sur l'avenir de l'école.

Le premier est celui de l'enseignement supérieur, lequel constitue pourtant l'un des maillons fondamentaux de notre système éducatif. J'avais déjà traité de ce thème au moment de l'examen du projet de budget. Certes, parmi les vingt-deux questions définies par la commission Thélot, la onzième l'aborde en partie, mais elle concerne la préparation et l'organisation de l'entrée des élèves dans l'enseignement supérieur, et ne porte nullement sur les missions et les enjeux de ce dernier. Ils s'inscrivent pourtant dans une démarche qui commence dès l'entrée de l'enfant à l'école maternelle.

Du même coup, ce sont des centaines de milliers de jeunes citoyens majeurs qui ont été écartés du débat, alors qu'ils auraient pu donner un avis précieux sur l'ensemble d'un système qu'ils pratiquent depuis leur entrée en maternelle et sur l'avenir qu'on leur propose, sujet sur lequel ils pensent légitimement avoir leur mot à dire. S'agit-il d'une occasion manquée ? D'un manque d'ambition du Gouvernement ? En tout cas, c'est dommage, d'autant que tous les indicateurs sont au rouge, qu'il s'agisse du cri d'alerte lancé par nos chercheurs ou d'un rapport récent, très alarmant, sur la situation de l'université.

A cet égard, on ne peut que constater que notre économie risque plus encore de régresser dans la course technologique mondiale si elle ne renforce pas sa capacité d'innovation, laquelle dépend étroitement de la qualité de l'enseignement supérieur et de la recherche, domaines dans lesquels, si nous ne sommes pas ou plus au rendez-vous, les Etats-Unis et le Japon, aujourd'hui, la Chine et l'Inde, demain, règneront sans partage.

Je considère pour ma part que l'enseignement supérieur a pour vocation première de former des citoyens et de développer plus encore leur esprit critique. Il s'agit là aussi de donner aux jeunes gens les outils intellectuels indispensables pour combattre l'irrationnel mercantile ou sectaire, pour les inciter à participer activement à la vie démocratique nationale.

Bien sûr, l'enseignement supérieur a également pour mission d'offrir aux étudiants une formation technique nécessaire à l'exercice de leurs futures activités professionnelles. Toutefois, il ne saurait être soumis aux seules exigences du marché du travail, sauf à généraliser la pratique du numerus clausus, dont on peut mesurer aujourd'hui les conséquences désastreuses.

Il faut réaffirmer haut et fort que la République a pour objectif de permettre l'accès à l'enseignement supérieur du plus grand nombre. Cela nécessite une politique audacieuse d'aide aux étudiants les plus défavorisés, au rebours de la tendance actuelle à la forte augmentation des frais d'inscription, de logement, de restauration et de sécurité sociale.

De fait, l'accès à l'enseignement supérieur devient peu à peu censitaire, les jeunes issus des milieux les plus modestes étant contraints de trouver dans l'urgence une activité rémunérée, au détriment de la poursuite de leurs études.

Ces quelques réflexions montrent qu'un débat sur l'enseignement supérieur était et demeure nécessaire.

La seconde question éludée a trait à la place des arts et de la culture scientifique.

Sur ce point, comment ne pas rappeler que, malgré les efforts réalisés par les inspecteurs d'académie et des enseignants courageux, l'éducation nationale a une responsabilité déterminante dans l'abstention culturelle. C'est pourquoi il importe de modifier en profondeur la situation de l'éducation artistique, mais aussi celle de la culture scientifique, marginalisée et insuffisante, pour ne pas dire en déshérence, voire en souffrance.

La recherche artistique ou scientifique, voilà pourtant l'audace de l'homme ! Renoncer à cette impétueuse audace, c'est renoncer au progrès, à la raison et à l'avenir même. Les orientations actuelles du ministère de l'éducation nationale réduisent la place des arts et font peu de cas de la culture scientifique à l'école, minorant ainsi la place faite aux formes plus ouvertes de projets partenariaux avec les artistes, les structures culturelles, les scientifiques.

Si l'on reprend les vingt-deux questions définies par la commission Thélot, comment ne pas voir que l'art et la culture scientifique sont des éléments de réponse majeurs ?

En effet, l'art invite au partage du beau, de l'émotion, de l'imaginaire. Il suscite le désir d'aller à la rencontre de soi-même, mais aussi de l'autre. C'est essentiel, et vous le savez bien, monsieur le ministre : l'art change la vie, l'art invite à être acteur de sa propre vie, donc à être un citoyen à part entière. En ce sens, l'art n'est-il pas le plus court chemin qui mène de l'enfant à l'adulte éclairé ?

Chaque enfant, dès son plus jeune âge, devrait disposer d'une piste d'envol. Considérons les enfants, tous les enfants, quelles que soient leurs origines sociales et économiques, pour ce qu'ils sont : exigeants, ouverts, curieux, en quête de sens.

A cet égard, je prends toujours l'exemple d'un gosse auquel ses parents achètent un petit train. Il se promène avec son petit train, il apprend le train, il apprend la locomotive, cela ne lui pose pas de problème. Un jour, il arrive à l'école, il faut bien apprendre à écrire « train » et « locomotive » ; « locomotive », dix lettres pour un petit objet comme ça, « train », cinq lettres et c'est grand comme ça ! Il est confronté à l'arbitraire du signe.

C'est cela, la culture, et elle ne peut pas être rabaissée, on ne peut pas faire naître au monde si l'on n'assure pas cela, d'où l'urgence de mettre en place une école « élitaire pour tous » où l'on ne traiterait pas le pauvre dans l'enfant, mais l'enfant dans le pauvre.

Autant qu'à l'école, les enfants ont droit au théâtre, au musée, au concert, au cinéma de qualité.

Mme Danielle Bidard-Reydet. Très bien !

M. Ivan Renar. Comment ne pas rêver à la généralisation d'une opération du type « lycéens au cinéma », « collégiens au cinéma », « écoliers au cinéma », débouchant sur un travail remarquable d'éducation à l'image, réalisée en concertation avec l'éducation nationale, les collectivités locales et le Centre national du cinéma, par des professeurs volontaires qui donnent le meilleur d'eux-mêmes ? Les résultats, qui concernent déjà un million d'élèves, sont remarquables. L'égalité des chances, c'est aussi cela. C'est à l'épreuve du feu que l'on se brûle, c'est à l'épreuve de l'art que l'on en suscite le désir.

Plus que jamais, osons donc l'audace de la création artistique, sans oublier la culture scientifique. Alors que les jeunes se détournent des filières scientifiques, que la fuite des cerveaux s'accélère, il est urgent de rendre à cette dernière la place qui lui revient, sauf à ce que notre pays renonce au progrès, à la raison et à l'avenir même. Dans notre société peuplée de tant d'objets techniques et technologiques, dans ce monde lézardé par les sectarismes, la violence, les intégrismes, l'obscurantisme ou la montée de l'irrationnel, la lutte contre l'illettrisme scientifique, comme la place des arts, est un enjeu plus que jamais fondamental, un enjeu de civilisation, la condition même de la survie de notre civilisation. C'est pourquoi il faut bien sortir de cette pensée suicidaire selon laquelle il serait fatal que la culture, y compris la culture scientifique, vienne toujours après tout le reste.

Voici la question essentielle : l'école, en ce début de siècle, est-elle prête à accueillir les avancées scientifiques et l'art contemporain, à se les approprier, pour en faire une force de réflexion ?

Tels sont, monsieur le ministre, les éléments que j'aurais aimé voir placer au coeur des questions posées dans le cadre du débat national sur l'avenir de l'école. Mais il n'est pas trop tard pour bien faire : qu'en pensez-vous ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Luc Ferry, ministre. Monsieur Renar, il n'est nullement absurde de considérer que l'enseignement supérieur aurait dû être plus largement pris en compte dans ce grand débat qu'il ne l'a été, même s'il a tout de même été évoqué à propos des classes préparatoires, de la formation des maîtres et de l'articulation entre l'enseignement scolaire et l'enseignement supérieur, au travers par exemple de la onzième question, relative à la préparation et à l'organisation de l'entrée dans ce dernier.

Cela étant, ajouter l'université à la liste des thèmes à part entière de notre grand débat, qui portait déjà sur l'école primaire, le collège et le lycée, eût été à mon sens extrêmement risqué, d'autant que l'enseignement supérieur concerne d'autres publics et se trouve confronté à des problématiques très différentes de celles de l'école. C'est là non pas, de ma part, une position de principe, mais une simple attitude pragmatique. Etendre le champ du débat n'aurait pas contribué à rendre celui-ci plus fécond, bien au contraire.

S'agissant des enseignements artistiques, je soulignerai qu'ils n'étaient nullement exclus du débat. Cette thématique a été abordée par de nombreux biais, il nous reste à attendre de connaître les synthèses réalisées par la commission Thélot.

En tout état de cause, aucune question ne portait spécifiquement sur l'enseignement de telle ou telle discipline particulière, qu'il s'agisse de la philosophie, des mathématiques ou des lettres, non plus que sur l'initiation à certaines formes de culture, par exemple les cultures régionales. Cependant, tous ces aspects étaient bien entendu implicitement inclus, notamment, dans le champ de la cinquième question, relative au socle commun de connaissances et de compétences à acquérir. Il était donc tout à fait possible d'en traiter.

En conclusion, j'observerai que, ces dernières années, on a pu constater, en matière de culture, une confusion des rôles, fâcheuse à mes yeux, entre le ministère de l'éducation nationale et le ministère de la culture.

Eu égard au temps qui m'est imparti, mes propos ne pourront être que schématiques et simplificateurs, mais il me semble que le rôle du ministère de la culture est de sensibiliser le public, de mettre en valeur la culture et de la rendre accessible par tous les moyens possibles et imaginables.

En revanche, l'enseignement des arts, et même de la culture artistique, relève d'une autre démarche. Il suppose des apprentissages, l'acquisition de repères et de connaissances. La fonction du ministère de l'éducation nationale est de les dispenser.

Or, dans un certain nombre de dispositifs, tels que les classes à projet artistique et culturel, les deux dimensions n'ont pas été distinguées, d'où des résultats très variables, qui n'ont d'ailleurs même pas encore été évalués à l'heure actuelle.

Par conséquent, si l'on veut approfondir la question que vous avez posée de manière très légitime, monsieur Renar, il conviendra de pousser beaucoup plus loin la réflexion sur la différence des missions entre, d'une part, le ministère de la culture, et, d'autre part, le ministère de l'éducation nationale, qui ne peut se contenter de paillettes, de mesures « cosmétiques » et de gadgets, mais doit, y compris et surtout dans le domaine artistique, délivrer un véritable enseignement, fondé sur des connaissances précises. A cet égard, monsieur Renar, vous avez eu raison d'affirmer qu'il nous reste du travail à accomplir !

M. Ivan Renar. En avant, monsieur le ministre !

M. Didier Boulaud. Il y a des gens chargés d'établir les programmes !

M. le président. La parole est à M. François Fortassin.

M. François Fortassin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les réflexions que je vais vous livrer émanent de quelqu'un qui fut, dans sa vie antérieure, un enseignant, qui se réclame de la pensée de Jules Ferry et, plus près de nous, de celle de René Billères, et enfin qui est un produit de l'école de la République.

Monsieur le ministre, je suis, pour le moins, très surpris que, dans votre propos liminaire, vous n'ayez fait aucune référence à la laïcité ni à l'école de la République.

M. Luc Ferry, ministre. On ne parle que de cela !

M. François Fortassin. Peut-être n'ai-je pas été suffisamment attentif, mais cela m'étonnerait ! Vous avez évoqué ces thèmes en répondant aux orateurs, c'est vrai, mais pas dans votre intervention liminaire.

Cela étant, je voudrais, avec humilité et modestie, même si ce ne sont pas là des vertus que je prône forcément (Sourires), faire part de quelques observations.

S'agissant tout d'abord de la lutte contre l'illettrisme, vous l'avez certes inscrite à votre programme, monsieur le ministre, mais il faut relever que, dans les années soixante, on comptait 3 % d'illettrés dans notre pays, alors que ce taux oscille aujourd'hui entre 15 % et 20 % ! C'est tout de même là un formidable échec pour notre système éducatif, dont on dit pourtant, comme de notre système de santé, qu'il est le meilleur du monde ! Sans doute est-ce la vérité, mais il s'adresse très vraisemblablement, beaucoup plus que voilà vingt ou trente ans, à une élite.

A cet égard, j'ai déjà eu l'occasion, monsieur le ministre - cela vous avait quelque peu irrité, mais, après tout, ce n'est pas bien grave ! -, de vous dire que lorsque des élèves jouent au ballon dans une cour de récréation, on parle aujourd'hui d'« apprenants qui tentent de maîtriser le paramètre rebondissant dans un espace interstitiel de liberté ». (Sourires.)

M. Jean-Claude Carle. Excellent !

M. François Fortassin. A l'évidence, on est, si je puis employer cette expression familière, « à côté de la plaque ». Il me semble que l'objectif premier de l'école de la République devrait être de faire en sorte que tous les élèves soient en mesure d'y trouver leur place.

Sur ce plan, j'ai tendance à penser que les très bons élèves n'ont pas besoin de l'école de la République : ils réussiront quand même. (Murmures dubitatifs sur les travées de l'UMP.) A l'heure actuelle, les programmes sont de plus en plus prétentieux, au point que l'on essaie d'expliquer à des gamins de quatrième la différence entre une agriculture extensive, une agriculture intensive et une agriculture productiviste ! Si 15 % seulement d'entre eux suivent, bonjour les dégâts ! Pourtant, ces notions figurent dans tous les livres d'histoire et de géographie utilisés en classe.

Il faudra donc affirmer fortement l'objectif que j'ai évoqué. Je n'ai pas, bien entendu, la recette pour lutter contre l'illettrisme. Si c'était le cas, je vous la donnerais. Il est clair cependant que, aujourd'hui, le langage souvent tenu n'est pas compris par les enfants de milieux défavorisés, et même par d'autres.

Il faudrait également prendre en considération la violence à l'école. C'est un phénomène récent, qui n'avait pas la même ampleur voilà dix ou quinze ans. Il ne serait pas inutile de rappeler que l'école est un lieu de travail, de discipline et de respect, même si des affirmations aussi simples ne font pas très bien dans le paysage. Selon moi, il ne serait pas ridicule d'assurer une véritable éducation civique, une véritable éducation citoyenne. Elle serait aussi utile que l'étude du système de reproduction de l'ornithorynque ou du crapaud accoucheur ! (Sourires.)

Il serait tout aussi utile de rappeler, dans les cours d'instruction civique, que les élèves sont là pour apprendre, les enseignants pour enseigner, les élèves étant au centre du système éducatif, plus que les parents d'élèves.

M. René-Pierre Signé. Il fallait le dire !

M. François Fortassin. Certes, ce n'est plus à la mode, mais je ne suis pas tenté par les engouements du temps.

MM. Michel Moreigne et René-Pierre Signé. Très bien !

M. François Fortassin. Quant à la laïcité, elle est le fondement de notre éducation nationale et tant que vous ne réfuterez pas le terme de « ministre de l'éducation nationale », il sera bon de l'affirmer ailleurs que dans la loi. Il serait notamment bienvenu de dire que la laïcité consiste d'abord à considérer que la religion, quelle qu'elle soit, est du domaine privé, et que c'est autre chose qui est enseigné à l'école.

M. René-Pierre Signé. Bravo !

M. François Fortassin. Ces principes républicains devraient s'imposer à tous, indépendamment des sensibilités des uns et autres.

Je terminerai en évoquant le recrutement des enseignants. Certes, tout enseignant doit tirer son autorité de son savoir et de son charisme, mais de bonnes cordes vocales ne sont pas superflues face à des enfants qui n'ont pas toujours envie de vous écouter. Le charisme ne se mesure pas forcément au savoir.

Il est tout de même curieux que ceux qui ont passé un concours aussi difficile que l'agrégation n'aient été confrontés que pendant quelques demi-heures, ici ou là, à des élèves. En effet, ils ne savent pas si après trois cours ils ne seront pas « bordélisés ».

M. Didier Boulaud. Ce sont les ministres qui le sont !

M. François Fortassin. Vos travaux antérieurs ont fait autorité, monsieur le ministre, et vous avez mérité notre respect. Mais je ne suis pas intimement convaincu que vous soyez un laïc fortement pénétré de sa mission. Si vous nous démontrez le contraire, je reconnaîtrai que je me suis trompé. Sinon, je dirai que vous avez été un excellent ministre, mais un peu à contre-emploi. (Applaudissements sur les travées du RDSE.)

M. Didier Boulaud. C'est le trésor de Rackham le Rouge !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Luc Ferry, ministre. Monsieur Fortassin, vous enfoncez, avec une véhémence sympathique, des portes qui sont si largement ouvertes que je crains pour vous à l'arrivée ! (Sourires.) En effet, je crois être celui qui a le plus parlé, à tort ou à raison, de la laïcité et de la République au cours des derniers mois. Je prends les paris. Et je l'ai fait non seulement au titre de mes fonctions ministérielles mais également par conviction. Depuis plusieurs mois, nous travaillons en effet à la rédaction d'un livret républicain.

Quant au référentiel bondissant, désormais célèbre et condamné par Claude Allègre à juste titre, je ne vois pas pourquoi je serais irrité que vous le dénonciez puisque je n'en suis pas l'auteur. Au contraire, j'ai cherché à simplifier le plus possible le vocabulaire des programmes d'instruction civique et d'éducation civique.

Cela étant dit, je ne crois pas que la question de la reproduction, fût-elle intensive ou extensive,...

M. René-Pierre Signé. La production !

M. Luc Ferry, ministre. ... soit totalement misérable dans les cours de biologie. Je dis bien « reproduction ». Il s'agissait d'une tentative de finesse, mais peut-être aurais-je dû m'abstenir ! Il n'est pas absurde que la biologie, notamment la question de la reproduction, figure dans les programmes. Cela vaut la peine de s'y arrêter.

Par ailleurs, si vous reprenez ces programmes - car tout le monde en parle sans jamais les regarder -, vous constaterez qu'ils ne sont pas si prétentieux que cela. Prêtez attention aux programmes d'histoire en classe de seconde : en résumé, c'est un peu de formation sur la Grèce antique, sur l'Empire romain, sur la Méditerranée en évoquant les rencontres entre les religions et, ensuite, l'humanisme, la Réforme puis la Révolution française. Trouvez-vous vraiment que c'est prétentieux ou absurde ? Non, honnêtement, ces programmes sont beaucoup moins mauvais qu'on ne le dit. Mais encore faut-il prendre un peu de temps pour les regarder de plus près, car ce n'est pas si facile que cela.

Par conséquent, monsieur Fortassin, la discussion me paraissant préférable à des mises en cause personnelles, je suis prêt à organiser avec vous une réunion de travail au ministère, quand vous le souhaiterez. Vous choisirez vous-même un des programmes qui vous irritent ou vous désespèrent et nous en parlerons. Nous essayerons de manière constructive, tous les deux, de traduire nos échanges concrètement en une réforme des programmes, que l'on soumettra au conseil national des programmes. Voilà la proposition positive que je vous fais, pour mettre un peu d'huile dans les rouages entre nous ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. René-Pierre Signé. Il viendra !

M. le président. La parole est à M. René-Pierre Signé. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. - Exclamations sur plusieurs travées de l'UMP.)

M. Didier Boulaud. Il a un club de fans à droite ! Je ne sais pas comment il s'y prend !

M. René-Pierre Signé. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il me faut d'emblée reconnaître l'opportunité de la consultation que le Gouvernement vient de mettre en oeuvre. (Ah ! sur plusieurs travées de l'UMP.) Par le nombre de réunions, par la nature variée des intervenants et par la largeur des thèmes abordés, on peut saluer la démarche. Je ne suis pas sûr, toutefois, qu'elle ait suscité le grand engouement espéré et que le succès ait été au rendez-vous. Les enseignants sont un peu désabusés, pour des raisons que je n'évoquerai pas. Quant aux parents, ils ne croient plus beaucoup aux consultations à grand tapage et pensent que le résultat de celles-ci n'est pas à la hauteur de l'affichage.

Cependant, l'ampleur de cette consultation était justifiée dans la perspective d'une loi d'orientation et pertinente puisqu'elle abordait un sujet aussi central que l'avenir de l'école.

Ouvrir le débat sur l'avenir de l'école paraît en effet pertinent puisque de cet avenir dépend notre avenir tout court. Quelles doivent-être les missions de l'école, à l'heure de l'Europe et pour les décennies à venir ? A vrai dire, l'école est au coeur du projet des Lumières. Ce projet s'appuie sur le postulat selon lequel la meilleure façon de construire une société juste et prospère est de faire une société de citoyens éclairés, c'est-à-dire éduqués.

Car, si elle n'est pas fondée sur la raison, la citoyenneté risque fort d'être un leurre. Si chaque citoyen ne possède pas l'instruction nécessaire à son autonomie intellectuelle, il risque d'être un pseudo-citoyen.

Cette adhésion à la citoyenneté est toujours d'actualité, et elle l'est même plus que jamais. C'est précisément notre tâche de représentants du peuple de réactualiser sans cesse cette vocation. Il s'agit de faire passer chacun du statut de consommateur à celui de citoyen. Le seul moyen reste l'éducation de tous, dès le plus jeune âge, non pas uniquement à l'initiation à l'informatique et aux rouages de la Bourse, mais également aux bonnes techniques de communication. Il faut mieux comprendre pour mieux agir sur les relations dites complexes qui régissent notre environnement. Il faut savoir pour comprendre et comprendre pour agir ou, au minimum, être vigilant. Il faut être démocrate en somme, mais surtout être libre, c'est-à-dire connaître ce qui détermine notre vie. En un mot, il faut montrer que le savoir que l'on acquiert à l'école est utile, qu'il libère, nous forme, nous ouvre l'esprit et nous permet de comprendre le monde.

La formation à la citoyenneté doit mériter un traitement particulier dans votre projet de loi d'orientation. L'abstention massive et quasi endémique mais surtout les tensions communautaires qui agitent notre pays nous y poussent.

C'est dire que la laïcité doit y tenir une bonne place. La laïcité, porteuse des valeurs républicaines, vieille doctrine de gauche, que vous vous êtes un peu vite, un peu trop vite, me semble-t-il, appropriée. (Exclamations sur plusieurs travées de l'UMP.) Si ce n'est vous, monsieur le ministre, c'est votre majorité !

M. Didier Boulaud. On voit le résultat ! Ils n'étaient pas formés pour ça !

M. René-Pierre Signé. La laïcité commence à l'école, car c'est là que se forme l'homme de demain, mais elle s'exerce tout au long de la vie, partout où il y a une différence. La laïcité, c'est la tolérance, qui s'exprime dans le respect du droit de chacun (Ah ! sur les travées de l'UMP), c'est l'égalité des chances et c'est une notion qui vient de loin, de la philosophie des Lumières, des philosophes grecs, peut-être de Protagoras. La laïcité, c'est le refus de tout signe de différence, de tout signe d'appartenance visiblement arboré.

M. Didier Boulaud. « Visiblement arboré ! » Belle formule !

M. René-Pierre Signé. Monsieur le ministre, ce sujet mérite, en effet, qu'on légifère. C'est une position personnelle.

Un autre objectif devrait être le renforcement de l'esprit démocratique chez nos concitoyens, et donc chez nos jeunes. Poussons les gens à lire entre les lignes des articles de presse, à saisir ce que les images de télévision ne disent pas d'elles-mêmes, montrons que le réel n'est pas si complexe et que les réflexes immédiats de pensée ne sont pas si médiocres. A la suite de Marie Curie, on peut dire que dans la vie, rien n'est à craindre, tout est à comprendre.

Et cela même si nous devons nous concentrer d'abord sur l'essentiel, le triptyque de Jules Ferry, c'est-à-dire lire, écrire, compter, et, pour compléter ce triptyque, cliquer, afin de ne pas être les illettrés de demain.

Mais sans autorité, il n'y a pas d'apprentissage possible. Sans ouverture au monde et sans outil pour le comprendre, il n'est pas de connaissances vivantes. Chacun doit y mettre du sien, nous le savons : les élèves doivent réapprendre à écouter et à respecter les professeurs. Je crois que l'objectif dérivé de la loi d'orientation sera de faire prendre conscience à tous les acteurs que l'école est leur lieu à tous, que l'éducation est leur but commun et que chaque acteur pris indépendamment ne peut réussir que si les autres acteurs sont associés, se sentent bien et trouvent un sens à leur présence au sein de l'institution scolaire.

Certes, la « massification » de l'école a profondément modifié le rapport à l'école. Mais ne perdons pas de vue que s'il y a crise de l'école, c'est qu'il y a avant tout crise de la société. Il faut englober l'école dans un débat social global général. La société sécrète, pour l'école, mille difficultés : inégalités sociales, familles éclatées, territoires fragilisés, etc. Il faut donc lui donner beaucoup de moyens. Il faut aussi admettre que les professeurs ne sont plus les possesseurs uniques des savoirs et les prescripteurs du rapport au monde. La télévision, les ordinateurs et les valeurs individualistes et marchandes brouillent sans cesse leur message. N'oublions pas non plus que les parents doivent comprendre que l'école ne peut pas tout et que les valeurs et les connaissances qu'elle enseigne doivent être prolongées à la maison, dans la mesure du possible.

Doit-on remettre en cause le collège unique, monsieur le ministre ? Il me semble que non. Une culture, un socle commun sont nécessaires. La spécialisation vient ensuite. Si certains pensent que cela freine les bons élèves, ils oublient de dire que cela évite aussi aux élèves moins doués de s'enliser trop tôt sur des voies de garage.

M. Laurent Béteille. Cela n'est pas certain !

M. René-Pierre Signé. Il est sage de votre part d'avoir considéré que dégager les missions de l'éducation et les moyens - financiers et humains - qu'il convient d'y consacrer n'est pas une simple question technique. Cela relève du débat politique. J'espère qu'il ne s'agit pas d'un faux dialogue posant des questions dont les réponses seraient déjà acquises. Vous avez écouté l'ensemble des acteurs. J'espère que vous les entendrez.

Pour ma part, j'attendrai la discussion de votre projet de loi d'orientation. Le ton du débat risque d'être différent. Aujourd'hui, si je suis reconnaissant, je reste vigilant. Ce sont des principes dont je ne peux me départir et que j'ai acquis à l'école publique, laïque et obligatoire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Luc Ferry, ministre. Monsieur Signé, je voudrais vous remercier de la qualité de votre intervention et de la modération de ton, qui est extrêmement sympathique dans ce débat.

Vous avez souligné, à juste titre, la nécessité de cours d'instruction civique, d'éducation civique. Je vous rejoins sur ce point. Cependant, je voudrais vous inviter, nous inviter tous, à une réflexion plus approfondie sur ce thème.

J'entends très souvent dire qu'il faut renforcer les cours d'éducation civique dans nos écoles et que l'on a besoin de cette éducation civique. Mais lorsque l'on regarde de près les programmes et, surtout, les pratiques en matière d'éducation civique, on s'aperçoit que deux écueils sont, hélas ! assez présents : premièrement, les leçons de morale de notre enfance, on peut le regretter, ne fonctionnent plus aujourd'hui, notamment en matière de lutte contre les communautarismes, le racisme et l'antisémitisme ; deuxièmement, les cours de droit constitutionnel pour les enfants ne sont pas non plus une réussite. Malheureusement, nos cours d'instruction civique, très désuets, n'ont pas trouvé à l'heure actuelle un nouvel essor, et sont inefficaces.

Je proposerai prochainement un livret républicain pour renouveler ces cours et leur donner un nouveau souffle, par le biais, notamment, de films documentaires, ou de fiction. Je vous l'ai dit déjà, ici même, monsieur Signé, voir des films comme Nuit et Brouillard ou La liste de Schindler, ou un très bon documentaire sur les juifs de Vichy, c'est plus efficace, lorsque l'on doit lutter contre l'antisémitisme dans une classe, que de rappeler les textes canoniques des grandes déclarations des droits de l'homme, quelle que soit par ailleurs, évidemment, la nécessité de rappeler ces textes (M. Philippe Nogrix applaudit.) Mais ce n'est pas incompatible ; on n'est pas obligé de choisir l'un ou l'autre. Faire lire à des adolescents un livre comme Le Choix de Sophie, les inviter à réfléchir sur une problématique comme celle qui est mise en oeuvre dans ce roman, peut parfois être plus efficace que de leur dispenser un cours de droit constitutionnel très abstrait, qui ne les mobilisera pas.

Donc, nos cours d'éducation civique ont besoin d'un nouveau souffle, d'une nouvelle dimension. Je vous proposerai bientôt, si vous le permettez, une réflexion sur ce point, au cours de laquelle nous pourrons travailler utilement ensemble et bénéficier de vos remarques. En tout cas, merci à vous. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Carle.

M. Jean-Claude Carle. Monsieur le président, permettez-moi tout d'abord de vous féliciter d'avoir pris l'initiative d'organiser ce débat.

Il paraît en effet souhaitable que, dans le cadre du grand débat sur l'avenir de l'école voulu par le Président de la République, les élus de la nation puissent s'exprimer.

Permettez-moi, en préalable, d'exprimer un regret et de formuler une interrogation.

Je regrette, en effet, monsieur le ministre, de ne pas voir à vos côtés le ministre chargé de l'enseignement agricole.

Composante essentielle de notre système éducatif, l'enseignement agricole est, je le sais, cher à M. Hervé Gaymard, mais celui-ci est retenu à l'Assemblée nationale, où il défend le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux.

Quant à l'observation, elle concerne non pas le fond de ce débat, mais sa forme. Je ne nie pas l'intérêt, bien au contraire, des questions-réponses et de l'interactivité qu'elles permettent, mais le débat sur l'école vient à peine de s'achever et je ne voudrais pas que cette formule apporte de l'eau au moulin de ceux qui clament que le débat n'est qu'illusion et que le projet de loi est déjà ficelé.

Je le sais, le Gouvernement est et sera respectueux des avis et des propositions formulés par nos concitoyens. Vous venez d'ailleurs de le confirmer, monsieur le ministre.

En effet, l'école n'est ni la propriété du Gouvernement, ni celle de telle ou telle formation politique, ou de telle ou telle organisation syndicale ou professionnelle, ni même celle des enseignants. L'école appartient à chaque Française et à chaque Français.

Je souhaite que ceux qui font souvent référence à l'expression populaire, et qui doutent de l'utilité de ce grand débat, respectent à l'avenir les souhaits des Français envers l'école.

La commission mise en place par M. le Premier ministre fera en toute transparence et en toute indépendance la synthèse des avis et des propositions exprimés par nos concitoyens.

Que ceux qui auraient encore quelques craintes fassent confiance au président de la commission, M. Claude Thélot, dont chacun reconnaît la compétence et l'indépendance d'esprit, et qui n'est pas homme à se faire dicter sa copie par qui que ce soit.

Cette remarque de forme étant faite, j'en viens au bien-fondé de notre débat d'aujourd'hui.

L'éducation est la première ligne du budget de la nation. Avec plus de 60 milliards d'euros, cette priorité nationale mérite en effet mieux que les quelques heures que lui consacre notre assemblée à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances, surtout si ce débat se déroule, comme ce fut le cas en 1998, un dimanche après-midi !

Cette nécessité d'un suivi plus important du Parlement était d'ailleurs l'une des propositions formulées, en 1998, par la commission d'enquête présidée par notre collègue Adrien Gouteyron. Force est de constater que, jusqu'à aujourd'hui, elle n'a pas été très entendue. Or le budget consacré à l'éducation a doublé en quinze ans, pour atteindre 1 650 euros par an et par habitant.

C'est la première dépense de la nation, mais, plus qu'une dépense, c'est, pour moi, un investissement, le meilleur qui soit, celui du savoir et de sa transmission à ceux qui seront et feront la France de demain : nos enfants.

Le savoir est la clé de la réussite individuelle et collective.

Toutefois, comme tout investissement et, qui plus est, lorsqu'il s'agit du premier, il est normal que le Parlement, comme chaque citoyen, puisse en apprécier les retours. Aujourd'hui, 15 millions de jeunes sont scolarisés, soit près du quart de la population.

Cette démocratisation de l'école confirme les propos du Président de la République, qui disait : « L'école a été le rêve de la République. Elle reste sa plus belle conquête. » Cependant, il ajoutait : « Aujourd'hui, elle exprime son désarroi et s'interroge sur ses missions. »

En effet, malgré les efforts continus déployés depuis deux décennies, certains résultats ne sont pas très satisfaisants. Je n'y reviendrai pas, cela a été largement évoqué au cours des deux mois de débat.

Le « toujours plus de moyens » n'est donc pas la seule bonne réponse. Notre école, bien que se voulant égalitaire, n'assume plus aujourd'hui l'égalité des chances. Un fils d'ouvrier a dix-sept fois moins de chances d'entrer dans une grande école qu'un fils de cadre supérieur.

La situation pourrait se résumer par cette phrase - elle m'a beaucoup frappé d'une enseignante lors d'un débat dans mon département : « L'école va bien pour les enfants qui vont bien. » Or, chacun le sait, tous nos enfants ne vont pas bien. Lors de cette même réunion, un professeur ajoutait que, dans l'une de ses classes, 40 % des enfants connaissaient une situation familiale difficile.

Cette réalité dépasse le cadre de l'école, ses compétences et sa mission. Jamais l'école ne pourra, ni ne devra, remplacer la famille. L'éducation, c'est d'abord la responsabilité du père et de la mère.

En tant que rapporteur de la commission d'enquête sur la délinquance des mineurs, j'ai pu apprécier combien ceux qui ont sombré dans la délinquance étaient en situation de rupture familiale et de décrochage scolaire : la rue concurrence alors l'école. Heureusement, ils ne constituent qu'un pourcentage infime de la population scolaire.

Ceux qui ne vont pas bien, ce sont aussi ces 158 000 jeunes qui sortent chaque année sans diplôme ou sans qualification du système scolaire.

Ceux qui ne vont pas bien, ce sont ceux qui ont été mal orientés. Comment rester insensible aux protestations de ce père de famille s'élevant contre l'avis du principal du collège qui voulait à tout prix orienter son fils en lycée, alors que ce dernier souhaitait préparer un diplôme de menuisier-ébéniste par la voie de l'alternance !

Et, à l'inverse, comment ne pas comprendre le découragement des enseignants qui voient les parents contester leurs décisions, alors qu'ils les ont prises dans l'intérêt de l'enfant ?

Ceux qui ne vont pas bien, ce sont aussi ces jeunes qui arrivent au collège sans maîtriser les fondamentaux, et qui auront les pires difficultés à accéder à la « culture commune », pour reprendre l'expression de M. Aschieri, et pour lesquels le collège et l'école primaire n'apportent pas de réponse satisfaisante.

Ceux qui ne vont pas bien, ce sont également ces étudiants qui, au terme d'un bac + 6, poussent non pas la porte d'une entreprise ou d'une administration, mais celle de l'ANPE, ou, au mieux, intègrent un emploi sous-qualifié. Certes, le diplôme protège, mais à quel prix, souvent ? Méfions-nous des slogans qui donnent bonne conscience, mais qui estompent la réalité.

Notre priorité et notre devoir sont donc de développer une école qui aille bien, pas seulement pour les enfants qui vont bien, mais pour tous les enfants, et de restaurer cette égalité des chances, inscrite dans le marbre de la Constitution.

La difficulté réside, pour reprendre l'expression du président Thélot, non dans le « pourquoi », mais dans le « comment », car les 15 millions de jeunes, comme l'a écrit Hervé Bazin, sont « tous égaux, tous non pareils ».

Membre de la commission du débat sur l'école, je me garderai d'affirmations péremptoires, hâtives et prématurées. Je me permets simplement d'émettre quelques réflexions personnelles, qui s'appuient sur ce que j'ai ressenti au cours des dizaines de débats auxquels j'ai participé dans mon département et dans ma région.

Nous sommes face à deux formidables problèmes, l'un culturel, l'autre structurel, le second étant consécutif au premier.

Notre société a trop fortement hiérarchisé les formes d'intelligence et, par voie de conséquence, notre système éducatif s'est structuré sur ce postulat.

Il me semble donc indispensable et urgent de sortir de cette aberration culturelle et de manifester dans la loi, même si les problèmes culturels s'inscrivent plus dans le temps que dans les textes, notre volonté de mettre sur un même niveau toutes les formes d'intelligence et d'y définir les moyens, les méthodes et les pédagogies appropriées, ainsi que les évaluations et les suivis nécessaires, afin d'aider ceux qui, aujourd'hui, ne vont pas bien, et qui sont laissés sur le bord du chemin, malheureusement.

Car s'ils ne vont pas bien, n'est-ce pas d'abord parce que l'on a ignoré ou pas su développer la forme d'intelligence qui est en eux ?

Cela nécessite une évaluation des fondamentaux au terme du primaire, la mise en place de voies différenciées au collège et au lycée, avec toutes les passerelles nécessaires, plus le développement de parcours plus itératifs à la fin du secondaire.

La difficulté me semble être moins une question de moyens que de volonté politique forte afin que notre système éducatif apporte une réponse simultanée au projet du jeune, aux besoins de l'économie et aux contraintes d'aménagement du territoire.

Je suis convaincu que la sagesse et le bon sens des Français, qui ont été nombreux à s'exprimer au cours de ce débat, nous y aideront grandement, pour peu que chacun d'entre nous veuille bien non pas abandonner ses convictions, qui sont indispensables à la démocratie, mais quitter un tant soit peu ses certitudes.

Et permettez-moi de conclure, monsieur le ministre, sur cette citation de Victor Hugo, notre illustre collègue, qui écrivait, à la suite de la visite d'un bagne, ce qui donne au propos toute sa dimension : « Un enfant qu'on enseigne est un homme qu'on gagne ».

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous confirmer votre volonté de faire gagner nos enfants, tous nos enfants, et nous dire si ce débat est bien un débat pour agir ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Luc Ferry, ministre. Je voudrais tout d'abord remercier mon ami Jean-Claude Carle au moins pour deux choses, à commencer par l'hommage qu'il a rendu à l'enseignement agricole, dont on parle beaucoup trop peu en France. La raison en est simple : il est très performant et constitue même un modèle. Il y aura d'ailleurs beaucoup à reprendre de sa pratique dans nos réflexions, y compris dans la rédaction de la future loi d'orientation, notamment en termes de fonctionnement des établissements et de leurs conseils d'administration, ainsi qu'au regard de leur autonomie.

Je suis entouré fort heureusement d'excellents spécialistes de cet enseignement, que je connais, par ailleurs, d'assez près.

Ensuite, je voudrais vous remercier d'avoir abordé comme vous l'avez fait la question des savoirs. Il est, je le sais, un tropisme un peu facile qui consiste à dire que, la loi de 1989 ayant mis l'enfant au centre du système, il faut maintenant y mettre les savoirs.

Tout cela est d'ailleurs vrai, mais il faut aller plus loin, comme vous l'avez fait, monsieur le sénateur, ce dont je vous sais gré.

On a tendance à considérer que l'école a pour fonction de former des citoyens. C'est exact et personne ne le conteste, mais ce n'est pas sa fonction principale. Il est peut-être beaucoup plus important encore de rappeler que la mission fondamentale de l'école, d'une manière générale, est de faire entrer les enfants et les élèves dans un univers qui justement est non pas l'univers de la vie quotidienne, mais celui des savoirs, d'accès difficile.

Pour accéder à cet univers qui n'est ni trivial, ni banal, ni quotidien, cet univers de la culture scolaire qu'on ne rencontre qu'à un moment de sa vie et, la plupart du temps, jamais après, il faut trois choses.

Tout d'abord, il faut l'aide d'un professeur qui vous donne le goût et qui vous donne les perspectives, et c'est cela, la mission des enseignants.

Puis il faut travailler. Il n'y a pas de ticket d'entrée dans le monde de la culture des adultes sans travail.

Enfin, il faut dire à nos enfants, à nos élèves - j'emploie volontairement les deux termes parce que cela concerne à la fois l'éducation et l'enseignement -, que ce monde de la culture scolaire, ce monde plus généralement de la culture adulte est parfois beaucoup plus riche, beaucoup plus intéressant et beaucoup plus profond que le monde de l'enfance et qu'entrer dans cet univers-là, devenir adulte et même parfois vieillir n'est pas forcément un déclin. Quand c'est réussi, c'est même tout le contraire.

Telle est la mission fondamentale de l'école, mais je ne veux pas anticiper sur les conclusions du débat et commencer à rédiger un petit bout de loi d'orientation. J'attendrai, et j'espère que vos travaux permettront que cette discussion-là s'ouvre.

Pour tout cela, cher Jean-Claude Carle, soyez encore une fois remercié. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Michel Moreigne.

M. Michel Moreigne. Monsieur le ministre, il faut bien que quelqu'un vous le dise : les projets de modification de la carte des formations pour la rentrée scolaire de 2004 suscitent de très vives réactions chez les parents, les élèves et les enseignants ; M. Todeschini, tout à l'heure, n'a fait qu'effleurer le sujet.

En Limousin, la dernière version de la carte scolaire du second degré signifie la fermeture de formations, de filières et d'options, et la restitution de plusieurs dizaines d'emplois d'enseignants, ce qui est grave pour un territoire aussi fragile et aussi peu peuplé. Je vous épargne le palmarès de la région, vous le connaissez, monsieur le ministre, mais, en cas de nécessité, je le tiens à votre disposition.

Dans mon département, la Creuse, alors que le nombre des élèves s'accroît dans le primaire, des postes seraient encore supprimés.

Dans le second degré, le projet de carte scolaire s'accompagne de la disparition programmée de filières dans les lycées professionnels et les lycées d'enseignement général et technologique, mais aussi de la suppression d'options dans de nombreux établissements. Les collèges sont également menacés de réductions importantes de leurs heures d'enseignement.

Ces mesures, chacun s'accorde à le dire, menacent l'existence même des structures éducatives et vont à l'encontre des efforts entrepris par la région, le département et les collectivités locales de manière générale pour maintenir un maillage efficace du territoire en matière d'éducation et de formation, ne serait-ce qu'en ce qui concerne les équipements, tels que les restaurants scolaires ou les internats, bien que, dans ce dernier cas, la mode fluctue selon les régions.

Il est à noter que ces mesures, qui ne sont, à l'évidence, guère positives, ont été annoncées au moment même où l'Assemblée nationale était saisie du projet de loi de développement des territoires ruraux, censé conforter les zones les plus fragiles !

Dans votre dernière Lettre aux parlementaires, monsieur le ministre, vous indiquez que vous utilisez des critères clairs et équitables pour la répartition des postes, notamment un indicateur territorial « traduisant la préoccupation - ô combien partagée ! - du maintien du service public dans les zones rurales », un indicateur social traduisant « la volonté de favoriser la réussite des élèves issus des catégories sociales les plus défavorisées », ainsi qu'un indicateur des contraintes.

En réalité, vos projets vont à l'encontre d'une politique d'aménagement et de développement du territoire.

Vous vous accorderez sans doute avec moi pour constater que l'avenir d'un pays, c'est sa jeunesse et sa cohésion socio-territoriale. Il n'y a pas d'avenir, pour la jeunesse, sans qualification, sans offre éducative qui épouse les enjeux du développement local.

La cohérence de votre politique serait-elle de porter des coups aux personnes et aux départements les moins favorisés ? Je ne peux pas le croire. Mais il faut bien constater que votre politique parie sur une démographie faible pour résorber le chômage et semble s'accommoder de cette problématique pour réduire le périmètre des services publics, notamment celui de l'éducation.

Les départements les plus fragiles de France, comme celui que je représente ici, réclament que leur carte scolaire soit la traduction d'une ambition, d'un « grand dessein » national, et non pas l'expression d'une pure logique comptable, voire statistique.

Les enseignants, les parents et les élèves souhaitent qu'à une carte scolaire plus équitable corresponde notamment une dotation horaire globale améliorée et pas toujours systématiquement réduite.

En Limousin, le projet de carte des formations dans le secondaire doit être présenté au conseil académique de l'éducation nationale le 27 janvier. Nous y sommes ! Demain, jeudi, la réunion du conseil technique paritaire académique sera accompagnée d'une manifestation très vigoureuse, semble-t-il, des élèves et des parents, et d'une grève tout aussi vigoureuse des enseignants. D'ici au 27 janvier, monsieur le ministre, peut-on espérer que votre ministère, via Mme la rectrice, évidemment, pourra revoir sa copie ?

Car il vous faut bien, monsieur le ministre, assumer la responsabilité de cet état des choses.

Pouvez-vous confirmer, ce que nous savons tous ici, que les recteurs ne font qu'appliquer vos directives ?

Alors, comment percevez-vous certaines attitudes, notamment celle d'un élu qui a demandé publiquement le départ de la rectrice de l'académie de Limoges, allant jusqu'à crier au « complot politique des socialistes et du rectorat », complot aboutissant, selon cette personne, à déshabiller Pierre, en l'occurrence, les lycées d'Aubusson, pour habiller Paul, c'est-à-dire Bourganeuf ? Bref, la rectrice ainsi mise en cause par un membre de votre majorité est-elle susceptible de partir, comme sanctionnée par sa tutelle, ou atteint-elle tout simplement l'âge de la retraite de cette catégorie de très hauts fonctionnaires dont chacun sait qu'ils sont nommés en conseil des ministres ?

Enfin, pour conclure, permettez-moi de formuler une proposition. Serait-il impossible de déterminer une sorte de métabolisme de base - c'est le médecin qui parle (Sourires) - des personnels enseignants, métabolisme de base au-dessous duquel on ne saurait descendre dans les dotations en personnel ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Luc Ferry, ministre. Monsieur le sénateur, on souhaiterait parfois que les élus puissent voir comment s'établit la carte scolaire. Je suis certain qu'ils comprendraient beaucoup mieux nos décisions.

Ainsi, depuis l'année dernière - cela ne s'était jamais fait à ma connaissance dans l'histoire de l'éducation nationale ; en tout cas pas depuis que les statistiques existent -, nous avons travaillé sur le stock d'emplois, et non pas simplement sur le flux.

M. Gouteyron sait très bien ce que cela signifie, mais pour ceux qui ne sont pas spécialistes de cette technique d'élaboration de la carte scolaire, je vais donner quelques précisions.

Quand des postes étaient créés - ce qui n'était pas toujours le cas mais, dans les périodes d'augmentation démographique, il y eut toujours création de postes supplémentaires - on affectait plus de postes dans les académies où il y en avait moins au départ et on en affectait moins là où il y en avait plus. On travaillait sur le flux, c'est-à-dire, par exemple, sur les trois mille postes qui étaient créés cette année-là.

Pour la première fois donc, nous avons travaillé sur le stock, en jouant sur les inégalités qui existent entre les académies, certaines ayant été, pendant des années, surdotées par rapport à d'autres.

Cela nous a conduits à nous livrer à un exercice extrêmement difficile et peu agréable consistant à retirer certains postes dans les académies surdotées pour les affecter dans des académies sous-dotées.

En fait, la cause principale du bon déroulement technique de la rentrée scolaire est le gros travail de préparation de la carte scolaire que nous avons réalisé cette année.

Pour ce qui est de l'académie de Limoges, elle a tout simplement perdu, en quinze ans, un peu plus de huit mille élèves. Selon les statistiques de l'INSEE, qui, je crois, sont justes sur ce point, entre 2000 et 2005, elle perdra encore un peu plus de trois mille élèves. Si nous n'en tenions pas compte en termes de postes, nous ferions preuve d'irresponsabilité et nous organiserions l'inégalité entre les régions, ce que vous pourriez nous reprocher.

La gauche a dit que la décentralisation risquait d'accroître les inégalités entre les régions. Nous faisons exactement ce que l'Etat doit faire, c'est-à-dire que nous opérons une péréquation entre les régions, en nous attaquant enfin à la gestion du stock, et non pas seulement à celle du flux.

Pour en revenir à l'académie de Limoges, je vous dirai que tous les sites d'Aubusson sont maintenus. Il n'y a aucune difficulté à cet égard. Mme la rectrice de l'académie de Limoges est en discussion avec les différents partenaires depuis un mois afin de mettre en place, le mieux possible, cette carte scolaire, en tenant compte de cet impératif d'égalisation entre les différentes régions de France. Je le répète, monsieur Moreigne, si vous étiez à nos côtés lors de la réalisation de ce travail, vous seriez probablement d'accord avec nous. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Richert.

M. Philippe Richert. Je voudrais tout d'abord remercier M. le ministre et le féliciter d'avoir organisé cette consultation nationale. On peut gloser, mais la participation à ce débat de toutes les parties prenantes dans l'ensemble du territoire national est, en soi, une réussite. Si ce type de débat avait eu lieu dans le passé, nous n'en serions pas aujourd'hui à rencontrer quotidiennement un certain nombre de difficultés dans nos établissements. Je veux donc vous exprimer, à vous, monsieur le ministre, et à votre collègue M. Darcos, toute ma satisfaction.

A ce stade de notre discussion, il m'est difficile d'aborder des questions nouvelles par rapport à tous les sujets qui ont déjà été évoqués.

J'en retiendrai deux : d'une part, les difficultés et les perspectives du métier d'enseignant et, d'autre part, l'aide à la scolarisation des enfants handicapés.

Permettez-moi tout d'abord de citer quelques chiffres, en reprenant en partie certains de vos propos, monsieur le président.

Notre pays compte près de 900 000 enseignants, premier et second degrés confondus, dont 40 % partiront à la retraite d'ici à 2010, c'est-à-dire dans six ou sept ans. Sur cette période, il nous faudra recruter 35 000 nouveaux enseignants par an, soit environ un étudiant titulaire d'une licence sur trois. Or, dans certaines disciplines comme les sciences, les langues vivantes ou certaines filières technologiques, le faible nombre de candidats est d'ores et déjà très préoccupant.

Ce défi rend donc impératif de restaurer l'intérêt pour le métier d'enseignant en lui redonnant une attractivité aujourd'hui bien érodée. Il nous ouvre, par ailleurs, une formidable opportunité, celle de redéfinir les contours d'une fonction qui a connu, ces dernières années, de profondes mutations.

Les manifestations du printemps dernier contre la réforme des retraites et la décentralisation, par leurs motivations sous-jacentes plus complexes, ont été l'expression d'un certain malaise ou mal-être du corps enseignant, qui est bien réel.

Les conditions d'exercice du métier ont, nul ne le conteste, beaucoup changé, bien souvent dans le sens d'une dégradation. Les missions des professeurs sont devenues confuses. A trop leur demander pour pallier les carences éducatives des familles en particulier, on leur a donné parfois le sentiment qu'ils s'écartaient de leur rôle, primordial et essentiel, de transmission de savoirs et de connaissances auquel ils se destinaient avant tout.

Confrontés à la grande hétérogénéité des élèves, à leur manque de motivation, à des phénomènes de violences, à la dégradation de la relation d'autorité qui allait parfois jusqu'à la contestation des savoirs transmis, les professeurs se sentent isolés, désarmés.

La traduction de notre projet éducatif pour les prochaines années repose, en grande partie, sur les enseignants qui en seront les maîtres d'oeuvre au quotidien. Ils ont besoin de regagner confiance et foi en leur mission, en eux-mêmes, et de s'appuyer de nouveau sur une reconnaissance sociale qu'ils ne perçoivent plus aujourd'hui.

Le métier d'enseignant doit redevenir attractif, je dirai compétitif, afin de maintenir la qualité des recrutements à la hauteur des exigences requises.

Cinq tables rondes mises en place l'an passé ont permis d'engager, entre le ministère et les organisations syndicales, des réflexions sur ce métier d'enseignant et d'identifier les principales difficultés ou sources de blocages.

Il nous faut, maintenant, passer à l'action.

Tout d'abord, il nous faudra mieux accompagner la carrière des enseignants, en veillant en particulier à ce que l'entrée dans le métier, pour les enseignants les plus jeunes et donc les plus fragiles, ne se fasse pas quasi systématiquement par l'affectation sur un poste difficile, comme c'est aujourd'hui le cas pour six sortants d'IUFM sur dix.

Par ailleurs, pour encourager les vocations et ensuite entretenir la flamme tout au long d'une carrière que l'on sait difficile, en raison de l'usure morale liée à la tâche, le métier d'enseignant a besoin d'oxygène. On adresse bien souvent, non sans une part de raison, le reproche d'un certain hermétisme ou cloisonnement au milieu enseignant, malgré la diversité de ses statuts et de ses conditions d'exercice.

Pour ouvrir l'école sur l'extérieur, sur l'entreprise, ne faut-il pas rapprocher les enseignants de leur environnement économique et social ?

L'éducation nationale dispose, dès à présent, d'outils pour concrétiser cette ambition. Ainsi, développer le recours à la validation des acquis de l'expérience comme procédure alternative de recrutement des enseignants, dans les disciplines professionnelles notamment, permettrait de faire bénéficier les élèves d'une expérience concrète, d'un savoir-faire.

En outre, afin d'accommoder les fins de carrière, la loi portant réforme des retraites a introduit la notion de « seconde carrière » destinée à offrir aux enseignants une phase de respiration, au sein de l'administration ou dans le secteur privé, qui vienne marquer une rupture dans leur face-à-face avec les élèves. Je vous garantis qu'à cinquante, cinquante-cinq, presque soixante ans, on a parfois besoin de cette respiration...

Quelles pourraient être, monsieur le ministre, les traductions réglementaires et les perspectives réelles et concrètes de cette mesure, qui doit entrer en vigueur à la rentrée 2004 ?

Au demeurant, par-delà les rigidités statutaires, il nous revient aujourd'hui de considérer l'organisation des enseignements en premier lieu par rapport aux besoins des élèves. Cela suppose plus de souplesse pour instituer et valoriser l'investissement, ô combien déterminant, des professeurs auprès des élèves et des familles en dehors des heures de cours stricto sensu. Se pose alors toute la question de l'accompagnement du temps consacré au suivi des élèves en grandes difficultés, à l'aide à l'orientation, au dialogue avec les parents d'élèves, au travail pédagogique en équipe. Il nous faut trouver, là aussi, de nouvelles pistes.

Une autre piste mérite également d'être explorée : celle de la bivalence, voire de la polyvalence, que l'on pourrait mettre en place, au niveau des collèges notamment, au moins pour les classes de sixième. Comment pouvons-nous aller au-delà ?

Enfin, cet effort d'adaptation doit se traduire au niveau de l'éducation nationale par une véritable formation continue, elle aussi indispensable. Trop souvent, au moment où, dans les établissements, les enseignants commencent à appliquer une réforme, une nouvelle est déjà annoncée. On ne peut pas continuer ainsi, sans mettre en place une formation continue adaptée. Comme vous le voyez, monsieur le ministre, il y a là des champs importants à faire évoluer.

Cela me conduit à aborder le second point de mon intervention : la scolarisation des enfants handicapés, que va traiter le projet de loi relatif au handicap dont le Parlement discutera prochainement, et les efforts qui doivent être réalisés au niveau de l'école pour participer à ce grand chantier.

Une question se pose à propos des assistants de vie scolaire, les AVS. Un effort considérable a été réalisé, puisque les AVS sont passés de 1 000 en 2002 à 6 000 en 2004, mais reste le problème de leur formation.

On avait évoqué la possibilité d'avoir recours à des contrats d'insertion dans la vie sociale, les CIVIS, pour permettre à des associations comme le Chaînon manquant, qui oeuvre depuis de nombreuses années en Alsace, de continuer à faire ce travail essentiel d'accompagnement en formation, d'encadrement des AVS, ce que ne sait pas faire l'éducation nationale aujourd'hui. Il serait dommage que les 4 000 AVS qui sont en poste ne puissent pas faire profiter les handicapés et leurs familles de cet apport essentiel.

Il me semble que, là aussi, des perspectives peuvent s'ouvrir. Qu'en est-il de ces postes CIVIS ? Qu'en est-il de cet accompagnement possible ? Merci, monsieur le ministre, de nous donner d'ores et déjà des réponses à ces questions. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Luc Ferry, ministre. Monsieur le sénateur, au début de votre intervention, vous avez posé une question très importante, qui d'ailleurs a été également soulevée par M. Gouteyron, je veux parler du recrutement d'enseignants nécessaire pour remplacer les départs à la retraite d'ici à 2008, 2010.

Il s'agit, sans doute, du problème le plus important que nous aurons à résoudre dans les cinq années qui viennent, avec celui de l'autorité.

La seule vraie réponse à ce problème du recrutement est la revalorisation, ou la valorisation, du métier d'enseignant, qui est devenu peu attractif.

A ceux qui travaillent dans le privé et qui, jetant un regard un peu lointain sur le monde de l'enseignement, ont parfois tendance à dire, de façon un peu ironique, que les professeurs travaillent peu, qu'ils ont beaucoup de vacances, que sais-je, autant de propos blessants pour les enseignants, je réponds qu'il faut y regarder d'un peu plus près car, dans toutes les disciplines où il y a concurrence de recrutement avec le privé, nous sommes en déficit d'enseignants, et ce déficit ne fait que s'aggraver. Cela signifie que le métier n'est pas si attractif que cela !

Même si les questions matérielles sont, bien sûr, très importantes, les enseignants ont choisi leur métier pour d'autres motifs que l'argent, c'est évident, sinon ils auraient fait autre chose. Aussi, même si la revalorisation matérielle ne doit pas être sous-estimée, ce n'est pas le facteur principal.

Le facteur principal, c'est la qualité de vie dans le métier. Or, à bien considérer les choses, on constate que le problème numéro un est celui de la motivation des élèves. En effet, lorsque vous faites un cours dans le brouhaha, tandis que les élèves parlent, vous perdez le sens de votre métier. Au lieu d'avoir le plaisir d'enseigner, vous affrontez l'épreuve terrible de vous sentir ennuyeux et inutile ! Or c'est cela que vivent des centaines de milliers de professeurs aujourd'hui. Il faut avoir le courage de le dire.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Eh oui !

M. Luc Ferry, ministre. Souvent, les enseignants n'osent pas l'avouer. Je me souviens très bien que, lorsque j'étais moi-même professeur et qu'il m'arrivait de rater un cours, c'est la dernière chose dont je me vantais auprès de mes collègues ou de mes amis. On se sent tout de suite extrêmement honteux d'avoir raté son cours. Les enseignants vivent cela très mal. Parfois, ils s'aperçoivent qu'il n'y a eu que cinq minutes de bonnes sur une heure de cours.

C'est cela que nous devons changer. J'attends beaucoup du grand débat qui a eu lieu cette année, comme des propositions que vous pourrez nous faire, ainsi que des conclusions de la commission Thélot sur ce point : comment peut-on rendre ce métier plus attractif ?

On pourrait imaginer des modalités permettant aux enseignants de travailler plus souvent à deux ou à trois.

C'est une hypothèse parmi d'autres. Il est souvent plus intéressant et, dans une certaine mesure, plus aisé de faire cours à deux. On met en place un projet éducatif et la présence d'un collègue est motivante.

Comme vous pouvez le constater, je réfléchis tout haut devant vous. J'aimerais que, à votre tour, vous nous fassiez des propositions pour améliorer les conditions d'exercice du métier d'enseignant et le rendre plus attractif. Si nous n'y parvenons pas, ne nous dissimulons pas la vérité : nous courons tout simplement à la catastrophe.

Je dirai maintenant un mot du handicap, car je ne veux pas laisser votre interrogation sans réponse, monsieur le sénateur.

Pour les AVS, deux cents heures de formation sont prévues. L'éducation nationale ne peut pas se charger de cette formation car elle n'est pas outillée pour cela. C'est la raison pour laquelle nous avons mis en place des partenariats avec plusieurs institutions spécialisées dans la formation d'éducateurs capables de prendre en charge le handicap.

Nous avons fait en sorte que cette formation soit mise en oeuvre tout de suite, mais aussi de pouvoir recruter, y compris parmi les candidats qui n'auraient pas le baccalauréat, des AVS qui seraient déjà formés dans les associations compétentes en matière de handicap.

Cela pose la question du CIVIS, car en utilisant comme assistants d'éducation des jeunes qui viennent des associations déjà formés, déjà habitués à faire ce travail, il ne faudrait pas que l'on « déshabille » ces associations. C'est pourquoi mon collègue François Fillon va mettre à notre disposition 3 000 CIVIS qui seront affectés en priorité à ces associations pour qu'elles ne soient pas déficitaires de notre fait.

Voilà qui, j'espère, monsieur le sénateur, doit répondre à vos questions. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Martin.

M. Pierre Martin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat public sur l'avenir de l'école ayant eu lieu, c'est à présent aux parlementaires de s'exprimer pour évoquer leurs expériences et les réflexions que suscite le sujet.

Réformer, peut-être même reformer l'école, lui permettre d'évoluer pour répondre aux exigences culturelles et économiques d'une société évolutive, inquiète de l'avenir et incertaine des perspectives qui s'ouvrent à l'échelle mondiale ; rétablir la confiance dans l'école de la République afin qu'elle continue d'assurer sa mission essentielle, celle de former les citoyens de demain en jouant son rôle d'ascenseur social ; pérenniser la qualité de notre système scolaire servi par des acteurs compétents : tels sont quelques-uns des objectifs applicables à l'école sur notre territoire.

Toutefois, la réponse à apporter à des objectifs communs doit tenir compte des spécificités propres aux zones urbaines et aux zones rurales.

C'est aux spécificités de l'école rurale que je m'attacherai pour vous rapporter quelques impressions tirées de mes mandats d'élu, ainsi que de mes fonctions d'enseignant au sein du monde rural.

Il est avéré que les mutations sociodémograhiques, auxquelles il convient d'ajouter les restructurations administratives et les mesures en faveur du développement ont modifié les enjeux et les conditions de fonctionnement de l'action éducative en milieu rural.

Ainsi confronté aux défis actuels, le milieu rural veut jouer sa carte dans la compétition des territoires et rester fidèle aux valeurs de solidarité et de participation sociale qui lui sont propres.

C'est dans ce contexte qu'il lui faudra imaginer de nouveaux terrains d'apprentissage, permettant aux jeunes de mieux s'impliquer dans les réalités scolaires, économiques et culturelles.

Il devra contribuer, au niveau de ses institutions, à la lutte contre l'illettrisme et intégrer une politique scolaire dans ses politiques locales d'aménagement, tout en tenant compte de l'évolution démographique et, bien sûr, de son enveloppe budgétaire.

La scolarisation en milieu rural est un enjeu d'aménagement du territoire, pour lequel l'Etat et les collectivités locales sont devenus partenaires et codécideurs.

Indéniablement, l'école en milieu rural évolue entre exigences de gestion, souci de proximité et demande de qualité. Et la construction de l'école de demain nécessite une dynamique qui repose sur le principe d'union des compétences et de tous les acteurs.

C'est pourquoi la réussite scolaire fait appel au partage des responsabilités : celle du maître, qui n'a pas, il faut le dire, le monopole de l'éducation, qui doit pouvoir se recentrer sur son rôle et définir sa place dans la société ; celle des parents, qui doivent apporter un complément indispensable au travail du maître ; celle des élus locaux, bien entendu, et des associations.

Oui, l'éducation est l'affaire de tous, il ne faut jamais cesser de le rappeler.

Me référant au domaine sportif, je dirai simplement que nous devons tous nous mettre au service de l'équipe pour gagner, et surtout faire gagner nos enfants.

Les élèves doivent évoluer sur les meilleurs terrains éducatifs, encouragés, aidés, soutenus par leurs entraîneurs - directeurs et professeurs des écoles -, leurs managers sportifs - ministres et services départementaux -, leurs supporteurs - parents et cellule familiale. Ce sont évidemment les élèves qui forment l'essentiel de l'équipe.

Les collectivités territoriales sont aussi là, aux côtés des élèves, pour assumer leur mission de constructeur et de gestionnaire des équipements et des espaces scolaires qui permettront à l'équipe de s'entraîner pour atteindre le but et transformer l'essai.

Dans le souci de réussir ce challenge, le département de la Somme a compris la nécessité de se pencher sur le problème de la réussite scolaire, et il s'est montré innovant dans ce domaine : scolarisation organisée à la mesure du territoire, création de nouvelles structures - les regroupements pédagogiques concentrés -, implication pour la réussite scolaire.

Je sais que vous avez eu connaissance de cette expérience, monsieur le ministre. C'est pourquoi je me permets de vous poser la question de savoir si vous pensez qu'elle pourrait être étendue à tout le territoire rural, afin de servir au mieux la cause de l'éducation de l'enfant.

J'évoquerai maintenant rapidement le thème de la formation des enseignants.

Dans une société qui respire au rythme des annonces médiatiques, l'école est accusée de tous les maux : échec scolaire, chômage, violence. Ce sont autant de maux qui bousculent nos représentations sociales à valeur fondatrice : celle de l'enfance, symbole d'innocence, et celle de l'école, lieu de la découverte et du savoir.

N'accordons pas aujourd'hui par nos voix plus d'importance et de crédit aux discours alarmants ou fatalistes, mais oeuvrons efficacement pour le retour aux valeurs qui ont fait de notre système éducatif le modèle que nous enviait le monde, et clamons-le haut et fort.

C'est bien, en effet, de modèle qu'il s'agit. Une société sans modèle est une société qui végète, qui régresse et qui s'éteint.

Il ne saurait, dès lors, être question de déroger au principe premier de l'enseignement qui est d'instruire, pour que chacun puisse s'élever par le mérite, trouver sa place dans l'organisation sociale. L'enseignement n'est pas voué à s'adapter, par faiblesse ou manque de courage, au gré des crises de la société !

La réussite scolaire ne s'acquiert qu'au prix de l'excellence et, par-dessus tout, grâce à celle des enseignants, qui doivent également être des modèles, donc être bien formés.

Nous savons combien leur rôle est décisif pour l'avenir de nos enfants, et ce dès le plus jeune âge.

Un corps enseignant de haut niveau et ouvert à la remise en question conditionne son adaptation efficace aux évolutions fort complexes d'un monde en perpétuelle mutation.

Hier, hussard de la République, l'instituteur était apprécié, reconnu, respecté : il était une référence et un modèle.

Evidemment, je n'ai nul désir de revenir à un passé révolu ou de me laisser aller à la lamentation nostalgique.

Mais peut-être faut-il s'interroger sur le système qui, depuis des décennies, a détérioré l'image, la notoriété et le prestige du professeur.

Comment réhabiliter sa mission dans ce lieu de pédagogie des maîtres, l'IUFM, où nos apprentis-enseignants s'approprient un savoir abstrait sans lien consistant avec les réalités sociales, économiques et culturelles ?

L'école procède, de nos jours, d'une organisation hermétique qui fixe elle-même les programmes, décide de la finalité des études et forme les jeunes professeurs au métier.

Depuis trop longtemps, nous assistons impuissants, à une dérive faisant de l'école cette institution autarcique qui supplée la famille ainsi que tous les acteurs qui peuvent concourir à une véritable formation des enfants à la vie active. Or elle ne peut remplir seule cette mission. Si elle parvenait à mener à bien sa fonction première, qui est de dispenser le savoir et les connaissances, ce serait déjà bien !

Toutefois, on confie trop de prérogatives au professeur et on essouffle le système éducatif en voulant lui faire remplir des fonctions qui incombent à la société tout entière.

Redonnons confiance aux enseignants, des enseignants qui ont envie d'enseigner et qui feront partager leur envie aux élèves. Redonnons un sens à leur mission, en recentrant leur action, en accordant au mérite toute sa place, en restaurant leur autorité et en leur permettant de s'ouvrir plus librement à toute la société.

L'école n'est pas faite pour garder indéfiniment des jeunes dans le système scolaire. Elle doit, avec les moyens qui lui sont accordés, préparer notre jeunesse à la vie post-scolaire.

A partir de ce principe, il faut nécessairement que des relations soient nouées non seulement avec tous les partenaires intervenant dans la scolarité de l'enfant, mais aussi avec le monde qui emploie, afin de préparer cet enfant à la connaissance des métiers.

Monsieur le ministre, quel souffle nouveau comptez-vous apporter à la formation des maîtres et à son organisation, pour que ceux-ci puissent retrouver le sens de leur mission première, transmettre le savoir, et comment envisagez-vous d'ouvrir et de clarifier les relations entre tous les acteurs du système éducatif pour mieux les responsabiliser à la réussite scolaire de nos enfants ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Luc Ferry, ministre. Monsieur le sénateur, je me garderai bien de répondre à votre dernière question dans la mesure où c'est précisément celle qui est au centre du débat actuel. J'attends évidemment les conclusions de celui-ci avant de me prononcer.

En revanche, j'aborderai le problème des écoles rurales et, plus généralement, celui de la présence nécessaire du service public en milieu rural.

Voilà cinquante ans encore, l'image emblématique du village français, c'était en particulier son école et sa mairie, qui occupaient souvent un seul et même bâtiment.

Je revois la petite école où j'étais élève : la mairie était au milieu ; à droite, la classe des filles, évidemment classe unique, et, à gauche, la classe des garçons. De tels édifices, d'une belle architecture fin xixe, début xxe, ont symbolisé pendant des décennies les villages de France.

Aujourd'hui, un tiers des communes rurales n'ont plus d'école communale. La question se pose - le Premier ministre nous en a saisis, Xavier Darcos, qui est en charge de ce dossier, et moi-même - de savoir comment maintenir la présence de ce service public en milieu rural, en particulier dans les petites communes.

Nous avons choisi de mettre en place des systèmes de réseaux d'écoles.

Tout d'abord, nous avons demandé aux inspecteurs d'académie de nous indiquer le schéma territorial souhaitable.

Ensuite, la loi de décentralisation doit nous permettre d'instituer un cadre juridique adéquat. Sera en particulier instituée la fonction de coordonnateur de réseau d'écoles ce qui offrira au passage une solution au douloureux problème des directeurs d'école puisque ces coordonnateurs bénéficieront d'une décharge partielle ou totale de service.

Telle est la réponse que je puis vous apporter, monsieur Martin. Ce ne sont pas des mots : tout cela connaît un début de réalisation, que la loi de décentralisation voulue par le Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, nous permettra de poursuivre.

M. le président. La parole est à M. Christian Demuynck.

M. Christian Demuynck. Le grand débat national sur l'avenir de l'école prend aujourd'hui un nouveau tournant. Les réunions publiques organisées sur l'ensemble du territoire national viennent de prendre fin. Elles ont permis à un grand nombre de nos concitoyens, pour la première fois - grâce à vous, monsieur le ministre -, de s'exprimer directement, avec l'assurance de voir leurs remarques relayées et prises en compte.

Nous entrons désormais dans une phase de synthèse des différentes réunions et c'est dans ce contexte que la représentation nationale est aujourd'hui réunie pour apporter sa contribution à ce grand débat.

Dans cette perspective, je tiens à aborder la problématique récurrente de la violence scolaire, quinzième des vingt-deux thématiques proposées par la commission Thélot. Cette question demeure l'une des plus préoccupantes, et les chiffres en témoignent puisqu'elle se classe en deuxième position sur la grille de répartition des vingt-deux sujets traités dans les réunions publiques.

Le phénomène de violence au sein des établissements scolaires est apparu comme un problème majeur pour l'éducation nationale dès le milieu des années quatre-vingt-dix. Lorsqu'on est élu d'un département confronté de très près à cette réalité - la Seine-Saint-Denis, pour ce qui me concerne -, on ne peut que s'en inquiéter davantage.

Les chiffres sont éloquents. Malgré les divers plans de lutte contre la violence à l'école mis en place en une décennie, les actes de violence n'ont pas cessé puisqu'on en a recensé plus de 81 000 au cours de l'année scolaire 2001-2002. Même si l'on a constaté une baisse en 2002-2003, avec environ 72 000 faits de violence enregistrés, ce chiffre reste alarmant, d'autant que 40 % de l'ensemble des faits sont signalés par 10 % des établissements.

Cette baisse n'est pas due au hasard. Dès la rentrée scolaire de 2002, monsieur le ministre, vous vous êtes engagé dans une lutte active contre ce phénomène. C'est ainsi qu'ont été mis en place divers dispositifs tels que les contrats de vie scolaire, les livrets des devoirs et des droits qu'ont été créés des classes et des ateliers relais, qui accueillent de façon temporaire les élèves en voie de rupture avec l'école. On peut encore citer le développement de certaines sanctions telles que la pratique de l'exclusion-inclusion, qui permet à un élève sanctionné de rester dans l'enceinte de l'établissement afin d'y effectuer des tâches scolaires ou d'intérêt collectif.

Cette liste non exhaustive des mesures que vous avez engagées pour lutter contre ce phénomène témoigne de l'importance des moyens mis en oeuvre pour enrayer cette réalité, qui manifeste une rupture entre de nombreux jeunes et l'école.

Il est d'ailleurs significatif que des actes de violence soient constatés jusque dans les classes de maternelle. Les témoignages d'enfants en bas âge agressés sont malheureusement là pour l'attester.

Les actions globalement très positives engagées par le Gouvernement ont vocation à être complétées afin que l'école redevienne un lieu d'apprentissage, au sein duquel enseignants et élèves se respectent et ne voient pas leurs activités perturbées par des menaces en tout genre. C'est dans cette perspective que vous travaillez, monsieur le ministre, axant votre action tant sur l'aspect de la prévention que sur celui de la sanction, et les mesures que vous avez adoptées donnent des résultats encourageants.

En effet, si l'on prend un département comme la Seine-Saint-Denis, on constate une apparente augmentation des actes de violence. Mais l'agrégation statistique masque ici une réalité tout autre : les agressions sont majoritairement verbales. Dans les autres catégories d'agressions, on observe au contraire une baisse.

Cela pose la question de la fiabilité de l'outil statistique, qu'il faudrait normaliser avec les chefs d'établissement, afin de donner une réponse plus efficace aux problèmes qu'ils rencontrent.

Cependant, la situation demeure préoccupante sur de nombreux points, au premier rang desquels on peut citer le racisme en milieu scolaire, qui manifeste une montée des communautarismes, que nous combattons tous.

Il ressort de la consultation du terrain que des améliorations pourraient être apportées, notamment en terme de coordination entre le ministère de l'intérieur et le ministère de l'éducation nationale.

En effet, même si les fonctionnaires entretiennent aujourd'hui d'excellentes relations, les uns travaillent avec des informations émanant des commissariats et les autres à partir des signalements. Il est donc nécessaire de rapprocher les informations relatives aux jeunes délinquants.

Il apparaît trop souvent aussi que le corps enseignant n'est pas informé des suites données à des actions en justice, ce qui donne l'impression que rien n'est fait. Il serait bon qu'un système de retour, avant ou après l'instruction, à un moment qui reste à déterminer, soit mis en place afin d'effacer ce sentiment d'inefficacité de l'appareil judiciaire.

Sur la question de l'origine de cette violence, il apparaît que celle-ci se reporte dans une large mesure du quartier à l'enceinte de l'établissement scolaire. Autrement dit, la délinquance de la rue pénètre dans l'école, notamment dans les établissements situés dans des quartiers difficiles, certains résistant mais d'autres subissant. Il faut trouver les causes de cette disparité et, en tout cas, insister sur les acteurs extérieurs à l'école.

Dans ce cadre, ne faudrait-il pas, monsieur le ministre, favoriser davantage encore les actions concertées avec la RATP, la SNCF ou encore la police nationale ?

Par ailleurs, juguler le phénomène de violence scolaire passera inévitablement par un renforcement de l'autorité des personnels enseignants et d'encadrement, et surtout par un soutien sans faille, fort et massif, de la hiérarchie vis-à-vis des chefs d'établissement amenés à prendre des sanctions disciplinaires.

Monsieur le ministre, bien que les travaux de synthèse débutent à peine, je me permets de vous demander quelles pistes on pourrait imaginer dans la lutte contre la violence scolaire et quel bilan on peut dès à présent tirer des différentes mesures entrées en vigueur dès la rentrée 2003, pour que notre école redevienne l'école de la République, celle de l'égalité des chances. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Luc Ferry, ministre. Monsieur le sénateur, vous avez posé une très grande question. Je disais tout à l'heure qu'il y avait deux questions majeures : celle du recrutement des professeurs, pour remplacer les départs à la retraite d'ici à 2010, et celle, tout aussi importante à mes yeux, de l'autorité et de la violence dans les établissements, mais surtout autour des établissements. J'en ajouterai une troisième, dont nous aurons peut-être l'occasion de reparler, celle de la pédagogie du travail.

S'agissant de l'autorité et de la violence, car ces deux aspects sont inséparables, je crois que nous avons fait un grand progrès par rapport à la fin des années quatre-vingt, lorsque a été élaborée la loi d'orientation : tout le monde maintenant a conscience du problème, personne ne le nie plus.

Autrefois, dès que vous prononciez le mot « autorité », dès que vous parliez de violence à l'école, vous vous exposiez à entendre le discours rituel de la gauche stigmatisant les prétendus fantasmes sécuritaires de la droite et niant la réalité des problèmes de violence.

M. Jacques Oudin. Très bien !

M. Jean-Claude Carle. Absolument !

M. Luc Ferry, ministre. Aujourd'hui, tout le monde sait qu'il ne s'agit pas de fantasmes et que c'est même le problème numéro un. C'est en cela que je parle d'un grand progrès.

C'est aussi, d'ailleurs, une des raisons pour lesquelles c'est aujourd'hui la droite qui a des idées sur l'école, alors que la gauche en est largement privée. Pardon de dire les choses comme je les pense, mais je crois que c'est la réalité. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Jacques Oudin. Ne vous excusez pas, monsieur le ministre !

M. Luc Ferry, ministre. En tout cas, il s'agit d'un sujet de fond, sur lequel on ne peut pas faire de démagogie.

Il existe, dans la société actuelle, trois types d'autorité.

Il y a d'abord ce que l'on peut appeler l'autorité traditionnelle, c'est-à-dire celle qui découle de la place qu'on occupe dans une hiérarchie. C'est l'autorité, par exemple, d'un militaire en fonction de son grade. Cette forme d'autorité, à l'évidence, ne fonctionne plus aisément dans le cadre du système scolaire.

Il y a ensuite ce que l'on appelle l'« autorité naturelle », en admettant qu'on parvienne à la définir. On ne peut guère compter dessus quand on a 940 000 professeurs et que peut-être seulement 10 % d'entre eux possèdent cette fameuse « autorité naturelle ». Quid des 90 % restants ? Après tout, il n'est pas en soi condamnable d'être dépourvu d'« autorité naturelle ».

Enfin, il y a l'autorité contractuelle, c'est-à-dire le fait qu'un contrat s'impose aux parties prenantes. Cela vaut pour les citoyens, mais cela ne vaut pas pour les enfants. Les enfants ne sont pas dans une situation où les adultes contractent avec eux. Même si on leur fait rédiger les règlements intérieurs, il n'y a pas de contrat à proprement parler entre des adultes et des enfants. D'ailleurs, il ne doit pas y en avoir.

Par conséquent, nous devons, aujourd'hui, réfléchir sérieusement au problème nouveau qui est de savoir quelles sont les sanctions adaptées à l'autorité que nous voulons, car il n'y a pas d'autorité sans sanction. Dire le contraire serait de la démagogie.

Voilà pourquoi j'étais sensible à ce que vous disiez, monsieur Demuynck, sur la nécessité de nous intéresser - j'espère que le grand débat en fournira l'occasion - aux nouvelles sanctions qui apparaissent : les inclusions-exclusions, par exemple.

Il est clair que, dans certains collèges, quand vous dites à un gamin qu'il est renvoyé trois jours, il répond : « Merci, monsieur ! Pourquoi pas quinze ? »

M. Jean-Claude Carle. Exactement !

M. Luc Ferry, ministre. Nous, nous étions consternés à l'idée d'être renvoyés du lycée. C'était une catastrophe dans la famille ! Aujourd'hui, dans certains établissements et dans certains milieux, ça fait rire ! Devant cela, évidemment, nous sommes désarmés. Quand vous infligez des heures de colle, les enfants ne les font pas !

Il faut donc que nous réinventions la sanction.

En attendant les résultats de ce grand débat, nous ne restons pas les bras croisés. Nous avons pris le parti de mettre en place, pour les enfants les plus difficiles, des systèmes de « délocalisation », si je puis dire, avec des classes-relais, mais surtout des ateliers-relais : leur nombre passera de quinze, à mon arrivée à la tête de ce ministère, à cent soixante-cinq à la rentrée prochaine. Voilà juste un exemple de ce que nous faisons.

Je ne dis pas disposer de la totalité de la solution, loin de là ! J'attends donc beaucoup de ce débat et des propositions que pourront faire les professeurs et les chefs d'établissement, qui ont l'expérience et doivent nous éclairer. Si de bonnes idées voient le jour, vous pourrez compter sur moi pour les généraliser. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Louis Duvernois.

M. Louis Duvernois. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je m'associe aux remerciements des précédents orateurs à l'adresse de M. Christian Poncelet, président du Sénat, et de M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles, qui ont souhaité que ce débat sur l'avenir de l'école ait lieu dans l'hémicycle. Il s'agit d'un débat national qui part de l'idée que nous sommes à la fin d'un cycle de notre système éducatif et que nous devons établir, pour reprendre votre expression, monsieur le ministre, « un nouveau contrat entre l'école et la nation ».

S'agissant de ce défi à relever, vous avez dit, que « c'est ensemble qu'il nous faut prouver que l'action est possible ».

Ensemble ! Le mot ne laisse pas indifférents les Français établis hors de France, ainsi que celles et ceux, de toutes origines, qui ont choisi de scolariser leurs enfants dans notre réseau éducatif française présent sur les cinq continents.

« Ensemble » doit être compris au sens de « les uns et les autres », mais aussi au sens d'« aller ensemble », en s'harmonisant.

Je suis reconnaissant au ministre délégué à l'enseignement scolaire, M. Xavier Darcos, d'avoir accepté en votre présence, et sur ma demande, l'élargissement du débat aux écoles et aux lycées français à l'étranger, le 4 juillet dernier, devant la commission des affaires culturelles du Sénat.

Je ferai deux observations.

Tout d'abord, alors que le débat se termine, je souhaite souligner la participation attentive des acteurs et des usagers de notre système éducatif, tant dans les pays en voie de développement où notre présence est ancienne que dans de nouveaux pays émergents où nos intérêts nationaux sont croissants, comme la Chine.

La mondialisation et les désarrois qu'elle entraîne souvent auprès des Français n'édulcorent en rien l'originalité et la vitalité des contributions de ces parents d'élèves de l'étranger, qui font confiance à notre système éducatif sans pour autant, bien sûr, le plébisciter globalement.

Par ailleurs, il est nécessaire de prendre en compte, dans la synthèse à venir, les interventions et les remontées venant des réseaux de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, de la Mission laïque française et des écoles membres de l'Association nationale des écoles françaises à l'étranger. Ces remontées argumentées viendront certainement enrichir l'élaboration de la loi d'orientation sur l'avenir de l'école prévue pour l'automne 2004.

La participation de ces réseaux éducatifs à ce grand débat aura apporté un air du large détonant dans la tendance de frilosité hexagonale. Lier les préoccupations pédagogiques des enseignants et des familles, y compris des familles d'enfants handicapés trop oubliées à l'étranger, à des situations relevant de la mobilité professionnelle et aux flux migratoires qui s'ensuivent hors du territoire national est un exercice singulier mais valorisant pour la collectivité nationale.

Si la France souhaite maintenir son influence internationale, il est impératif qu'elle procède à une adaptation de son enseignement au sein de coopérations renforcées entre établissements de France et établissements reconnus à l'étranger par le ministère de l'éducation nationale.

Voici quelques exemples de cette adaptation souhaitée.

Premier exemple, il faut développer la capacité des réseaux à assumer une mission de service public d'enseignement à l'étranger afin de tirer le meilleur parti académique, en France, de l'insertion de nos établissements dans un contexte linguistique et culturel étranger.

L'affirmation de cette ouverture peut être à la fois un double facteur : d'abord, un facteur de préparation de qualité pour des élèves appelés à devenir des acteurs ou des médiateurs privilégiés pour des échanges entre la France et des pays partenaires ; ensuite, un facteur de cohérence dans la politique de promotion du plurilinguisme et de la diversité culturelle que la France a inscrite dans sa politique étrangère.

Les projets des établissements situés en Europe doivent, de ce point de vue, faire l'objet d'une attention particulière : la construction d'un espace éducatif européen nécessite une action conduite au niveau de chaque établissement, de chaque pays, lorsqu'il existe des établissements français, sur le rôle que les écoles et lycées peuvent jouer pour contribuer à la mobilité communautaire, notre horizon immédiat, et au développement des échanges entre systèmes d'éducation.

Je reconnais qu'il nous faut parallèlement gagner l'opinion publique en France à la cause du plurilinguisme, par la diffusion permanente d'une large information en direction des élèves, de leurs familles et des responsables de l'éducation.

L'objectif est bien de restaurer une image plus authentique de l'apprentissage des langues et de faire prendre conscience que le choix des langues est une « stratégie de distinction » sur le plan tant professionnel que personnel.

La seule maîtrise de l'anglais n'est pas suffisante. Il est inquiétant de constater que, au fil de la généralisation de cet enseignement en France, la part de l'anglais va croissant : près de 80 % des élèves apprennent l'anglais, alors qu'ils sont moins de 15 % à avoir choisi l'allemand, la langue de notre premier partenaire.

En outre, la part dévolue aux langues de l'immigration, à l'arabe en particulier, n'est que marginale alors même que des enjeux identitaires et politiques plaident en faveur d'une offre importante.

Nos établissements français à l'étranger, monsieur le ministre, ont acquis une expérience linguistique appréciable. Le temps est venu d'établir des coopérations entre établissements, à l'étranger et en France, pour inscrire cette dimension internationale et interculturelle au coeur des enseignements.

L'avenir de l'école française passe aussi par ces nouvelles coopérations, conçues avec l'appui du ministère des affaires étrangères, et dont il faudra bien, un jour ou l'autre, se rendre compte que seule une action interministérielle concertée entre le ministère de l'éducation nationale, le ministère du budget et le ministère des affaires étrangères favorisera la synergie et le développement.

Second exemple, il faut mettre rapidement au point un baccalauréat international optionnel, tenant compte des spécificités de l'enseignement à l'étranger.

Force est d'admettre la montée en puissance du baccalauréat international, dit « de Genève », produit marketing construit sur le modèle du système éducatif anglo-saxon.

La double délivrance à l'étranger du baccalauréat français et du baccalauréat international à la française permettrait, en outre, d'intensifier la coopération en matière d'échanges et de formation des enseignants, notamment des assistants de langue, de développer des jumelages entre des collèges et des lycées français à sections européennes et internationales, entraînant ensuite un accueil organisé en internat des Français de l'étranger et des étrangers en France pour qu'il puissent poursuivre leurs études supérieures.

Le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche a-t-il des projets en ce sens ?

Somme toute, il serait regrettable que ces nouvelles « fenêtres d'opportunité » soient exclues de l'ensemble de la synthèse des consultations tenues pour préparer l'avenir de l'école, un avenir non limité aux seules considérations pédagogiques fondamentales certes, mais qui relève également d'une grande ambition nationale, dans un monde où la réussite scolaire est indispensable et plus difficile à obtenir.

Enfin, je voudrais souligner la participation spécifique des établissements français à l'étranger aux auditions de la commission Stasi sur la laïcité, en décembre dernier, à Paris.

Cet autre débat national, non moins essentiel que celui sur l'école, voulu par le chef de l'Etat, M. Jacques Chirac, a ainsi permis aux commissaires d'apprécier toute la diversité des points de vue exprimés par des enseignants et des élèves des lycées français de Prague, de Vienne, de Rome, de Tunis, d'Ankara et de Beyrouth, avant que ne s'exprime maintenant la volonté nationale.

C'est bien ensemble que nous réussirons. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Luc Ferry, ministre. Monsieur le sénateur, le Président de la République a fait de l'enseignement des langues vivantes une préoccupation prioritaire pour le ministère de l'éducation nationale.

Nous étudions actuellement le rapport exellentissime qui nous a été remis par votre collègue M. Legendre et qui comporte un certain nombre de recommandations extrêmement importantes et intéressantes.

D'une manière générale, avant d'en tirer les conclusions plus après, je note que l'enseignement dans la langue, pour un certain nombre de raisons que je ne développerai pas maintenant, est de très loin plus efficace que l'enseignement des langues. Par conséquent, il faut développer, comme vous le rappeliez très justement, les sections européennes et les sections internationales.

Par ailleurs, il n'y aura pas de diversification de l'apprentissage des langues au-delà de l'anglais sans qu'une politique volontariste soit menée dans certaines académies. C'est pourquoi, dès cette année, nous avons mis en place dans trois académies une politique volontariste, destinée notamment à ce que les élèves apprennent davantage l'allemand puisque, des deux côtés du Rhin, la langue du partenaire est aujourd'hui en déclin.

En ce qui concerne les lycées français à l'étranger, on me dit souvent que le ministère de l'éducation nationale ne s'implique pas suffisamment dans l'enseignement français à l'étranger. L'une des difficultés auxquelles nous sommes confrontés tient au fait que la tutelle, que nous ne revendiquons d'ailleurs pas, appartient, en termes de gestion, notamment de gestion financière, au ministère des affaires étrangères, alors que le ministère de l'éducation nationale gère l'aspect pédagogique. D'ailleurs, la présence des inspecteurs de l'éducation nationale dans les lycées français à l'étranger est tout à fait égale à ce qu'elle est sur le territoire français, voire un peu plus élevée.

Nous sommes évidemment tout à fait prêts à faire plus pour l'enseignement français à l'étranger afin d'aider l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger.

Il conviendrait - et je vous le propose très clairement - d'organiser une réunion à trois entre le ministre des affaires étrangères, le ministre de l'éducation nationale et vous-même pour essayer enfin d'avancer ensemble sur ce dossier qui revient de manière lancinante à chaque occasion : nous pourrions ainsi dresser la liste des problèmes, hiérarchiser les questions et avancer de manière concrète et pragmatique par rapport aux difficultés qui sont réelles, mais à propos desquelles nous sommes tout à fait prêts à montrer notre bonne volonté et à agir dans le bon sens (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voilà arrivés au terme de ce débat. Je tiens tout d'abord à remercier M. le ministre de s'être prêté à l'exercice difficile des questions et des réponses : les questions abordées étant extrêmement diverses, cet exercice nécessite tant une connaissance approfondie des sujets qu'une grande agilité d'esprit pour répondre rapidement et synthétiquement.

Ce débat a été, je crois, intéressant.

M. Luc Ferry, ministre. Très intéressant !

M. le président. Permettez-moi, avant de constater sa clôture, de saluer dans nos tribunes la présence de M. Claude Thélot, président de la commission du débat national sur l'avenir de l'école, qui a assisté à tout notre débat : je suis persuadé qu'il y a pris intérêt et qu'il en tirera profit.

Je lui rappelle que M. le président du Sénat s'est félicité, tout à l'heure, que la commission puisse tenir ses réunions dans nos murs.

Le débat est clos.

3

HOMMAGE À OLIVIER GUICHARD

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais avec une grande émotion rendre hommage à Olivier Guichard, que j'ai bien connu alors que j'étais dans la fonction publique.

Grand serviteur de l'Etat, Olivier Guichard a été un très proche collaborateur du général de Gaulle, dont il a partagé toutes les aventures en termes de libération de la France, de restructuration, de rénovation et de renaissance de notre pays.

Je tenais à lui rendre hommage avec une émotion très sincère.

M. le président. Monsieur le ministre, permettez au président de séance de s'associer, également avec beaucoup d'émotion, à vos propos.

Je ne rappellerai pas tous les mérites d'Olivier Guichard, mais j'évoquerai simplement le rôle qui fut le sien dans l'aménagement du territoire, et sa vision en matière de décentralisation équilibrée.

Et, alors que nous venons de débattre de l'éducation, je ne peux oublier qu'il a été ministre de l'éducation nationale. Nous sommes au moins trois dans cette assemblée à avoir servi dans son cabinet, et nous gardons de lui le souvenir d'un grand serviteur d'Etat, simple et extrêmement attachant.

4

ÉVOLUTIONS DE LA CRIMINALITÉ

Suite de la discussion d'un projet de loi

en deuxième lecture

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion en deuxième lecture du projet de loi (n° 90 2003-2004), adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité. [Rapport n° 148 (2003-2004).]

Rappel au règlement

 
 
 

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour un rappel au règlement.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le président, je voudrais ici protester contre la manière dont l'examen de ce texte est « saucissonné ».

En effet, nous avons travaillé fort tard la nuit dernière - jusqu'à deux heures quinze du matin - et nous pensions que les choses iraient plus vite aujourd'hui. C'était compter sans le débat sur l'éducation nationale, qui, pour être sûrement fort intéressant, n'était cependant pas sanctionné par un vote et dont on se demande bien ce qu'il venait faire au milieu de nos discussions, nous obligeant les uns et les autres à patienter !

En outre, demain, l'ordre du jour étant réservé, nous ne pourrons poursuivre l'examen de ce texte que le soir et serons obligés de travailler vendredi. Tout cela est sans doute moins gênant pour nos collègues habitant Paris ou l'Ile-de-France. Mais je suis sûr d'être le porte-parole de l'ensemble de nos collègues ayant de très nombreux kilomètres à faire pour rejoindre le ur circonscription, en protestant contre l'organisation des travaux parlementaires.

M. le président. Monsieur Dreyfus-Schmidt, acte vous est donné de votre rappel au règlement. Je rappelle simplement que les débats sont organisés selon les décisions de la conférence des présidents.

Dans la suite de la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'article 6 septies.

Art. 16 sexies (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité
Art. 16 octies

Article 16 septies

I. - Dans l'article 529-1 du code de procédure pénale, les mots : « dans les trente jours » sont, à deux reprises, remplacés par les mots : « dans les quarante-cinq jours ».

II. - Dans le deuxième alinéa de l'article 529-2 du même code, les mots : « de trente jours » sont remplacés par les mots : « de quarante-cinq jours ».

III. - Dans le premier alinéa de l'article 529-8 du même code, les mots : « dans les sept jours qui suivent cet envoi » sont remplacés par les mots : « dans le délai de quinze jours à compter de cet envoi ».

IV. - Dans le premier alinéa de l'article 529-9 du même code, les mots : « avant l'expiration de la période de trente jours qui suit » sont remplacés par les mots : « dans le délai de quarante-cinq jours à compter de ».

V. - L'article 529-11 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Ce procès-verbal peut être revêtu d'une signature manuelle numérisée. »

VI. - Le premier alinéa de l'article L. 130-9 du code de la route est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Ces constatations peuvent faire l'objet d'un procès-verbal revêtu d'une signature manuelle numérisée. »

M. le président. L'amendement n° 246, présenté par Mme Borvo, M. Bret, Mmes Mathon, Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est ainsi libellé :

« Supprimer cet article. »

La parole est à Mme Nicole Borvo.

Mme Nicole Borvo. Je considère que cet amendement a déjà été défendu : il tend à supprimer l'article 16 septies qui relève, selon nous, du cavalier législatif.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François Zocchetto, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 246.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 16 septies.

(L'article 16 septies est adopté.)

Art. 16 septies
Dossier législatif : projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité
Art. 16 nonies

Article 16 octies

L'article L. 221-2 du code de la route est ainsi modifié :

1° Le I est ainsi rédigé :

« I. - Le fait de conduire un véhicule sans être titulaire du permis de conduire correspondant à la catégorie du véhicule considéré est puni d'un an d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende.

« En cas de récidive, les peines sont portées à deux ans d'emprisonnement et à 4 500 euros d'amende » ;

2° Dans le premier alinéa du II, les mots : « de l'infraction prévue » sont remplacés par les mots : « de l'une des infractions prévues ».

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 247, présenté par Mme Borvo, M. Bret, Mmes Mathon, Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade etM. Vergès, est ainsi libellé :

« Supprimer cet article. »

L'amendement n° 51, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Rédiger comme suit cet article :

« Le I de l'article L. 221-2 du code de la route est ainsi rédigé :

« I. - Le fait de conduire un véhicule sans être titulaire du permis de conduire correspondant à la catégorie du véhicule considéré est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. »

La parole est à Mme Nicole Borvo, pour présenter l'amendement n° 247.

Mme Nicole Borvo. Cet amendement a déjà été défendu.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 51 et pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 247.

M. François Zocchetto, rapporteur. L'Assemblée nationale a fait un délit de la conduite sans être titulaire du permis de conduire, alors qu'il s'agit actuellement d'une contravention. L'amendement n° 51 a deux objets.

D'une part, il porte à 15 000 euros le montant de la peine encourue pour tenir compte de la corrélation existant dans le code pénal entre le montant de l'amende encourue et la durée de la peine privative de liberté.

D'autre part, il supprime les dispositions prévues par l'Assemblée nationale pour la récidive. En effet, l'article 132-10 du code pénal prévoit, d'une manière générale, les dispositions qui s'appliquent en cas de récidive.

Quant à l'amendement n° 247, l'avis de la commission est défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 247 et favorable à l'amendement n° 51.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 247.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 51.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'article 16 octies est ainsi rédigé.

Art. 16 octies
Dossier législatif : projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité
Art. 16 decies

Article 16 nonies

Après l'article L. 233-1 du code de la route, il est inséré un article L. 233-1-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 233-1-1. - I. - Lorsque les faits prévus à l'article L. 233-1 ont été commis dans des circonstances exposant directement autrui à un risque de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente, ils sont punis de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende.

« II. - Les personnes coupables du délit prévu au présent article encourent également les peines complémentaires suivantes, outre celles prévues par les 2° et 3° du II de l'article L. 233-1 :

« 1° La suspension, pour une durée de cinq ans au plus, du permis de conduire ; cette suspension ne peut être assortie du sursis ni être limitée à la conduite en dehors de l'activité professionnelle ;

« 2° L'annulation du permis de conduire avec interdiction de solliciter la délivrance d'un nouveau permis pendant cinq ans au plus ;

« 3° La confiscation d'un ou de plusieurs véhicules appartenant au condamné ;

« 4° L'interdiction de détenir ou de porter, pour une durée de cinq ans au plus, une arme soumise à autorisation ;

« 5° La confiscation d'une ou plusieurs armes dont le condamné est propriétaire ou dont il a la libre disposition.

« III. - Ce délit donne lieu de plein droit à la réduction de la moitié du nombre de points initial du permis de conduire. »

L'amendement n° 248, présenté par Mme Borvo, M. Bret, Mmes Mathon, Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est ainsi libellé :

« Supprimer cet article. »

La parole est à Mme Nicole Borvo.

Mme Nicole Borvo. Cet amendement a déjà été défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François Zocchetto, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 248.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 16 nonies.

(L'article 16 nonies est adopté.)

Art. 16 nonies
Dossier législatif : projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité
Art. 16 undecies

Article 16 decies

M. le président Il est inséré, après l'article L. 324-1 du code de la route, un article L. 324-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 324-2. - I. - Le fait, en contravention avec l'article L. 211-1 du code des assurances, de mettre ou de maintenir en circulation un véhicule terrestre à moteur ainsi que ses remorques et semi-remorques sans être couvert par une assurance garantissant la responsabilité civile est puni de 3 750 euros d'amende.

« En cas de récidive, les peines sont portées à deux ans d'emprisonnement et à 4 500 euros d'amende.

« II. - Toute personne coupable des infractions prévues au présent article encourt également les peines complémentaires suivantes :

« 1° La peine de travail d'intérêt général, selon les modalités prévues à l'article 131-8 du code pénal et selon les conditions prévues aux articles 131-22 à 131-24 du même code ;

« 2° La peine de jours-amende dans les conditions fixées aux articles 131-5 et 131-25 du code pénal ;

« 3° L'interdiction de conduire certains véhicules terrestres à moteur, y compris ceux pour la conduite desquels le permis de conduire n'est pas exigé, pour une durée de cinq ans au plus ;

« 4° L'obligation d'accomplir, à ses frais, un stage de sensibilisation à la sécurité routière ;

« 5° La confiscation du véhicule dont le condamné s'est servi pour commettre l'infraction.

« III. - L'immobilisation peut être prescrite, dans les conditions prévues aux articles L. 325-1 à L. 325-3. »

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 249, présenté par Mme Borvo, M. Bret, Mmes Mathon, Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est ainsi libellé :

« Supprimer cet article. »

L'amendement n° 52, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Rédiger comme suit cet article :

« I. - Après l'article L. 324-1 du code de la route, il est inséré un article L. 324-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 324-2. - I. - Le fait, y compris par négligence, de mettre ou de maintenir en circulation un véhicule terrestre à moteur ainsi que ses remorques ou semi-remorques sans être couvert par une assurance garantissant sa responsabilité civile conformément aux dispositions de l'article L. 211-1 du code des assurances, est puni de deux mois d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende.

« II. - Toute personne coupable de l'infraction prévue au présent article encourt également les peines complémentaires suivantes :

« 1° La peine de travail d'intérêt général selon les modalités prévues à l'article 131-8 du code pénal et selon les conditions prévues aux articles 131-22 à 131-24 du même code ;

« 2° La peine de jours-amende dans les conditions fixées aux articles 131-5 et 131-25 du code pénal ;

« 3° La suspension, pour une durée de trois ans au plus, du permis de conduire, cette suspension ne pouvant pas être limitée à la conduite en dehors de l'activité professionnelle ;

« 4° L'annulation du permis de conduire avec interdiction de solliciter la délivrance d'un nouveau permis pendant trois ans au plus ;

« 5° L'interdiction de conduire certains véhicules terrestres à moteur, y compris ceux pour la conduite desquels le permis de conduire n'est pas exigé, pour une durée de cinq ans au plus ;

« 6° L'obligation d'accomplir, à ses frais, un stage de sensibilisation à la sécurité routière ;

« 7° La confiscation du véhicule dont le condamné s'est servi pour commettre l'infraction, s'il en est le propriétaire.

« III. - L'immobilisation peut être prescrite, dans les conditions prévues aux articles L. 325-1 à L. 325-3. ».

« II. - La section VII du chapitre I du titre I du livre II du code des assurances est ainsi modifiée :

« 1° L'article L. 211-26 devient l'article L. 211-27 ;

« 2° L'article L. 211-26 est ainsi rétabli :

« Art. L. 211-26. - Les dispositions du code de la route réprimant la conduite d'un véhicule terrestre à moteur sans être couvert par une assurance garantissant sa responsabilité civile conformément aux dispositions de l'article L. 211-1 du code des assurances sont reproduites ci-après :

« Art. L. 324-2. - I. - Le fait, y compris par négligence, de mettre ou de maintenir en circulation un véhicule terrestre à moteur ainsi que ses remorques ou semi-remorques sans être couvert par une assurance garantissant sa responsabilité civile conformément aux dispositions de l'article L. 211-1 du code des assurances, est puni de deux mois d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende.

« II. - Toute personne coupable de l'infraction prévue au présent article encourt également les peines complémentaires suivantes :

« 1° La peine de travail d'intérêt général selon des modalités prévues à l'article 131-8 du code pénal et selon les conditions prévues aux articles 131-22 à 131-24 du même code ;

« 2° La peine de jours-amende dans les conditions fixées aux articles 131-5 et 131-25 du code pénal ;

« 3° La suspension, pour une durée de trois ans au plus, du permis de conduire, cette suspension ne pouvant pas être limitée à la conduite en dehors de l'activité professionnelle ;

« 4° L'annulation du permis de conduire avec interdiction de solliciter la délivrance d'un nouveau permis pendant trois ans au plus ;

« 5° L'interdiction de conduire certains véhicules terrestres à moteur, y compris ceux pour la conduite desquels le permis de conduire n'est pas exigé, pour une durée de cinq ans au plus ;

« 6° L'obligation d'accomplir, à ses frais, un stage de sensibilisation à la sécurité routière ;

« 7° La confiscation du véhicule dont le condamné s'est servi pour commettre l'infraction, s'il en est le propriétaire.

« III. - L'immobilisation peut être prescrite, dans les conditions prévues aux articles L. 325-1 à L. 325-3. »

« III. - Les dispositions de l'article L. 324-2 du code de la route reproduites dans le code des assurances sont modifiées de plein droit par les modifications éventuelles de cet article. »

La parole est à Mme Nicole Borvo, pour présenter l'amendement n° 249.

Mme Nicole Borvo. Cet amendement a déjà été défendu.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 52 et pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 249.

M. François Zocchetto, rapporteur. L'Assemblée nationale a fait un délit de la conduite sans assurance. Par l'amendement n° 52, la commission propose, par souci de cohérence et de rédaction, de prévoir de réprimer ces faits par une peine de deux mois d'emprisonnement et 3 750 euros d'amende. Il n'y a en effet aucune raison d'instituer un délit si aucune peine d'emprisonnement n'est prévue. Il s'agit aussi de préciser que l'infraction peut être commise « y compris par négligence. »

La commission souhaite aussi, par cohérence avec le précédent amendement n° 51, supprimer la référence à la récidive, puisque cette dernière est prévue par l'article 132-10 du code pénal.

Elle est, par ailleurs, défavorable à l'amendement n° 249.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 249 et favorable à l'amendement n° 52, qui ajoute des éléments de cohérence au projet de loi.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 249.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 52.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'article 16 decies est ainsi rédigé.

Art. 16 decies
Dossier législatif : projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité
Art. additionnels après l'art. 16 undecies

Article 16 undecies

I. - Après l'article L. 325-1 du code de la route, il est inséré un article L. 325-1-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 325-1-1. - En cas de constatation d'un délit prévu par le présent code ou le code pénal pour lequel la peine de confiscation du véhicule est encourue, l'officier ou l'agent de police judiciaire peut, avec l'autorisation préalable du procureur de la République donnée par tout moyen, faire procéder à l'immobilisation et à la mise en fourrière du véhicule.

« Si la juridiction ne prononce pas la peine de confiscation du véhicule, celui-ci est restitué au propriétaire, sous réserve des dispositions du troisième alinéa. Si la confiscation est ordonnée, le véhicule est remis au service des domaines en vue de sa destruction ou de son aliénation. Les frais d'enlèvements et de garde en fourrière sont à la charge du condamné.

« Si la juridiction prononce la peine d'immobilisation du véhicule, celui-ci n'est restitué au condamné qu'à l'issue de la durée de l'immobilisation fixée par la juridiction contre paiement des frais d'enlèvement et de garde en fourrière, qui sont à la charge de ce dernier.

« Un décret en Conseil d'Etat détermine, en tant que de besoin, les conditions d'application du présent article. »

II. - Dans le dernier alinéa de l'article 131-21 du code pénal, sont insérés, après le mot : « saisi », les mots : « ou mis en fourrière ».

Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 250, présenté par Mme Borvo, M. Bret, Mmes Mathon, Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est ainsi libellé :

« Supprimer cet article. »

L'amendement n° 185, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« I. - Supprimer la dernière phrase du deuxième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 325-1-1 du code de la route.

« II. - Dans l'avant-dernier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 325-1-1 du code de la route, après les mots : "fixée par la juridiction", supprimer le reste de la phrase. »

L'amendement n° 53, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Rédiger comme suit la dernière phrase du deuxième alinéa du texte proposé par le paragraphe I de cet article pour l'article L. 325-1-1 du code de la route : "Les frais d'enlèvement et de garde en fourrière sont à la charge de l'acquéreur". »

La parole est à Mme Nicole Borvo, pour défendre l'amendement n° 250.

Mme Nicole Borvo. Cet amendement a déjà été défendu.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour défendre l'amendement n° 185.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Avec cet article, on est bien loin de la grande criminalité organisée.

Le deuxième alinéa du texte proposé par le I de l'article 16 undecies pour l'article L. 325-1-1 du code de la route est ainsi rédigé : « Si la juridiction ne prononce pas la peine de confiscation du véhicule, celui-ci est restitué à son propriétaire, sous réserve des dispositions du troisième alinéa. Si la confiscation est ordonnée, le véhicule est remis au service des domaines en vue de sa destruction ou de son aliénation. »

L'Assemblée nationale, saisie en deuxième lecture, a ajouté : « Les frais d'enlèvement et de garde en fourrière sont à la charge du condamné. »

Le moins que l'on puisse dire, c'est que le malheureux condamné a déjà été suffisamment puni : il s'est vu confisquer sa voiture, probablement condamner à une amende. De plus, il a eu des frais. Lui ajouter la prise en charge de l'enlèvement et de garde en fourrière, cela fait tout de même beaucoup, d'autant que la durée de la mise en fourrière ne dépend pas de lui !

C'est aussi l'avis de la commission qui a tranché en proposant de mettre les frais à la charge de l'acquéreur. Or ce sont des frais qui peuvent être lourds, surtout si la fourrière est privée.

Il nous semble que le mieux serait tout de même que l'Etat utilise ses fourrières qui sont nombreuses sur le territoire, puisque à ce moment-là, la garde du véhicule ne lui coûterait rien. Mais compte tenu des nombreuses rentrées, sous toutes leurs formes, que la voiture rapporte au total à l'Etat - tout le monde s'accorde d'ailleurs à dire que la voiture est une « vache à lait » -, l'Etat pourrait accepter de prendre en charge les frais de fourrière.

C'est la raison pour laquelle nous soumettons l'amendement n° 185 à la sagesse du Sénat en vous demandant, mes chers collègues, de supprimer, après les mots « fixée par la juridiction », le reste de la phrase, afin que les frais soient à la charge de l'Etat.

M. Patrice Gélard. C'est-à-dire des contribuables !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. L'alinéa suivant du texte proposé par le I de l'article 1616 undecies pour l'article L. 325-1-1 du code de la route prévoit : « Si la juridiction prononce la peine d'immobilisation du véhicule, celui-ci n'est restitué au condamné qu'à l'issue de la durée de l'immobilisation fixée par la juridiction contre paiement des frais d'enlèvement et de garde en fourrière, qui sont à la charge de ce dernier ».

Là encore, la disposition peut aller assez loin et ce sont autant de frais supplémentaires qui viennent s'ajouter. Il serait raisonnable, même si nous n'avons pas déposé d'amendement, ce que je regrette et ce qui m'étonne, que les frais restent à la charge de l'Etat.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 53 et pour donner l'avis de la commission sur les amendements n°s 250 et 185.

M. François Zocchetto, rapporteur. La commission est défavorable à l'amendement n° 250.

Elle est également défavorable à l'amendement n° 185, car elle souhaite que les frais soient à la charge de l'acquéreur, comme c'est le cas pour la plupart des ventes de l'Etat. L'acquéreur qui se présente connaît le prix demandé pour le véhicule. Il est informé du montant des frais de garde et d'enlèvement et se prononce en connaissance de cause.

Tel est l'objet de l'amendement n° 53.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Si c'est trop cher, on ne pourra pas le vendre !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable aux amendements n°s 250 et 185. En revanche, il se rallie volontiers à l'amendement n° 53, qui prévoit une formule pratique consistant à inclure les frais d'enlèvement et de garde en fourrière dans le prix à la charge de l'acquéreur.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 250.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur l'amendement n° 185.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je ne sais pas si je me suis bien fait comprendre. Si le prix de la voiture est augmenté très au-delà de sa valeur réelle, il ne sera plus possible de la vendre et elle restera « sur les bras de l'Etat ». Dans ce cas, elle sera immobilisée beaucoup plus longtemps, et c'est l'Etat qui devra la faire transporter et détruire. Cela nous paraît une erreur que de chercher qui supportera les frais, plutôt que de les laisser à la charge de l'Etat.

Tel était l'objet de notre amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 185.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 53.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 16 undecies, modifié.

(L'article 16 undecies est adopté.)

Articles additionnels après l'article 16 undecies

Art. 16 undecies
Dossier législatif : projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité
Art. additionnel avant le chapitre Ier

M. le président. L'amendement n° 54, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Après l'article 16 undecies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« I. - Il est inséré, après l'article L. 317-4 du code de la route, un article ainsi rédigé :

« Art. L. 317-4-1. - I. - Le fait de mettre en circulation ou de faire circuler un véhicule à moteur ou une remorque muni d'une plaque portant un numéro d'immatriculation attribué à un autre véhicule dans des circonstances qui ont déterminé ou auraient pu déterminer des poursuites pénales contre un tiers est puni de sept ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende.

« II. - Toute personne coupable de cette infraction encourt également les peines complémentaires suivantes :

« 1° La suspension, pour une durée de trois ans au plus, du permis de conduire, cette suspension ne pouvant être limitée à la conduite en dehors de l'activité professionnelle ;

« 2° L'annulation du permis de conduire avec interdiction de solliciter la délivrance d'un nouveau permis pendant trois ans au plus ;

« 3° La confiscation du véhicule.

« III. - Ce délit donne lieu de plein droit à la réduction de la moitié du nombre maximal de points du permis de conduire. »

« II. - Au troisième alinéa (a) de l'article 529-10 du code de procédure pénale, après les mots : "pour vol ou pour destruction du véhicule", sont insérés les mots : "ou pour le délit d'usurpation de plaque d'immatriculation prévu par l'article L. 317-4-1 du code de la route". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Zocchetto, rapporteur. La commission souhaite opérer une distinction dans l'utilisation des fausses plaques d'immatriculation selon que la personne qui commet l'infraction utilise les numéros d'une plaque existante ou non.

La commission estime qu'il est beaucoup plus grave d'utiliser une plaque qui appartient déjà à un tiers. C'est le phénomène connu sous le nom de la « doublette ».

Vous connaissez tous certainement des personnes âgées de près de quatre-vingts ans, habitant par exemple dans l'ouest de la France, qui ne sont pas venues dans la région parisienne depuis vingt-cinq ans et qui se voient convoquer par le tribunal correctionnel de Bobigny, par exemple, au motif qu'elles auraient commis une infraction en Seine-Saint-Denis. Elles ne comprennent pas, bien sûr, mais, en fait, un tiers utilise depuis un an ou deux la même plaque que celle de leur voiture.

La commission vous propose d'alourdir la peine dans ce cas et de la porter à sept ans d'emprisonnement, la peine ordinaire pour l'utilisation de fausses plaques d'immatriculation étant de cinq ans.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Le Gouvernement est tout à fait favorable à cet amendement qui complète la loi renforçant la lutte contre la violence routière de juin dernier. Cette disposition permettra, d'une part, d'éviter à ceux qui sont victimes de ces infractions de payer l'amende qui leur est infligée et, d'autre part, de lutter contre ce type de comportement délictueux.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 54.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 16 undecies.

L'amendement n° 274, présenté par MM. Béteille, Hyest, Schosteck et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

« Après l'article 16 undecies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« La dernière phrase du deuxième alinéa de l'article 530 du code de procédure pénale est complétée par les mots : " ; dans ce dernier cas, le contrevenant n'est redevable que d'une somme égale au montant de l'amende forfaitaire s'il s'en acquitte dans un délai de quarante-cinq jours, ce qui a pour effet d'annuler le titre exécutoire pour le montant de la majoration". »

La parole est à M. Laurent Béteille.

M. Laurent Béteille. Il s'agit d'un amendement de clémence visant à permettre au contrevenant négligent mais de bonne foi, ayant oublié de signaler son changement d'adresse à la préfecture et recevant un avis d'amende majoré, de régulariser sa situation dans un délai de quinze jours et, donc, de n'être pas astreint à payer le supplément d'amende. Il paiera seulement l'amende forfaitaire initiale.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François Zocchetto, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 274.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 16 undecies.

TITRE II

DISPOSITIONS RELATIVES

À L'ACTION PUBLIQUE, AUX ENQUÊTES,

À L'INSTRUCTION, AU JUGEMENT

ET À L'APPLICATION DES PEINES

Art. additionnels après l'art. 16 undecies
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Art. 17

Article additionnel avant le chapitre Ier

M. le président. L'amendement n° 227, présenté par Mme Borvo, M. Bret, Mmes Mathon, Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est ainsi libellé :

« Avant le chapitre Ier du titre II, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Les dispositions des chapitres Ier, II, III et IV du présent titre sont adoptées à titre expérimental pour une durée allant jusqu'au 31 décembre 2005.

« Le Parlement sera saisi par le Gouvernement, avant cette date, d'un rapport d'évaluation sur l'application des dispositions du présent chapitre adoptées pour une durée allant jusqu'au 31 décembre 2005. »

La parole est à Mme Nicole Borvo.

Mme Nicole Borvo. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je renouvelle ma demande d'évaluation du présent projet de loi. En effet, comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, nous estimons qu'il n'est pas normal que le Parlement vote de multiples lois bouleversant de fond en comble notre procédure pénale, quelque trois ans et demi après le vote de la loi renforçant la présomption d'innocence et les droits des victimes, sans que soit prévue une évaluation du dispositif.

Le présent texte modifiant profondément les fondements mêmes de notre procédure pénale, ce en contradiction avec les exigences de la Commission nationale des droits de l'homme et des libertés, nous demandons la réserve de cet article.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur cette demande de réserve ?

M. François Zocchetto, rapporteur. J'ai déjà expliqué hier pourquoi nous étions étonnés que Mme Borvo demande l'adoption à titre expérimental de certains des chapitres du projet de loi, puisque par ailleurs elle requiert un moratoire. Cette démarche ne me paraissant pas très cohérente, je ne vois pas l'intérêt de cette demande de réserve sur laquelle j'émets un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de réserve ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. Je consulte le Sénat sur la demande de réserve formulée par le groupe CRC.

La réserve n'est pas ordonnée.

La parole est à Mme Borvo, pour défendre l'amendement n° 227.

Mme Nicole Borvo. Il a été défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François Zocchetto, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 227.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Chapitre Ier

Dispositions relatives à l'action publique

Section 1

Dispositions générales

Art. additionnel avant le chapitre Ier
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Art. 18

Article 17

Après l'article 29 du code de procédure pénale, il est inséré un chapitre Ier bis ainsi rédigé :

« Chapitre Ier bis

« Des attributions du garde des sceaux,

ministre de la justice

« Art. 30. - Le ministre de la justice conduit la politique pénale déterminée par le Gouvernement. Il veille à la cohérence de son application sur le territoire de la République.

« A cette fin, il adresse aux magistrats du ministère public des instructions générales d'action publique.

« Il peut dénoncer au procureur général les infractions à la loi pénale dont il a connaissance et lui enjoindre, par instructions écrites et versées au dossier de la procédure, d'engager ou de faire engager des poursuites ou de saisir la juridiction compétente de telles réquisitions écrites que le ministre juge opportunes. »

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 251, présenté par Mme Borvo, M. Bret, Mmes Mathon, Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès, est ainsi libellé :

« Supprimer cet article. »

L'amendement n° 186, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour l'article 30 du code de procédure pénale :

« Art. 30. - Le ministre de la justice définit les orientations générales de la politique pénale destinées aux magistrats du ministère public et veille à la cohérence de l'application de la loi. Ces orientations sont portées à la connaissance des magistrats du siège et rendues publiques.

« Il ne peut donner aucune instruction dans les affaires individuelles. »

L'amendement n° 55, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 30 du code de procédure pénale, remplacer les mots : "la politique pénale" par les mots : "la politique d'action publique". »

La parole est à Mme Nicole Borvo, pour présenter l'amendement n° 251.

Mme Nicole Borvo. Monsieur le garde des sceaux, comme nous l'avons déjà dit, les membres du groupe CRC s'opposent à l'article 17 du projet de loi qui révèle la volonté de « reprise en main » du parquet par le Gouvernement.

En effet, lorsque l'on croise le rétablissement des instructions dans les affaires individuelles - et uniquement dans ce cas car, du point de vue des directives de politique pénale, cela ne pose pas de problème - avec le renforcement sans précédent des pouvoirs du parquet, notamment au travers de la composition pénale ou de la procédure du plaider-coupable que nous examinerons ultérieurement, les présentes dispositions sont susceptibles de graves dérives.

Au-delà du soupçon, toujours latent, de l'intrusion du politique dans le judiciaire - je rappelle tout de même qu'au plus haut rang de l'Etat des personnes sont susceptibles d'être inquiétées par la justice -, il se pose une question de cohérence du système. Soit on a un système d'opportunité des poursuites et il ne faut pas permettre l'intrusion de l'exécutif dans les procédures judiciaires, soit on met en place un système de légalité des poursuites pour éviter ce type de soupçon.

Tel est le sens de notre amendement de suppression.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour présenter l'amendement n° 186.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je ne vais pas faire de longs développements et rappeler ce que nous pensons des magistrats du ministère public tels qu'ils ont été repris en main et que l'on veut les reprendre en main. Je ne dirai pas non plus qu'il vaudrait mieux modifier le statut des membres du parquet et en faire des représentants du ministre de la justice, certes, mais non plus des magistrats, qui ne siègent plus dans les palais de justice à côté des autres magistrats, qui ne passent plus de l'une des professions à l'autre, et que, pour équilibrer le procès pénal, il faudrait qu'il y ait d'un côté le parquet, de l'autre, la défense et, au milieu, indépendamment des uns et des autres, le tribunal, c'est-à-dire les magistrats du siège.

Le texte ne va pas dans cette direction. Nous pensons pour notre part qu'il serait préférable d'introduire la disposition que nous proposons par notre amendement, à savoir : « Le ministre de la justice définit les orientations générales de la politique pénale destinées aux magistrats du ministère public et veille à la cohérence de l'application de la loi. Ces orientations sont portées à la connaissance des magistrats du siège et rendues publiques.

« Il ne peut donner aucune instruction dans les affaires individuelles. »

Or ce n'est pas du tout ce qui est indiqué dans le texte qui nous est proposé pour l'article 17. La formulation de cet article est tellement peu claire qu'un malentendu est intervenu entre l'Assemblée nationale et le Sénat, car l'Assemblée nationale comprend les choses telles que les veut en vérité le Gouvernement.

Le premier paragraphe du texte adopté par le Sénat en première lecture dispose : « Le ministre de la justice conduit la politique d'action publique déterminée par le Gouvernement. Il veille à la cohérence de son application sur le territoire de la République. » Or il est bien évident que c'est la politique d'action publique, et non pas la politique pénale, comme le dit l'Assemblée nationale, que conduit le ministre de la justice. Celui-ci ne peut en effet s'occuper que de l'action publique : il ne peut prétendre régenter la politique pénale dans la mesure où celle-ci concerne évidemment aussi les condamnations, lesquelles sont prononcées par des magistrats du siège qui, eux, sont indépendants.

J'ignore ce qui va se passer en commission mixte paritaire. Nous avons eu l'occasion de constater que l'Assemblée nationale a parfois employé les termes « politique d'action publique » et non pas « politique pénale. » Toutefois, notre amendement a l'avantage de mettre les choses au point en précisant que les orientations générales de la politique pénale sont destinées aux magistrats du ministère public. C'est clair, net et précis !

Je sais bien que vous n'êtes pas d'accord avec le deuxième alinéa : « Il ne peut donner aucune instruction dans les affaires individuelles. » Pourtant, ce serait judicieux. Mais vous pourriez peut-être adopter le premier alinéa qui, lui, clarifie les choses dans l'esprit même où vous prétendez les comprendre.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 55 et pour donner l'avis de la commission sur les amendements n°s 251 et 186.

M. François Zocchetto, rapporteur. En première lecture, à la suite d'une discussion assez consensuelle au sein de la commission des lois, nous étions convenus que les termes exacts étaient « politique d'action publique » et non pas « politique pénale. » C'est peut-être par erreur que l'Assemblée nationale a parlé, parfois, de politique pénale, parfois, de politique d'action publique.

Nous vous proposons, par l'amendement n° 55, de revenir au texte qui a été adopté en première lecture par le Sénat : « Le ministre de la justice conduit la politique d'action publique déterminée par le Gouvernement. »

Par conséquent, nous sommes défavorables à l'amendement n° 186. Du reste, M. Dreyfus-Schmidt y fait allusion à la politique pénale, ce qui est un peu curieux, puisqu'il faisait partie de ceux, de tous bords politiques, qui préféraient les termes « politique d'action publique. »

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je rectifie mon amendement, monsieur le président, en remplaçant les mots : « politique pénale » par les mots : « politique d'action publique. »

M. François Zocchetto, rapporteur. Nous sommes également défavorables à l'amendement n° 251 du groupe CRC.

M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement, n° 186 rectifié, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, et qui est ainsi libellé :

« Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour l'article 30 du code de procédure pénale :

« Art. 30. - Le ministre de la justice définit les orientations générales de la politique d'action publique destinées aux magistrats du ministère public et veille à la cohérence de l'application de la loi. Ces orientations sont portées à la connaissance des magistrats du siège et rendues publiques.

« Il ne peut donner aucune instruction dans les affaires individuelles. »

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Je suis défavorable à la suppression de l'article proposée par l'amendement n° 251.

Je suis également défavorable à l'amendement n° 186 rectifié.

J'indiquerai simplement à M. Dreyfus-Schmidt que l'orientation qui figure dans la première phrase du premier alinéa n'est pas vraiment compatible avec les dispositions du deuxième alinéa. Car, pour veiller à la cohérence de l'application de la loi, il vaut mieux pouvoir donner des instructions individuelles. Sinon, je ne vois pas bien comment on fait !

Voilà bientôt vingt mois que j'assume les fonctions de garde des sceaux et c'est justement lorsque des juridictions prennent manifestement des décisions très différentes, qui créent une sorte d'inégalité à travers le territoire, qu'il est nécessaire d'intervenir. Par exemple, en matière de feux de forêt - puisque c'est un exemple très précis, que j'ai encore en mémoire, d'instruction individuelle que j'ai donnée l'été dernier - j'ai demandé aux procureurs de requérir avec la plus extrême sévérité dans un certain nombre de cas très précis. Ces feux de forêt ayant concerné plusieurs départements, il fallait faire en sorte que les parquets des différentes juridictions adoptent la même attitude.

Pour veiller à la cohérence de l'application de la loi, c'est ainsi que le ministre de la justice doit agir. Sinon, c'est un discours, une circulaire sans applicabilité réelle.

Par ailleurs, vous le savez, ma vision constitutionnelle, qui est conforme, bien sûr, à celle du Premier ministre et du Président de la République, me conduit à penser que les termes « action publique », figurant dans l'amendement n° 55, sont plus exacts que ceux de « politique pénale », qui sont des termes usuels, et non pas juridiques.

Par conséquent, pour des raisons constitutionnelles, je suis favorable à la possibilité, pour le ministre de la justice, de pouvoir donner des instructions au parquet, parce qu'il représente la légitimité démocratique et l'exécutif dans un processus qui, par ailleurs, respecte intégralement l'indépendance du juge, lequel, bien entendu, ne doit pas recevoir d'instructions. Du reste, il ne doit pas non plus, me semble-t-il, recevoir copie des instructions que l'on a pu transmettre au parquet. Cela pourrait être considéré par le magistrat du siège comme une volonté d'intervenir dans son propre processus de jugement.

Par ailleurs, le Gouvernement émet un avis favorable sur l'amendement n° 55.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 251.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur l'amendement n° 186 rectifié.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. S'il est demandé que les orientations soient portées à la connaissance des magistrats du siège et rendues publiques, c'est dans un but de transparence. Bien entendu, les magistrats du siège en feraient ce qu'ils voudraient.

S'agissant de l'exemple des incendies de forêt que vous avez évoqué, monsieur le ministre, il nous semble que des orientations générales sont suffisantes. Vous dites que votre vision constitutionnelle est conforme à celle du Président de la République. Or ni les uns ni les autres n'avons oublié cette conférence de presse au cours de laquelle il avait expliqué qu'il n'était plus utile de donner des ordres aux procureurs, car ils n'obéissaient pas. Je ne l'ai pas inventé !

C'est dans cette optique, en accord avec le Président de la République - c'était le même qu'aujourd'hui -, que le gouvernement de Lionel Jospin avait précisément « mis en branle » une politique consistant à ne pas donner d'instructions aux membres du parquet. Evidemment, encore une fois, cela n'empêche pas le garde des sceaux de définir des orientations générales, mais il n'a pas à être informé des affaires en cours dans chaque département pour pouvoir donner des instructions individuelles. Au pire, les procureurs généraux sont là pour cela, et nous avons d'ailleurs voté hier des dispositions attribuant à certains procureurs généraux la mission de coordonner le travail des autres procureurs généraux.

Mme Nicole Borvo. Des superprocureurs !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Bref, nous ne sommes pas d'accord ! C'est un problème qui n'est pas résolu et qui rebondira. Il suffira qu'un garde des sceaux - pas vous, bien sûr, monsieur le ministre ! - envoie un hélicoptère dans l'Himalaya, afin de rechercher un procureur, pour que l'opinion réagisse à nouveau à la manière dont vous concevez maintenant les choses.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 186 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 55.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 17, modifié.

(L'article 17 est adopté.)

Art. 17
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Art. 22 A

Article 18

Les deux premiers alinéas de l'article 35 du code de procédure pénale sont remplacés par trois alinéas ainsi rédigés :

« Le procureur général veille à l'application de la loi pénale dans toute l'étendue du ressort de la cour d'appel et au bon fonctionnement des parquets de son ressort.

« A cette fin, il anime et coordonne l'action des procureurs de la République ainsi que la conduite de la politique pénale par les parquets de son ressort.

« Sans préjudice des rapports particuliers qu'il établit soit d'initiative, soit sur demande du procureur général, le procureur de la République adresse à ce dernier un rapport annuel sur l'activité et la gestion de son parquet ainsi que sur l'application de la loi. »

M. le président. L'amendement n° 56, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Dans le troisième alinéa de cet article, remplacer les mots : "La politique pénale" par les mots : "la politique d'action publique". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Zocchetto, rapporteur. C'est un amendement de coordination.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 56.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 18, modifié.

(L'article 18 est adopté.)

Section 2

Dispositions relatives à la composition pénale

et aux autres procédures alternatives aux poursuites

Art. 18
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Art. 23 (début)

Article 22 A

L'article 41-1 du code de procédure pénale est ainsi modifié :

Non modifié ;

bis Dans le 2°, après le mot : « professionnelle ; », sont insérés les mots : « cette mesure peut consister dans l'accomplissement par l'auteur des faits, à ses frais, d'un stage ou d'une formation dans un service ou un organisme sanitaire, social ou professionnel, et notamment d'un stage de citoyenneté ; »

Non modifié. (Adopté.)

Art. 22 A
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Art. 23 (interruption de la discussion)

Article 23

I. - L'article 41-2 du code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Les premier à sixième alinéas sont remplacés par quatorze alinéas ainsi rédigés :

« Le procureur de la République, tant que l'action publique n'a pas été mise en mouvement, peut proposer, directement ou par l'intermédiaire d'une personne habilitée, une composition pénale à une personne physique qui reconnaît avoir commis un ou plusieurs délits punis à titre de peine principale d'une peine d'amende ou d'une peine d'emprisonnement d'une durée inférieure ou égale à cinq ans, ainsi que, le cas échéant, une ou plusieurs contraventions connexes qui consistent en une ou plusieurs des mesures suivantes :

« 1° Verser une amende de composition au Trésor public. Le montant de cette amende est fixé en fonction de la gravité des faits ainsi que des ressources et des charges de la personne. Son versement peut être échelonné, selon un échéancier fixé par le procureur de la République, à l'intérieur d'une période qui ne peut être supérieure à un an ;

« 2° Se dessaisir au profit de l'Etat de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ou qui en est le produit ;

« 2° bis Remettre son véhicule, pour une période maximale de six mois, à des fins d'immobilisation ;

« 3° Remettre au greffe du tribunal de grande instance son permis de conduire, pour une période maximale de six mois ;

« 4° Remettre au greffe du tribunal de grande instance son permis de chasser, pour une période maximale de six mois ;

« 5° Accomplir au profit de la collectivité un travail non rémunéré pour une durée maximale de soixante heures, dans un délai qui ne peut être supérieur à six mois ;

« 6° Suivre un stage ou une formation dans un service ou un organisme sanitaire, social ou professionnel pour une durée qui ne peut excéder trois mois dans un délai qui ne peut être supérieur à dix-huit mois ;

« 7° Ne pas émettre, pour une durée de six mois au plus, des chèques autres que ceux qui permettent le retrait de fonds par le tireur auprès du tiré ou ceux qui sont certifiés et ne pas utiliser de cartes de paiement ;

« 8° Ne pas paraître, pour une durée qui ne saurait excéder six mois, dans le ou les lieux dans lesquels l'infraction a été commise et qui sont désignés par le procureur de la République, à l'exception des lieux dans lesquels la personne réside habituellement ;

« 9° Ne pas rencontrer ou recevoir, pour une durée qui ne saurait excéder six mois, la ou les victimes de l'infraction désignées par le procureur de la République ou ne pas entrer en relation avec elles ;

« 10° Ne pas rencontrer ou recevoir, pour une durée qui ne saurait excéder six mois, le ou les coauteurs ou complices éventuels désignés par le procureur de la République ou ne pas entrer en relation avec eux ;

« 11° Ne pas quitter le territoire national et remettre son passeport pour une durée qui ne saurait excéder six mois ;

« 12° Accomplir, le cas échéant à ses frais, un stage de citoyenneté. » ;

2° Les douzième et treizième alinéas sont ainsi rédigés :

« Si la personne n'accepte pas la composition pénale ou si, après avoir donné son accord, elle n'exécute pas intégralement les mesures décidées, le procureur de la République met en mouvement l'action publique, sauf élément nouveau. En cas de poursuites et de condamnation, il est tenu compte, s'il y a lieu, du travail déjà accompli et des sommes déjà versées par la personne.

« Les actes tendant à la mise en oeuvre ou à l'exécution de la composition pénale sont interruptifs de la prescription de l'action publique. » ;

3° A la troisième phrase du quatorzième alinéa, après les mots : « le tribunal », sont insérés les mots : « , composé d'un seul magistrat exerçant les pouvoirs conférés au président, » ;

bis Le quatorzième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :

« La victime a également la possibilité, au vu de l'ordonnance de validation, lorsque l'auteur des faits s'est engagé à lui verser des dommages et intérêts, d'en demander le recouvrement suivant la procédure d'injonction de payer, conformément aux règles prévues par le nouveau code de procédure civile. » ;

4° Avant le dernier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les dispositions du présent article ne sont applicables ni aux mineurs de dix-huit ans ni en matière de délits de presse, de délits d'homicides involontaires ou de délits politiques. »

II. - Les deux premiers alinéas de l'article 41-3 du même code sont ainsi rédigés :

« La procédure de composition pénale est également applicable aux contraventions.

« La durée de la privation du permis de conduire ou du permis de chasser ne peut dépasser trois mois, la durée du travail non rémunéré ne peut être supérieure à trente heures, dans un délai maximum de trois mois, et la durée d'interdiction d'émettre des chèques ne peut dépasser elle aussi trois mois. Les mesures prévues par les 8°, 9°, 10° et 11° de l'article 41-2 ne sont pas applicables. La mesure prévue par le 5° dudit article n'est pas applicable aux contraventions de la 1re à la 4e classes. Il en est de même des mesures prévues par les 2°, 2° bis, 3°, 4° et 7° de cet article, sauf si la contravention est punie des peines complémentaires visées aux 1° à 5° de l'article 131-16 du code pénal. »

III. - Le dixième alinéa (5°) de l'article L. 412-8 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :

« 5° Les détenus exécutant un travail pénal, les condamnés exécutant un travail d'intérêt général et les personnes effectuant un travail non rémunéré dans le cadre d'une composition pénale pour les accidents survenus par le fait ou à l'occasion de ce travail, dans les conditions déterminées par décret ; ».

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, sur l'article.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous abordons un col, qui sera sans doute franchi plus rapidement qu'en première lecture, parce que nous l'avons déjà reconnu. Il s'agit de faire de la composition pénale un moyen de ne pas juger les gens, c'est-à-dire de faire proposer une peine, d'ailleurs très minime, par le procureur de la République et non par un magistrat du siège, pour tous les délits passibles d'une peine inférieure ou égale à cinq années de prison. Ce n'est pas rien !

Cette proposition nous paraît très choquante, car le recours à la composition pénale n'a pas été très développé jusqu'à présent : c'est une procédure qui n'en est qu'à ses balbutiements. Et tout à coup, on l'étend à de très nombreuses infractions qui peuvent être importantes, et aux auteurs desquelles il sera proposé - il suffit de lire l'article 23 - de verser une amende de composition au Trésor public, de se dessaisir au profit de l'Etat de la chose qui a servi à commettre l'infraction, de remettre leur véhicule pour une période maximale de six mois à des fins d'immobilisation, de remettre au greffe du tribunal leur permis de conduire pour une durée maximale de six mois, vous voyez le contraste qui existe entre la peine encourue pour des délits importants et la composition pénale, fixée par le procureur de la République - de remettre au greffe du tribunal leur permis de chasser pour une période maximale de quatre mois, d'accomplir au profit de la collectivité un travail non rémunéré pour une durée maximale de soixante heures, de suivre un stage, de ne pas émettre pendant une durée de six mois au plus des chèques, etc.

Cela soulève une question, notamment en ce qui concerne les infractions sexuelles : seront-elles inscrites dans le fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ? Dans l'affirmative, comment allons-nous procéder pour ce faire, alors que, vous le savez, la composition pénale peut, certes, être proposée directement par le procureur de la République, mais elle peut aussi être proposée par l'intermédiaire d'une personne habilitée ? Comment fera-t-on pour, éventuellement, inscrire dans ce fichier l'auteur d'une infraction sexuelle, qui, normalement, entraîne l'inscription au fichier, alors que celui-ci n'aura été, pour toute punition, que privé pendant quatre mois au maximum de son permis de chasser ?

Le moins que l'on puisse dire, c'est que la justice doit être rendue par un tribunal collégial, publiquement, c'est-à-dire sous le contrôle du peuple souverain, et non pas en catimini, par un accord entre le procureur de la République et la personne concernée.

C'est pourquoi nous demandons la suppression pure et simple de l'article 23.

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante-cinq, est reprise à vingt-deux heures, sous la présidence de M. Daniel Hoeffel.)

PRÉSIDENCE DE M. DANIEL HOEFFEL

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

5

Art. 23 (début)
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Art. 23 (suite)

MISE AU POINT AU SUJET D'UN VOTE

M. le président. La parole est à M. Joseph Ostermann.

M. Joseph Ostermann. Monsieur le président, mes chers collègues, lors de la séance de jeudi dernier, consacrée à l'examen des articles du projet de loi relatif à la politique de santé publique, un amendement n° 231, défendu par notre collègue Gilbert Chabroux, a été adopté à l'unanimité.

Retenu dans ma commune touchée par de très graves inondations - il s'agissait d'une crue centennale -, je n'ai pu exprimer mon vote sur cet amendement, qui tend à rétablir la situation antérieure au vote, en novembre 2002, d'un amendement au projet de loi de finances concernant le privilège des bouilleurs de cru.

Le dispositif voté alors par le Sénat, sur mon initiative, visait à prolonger l'allocation de franchise de dix litres de cinq à dix ans afin de permettre une extinction progressive du privilège parallèlement à la diminution naturelle du nombre des personnes concernées.

La lutte contre l'alcoolisme, qui est l'argument aujourd'hui avancé, ne tient pas face à une production très marginale. En effet, permettez-moi de vous rappeler que l'eau de vie familiale ne représente que 0,14 % de la consommation d'alcool des Français.

Le dispositif voté en 2002 avait pour objet, dans le respect de la politique de lutte contre l'alcoolisme, de favoriser la mise en valeur de l'espace rural en encourageant l'entretien des vergers, ainsi que de préserver des traditions et un savoir-faire.

Je le répète une fois de plus, les arboriculteurs font partie des « jardiniers de l'espace », et je regrette que notre collègue Gilbert Chabroux veuille en faire les boucs émissaires de la consommation d'alcool en France. Ils méritent incontestablement un meilleur traitement !

C'est pourquoi je suis non seulement fermement opposé à l'amendement adopté par la Haute Assemblée jeudi dernier, mais également indigné qu'un tel amendement ait pu être voté sans véritable débat et avec l'accord - mitigé - du Gouvernement, alors que celui-ci avait approuvé le dispositif voté un an plus tôt et s'en était même largement félicité dans la presse.

Je demande par conséquent que mon vote sur l'amendement n° 231 soit rectifié.

Cette rectification est d'ailleurs sollicitée par l'ensemble des sénateurs alsaciens : pour le Bas-Rhin, MM. Philippe Richert, Francis Grignon et Daniel Hoeffel, qui préside ce soir nos débats ; pour le Haut-Rhin, MM. Daniel Eckenspieller, Hubert Haenel et Jean-Louis Lorrain. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Acte vous est donné de votre mise au point, mon cher collègue.

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je voudrais indiquer à M. Ostermann, car j'étais présent lors de ce débat, que l'amendement de M. Chabroux a été approuvé à l'unanimité des présents - je n'avais d'ailleurs pas remarqué qu'autant de sénateurs alsaciens étaient absents - et qu'il a donné l'occasion à notre collègue Jean Chérioux de nous apprendre qu'il était sans doute un des rares sénateurs à être personnellement bouilleur de cru et de nous dire à quel point il trouvait scandaleux que l'on puisse produire de l'alcool à aussi bon marché.

Il a également été rappelé que lorsque Pierre Mendès France avait porté atteinte pour l'avenir au privilège du bouilleur de cru, il y fallait beaucoup plus de courage sans doute qu'à notre époque, où les dégâts causés par l'alcool sont bien davantage reconnus.

M. le président. Monsieur Dreyfus-Schmidt, je vous donne également acte de votre déclaration, et j'ajoute qu'il n'y a rien d'anormal à ce qu'un sénateur fasse, au nom de ses collègues appartenant à un même « groupe » géographique, une mise au point au sujet d'un vote.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je comprends votre solidarité, monsieur le président !

M. le président. La solidarité géographique, en l'occurrence, doit être sans failles ! (Sourires.)

6

CANDIDATURES

À UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE

J'informe le Sénat que la commission des lois m'a fait connaître qu'elle a d'ores et déjà procédé à la désignation des candidats qu'elle présentera si le Gouvernement demande la réunion d'une commission mixte paritaire en vue de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion sur le projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité actuellement en cours d'examen.

Ces candidatures ont été affichées pour permettre le respect du délai réglementaire.

7

ÉVOLUTIONS DE LA CRIMINALITÉ

Suite de la discussion d'un projet de loi

en deuxième lecture

M. le président. Nous reprenons la discussion en deuxième lecture du projet de loi adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.

Le Sénat a commencé cet après-midi l'examen de l'article 23, dont je rappelle les termes :

Art. 23 (interruption de la discussion)
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Art. 24 A

Article 23 (suite)

I. - L'article 41-2 du code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Les premier à sixième alinéas sont remplacés par quatorze alinéas ainsi rédigés :

« Le procureur de la République, tant que l'action publique n'a pas été mise en mouvement, peut proposer, directement ou par l'intermédiaire d'une personne habilitée, une composition pénale à une personne physique qui reconnaît avoir commis un ou plusieurs délits punis à titre de peine principale d'une peine d'amende ou d'une peine d'emprisonnement d'une durée inférieure ou égale à cinq ans, ainsi que, le cas échéant, une ou plusieurs contraventions connexes qui consiste en une ou plusieurs des mesures suivantes :

« 1° Verser une amende de composition au Trésor public. Le montant de cette amende est fixé en fonction de la gravité des faits ainsi que des ressources et des charges de la personne. Son versement peut être échelonné, selon un échéancier fixé par le procureur de la République, à l'intérieur d'une période qui ne peut être supérieure à un an ;

« 2° Se dessaisir au profit de l'Etat de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ou qui en est le produit ;

« 2° bis Remettre son véhicule, pour une période maximale de six mois, à des fins d'immobilisation ;

« 3° Remettre au greffe du tribunal de grande instance son permis de conduire, pour une période maximale de six mois ;

« 4° Remettre au greffe du tribunal de grande instance son permis de chasser, pour une période maximale de six mois ;

« 5° Accomplir au profit de la collectivité un travail non rémunéré pour une durée maximale de soixante heures, dans un délai qui ne peut être supérieur à six mois ;

« 6° Suivre un stage ou une formation dans un service ou un organisme sanitaire, social ou professionnel pour une durée qui ne peut excéder trois mois dans un délai qui ne peut être supérieur à dix-huit mois ;

« 7° Ne pas émettre, pour une durée de six mois au plus, des chèques autres que ceux qui permettent le retrait de fonds par le tireur auprès du tiré ou ceux qui sont certifiés et ne pas utiliser de cartes de paiement ;

« 8° Ne pas paraître, pour une durée qui ne saurait excéder six mois, dans le ou les lieux dans lesquels l'infraction a été commise et qui sont désignés par le procureur de la République, à l'exception des lieux dans lesquels la personne réside habituellement ;

« 9° Ne pas rencontrer ou recevoir, pour une durée qui ne saurait excéder six mois, la ou les victimes de l'infraction désignées par le procureur de la République ou ne pas entrer en relation avec elles ;

« 10° Ne pas rencontrer ou recevoir, pour une durée qui ne saurait excéder six mois, le ou les coauteurs ou complices éventuels désignés par le procureur de la République ou ne pas entrer en relation avec eux ;

« 11° Ne pas quitter le territoire national et remettre son passeport pour une durée qui ne saurait excéder six mois ;

« 12° Accomplir, le cas échéant à ses frais, un stage de citoyenneté. » ;

2° Les douzième et treizième alinéas sont ainsi rédigés :

« Si la personne n'accepte pas la composition pénale ou si, après avoir donné son accord, elle n'exécute pas intégralement les mesures décidées, le procureur de la République met en mouvement l'action publique, sauf élément nouveau. En cas de poursuites et de condamnation, il est tenu compte, s'il y a lieu, du travail déjà accompli et des sommes déjà versées par la personne.

« Les actes tendant à la mise en oeuvre ou à l'exécution de la composition pénale sont interruptifs de la prescription de l'action publique. » ;

3° A la troisième phrase du quatorzième alinéa, après les mots : « le tribunal », sont insérés les mots : « , composé d'un seul magistrat exerçant les pouvoirs conférés au président, » ;

bis Le quatorzième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :

« La victime a également la possibilité, au vu de l'ordonnance de validation, lorsque l'auteur des faits s'est engagé à lui verser des dommages et intérêts, d'en demander le recouvrement suivant la procédure d'injonction de payer, conformément aux règles prévues par le nouveau code de procédure civile. » ;

4° Avant le dernier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les dispositions du présent article ne sont applicables ni aux mineurs de dix-huit ans ni en matière de délits de presse, de délits d'homicides involontaires ou de délits politiques. »

II. - Les deux premiers alinéas de l'article 41-3 du même code sont ainsi rédigés :

« La procédure de composition pénale est également applicable aux contraventions.

« La durée de la privation du permis de conduire ou du permis de chasser ne peut dépasser trois mois, la durée du travail non rémunéré ne peut être supérieure à trente heures, dans un délai maximum de trois mois, et la durée d'interdiction d'émettre des chèques ne peut dépasser elle aussi trois mois. Les mesures prévues par les 8° , 9° , 10° et 11° de l'article 41-2 ne sont pas applicables. La mesure prévue par le 5° dudit article n'est pas applicable aux contraventions de la 1re à la 4e classe. Il en est de même des mesures prévues par les 2° , 2° bis, 3° , 4° et 7° de cet article, sauf si la contravention est punie des peines complémentaires visées aux 1° à 5° de l'article 131-16 du code pénal. »

III. - Le dixième alinéa (5° ) de l'article L. 412-8 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :

« 5° Les détenus exécutant un travail pénal, les condamnés exécutant un travail d'intérêt général et les personnes effectuant un travail non rémunéré dans le cadre d'une composition pénale pour les accidents survenus par le fait ou à l'occasion de ce travail, dans les conditions déterminées par décret ; ».

M. le président. Je suis saisi de six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 187 est présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée.

L'amendement n° 252 est présenté par Mme Borvo, M. Bret, Mmes Mathon, Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar et Mme Terrade.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

« Supprimer cet article. »

L'amendement n° 189, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Dans le premier alinéa du texte proposé par le 1° du I de cet article pour remplacer les premier à sixième alinéas de l'article 41-2 du code de procédure pénale, remplacer les mots : "cinq ans" par les mots : "deux ans". »

L'amendement n° 190, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Dans la deuxième phrase du deuxième alinéa (1°) du texte proposé par le 1° du I de cet article pour remplacer les premier à sixième alinéas de l'article 41-2 du code de procédure pénale, après les mots : "Le montant de cette amende", insérer les mots : ", qui ne peut excéder ni la moitié du maximum de l'amende encourue ni 7 500 euros,". »

L'amendement n° 57, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Dans la deuxième phrase du quatrième alinéa du paragraphe I de cet article, après les mots : "de cette amende", insérer les mots : ", qui ne peut excéder la moitié du maximum de l'amende encourue,". »

L'amendement n° 188, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Compléter le deuxième alinéa (1°) du texte proposé par le 1° du I de cet article pour remplacer les premier à sixième alinéas de l'article 41-2 du code de procédure pénale par deux phrases ainsi rédigées :

« La personne à qui il est proposé une composition pénale est informée qu'elle peut se faire assister par un avocat avant de donner son accord à la proposition du procureur de la République. Cet accord est recueilli par procès-verbal dont une copie lui est remise ; »

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour défendre l'amendement n° 187.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Même si certains de nos collègues, présents cet après-midi, ne le sont plus forcément et que d'autres, présents maintenant, ne l'étaient pas avant le dîner, le Gouvernement et la commission, par son président et son rapporteur, eux, étaient et restent présents. Sans doute voudrez-vous donc bien considérer, monsieur le président, qu'en m'exprimant sur l'article 23 avant la suspension de la séance j'ai du même coup présenté cet amendement de suppression.

M. le président. Non seulement j'accepte, mais je vous en exprime ma profonde reconnaissance, monsieur Dreyfus-Schmidt ! (Sourires.)

La parole est à Mme Nicole Borvo, pour défendre l'amendement n° 252.

Mme Nicole Borvo. Par cet amendement de suppression nous renouvelons notre hostilité à l'extension considérable du champ de la composition pénale.

Qu'on en juge : désormais pourront être traités selon cette procédure les délits punis d'une peine d'amende ou d'une peine d'emprisonnement d'une durée inférieure ou égale à cinq ans. Ni M. Dreyfus-Schmidt ni moi n'avons répertorié les délits punis de telles peines, mais on peut considérer qu'une grande partie des infractions pourront être traitées par cette voie, qui concerne donc la corruption, le vol, l'escroquerie, l'abus de biens sociaux, les violences contre les personnes comme les agressions sexuelles et notamment le viol, agressions dont la gravité est pourtant telle qu'elle justifie, vient-on de nous expliquer, que leurs auteurs soient inscrits au fichier des délinquants sexuels.

On est donc loin de la vocation initiale de la composition pénale, qui, je le rappelle, se bornait dans la loi de 1999 aux tous petits contentieux. Or, déjà, nous avions exprimé des réserves sur les incidences d'une telle procédure au regard des exigences d'équité et de transparence du procès pénal.

Nous ne pouvons pas accepter la banalisation de cette procédure dérogatoire, dont la portée est accentuée par la liste impressionnante des peines qui pourront être fixées par le parquet : interdiction d'utiliser certains moyens de paiement, obligation d'accomplir un travail d'intérêt général... Certaines d'entre elles, notons-le, portent atteinte à la liberté d'aller et venir : interdiction de paraître dans certains lieux, interdiction de quitter le territoire national, alors même que la Constitution exige que de telles restrictions soient prononcées par un juge indépendant.

Tel n'est pas, quoi que l'on puisse en dire, le cas, puisque le juge des libertés et de la détention n'a en l'espèce qu'un pouvoir de validation a posteriori et non un pouvoir de décision : il ne peut qu'accepter ou refuser la mesure, sans la modifier.

Nous voyons dans l'extension de ce procédé, combinée à l'institution du plaider-coupable, la marque d'une conception de la justice essentiellement inspirée par la volonté de gérer des flux. D'ailleurs, le rapporteur de l'Assemblée nationale a été parfaitement clair lorsque sur ce point il a invoqué la baisse de la capacité de jugement.

Evidemment, si c'est « la baisse de la capacité de jugement » qui oblige maintenant la justice à juger rapidement, nous ne pouvons que demander la suppression de l'article 23 !

M. le président. La parole est à M. Dreyfus-Schmidt, pour présenter les amendements n°s 189 et 190.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. L'amendement n° 189 est évidemment un amendement de repli puisque nous sommes opposés à la composition pénale et plus encore à son extension. Aussi cet amendement de repli tend-il non seulement à empêcher l'extension du champ de cette procédure, mais aussi à le réduire.

Dans le cadre de cette procédure tout à fait particulière, le procureur ou son délégué peut proposer un arrangement prévoyant des peines ou, plus exactement, car ce ne sont même pas des peines, des mesures extrêmement réduites alors qu'il peut s'agir d'actes graves. Je rappelle, notamment à Mme Borvo, qu'en première lecture j'ai énuméré l'ensemble des infractions passibles d'une peine inférieure ou égale à cinq ans : elles sont en effet très importantes. Si cette procédure devait, hélas ! être maintenue, nous proposons de la limiter aux délits pour lesquels la peine encourue est inférieure ou égale à deux ans d'emprisonnement.

L'amendement n° 190 peut paraître curieux.

Le texte tel qu'il nous parvient de l'Assemblée nationale prévoit que le procureur peut inviter l'auteur de l'acte à « verser une amende de composition au Trésor public. Le montant de cette amende est fixé en fonction de la gravité des faits ainsi que des ressources et des charges de la personne ».

Après tout, pourquoi en effet ne fixerait-on pas une amende très lourde ? Mais il y aurait deux inconvénients. D'abord, l'intéressé peut être amené à refuser, et que se passera-t-il ensuite ? On n'en sait rien ! Ensuite et surtout, autoriser un procureur de la République à infliger une peine dont le maximum n'est pas fixé par la loi serait un cas d'inconstitutionnalité évident et contraire à tous les principes.

Peut-être avons-nous tort de faire preuve d'un esprit aussi constructif, mais c'est en tout cas la raison pour laquelle nous proposons cet amendement.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 57.

M. François Zocchetto, rapporteur. Actuellement, les amendes de composition ne peuvent excéder ni la moitié de l'amende encourue ni 3 750 euros d'amende.

L'Assemblée nationale a supprimé toute limite au montant de l'amende de composition, ce qui ne paraît pas raisonnable à la commission des lois.

D'une part, le principe même de la composition pénale est que les peines encourues soient inférieures aux peines normalement prévues ; d'autre part, avec le texte de l'Assemblée nationale, il deviendrait possible de prononcer une peine d'amende plus importante que celle qui est prévue par le code pour l'infraction en cause.

Je vous propose donc de revenir à un texte plus modéré et plus raisonnable en prévoyant que l'amende de composition sera limitée à la moitié du maximum de la peine d'amende encourue.

Pour répondre à l'observation de M. Dreyfus-Schmidt, j'ajoute qu'il n'est pas nécessaire de fixer un plafond de 3 750 euros, puisqu'un plafond existe. C'est précisément la moitié du maximum de l'amende encourue.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour présenter l'amendement n° 188.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je réponds à mon tour à M. le rapporteur : en première lecture, c'est sur sa proposition que le Sénat avait adopté la rédaction suivante : « Le montant de cette amende, qui ne peut excéder ni la moitié du maximum de l'amende encourue ni 7 500 euros. » C'est donc que nous sommes allés à bonne école si nous proposons un plafond, même s'il est différent de celui que vous aviez fixé, monsieur le rapporteur. Mais tout cela n'a pas une importance fondamentale.

Ce qui est regrettable, c'est que l'extension de cette procédure va permettre à des gens ayant commis des délits graves de s'en tirer d'une manière discrète et à extrêmement bon compte. Je laisse maintenant à M. Badinter le soin de présenter l'amendement n° 188.

M. le président. La parole est donc à M. Robert Badinter.

M. Robert Badinter. Cet amendement n° 188 traite du droit fondamental de toute personne à se faire assister par un avocat dès l'instant où elle se trouve engagée dans une procédure ayant un caractère pénal et prévue dans le code de ce nom.

Le texte de notre amendement se justifie par lui-même : « La personne à qui il est proposé une composition pénale est informée qu'elle peut se faire assister par un avocat avant de donner son accord à la proposition du procureur de la République. » Tout le monde ne sait pas qu'il s'agit d'un droit et chacun comprendra donc l'importance de cette information.

Quant à la mention au procès-verbal et à la remise d'une copie, elles assurent la mise en oeuvre effective de ce droit de la défense.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François Zocchetto, rapporteur. Sur les amendements qui visent à supprimer les nouvelles dispositions concernant la composition pénale, à savoir les amendements n°s 187, 252, 189 et 190, la commission émet un avis défavorable.

En effet, elle considère, à l'inverse de M. Dreyfus-Schmidt ou de Mme Borvo, que la composition pénale est une très bonne chose. Cette procédure commence à entrer en pratique, et il faut lui donner le maximum de chances de réussir, car elle relève de la bonne administration de la justice dans certaines circonstances. J'ajoute que la personne à laquelle une amende est proposée n'est pas obligée d'accepter.

Quant aux dispositions proposées dans l'amendement n° 188, elles sont déjà prévues dans le dixième alinéa de l'article 41-2 du code de procédure pénale.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Je veux tout d'abord rappeler que la composition pénale a été créée en juin 1999. Ce n'est donc pas ce gouvernement qui l'a inscrite dans la loi, monsieur Dreyfus-Schmidt.

Où en est-on aujourd'hui ? Lors de sa création en juin 1999, la mise en oeuvre de la composition pénale était assez complexe et préjugeait, par exemple, qu'après la garde à vue il y ait eu libération de la personne et nouvelle convocation, ce qui explique que le démarrage ait en effet été assez lent.

Ainsi, en 2001, il n'y a eu que 1 500 compositions pénales. En 2002, le chiffre a augmenté sensiblement puisqu'il est passé à 6 800 pour atteindre en 2003 - indication que je donne au Sénat - 12 100. Le dispositif se met donc en place et la modification de la procédure que j'ai introduite dans la loi de septembre 2002 semble porter ses fruits.

Je crois très sincèrement, monsieur Dreyfus-Schmidt, que ce dispositif est très bien adapté à la petite délinquance, dans la mesure il permet des sanctions rapides. Si ces sanctions sont effectivement modestes, elles peuvent avoir un impact éducatif et constituer des sanctions - au sens positif de ce mot - tout à fait efficaces.

Je suis donc défavorable à l'amendement n° 187.

Madame Borvo, vous avez avancé des arguments erronés. Ainsi, vous avez cité la corruption. Je rappelle que la peine encourue est de dix ans et que la corruption ne peut donc entrer dans le dispositif.

Vous avez également cité le viol. Or, le viol est un crime et, à ce titre, il n'entre évidemment pas dans le champ de la composition pénale. On est vraiment là dans l'improvisation !

De quoi s'agit-il en vérité ?

Le texte initial de 1999 donnait la liste des infractions et délits concernés. Nous proposons nous de remplacer le système de la liste par un quantum de peine maximum de cinq ans, dispositif plus simple à utiliser.

Je précise que la liste de 1999 visait des violences légères, l'abandon de famille, le vol simple, des destructions ou dégradations légères, soit des actes relevant de la petite délinquance, auxquels le dispositif est adapté.

Je suis donc défavorable à l'amendement n° 252.

Je suis également défavorable à l'amendement n° 189.

Je crois que le quantum de peine de cinq ans est adapté et qu'il ne faut pas le réduire à deux ans.

S'agissant des amendements n°s 190 et 57, qui traitent du même sujet, je suis favorable à l'amendement n° 57 de la commission.

En quoi le dispositif proposé modifie-t-il la situation actuelle ?

Aujourd'hui, le montant de l'amende que le procureur de la République peut proposer dans le cadre d'une composition pénale fait l'objet d'un double plafond, comme l'a rappelé M. le rapporteur voilà un instant. Il ne peut dépasser ni la moitié de l'amende encourue, ni 3 750 euros.

L'Assemblée nationale a supprimé ces deux plafonds, ce qui ne m'apparaît pas souhaitable. La commission des lois du Sénat a proposé de maintenir un seul plafond et a prévu que l'amende de composition pénale ne puisse excéder la moitié de l'amende encourue. C'est une proposition cohérente et équilibrée, et c'est également la plus logique.

Quant à l'amendement n° 188, je vous confirme, monsieur Badinter, comme vient de le dire M. le rapporteur, que les dispositions que vous prévoyez figurent déjà dans l'article 41-2 du code de procédure pénale.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous le retirons !

M. le président. L'amendement n° 188 est retiré.

Je mets aux voix les amendements identiques n°s 187 et 252.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 189.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur l'amendement n° 190.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cet amendement vise à maintenir un plafond. Quand il nous est proposé que le montant de l'amende que le procureur de la République peut infliger dans le cadre d'une composition pénale ne puisse excéder la moitié de l'amende encourue, il faut savoir que les amendes peuvent être très élevées. L'intéressé, qui peut d'ailleurs être innocent, peut être tenté d'accepter une procédure extrêmement discrète par crainte que le procureur qui lui propose cet arrangement ne se déchaîne s'il le refuse et que l'affaire soit en définitive jugée par le tribunal correctionnel puis, éventuellement, par la cour d'appel.

Il est donc légitime de fixer un plafond. Le plafond de 7 500 euros, somme qui n'est pas négligeable, me paraît s'imposer, car certaines amendes encourues pour des délits passibles d'une peine inférieure ou égale à cinq ans d'emprisonnement sont de beaucoup supérieures à cette somme, ce que l'on néglige de nous rappeler.

C'est pourquoi notre amendement, qui vise à instituer un plafond de 7 500 euros, me paraît parfaitement justifié. C'était d'ailleurs l'avis de la commission des lois du Sénat en première lecture. Je n'ai pas attendu qu'il nous soit expliqué pourquoi la commission des lois du Sénat et son rapporteur avaient changé d'avis et abandonné cette notion de plafond.

Nous persistons, nous, dans ce qui était une idée sage.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 190.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 57.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 23, modifié.

(L'article 23 est adopté.)

Section 3

Dispositions diverses et de coordination

Art. 23 (suite)
Dossier législatif : projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité
Art. 24

Article 24 A

I. - Il est inséré, après l'article 706-53 du code de procédure pénale, un article 706-53-1 A ainsi rédigé :

« Art. 706-53-1 A. - L'action publique des crimes mentionnés à l'article 706-47 se prescrit par trente ans. La peine prononcée en cas de condamnation pour l'un de ces crimes se prescrit par trente ans à compter de la date à laquelle la condamnation est devenue définitive.

« L'action publique des délits prévus et réprimés par les articles 222-27 à 222-30, 225-7, 227-22 et 227-25 à 227-27 du code pénal se prescrit par vingt ans. La peine prononcée en cas de condamnation pour l'un de ces délits se prescrit par vingt ans à compter de la date à laquelle la condamnation est devenue définitive. »

II. - Le dernier alinéa de l'article 8 du même code est supprimé.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo, sur l'article.

Mme Nicole Borvo. Le présent article 24, qui vise à allonger à trente ans le délai de prescription en matière de délits sexuels, pose, on le sait, de vraies questions qui sont tout sauf simples.

Cette proposition de l'Assemblée nationale part en effet d'une réalité incontestable, soulignée notamment par les associations de défense des victimes d'inceste, quant aux inconvénients du délai actuel : aujourd'hui, la victime peut intenter une action dans un délai de dix ans à compter de sa majorité, donc, en pratique, jusqu'à l'âge de vingt-huit ans.

Or, il faut bien avoir à l'esprit que les jeunes quittent de plus en plus tard le domicile parental, du fait notamment qu'ils entrent plus tardivement dans la vie active, seule susceptible de leur donner l'autonomie financière requise.

Cette circonstance n'est pas sans influence sur la capacité de ces victimes d'inceste à intenter une action pénale : celle-ci est rarement envisageable tant que la victime vit sous le même toit que son bourreau.

Dans d'autres cas, la victime se refuse elle-même à accepter les faits et ce n'est parfois qu'au terme d'une psychothérapie ou d'une analyse qu'elle parvient à admettre la réalité, ce qui prend, chacun le sait, beaucoup de temps.

On observe aussi souvent, concernant les femmes, que c'est au moment où elles deviennent mères que les choses se dénouent et que la nécessité d'une action pénale devient pour elles impérative.

Ces arguments, auxquels j'ai été particulièrement sensible, plaident en faveur d'un allongement de la durée de prescription.

J'ai néanmoins conscience que l'allongement à trente ans de la durée de la prescription est susceptible de poser d'autres problèmes non pas tant d'ailleurs pour les raisons évoquées par notre rapporteur, qui plaide pour une réflexion générale sur la prescription, mais parce que certains professionnels redoutent des effets contraires à l'objectif visé.

Ainsi nous ont été rapportées les difficultés que pourrait engendrer l'allongement de la prescription en termes de preuve : alors que la victime pourrait être moins « incitée » à agir vite, la dénaturation des preuves au fil du temps rendrait plus difficile l'établissement de la culpabilité.

C'est ainsi que, de façon paradoxale, plus de non-lieux seraient prononcés dans des affaires particulièrement graves, ce qui serait particulièrement préjudiciable à la reconstruction des victimes qui perçoivent ces décisions de non-lieu comme une négation de leurs souffrances.

Etant donné ces arguments contradictoires et la difficulté du problème - je pense, mes chers collègues, que vous le reconnaissez - une solution transactionnelle pourrait néanmoins être trouvée en réservant le cas des mineurs victimes devenus majeurs et en prévoyant un allongement à vingt ans de la durée de la prescription.

Telles sont les observations que je souhaitais formuler sur cet article, en demandant au Gouvernement de bien vouloir examiner la suggestion que je lui fais ici. Si elle n'était pas prise en compte, je voterais le texte de l'Assemblée nationale.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 58 est présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission.

L'amendement n° 191 est présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

« Supprimer cet article. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Zocchetto, rapporteur. Mme Borvo a bien introduit ce sujet extrêmement délicat en rappelant quelle était la situation. Je me permettrai d'apporter quelques précisions complémentaires mais je partage entièrement ses propos s'agissant de la situation des victimes d'infractions sexuelles dont les conséquences sont particulièrement douloureuses.

Fort heureusement, en vertu d'une loi de 1999,...

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Bonne période ! (Sourires.)

M. François Zocchetto, rapporteur. ... le délai de prescription des crimes et délits sexuels sur les mineurs commence à courir à partir de la majorité de la victime. Il s'agit d'une excellente initiative qui a produit des effets très positifs. Elle a permis aux victimes d'obtenir réparation, mais également - n'oublions pas que c'est l'objet du droit pénal de poursuivre de nombreux auteurs d'infractions, ce que l'on n'aurait pu faire sans cette modification.

Aujourd'hui, la prescription commence donc à courir à compter de la majorité de la victime. Elle est de dix ans pour les crimes sexuels, c'est-à-dire le viol, et également de dix ans pour tous les délit sexuels punis de dix ans d'emprisonnement, c'est-à-dire les agressions sexuelles aggravées.

Je me permets, au risque de prolonger les débats, de les énoncer de nouveau. Il s'agit des agressions sexuelles qui ont entraîné une blessure ou une lésion et qui sont commises : par un ascendant légitime, naturel ou adoptif, ou par toute autre personne ayant autorité sur la victime ; par une personne qui abuse de l'autorité que lui confèrent ses fonctions ; par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteur ou de complice ; avec usage ou menace d'une arme ; à raison de l'orientation sexuelle de la victime. Il existe une autre catégorie d'infractions sexuelles pour lesquelles le délai de prescription est de dix ans : ce sont les atteintes sexuelles aggravées sur les mineurs de quinze ans.

Voilà le champ d'application de la prescription de dix ans. Pour les autres infractions sexuelles, la prescription est de trois ans à compter de la majorité de la victime. L'Assemblée nationale a décidé de porter à vingt ans, pour les délits, et à trente ans, pour les crimes, la durée de la prescription en matière d'infractions sexuelles, à compter de la majorité.

L'intention est sans doute louable et elle est compréhensible au regard de ce que subissent certaines victimes. Néanmoins, en première comme en deuxième lecture, la commission s'est longuement interrogée sur cette question, prolongeant ainsi une réflexion qui s'était déjà engagée au sein de notre assemblée. Nous avions en effet refusé de multiplier les dérogations dans l'allongement des délais de prescription des crimes et des délits.

Le problème est de savoir si l'imprescriptibilité des infractions pénales en France est souhaitable. (M. Robert Badinter s'exclame.) Si tel est le cas, il faut le dire, mais cela mérite plus qu'une réflexion, cela nécessite un très large débat.

Je n'ai pas l'expérience de la plupart d'entre vous, mais je crois savoir que la position constante, en France, du législateur est de ne pas souhaiter une telle imprescriptibilité, sauf peut-être pour une ou deux situations particulières qui dépassent d'ailleurs le cadre des actes commis exclusivement sur le territoire français.

A partir du moment où nous refusons l'imprescriptibilité, il nous faut nous demander si, en France, les délais de prescription pour les crimes et pour les délits sont adaptés.

J'ai déjà eu l'occasion de m'exprimer - comme d'autres - sur le fait que l'allongement de la durée de vie, l'évolution des méthodes d'investigation et d'enquête, avec l'utilisation de nouvelles technologies, peut-être aussi l'attente de nos concitoyens, pouvaient nous conduire à modifier les délais de prescription sur les crimes et délits.

La commission des lois est allée assez loin sur le sujet et a suggéré que le délai général de prescription soit porté de dix ans à vingt ans pour les crimes et de trois ans à sept ans pour les délits punis de plus de cinq ans d'emprisonnement.

Nous devons poursuivre cette réflexion, à la faveur de la sollicitation de l'Assemblée nationale. Toutefois, en dépit de toute l'attention que nous devons aux victimes d'infractions particulières, je ne suis pas favorable à une dérogation supplémentaire qui pourrait entraîner des situations parfois inattendues dans la hiérarchie des sanctions pénales : ainsi, certaines atteintes sexuelles faisant l'objet de délais de prescription seraient plus sévèrement punies que le meurtre ou l'assassinat, par exemple.

Peut-être certains pensent-ils qu'il faut revoir la hiérarchie des infractions. Pour ma part, je ne suis pas convaincu qu'il faille punir plus sévèrement les atteintes sexuelles que le meurtre ou l'assassinat. Cela pourrait entraîner des comportements curieux chez certains délinquants.

En l'état actuel de notre réflexion sur la modification des délais de prescription en matière de crimes et de délits - et je souhaite que M. le garde des sceaux nous apporte son soutien comme il l'avait fait en première lecture sur ce sujet - réflexion qui est encouragée au sein du Parlement mais également peut-être par le Gouvernement, nous pourrions revenir au texte proposé en première lecture et attendre - pas trop longtemps, je l'espère ! - que le délai général de prescription puisse être revu.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour présenter l'amendement n° 191.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Notre amendement, dans sa lettre, est identique à celui que vient de présenter M. le rapporteur.

Celui-ci a rendu hommage, et je lui en suis reconnaissant - c'est suffisamment rare pour qu'on le souligne - au gouvernement précédent, qui a introduit une exception dans la loi en retardant de dix ans la prescription en matière d'infraction sexuelle. C'était une nouveauté, une exception, je le répète, et nous pouvons tous, en effet, la saluer. Son mérite est d'autant plus grand que, la notion de viol, telle qu'elle est définie par la loi, a également évolué. Il suffit désormais en effet de l'introduction de quoi que ce soit, aussi peu que ce soit, pour que le viol soit constitué, ce qui n'était pas le cas antérieurement.

Nous n'en sommes pas moins l'objet, les uns et les autres - pourquoi ne pas le reconnaître ? - d'un véritable lobbying. Tout citoyen a certes le droit d'adresser une demande à la représentation nationale. Mais nous recevons, les uns et les autres, un nombre de fax, de lettres, d'e-mails tout à fait impressionnant, émanant de femmes qui prétendent avoir été victimes et qui se plaignent de n'avoir pas eu le temps d'en prendre conscience et de porter plainte en temps utile, en des termes tellement juridiques que l'on s'étonne que ces femmes aient été si longtemps muettes. Je plaisante.

Mme Nicole Borvo. Il est des sujets sur lesquels il ne faut pas trop plaisanter !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Pour dire les choses clairement, nous avons affaire à un lobby qui envoie des lettres types préparées par des personnes qui ne sont pas forcément concernées directement.

On peut également penser qu'un certain nombre de femmes, ou d'hommes d'ailleurs - les femmes ne sont pas les seules à être victimes d'agressions sexuelles, c'est aussi souvent le cas d'enfants et de jeunes garçons - âgés de plus de vingt-huit ans au moment de la promulgation de la loi de 1999, n'ont pas eu, eux, la possibilité de porter plainte. C'est ainsi ! Les lois ne peuvent pas être rétroactives à l'infini. En revanche, ce n'est maintenant plus le cas : il est possible de porter plainte pendant dix ans après la majorité, et ce n'est pas rien.

Notons qu'on ne nous dit même pas combien de plaintes émanant de personnes, âgées de dix-huit à vingt-huit ans, ont été déposées depuis la nouvelle loi et quel sort leur a été réservé. Faudrait-il maintenant supprimer toute prescription pénale ? Je crains que, même avec l'apport de toutes vos nouvelles procédures, nos tribunaux ne puissent suffire à juger des infractions commises cinquante ou soixante ans plus tôt. Il faut bien qu'il y ait une limite. Il est vrai que des évolutions se produisent dans notre monde, bien entendu, mais nos anciens n'étaient pas idiots.

S'ils ont retenu - et depuis toujours - cette idée de prescription, c'est parce que les infractions troublent l'ordre public lorsqu'elles viennent de se produire, puis pendant un certain temps. Mais longtemps après, ce sont les poursuites, le rappel des faits oubliés, qui troubleraient l'ordre public. C'est pourquoi l'idée de prescription est depuis toujours inscrite dans notre droit.

Bien entendu, il existe une exception à ce principe : les crimes contre l'humanité sont imprescriptibles. Est d'ailleurs très choquante la comparaison qui est parfois établie entre ceux-ci et les infractions sexuelles par les auteurs des courriels que nous recevons. En effet, s'il est normal d'avoir posé une telle exception pour des crimes d'une ampleur telle qu'ils ne peuvent s'effacer des mémoires, il ne faut pas les banaliser en les assimilant à quoi que ce soit d'autre.

J'ajoute que les auteurs d'infractions sexuelles sont souvent des malades, à tel point que nous sommes unanimes pour accepter l'idée de créer un fichier les recensant, même si nos opinions peuvent diverger sur les modalités de sa constitution et sur les possibilités pour les intéressés de demander à en être radiés, dans des conditions équitables. Dès lors qu'un tel fichier aura été mis en place, les victimes pourront être rassurées : les auteurs d'infractions sexuelles ne risqueront plus, en cas de récidive, d'échapper à la sanction. C'est déjà là une réponse aux personnes qui nous interpellent.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous estimons que, en l'état actuel des choses et en l'absence d'une réflexion complète sur l'ensemble des prescriptions, il n'y a pas lieu de maintenir le dispositif qui a été introduit à l'Assemblée nationale. Sur ce point, nous rejoignons tout à fait la commission des lois.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Il me semble que le débat a déjà été suffisamment éclairant, aussi me bornerai-je à formuler deux remarques.

Tout d'abord, l'évolution des techniques d'enquête plaide en faveur de l'allongement des prescriptions.

En effet, l'un des éléments qui fondent la prescription est l'impossibilité, au-delà d'un certain temps, de démontrer l'existence de faits avérés. Dans ce cas, le jugement devient un traumatisme supplémentaire, car le tribunal, réduit à confronter des déclarations, ne peut trancher et la justice ne passe donc pas véritablement. Il y a là un vrai risque.

Or on a pu constater, dans un certain nombre d'affaires récentes, que, grâce au perfectionnement de certaines techniques, en particulier la constitution du fichier des empreintes génétiques, le temps produit désormais moins d'effets en termes d'effacement des preuves. Cela nous incitera sans doute, à l'avenir, à nous orienter plutôt vers une prolongation des délais de prescription.

Il est un second argument qui va dans le même sens, s'agissant des délits dont il est ici question : la nature de ceux-ci, leurs conséquences psychologiques pour la victime font que cette dernière peut se trouver durablement dans l'incapacité psychologique d'énoncer ce qui lui est arrivé. Là est le fond du problème ! Nous devons donc apporter une réponse à la question suivante : le délai de dix ans après la majorité est-il oui ou non suffisant pour permettre aux victimes de dire ce qu'il leur est arrivé et, éventuellement, de présenter des preuves matérielles au tribunal ? C'est aussi au regard de cette considération que l'Assemblée nationale a souhaité un allongement du délai de prescription.

Cela étant dit, j'indiquerai, pour répondre très directement à la question que M. le rapporteur m'a adressée, que porter de dix ans à trente ans après la majorité le délai de prescription ne me paraît guère raisonnable. Une telle proposition me semble excessive, la retenir constituerait un saut dans l'inconnu.

Quoi qu'il en soit, c'est une vraie question qui nous est posée. Personnellement, un certain allongement du délai de prescription ne me choquerait pas. Devant les positions très dissemblables arrêtées par l'Assemblée nationale et le Sénat en première lecture, je m'en remettrai à la sagesse de la Haute Assemblée sur les deux amendements identiques, mais il ne serait pas mauvais que les échanges en commission mixte paritaire permettent d'aboutir à une solution raisonnable, tendant à un certain allongement de la prescription, justifié par les raisons que j'ai évoquées, sans toutefois aller, peut-être, jusqu'à la durée retenue par l'Assemblée nationale lors de la deuxième lecture.

M. le président. La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote.

M. Robert Badinter. Sur cette question très sensible pour les victimes, je voudrais formuler un certain nombre d'observations.

Je fais miens les propos de M. le rapporteur concernant la nécessité de ne pas procéder, en matière de prescription, par retouches successives. En effet, une modification éventuelle du régime actuel de la prescription mérite une réflexion approfondie et doit faire l'objet d'un texte spécifique.

Cela étant, j'indiquerai, à l'adresse de nos collègues du groupe CRC, qu'il faut bien prendre la mesure de ce dont on parle.

Aujourd'hui, grâce à la loi votée en 1998, une personne ayant été victime de sévices sexuels durant son enfance a la possibilité de porter plainte pendant dix ans à compter de sa majorité.

Certes, on pourra invoquer la crainte révérencielle que peuvent ressentir ces personnes, mais il me semble qu'un tel sentiment ne correspond plus guère à l'état des mentalités. Quoi qu'il en soit, la législation actuelle permet de porter plainte jusqu'à l'âge de vingt-huit ans ; à cet âge, on est un adulte.

Je n'ignore pas, cependant, qu'une certaine pratique psychanalytique, en vigueur notamment aux Etats-Unis, vise, pour faciliter la guérison, à amener à la conscience le souvenir de sévices graves d'ordre sexuel qui auraient été subis dans la petite enfance, vers l'âge de trois ou quatre ans, mais refoulés à un degré tel qu'ils ne se manifesteraient plus, chez le patient, que par une souffrance sans cause identifiée. Il n'est alors pas du tout impossible que, parvenue au terme de ce lent processus, la personne concernée ait passé l'âge de vingt-huit ans.

Toutefois, je ne suis pas persuadé que, en matière de poursuites pénales, l'on puisse se fonder sur une pareille approche. Je veux quand même bien marquer que, si la proposition de l'Assemblée nationale devait être finalement retenue, on pourrait porter plainte jusqu'à l'âge de quarante-huit ans ! S'agissant de faits pouvant remonter à la petite enfance, la justice aurait donc à connaître d'événements survenus quelquefois quarante-cinq années plus tôt !

Chacun d'entre nous mesure ce que deviendrait alors la démarche judiciaire. Il convient de rappeler, même si cela peut paraître inconvenant à cet instant, qu'il existe une présomption fondamentale d'innocence, sur laquelle repose toute procédure pénale.

Or tenter d'établir des faits qui seraient survenus quarante-cinq ans auparavant, ce n'est pas rien !

Certes, il y a la douleur des victimes, les souffrances subies et la possibilité de se constituer partie civile. Mais il existe aussi, nous le savons, de terribles règlements de comptes, qui amèneront par exemple un conjoint abandonné à affirmer que son enfant a été, dans le passé, victime de sévices infligés par l'autre parent. L'action publique va alors être déclenchée.

Par conséquent, porter à trente ans la prescription dans le cas qui nous occupe ouvrirait la voie à des saisines de justice impossibles à traiter compte tenu du temps écoulé, mais qui engendreront, pour la personne poursuivie, de profonds traumatismes. En effet, ce n'est pas rien que d'être accusé d'inceste sur la personne de son enfant ! (Murmures sur les travées du groupe CRC.) Or bien des fois il est apparu que de telles accusations n'étaient pas fondées ; le souligner ne porte préjudice à personne.

Le dispositif actuel, qui permet d'agir pendant dix ans à compter de la majorité, me semble donc raisonnable. Que nous ayons à nous pencher, monsieur le garde des sceaux, sur l'ensemble de la question de la prescription au vu des progrès de la technique scientifique, je le conçois volontiers, mais ce n'est certainement pas à l'occasion de l'examen du présent texte que nous devons le faire.

De surcroît, au regard de l'action judiciaire, des exemples très différents montrent combien il est difficile d'apprécier la réalité des faits, de prouver quoi que ce soit lorsque les événements invoqués remontent à plusieurs décennies. Comme l'a très bien dit M. Michel Dreyfus-Schmidt, c'était d'ailleurs la première des raisons pour lesquelles il avait été décidé d'instituer la prescription au terme d'un certain délai.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo. On ne peut m'accuser, chers collègues du groupe socialiste, de vouloir que soient poursuivis jusqu'à leur mort tous les délinquants, quels qu'ils soient. Personnellement, je ne suis d'ailleurs pas favorable à la constitution d'un fichier des délinquants sexuels.

Certes, quelle horreur d'être accusé d'inceste par son enfant ! Mais quelle horreur aussi d'être victime d'un inceste de la part de son père ! En ce qui me concerne, n'étant pas aussi connue que vous, monsieur Dreyfus-Schmidt, je n'ai pas été inondée de fax ! (Sourires.) Cependant, je connais une jeune fille qui a été violée par son père, un homme à la profession et au statut social tout à fait honorables. A vingt-huit ans, après plusieurs tentatives de suicide, elle n'a toujours pas pu porter plainte, pour les raisons que j'ai évoquées tout à l'heure.

Je ne suis pas familière des théories de l'école psychanalytique américaine, mais j'estime qu'il faut quand même prendre en compte la réalité de la situation des enfants qui ont été victimes d'inceste.

A cet égard, je vous ai proposé, monsieur le ministre, de porter à vingt ans la prescription pour les crimes dont il s'agit ici. Je souhaite que vous étudiiez avec attention cette suggestion, car il ne me semble pas abusif de prévoir qu'une jeune femme ayant été victime d'un inceste dans son enfance pourra agir jusqu'à l'âge de trente-huit ans. (Mme Annie David applaudit.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 58 et 191.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, l'article 24 A est supprimé.

Art. 24 A
Dossier législatif : projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité
Art. 25 bis

Article 24

Après l'article L. 2211-1 du code général des collectivités territoriales, sont insérés deux articles L. 2211-2 et L. 2211-3 ainsi rédigés :

« Art. L. 2211-2. - Conformément aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 40 du code de procédure pénale, le maire est tenu de signaler sans délai au procureur de la République les crimes ou les délits dont il acquiert la connaissance dans l'exercice de ses fonctions.

« Le maire est avisé des suites données conformément aux dispositions de l'article 40-2 du même code.

« Le procureur de la République peut porter à la connaissance du maire ou du président de l'établissement public de coopération intercommunale toutes les mesures ou décisions de justice, civiles ou pénales, dont la communication paraît nécessaire à la mise en oeuvre d'actions de prévention, de suivi et de soutien, engagées ou coordonnées par l'autorité municipale ou intercommunale.

« Les dispositions des articles 226-13 et 226-14 du code pénal s'appliquent aux destinataires de cette information, sous réserve de l'exercice de la mission mentionnée à l'alinéa précédent.

« Art. L. 2211-3. - Les maires sont informés dans les meilleurs délais par les responsables locaux de la police ou de la gendarmerie des infractions causant un trouble grave à l'ordre public commises sur le territoire de leur commune, dans le respect des dispositions de l'article 11 du code de procédure pénale. »

M. le président. L'amendement n° 59, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Dans le texte proposé par cet article pour l'article L. 2211-3 du code général des collectivités territoriales, remplacer les mots : "dans les meilleurs délais" par les mots : "sans délai". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Zocchetto, rapporteur. Il s'agit des conditions dans lesquelles le procureur de la République doit prévenir le maire des infractions causant un trouble à l'ordre public sur le territoire de sa commune.

L'Assemblée nationale a prévu que le maire devra être informé dans les meilleurs délais. Au fil de l'examen de ce projet de loi, l'Assemblée nationale a remplacé à de nombreuses reprises la mention : « sans délai » par les mots : « dans les meilleurs délais ». Or, en l'espèce, il convient à mon sens de prévoir sans hésitation que le procureur de la République devra prévenir le maire sans délai, puisque ce dernier est tenu, pour sa part, de dénoncer sans délai les infractions à l'article 40 du code pénal.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Sagesse.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 59.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 24, modifié.

(L'article 24 est adopté.)

Art. 24
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Art. 26

Article 25 bis

I. - Après l'article 48 du code de procédure pénale, il est inséré une section 5 ainsi rédigée :

« Section 5

« Du bureau d'ordre national automatisé

des procédures judiciaires

« Art. 48-1. - Le bureau d'ordre national automatisé des procédures judiciaires constitue une application automatisée, placée sous le contrôle d'un magistrat, contenant les informations nominatives relatives aux plaintes et dénonciations reçues par les procureurs de la République ou les juges d'instruction et aux suites qui leur ont été réservées, et qui est destinée à faciliter la gestion et le suivi des procédures judiciaires par les juridictions compétentes, l'information des victimes et la connaissance réciproque entre les juridictions des procédures concernant les mêmes faits ou mettant en cause les mêmes personnes, afin notamment d'éviter les doubles poursuites.

« Cette application a également pour objet l'exploitation des informations recueillies à des fins de recherches statistiques.

« Les données enregistrées dans le bureau d'ordre national automatisé portent notamment sur :

« 1° Les date, lieu et qualification juridique des faits ;

« 2° Lorsqu'ils sont connus, les nom, prénoms, date et lieu de naissance ou la raison sociale des personnes mises en cause et des victimes ;

« 3° Les informations relatives aux décisions sur l'action publique, au déroulement de l'instruction, à la procédure de jugement et aux modalités d'exécution des peines ;

« 4° Les informations relatives à la situation judiciaire, au cours de la procédure, de la personne mise en cause, poursuivie ou condamnée.

« Les informations contenues dans le bureau d'ordre national automatisé sont conservées, à compter de leur dernière mise à jour enregistrée, pendant une durée de dix ans ou, si elle est supérieure, pendant une durée égale au délai de la prescription de l'action publique ou, lorsqu'une condamnation a été prononcée, au délai de la prescription de la peine.

« Les informations relatives aux procédures suivies par chaque juridiction sont enregistrées sous la responsabilité, selon les cas, du procureur de la République, du juge d'instruction, du juge des enfants ou du juge de l'application des peines de la juridiction territorialement compétente, par les greffiers ou les personnes habilitées qui assistent ces magistrats.

« Ces informations sont directement accessibles, pour les nécessités liées au seul traitement des infractions ou des procédures dont ils sont saisis, par les procureurs de la République, les juges d'instruction, les juges des enfants et les juges de l'application des peines de l'ensemble des juridictions ainsi que leur greffier ou les personnes habilitées qui assistent ces magistrats.

« Elles sont également directement accessibles aux procureurs de la République et aux juges d'instruction des juridictions mentionnées aux articles 704, 706-2, 706-17, 706-75, 706-102 et 706-103 pour le traitement de l'ensemble des procédures susceptibles de relever de leur compétence territoriale élargie.

« Elles sont de même directement accessibles aux procureurs généraux pour le traitement des procédures dont sont saisies les cours d'appel et pour l'application des dispositions des articles 35 et 37.

« Sauf lorsqu'il s'agit de données non nominatives exploitées à des fins statistiques ou d'informations relevant de l'article 11-1, les informations figurant dans le bureau d'ordre national automatisé ne sont accessibles qu'aux autorités judiciaires. Lorsqu'elles concernent une enquête ou une instruction en cours, les dispositions de l'article 11 sont applicables.

« Un décret en Conseil d'Etat, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, détermine les modalités d'application du présent article et précise notamment les conditions dans lesquelles les personnes intéressées peuvent exercer leur droit d'accès. »

II. - Non modifié. - (Adopté.)

Chapitre II

Dispositions relatives aux enquêtes

Section 1

Dispositions concernant le dépôt de plainte,

la durée ou l'objet des enquêtes

Art. 25 bis
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Art. 28

Article 26

I. - Non modifié.

II. - Le deuxième alinéa de l'article 53 du même code est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« A la suite de la constatation d'un crime ou d'un délit flagrant, l'enquête menée sous le contrôle du procureur de la République dans les conditions prévues par le présent chapitre peut se poursuivre sans discontinuer pendant une durée de huit jours.

« Lorsque des investigations nécessaires à la manifestation de la vérité pour un crime ou un délit puni d'une peine supérieure ou égale à cinq ans d'emprisonnement ne peuvent être différées, le procureur de la République peut décider la prolongation, dans les mêmes conditions, de l'enquête pour une durée maximale de huit jours. »

III. - Non modifié.

M. le président. L'amendement n° 192, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Dans le dernier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour remplacer le deuxième alinéa de l'article 53 du code de procédure pénale, après les mots : "procureur de la République", insérer les mots : "par ordonnance motivée". »

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce texte, qui nous réserve décidément beaucoup de surprises, prévoit que le flagrant délit ne sera plus le flagrant délit !

En effet, l'article 26 a pour objet de porter de huit jours à quinze jours la durée pendant laquelle peut se poursuivre une enquête de flagrance. Comme en matière de prescription, pourquoi s'arrêter en si bon chemin ? On va peut-être nous expliquer que, grâce aux progrès de la technique, les enquêtes de flagrance pourraient continuer pendant un mois, quarante-cinq jours, deux mois !

Nous ne sommes pas favorables à une telle évolution. Le flagrant délit est défini de la manière suivante : l'auteur des faits est poursuivi par la clameur publique. Dans ces conditions, une durée d'enquête de huit jours, c'est déjà beaucoup !

Quoi qu'il en soit, l'article 26 dispose que, en cas de crime ou de délit puni d'une peine supérieure ou égale à cinq ans d'emprisonnement, quel qu'il soit, le procureur pourra décider la prolongation de l'enquête pour une durée maximale de huit jours. A nos yeux, il convient au moins de prendre la précaution élémentaire de prévoir que le procureur de la République devra expliquer, par une ordonnance motivée, pourquoi il estime nécessaire une telle prolongation, qui doit rester exceptionnelle.

Tel est l'objet de notre amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François Zocchetto, rapporteur. M. Michel Dreyfus-Schmidt nous propose de prévoir que l'enquête de flagrance ne puisse être prolongée que par ordonnance motivée du procureur.

Selon la commission, une telle procédure n'est pas adaptée à ce type de décision. Je rappelle que, aux termes de la rédaction initiale du projet de loi, était prévue une extension systématique de la durée de l'enquête de flagrance, mais que le Sénat, suivi, d'ailleurs, par l'Assemblée nationale, a souhaité qu'une décision en ce sens du procureur soit nécessaire.

La commission, estimant qu'il s'agit là d'un équilibre satisfaisant qu'il ne convient pas de modifier, émet un avis défavorable sur l'amendement n° 192.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 192.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 26.

(L'article 26 est adopté.)

Section 2

Dispositions concernant les perquisitions

et les réquisitions

Art. 26
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Art. 29 B

Article 28

I. - Non modifié.

II. - L'article 60-1 du même code est ainsi rétabli :

« Art. 60-1. - L'officier de police judiciaire peut requérir de toute personne, de tout établissement ou organisme privé ou public ou de toute administration publique qui sont susceptibles de détenir des documents intéressant l'enquête, y compris ceux issus d'un système informatique ou d'un traitement de données nominatives, de lui remettre ces documents, sans que puisse lui être opposée, sans motif légitime, l'obligation au secret professionnel. Lorsque les réquisitions concernent des personnes mentionnées aux articles 56-1 à 56-3, la remise des documents ne peut intervenir qu'avec leur accord.

« A l'exception des personnes mentionnées aux articles 56-1 à 56-3, le fait de s'abstenir de répondre dans les meilleurs délais à cette réquisition est puni d'une amende de 3 750 euros. Les personnes morales sont responsables pénalement, dans les conditions prévues par l'article 121-2 du code pénal, du délit prévu par le présent alinéa. »

III. - Non modifié.

IV. - L'article 77-1-1 du même code est ainsi rétabli :

« Art. 77-1-1. - Le procureur de la République ou, sur autorisation de celui-ci, l'officier de police judiciaire, peut requérir de toute personne, de tout établissement ou organisme privé ou public ou de toute administration publique qui sont susceptibles de détenir des documents intéressant l'enquête, y compris ceux issus d'un système informatique ou d'un traitement de données nominatives, de lui remettre ces documents, sans que puisse lui être opposée, sans motif légitime, l'obligation au secret professionnel. Lorsque les réquisitions concernent des personnes mentionnées aux articles 56-1 à 56-3, la remise des documents ne peut intervenir qu'avec leur accord.

« En cas d'absence de réponse de la personne aux réquisitions, les dispositions du second alinéa de l'article 60-1 sont applicables. » - (Adopté.)

Section 3

Dispositions relatives aux personnes convoquées,

recherchées ou gardées à vue au cours de l'enquête

Art. 28
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Art. 29 C

Article 29 B

L'article 75-2 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« Art. 75-2. - L'officier de police judiciaire qui, dans le cadre d'une enquête préliminaire concernant un crime ou un délit, identifie une personne à l'encontre de laquelle existent des indices laissant présumer qu'elle a commis ou tenté de commettre l'infraction sur laquelle porte l'enquête, en avise le procureur de la République dans les meilleurs délais. »

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 60 est présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission.

L'amendement n° 193 est présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

« Supprimer cet article. »

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 60.

M. François Zocchetto, rapporteur. Par cet amendement, nous proposons de revenir à la rédaction que nous avions établie lors de la première lecture, aux termes de laquelle le procureur sera avisé sans délai - et non « dans les meilleurs délais » - par l'officier de police judiciaire losque ce dernier aura identifié un suspect au cours d'une enquête préliminaire concernant un crime ou un délit.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour présenter l'amendement n° 193.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cet amendement est identique à celui de la commission.

Cela étant, je n'ai pas obtenu de réponse à une question que j'avais posée à M. le rapporteur et à M. le président de la commission des lois lors de la discussion générale.

Il s'agit ici d'un principe sur lequel nous sommes d'accord, et ce depuis la première lecture.

M. René Garrec, président de la commission des lois. Oui !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Lors de commission mixte paritaire, notre point de vue commun prévaudra sans discussion si, aux voix de la majorité sénatoriale, se joignent celles des minorités du Sénat et de l'Assemblée nationale.

Par conséquent, j'aimerais bien savoir, tout de même, si nous pouvons compter que la commission persistera dans sa clairvoyance (M. Jean-Pierre Sueur sourit), ou si, au contraire, pour des raisons politiques qui seraient tout fait indignes de vous, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, vous seriez susceptibles de passer des accords directs avec la majorité de l'Assemblée nationale, ce que je me refuse à croire, et de nous laisser défendre seuls les principes auxquels, apparemment, nous sommes les uns et les autres attachés.

M. René Garrec, président de la commission des lois. Ce sont des insinuations malveillantes !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. François Zocchetto, rapporteur. Vous aviez déjà posé cette question lors de la discussion générale, monsieur Dreyfus-Schmidt.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous ne m'aviez pas répondu !

M. François Zocchetto, rapporteur. Je n'allais pas vous répondre à cette occasion, pas plus que je ne le ferai maintenant. Vous aurez la réponse mardi prochain, à partir de dix heures. J'espère que nous ne serons pas privés de votre présence en commission mixte paritaire. A ce moment-là, vous pourrez juger du travail cohérent de la commission des lois et du Sénat. Nous sommes déjà en deuxième lecture. Je ne pense pas qu'il y ait beaucoup d'incohérences par rapport à la première lecture.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Jusqu'à présent non ! Quel suspense !

M. le président. En tout état de cause, vos observations seront gravées au Journal officiel.

Quel est l'avis du Gouvernement sur les deux amendements identiques ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 60 et 193.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, l'article 29 B est supprimé.

Art. 29 B
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Art. 29 bis

Article 29 C

L'article 77-3 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« Art. 77-3. - Lorsque l'enquête n'a pas été menée sous la direction du procureur de la République du tribunal de grande instance dans le ressort duquel la garde à vue a été réalisée, celui-ci adresse dans les meilleurs délais la demande mentionnée à l'article 77-2 au procureur de la République qui dirige l'enquête. »

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 61 est présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission.

L'amendement n° 194 est présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattaché.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

« Supprimer cet article. »

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 61.

M. François Zocchetto, rapporteur. Je propose de revenir au texte du Sénat et à l'idée de « sans délai », au lieu de « dans les meilleurs délais ».

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour présenter l'amendement n° 194.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Même objet.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 61 et 194.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, l'article 29 C est supprimé.

Art. 29 C
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Art. additionnels après l'art. 29 bis

Article 29 bis

La dernière phrase du premier alinéa de l'article 63 et la deuxième phrase du premier alinéa de l'article 77 du code de procédure pénale sont ainsi rédigées :

« Sauf en cas de circonstance insurmontable, il en informe dans les meilleurs délais le procureur de la République. »

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 62 est présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission.

L'amendement n° 195 est présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

« Supprimer cet article. »

L'amendement n° 196, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Au début du texte proposé par cet article pour modifier les articles 63 et 77 du code de procédure pénale, supprimer les mots : "Sauf en cas de circonstance insurmontable,". »

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 62.

M. François Zocchetto, rapporteur. Il s'agit toujours de la même problématique. Je propose un retour au texte du Sénat avec les termes « dès le début de la mesure », et non « dans les meilleurs délais, sauf circonstance insurmontable ». En conséquence, la commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 196, qui est un amendement de repli.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour présenter les amendements n°s 195 et 196.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. L'amendement n° 195 a le même objet que celui de la commission. Quant à l'amendement n° 196, il s'agit en effet d'un amendement de repli.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat sur les deux amendements identiques.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 62 et 195.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, l'article 29 bis est supprimé et l'amendement n° 196 n'a plus d'objet.

Articles additionnels après l'article 29 bis

Art. 29 bis
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Art. additionnel après l'art. 29 ter

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 198, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Après l'article 29 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Les deuxième et dernière phrases du deuxième alinéa de l'article 63 du code de procédure pénale sont supprimées. »

L'amendement n° 197, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Après l'article 29 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« I. - La deuxième phrase du deuxième alinéa de l'article 63 du code de procédure pénale est complétée par les mots : "après que la personne gardée à vue lui a été présentée ou a été présentée au juge d'instruction".

« II. - La dernière phrase du deuxième alinéa de cet article est supprimée. »

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Permettez-moi de rappeler les termes de la première phrase du deuxième alinéa de l'article 63 du code de procédure pénale : « La personne gardée à vue ne peut être retenue plus de vingt-quatre heures. » Cela nous paraît suffisant. Les deuxième et dernière phrases de cet alinéa, dont nous demandons la suppression, précisent : « Toutefois, la garde à vue peut être prolongée pour un nouveau délai de vingt-quatre heures au plus, sur autorisation écrite du procureur de la République. Ce magistrat peut subordonner cette autorisation à la présentation préalable de la personne gardée à vue. »

Nous nous sommes déjà expliqués sur la garde à vue. Nous pensons que, dans tous les cas, elle doit être de vingt-quatre heures, ce qui suffit largement pour déférer quelqu'un à un juge.

Aux Etats-Unis, où nous vous voyons beaucoup chercher l'inspiration, à l'exception de cas particuliers et regrettables, comme Guantanamo, lorsqu'une personne est arrêtée, elle est immédiatement amenée devant un juge. Nous demandons que ce soit aussi le cas en France.

Par ailleurs, si vous passez outre et si vous admettez qu'il puisse y avoir une prolongation de la garde à vue, nous demandons que la personne soit présentée au procureur de la République, à moins que ce dernier ne se déplace pour voir et entendre l'intéressé.

Et si cela ne vous semble pas possible - j'ai déjà rappelé qu'une ministre du gouvernement précédent nous avait, à nous, opposé l'article 40 de la Constitution, parce que nous le demandions -, il y a un moyen moderne qui est la vidéoconférence, dont vous faites un usage important dans ce texte. Pourquoi ne pas, au moins par vidéoconférence, permettre à l'intéressé de donner toutes explications au procureur de la République ? Je vous soumets cette idée. Nous aurions la faiblesse d'aller jusqu'à accepter ce procédé si vous faisiez, vous aussi, un pas vers nous.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François Zocchetto, rapporteur. Je précise que ce sont des articles additionnels, qui ne modifient pas le texte et qui, c'est le moins que l'on puisse dire, ne sont pas conformes à son esprit. En effet, l'amendement n° 198 vise à limiter la durée de la garde à vue, de façon générale, à vingt-quatre heures. Quant à l'amendement n° 197, il tend à prévoir une présentation obligatoire d'une personne gardée à vue à chaque prolongation de la mesure.

Ce dispositif est beaucoup trop lourd, nous avons déjà eu l'occasion d'en parler en première lecture. Aussi, la commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 198.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 197.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 199, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Après l'article 29 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« L'article 63-4 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« Art. 63-4. _ Dès le début de la garde à vue, la personne peut demander à s'entretenir avec un avocat. Si elle n'est pas en mesure d'en désigner un ou si l'avocat choisi ne peut être contacté, elle peut demander qu'il lui en soit commis un d'office par le bâtonnier. Ce dernier est informé de cette demande, par tout moyen et sans délai.

« L'avocat désigné peut, par ailleurs, communiquer avec la personne gardée à vue dans des conditions qui garantissent la confidentialité de l'entretien. Il est informé par l'officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de celui-ci, par un agent de police judiciaire de la nature de l'infraction recherchée. A l'issue de l'entretien dont la durée ne peut excéder trente minutes, l'avocat présente, le cas échéant, des observations écrites qui sont jointes à la procédure.

« L'avocat ne peut faire état de son entretien auprès de quiconque pendant la durée de la garde à vue. L'avocat peut assister également à toutes les auditions auxquelles est soumise la personne gardée à vue.

« L'entretien prévu au premier alinéa ne peut intervenir :

« _ qu'après la vingtième heure lorsque l'enquête a pour objet la participation à une association de malfaiteurs prévue par l'article 450-1 du code pénal, les infractions de proxénétisme ou d'extorsion de fonds aggravés prévues par les articles 225-7, 225-9, 312-2 à 312-5 et 312-7 du code pénal ou une infraction commise en bande organisée prévue par les articles 224-3, 225-8, 311-9, 312-6, 322-8 du code pénal. Le procureur de la République est dans les meilleurs délais informé par officier de police judiciaire qu'il est fait application des dispositions de l'alinéa précédent ;

« _ qu'après la vingt-cinquième heure lorsque la garde à vue est soumise à des règles particulières de prolongation. »

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous n'avons pas voulu reprendre la parole, mais il est difficile de laisser dire, comme vient de l'affirmer M. le rapporteur, qu'il est trop lourd de demander qu'avant de prolonger une garde à vue on écoute ce que peut avoir à dire celui qui a déjà été gardé à vue pendant vingt-quatre heures.

Nous parlons ici de garde à vue de droit commun. Mais votre texte va jusqu'à quatre-vingt-douze heures, avec présence de l'avocat à la quarante-huitième heure.

M. François Zocchetto, rapporteur. A la trente-sixième heure !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cela signifie que, pendant quarante-huit heures, la présence d'un avocat n'est pas prévue. Il faut y ajouter un délai de défèrement, qui n'est pas imputé dans le délai de quatre-vingt-douze heures de la garde à vue. C'est vraiment énorme ! C'est livrer celui dont on recherche l'aveu à ceux qui veulent l'obtenir, alors que nous savons depuis longtemps en France que l'aveu, loin d'être la reine des preuves, est au contraire la mère de toutes les erreurs judiciaires. Vous n'avez pas l'excuse de ne pas le savoir.

Par notre amendement n° 199, nous souhaitons que, dès le début de la garde à vue, la personne puisse demander à s'entretenir avec un avocat, dans tous les cas, surtout si la garde à vue doit être très longue. Par ailleurs, nous demandons que l'avocat puisse à tout moment assister à la garde à vue, même en restant totalement muet.

Il y a quelques années, le Sénat avait adopté, sur notre proposition, un amendement de repli qui permettait au bâtonnier ou à son délégué de pouvoir à tout moment assister à une garde à vue. L'Assemblée nationale ne l'avait pas retenu, mais l'idée est toujours la même aujourd'hui.

Le procureur de la République n'a pas le temps - vous ne voulez même pas qu'il se déplace ni qu'on lui amène l'intéressé - de surveiller toutes les gardes à vue, il n'a pas le temps de surveiller tous les centres psychiatriques, il n'a pas le temps de surveiller toutes les prisons, compte tenu de ses très nombreuses tâches juridictionnelles ou administratives. Or vous lui confiez d'autres tâches. En revanche, c'est le rôle de l'avocat. A défaut, l'enregistrement prévu par la loi pour les mineurs pourrait parfaitement être appliqué aux majeurs. Mais il coûte moins cher, permettez-moi l'expression, d'autoriser l'avocat à venir à tout moment. Ce sera la garantie qu'il n'a pas été abusé de la garde à vue, comme il arrive, malheureusement, trop souvent, que ce soit le cas.

Voilà l'objet de notre amendement. Il mériterait que l'on s'y arrête. Et que l'on ne nous dise pas que c'est trop lourd. Au contraire, ce serait beaucoup moins lourd pour tout le monde que ce que vous proposez.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François Zocchetto, rapporteur. L'avis est défavorable, comme en première lecture. Je ferai simplement observer que les dispositions proposées vont très au-delà des règles posées par la loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Alors, restons-en à cette loi !

M. Robert Badinter. Cette disposition présenterait un intérêt !

M. le président. Chacun s'exprime en son temps !

M. François Zocchetto, rapporteur. Je ne dis pas que cela ne présenterait pas d'intérêt. Mais, en tout cas, ce serait un changement très important en matière de procédure pénale, qui n'est pas envisagé dans le cadre du présent texte.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Le Gouvernement émet un avis défavorable. Je rappelle que cet amendement est contraire à un certain nombre de dispositions qui ont été adoptées par le Sénat hier.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 199.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Art. additionnels après l'art. 29 bis
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Art. 29 quater

Article additionnel après l'article 29 ter

M. le président. L'amendement n° 63, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Après l'article 29 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Il est inséré après l'article 803-3 du code de procédure pénale un article 803-4 ainsi rédigé :

« Art. 803-4. - Lorsqu'une personne poursuivie ou condamnée par les juridictions françaises est arrêtée hors du territoire national en application des dispositions sur le mandat d'arrêt européen ou sur l'extradition ou en application d'une convention internationale, elle peut déclarer auprès des autorités étrangères compétentes qu'elle exerce les recours prévus par le présent code, notamment en formant opposition, appel ou pourvoi contre la décision dont elle fait l'objet. Dans tous les cas, y compris en cas d'arrestation d'une personne condamnée par défaut en matière criminelle, les délais de présentation, de détention ou de jugement prévus par le présent code ne commencent toutefois à courir qu'à compter de sa remise ou de son retour sur le territoire national. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Zocchetto, rapporteur. Cet amendement a pour objet de renforcer le droit des personnes arrêtées hors du territoire national.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 63.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 29 ter.

Art. additionnel après l'art. 29 ter
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Art. additionnel après l'art. 29 quater

Article 29 quater

Le dernier alinéa de l'article 63-1 du code de procédure pénale est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Sauf en cas de circonstance insurmontable, les diligences résultant pour les enquêteurs de la communication des droits mentionnés à l'article 63-4 doivent intervenir dans les meilleurs délais. »

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 64 est présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission.

L'amendement n° 200 est présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

« Supprimer cet article. »

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 64.

M. François Zocchetto, rapporteur. Là encore, il s'agit de revenir au texte adopté par le Sénat en première lecture, en rétablissant l'obligation d'informer « sans délai », et non « dans les meilleurs délais ».

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour présenter l'amendement n° 200.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces deux amendements identiques ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Sagesse.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Pour aller vite, M. le rapporteur se contente, à chaque amendement identique, de dire « sans délai, et non dans les meilleurs délais » sans prendre le temps d'expliquer à nos collègues les différents cas concernés ! On va donner un exemple. Parmi les droits qui doivent être notifiés à la personne gardée à vue se trouve le droit de s'entretenir avec un avocat. Cela ne doit pas être fait « dans les meilleurs délais », ce qui signifierait que l'on est tellement occupé que cela peut attendre un temps indéterminé. Or, à l'évidence, cela doit être fait immédiatement ! C'est dès le début de la garde à vue que l'intéressé doit connaître ses droits. Merci, monsieur le rapporteur, de préciser au Sénat et à chaque fois la portée de l'amendement récurrent tendant à remplacer dans de nombreux articles « dans les meilleurs délais » par « sans délai ».

L'Assemblée nationale propose « dans les meilleurs délais », cela revient à dire : quand on a le temps. Si c'est fait une heure, deux heures ou trois heures après, il sera toujours possible de rétorquer que cela n'avait pas été possible plus tôt. La commission des lois du Sénat a donc raison de demander que ce soit fait « sans délai », c'est-à-dire immédiatement.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 64 et 200.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, l'article 29 quater est supprimé.

Art. 29 quater
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Art. 30

Article additionnel après l'article 29 quater

M. le président. L'amendement n° 201, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Après l'article 29 quater, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« I. - Il est inséré après l'article 63-5 du code de procédure pénale un article 63-6 ainsi rédigé :

« Art. 63-6. Les interrogatoires des personnes placées en garde à vue font l'objet d'un enregistrement audiovisuel. L'enregistrement original est placé sous scellé et sa copie est versée au dossier. Le fait pour toute personne de diffuser un enregistrement original ou une copie réalisée en application du présent article est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende.

« A l'expiration d'un délai de cinq ans à compter de la date de l'extinction de l'action publique, l'enregistrement original et sa copie sont détruits dans le délai d'un mois.

« II. - Le dernier alinéa de l'article 77 du même code est ainsi rédigé :

« Les dispositions des articles 63-1, 63-2, 63-3, 63-4, 63-6, 64 et 65 sont applicables aux gardes à vue exécutées dans le cadre du présent chapitre.

« III. - Le début du dernier alinéa de l'article 154 du même code est ainsi rédigé : "Les dispositions des articles 63-1, 63-2, 63-3, 63-4, 63-6, 64 et 65 (le reste sans changement)".

« IV. - Le VI de l'article 4 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante est abrogé. »

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. J'ai déjà évoqué cet amendement. Il prévoit d'insérer dans le code de procédure pénale un article 63-6 composé de trois alinéas. Les deux premiers sont ainsi rédigés :

« Les interrogatoires des personnes placées en garde à vue font l'objet d'un enregistrement audiovisuel. L'enregistrement original est placé sous scellé et sa copie est versée au dossier. »

« Le fait pour toute personne de diffuser un enregistrement original ou une copie réalisée en application du présent article est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. »

Il s'agit, en effet, de conserver la possibilité, pour la juridiction qui sera saisie, d'en prendre connaissance, mais seulement pour elle.

Le troisième alinéa de cet article dispose : « A l'expiration d'un délai de cinq ans à compter de la date de l'extinction de l'action publique, l'enregistrement original et sa copie sont détruits dans le délai d'un mois. »

Voilà ce que nous vous demandons. Cela paraît, en effet, la solution. Si vous ne voulez pas que le procureur se déplace - il ne peut le faire en permanence -, si vous ne souhaitez pas que l'avocat puisse assister à tout moment à la garde à vue, admettez au moins le contrôle de l'enregistrement audiovisuel. Soyez modernes ! Acceptez les moyens modernes. Il faut tenir compte de l'évolution des techniques ! Combien de fois l'ai-je entendu dans ce débat ! Eh bien, nous sommes d'accord avec vous sur ce point, vous devez donc l'être avec nous en ce qui concerne l'amendement n° 201.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François Zocchetto, rapporteur. L'enregistrement audiovisuel des interrogatoires existe pour les mineurs. C'est une bonne chose. On peut penser, en effet, qu'un mineur pourrait être influencé, manipulé, ou qu'il pourrait avoir des difficultés à s'exprimer qui seraient telles qu'on aurait besoin, avant de le juger, de s'assurer que ce que l'on a compris est bien ce qu'il voulait dire.

Pour les majeurs, c'est différent. Je crois qu'il n'y a aucune raison de procéder à l'enregistrement audiovisuel de tous les interrogatoires de majeurs. Et je n'évoque même pas l'aspect pratique ! Il a déjà été extrêmement difficile de généraliser l'enregistrement audiovisuel des interrogatoires de mineurs. Je crois qu'il est irréaliste d'envisager de l'étendre aux personnes majeures.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, pour les raisons qui viennent d'être indiquées par M. le rapporteur.

Je voudrais dire au Sénat que ma préoccupation, aujourd'hui, est de faire en sorte que, sur l'ensemble du territoire, lorsqu'un enfant est victime de violence on puisse l'entendre grâce à l'enregistrement. C'est ma priorité.

M. Paul Girod. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote.

M. Robert Badinter. Il ne s'agit pas, ici, d'une question de priorité ou d'intérêt. Il s'agit d'établir, sans discussion possible, ce qu'a été la réalité des propos. Il faut bien que vous mesuriez le temps considérable que requiert, dans les débats judiciaires, notamment en cour d'assises, l'établissement de la réalité exacte de ce qui a été dit dans le cadre de la garde à vue, et les incertitudes qui en résultent. Avec l'enregistrement, on réduirait à rien tout ce qui, très souvent, jette la confusion dans le cours des procédures pénales.

La seule véritable question qui se pose est : combien cela coûterait-il et peut-on l'envisager dans un proche avenir, au regard du nombre de gardes à vue ? Mais que ce soit un progrès, c'est indiscutable. Que ferait-on ? On filmerait tout simplement ce qui se passerait et on enregistrerait ce qui se dirait. Cela interdirait ensuite à certains de dire qu'ils ont été victimes de violences policières, qu'ils ont avoué sous la contrainte. On aurait la preuve de la façon dont les choses se sont passées. Croyez-moi, ce serait un très grand plus dans le cadre de la procédure judiciaire française. La seule question qui se pose est : avons-nous les moyens à l'heure actuelle de faire cela ?

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. M. le garde des sceaux dit qu'il souhaite d'abord avoir les moyens d'appliquer l'enregistrement à tous les interrogatoires de mineurs. Il a raison !

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Ce n'est pas ce que j'ai dit ! Ecoutez ce que je dis avant de commenter mes propos !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Des malentendus peuvent intervenir, mais c'est ce que j'avais cru comprendre, mes collègues aussi d'ailleurs.

M. Robert Badinter. Tout à fait !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cela étant, si c'est ce que vous aviez dit, je trouverais cela normal.

Nous avons en fait vu apparaître un nouvel amendement déposé par le Gouvernement, tendant à renvoyer l'application de nombreuses mesures prévues dans le texte à 2005-2006, voire 2007, parce qu'il faut, dites-vous, que l'on attende d'avoir les moyens de les appliquer.

Eh bien, si vous admettiez la nécessité de procéder à l'enregistrement audiovisuel de toutes les gardes à vue, je ne verrais aucun inconvénient à ce que vous nous demandiez que l'application soit reportée à 2005, 2006 et 2007, mais ne nous dites pas que ce n'est pas nécessaire. Comme on vient de vous le dire, c'est au contraire, à l'évidence, tout à fait nécessaire.

En tout cas, monsieur le ministre, nous aurions préféré une réponse au fond plutôt que de vous entendre nous parler sur le ton que vous avez choisi d'employer.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 201.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Art. additionnel après l'art. 29 quater
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Art. 31

Article 30

I. - L'article 70 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« Art. 70. - Si les nécessités de l'enquête portant sur un crime flagrant ou un délit flagrant puni d'au moins trois ans d'emprisonnement l'exigent, le procureur de la République peut, sans préjudice de l'application des dispositions de l'article 73, décerner mandat de recherche contre toute personne à l'encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre l'infraction.

« Pour l'exécution de ce mandat, les dispositions de l'article 134 sont applicables. La personne découverte en vertu de ce mandat est placée en garde à vue par l'officier de police judiciaire du lieu de la découverte qui peut procéder à son audition, sans préjudice de l'application de l'article 43 et de la possibilité pour les enquêteurs déjà saisis des faits de se transporter sur place afin d'y procéder eux-mêmes, après avoir si nécessaire bénéficié d'une extension de compétence en application de l'article 18. Le procureur de la République ayant délivré le mandat de recherche en est informé dans les meilleurs délais ; ce magistrat peut ordonner que, pendant la durée de la garde à vue, la personne soit conduite dans les locaux du service d'enquête saisi des faits.

« Si la personne ayant fait l'objet du mandat de recherche n'est pas découverte au cours de l'enquête et si le procureur de la République requiert l'ouverture d'une information contre personne non dénommée, le mandat de recherche demeure valable pour le déroulement de l'information, sauf s'il est rapporté par le juge d'instruction. »

II. - Non modifié.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 65 est présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission.

L'amendement n° 202 est présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

« Dans la dernière phrase de l'avant-dernier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article 70 du code de procédure pénale, après les mots : "procureur de la République", insérer les dispositions suivantes : "du lieu où la personne a été découverte est avisé du placement en garde à vue dès le début de la mesure. Le procureur de la République". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Zocchetto, rapporteur. Il s'agit d'un retour au texte du Sénat.

M. le président. La parole est à M. Robert Badinter, pour présenter l'amendement n° 202.

M. Robert Badinter. Cet amendement vient d'être défendu.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Sagesse.

M. le président. Je mets aux voix les amendements n°s 65 et 202.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 30, modifié.

(L'article 30 est adopté.)

Art. 30
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Art. 38

Article 31

Après l'article 74-1 du code de procédure pénale, il est inséré un article 74-2 ainsi rédigé :

« Art. 74-2. - Les officiers de police judiciaire, assistés le cas échéant des agents de police judiciaire, peuvent, sur instructions du procureur de la République, procéder aux actes prévus par les articles 56 à 62 aux fins de rechercher et de découvrir une personne en fuite dans les cas suivants :

« 1° Personne faisant l'objet d'un mandat d'arrêt délivré par le juge d'instruction, le juge des libertés et de la détention, la chambre de l'instruction ou son président ou le président de la cour d'assises, alors qu'elle est renvoyée devant une juridiction de jugement ;

« 2° Personne faisant l'objet d'un mandat d'arrêt délivré par une juridiction de jugement ou par le juge de l'application des peines ;

« 3° Personne condamnée à une peine privative de liberté sans sursis supérieure ou égale à un an, lorsque cette condamnation est exécutoire ou passée en force de chose jugée.

« Si les nécessités de l'enquête pour rechercher la personne en fuite l'exigent, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance peut, à la requête du procureur de la République, autoriser l'interception, l'enregistrement et la transcription de correspondances émises par la voie des télécommunications selon les modalités prévues par les articles 100, 100-1 et 100-3 à 100-7, pour une durée maximale de deux mois renouvelable dans les mêmes conditions de forme et de durée, dans la limite de six mois en matière correctionnelle. Ces opérations sont faites sous l'autorité et le contrôle du juge des libertés et de la détention.

« Pour l'application des dispositions des articles 100-3 à 100-5, les attributions confiées au juge d'instruction ou à l'officier de police judiciaire commis par lui sont exercées par le procureur de la République ou l'officier de police judiciaire requis par ce magistrat.

« Le juge des libertés et de la détention est informé dans les meilleurs délais des actes accomplis en application de l'alinéa précédent. »

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 66 est présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission.

L'amendement n° 203 est présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

« Dans le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 74-2 du code de procédure pénale, remplacer les mots : "dans les meilleurs délais" par les mots : "sans délai". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Zocchetto, rapporteur. Cet amendement vise à revenir au texte du Sénat.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour présenter l'amendement n° 203.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Sagesse.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 66 et 203.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 31, modifié.

(L'article 31 est adopté.)

Section 3

Dispositions relatives aux mandats

Art. 31
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Art. 39

Article 38

I à III. - Non modifiés.

IV. - L'article 135-1 du même code est ainsi rétabli :

« Art. 135-1. - La personne découverte en vertu d'un mandat de recherche est placée en garde à vue par l'officier de police judiciaire du lieu de la découverte, suivant les modalités prévues à l'article 154. Le juge d'instruction saisi des faits en est informé dans les meilleurs délais. Sans préjudice de la possibilité pour l'officier de police judiciaire déjà saisi par commission rogatoire de procéder à l'audition de la personne, l'officier de police judiciaire du lieu où la personne a été découverte peut être requis à cet effet par le juge d'instruction ainsi qu'aux fins d'exécution de tous actes d'information nécessaires. Pendant la durée de la garde à vue, la personne peut également être conduite dans les locaux du service d'enquête saisi des faits. »

V. - Non modifié.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 67 est présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission.

L'amendement n° 204 est présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

« Rédiger comme suit la deuxième phrase du texte proposé par le paragraphe IV de cet article pour l'article 135-1 du code de procédure pénale :

« Le juge d'instruction territorialement compétent est informé dès le début de la garde à vue et le juge d'instruction saisi des faits est averti dans les meilleurs délais. »

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 67.

M. François Zocchetto, rapporteur. Cet amendement vise également à rétablir le texte du Sénat.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour présenter l'amendement n° 204.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cet amendement est défendu.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Sagesse.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 67 et 204.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 38, modifié.

(L'article 38 est adopté.)

Art. 38
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Art. 40

Article 39

I à IV. - Non modifiés.

V. - Après l'article 133 du même code, il est inséré un article 133-1 ainsi rédigé :

« Art. 133-1. - Dans les cas prévus par les articles 125, 127 et 133, lorsque la personne est retenue par les services de police ou de gendarmerie avant sa présentation devant un magistrat, le procureur de la République du lieu de l'arrestation est informé dans les meilleurs délais de cette rétention et la personne a le droit de faire prévenir un proche dans les conditions prévues par l'article 63-2 et d'être examinée par un médecin dans les conditions prévues par l'article 63-3. »

VI. - Non modifié.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 68 est présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission.

L'amendement n° 205 est présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

« Dans le texte proposé par le paragraphe V de cet article pour l'article 133-1 du code de procédure pénale, remplacer les mots : "dans les meilleurs délais" par les mots : "dès le début". »

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 68.

M. François Zocchetto, rapporteur. Il s'agit toujours du retour au texte du Sénat.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour présenter l'amendement n° 205.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Sagesse.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 68 et 205.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. L'amendement n° 69, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Avant le paragraphe VI de cet article, insérer trois paragraphes additionnels ainsi rédigés :

« VI A. _ A l'article 820 du même code, les mots : "des articles 127 et 133" sont remplacés par les mots : "des articles 127, 133 et 135-2".

« VI B. _ A l'article 821 du même code, après les mots : "à l'article 130", sont insérés les mots : "et au dernier alinéa de l'article 135-2".

« VI C. _ A l'article 907-1 du même code, après les mots : "à l'article 130", sont insérés les mots : ", au dernier alinéa de l'article 135-2". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Zocchetto, rapporteur. Cet amendement a pour objet de compléter les dispositions du projet de loi relatives aux mandats afin de renvoyer, dans la partie du code de procédure pénale consacrée à l'outre-mer, aux nouvelles dispositions qui permettent d'allonger les délais de présentation ou de transfèrement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 69.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 39, modifié.

(L'article 39 est adopté.)

Art. 39
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Art. additionnel avant l'art. 41

Article 40

Après l'article 135-1 du code de procédure pénale, sont insérés deux articles 135-2 et 135-3 ainsi rédigés :

« Art. 135-2. - Si la personne faisant l'objet d'un mandat d'arrêt est découverte après le règlement de l'information, il est procédé selon les dispositions du présent article.

« Le procureur de la République du lieu de l'arrestation est avisé dans les meilleurs délais de la rétention de la personne par les services de police ou de gendarmerie. Pendant cette rétention, il est fait application des dispositions des articles 63-2 et 63-3. La rétention ne peut durer plus de vingt-quatre heures.

« La personne est conduite dans les meilleurs délais et au plus tard dans les vingt-quatre heures de son arrestation devant le procureur de la République du tribunal de grande instance dans le ressort duquel siège la juridiction de jugement saisie des faits. Après avoir vérifié son identité et lui avoir notifié le mandat, ce magistrat la présente devant le juge des libertés et de la détention.

« Le juge des libertés et de la détention peut, sur les réquisitions du procureur de la République, soit placer la personne sous contrôle judiciaire, soit ordonner son placement en détention provisoire jusqu'à sa comparution devant la juridiction de jugement, par ordonnance motivée conformément aux dispositions de l'article 144, rendue à l'issue d'un débat contradictoire organisé conformément aux dispositions des quatrième à huitième alinéas de l'article 145. Si la personne est placée en détention, les délais prévus par les quatrième et cinquième alinéas de l'article 179 et par l'article 215-2 sont alors applicables et courent à compter de l'ordonnance de placement en détention. La décision du juge des libertés et de la détention peut faire, dans les dix jours de sa notification, l'objet d'un appel devant la chambre des appels correctionnels si la personne est renvoyée devant le tribunal correctionnel et devant la chambre de l'instruction si elle est renvoyée devant la cour d'assises.

« Si la personne a été arrêtée à plus de deux cents kilomètres du siège de la juridiction de jugement et qu'il n'est pas possible de la conduire dans le délai de vingt-quatre heures devant le procureur de la République mentionné au troisième alinéa, elle est conduite devant le procureur de la République du lieu de son arrestation, qui vérifie son identité, lui notifie le mandat et reçoit ses éventuelles déclarations après l'avoir avertie qu'elle est libre de ne pas en faire. Ce magistrat met alors le mandat à exécution en faisant conduire la personne à la maison d'arrêt et il en avise le procureur de la République du tribunal de grande instance dans le ressort duquel siège la juridiction de jugement. Celui-ci ordonne le transfèrement de la personne, qui doit comparaître devant lui dans les quatre jours de la notification du mandat ; ce délai est porté à six jours en cas de transfèrement entre un département d'outre-mer et la France métropolitaine ou un autre département d'outre-mer. Il est alors procédé conformément aux dispositions des troisième et quatrième alinéas.

« Art. 135-3. - Non modifié. »

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 70, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Dans la première phrase du deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 135-2 du code de procédure pénale, remplacer les mots : "dans les meilleurs délais" par les mots : "dès le début". »

L'amendement n° 206, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gauthier, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Dans la première phrase du deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 135-2 du code de procédure pénale, remplacer les mots : "dans les meilleurs délais" par les mots : "sans délai". »

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 70.

M. François Zocchetto, rapporteur. La commission préfère la rédaction de cet amendement à celle de l'amendement n° 206 dans la mesure où il vise à un strict retour au texte du Sénat.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour présenter l'amendement n° 206.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je le retire au profit de l'amendement de la commission.

M. le président. L'amendement n° 206 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 70.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article n° 40, modifié.

(L'article 40 est adopté.)

Art. 40
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Art. 41

Article additionnel avant l'article 41

M. le président. L'amendement n° 71, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Avant l'article 41, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« I. _ Le septième alinéa de l'article 181 du code de procédure pénale est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :

« Si l'accusé est placé en détention provisoire, le mandat de dépôt décerné contre lui conserve sa force exécutoire et l'intéressé reste détenu jusqu'à son jugement par la cour d'assises, sous réserve des dispositions des deux alinéas suivants et de l'article 148-1. S'il a été décerné, le mandat d'arrêt conserve sa force exécutoire ; s'ils ont été décernés, les mandats d'amener ou de recherche cessent de pouvoir recevoir exécution, sans préjudice de la possibilité pour le juge d'instruction de délivrer mandat d'arrêt contre l'accusé.

« L'accusé détenu en raison des faits pour lesquels il est renvoyé devant la cour d'assises est immédiatement remis en liberté s'il n'a pas comparu devant celle-ci à l'expiration d'un délai d'un an à compter soit de la date à laquelle la décision de mise en accusation est devenue définitive s'il était alors détenu, soit de la date à laquelle il a été ultérieurement placé en détention provisoire.

« Toutefois, si l'audience sur le fond ne peut débuter avant l'expiration de ce délai, la chambre de l'instruction peut, à titre exceptionnel, par une décision rendue conformément à l'article 144 et mentionnant les raisons de fait ou de droit faisant obstacle au jugement de l'affaire, ordonner la prolongation de la détention provisoire pour une nouvelle durée de six mois. La comparution de l'accusé est de droit si lui-même ou son avocat en font la demande. Cette prolongation peut être renouvelée une fois dans les mêmes formes. Si l'accusé n'a pas comparu devant la cour d'assises à l'issue de cette nouvelle prolongation, il est immédiatement remis en liberté.

« II. _ L'article 215-2 du code de procédure pénale est abrogé. »

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 71.

M. François Zocchetto, rapporteur. Il s'agit d'un amendement purement formel qui vise, dans un souci de lisibilité, à transférer les dispositions de l'actuel article 215-2 du code de procédure pénale dans l'article 181 de ce code.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 71.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 41.

Art. additionnel avant l'art. 41
Dossier législatif : projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité
Art. 42

Article 41

(pour coordination)

I. - L'article 141-2 du code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :

« Si la personne se soustrait aux obligations du contrôle judiciaire alors qu'elle est renvoyée devant la juridiction de jugement, le procureur de la République peut, hors le cas prévu par l'article 272-1, saisir le juge des libertés et de la détention pour que celui-ci décerne mandat d'arrêt ou d'amener à son encontre. Ce magistrat est également compétent pour ordonner, conformément aux dispositions de l'article 135-2, le placement en détention provisoire de l'intéressé. » ;

2° Le troisième alinéa est supprimé.

II. - Le deuxième alinéa de l'article 179 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :

« S'il a été décerné, le mandat d'arrêt conserve sa force exécutoire ; s'ils ont été décernés, les mandats d'amener ou de recherche cessent de pouvoir recevoir exécution, sans préjudice de la possibilité pour le juge d'instruction de délivrer un mandat d'arrêt contre le prévenu.

III. - Le septième alinéa de l'article 181 du même code est ainsi rédigé :

« Si l'accusé est placé en détention provisoire, le mandat de dépôt décerné contre lui conserve sa force exécutoire et l'intéressé reste détenu jusqu'à son jugement par la cour d'assises, sous réserve des dispositions des articles 148-1 et 215-2. S'il a été décerné, le mandat d'arrêt conserve sa force exécutoire ; s'ils ont été décernés, les mandats d'amener ou de recherche cessent de pouvoir recevoir exécution, sans préjudice de la possiblité pour le juge d'instruction de délivrer un mandat d'arrêt contre l'accusé.

IV. - Les deuxième et troisième alinéas de l'article 215 du même code sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :

« Les dispositions de l'article 181 sont applicables. »

V. - Au deuxième alinéa de l'article 215-2 du même code, les mots : « des effets de l'ordonnance de prise de corps » sont remplacés par les mots : « de la détention provisoire ».

VI. - Au premier alinéa de l'article 272-1 du même code, les mots : « mettre à exécution l'ordonnance de prise de corps » sont remplacés par les mots : « décerner mandat d'arrêt », et au deuxième alinéa du même article, les mots : « ordonner la mise à exécution de l'ordonnance de prise de corps » sont remplacés par les mots : « décerner mandat de dépôt ou d'arrêt ».

VII. - L'article 367 est ainsi modifié :

1° Au deuxième alinéa, les mots : « l'ordonnance de prise de corps est mise à exécution ou continue de produire ses effets » sont remplacés par les mots : « le mandat de dépôt délivré contre l'accusé continue de produire ses effets ou la cour décerne mandat de dépôt contre l'accusé ;

2° Au troisième alinéa, les mots : « La cours d'assises » sont remplacés par les mots : « La cour » et les mots : « que l'ordonnance de prise de corps sera mise à exécution » sont remplacés par les mots : « de décerner mandat de dépôt ».

VIII. - Au deuxième alinéa de l'article 380-4 du même code, les mots : « l'ordonnance de prise de corps » sont remplacés par les mots : « le mandat de dépôt ».

VIII bis. - A l'article 725 du même code, les mots : « d'une ordonnance de prise de corps, » sont supprimés.

IX (nouveau). - Le dernier alinéa de l'article 9 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante est supprimé.

M. le président. L'amendement n° 72, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Supprimer les paragraphes III et V de cet article. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Zocchetto, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 72.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 41, modifié.

(L'article 41 est adopté.)

Section 4

Dispositions relatives aux commissions rogatoires

Art. 41
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Art. 45 A

Article 42

I et II. - Non modifiés.

III. - Dans la première phrase du premier alinéa de l'article 154 du même code, les mots : « dès le début de cette mesure » sont remplacés par les mots : « , sauf en cas de circonstance insurmontable, dans les meilleurs délais ».

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 73 est présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission.

L'amendement n° 207 est présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gauthier, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

« Supprimer le paragraphe III de cet article. »

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 73.

M. François Zocchetto, rapporteur. Il s'agit de rétablir le texte du Sénat.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour défendre l'amendement n° 207.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Sagesse.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 73 et 207.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 42, modifié.

(L'article 42 est adopté.)

Section 7

Dispositions diverses de simplification

Art. 42
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Art. 45 bis

Article 45 A

L'article 55-1 du code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Dans le deuxième alinéa, les mots : « de signalisation » sont remplacés par les mots : « de relevés signalétiques et notamment de prise d'empreintes digitales, palmaires ou de photographies » ;

2° Dans le troisième alinéa, les mots : « de se soumettre aux opérations de prélèvement » sont remplacés par les mots : « , par une personne à l'encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction, de se soumettre aux opérations de prélèvement mentionnées aux premier et deuxième alinéas ». - (Adopté.)

Art. 45 A
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Art. 45 ter

Article 45 bis

I. - L'article 43 du code de procédure pénale est complété par les mots : « et celui du lieu de détention d'une de ces personnes, même lorsque cette détention est effectuée pour une autre cause ».

II. - L'article 52 du même code est complété par les mots : « et celui du lieu de détention d'une de ces personnes, même lorsque cette détention est effectuée pour une autre cause ».

III. - L'article 382 du même code est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, les mots : « ou celui du lieu d'arrestation de ce dernier, même lorsque cette arrestation a été opérée pour une autre cause » sont remplacés par les mots : « ou celui du lieu d'arrestation ou de détention de ce dernier, même lorsque cette arrestation ou cette détention a été opérée ou est affectuée pour une autre cause » ;

2° Le deuxième alinéa est supprimé.

IV. - Le deuxième alinéa de l'article 663 du même code est supprimé.

V. - Dans le deuxième alinéa de l'article 7 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, les mots : « des articles 43 et 696 » sont remplacés par les mots : « de l'article 43 ». - (Adopté.)

Art. 45 bis
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Art. 49

Article 45 ter

I. - Dans le premier alinéa de l'article 705 du code de procédure pénale, les mots : « , 663 (second alinéa) » sont supprimés.

II. - Dans le premier alinéa de l'article 706-1 du même code, les mots : « , du second alinéa de l'article 663 » sont supprimés.

M. le président. L'amendement n° 74, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Compléter cet article par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :

« III. _ Après les mots : "articles 43, 52", la fin du premier alinéa de l'article 706-17 du même code est ainsi rédigée : "et 382". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Zocchetto, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 74.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 45 ter, modifié.

(L'article 45 ter est adopté.)

Art. 45 ter
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Art. 53

Article 49

I. - Après l'article 99-2 du code de procédure pénale, il est inséré un article 99-3 ainsi rédigé :

« Art. 99-3. - Le juge d'instruction ou l'officier de police judiciaire par lui commis peut requérir de toute personne, de tout établissement ou organisme privé ou public ou de toute administration publique qui sont susceptibles de détenir des documents intéressant l'instruction, y compris ceux issus d'un système informatique ou d'un traitement de données nominatives, de lui remettre ces documents, sans que puisse lui être opposée, sans motif légitime, l'obligation au secret professionnel. Lorsque les réquisitions concernent des personnes mentionnées aux articles 56-1 à 56-3, la remise des documents ne peut intervenir qu'avec leur accord.

« En l'absence de réponse de la personne aux réquisitions, les dispositions du deuxième alinéa de l'article 60-1 sont applicables. »

II. - Non modifié. - (Adopté.)

Art. 49
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Art. 53 bis

Article 53

Après la deuxième phrase du deuxième alinéa de l'article 137-1 du code de procédure pénale, il est inséré une phrase ainsi rédigée :

« En cas d'empêchement, le juge des libertés et de la détention est remplacé par un magistrat du siège désigné par le président du tribunal de grande instance. »

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 208, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Supprimer cet article. »

L'amendement n° 209, également présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellée :

« Dans le texte proposé par cet article pour insérer une phrase après la deuxième phrase du deuxième alinéa de l'article 137-1 du code de procédure pénale, après les mots : "par un magistrat", insérer les mots : "de même grade ou à défaut par un magistrat justifiant de quinze ans d'ancienneté". »

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il n'est pas évident de suivre tous ces textes. Chacun d'entre vous, mes chers collègues, aura remarqué que, dans le rapport volumineux de la commission des lois pour la deuxième lecture, le comparatif commence par le texte adopté par l'Assemblée nationale en première lecture. Autrement dit, nous ne disposons plus dans ce fascicule ni du texte du projet de loi initial, ni des textes de référence, de sorte que, pour comprendre de quoi il s'agit, il nous faut, à chaque fois, nous reporter au premier rapport, où figurent tous ces éléments.

Monsieur le président, je suis obligé de faire cette observation pour faire comprendre à quelle gymnastique nous devons nous livrer lorsque vous appelez l'un de nos amendements.

Ici, de quoi s'agit-il ? Il s'agit du juge des libertés. Je vais donner lecture du texte d'origine de l'article 53 :

« En cas d'empêchement, le juge des libertés et de la détention est remplacé par un magistrat du siège désigné par le président du tribunal de grande instance. »

Il ne faut pas laisser à l'Assemblée nationale la responsabilité de cette disposition puisque c'est le Gouvernement qui l'avait inscrite dans la rédaction initiale du projet de loi.

Or cette mesure a quelque peu inquiété beaucoup d'entre nous. Nous, nous avons été indignés. Je n'irai pas jusqu'à dire qu'elle a indigné la commission des lois - je ne peux pas parler en son nom - mais cela l'a visiblement inquiétée.

Le juge des libertés a été mis en place, d'un commun accord, par les deux assemblées de telle sorte que ce soit un juge d'une expérience certaine : le président ou un vice-président du tribunal, puisqu'il lui revient de statuer sur des points importants qui concernent les libertés, y compris le fait de savoir si les personnes doivent être incarcérées ou non.

Et voilà que, tout à coup, on nous a proposé qu'en cas d'empêchement - dans ce cas seulement nous dit-on, mais cela peut arriver souvent -, il pourrait être remplacé par le plus jeune des juges arrivé dans le tribunal, sans expérience - ce que l'on ne saurait lui reprocher ! Nous nous y sommes refusés et le Sénat a supprimé cette disposition.

L'Assemblée nationale, sourde à l'appel qui lui était lancé par la majorité sénatoriale, a repris purement et simplement son texte.

Et la commission semble maintenant vouloir s'incliner. Nous en avons été très étonnés !

C'est ainsi que nous avons mentionné dans l'objet de notre amendement que c'était sans doute par erreur que M. le rapporteur n'avait pas proposé de supprimer l'article. Si on lit le rapport, ce que nous n'avions pas encore eu le temps de faire lorsque nous avons préparé nos amendements, on y voit que M. le rapporteur estime que, dans certains cas, il pourrait y avoir en effet une impossibilité... et que le Sénat pourrait donc s'incliner purement et simplement.

Nous souhaitons, nous, que le Sénat ne s'incline pas et, pour permettre à la commission d'en revenir à sa première position, nous avons déposé un amendement de repli. Si, véritablement, le président et les vice-présidents sont empêchés, il faudrait, au moins, avoir recours à un magistrat de même grade ou, à défaut, à un magistrat justifiant de quinze ans d'ancienneté.

J'irai plus loin : on pourrait admettre que, si le président et les vice-présidents sont véritablement empêchés et qu'il n'y a pas, dans le tribunal, de juge de même grade ou de juge justifiant de quinze ans d'ancienneté, on puisse, dans ce cas-là, à titre tout à fait exceptionnel, avoir recours à un autre magistrat.

En tout cas, il faut nous attacher à ce que, dans la plupart de nos tribunaux, sinon dans tous les tribunaux, ce soit un magistrat de grande expérience et de grande qualité qui soit chargé de ces fonctions, renforcées dans le texte qui nous occupe, du juge des libertés.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François Zocchetto, rapporteur. Avant que M. Dreyfus-Schmidt ne défende son amendement de repli, j'aurais souhaité exprimer l'avis de la commission sur l'amendement n° 208, puisque, dans la mesure où il revient au texte du Sénat, elle y est favorable.

Vous ne vous êtes pas trompé, mon cher collègue, en lisant dans le rapport que nous souhaitons que le juge des libertés et de la détention ait au moins un rang de vice-président.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Le Gouvernement ne peut pas être favorable à la suppression pure et simple de l'article. Mais nous devrions parvenir à un texte qui donne satisfaction au Sénat. Ce sera le travail de la commission mixte paritaire. Je pense que, dans la conclusion de M. Dreyfus-Schmidt, il y a une piste à suivre.

Toutefois, les quinze ans d'ancienneté que vous proposez, monsieur le sénateur, ne sont pas la bonne solution, car certains vice-présidents, aujourd'hui, n'ont pas quinze ans d'ancienneté. Il y aurait donc une certaine incohérence.

Pour que l'on puisse parvenir à une nouvelle rédaction, le Sénat va sans doute suivre sa commission et supprimer ce dispositif. Le texte n'étant pas voté conforme, la commission mixte paritaire pourra essayer d'arriver à une rédaction du type de celle que vous avez suggérée, monsieur Dreyfus-Schmidt.

Pour ma part, je proposerais volontiers le dispositif suivant : « En cas d'empêchement, le juge des libertés et de la détention est remplacé par le magistrat du siège le plus ancien dans le grade le plus élevé désigné par le président du tribunal de grande instance. » Cela marquerait l'importance de la tâche qui est confiée à ce juge des libertés et de la détention.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je voudrais simplement faire observer à M. le rapporteur que je n'avais pas oublié l'avis favorable donné par la commission à notre amendement de suppression, mais je crois que les observations que nous avons faites n'étaient pas inutiles.

De plus, j'ai cru lire, à la page 271 du rapport : « En deuxième lecture, l'Assemblée nationale, sur l'initiative du rapporteur de la commission des lois, a rétabli cet article.

« Compte tenu des difficultés d'organisation rencontrées par certains tribunaux, votre commission vous propose d'accepter le dispositif proposé.

« Elle vous propose d'adopter l'article 53 sans modification. »

Je n'ai pas eu la berlue !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 208.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'article 53 est supprimé et l'amendement n° 209 n'a plus d'objet.

Art. 53
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Art. 54 bis

Article 53 bis

I. - L'article 137-4 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« En matière criminelle ou pour les délits punis de dix ans d'emprisonnement, le procureur de la République peut alors, si les réquisitions sont motivées, en tout ou partie, par les motifs prévus aux 2° et 3° de l'article 144 et qu'elles précisent qu'il envisage de faire application des dispositions du présent alinéa, saisir directement le juge des libertés et de la détention en déférant sans délai devant lui la personne mise en examen ; l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention entraîne le cas échéant la caducité de l'ordonnance du juge d'instruction ayant placé la personne sous contrôle judiciaire. S'il renonce à saisir directement le juge des libertés et de la détention, le procureur de la République en avise le juge d'instruction et la personne peut être laissée en liberté. »

II. - Au début du dernier alinéa de l'article 137-1 du même code, sont insérés les mots : « Hors le cas prévu par le deuxième alinéa de l'article 137-4, ».

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 210 est présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée.

L'amendement n° 253 est présenté par Mme Borvo, M. Bret, Mmes Mathon, Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar, Mme Terrade et M. Vergès.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

« Supprimer cet article. »

La parole est à M. Robert Badinter, pour présenter l'amendement n° 210.

M. Robert Badinter. Il s'agit d'une disposition extrêmement fâcheuse s'agissant du pouvoir du juge d'instruction.

L'une des innovations, complexe dans sa mise en oeuvre, mais importante de la loi de juin 2000 était ce que l'on appelé le « double verrou » : il fallait d'abord que le juge d'instruction considère qu'il y avait lieu à placement en détention provisoire, puis qu'il saisisse le juge des libertés. Face à ce que nous considérons tous comme regrettable, c'est-à-dire le nombre très élevé de détentions provisoires ordonnées, cette mesure devait se révéler efficace.

Ici, s'agissant de faits criminels punis de plus de dix ans d'emprisonnement, le procureur de la République saisit directement le juge des libertés et de la détention, alors que, dans la pratique ordinaire, il saisit le juge d'instruction, lequel, ensuite, après avoir examiné le dossier, décide s'il y a ou non lieu de placer sous mandat et saisit en conséquence le juge des libertés et de la détention. Ainsi, un examen disparaît. On parlait du « double regard ». Or, voilà maintenant, dans le domaine de la détention provisoire, la justice borgne, voilà supprimée une garantie de la liberté individuelle !

Je suis frappé de cette espèce de paradoxe : alors que la peine susceptible d'être encourue serait plus grave, il faudrait réduire d'autant les garanties de la personne mise en examen ! Alors que le double regard serait particulièrement nécessaire pour une peine grave, on le supprime précisément dans ce cas !

Mais il n'y a aucune raison, ici ou là, de procéder à une telle distinction ! Le système doit exister de la même façon pour tous. Conformément au système procédural adopté dans la loi de 2000, votée par les deux assemblées après de longs travaux, l'examen préliminaire par le juge d'instruction, la faculté qu'a ce dernier de transmettre ou non au juge des libertés et de la détention le dossier de procédure doivent demeurer, sans que l'on donne au procureur de la République le droit de contourner le juge d'instruction, comme si, dans les affaires graves, l'avis du juge d'instruction n'importait pas. C'est exactement à cela que cela se résume !

M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon, pour présenter l'amendement n° 253.

Mme Josiane Mathon. Cet article, introduit en seconde lecture à l'Assemblée nationale,...

M. Jean-Pierre Sueur. Par M. Marsaud !

Mme Josiane Mathon. ... par M. Alain Marsaud, en effet, aboutit ni plus ni moins à supprimer le double regard sur la mise en détention provisoire. C'est en effet une négation de l'actuel article 137-1 du code de procédure pénale, qui dispose que le juge des libertés et de la détention est saisi par une ordonnance motivée du juge d'instruction.

L'adoption d'une telle disposition aboutirait à remettre en cause toute la réflexion menée sous la législature précédente en vue de la protection renforcée des personnes présumées innocentes, préoccupation revendiquée unanimement par les parlementaires de l'époque.

La loi du 15 juin 2000 s'était aussi donné pour objectif de limiter le recours à une procédure attentatoire à la liberté individuelle s'agissant de personnes non encore condamnées, tandis que notre commission d'enquête sur les prisons devait estimer que certaines personnes n'ont rien à y faire : quelque 35 % de la population carcérale est constituée de prévenus, c'est-à-dire de présumés innocents jusqu'à la date de leur jugement. Il s'agit de mettre désormais en oeuvre ces dispositions afin de limiter le recours à la détention provisoire.

Ces engagements des parlementaires prennent donc aujourd'hui des allures de voeux pieux, et ce après l'abaissement des seuils de peines encourues pour que la détention provisoire puisse être prononcée et l'allongement de la durée de celle-ci, et malgré les vives critiques du monde judiciaire. Vous affichez donc clairement, monsieur le ministre, chers collègues de la majorité, une volonté de mettre à bas les verrous à la mise en détention provisoire.

Après l'obligation faite au juge d'instruction de motiver le maintien en liberté, après l'institution du référé-détention au profit du ministère public, vous nous proposez aujourd'hui l'éviction pure et simple par le procureur de la République d'un juge d'instruction toujours suspect et qu'on voudrait aux ordres du parquet. M. le rapporteur nous le dit explicitement lorsqu'il avoue qu'il s'agit par cette disposition de permettre « au procureur de la République de surmonter un éventuel refus du juge d'instruction ».

Derrière ces dispositions se dissimulent mal les attaques latentes mais renouvelées contre le juge d'instruction, prêtes à resurgir à la moindre occasion.

Et ce n'est pas sans rappeler les méthodes employées par les pro-life, toujours prêts à s'émouvoir du sort des victimes pour les besoins de la cause anti-IVG, comme l'a indiqué hier Mme Gautier dans son intervention.

Mes chers collègues, s'agissant très précisément de cet article, il convient que vous mesuriez les effets de ce que vous allez voter. Au 1er janvier 2003, 20 852 prévenus se trouvaient dans les prisons françaises, soit une augmentation de près de 30 % par rapport à 2002. Ils représentent plus d'un tiers des détenus.

Ce n'est pas une situation acceptable au regard de la présomption d'innocence, s'agissant de personnes en attente de jugement. Ce n'est pas non plus un chiffre qui témoigne de la bonne santé démocratique de notre pays, alors que le comité de prévention de la torture s'apprête à rendre un nouveau rapport très dramatique et critique sur les prisons françaises.

C'est pourquoi nous vous demandons de supprimer l'article 53 bis en adoptant notre amendement par scrutin public.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François Zocchetto, rapporteur. En dépit du souci permanent de la commission de veiller scrupuleusement au respect des libertés individuelles, je ne peux suivre la démonstration de nos collègues.

Le juge des libertés et de la détention est un juge indépendant, un juge à part entière. Nous venons d'ailleurs de voter un amendement prévoyant qu'il doit avoir une certaine expérience et se prononcer en toute indépendance. (M. Jean-Pierre Sueur s'exclame.)

Je fais confiance au juge des libertés et de la détention pour décider si une personne doit ou non être mise en détention.

Par ailleurs, j'observe que, si le procureur utilise cette procédure, il informera le juge d'instruction, en le saisissant de ses intentions.

Enfin, dernière remarque, mais non des moindres, la décision du juge des libertés et de la détention est, je le rappelle, soumise à une possibilité d'appel : la personne concernée peut toujours, et fort heureusement, faire appel de la décision du juge.

La commission est donc défavorable aux amendements n°s 210 et 253.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Je suis défavorable à ces deux amendements pour des raisons identiques à celles que vient d'exposer M. le rapporteur.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. La demande de scrutin public formulée par Mme Borvo est opportune parce qu'il s'agit d'un sujet très grave.

Nous avons bien écouté vos explications, monsieur le rapporteur, mais, en réalité, la disposition que vous prévoyez d'introduire entraînerait une suspicion à l'égard du juge d'instruction, qui peut décider, après avoir procédé à son instruction, qu'il n'est pas utile de mettre en détention provisoire une personne mise en examen. Or, comme l'a dit notre collègue, il y a tellement de détentions provisoires que c'est un réel problème. Le juge d'instruction juge cela en toute indépendance.

L'article 53 bis que vous nous proposez de voter, comporte, écrit noir sur blanc - et c'est pourquoi nous considérons qu'il y a un vrai problème de constitutionnalité -, une suspicion à l'égard du juge d'instruction, le procureur pouvant décider que la décision de ce dernier est nulle et non avenue.

Comme l'a expliqué M. Badinter, ce texte supprime le double verrou auquel nous étions tous très attachés, il met en place une suspicion tout à fait injustifiée à l'égard d'un magistrat et il creuse le déséquilibre que l'on constate, dans de nombreux articles de ce texte, en faveur du procureur et au détriment des juges du siège.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous étions d'accord tout à l'heure avec la commision pour souhaiter que le juge des libertés et de la détention soit un juge d'expérience.

De plus, cela fait des années que nous demandons que les juges d'instruction soient des juges d'une qualité particulière. Nous ne verrions même aucun inconvénient - nous le disons depuis très longtemps - à ce qu'il soient payés plus que d'autres compte tenu de leurs responsabilités et de l'importance de leur travail dû aux nombreux dossiers dont ils sont saisis. Cela va de soi. C'est pourquoi nous faisons confiance aux juges d'instruction.

Je ne reviendrai pas sur tout ce qui a été dit. Mais croyez-vous que votre article 53 bis, monsieur le garde des sceaux, soit dicté par l'évolution de la grande criminalité ou même par l'évolution de la délinquance ? Sûrement pas ! C'est une mesure de défiance à l'égard du juge d'instruction.

M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cela n'a aucun rapport avec l'objet de votre projet de loi.

C'est sous le bénéfice de toutes les observations qui ont été présentées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC que nous vous demandons de voter notre amendement.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. François Zocchetto, rapporteur. Dans un passé pas si lointain, vous avez développé plus que de la méfiance à l'égard du juge d'instruction et mis en place le nouveau système des juges des libertés et de la détention !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'était en plus ! Pour ne pas mélanger les genres !

M. François Zocchetto, rapporteur. Au moment où cette idée commence à faire ses preuves, vous opérez un retournement complet de situation,...

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Pas du tout !

M. François Zocchetto, rapporteur. ... en développant une suspicion à l'égard de ce juge qui commence à prendre de l'importance.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Pas du tout !

M. François Zocchetto, rapporteur. Et vous nous dites que, finalement, il faut redonner les pouvoirs au juge d'instruction.

M. Jean-Pierre Sueur. Non ! Nous disons qu'il faut le double verrou, monsieur le rapporteur !

M. François Zocchetto, rapporteur. J'observe aussi incidemment, et c'est intéressant, que vous encouragez le garde des sceaux à développer la rémunération des magistrats au mérite. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Je ferai simplement deux observations.

Premièrement, comme l'a indiqué M. le rapporteur, on a l'impression, mesdames, messieurs de l'opposition, que vous éprouvez quelque remord à avoir créé le juge des libertés et de la détention.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Non ! Le système nous convient parfaitement !

M. Dominique Perben, garde des sceaux. C'est extraordinaire ! Vous avez créé le juge des libertés et de la détention il y a trois ans et demi, et maintenant, à chaque fois que l'on renforce ses pouvoirs et ses compétences, vous estimez que nous sommes dans l'erreur.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce système nous convient parfaitement !

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Il y a là quelque chose qui me paraît complètement paradoxal.

Deuxièmement, monsieur Dreyfus-Schmidt, je pense que vous avez observé que l'article 53 bis résulte d'un amendement parlementaire et qu'il ne figurait donc pas dans le projet de loi initial. C'est une procédure tout à fait normale ! Soit le Parlement a le droit d'amender, soit il ne l'a pas. Mais cet amendement a été adopté par l'Assemblée nationale sur l'initiative d'un député, et il vient aujourd'hui en discussion au Sénat.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est un cavalier !

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Monsieur le sénateur, on ne parle pas de délinquance dans ce texte ?

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cela ne se rapporte pas à l'objet du projet de loi !

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Mais ce projet de loi ne vise pas uniquement la grande criminalité. Je pense que vous n'avez pas lu la totalité du texte : il concerne « l'adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité », ce qui est un petit peu différent !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je l'ai dit !

M. le président. La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote.

M. Robert Badinter. Ce que l'on est en train, à cet instant, d'évoquer n'est pas inintéressant, mais ce n'est pas le coeur du débat. La rédaction de l'article 137-1 du code de procédure pénale est quand même très claire. Monsieur le rapporteur, c'est évidemment le juge des libertés et de la détention qui ordonne ou prolonge la détention provisoire, aux termes du premier alinéa de cet article.

Toutefois, selon le dernier alinéa de ce même article, le juge des libertés et de la détention est saisi non par le procureur de la République, mais « par une ordonnance motivée du juge d'instruction ». C'est ce que nous avons tous voulu, et ce dans tous les cas. On ne peut donc pas prévoir un système dans lequel le procureur de la République, dans certains cas, pourrait contourner l'ordonnance motivée du juge d'instruction et saisir directement le juge des libertés et de la détention.

Monsieur le rapporteur, vous l'avez d'ailleurs vous-même écrit dans votre rapport, vous faites sauter un verrou. Vous tenez donc à cet instant le juge d'instruction pour quantité négligeable. Indiscutablement - il faut dire les choses comme elles sont -, on supprime ici l'une des garanties du justiciable face à une demande de placement en détention provisoire, à savoir la mesure la plus importante au regard de la portée de la présomption d'innocence, que nous nous sommes, pendant des semaines, appliqués à définir véritablement.

Or, vous ne justifiez pas cette décision. Il n'y a pas un mot pour expliquer pourquoi, dans certains cas, le procureur de la République pourrait passer outre à la décision du juge d'instruction et pourquoi, dans d'autres cas, il ne le ferait pas. Que l'on ne me dise pas que c'est au regard de la gravité des faits ; il s'agit de la présomption d'innocence, qui vaut pour des justiciables menacés de peines d'emprisonnement comme pour ceux qui encourent, je le rappelle, des peines criminelles. Il n'y a pas ici de distinction à établir : il est question du placement en détention provisoire. On ne va pas faire deux régimes avec, d'un côté, un double regard et, de l'autre côté, une justice « borgne », simplement parce que le parquet considérerait que c'est mieux.

Je n'ai pas de réponse sur ce point. L'égalité des justiciables est un problème fondamental au regard du régime de détention provisoire. Or, jusqu'à présent, je n'ai entendu aucune raison qui justifierait une distinction entre les justiciables en matière de placement en détention provisoire.

La suppression d'un des deux regards, d'une des deux garanties, n'est justifiée par rien, sinon par le désir d'aller vite.

Nous verrons bien ce qui adviendra en termes de constitutionnalité.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo. Je rappellerai simplement à M. le rapporteur que la création du juge des libertés et de la détention ne témoignait pas, de la part de mon groupe, d'une défiance à l'égard du juge d'instruction. Au contraire, nous considérions que le placement en détention provisoire est suffisamment grave pour que la décision soit prise en une sorte de collégialité.

Aujourd'hui, on tord le bâton dans l'autre sens, dans la mesure où une telle décision sera prise par un seul juge.

J'ajoute que nous ne sommes pas obligés d'accepter cet amendement qui nous vient de l'Assemblée nationale.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 210 et 253.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)


M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 135 :

Nombre de votants314
Nombre de suffrages exprimés313
Majorité absolue des suffrages157
Pour114
Contre199

Je mets aux voix l'article 53 bis.

(L'article 53 bis est adopté.)

Art. 53 bis
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Art. 56 bis

Article 54 bis

Après le premier alinéa de l'article 177 du code de procédure pénale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque l'ordonnance de non-lieu est motivée par l'existence de l'une des causes d'irresponsabilité pénale prévue par le premier alinéa de l'article 122-1, les articles 122-2, 122-3, 122-4, 122-5 et 122-7 du code pénal ou par le décès de la personne mise en examen, elle précise s'il existe des charges suffisantes établissant que l'intéressé a commis les faits qui lui sont reprochés. »

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 211, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Supprimer cet article. »

L'amendement n° 75, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Dans le texte proposé par cet article pour insérer un alinéa après le premier alinéa de l'article 177 du code de procédure pénale, après les mots : "code pénal", supprimer les mots : "ou par le décès de la personne mise en examen". »

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour présenter l'amendement n° 211.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous avons encore affaire, avec l'article 54 bis, à quelque chose de tout à fait curieux.

Je rappelle le texte de l'article : « Lorsque l'ordonnance de non-lieu est motivée par l'existence de l'une des causes d'irresponsabilité pénale prévue par le premier alinéa de l'article 122-1, les articles 122-2, 122-3, 122-4, 122-5 et 122-7 du code pénal ou par le décès de la personne mise en examen, elle précise s'il existe des charges suffisantes établissant que l'intéressé a commis les faits qui lui sont reprochés. »

Cette disposition est tout de même incroyable ! Elle a été introduite sans doute pour que les victimes puissent faire leur travail de deuil, même s'il n'y a pas de mort dans toutes les hypothèses.

Le moins que l'on puisse dire, c'est que ceux qui se sont le plus occupés des victimes, c'est nous, et en particulier Robert Badinter...

M. Robert Badinter. Si vous saviez le nombre de textes que j'ai fait voter !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... sur la proposition duquel nous avons créé un fonds d'indemnisation, et pour les actes de terrorisme, et pour les catastrophes naturelles, et pour l'ensemble des infractions. A l'évidence, l'on peut poursuivre dans cette voie : il suffit d'augmenter, ou même de supprimer les seuils et de décider de réparer dans tous les cas les dommages causés à toutes les victimes. Voilà ce qui s'appelle avoir le souci des victimes.

Mais lorsque l'auteur de l'infraction est décédé, l'action publique étant éteinte - il n'est plus là pour se défendre - pourquoi le juge d'instruction devrait-il préciser s'il existait des charges suffisantes ? Il faudrait au moins écrire : « à ses yeux » parce que, l'affaire n'étant pas jugée, il n'a pas qualité pour dire si l'individu, s'il avait vécu, aurait dû être condamné.

C'est vrai également pour les irresponsables. Du moment qu'un individu est reconnu irresponsable, c'est là une motivation suffisante. Au pire pourra-t-il être demandé une copie du dossier afin de savoir si, oui ou non, il y avait des charges suffisantes. En général, il sera évident qu'il en existait.

Prenons l'exemple de celui qui a tiré sur le Président de la République le 14 juillet. Il est inutile de se demander s'il y a des charges suffisantes. Tout le monde le sait. Personne ne dit le contraire. Mais son irresponsabilité a été établie par plusieurs expertises. Tout le monde sait ce qu'il en est.

Dès lors, nous refusons de nous voir imposer de tels textes et c'est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 75 et pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 211.

M. François Zocchetto, rapporteur. J'indique d'abord que la commission est défavorable à l'amendement n° 211.

Je pense au contraire que le texte est source de progrès en ce sens que l'ordonnance de non-lieu pour irresponsabilité devra préciser s'il existait des charges suffisantes contre la personne poursuivie. Je ne vois donc pas où est le problème.

En revanche, s'agissant de l'amendement n° 75, en cas de décès, une telle possibilité ne paraît pas judicieuse car personne ne peut plus contester l'ordonnance de non-lieu. La commission vous propose donc de revenir au texte voté par le Sénat en première lecture.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mais le malade mental non plus ne peut pas contester l'ordonnance !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 211 et favorable à l'amendement n° 75 visant au retour au texte voté par le Sénat en première lecture.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur l'amendement n° 211.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. J'ai l'impression que nous sommes d'accord, mais la position de la commission, approuvée par le Gouvernement, est une cote mal taillée.

Il vient de nous être dit que celui qui est décédé n'est plus là pour contester l'ordonnance du juge. J'ajoute que celui qui est irresponsable ne peut pas non plus le faire puisqu'il est irresponsable ! Il n'y a donc aucun intérêt à prévoir une ordonnance motivée dans un cas plus que dans l'autre.

Avouez que notre position, à la différence de celle de la commission et du Gouvernement, a au moins pour elle la logique !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Dominique Perben, garde des sceaux. J'ajouterai simplement un mot, pour faire revenir dans notre débat une grande absente, la victime. Elle existe !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Evidemment ! Les victimes ne sont pas idiotes !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 211.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 75.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 54 bis, modifié.

(L'article 54 bis est adopté.)

Section 8

Dispositions diverses de coordination

Art. 54 bis
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Art. 57

Article 56 bis

I. - Dans l'article 273 du code de procédure pénale, le mot : « signification » est remplacé par le mot : « notification ».

II. - Dans le deuxième alinéa de l'article 614 du même code, les mots : « signifié par huissier » sont remplacés par le mot : « notifié ».

III. - Dans l'article 579 du même code, le mot : « signification » est remplacé par le mot : « notification ».

IV. - Dans l'article 589 du même code, les mots : « de la signification » sont remplacés par les mots : « de la notification ». - (Adopté.)

Chapitre IV

Dispositions relatives au jugement

Section 1

Dispositions relatives au jugement des délits

Art. 56 bis
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Art. 57 quater

Article 57

I et II. - Non modifiés.

III. - L'article 396 du même code est ainsi modifié :

1° Au deuxième alinéa, les mots : « après avoir recueilli les déclarations du prévenu, son avocat ayant été avisé, et » sont supprimés et les mots : « s'il y a lieu » sont remplacés par les mots : « sauf si elles ont déjà été effectuées » ;

bis Dans l'avant-dernière phrase du troisième alinéa, les mots : « deuxième jour ouvrable » sont remplacés par les mots : « troisième jour ouvrable » ;

2° Le dernier alinéa est ainsi rédigé :

« Si le juge estime que la détention provisoire n'est pas nécessaire, il peut soumettre le prévenu, jusqu'à sa comparution devant le tribunal, à une ou plusieurs obligations du contrôle judiciaire. Le procureur de la République notifie alors à l'intéressé la date et l'heure de l'audience selon les modalités prévues au premier alinéa de l'article 394. »

IV. - Non modifié.

M. le président. L'amendement n° 212, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Dans le deuxième alinéa (1°) du III de cet article, supprimer les mots : "après avoir recueilli les déclarations du prévenu, son avocat ayant été avisé, et" sont supprimés. »

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cet amendement vise à rétablir l'article 396 du code de procédure pénale dans sa rédaction actuelle. Cet article permet au procureur de traduire le prévenu devant le juge des libertés et de la détention aux fins de détention provisoire. La formalité qui prévoit que l'avocat ne soit plus avisé est tout à fait cohérente et satisfaisante ; elle doit être maintenue. Il n'y a aucune raison que l'avocat ne soit plus avisé, qu'il soit l'avocat de l'accusé ou celui de la victime.

Pardonnez-moi, monsieur le garde des sceaux, mais nous ne devons pas jouer avec les victimes !

La plupart des avocats généralistes ont l'occasion de défendre des personnes qui sont accusées, mais aussi des victimes, « la veuve et l'orphelin ». Les unes comme les autres méritent d'être représentées et que l'on se penche sur leur sort ! Il est tout de même trop facile de se jeter à la figure les victimes comme si qui que ce soit les oubliait !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François Zocchetto, rapporteur. L'avis de la commission est défavorable. Le projet de loi ne vise à supprimer les dispositions que vous avez rappelées que parce qu'elles sont redondantes. Il ne traduit aucune volonté de modifier la procédure sur ce point. Votre amendement n'est donc pas justifié.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 77 est présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission.

L'amendement n° 213 est présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

« Supprimer le troisième alinéa (1° bis) du paragraphe III de cet article. »

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 77.

M. François Zocchetto, rapporteur. Cet amendement prévoit de revenir au texte adopté par le Sénat en première lecture et d'en rester à un délai de deux jours de détention provisoire en attendant d'être jugé en comparution immédiate. Il paraît préférable de conserver le droit actuel, qui donne satisfaction.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour présenter l'amendement n° 213.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cet amendement est identique à l'amendement n° 77 qui vient d'être défendu par M. le rapporteur.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 212, 77 et 213 ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 212. Le texte retenu par l'Assemblée nationale est purement rédactionnel, comme l'a dit M. le rapporteur, puisque le dispositif relatif au rôle de l'avocat figure dans l'article 393 du code de procédure pénale.

En revanche, le Gouvernement est favorable aux amendements identiques n°s 77 et 213.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 212.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 77 et 213.

(Les amendement sont adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 57, modifié.

(L'article 57 est adopté.)

Art. 57
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Art. 57 quinquies

Article 57 quater

I. - Non modifié.

II. - La sous-section 4 bis de la section 3 du chapitre Ier du titre Ier du livre III du code de l'organisation judiciaire est abrogée.

M. le président. L'amendement n° 214, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Supprimer cet article. »

La parole est à M. Robert Badinter.

M. Robert Badinter. L'Assemblée nationale a modifié l'article 399 du code de procédure pénale relatif au nombre de jours des audiences correctionnelles. Cet amendement vise à supprimer cette modification qui ne se justifie en rien.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François Zocchetto, rapporteur. La commisison est, au contraire, très favorable au dispositif de l'article 57 quater, qui a été bien amélioré par le Sénat en première lecture et agréé par l'Assemblée nationale en deuxième lecture.

Elle est donc défavorable à l'amendement n° 214.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Même avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 214.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 57 quater.

(L'article 57 quater est adopté.)

Art. 57 quater
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Art. 58

Article 57 quinquies

Dans le deuxième alinéa de l'article 400 du code de procédure pénale, les mots : « ou les moeurs » sont remplacés par les mots : « , la sérénité des débats, la dignité de la personne ou les intérêts d'un tiers ».

M. le président. L'amendement n° 215, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Supprimer cet article. »

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce texte comporte un nombre astronomique de dispositions nouvelles introduites par l'Assemblée nationale, qui n'auront donc pas fait l'objet de deux lectures.

Celle qui est ici concernée modifie l'article 400 du code de procédure pénale.

Nous avons parlé de cet article 400 en première lecture et nous y reviendrons tout à l'heure. Nous avons demandé en effet, et nous persisterons en ce sens, que la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ait lieu en audience publique et que, s'il doit y avoir un huis clos ordonné par le magistrat, ce soit dans les mêmes conditions que celles qui sont prévues par l'article 400, lequel fixe les conditions dans lesquelles le huis clos peut être prononcé par la chambre de l'instruction.

L'Assemblée nationale propose dans l'article 57 quinquies de modifier les termes de l'article 400 qui prévoit que le huis clos peut être prononcé pour une question de « moeurs » et de remplacer ces termes par les mots : « la sérénité des débats, la dignité de la personne ou les intérêts d'un tiers ». Pourquoi pas ? Nous ne sommes pas opposés à cet article 57 quinquies dont nous avons demandé la suppression dans un premier mouvement, parce qu'il ne nous paraissait pas d'une importance primordiale.

Cela étant, dans la mesure où il ne change rien et où il présente l'intérêt de mettre le projecteur sur ce que nous proposerons tout à l'heure, nous retirons notre amendement.

M. le président. L'amendement n° 215 est retiré.

Je mets aux voix l'article 57 quinquies.

(L'article 57 quinquies est adopté.)

Art. 57 quinquies
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Art. 60

Article 58

(pour coordination)

I. - L'article 410 du code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Au deuxième alinéa, les mots : « est jugé contradictoirement » sont remplacés par les mots : « est jugé par jugement contradictoire à signifier, sauf s'il est fait application des dispositions de l'article 411 » ;

2° Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Si un avocat se présente pour assurer la défense du prévenu, il doit être entendu s'il en fait la demande, même hors le cas prévu par l'article 411. »

II. - L'article 410-1 du même code est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est complété par les mots : « ou mandat d'arrêt » ;

2° Les deuxième et troisième alinéas sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :

« Si le prévenu est arrêté à la suite du mandat d'amener ou d'arrêt, il est fait application des dispositions de l'article 135-2. Toutefois, dans le cas où la personne est placée en détention provisoire par le juge des libertés et de la détention, elle doit comparaître dans les meilleurs délais, et au plus tard dans le délai d'un mois, devant le tribunal correctionnel, faute de quoi elle est mise en liberté. »

III. - L'article 411 du même code est ainsi rédigé :

« Art. 411. - Quelle que soit la peine encourue, le prévenu peut, par lettre adressée au président du tribunal et qui sera jointe au dossier de la procédure, demander à être jugé en son absence en étant représenté au cours de l'audience par son avocat ou par un avocat commis d'office. Ces dispositions sont applicables quelles que soient les conditions dans lesquelles le prévenu a été cité.

« L'avocat du prévenu, qui peut intervenir au cours des débats, est entendu dans sa plaidoirie et le prévenu est alors jugé contradictoirement.

« Si le tribunal estime nécessaire la comparution personnelle du prévenu, il peut renvoyer l'affaire à une audience ultérieure en ordonnant cette comparution. Le procureur de la République procède alors à une nouvelle citation du prévenu.

« Le prévenu qui ne répondrait pas à cette nouvelle citation peut être jugé contradictoirement si son avocat est présent et entendu. Le tribunal peut également, le cas échéant, après avoir entendu les observations de l'avocat, renvoyer à nouveau l'affaire en faisant application des dispositions de l'article 410-1.

« Lorsque l'avocat du prévenu qui a demandé à ce qu'il soit fait application des dispositions du présent article n'est pas présent au cours de l'audience, le prévenu est, sauf renvoi de l'affaire, jugé par jugement contradictoire à signifier. »

IV. - L'article 412 du même code est ainsi rédigé :

« Art. 412. - Si la citation n'a pas été délivrée à la personne du prévenu, et s'il n'est pas établi qu'il ait eu connaissance de la citation, la décision, au cas de non-comparution du prévenu, est rendue par défaut, sauf s'il est fait application des dispositions de l'article 411.

« Dans tous les cas, si un avocat se présente pour assurer la défense du prévenu, il doit être entendu s'il en fait la demande. Le jugement est alors contradictoire à signifier, sauf s'il a été fait application de l'article 411.

« Dans tous les cas, le tribunal peut, s'il estime nécessaire, renvoyer l'affaire à une audience ultérieure, en faisant le cas échéant application des dispositions de l'article 410-1. »

V. - Supprimé.

VI. - A l'article 416 du même code, les mots : « , quel que soit le taux de la peine encourue » sont supprimés.

VII. - Le dernier alinéa de l'article 465 du même code est ainsi rédigé :

« Si la personne est arrêtée à la suite du mandat d'arrêt, il est fait application des dispositions de l'article 135-2. »

VIII. - L'article 498 du même code est ainsi modifié :

1° Les 2° et 3° sont ainsi rédigés :

« 2° Pour le prévenu qui a été jugé en son absence, mais après audition d'un avocat qui s'est présenté pour assurer sa défense, sans cependant être titulaire d'un mandat de représentation signé du prévenu ;

« 3° Pour le prévenu qui n'a pas comparu dans le cas prévu par le cinquième alinéa de l'article 411, lorsque son avocat n'était pas présent. » ;

2° Le dernier alinéa est complété par les mots : « sous réserve des dispositions de l'article 498-1. »

IX. - Après l'article 498 du même code, il est inséré un article 498-1 ainsi rédigé :

« Art. 498-1. - Pour un jugement de condamnation à une peine d'emprisonnement ferme ou à une peine d'emprisonnement assortie d'un sursis partiel, rendu dans les conditions prévues à l'article 410 et qui n'a pas été signifié à personne, le délai d'appel ne court à compter de la signification du jugement faite à domicile, à mairie ou à parquet que sous réserve des dispositions du deuxième alinéa. Le jugement est exécutoire à l'expiration de ce délai.

« S'il ne résulte pas soit de l'avis constatant la remise de la lettre recommandée ou du récépissé prévus aux articles 557 et 558, soit d'un acte d'exécution quelconque ou de l'avis donné conformément à l'article 560, que le prévenu a eu connaissance de la signification, l'appel, tant en ce qui concerne les intérêts civils que la condamnation pénale, reste recevable jusqu'à l'expiration des délais de prescription de la peine, le délai d'appel courant à compter de la date à laquelle le prévenu a eu connaissance de la condamnation. »

IX bis. - Au deuxième alinéa de l'article 492 du même code, les mots : « prévue aux articles 557 et 558, alinéa 3 » sont remplacés par les mots : « ou du récépissé prévus aux articles 557 et 558 ».

X. - Les 2° et 3° de l'article 568 du même code sont ainsi rédigés :

« 2° Pour le prévenu qui a été jugé en son absence, mais après audition d'un avocat qui s'est présenté pour assurer sa défense, sans cependant être titulaire d'un mandat de représentation signé du prévenu ;

« 3° Pour le prévenu qui n'a pas comparu, soit dans les cas prévus par l'article 410, soit dans le cas prévu par le cinquième alinéa de l'article 411, lorsque son avocat n'était pas présent ; ».

X bis. - L'article 568 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les dispositions de l'article 498-1 sont applicables pour déterminer le point de départ du délai de pourvoi en cassation de la personne condamnée à une peine d'emprisonnement ferme ou à une peine d'emprisonnement assortie d'un sursis partiel. »

XI. - Dans l'article 891 du même code, les mots : « deuxième alinéa de l'article 410-1 » sont remplacés par les mots : « dernier alinéa de l'article 135-2 ».

M. le président. L'amendement n° 78, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Rédiger comme suit le paragraphe XI de cet article :

« XI. - Les articles 840, 841 et 891 du code de procédure pénale sont abrogés. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Zocchetto, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 78.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 58, modifié.

(L'article 58 est adopté.)

Art. 58
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Art. 61

Article 60

I. - Le premier alinéa de l'article 495 du code de procédure pénale est complété par les mots : « , les contraventions connexes prévues par ce code, les délits en matière de réglementations relatives aux transports terrestres et les délits punis à titre principal d'une peine d'amende ou d'une peine d'emprisonnement d'une durée inférieure ou égale à cinq ans ».

II. - Non modifié.

III. - Après l'article 495-6 du même code, il est inséré un article 495-6-1 ainsi rédigé :

« Art. 495-6-1. - Les dispositions de la présente section ne sont applicables ni aux mineurs ni en matière de délits de presse, de délits d'homicides involontaires, de délits politiques ou de délits dont la procédure de poursuite est prévue par une loi spéciale. »

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, sur l'article.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Avec l'article 60, nous abordons la procédure de l'ordonnance pénale. Nous l'avons déjà évoquée, il s'agit de cette procédure particulière qui a été établie pour écluser nombre d'affaires sans audience. Je la connais bien.

En 1981, il y a eu une amnistie pour les infractions, en particulier au code de la route, par exemple les excès de vitesse qui avaient été commis avant les élections présidentielles. Mais après les élections présidentielles, il y a eu des élections législatives, et à ce moment-là, l'amnistie ne jouait plus. Je me souviens du cas d'un automobiliste rentrant de campagne électorale en Alsace, à minuit et demi, dans Colmar désert, et dépassant très légèrement la vitesse autorisée. Il lui a de ce fait été notifié une ordonnance pénale lui infligeant une amende, fort élevée pour l'époque, de neuf cents francs. La trouvant excessive, il a fait opposition. Mais bien qu'ayant fait assurer sa défense par un avocat, il a constaté que les juges ne voulaient pas faire droit aux oppositions.

A l'évidence, s'ils commençaient à faire droit aux oppositions aux ordonnances pénales, tout le monde ferait opposition. Il faut donc qu'il soit bien connu que les juges n'acceptent pas de faire droit à opposition.

C'est une procédure qui est extrêmement contraire à nos principes puisqu'elle ne permet pas qu'on soit défendu, la peine étant fixée sans aucun débat contradictoire. C'était déjà le cas pour un certain nombre d'infractions. Maintenant, on veut étendre cette procédure à l'ensemble des infractions au code de la route. Cela peut aller extrêmement loin !

En outre, le texte prévoit de l'étendre à tous les délits possibles d'une peine inférieure ou égale à cinq ans. Là, véritablement, ce n'est pas possible ! D'ailleurs, la commission est d'accord avec nous sur ce point, ce qui me permet de démontrer combien le texte retenu par le Gouvernement et l'Assemblée nationale fait obstacle à ce que la justice en France soit rendue telle qu'elle devrait l'être.

M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !

M. le président. Je suis saisi de trois amendements.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 79 est présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission.

L'amendement n° 216 est présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

« Après les mots : "par ce code", rédiger comme suit la fin du paragraphe I de cet article : "et les délits en matière de réglementations relatives aux transports terrestres". »

L'amendement n° 80, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Compléter cet article par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :

« IV. - Au 1° de l'article 1018 A du code général des impôts, après les mots : "ordonnances pénales" sont insérés les mots : "en matière contraventionnelle ou correctionnelle". »

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter les amendements n°s 79 et 80.

M. François Zocchetto, rapporteur. Monsieur Dreyfus-Schmidt, il ne faut pas crier au loup quand il n'y a pas matière à le faire, puisqu'avec l'amendement n° 79 je vous propose de revenir au texte que le Sénat a adopté aux mesures en première lecture.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je l'ai dit !

M. François Zocchetto, rapporteur. Ce texte ne vise pas à modifier de nombreuses dispositions en matière d'ordonnance pénale : il tend simplement à étendre cette procédure d'ordonnance pénale aux délits prévus par le code de la route.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cela peut aller loin !

M. François Zocchetto, rapporteur. Certes, cela aura des conséquences, mais ce n'est tout de même pas un bouleversement considérable ! Du reste, vous n'y êtes pas opposé, puisque vous avez présenté un amendement identique, l'amendement n° 216, qui sera satisfait par l'adoption de l'amendement n° 79 de la commission.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Effectivement !

M. François Zocchetto, rapporteur. L'amendement n° 80 est un amendement de coordination avec le code général des impôts.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous aussi vous criez au loup et vous avez raison !

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour présenter l'amendement n° 216.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Comme il est identique à l'amendement n° 79, je considère qu'il est défendu.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. En vérité, le Gouvernement avait proposé un texte semblable à celui qui a été adopté par le Sénat. La commission vous suggère d'y revenir par l'amendement n° 79, qui est identique à celui qui a été présenté par M. Dreyfus-Schmidt.

Vous comprendrez que je m'en remette à la sagesse du Sénat sur ces amendements identiques, étant précisé qu'il appartiendra à la commission mixte paritaire de trouver une formule entre le texte de l'Assemblée nationale et celui du Sénat, qui, je le rappelle, était le texte initial du Gouvernement.

Par ailleurs, je suis favorable à l'amendement n° 80 dans la mesure où il s'agit d'une coordination.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 79 et 216.

(Les amendements sont adoptés.)

M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est déjà pas mal !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 80.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 60, modifié.

(L'article 60 est adopté.)

Art. 60
Dossier législatif : projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité
Art. additionnel après l'art. 62 bis

Article 61

I. - Le chapitre Ier du titre II du livre II du code de procédure pénale est complété par une section 8 ainsi rédigée :

« Section 8

« De la comparution sur reconnaissance

préalable de culpabilité

« Art. 495-7. - Non modifié.

« Art. 495-8. - Le procureur de la République peut proposer à la personne d'exécuter une ou plusieurs des peines principales ou complémentaires encourues ; la nature et le quantum de la ou des peines sont déterminés conformément aux dispositions de l'article 132-24 du code pénal.

« Lorsqu'est proposée une peine d'emprisonnement, sa durée ne peut être supérieure à un an ni excéder la moitié de la peine d'emprisonnement encourue. Le procureur peut proposer qu'elle soit assortie en tout ou partie du sursis. Il peut également proposer qu'elle fasse l'objet d'une des mesures d'aménagement énumérées par l'article 712-6. Si le procureur de la République propose une peine d'emprisonnement ferme, il précise à la personne s'il entend que cette peine soit immédiatement mise à exécution ou si la personne sera convoquée devant le juge de l'application des peines pour que soient déterminées les modalités de son exécution, notamment la semi-liberté, le placement à l'extérieur ou le placement sous surveillance électronique.

« Les déclarations par lesquelles la personne reconnaît les faits qui lui sont reprochés sont recueillies, et la proposition de peine est faite par le procureur de la République, en présence de l'avocat de l'intéressé choisi par lui ou, à sa demande, désigné par le bâtonnier de l'ordre des avocats, l'intéressé étant informé que les frais seront à sa charge sauf s'il remplit les conditions d'accès à l'aide juridictionnelle. L'avocat doit pouvoir consulter sur le champ le dossier.

« La personne peut librement s'entretenir avec son avocat, hors la présence du procureur de la République, avant de faire connaître sa décision. Elle est avisée par le procureur de la République qu'elle peut demander à disposer d'un délai de dix jours avant de faire connaître si elle accepte ou si elle refuse la ou les peines proposées.

« Art. 495-9. - Lorsque, en présence de son avocat, la personne accepte la ou les peines proposées, elle est aussitôt présentée devant le président du tribunal de grande instance ou le juge délégué par lui, saisi par le procureur de la République d'une requête en homologation.

« Le président du tribunal de grande instance ou le juge délégué par lui entend la personne et son avocat en chambre du conseil. Après avoir vérifié la réalité des faits et leur qualification juridique, il peut décider d'homologuer les peines proposées par le procureur de la République. Il statue le jour même par ordonnance motivée. En cas d'homologation, cette ordonnance est lue en audience publique.

« Art. 495-10 à L. 495-16. - Non modifiés. »

II. - Non modifié.

III. - La loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique est ainsi modifiée :

1° Dans l'avant-dernier alinéa de l'article 3, après les mots : « parties civiles », sont insérés les mots : « ou lorsqu'ils font l'objet de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité » ;

2° Le deuxième alinéa de l'article 7 est complété par les mots : « et à la personne faisant l'objet de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité » ;

3° Le premier alinéa de l'article 10 est complété par les mots : « et de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité prévue par les articles 495-7 et suivants du code de procédure pénale » ;

4° L'article 47 est complété par les mots : « ou qu'il fait l'objet de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ».

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, sur l'article.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il s'agit de cette fameuse procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.

Est déjà prévue la possibilité de renvoyer tous les accusés, sauf ceux qui risquent moins de trois mois de prison - mais cela peut concerner ceux qui risquent de trois mois à dix ans de prison et, en cas de récidive, jusqu'à vingt ans de prison -, en comparution immédiate.

De nombreuses affaires sont complexes, et il ne faut pas confondre vitesse et précipitation. Il vaut mieux prendre le temps de nourrir le dossier et, notamment, d'accumuler les preuves, de procéder à l'audition des témoins ou d'experts.

A cette comparution immédiate, vous avez ajouté, tout à l'heure, pour tous les délits importants passibles d'une peine de cinq ans de prison ou moins, la composition pénale. L'Assemblée nationale voulait, quant à elle, étendre la procédure de l'ordonnance pénale.

Et voilà qu'on nous propose maintenant ce système dont on a beaucoup parlé, qui donne à penser qu'on est allé chercher l'inspiration aux Etats-Unis, alors que la procédure américaine du plea bargaining n'a strictement rien à voir.

En effet qu'est-ce que le plaider-coupable ? Devant tous les tribunaux, depuis toujours, les affaires ne se présentent pas de la même manière selon que l'intéressé nie ou, au contraire, avoue. « Faute avouée est à moitié pardonnée », dit-on. Les tribunaux ont toujours tenu compte des aveux dans l'application de la peine. Ce n'est pas nouveau !

Mais, là, il s'agit de tout autre chose ! Aux Etats-Unis, le « plaider-coupable » s'applique, dans le cadre d'une législation tout à fait différente et dans la plupart des Etats, à toutes les peines. Toutefois, dans ce pays, les chefs d'accusation s'ajoutent les uns aux autres et l'on peut risquer une peine de cent ans, cent cinquante ou deux cents années de prison. Evidemment, c'est beaucoup !

Aussi a-t-on imaginé une procédure qui permette une négociation entre le parquet et la défense, afin qu'ils se mettent d'accord pour abandonner un certain nombre de chefs d'accusation. La fourchette de la peine encourue se trouve ainsi réduite, par exemple de dix à trente ans de prison. Ce ne sont pas le procureur et l'avocat qui se mettent d'accord pour fixer cette peine comprise entre dix et trente ans de prison : c'est le juge.

Cette procédure n'a strictement aucun rapport avec ce qu'on nous propose, c'est-à-dire un accord entre le procureur et celui qui bénéficiera de cet accord, étant entendu que ce dernier encourera alors des peines extrêmement douces, sans rapport ni avec la gravité des faits ni avec les peines normalement encourues, et ce dans la discrétion la plus grande. Le juge n'aurait plus ensuite qu'à homologuer ou non cet accord.

Le juge n'aurait même pas le droit de soumettre son accord à l'acceptation de certaines conditions, ce qui permettrait pourtant de gagner du temps. En effet, si le juge refuse l'homologation, on reprend la procédure à zéro et on renvoie l'affaire devant le tribunal normalement compétent.

Le juge ne peut qu'homologuer ou non les peines proposées. Dans la plupart des cas, il va les homologuer. D'ailleurs, il est là pour cela. Ce qui est attendu de lui, c'est d'aller vite, de liquider les affaires.

Si vous persistez à maintenir cette procédure, dont je ne vois pas l'intérêt, et qui s'ajoute à celles qui existent déjà, au moins conviendrait-il que l'audience soit publique. Il ne faut pas que l'affaire soit étouffée ! Il ne faut pas que, du fait d'une espèce de complicité, dans certaines affaires particulières de corruption ou de trafic d'influence, entre le procureur et l'avocat de celui qui serait bien vu en haut lieu, sans que personne le sache, le juge homologue la peine extrêmement légère qui serait finalement prononcée. Nous avons également déposé des amendements sur ce point.

Le Sénat demande que l'audience soit publique, à moins que le juge n'en décide autrement. Cette rédaction ne nous paraît pas claire : elle laisse penser que le juge pourrait, avant l'audience, décider que l'affaire ne viendra pas à l'audience.

C'est pourquoi nous demandons que, conformément aux dispositions de l'article 400 du code de procédure pénale, que vous venez de modifier, les raisons du huis clos soient limitées à celles qui sont prévues pour que puisse être prononcé le huis clos par la chambre d'accusation.

M. le président. Je suis saisi de neuf amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 261, présenté par Mme Borvo, M. Bret, Mmes Mathon, Beaudeau, Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar et Mme Terrade, est ainsi libellé :

« Supprimer cet article. »

L'amendement n° 81, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Après le deuxième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article 495-8 du code de procédure pénale, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu'il est proposé une peine d'amende, son montant ne peut être supérieur à la moitié de l'amende encourue. Elle peut être assortie du sursis. »

L'amendement n° 82, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Après la première phrase du troisième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article 495-8 du code de procédure pénale, insérer une phrase ainsi rédigée :

« La personne ne peut renoncer à son droit d'être assistée par un avocat. »

L'amendement n° 83, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Remplacer la première phrase du second alinéa du texte proposé par le paragraphe I de cet article pour l'article 495-9 du code de procédure pénale par deux phrases ainsi rédigées :

« Le président du tribunal de grande instance ou le juge délégué par lui entend la personne et son avocat en audience publique. Il peut toutefois, d'office ou à leur demande, décider de les entendre en chambre du conseil. »

Le sous-amendement n° 217, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Compléter la deuxième phrase du texte proposé par cet amendement pour la première phrase du second alinéa de l'article 495-9 du code de procédure pénale par les mots : "dans les conditions prévues par l'article 400 du code de procédure pénale". »

L'amendement n° 218, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Dans la première phrase du deuxième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article 495-9 du code de procédure pénale, après les mots : "la personne et son avocat", supprimer les mots : "en chambre du conseil". »

L'amendement n° 219 rectifié, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Après la première phrase du deuxième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article 495-9 du code de procédure pénale, insérer une phrase ainsi rédigée :

« Il peut également inviter les parties à renégocier l'accord passé entre elles. »

L'amendement n° 84, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Supprimer la dernière phrase du second alinéa du texte proposé par le paragraphe I de cet article pour l'article 495-9 du code de procédure pénale. »

L'amendement n° 85, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Rédiger comme suit le texte proposé par le I de cet article pour l'article 495-12 du code de procédure pénale :

« Art. 495-12. - Lorsque la personne déclare ne pas accepter la ou les peines proposées ou que le président du tribunal de grande instance ou son délégué rend une ordonnance de refus d'homologation, le procureur de la République saisit, sauf élément nouveau, le tribunal correctionnel selon l'une des procédures prévues par l'article 388 ou requiert l'ouverture d'une information.

« Lorsque la personne avait été déférée devant lui en application des dispositions de l'article 393, le procureur de la République peut la retenir jusqu'à sa comparution devant le tribunal correctionnel ou le juge d'instruction, qui doit avoir lieu le jour même, conformément aux dispositions de l'article 395 ; si la réunion du tribunal n'est pas possible le jour même, il est fait application des dispositions de l'article 396. Les dispositions du présent alinéa sont applicables y compris si la personne avait demandé à bénéficier d'un délai et avait été placée en détention provisoire en application des dispositions des articles 495-8 et 495-10. »

L'amendement n° 86, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Compléter le texte proposé par le I de cet article pour l'article 495-15 du code de procédure pénale par un alinéa ainsi rédigé :

« Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux personnes renvoyées devant le tribunal correctionnel par le juge d'instruction. »

La parole est à Mme Nicole Borvo, pour présenter l'amendement n° 261.

Mme Nicole Borvo. La procédure inspirée du plaider-coupable aboutit effectivement à un système totalement hybride.

Telle qu'elle est conçue, cette procédure n'offre aucune des garanties exigées par la Convention européenne des droits de l'homme, avec laquelle vous prenez décidément bien des libertés, et notamment du droit de chaque personne à ce que sa cause soit entendue équitablement par un tribunal indépendant et impartial.

Pas d'équité lorsqu'une telle procédure incite, même si le terme déplaît, au marchandage : ainsi, les personnes seront toujours prêtes à accepter la peine proposée à un procès dont l'issue est toujours incertaine.

Une impartialité douteuse lorsque le rôle du juge du siège se résume à une homologation de pure forme de la convention passée entre l'auteur de l'infraction et le ministère public. D'ici à ce que soit entièrement marginalisée, au profit du parquet, toute une partie du contentieux pénal, il n'y a qu'un pas.

Pas d'égalité des armes quand le procureur a toutes les « clés » entre ses mains : la présence de l'avocat continue de poser problème aux députés, qui ont choisi de la rendre facultative. De toute façon, celui-ci n'est pas en mesure de faire réellement contrepoids au parquet et risque d'être plus témoin qu'acteur de la procédure.

Une telle procédure présente, selon moi, le risque majeur de restaurer la religion de l'aveu : « faute avouée est à moitié pardonnée », avec les dérives qui lui sont inhérentes. On connaît les dérapages de certaines gardes, qui ont incité à l'institution de contrôles renforcés, notamment par la présence de l'avocat. Dans le cas présent, il est à craindre que le refus de la peine proposée n'incite le parquet à requérir des peines aggravées.

Droits des victimes altérés par l'absence de procès, dont on souligne pourtant souvent la fonction réparatrice.

Alors, à l'appui de cette procédure, on invoque la rapidité, comme si c'était un gage de bonne justice ! L'audience devient, pour la majorité, synonyme de temps perdu au nom de l'efficacité judiciaire. Je trouve ce « changement de culture » particulièrement inquiétant.

Le rapporteur nous a aussi dit qu'elle constituait un gage de réinsertion, sans qu'on sache réellement sur quelles bases. L'adhésion à la sanction, nous dit-on ! Pour ma part, je pense que c'est surtout sur la peine de prison qu'il faudrait réfléchir pour parler de réinsertion.

Aucun des arguments qui ont été avancés ne nous semble convaincant et je crois que l'on a grand tort de s'engager dans une telle procédure.

C'est pourquoi nous vous demandons de supprimer l'article 61.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter les amendements n°s 81, 82 et 83 et pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 261.

M. François Zocchetto, rapporteur. Bien évidemment, la commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 261 que vient de présenter Mme Borvo, puisqu'il tend à supprimer toute référence, dans le texte, à cette nouvelle procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.

Pour notre part, nous pensons que c'est une très bonne chose, sous certaines conditions, et notamment si le dispositif est clairement encadré. C'est ce qu'a fait le Sénat en première lecture et c'est la raison pour laquelle les amendements n°s 81, 82 et 83 visent à revenir au texte qu'il a alors adopté.

Nous souhaitons, en effet, que le plafond de l'amende soit égal à la moitié de l'amende encourue dans cette procédure. Tel est l'objet de l'amendement n° 81.

L'amendement n° 82 est très important en ce qu'il rappelle que la personne mise en cause ne peut renoncer à son droit d'être assistée d'un avocat. Dans notre esprit, cette procédure ne fonctionne que s'il y a un avocat puisque, dans un premier temps, avant que le jugement soit rendu par le président du tribunal, la personne traite avec le procureur.

L'amendement n° 83 est également important. Pour que la procédure fonctionne, il faut qu'elle soit acceptée. Il n'y a rien à cacher ! Donc, les audiences doivent être publiques, sauf si le président du tribunal, d'office ou à la demande des parties, décide d'entendre celles-ci en chambre du conseil.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour présenter le sous-amendement n° 217 et l'amendement n° 218.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je rappelle les termes de l'amendement n° 83 : « Le président du tribunal de grande instance ou le juge délégué par lui entend la personne et son avocat en audience publique. Il peut toutefois, d'office ou à leur demande, décider de les entendre en chambre du conseil. » Nous demandons, par notre sous-amendement n° 217, que soient ajoutés les mots : « dans les conditions prévues par l'article 400 du code de procédure pénale. » Nos explications antérieures nous dispensent d'en dire davantage.

L'amendement n° 218 vise, je le rappelle, après les mots : « la personne et son avocat », à supprimer les mots : « en chambre du conseil. » Ainsi, ce serait clair, net et précis ! Le texte adopté par l'Assemblée nationale a en effet repris les termes : « en chambre du conseil. »

La majorité sénatoriale et nous étions au moins d'accord en première lecture, pour demander que le principe, ce soit l'audience publique, de manière qu'il n'y ait pas cette discrétion suspecte. Mais l'Assemblée nationale a persisté, comme elle l'avait fait en première lecture, à demander que tout se passe en chambre du conseil.

M. le président. La parole est à M. Robert Badinter, pour présenter l'amendement n° 219 rectifié.

M. Robert Badinter. J'attire l'attention de la commission et du Gouvernement sur l'importance de cet amendement. Il ne faut pas placer le juge, dans le cadre du contrôle pur et simple, dans l'obligation de dire soit « oui » soit « non ». La procédure de l'homologation n'est pas compatible avec ce qui est l'essence même de la fonction juridictionnelle : décider.

Puisqu'il ne s'agit pas ici du plea bargaining, il faut au moins donner au juge la faculté, comme cela se conçoit par la force de l'évidence, d'imposer aux parties une renégociation. Cela éviterait de bloquer littéralement la liberté du juge. Ce n'est pas rien ! C'est le coeur même du processus décisionnel qui est en question.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter les amendements n°s 84, 85 et 86, et pour donner l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 217 et sur les amendements n°s 218 et 219 rectifié.

M. François Zocchetto, rapporteur. J'indiquerai tout d'abord que la commission est défavorable au sous-amendement n° 217 et à l'amendement n° 218 dans la mesure où elle considère qu'ils sont satisfaits par les amendements n°s 82 et 83 que j'ai exposés tout à l'heure.

La commission est totalement défavorable à l'amendement n° 219 rectifié. Il s'agirait de permettre au tribunal d'inviter les parties à renégocier l'accord. Cette proposition est tout à fait contraire à l'esprit de la nouvelle procédure que nous voulons mettre en place. (M. Michel Dreyfus-Schmidt s'exclame.) Il n'y a pas de négociation ! Par conséquent, il ne peut pas y avoir de renégociation. Il y a une proposition du procureur, qui est ensuite soit acceptée, soit refusée. Puis, dans une troisième étape, les peines proposées sont homologuées ou non par le juge. (M. Robert Badinter s'exclame.)

L'amendement n° 84 est un amendement de coordination.

L'amendement n° 85 est un amendement de clarification qui tend à préciser la procédure en cas d'échec de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.

Enfin, l'amendement n° 86 est un amendement de précision.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Je suis évidemment défavorable à l'amendement de suppression n° 261.

Je rappellerai simplement ce que j'ai dit hier dans ma présentation du projet de loi : cette procédure permet de poursuivre la diversification des réponses pénales en fonction de la diversité des situations. Cette diversification est utile, et même nécessaire à la bonne administration de la justice.

Sur l'amendement n° 81, qui vise à revenir au texte du Sénat, j'émets un avis favorable, ainsi que sur l'amendement n° 82.

L'amendement n° 83 suscite en revanche ma réserve. Il est vrai que la décision doit être publique et présentée de manière publique. Mais pour la phase d'homologation par le président, la question qui se pose est de savoir si elle doit se dérouler en chambre du conseil ou en audience publique. Je pense que, en termes de bonne administration de la justice et de bonne organisation de la procédure, il serait plus raisonnable de s'en tenir au texte de l'Assemblée nationale, qui prévoit que l'homologation en chambre du conseil est la règle mais qu'à la demande de la personne concernée elle peut avoir lieu en audience publique.

C'est une garantie supplémentaire de bon fonctionnement, et je ne pense pas que cela mette en danger les intérêts de la défense.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur l'amendement n° 83.

Il émet également un avis défavorable sur le sous-amendement n° 217 et sur l'amendement n° 218.

S'agissant de l'amendement n° 219 rectifié, je partage le point de vue de M. le rapporteur. Je suis tout à fait défavorable à l'idée d'une « renégociation » comme d'ailleurs à l'introduction des mots « négociation » ou « renégociation » dans le texte.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. On peut en changer !

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Sur l'amendement n° 84, je ne peux qu'émettre un avis défavorable puisque c'est en fait un amendement de conséquence de l'amendement n° 83 relatif au caractère public de l'audience auquel je viens de me déclarer défavorable.

Quant aux amendements n°s 85 et 86, j'y suis favorable.

M. le président. La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote sur l'amendement n° 261.

M. Robert Badinter. Du fait de l'importance que revêtira à l'avenir cette procédure, nous souhaitons que l'on puisse savoir qui l'a votée, raison pour laquelle nous demandons un scrutin public.

Je l'ai déjà dit lors de la discussion générale et lorsque j'ai défendu la motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité, nous ne sommes pas là dans le cadre du plaider-coupable, c'est-à-dire d'une orientation vers un autre type de procédure. Que l'on ne s'y trompe pas !

S'agissant de la prise en considération dans le débat contradictoire des intérêts de la victime, je pourrais, monsieur le garde des sceaux, vous faire la très longue liste des textes que j'ai fait voter sur ce point ! Lorsque j'ai quitté la chancellerie, je puis vous dire que le droit français avait atteint le même niveau que celui des pays scandinaves en ce qui concerne la protection de la victime, niveau qui était alors le plus élevé de l'Europe, mais je laisse cela de côté...

Vous changez profondément la nature du procès pénal. Vous avez parlé tout à l'heure d'administration de la justice, mais que penser d'un système dans lequel le procureur dirige l'enquête, choisit ensuite l'orientation de la procédure puis formule une proposition de peine, qui pourra aller jusqu'à un an de prison ?

Le nombre des délits passibles de cinq ans d'emprisonnement est immense, ce sont des centaines de milliers d'affaires qui sont concernées ! Nous savons tous que la proposition qui sera formulée par le procureur aura, pour celui qui l'entendra, une force si grande que l'on ne pourra parler d'acceptation non plus que de consentement.

Il s'agira bien de résignation, dans l'espérance de ne pas subir une peine plus forte !

Voilà le déséquilibre que vous introduisez dans la procédure pénale. C'est la rupture avec toutes les garanties si patiemment et si longuement aménagées. C'est l'intrusion, dans ce qui n'est ni le plea-bargaining à l'américaine, ni le plaider-coupable tel que nous pensons devoir l'introduire dans notre droit, non pas de la bonne administration de la justice, mais de la justice administrée, et administrée par le parquet. Je sais que ces magistrats n'en demandent pas tant, mais je rappelle qu'il s'agit d'un corps hiérarchisé. Là, nous vous rejoignons.

Nous aurions souhaité que l'article 61 soit supprimé et que la réflexion reprenne. Je suis, hélas ! convaincu qu'il en ira autrement mais, au moins, grâce au scrutin public, on saura qui a voulu cette procédure !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 261.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)


M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 136 :

Nombre de votants314
Nombre de suffrages exprimés313
Majorité absolue des suffrages157
Pour113
Contre200

Je mets aux voix l'amendement n° 81.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 82.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous le votons !

(L'amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 217.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous admettons parfaitement que le Gouvernement soit défavorable au sous-amendement n° 217 puisqu'il est défavorable à l'amendement n° 83. J'aurais cependant aimé savoir si, dans l'hypothèse où, en dépit de son avis, le Sénat adopterait l'amendement n° 83, M. le ministre n'estimerait pas que notre sous-amendement n° 217 améliore ce dernier...

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Non, j'y resterais défavorable !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Eh bien ! nous pensons quant à nous que notre sous-amendement améliore l'amendement n° 83 et c'est pourquoi nous demandons au Sénat de le voter.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 217.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 83.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous le votons !

(L'amendement est adopté.)

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il est adopté à l'unanimité !

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 218 n'a plus d'objet.

La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote sur l'amendement n° 219 rectifié.

M. Robert Badinter. J'ai déjà exposé tout à l'heure à quel point il serait souhaitable de ne pas placer le juge dans la position de ne pouvoir dire que oui ou non. N'avoir le choix qu'entre accepter ou refuser l'homologation, ce n'est pas avoir la liberté de décider !

Je demande que le juge ait au moins la possibilité d'inviter le procureur à reconsidérer sa proposition. Cela donnera plus de souplesse à cette procédure.

Vous constaterez que je n'emploie pas le terme « négocier ». Vous avez raison, ce terme ne vaut pas entre un homme qui sort d'une garde à vue et un procureur de la République qui formule une proposition.

Je rectifie donc l'amendement en conséquence en le formulant de la manière suivante : le juge peut également « inviter le procureur à formuler une proposition nouvelle ».

M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 219 rectifié bis, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, et ainsi libellé :

« Après la première phrase du deuxième alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article 495-9 du code de procédure pénale, insérer une phrase ainsi rédigée : "Il peut également inviter le procureur à formuler une proposition nouvelle". »

Je le mets aux voix.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 84.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous le votons !

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 85.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 86.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 61, modifié.

(L'article 61 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le président, je crois savoir que le Sénat siège demain à dix heures. Il nous faut donc interrompre nos travaux maintenant si nous ne voulons pas que la séance du matin soit décalée...

M. le président. Monsieur Dreyfus-Schmidt, le programme des travaux de demain matin nous permet de prolonger la séance d'environ une demi-heure, demi-heure qu'avec l'effort de chacun nous pourrions utilement remplir ! (Sourires.)

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il serait bon d'être prévenus !

Art. 61
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Art. 62 ter

Article additionnel après l'article 62 bis

M. le président. L'amendement n° 87, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Après l'article 62 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« L'article 706-61 du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Si la juridiction ordonne un supplément d'information aux fins d'audition du témoin, ce dernier est entendu soit par un juge d'instruction désigné pour exécuter ce supplément d'information, soit, si l'un des membres de la juridiction a été désigné pour exécuter cette audition, en utilisant le dispositif technique prévu par l'alinéa précédent. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Zocchetto, rapporteur. Cet amendement vise à préciser les règles applicables à l'audition d'un témoin anonyme dans le cadre d'un supplément d'information.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 87.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 62 bis.

Art. additionnel après l'art. 62 bis
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Art. 63

Article 62 ter

I. - Le troisième alinéa de l'article 547 du code de procédure pénale est complété par une phrase ainsi rédigée :

« La cour est cependant composée du seul président de la chambre des appels correctionnels, siégeant à juge unique. »

II. - Dans le premier alinéa de l'article 549 du même code, les références : « 510 à 520 » sont remplacées par les références : « 511 et 514 à 520 ».

M. le président. L'amendement n° 220, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Supprimer cet article. »

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. On ne sait pourquoi, mais il semble que la commission accepte maintenant ce qu'elle n'acceptait pas auparavant.

Nous demandons au Sénat d'être au contraire fidèle à ce qui était sa pensée, car, comme l'a dit par ailleurs M. le rapporteur, en appel en tout cas, il faut s'en tenir au principe de la collégialité.

Les contraventions de cinquième classe étaient, pendant très longtemps, des délits. On en a fait des contraventions de manière qu'elles soient jugées par un juge unique, le président du tribunal de police, étant entendu que l'appel serait porté devant la chambre des appels correctionnels statuant en matière collégiale.

C'est bien le moindre que, pour des infractions qui sont importantes, raison pour laquelle elles ont été pendant très longtemps des délits, il y ait la garantie du collège. Et voilà que l'on nous propose un juge unique pour la chambre des appels correctionnels !

M. le rapporteur nous a dit qu'il n'y avait pas de raison pour que les « sorties » du fichier des infractions sexuelles ne soient pas portées devant la chambre de l'instruction. Il s'est trompé parce que ce n'est pas devant la chambre de l'instruction mais devant le président de la chambre de l'instruction. N'en parlons plus ici puisqu'on en reparlera en commission mixte paritaire.

Mais, monsieur le rapporteur, expliquez-nous pourquoi vous ne maintenez pas ici le point de vue qui était le vôtre en première lecture. Nous nous permettons d'insister auprès de vous, et également auprès de M. le président de la commission des lois, pour que, au moins, on maintienne la collégialité en appel des jugements du tribunal de police pour les contraventions de cinquième classe.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François Zocchetto, rapporteur. Pour une question de principe, en première lecture, j'avais pensé que la collégialité devait être maintenue même pour l'appel des jugements du tribunal de police.

A la réflexion, et aussi après avoir observé comment cela se passait sur le terrain, j'en ai conclu que cette position de principe, en réalité, n'avait aucune conséquence pratique. Ce n'est pas parce que l'on décidait de maintenir la collégialité que l'arrêt était rendu de façon collégiale. En réalité, seul un magistrat de la cour d'appel s'occupe des dossiers. On comprend bien qu'il s'agit de dossiers de contravention pour lesquels il n'y a pas lieu de faire semblant de mobiliser trois magistrats.

La commission est donc défavorable à votre amendement. Il me semble que c'est plutôt un progrès que de supprimer cette hypocrisie selon laquelle l'appel des contraventions se fait de façon collégiale. (M. Dreyfus-Schmidt rit.)

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Parlons des victimes.

Parmi les contraventions de cinquième classe, il y a la « blessure involontaire ayant entraîné une incapacité de travail de moins de trois mois ». Croyez-vous que la victime n'ait pas droit, pour discuter de l'importance de son préjudice, de se faire entendre de trois magistrats ? Est-ce que, sur les trois magistrats, un seul travaille tandis que les autres dorment ? Aurais-je mal compris les propos de M. le rapporteur ?

J'ai, me semble-t-il, suffisamment d'expérience en la matière pour savoir combien les débats peuvent être nourris devant la collégialité de la chambre des affaires correctionnelles dans une affaire telle que celle que j'évoque. Vous parlez d'hypocrisie, je me retiens de vous renvoyer le terme !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 220.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 62 ter, modifié.

(L'article 62 ter est adopté.)

Art. 62 ter
Dossier législatif : projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité
Art. 63 quater

Article 63

Après le premier alinéa de l'article 706-71 du code de procédure pénale, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :

« Les dispositions de l'alinéa précédent prévoyant l'utilisation d'un moyen de télécommunication audiovisuelle sont applicables devant la juridiction de jugement pour l'audition des témoins, des parties civiles et des experts et pour l'interrogatoire du prévenu devant le tribunal de police, y compris si celui-ci est détenu pour une autre cause.

« Ces dispositions sont également applicables à l'audition ou à l'interrogatoire par un juge d'instruction d'une personne détenue, au débat contradictoire préalable au placement en détention provisoire d'une personne détenue pour une autre cause, au débat contradictoire prévu pour la prolongation de la détention provisoire ou à l'examen des demandes de mise en liberté par la chambre de l'instruction ou la juridiction de jugement.

« Pour l'application des dispositions des deux alinéas précédents, si la personne est assistée par un avocat, celui-ci peut se trouver auprès de la juridiction compétente ou auprès de l'intéressé. Dans le premier cas, il doit pouvoir s'entretenir avec ce dernier, de façon confidentielle, en utilisant le moyen de télécommunication audiovisuelle. Dans le second cas, une copie de l'intégralité du dossier doit être mise à sa disposition dans les locaux de détention. »

M. le président. L'amendement n° 88, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Après les mots : "et des experts", supprimer la fin du premier alinéa du texte proposé par cet article pour insérer trois alinéas après le premier alinéa de l'article 706-21 du code de procédure pénale. »

L'amendement n° 89, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Rédiger comme suit le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour insérer trois alinéas après le premier alinéa de l'article 706-21 du code de procédure pénale :

« Ces dispositions sont également applicables à l'audition ou à l'interrogatoire par un juge d'instruction d'une personne détenue, au débat contradictoire préalable au placement en détention provisoire d'une personne détenue pour une autre cause, au débat contradictoire prévu pour la prolongation de la détention provisoire, à l'examen des demandes de mise en liberté par la chambre de l'instruction ou la juridiction de jugement, ou à l'interrogatoire du prévenu devant le tribunal de police si celui-ci est détenu pour une autre cause, lorsque l'extraction de l'intéressé de l'établissement pénitentiaire pour être conduit devant la juridiction compétente doit être évitée en raison des risques graves d'évasion ou de troubles à l'ordre public. »

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter ces deux amendements.

M. François Zocchetto, rapporteur. L'amendement n° 88 est un retour au texte du Sénat en ce qui concerne la visoconférence.

L'amendement n° 89 a le même objet.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à ces amendements qui limitent le recours à la visioconférence.

En effet, le texte adopté par l'Assemblée nationale me paraît concilier les avantages pouvant résulter des progrès techniques et les droits de la défense, qui sont notamment préservés par le dernier alinéa de l'article. Celui-ci garantit en effet la confidentialité de la communication entre la personne poursuivie et son avocat, s'ils ne se trouvent pas dans le même lieu, et l'accès de l'avocat aux dossiers, si ces derniers ne se trouvent pas près du juge.

Je suis toutefois persuadé qu'une solution aussi équilibrée que possible pourra être trouvée sur cette question en commission mixte paritaire, afin de permettre le bon fonctionnement de ce qu'on appelle le « tribunal du futur », qui commence à se mettre en place et nous permettra d'obtenir des résultats tout à fait positifs.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 88.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote sur l'amendement n° 89.

M. Robert Badinter. Il s'agit de l'utilisation du moyen de télécommunication audiovisuelle, c'est-à-dire - chacun le comprend - la vidéoconférence actuelle, devant une juridiction de jugement et, cette fois-ci, pour l'interrogatoire du prévenu.

L'interrogatoire du prévenu devant le tribunal de police est un moment essentiel d'exercice du droit de la défense. Il faut avoir en face de soi celui qui est directement impliqué. Par conséquent, nous soutenons absolument la position qui a été prise par la commission.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 89.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 63, modifié.

(L'article 63 est adopté.)

Art. 63
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Art. additionnel avant l'art. 64 bis

Article 63 quater

L'article L. 331-9 du code de l'organisation judiciaire est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le juge d'instance exerce toutefois de plein droit, en cette qualité, les fonctions de juge de proximité lorsque aucun juge de proximité n'a été affecté au sein de la juridiction de proximité. » - (Adopté.)

Art. 63 quater
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Art. additionnel avant l'art. 65 bis

Article additionnel avant l'article 64 bis

M. le président. L'amendement n° 90, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Avant l'article 64 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« L'article 270 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« Art. 270. - Si l'accusé est en fuite ou ne se présente pas, il peut être jugé par défaut conformément aux dispositions du chapitre VIII du présent titre. Lorsque l'accusé est en fuite, la date de l'audience au cours de laquelle il doit être jugé par défaut doit toutefois lui être signifiée à son dernier domicile connu ou à la mairie de ce domicile ou, à défaut, au parquet du procureur de la République du tribunal de grande instance où siège la cour d'assises, au moins dix jours avant le début de l'audience. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Zocchetto, rapporteur. Cet amendement vise à clarifier les règles relatives aux accusés en fuite.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 90.

(L'amendement est adopté.)

M. Le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 64 bis.

Art. additionnel avant l'art. 64 bis
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Art. 66

Article additionnel avant l'article 65 bis

M. le président. L'amendement n° 91, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Avant l'article 65 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Il est inséré, après l'article 320 du code de procédure pénale, un article 320-1 ainsi rédigé :

« Art. 320-1. - Sans préjudice des dispositions du deuxième alinéa de l'article 272-1 et de celles en deuxième alinéa de l'article 379-2, le président peut ordonner que l'accusé qui n'est pas placé en détention provisoire et qui ne comparaît pas à l'audience soit amené devant la cour d'assises par la force publique. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Zocchetto, rapporteur. Il s'agit de donner au président de la cour d'assises le droit de faire comparaître par la force publique un accusé qui ne se présente pas à l'audience.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 91.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 65 bis.

Art. additionnel avant l'art. 65 bis
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Art. 66 bis

Article 66

I. - Non modifié.

I bis. - Dans le dixième alinéa de l'article 20 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, la référence : « 380 » est remplacée par la référence : « 379-1 ».

II. - Après l'article 379-1 du code de procédure pénale, il est rétabli un chapitre VIII ainsi rédigé :

« Chapitre VIII

« Du défaut en matière criminelle

« Art. 379-2. - L'accusé absent sans excuse valable à l'ouverture de l'audience est jugé par défaut conformément aux dispositions du présent chapitre. Il en est de même lorsque l'absence de l'accusé est constatée au cours des débats et qu'il n'est pas possible de les suspendre jusqu'à son retour.

« Les dispositions du présent chapitre ne sont pas applicables dans les cas prévus par les articles 320 et 322.

« Art. 379-3. - La cour examine l'affaire et statue sur l'accusation sans l'assistance des jurés, sauf si sont présents d'autres accusés jugés simultanément lors des débats, ou si l'absence de l'accusé a été constatée après le commencement des débats.

« Si un avocat est présent pour assurer la défense des intérêts de l'accusé, la procédure se déroule conformément aux dispositions des articles 306 à 379-1, à l'exception des dispositions relatives à l'interrogatoire ou à la présence de l'accusé.

« En l'absence d'avocat pour assurer la défense des intérêts de l'accusé, la cour statue sur l'accusation après avoir entendu la partie civile ou son avocat et les réquisitions du ministère public.

« En cas de condamnation à une peine ferme privative de liberté, la cour décerne mandat d'arrêt contre l'accusé, sauf si celui-ci a déjà été décerné.

« Art. 379-4. - Si l'accusé condamné dans les conditions prévues par l'article 379-3 se constitue prisonnier ou s'il est arrêté avant que la peine soit éteinte par la prescription, l'arrêt de la cour d'assises est non avenu dans toutes ses dispositions et il est procédé à son égard à un nouvel examen de son affaire par la cour d'assises conformément aux dispositions des articles 269 à 379-1.

« Le mandat d'arrêt délivré contre l'accusé en application de l'article 379-3 vaut mandat de dépôt et l'accusé demeure détenu jusqu'à sa comparution devant la cour d'assises, qui doit intervenir dans le délai prévu par l'article 215-2 à compter de son placement en détention, faute de quoi il est immédiatement remis en liberté.

« Art. 379-5. - L'appel n'est pas ouvert à la personne condamnée par défaut. »

III. - Le titre Ier bis du livre IV ainsi que l'article 270 du même code sont abrogés.

M. le président. L'amendement n° 92, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Après le premier alinéa du texte proposé par le paragraphe II de cet article pour l'article 379-2 du code de procédure pénale, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Toutefois, la cour peut également décider de renvoyer l'affaire à une session ultérieure, après avoir décerné mandat d'arrêt contre l'accusé si un tel mandat n'a pas déjà été décerné. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Zocchetto, rapporteur. Il convient de permettre à la cour d'assises de renvoyer une affaire plutôt que de devoir juger par défaut un accusé absent lors des débats, le cas échéant en décernant un mandat d'arrêt. La même règle existe en effet devant le tribunal correctionnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 92.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 93, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Dans le second alinéa du texte proposé par le paragraphe II de cet article pour l'article 379-4 du code de procédure pénale, remplacer la référence : "215-2" par la référence : "181". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Zocchetto, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 93.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 94, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Compléter le paragraphe II de cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« Art. 379-6. _ Les dispositions du présent chapitre sont applicables aux personnes renvoyées pour délits connexes. La cour peut toutefois, sur réquisition du ministère public et après avoir entendu les observations des parties, ordonner la disjonction de la procédure les concernant. Ces personnes sont alors considérées comme renvoyées devant le tribunal correctionnel et peuvent y être jugées par défaut. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Zocchetto, rapporteur. La procédure du défaut criminel doit pouvoir être appliquée aux personnes en fuite renvoyées pour délits connexes, sinon celles-ci ne pourront pas être jugées. Il est toutefois proposé de permettre que la cour d'assises les renvoie devant le tribunal correctionnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 94.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 95, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Rédiger comme suit le paragraphe III de cet article :

« III. _ Le titre Ier bis du livre IV du même code est abrogé. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Zocchetto, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 95.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 66, modifié.

(L'article 66 est adopté.)

Art. 66
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Art. 68 A

Article 66 bis

L'article 380-1 du code de procédure pénale est complété par trois alinéas ainsi rédigés :

« La cour statue sans l'assistance des jurés dans les cas suivants :

« 1° Lorsque l'accusé, renvoyé devant la cour d'assises uniquement pour un délit connexe à un crime, est le seul appelant ;

« 2° Supprimé ;

« 3° Lorsque l'appel du ministère public d'un arrêt de condamnation ou d'acquittement concerne un délit connexe à un crime et qu'il n'y a pas d'appel interjeté concernant la condamnation criminelle. »

M. le président. L'amendement n° 96, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Après le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour compléter l'article 380-1 du code de procédure pénale, rétablir un alinéa ainsi rédigé :

« 2° Lorsque tous les condamnés pour crime se sont désistés de leur appel et qu'il n'a pas été fait appel contre l'un d'entre eux par le ministère public ; ».

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Zocchetto, rapporteur. C'est un retour au texte du Sénat en ce qui concerne les accusés qui se désistent de leur appel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 96.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 66 bis, modifié.

(L'article 66 bis est adopté.)

Section 3

Dispositions relatives à la Cour de cassation

Chapitre V

Dispositions relatives à l'application des peines

Section 1 A

Dispositions générales

Art. 66 bis
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Art. 68 BA

Article 68 A

I. - Non modifié.

II. - L'article 707 du même code devient l'article 707-1 et l'article 707 est ainsi rétabli :

« Art. 707. - Sur décision ou sous le contrôle des autorités judiciaires, les peines prononcées par les juridictions pénales sont, sauf circonstances insurmontables, mises à exécution de façon effective et dans les meilleurs délais.

« L'exécution des peines favorise, dans le respect des intérêts de la société et des droits des victimes, l'insertion ou la réinsertion des condamnés ainsi que la prévention de la récidive.

« A cette fin, les peines peuvent être aménagées en cours d'exécution pour tenir compte de l'évolution de la personnalité et de la situation du condamné. L'individualisation des peines doit, chaque fois que cela est possible, permettre le retour progressif du condamné à la liberté et éviter une remise en liberté sans aucune forme de suivi judiciaire. »

III. - L'article 707-1 du même code est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Le paiement du montant de l'amende doit toujours être recherché. Toutefois, le défaut total ou partiel du paiement de ce montant peut entraîner l'incarcération du condamné selon les conditions prévues par la loi.

« Pour le recouvrement des amendes, la prescription est interrompue par un commandement notifié au condamné ou une saisie signifiée à celui-ci. »

IV. - L'article 765-1 du même code est abrogé. - (Adopté.)

Art. 68 A
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Art. 68 B

Article 68 BA

Après l'article 709-1 du code de procédure pénale, il est inséré un article 709-2 ainsi rédigé :

« Art. 709-2. - Le procureur de la République établit un rapport annuel sur l'état et les délais de l'exécution des peines qui comprend, notamment, un rapport établi par le trésorier-payeur général relatif au recouvrement des amendes dans le ressort du tribunal. Le trésorier-payeur général communique son rapport au procureur de la République le premier jour ouvrable du mois de janvier de chaque année. Le rapport du procureur de la République est rendu public au moment de l'audience solennelle de rentrée de la juridiction. »

M. le président. L'amendement n° 97, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Supprimer cet article. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Zocchetto, rapporteur. Le présent article impose au procureur de la République de rédiger chaque année un rapport sur le recouvrement des amendes dans son ressort.

Il n'apparaît pas souhaitable d'alourdir la charge de travail du procureur. D'ores et déjà, les magistrats ne rédigent pas tous les rapports qui leur sont imposés par la loi, notamment en ce qui concerne les établissements pénitentiaires.

La commission propose donc de supprimer l'article 68 BA.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat mais je voudrais souligner que le texte proposé par l'Assemblée nationale contient une disposition très intéressante.

La rédaction n'est peut-être pas des plus pertinentes, mais il est intéressant d'obliger le trésorier-payeur général à remettre au procureur de la République un rapport sur la façon dont les amendes sont recouvrées dans ce pays.

Il s'agit d'un grave problème. On parle beaucoup de l'incarcération excessive, mais si l'on parvenait à améliorer le recouvrement des amendes, si le taux d'exécution des peines était meilleur, et sans doute éviterions-nous une gradation des peines due au fait que la première des peines n'a pas été appliquée.

Cette question a donné lieu à un débat assez long à l'Assemblée nationale. Je voulais donc en rendre compte. L'idée d'obliger le trésorier-payeur général - qui ne le fait pas - à informer le procureur de la République sur la façon dont il exécute les décisions du tribunal est intéressante. Sans doute la rédaction de cet article est-elle perfectible. Je ne suis pas persuadé par exemple, qu'il soit indispensable de rendre ce rapport public au moment de l'audience solennelle de rentrée de la juridiction.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. François Zocchetto, rapporteur. Pour être complet, j'ajoute que la commission a évoqué l'intérêt que présente ce rapport. Je pense que nous pourrons y revenir en commission mixte paritaire.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je tiens à souligner, à surligner, ce que vient de nous dire M. le rapporteur. Le procureur de la République n'a déjà pas le temps de rédiger tous les rapports qui lui sont demandés. Il ne faut pas lui en demander un de plus.

Est-ce sur ce parquet que vous comptez pour contrôler tout ce qu'il doit, selon vous, contrôler ?

M. Jean-Pierre Sueur. C'est contradictoire !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est une tâche énorme ! Comment le législateur peut-il s'assurer que les magistrats remplissent bien les fonctions de contrôle, ou les autres fonctions d'ailleurs, qu'il leur a confiées ? Si ce n'est pas possible, quelles dispositions faut-il prendre ? C'est le fonctionnement même de la justice de notre pays que vous venez d'évoquer, monsieur le garde des sceaux.

Je tiens aussi à défendre les trésoriers-payeurs généraux. Les parlementaires que nous sommes reçoivent les comptes rendus des activités des trésoriers-payeurs généraux dans les départements, y compris la liste des amendes qui sont recouvrées et de celles qui ne le sont pas. Il est facile de crier haro sur ceux qui ne sont pas là pour se défendre.

Nous pourrons y revenir, monsieur le garde des sceaux. Mais lorsque les amendes ne sont pas récupérées, il en est rendu compte, comme il est proposé d'abandonner les créances irrécupérables. Une telle sévérité à l'égard des hauts fonctionnaires que sont les trésoriers-payeurs généraux n'est ni justifiée ni acceptable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 97.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'article 68 BA est supprimé.

Art. 68 BA
Dossier législatif : projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité
Art. 68 C

Article 68 B

Après l'article 712 du code de procédure pénale, il est inséré un chapitre II ainsi rédigé :

« Chapitre II

« Des juridictions de l'application des peines

« Section 1

« Etablissement et composition

« Art. 712-1. - Le juge de l'application des peines et le tribunal de l'application des peines constituent les juridictions de l'application des peines du premier degré qui sont chargées, dans les conditions prévues par la loi, de fixer les principales modalités de l'exécution des peines privatives de liberté ou de certaines peines restrictives de liberté, en orientant et en contrôlant les conditions de leur application.

« Les décisions du juge de l'application des peines et du tribunal de l'application des peines peuvent être attaquées par la voie de l'appel. L'appel est porté, selon les distinctions prévues par le présent chapitre, devant la chambre de l'application des peines de la cour d'appel, composée d'un président de chambre et de deux conseillers, ou devant le président de cette chambre. Les appels concernant les décisions du juge ou du tribunal de l'application des peines de la Guyane sont portés devant la chambre détachée de la cour d'appel de Fort-de-France ou son président.

« Art. 712-2. - Dans chaque tribunal de grande instance, un ou plusieurs magistrats du siège sont chargés des fonctions de juge de l'application des peines.

« Ces magistrats sont désignés par décret pris après avis du Conseil supérieur de la magistrature. Il peut être mis fin à leurs fonctions dans les mêmes formes.

« Si un juge de l'application des peines est temporairement empêché d'exercer ses fonctions, le président du tribunal de grande instance désigne un autre magistrat pour le remplacer.

« Art. 712-3. - Dans le ressort de chaque cour d'appel sont établis un ou plusieurs tribunaux de l'application des peines dont la compétence territoriale, correspondant à celle d'un ou plusieurs tribunaux de grande instance du ressort, est fixée par décret. Le tribunal de l'application des peines est composé d'un président et de deux assesseurs désignés par le premier président parmi les juges de l'application des peines du ressort de la cour.

« Dans les départements d'outre-mer, un membre au moins du tribunal de l'application des peines est juge de l'application des peines. Dans le ressort de la cour d'appel de Fort-de-France, un tribunal de l'application des peines est également établi au tribunal de grande instance de Cayenne et est composé d'au moins un juge de l'application des peines. En Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les collectivités de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon, le tribunal de l'application des peines peut être composé d'un seul membre, juge de l'application des peines.

« Les débats contradictoires auxquels procède cette juridiction ont lieu au siège des différents tribunaux de grande instance du ressort de la cour d'appel ou dans les établissements pénitentiaires de ce ressort.

« Les fonctions de ministère public sont exercées par le procureur de la République du tribunal de grande instance où se tient le débat contradictoire ou dans le ressort duquel est situé l'établissement pénitentiaire où se tient ce débat.

« Section 2

« Compétence et procédure devant les juridictions

du premier degré

« Art. 712-4. - Les mesures relevant de la compétence du juge de l'application des peines sont accordées, modifiées, ajournées, refusées, retirées ou révoquées par ordonnance ou jugement motivé de ce magistrat agissant d'office, sur la demande du condamné ou sur réquisition du procureur de la République, selon les distinctions prévues aux articles suivants.

« Art. 712-5. - Non modifié.

« Art. 712-6. - Les jugements concernant les mesures de placement à l'extérieur, de semi-liberté, de fractionnement et suspension des peines, de placement sous surveillance électronique et de libération conditionnelle sont rendus, après avis du représentant de l'administration pénitentiaire, à l'issue d'un débat contradictoire tenu en chambre du conseil, au cours duquel le juge de l'application des peines entend les réquisitions du ministère public et les observations du condamné ainsi que, le cas échéant, celles de son avocat. Si le condamné est détenu, ce débat peut se tenir dans l'établissement pénitentiaire.

« Le juge de l'application des peines peut, avec l'accord du procureur de la République et celui du condamné ou de son avocat, octroyer ou modifier l'une de ces mesures sans procéder à un débat contradictoire.

« Les dispositions du présent article sont également applicables, sauf si la loi en dispose autrement, aux décisions du juge de l'application des peines concernant les peines de suivi socio-judiciaire, d'interdiction de séjour, de travail d'intérêt général, d'emprisonnement avec sursis assorti de la mise à l'épreuve ou de l'obligation d'accomplir un travail d'intérêt général, ou les mesures d'ajournement du prononcé de la peine avec mise à l'épreuve.

« Art. 712-7. - Les mesures concernant le relèvement de la période de sûreté prévues à l'article 720-4, la libération conditionnelle ou la suspension de peine qui ne relèvent pas de la compétence du juge de l'application des peines sont accordées, modifiées, ajournées, refusées, retirées ou révoquées par jugement motivé du tribunal de l'application des peines saisi sur la demande du condamné, sur réquisition du procureur de la République ou à l'initiative du juge de l'application des peines dont relève le condamné en application des dispositions de l'article 712-8.

« Les jugements du tribunal de l'application des peines sont rendus, après avis du représentant de l'administration pénitentiaire, à l'issue d'un débat contradictoire tenu en chambre du conseil, au cours duquel la juridiction entend les réquisitions du ministère public et les observations du condamné ainsi que, le cas échéant, celles de son avocat. Si le condamné est détenu, ce débat peut se tenir dans l'établissement pénitentiaire.

« Art. 712-8. - Est territorialement compétent le juge de l'application des peines de la juridiction dans le ressort de laquelle est situé soit l'établissement pénitentiaire dans lequel le condamné est écroué, soit, si le condamné est libre, la résidence habituelle de celui-ci ou, s'il n'a pas en France de résidence habituelle, le juge de l'application des peines du tribunal dans le ressort duquel a son siège la juridiction qui a statué en première instance.

« Lorsqu'une mesure de placement à l'extérieur ou de semi-liberté doit s'exécuter hors du ressort du juge de l'application des peines qui l'a ordonnée, le condamné est alors inscrit au registre d'écrou de l'établissement pénitentiaire situé à proximité du lieu d'exécution de la mesure ; le juge de l'application des peines, compétent pour, le cas échéant, préciser ou modifier les modalités d'exécution de la mesure, prononcer ou proposer son retrait, est celui de la juridiction dans le ressort de laquelle est situé cet établissement pénitentiaire.

« Lorsqu'a été accordée une mesure de placement sous surveillance électronique ou une libération conditionnelle, le juge de l'application des peines compétent pour le contrôle est celui de la juridiction dans le ressort de laquelle se trouve le lieu d'assignation du condamné ou sa résidence habituelle fixée par la décision ayant accordé la mesure.

« La compétence territoriale définie dans le présent article s'apprécie au jour de la saisine du juge de l'application des peines ; après la saisine initiale, celui-ci peut se dessaisir d'office, sur la demande du condamné ou sur réquisitions du ministère public, au profit du juge de l'application des peines du nouveau lieu de détention ou de la nouvelle résidence habituelle du condamné lorsqu'il est situé dans un autre ressort. Est territorialement compétent le tribunal de l'application des peines de la cour d'appel dans le ressort de laquelle le condamné réside habituellement, est écroué ou exécute sa peine selon les distinctions du présent article.

« Section 3

« De la procédure en cas d'appel

« Art. 712-9 à 712-10. - Non modifiés.

« Art. 712-11 (pour coordination). - L'appel des jugements mentionnés aux articles 712-6 et 712-7 est porté devant la chambre de l'application des peines de la cour d'appel, qui statue par arrêt motivé après un débat contradictoire au cours duquel sont entendues les réquisitions du ministère public et les observations de l'avocat du condamné. Le condamné n'est pas entendu par la chambre, sauf si celle-ci en décide autrement. Son audition est alors effectuée, en présence de son avocat ou celui-ci régulièrement convoqué, soit selon les modalités prévues par l'article 706-71, soit par un membre de la juridiction dans l'établissement pénitentiaire où il se trouve détenu.

« Pour l'examen de l'appel des jugements mentionnés à l'article 712-7, la chambre de l'application des peines de la cour d'appel est composée, outre le président et les deux conseillers assesseurs, d'un responsable d'une association de réinsertion des condamnés et d'un responsable d'une association d'aide aux victimes. Pour l'application des dispositions du présent alinéa, la compétence d'une cour d'appel peut être étendue au ressort de plusieurs cours d'appel par un décret qui fixe la liste et le ressort de ces juridictions.

« Si elle confirme un jugement ayant refusé d'accorder une des mesures mentionnées aux articles 712-6 ou 712-7, la chambre peut fixer un délai pendant lequel toute nouvelle demande tendant à l'octroi de la même mesure sera irrecevable. Ce délai ne peut excéder ni le tiers du temps de détention restant à subir ni trois années.

« Art. 712-12. - Les décisions du juge de l'application des peines et du tribunal de l'application des peines sont exécutoires par provision. Toutefois, lorsque l'appel du ministère public est formé dans les vingt-quatre heures de la notification, il suspend l'exécution de la décision jusqu'à ce que la chambre de l'application des peines de la cour d'appel ou son président ait statué. L'affaire doit être examinée au plus tard deux mois suivant l'appel du parquet, faute de quoi celui-ci est non avenu.

« Art. 712-13. - Non modifié.

« Section 4

« Dispositions communes

« Art. 712-14. - Dans l'exercice de leurs attributions, les juridictions de l'application des peines peuvent procéder ou faire procéder, sur l'ensemble du territoire national, à tous examens, auditions, enquêtes, expertises, réquisitions, y compris celles prévues par l'article 132-22 du code pénal, ou autres mesures utiles. Ces enquêtes peuvent porter, le cas échéant, sur les conséquences des mesures d'individualisation de la peine au regard de la situation de la victime, notamment dans le cas prévu par l'article 720. Si elles l'estiment opportun, les juridictions de l'application des peines peuvent, avant toute décision, informer la victime ou la partie civile, directement ou par l'intermédiaire de son avocat, qu'elle peut présenter ses observations par écrit dans un délai de quinze jours à compter de la notification de cette information.

« Art. 712-15. - Le juge de l'application des peines peut délivrer un mandat d'amener contre un condamné placé sous son contrôle en cas d'inobservation par ce dernier des obligations qui lui incombent.

« Si le condamné est en fuite ou réside à l'étranger, il peut délivrer un mandat d'arrêt. La délivrance du mandat d'arrêt suspend, jusqu'à son exécution, le délai d'exécution de la peine ou des mesures d'aménagement.

« Si la personne est découverte, il est procédé conformément aux dispositions ci-après.

« Le procureur de la République du lieu de l'arrestation est avisé dès le début de la rétention de la personne par les services de police ou de gendarmerie. Pendant la rétention, qui ne peut durer plus de vingt-quatre heures, il est fait application des dispositions des articles 63-2 et 63-3.

« La personne est conduite dans les meilleurs délais, et au plus tard dans les vingt-quatre heures de son arrestation, devant le procureur de la République du tribunal de grande instance dans le ressort duquel siège le juge de l'application des peines compétent. Après avoir vérifié son identité et lui avoir notifié le mandat, ce magistrat la présente devant le juge de l'application des peines qui procède conformément aux dispositions de l'article 712-6.

« Si la présentation immédiate devant le juge de l'application des peines n'est pas possible, la personne est présentée devant le juge des libertés et de la détention. Ce juge peut, sur les réquisitions du procureur de la République, ordonner l'incarcération du condamné jusqu'à sa comparution devant le juge de l'application des peines, qui doit intervenir dans les huit jours ou dans le mois qui suit, selon qu'il s'agit d'une procédure correctionnelle ou d'une procédure criminelle.

« Si la personne est arrêtée à plus de deux cents kilomètres du siège du juge de l'application des peines et qu'il n'est pas possible de la conduire dans le délai de vingt-quatre heures devant le procureur de la République compétent en vertu du cinquième alinéa, elle est conduite devant le procureur de la République du lieu de son arrestation, qui vérifie son identité, lui notifie le mandat et reçoit ses éventuelles déclarations après l'avoir avertie qu'elle est libre de ne pas en faire. Ce magistrat met alors le mandat à exécution en faisant conduire la personne à la maison d'arrêt ; il en avise le juge de l'application des peines ayant délivré le mandat. Celui-ci ordonne le transfèrement de la personne, qui doit comparaître devant lui dans les quatre jours de la notification du mandat ; ce délai est porté à six jours en cas de transfèrement entre un département d'outre-mer et la France métropolitaine ou un autre département d'outre-mer.

« Art. 712-15-1. - En cas d'inobservation des obligations qui incombent au condamné faisant l'objet d'une mesure de semi-liberté, de placement extérieur ou de placement sous surveillance électronique, le juge de l'application des peines peut, après avis du procureur de la République, ordonner la suspension de la mesure.

« A défaut de la tenue du débat contradictoire prévu par l'article 712-6 dans un délai de quinze jours suivant l'incarcération du condamné qui résulte de cette suspension, la personne est remise en liberté si elle n'est pas détenue pour une autre cause.

« Art. 712-15-2. - En cas d'inobservation des obligations qui incombent au condamné faisant l'objet d'un sursis avec mise à l'épreuve, d'un sursis avec obligation d'accomplir un travail d'intérêt général, d'un suivi socio-judiciaire, d'une suspension ou d'un fractionnement de peine ou d'une libération conditionnelle, le juge de l'application des peines peut ordonner, après avis du procureur de la République, l'incarcération provisoire du condamné.

« L'ordonnance d'incarcération provisoire peut être prise par le juge d'application des peines du lieu où se trouve le condamné.

« A défaut de la tenue du débat contradictoire prévu par l'article 712-6 dans un délai de quinze jours suivant l'incarcération du condamné, celui-ci est remis en liberté s'il n'est pas détenu pour une autre cause. Ce délai est porté à un mois lorsque le débat contradictoire doit se faire devant le tribunal de l'application des peines en application des dispositions de l'article 712-7.

« Art. 712-15-3. - La violation par le condamné des obligations auxquelles il est astreint, commise pendant la durée d'exécution d'une des mesures, y compris de sursis avec mise à l'épreuve ou obligation d'accomplir un travail d'intérêt général, mentionnées aux articles 712-6 et 712-7, peut donner lieu à la révocation ou au retrait de la mesure après la date d'expiration de celle-ci lorsque le juge ou la juridiction de l'application des peines compétent a été saisi ou s'est saisi à cette fin au plus tard dans un délai d'un mois après cette date.

« Art. 712-16 et 712-17. - Non modifiés. »

M. le président. Sur cet article, je suis saisi de huit amendements présentés par M. François Zocchetto, au nom de la commission.

L'amendement n° 98 est ainsi libellé :

« Compléter le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 712-6 du code de procédure pénale par une phrase ainsi rédigée : "Il peut être fait application des dispositions de l'article 706-71." »

L'amendement n° 99 est ainsi libellé :

« Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 712-7 du code de procédure pénale, supprimer les mots : "prévues à l'article 720-4". »

L'amendement n° 100 est ainsi libellé :

« Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 712-7 du code de procédure pénale, supprimer le mot : "modifiées,". »

L'amendement n° 101 est ainsi libellé :

« Compléter le second alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 712-7 du code de procédure pénale par une phrase ainsi rédigée : "Il peut être fait application des dispositions de l'article 706-71." »

L'amendement n° 102 est ainsi libellé :

« Compléter le texte proposé par cet article pour l'article 712-7 du code de procédure pénale par un alinéa ainsi rédigé :

« Sauf si le procureur de la République s'y oppose, les décisions modifiant ou refusant de modifier les obligations résultant d'une libération conditionnelle ou d'une suspension de peine ordonnée par le tribunal de l'application des peines sont prises par jugement du juge de l'application des peines, conformément aux dispositions des premier et deuxième alinéas de l'article 712-6. »

L'amendement n° 103 est ainsi libellé :

« Dans le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 712-8 du code de procédure pénale, remplacer les mots : "compétent pour le contrôle" par les mots : "territorialement compétent". »

L'amendement n° 104 est ainsi libellé :

« Dans le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 712-11 du code de procédure pénale, remplacer les mots : "à l'article 712-7" par les mots : "aux deux premiers alinéas de l'article 712-7". »

L'amendement n° 105 est ainsi libellé :

« Dans la dernière phrase du texte proposé par cet article pour l'article 712-12 du code de procédure pénale, remplacer les mots : "au plus tard deux mois" par les mots : "au plus tard dans les deux mois". »

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter ces amendements.

M. François Zocchetto, rapporteur. Ces amendements ont pour objet d'opérer des coordinations ou d'apporter des améliorations rédactionnelles au dispositif sur l'application des peines.

Ils visent également à permettre l'utilisation de la visioconférence en la matière.

Ils permettent enfin au juge de l'application des peines de modifier les obligations de libération conditionnelle ou de suspension de peine afin d'éviter de réunir systématiquement le tribunal de l'application des peines.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 98.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 99.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 100.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 101.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 102.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 103.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 104.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 105.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 68 B, modifié.

(L'article 68 B est adopté.)

Art. 68 B
Dossier législatif : projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité
Art. additionnels après l'art. 68 C

Article 68 C

I. - Non modifié.

I bis. - A la fin du dernier alinéa de l'article 627-18 du même code, les mots : « 713-1 à 713-7 » sont remplacés par les mots : « 728-2 à 728-8 ».

I ter. - Dans le premier alinéa de l'article 769 du même code, les références : « 713-3 » et « 716-6 » sont respectivement remplacées par les références : « 728-4 » et « 728-7 ».

II. - Non modifié.

II bis. - Il est inséré, après l'article 718 du même code, un article 718-1 ainsi rédigé :

« Art. 718-1. - Le juge de l'application des peines donne son avis, sauf urgence, sur le transfert des condamnés d'un établissement à l'autre. »

III à V. - Non modifiés.

VI. - 1. A la fin du dernier alinéa de l'article 732 du même code, les mots : « la juridiction régionale de la libération conditionnelle » sont remplacés par les mots : « le tribunal de l'application des peines ».

2. Au premier alinéa du même article, les mots : « la juridiction régionale de la libération conditionnelle, celle-ci » sont remplacés par les mots : « le tribunal de l'application des peines, celui-ci ».

VII. - Non modifié.

VII bis. - La dernière phrase du premier alinéa de l'article 733 du même code est ainsi rédigée :

« Il en est de même lorsque la décision de libération conditionnelle n'a pas encore reçu exécution et que le condamné ne remplit plus les conditions légales pour en bénéficier. »

VII ter. - Le deuxième alinéa de l'article 733 du même code est supprimé.

VIII. - Non modifié.

IX. - L'article 763-5 du même code est ainsi modifié :

1° Les trois dernières phrases du premier alinéa sont remplacées par une phrase ainsi rédigée :

« Cette décision est prise selon les dispositions prévues à l'article 712-6. » ;

2° Les deuxième, troisième et quatrième alinéas sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :

« En cas d'inobservation des obligations ou de l'injonction de soins, les dispositions de l'article 712-15 sont applicables. »

X. - L'article 739 du même code est ainsi modifié :

1° Dans le premier alinéa, après les mots : « juge de l'application des peines », la fin de l'alinéa est ainsi rédigée : « territorialement compétent selon les modalités prévues par l'article 712-8. » ;

2° Le deuxième alinéa est complété par les mots : « en application des dispositions de l'article 712-5 » ;

3° Les avant-dernier et dernier alinéas sont supprimés.

XI. - Le deuxième alinéa de l'article 763-3 du même code est ainsi rédigé :

« Sa décision est exécutoire par provision. Elle peut être attaquée par la voie de l'appel par le condamné, le procureur de la République et le procureur général, à compter de sa notification selon les modalités prévues au 1° de l'article 712-9. »

XII. - L'article 868-1 du même code est ainsi rédigé :

« Art. 868-1. - Par dérogation aux dispositions des deuxième et troisième alinéas de l'article 712-2, le président du tribunal de première instance de Wallis-et-Futuna exerce les fonctions de juge de l'application des peines. Il exerce les attributions dévolues au tribunal de l'application des peines conformément aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 712-3. »

XIII. - L'article 901-1 du même code est ainsi rédigé :

« Art. 901-1. - Par dérogation aux dispositions des deuxième et troisième alinéas de l'article 712-2, le président du tribunal de première instance exerce les fonctions de juge de l'application des peines. Il exerce les attributions dévolues au tribunal de l'application des peines conformément aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 712-3. »

XIV. - L'article 934 du même code est ainsi rédigé :

« Art. 934. - Par dérogation aux dispositions des deuxième et troisième alinéas de l'article 712-2, le président du tribunal de première instance exerce les fonctions de juge de l'application des peines. Il exerce les attributions dévolues au tribunal de l'application des peines conformément aux dispositions du deuxième alinéa de l'article 712-3. »

XV. - Le chapitre III du titre IV du livre Ier du code de l'organisation judiciaire est abrogé.

XVI. - Dans l'article 723-6 du code de procédure pénale, la référence : « 722 » est remplacée par la référence : « 712-5 ».

XVII. - Dans l'article 786 du même code, les mots : « quatrième alinéa » sont remplacés par les mots : « troisième alinéa ».

XVIII. - Dans la deuxième phrase de l'article L. 630-1 du code de l'organisation judiciaire, la référence : « 722-1 » est remplacée par la référence : « 712-7 ».

M. le président. Sur cet article, je suis saisi de six amendements présentés par M. Zocchetto, au nom de la commission.

L'amendement n° 106 est ainsi libellé :

« Dans le paragraphe I ter de cet article, remplacer la référence : "716-6" par la référence : "713-6". »

L'amendement n° 107 est ainsi libellé :

« Après le paragraphe VIII de cet article, insérer un paragraphe additionnel ainsi rédigé :

« VIII bis. - La section 5 du chapitre II du titre II du livre V du même code est abrogée et les sections 6 et 7 de ce chapitre deviennent respectivement les sections 5 et 6. »

L'amendement n° 108 est ainsi libellé :

« Rédiger comme suit le deuxième alinéa (1°) du paragraphe X de cet article :

« 1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :

« Lorsqu'une condamnation est assortie du sursis avec mise à l'épreuve, le condamné est placé sous le contrôle du juge de l'application des peines territorialement compétent selon les modalités prévues par l'article 712-8. »

L'amendement n° 109 est ainsi libellé :

« A la fin du troisième alinéa (2°) du paragraphe X de cet article, remplacer la référence : "712-5" par la référence "712-6". »

L'amendement n° 110 est ainsi libellé :

« Après le paragraphe XVII de cet article, insérer un paragraphe additionnel ainsi rédigé :

« XVII bis. - Les articles 869 et 870 du même code sont abrogés. »

L'amendement n° 111 est ainsi libellé :

« Rédiger comme suit le paragraphe XVIII de cet article :

« XVIII. - L'article L. 630-3 du code de l'organisation judiciaire est ainsi rédigé :

« Art. L. 630-3. - Il y a, dans le ressort de chaque cour d'appel, une ou plusieurs juridictions de première instance dénommées tribunaux de l'application des peines. Les règles concernant la composition, la compétence et le fonctionnement du tribunal de l'application des peines sont fixées par l'article 712-7 du code de procédure pénale. Le siège des tribunaux de l'application des peines est fixé par voie réglementaire. »

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter ces amendements.

M. François Zocchetto, rapporteur. Deux de ces amendements tendent à corriger des erreurs matérielles. Trois sont des amendements de coordination. Enfin, l'un de ces amendements a pour objet d'apporter une clarification rédactionnelle.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 106.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 107.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 108.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 109.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 110.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 111.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 68 C, modifié.

(L'article 68 C est adopté.)

Articles additionnels après l'article 68 C

Art. 68 C
Dossier législatif : projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité
Division et art. additionnels après l'art. 68 C

M. le président. L'amendement n° 112, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Après l'article 68 C, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Dans le premier alinéa de l'article 708 du code de procédure pénale, après les mots : "L'exécution", sont insérés les mots : "de la ou des peines prononcées". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Zocchetto, rapporteur. C'est un amendement de clarification rédactionnelle.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 112.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 68 C.

M. le président. L'amendement n° 113, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :

« Après l'article 68 C, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Dans l'article 716-2 du code de procédure pénale, le mot : "complétée" est remplacé par le mot : "comptée". »

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Zocchetto, rapporteur. Il s'agit de corriger une erreur matérielle dans le code de procédure pénale qui subsiste depuis 1992.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 113.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi après l'article 68 C.

Division et articles additionnels après l'article 68 C

Art. additionnels après l'art. 68 C
Dossier législatif : projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité
Art. 68

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements présentés par MM. Carle, Schosteck, Hyest et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire.

L'amendement n° 138 est ainsi libellé :

« Après l'article 68 C, insérer une division additionnelle ainsi rédigée :

« Section...

« Dispositions relatives à l'application des peines concernant les mineurs. »

L'amendement n° 139 est ainsi libellé :

« Après l'article 68 C, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« L'article 20-9 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante est ainsi rédigé :

« Art. 20-9. _ En cas de condamnation prononcée par une juridiction spécialisée pour mineurs, le juge des enfants exerce les fonctions dévolues au juge de l'application des peines par le code pénal et le code de procédure pénale, jusqu'à ce que la personne condamnée ait atteint l'âge de vingt et un ans. Le tribunal pour enfants exerce les attributions dévolues au tribunal de l'application des peines et la chambre spéciale des mineurs les attributions dévolues à la chambre de l'application des peines. Lorsque le condamné a atteint l'âge de dix-huit ans au jour du jugement, le juge des enfants n'est compétent que si la juridiction spécialisée le décide par décision spéciale.

« En raison de la personnalité du mineur ou de la durée de la peine prononcée, le juge des enfants peut se dessaisir au profit du juge de l'application des peines lorsque le condamné a atteint l'âge de dix-huit ans.

« Pour la préparation de l'exécution, la mise en oeuvre et le suivi des condamnations mentionnés à l'alinéa premier, le juge des enfants désigne s'il y a lieu un service du secteur public de la protection judiciaire de la jeunesse. Ce service veille au respect des obligations imposées au condamné. Le juge des enfants peut également désigner à cette fin le service pénitentiaire d'insertion et de probation lorsque le condamné a atteint l'âge de dix-huit ans.

« Un décret fixe en tant que besoin les conditions d'application du présent article. »

L'amendement n° 140 est ainsi libellé :

« Après l'article 68 C, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Après l'article 20-9 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art.... _ En cas de condamnation prononcée par une juridiction spécialisée pour mineurs à une peine d'emprisonnement assortie d'un sursis avec mise à l'épreuve ou d'un sursis assorti de l'obligation d'accomplir un travail d'intérêt général, la juridiction de jugement peut, si la personnalité du mineur le justifie, assortir cette peine de l'une des mesures définies aux articles 16 et 19, ces mesures pouvant être modifiées pendant toute la durée de l'exécution de la peine par le juge des enfants. Elle peut notamment décider de placer le mineur dans un centre éducatif fermé prévu par l'article 33.

« La juridiction de jugement peut astreindre le condamné, dans les conditions prévues à l'article 132-43 du code pénal, à l'obligation de respecter les conditions d'exécution des mesures visées à l'alinéa précédent ; le non-respect de cette obligation peut entraîner la révocation du sursis avec mise à l'épreuve et la mise à exécution de la peine d'emprisonnement.

« Dans tous les cas prévus par l'article 20-9, lorsqu'il s'agit d'une peine ou d'un aménagement de peine pour lequel le juge de l'application des peines peut imposer au condamné une ou plusieurs des obligations prévues en matière de sursis avec mise à l'épreuve, le juge des enfants peut également imposer au condamné de respecter une des mesures mentionnées aux articles 16 et 19, ces mesures pouvant être modifiées pendant l'exécution de la peine.

« Le responsable du service qui veille à la bonne exécution de la peine doit faire rapport au procureur de la République ainsi qu'au juge des enfants en cas de non-respect par le mineur des obligations qui lui ont été imposées. »

L'amendement n° 141 est ainsi libellé :

« Après l'article 68 C, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« I. _ Au premier alinéa de l'article 727 du code de procédure pénale, après les mots : "le juge d'instruction," sont insérés les mots : "le juge des enfants,".

« II. _ Le dernier alinéa de l'article 747-3 du code de procédure pénale est supprimé.

« III. _ L'article 763-8 du code de procédure pénale est abrogé.

« IV. _ La première phrase du second alinéa de l'article 20-5 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante est supprimée.

« V. _ L'article 20-7 de la même ordonnance est modifié comme suit :

« 1° au premier alinéa, les mots : "132-58 à 132-62" sont remplacés par les mots : "132-58 à 132-65" ;

« 2° au dernier alinéa, les mots : "132-63 à 132-70-1" sont remplacés par les mots : "132-66 à 132-70." »

La parole est à M. Jean-Claude Carle, pour présenter ces amendements.

M. Jean-Claude Carle. Les quatre amendements que j'ai déposés avec mes collègues MM. Schosteck et Hyest ont pour objet de mettre en oeuvre une proposition importante de la commission d'enquête du Sénat sur la délinquance des mineurs, dont j'ai eu l'honneur d'être le rapporteur.

Cette commission a accompli un important travail d'investigation en 2002 et a formulé de nombreuses recommandations pour mieux prévenir et combattre la délinquance des mineurs. Elles ont déjà été prises en compte, monsieur le ministre, dans un certain nombre de textes que vous nous avez présentés.

L'une des propositions de cette commission consistait à faire du juge des enfants le juge de l'application des peines lorsque des mineurs sont en cause.

La commission d'enquête a en effet plaidé avec force pour une continuité des parcours éducatifs des mineurs. Elle a trop souvent constaté que le parcours des mineurs en grande difficulté ou délinquants était jalonné de ruptures de suivi, de discontinuités, qui sont des facteurs évidents d'aggravation de la situation.

Pour assurer une véritable continuité dans le suivi des mineurs délinquants, il nous a paru souhaitable que le juge des enfants exerce une compétence pleine et entière en matière d'application des peines prononcées par les juridications spécialisées pour mineurs.

Ce juge est en effet celui qui connaît le mieux les mineurs condamnés, puisqu'il les suit parfois depuis des années. Il est donc le mieux à même de prendre les décisions qui s'imposent en matière d'aménagement de peine et d'en assurer le suivi.

Le Sénat a déjà voté à l'unanimité cette disposition dans le cadre d'une proposition de loi en mai dernier, mais celle-ci n'a pas pu être inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.

Dès lors que le présent projet de loi contient de nombreuses dispositions sur l'application des peines, nous avons pensé qu'il constituait un cadre approprié pour accueillir cette proposition.

Tel est l'objet de ces quatre amendements.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François Zocchetto, rapporteur. La commission émet un avis très favorable sur ces amendements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Le Gouvernement est également très favorable à ces amendements. C'est une réforme importante qui permettra un suivi personnalisé et continu par le juge des enfants, et je remercie MM. Carle, Schosteck et Hyest d'avoir formulé ces propositions.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur l'amendement n° 138.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. En fait, mon explication de vote portera sur les quatre amendements.

Nous nous étonnons de voir des membres de la majorité sénatoriale faire tout à coup l'éloge de la juridiction des mineurs et demander qu'elle seule soit compétente. En effet, le Sénat vient d'adopter certaines dispositions relatives à la garde à vue ou à l'inscription au fichier des auteurs d'infractions sexuelles qui ne témoignaient pas d'une grande considération pour les juges des enfants ! Je tenais à souligner cette contradiction.

M. Jean-Pierre Sueur. Une de plus !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 138.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, une division additionnelle ainsi rédigée est insérée dans le projet de loi, après l'article 68 C.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 139.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 68 C.

Je mets aux voix l'amendement n° 140.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 68 C.

Je mets aux voix l'amendement n° 141.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 68 C.

Section 1

Dispositions relatives aux droits des victimes

Division et art. additionnels après l'art. 68 C
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Art. 68 bis B (début)

Article 68

I et I bis. - Non modifiés.

II. - L'article 720 du même code est ainsi rétabli :

« Art. 720. - Préalablement à toute décision entraînant la cessation temporaire ou définitive de l'incarcération d'une personne condamnée à une peine privative de liberté avant la date d'échéance de cette peine, le juge de l'application des peines ou le tribunal de l'application des peines prend en considération les intérêts de la victime ou de la partie civile au regard des conséquences pour celle-ci de cette décision.

« En cas d'application des dispositions des articles 720-1 (premier alinéa), 721-2, 723-4, 723-10 et 731, lorsqu'existe un risque que le condamné puisse se trouver en présence de la victime ou de la partie civile et qu'une telle rencontre paraît devoir être évitée, la juridiction interdit au condamné de la recevoir, de la rencontrer ou d'entrer en relation avec elle de quelque façon que ce soit.

« A cet effet, la juridiction adresse à la victime un avis l'informant de cette mesure ; si la victime est partie civile, cet avis est également adressé à son avocat. Cet avis précise les conséquences susceptibles de résulter pour le condamné du non-respect de cette interdiction.

« La juridiction peut toutefois ne pas adresser cet avis lorsque la personnalité de la victime ou de la partie civile le justifie, lorsque la victime ou la partie civile a fait connaître qu'elle ne souhaitait pas être avisée des modalités d'exécution de la peine ou dans le cas d'une cessation provisoire de l'incarcération du condamné d'une durée ne pouvant excéder la durée maximale autorisée pour les permissions de sortie. »

III. - Non modifié.

IV. - Après l'article 721-1 du même code, il est inséré un article 721-2 ainsi rédigé :

« Art. 721-2. - Le juge de l'application des peines peut, selon les modalités prévues par l'article 712-6, ordonner que le condamné ayant bénéficié d'une ou plusieurs des réductions de peines prévues par les articles 721 et 721-1 soit soumis après sa libération à l'interdiction de recevoir la partie civile, de la rencontrer ou d'entrer en relation avec elle de quelque façon que ce soit, pendant une durée qui ne peut excéder le total des réductions de peines dont il a bénéficié. Cette décision est prise préalablement à la libération du condamné, le cas échéant en même temps que lui est accordée la dernière réduction de peine.

« L'interdiction mentionnée à l'alinéa précédent peut être accompagnée de l'obligation d'indemniser la partie civile.

« En cas d'inobservation par le condamné des obligations et interdictions qui lui ont été imposées, le juge de l'application des peines peut, selon les modalités prévues par l'article 712-6, retirer tout ou partie de la durée des réductions de peine dont il a bénéficié et ordonner sa réincarcération. Les dispositions de l'article 712-15 sont applicables. »

V, VI et VI bis. - Supprimés.

VII. - L'article 723-4 du même code est ainsi rétabli :

« Art. 723-4. - Le juge de l'application des peines peut subordonner l'octroi au condamné du placement à l'extérieur, de la semi-liberté ou de la permission de sortir au respect d'une ou plusieurs obligations ou interdictions prévues par les articles 132-44 et 132-45 du code pénal. »

VIII et IX. - Non modifiés. - (Adopté.)

Art. 68
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Art. 68 bis B (interruption de la discussion)

Article 68 bis B

Après l'article 706-5 du code de procédure pénale, il est inséré un article 706-5-1 ainsi rédigé :

« Art. 706-5-1. - La demande d'indemnité, accompagnée des pièces justificatives, est transmise sans délai par le greffe de la commission d'indemnisation au fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et autres infractions.

« Celui-ci est tenu, dans un délai de deux mois à compter de la réception, de présenter à la victime une offre d'indemnisation. Le refus d'offre d'indemnisation par le fonds de garantie doit être motivé. Ces dispositions sont également applicables en cas d'aggravation du préjudice.

« En cas d'acceptation par la victime de l'offre d'indemnisation, le fonds de garantie transmet le constat d'accord au président de la commission d'indemnisation aux fins d'homologation.

« En cas de refus motivé du fonds de garantie, ou de désaccord de la victime sur l'offre qui lui est faite, l'instruction de l'affaire par le président de la commission ou le magistrat assesseur se poursuit.

« Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d'Etat. » - (Adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, nous ne pourrons achever cette nuit la discussion de ce texte. Il reste cinquante amendements à examiner, ce qui pourra aisément être fait au cours de la matinée de vendredi prochain.

La parole est à M. le président de la commission.

M. René Garrec, président de la commission des lois. Monsieur le président, certains amendements se présentent en séries, en particulier ceux que doit défendre Mme Borvo. J'ignore combien de temps il lui faudrait pour les présenter, mais peut-être pourrions-nous lui éviter de revenir vendredi pour cela.

M. le président. Il convient, je le répète, de lever maintenant la séance. Une séance publique est prévue demain matin, et certains d'entre nous ont par ailleurs, d'autres obligations pour cette même matinée.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et demain soir ?

M. le président. Il est impossible que nous achevions le débat demain soir, l'un des principaux participants ne pouvant être présent.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce n'est pas possible, monsieur le président !

M. Jean-Claude Carle. Continuons nos travaux un quart d'heure de plus !

M. le président. Je ne fais que me conformer aux décisions de la conférence des présidents.

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. J'imagine qu'il n'est pas très gênant, pour quelqu'un qui habite Paris ou ses environs, que nous ne puissions siéger demain soir. En effet, il lui sera facile de se rendre au Sénat vendredi matin.

En revanche, pour ceux d'entre nous qui vivent à des centaines de kilomètres de la capitale et qui sont tenus par des engagements en fin de semaine, ce qui est normal pour des parlementaires, il serait préférable que nous achevions l'examen de ce texte sans procéder à de tels « saucissonnages ». Tous les intervenants essentiels dans ce débat me semblent présents ce soir, par conséquent finissons-en dans la nuit !

M. René Garrec, président de la commission des lois. Absolument !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Si nous remettons la suite de la discussion à vendredi matin, je ne pourrai sans doute pas y participer !

M. Robert Badinter. Moi non plus !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Si les travées de notre groupe sont vides vendredi, ce sera dû aux conditions de travail qui nous sont imposées et qui sont tout à fait indignes de nous et de vous, monsieur le président ! Je tiens à le souligner dès maintenant, car il faut que cela se sache !

M. le président. Je vous donne acte de votre rappel au règlement, mon cher collègue.

Cela étant, je rappelle que c'est la conférence des présidents qui a fixé le programme de cette semaine. On peut ou non regretter que la journée d'aujourd'hui ait été en partie consacrée à un débat sur la question importante de l'avenir de l'école, et que la journée de demain soit dédiée à l'ordre du jour réservé.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et jeudi soir ? Une séance publique était prévue !

M. René Garrec, président de la commission des lois. Non !

M. le président. Je me conforme aux décisions de la conférence des présidents, monsieur Dreyfus-Schmidt.

La suite du débat est renvoyée à la séance de vendredi prochain.

8

Art. 68 bis B (début)
Dossier législatif : projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité
Art. 68 septies

DÉPÔT DE PROJETS DE LOI

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi portant habilitation du Gouvernement à transposer, par ordonnances, des directives communautaires et à mettre en oeuvre certaines dispositions du droit communautaire.

Le projet de loi sera imprimé sous le n° 164, distribué et renvoyé à la commission des affaires économiques et du Plan, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Tadjikistan relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure.

Le projet de loi sera imprimé sous le n° 165, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi autorisant l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République slovaque relatif à la coopération en matière d'affaires intérieures.

Le projet de loi sera imprimé sous le n° 166, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

J'ai reçu de M. le Premier ministre un projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Bulgarie relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure.

Le projet de loi sera imprimé sous le n° 167, distribué et renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

9

DÉPÔT DE PROPOSITIONS DE LOI

M. le président. J'ai reçu de MM. Christian Poncelet, Josselin de Rohan, Michel Mercier, Jacques Pelletier, Henri de Raincourt et Xavier de Villepin une proposition de loi actualisant le tableau de répartition des sièges de sénateurs et certaines modalités de l'organisation de l'élection des sénateurs.

La proposition de loi sera imprimée sous le n° 156, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

J'ai reçu de M. Nicolas About une proposition de loi visant à garantir la neutralité vestimentaire des élèves de l'enseignement primaire, secondaire et supérieur lorsqu'ils assistent aux cours, passent des concours ou des examens, ainsi que celle des fonctionnaires et des salariés, dans l'exercice de leurs fonctions.

La proposition de loi sera imprimée sous le n° 163, distribuée et renvoyée à la commission des affaires culturelles, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

10

RETRAIT D'UNE PROPOSITION DE LOI

M. le président. J'ai reçu une lettre par laquelle M. Nicolas About déclare retirer la proposition de loi (n° 48, 2003-2004) visant à permettre le bon déroulement des disciplines enseignées et l'identification immédiate des élèves de l'enseignement primaire, secondaire et supérieur lorsque ceux-ci assistent aux cours ou passent des concours ou des examens, qu'il avait déposée au cours de la séance du 4 novembre 2003.

Acte est donné de ce retrait.

11

TEXTES SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de décision du Conseil attribuant à la Cour de justice la compétence pour statuer sur les litiges relatifs au brevet communautaire.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-2489 et distribué.

J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de règlement du Conseil instituant le Tribunal du brevet communautaire et concernant les pourvois formés devant le Tribunal de première instance.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-2490 et distribué.

12

DÉPÔT DE RAPPORTS

M. le président. J'ai reçu de M. Jean-René Lecerf un rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sur le projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, réformant le statut de certaines professions judiciaires ou juridiques, des experts judiciaires, des conseils en propriété industrielle et des experts en ventes aux enchères publiques (n° 141, 2003-2004).

Le rapport sera imprimé sous le n° 157 et distribué.

J'ai reçu de M. Robert Del Picchia un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi autorisant la ratification de l'accord établissant une association entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d'une part, et la République du Chili, d'autre part (n° 46, 2003-2004).

Le rapport sera imprimé sous le n° 158 et distribué.

J'ai reçu de M. Serge Vinçon un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Slovénie relatif au statut et au fonctionnement des centres culturels (n° 80, 2003-2004).

Le rapport sera imprimé sous le n° 159 et distribué.

J'ai reçu de M. Pierre Hérisson un rapport fait au nom de la commission des affaires économiques et du Plan sur le projet de loi relatif à la régulation des activités postales (n° 410, 2002-2003).

Le rapport sera imprimé sous le n° 162 et distribué.

13

DÉPÔT DE RAPPORTS D'INFORMATION

M. le président. J'ai reçu de M. Jacques Valade un rapport d'information fait au nom de la commission des affaires culturelles sur la situation des universités.

Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 160 et distribué.

J'ai reçu de MM. Gérard Larcher, Bernard Piras, Jean-Marc Pastor, Bernard Barraux, Hilaire Flandre, François Fortassin, Christian Gaudin, Georges Gruillot, Gérard Le Cam et Henri Revol un rapport d'information fait au nom de la commission des affaires économiques et du Plan à la suite d'une mission effectuée en Russie du 15 au 23 septembre 2003.

Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 161 et distribué.

14

ORDRE DU JOUR

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, jeudi 22 janvier 2004, à dix heures trente, et éventuellement le soir :

1. Discussion des conclusions du rapport (n° 149, 2003-2004) de M. Jean-Jacques Hyest, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sur sa proposition de loi (n° 130, 2003-2004) portant sur la nomination des élèves administrateurs du Centre national de la fonction publique territoriale (concours externe 2001).

Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.

2. Discussion de la proposition de loi (n° 356, 2002-2003), adoptée par l'Assemblée nationale, portant création de l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs et diverses dispositions relatives aux mines.

Rapport (n° 147, 2003-2004) de M. Philippe Leroy, fait au nom de la commission des affaires économiques et du Plan.

Aucune inscription de parole dans la discussion générale n'est plus recevable.

Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.

3. Discussion de la question orale avec débat n° 22 de M. Jacques Valade à Mme la ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies sur la diffusion de la culture scientifique et technique :

M. Jacques Valade attire l'attention de Mme la ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies sur la place croissante prise par les sciences et les techniques dans l'évolution du monde et de la société, comme le montrent les débats passionnés suscités par la procréation assistée, les organismes génétiquement modifiés, la thérapie génique, l'énergie nucléaire ou encore le rayonnement électromagnétique de la téléphonie mobile.

La commission des affaires culturelles a adopté, en juillet dernier, les conclusions de la mission d'information qu'elle avait constituée sur la diffusion de la culture scientifique, mission présidée par M. Pierre Laffitte, avec pour rapporteurs M. Ivan Renar et Mme Marie-Christine Blandin.

Dans le rapport qu'elle a publié, elle estime que la diffusion de la culture scientifique et technique doit être érigée en priorité nationale et toucher l'ensemble de la population. Elle invite les pouvoirs publics à mieux coordonner leurs politiques et à soutenir davantage les initiatives locales et régionales, de façon à assurer une diffusion par capillarité sur l'ensemble du territoire de ces connaissances qui sont devenues indispensables à la compréhension du monde d'aujourd'hui.

Il demande à Mme la ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies les suites que le Gouvernement envisage de réserver aux propositions formulées dans ce rapport pour améliorer la diffusion de la culture scientifique et technique.

Le délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat est expiré.

4. Discussion de la question orale avec débat n° 23 de M. Bernard Plasait à M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées sur la politique nationale de lutte contre les drogues illicites :

M. Bernard Plasait attire l'attention de M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées sur la politique nationale de lutte contre les drogues illicites. En effet, après avoir établi le constat, d'une part, de la consommation des drogues illicites dans notre pays, d'autre part, d'une production et d'un trafic multiforme en progression, la commission d'enquête du Sénat a conclu à l'impérieuse nécessité d'initier une nouvelle politique, ambitieuse et dotée de tous les moyens appropriés. Avec, notamment, son record d'Europe pour la consommation de cannabis chez les adolescents, la France est confrontée à un très grave problème de santé publique. Aujourd'hui, la réponse à cette situation n'est plus adaptée : la prévention est pratiquement inexistante, la consommation de cannabis semble bénéficier d'une tolérance résignée, l'interdit est sans cesse transgressé, la sanction est exceptionnelle et la loi, désormais dépassée, est pratiquement inappliquée. Un jeune qui fume un « joint » n'est ni malade ni délinquant mais une personne en danger à qui l'on a laissé croire qu'elle pouvait s'y adonner sans risque. Les jeunes ont droit à une information objective et il y a grande urgence à endiguer ce fléau, cet autre cancer que constitue la drogue. Il convient donc de mettre en oeuvre une politique ayant pour objectif de prémunir contre la drogue et d'aider à en sortir ceux qui vivent sous son emprise, une politique de prévention généralisée, de soins adaptés aux nouvelles toxicomanies et de sanctions proportionnées et personnalisées. Par conséquent, il lui demande de bien vouloir lui indiquer le bilan qu'il fait de la politique de lutte contre les drogues et la toxicomanie conduite ces vingt dernières années, et quelles orientations il envisage de donner à la nouvelle politique. Dans cet esprit, il souhaiterait savoir quels moyens matériels, financiers et humains il entend consacrer à la prévention. Il lui demande également de bien vouloir lui préciser les types de sanctions qui lui paraissent adaptés et quelle politique de soins il entend développer. Conscient de l'importance capitale de la mobilisation de tous les acteurs - parents, enseignants, médecins, personnels socio-sanitaires, policiers et magistrats notamment -, il l'interroge enfin sur l'organisation structurelle des intervenants publics qui lui paraît la mieux à même de répondre à cet objectif.

Le délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat est expiré.

Délais limites pour les inscriptions de parole

et pour le dépôt des amendements

Projet de loi relatif à la régulation des activités postales (n° 410, 2002-2003).

Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 26 janvier 2004, à dix-sept heures.

Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 26 janvier 2004, à dix-sept heures.

Deuxième lecture du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, réformant le statut de certaines professions judiciaires ou juridiques, des experts judiciaires, des conseils en propriété industrielle et des experts en ventes aux enchères publiques (n° 141, 2003-2004).

Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 27 janvier 2004, à dix-sept heures.

Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 27 janvier 2004, à dix-sept heures.

Personne ne demande la parole ?...

La séance est levée.

(La séance est levée le jeudi 22 janvier 2004, à une heure vingt-cinq.)

Le Directeur

du service du compte rendu intégral,

MONIQUE MUYARD

NOMINATION DE RAPPORTEURS

COMMISSION DES FINANCES

M. Jacques Chaumont a été nommé rapporteur du projet de loi n° 109 (2003-2004) autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République azerbaïdjanaise en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (ensemble un protocole).

M. Jacques Chaumont a été nommé rapporteur du projet de loi n° 110 (2003-2004) autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d'Albanie en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales (ensemble un protocole).

Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON

QUESTIONS ORALES REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT (Application des articles 76 à 78 du réglement)

Difficultés des bénéficiaires du logement social

406. - 21 janvier 2004. - M. Jean-Marc Todeschini souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer sur la situation de paupérisation croissante des locataires du logement social et sur les difficultés que vont rencontrer les organismes qui en ont la responsabilité, dont l'office public d'aménagement et de construction (OPAC) de la Moselle en particulier. Ainsi, dans ce département, de 52,8 % en 1997, le nombre de locataires dont les ressources sont inférieures à 60 % du plafond pour l'accès au logement social est passé à 61 % en 2003. Parallèlement, le nombre de bénéficiaires en 2003 de l'aide personnalisée au logement (APL) ne représente plus que 52,2 % contre 56,6 % en 1997. L'OPAC consacre tous ses efforts à garantir le mieux possible la solvabilisation de ses locataires. Cet organisme, animé par un devoir de solidarité, ne pourra pas indéfiniment être le seul à le faire. La solidarité nationale doit ici jouer pleinement son rôle, notamment par un relèvement des prestations d'aide personnalisée au logement. Par ailleurs, pour faire face à la poursuite des réhabilitations et aux grands chantiers de restructurations urbaines, l'OPAC aura besoin d'améliorer ses ressources propres. Or, en 2004, il sera prévu, au profit de l'Agence nationale du renouvellement urbain mise en place par le ministre de la ville, une ponction de 5 euros par logement. Aussi, il lui demande ce que compte faire le Gouvernement pour répondre à cette situation de paupérisation croissante des locataires du logement social, et notamment s'il entend réviser de manière significative à la hausse les barèmes de l'APL. Enfin, il souhaite qu'on lui précise les dispositions qui seront prises pour aider les organismes du logement social à assurer les réhabilitations et restructurations urbaines qu'ils ont à mener.

Situation des centres de crise psychiatrique de proximité

407. - 21 janvier 2004. - Mme Hélène Luc attire l'attention de M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées sur l'importance dans la cité et le manque de moyens des centres de crise psychiatrique de proximité. Alors que l'ensemble des professionnels et des politiques menées ces dernières décennies se sont largement orientés vers des solutions alternatives à la psychiatrie asilaire, on peut craindre un retour à ce type de psychiatrie qui aurait pour conséquence une dégradation des soins, des prises en charge et des possibilités d'accompagnement et d'insertion des patients et plus particulièrement des jeunes adolescents. Le centre de crise et l'hôpital de nuit de Choisy-le-Roi en sont des exemples flagrants. Ces derniers risquent en effet d'être fermés compte tenu de la pénurie des moyens en personnel qui se traduit par la non-compensation des départs en retraite et le non-remplacement depuis plus d'un an des infirmiers et des cadres de santé pour des raisons financières. Elle lui demande ainsi quelles sont les mesures que le Gouvernement compte prendre en faveur de ces structures, nombre d'entre elles étant menacées, ce qui marquerait un grand retour en arrière vers des politiques d'enfermement des personnes atteintes de troubles mentaux.

Péage autoroutier de Vieilleville-Carquefou

408. - 21 janvier 2004. - Mme Gisèle Gautier attire l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer sur l'avenir du péage autoroutier de Vieilleville-Carquefou. L'agglomération nantaise présente la particularité de disposer d'un « périphérique » extrêmement complet, considéré comme l'un des mieux conçus et performants de France. A ceci près qu'il compte une section importante de son itinéraire Nord/Nord-Est à péage. Cette situation a pour effet non seulement de pénaliser financièrement les usagers locaux qui l'empruntent quotidiennement (venant du nord-est de Nantes, du canton de Carquefou ou de l'est de celui de la Chapelle-sur-Erdre), mais aussi d'encourager des recherches d'itinéraires « bis » gratuits par nombre d'automobilistes, ce qui ne fait qu'encombrer les autres voies et les rendre chaque jour plus dangereuses. C'est pourquoi, depuis de nombreuses années, riverains et élus locaux dénoncent une situation unique en France pour une agglomération de cette taille. Les différents ministres de l'équipement ont été successivement interpellés. Début 2003, le préfet de région s'est vu confier la mission d'étudier, en lien avec Cofiroute, la faisabilité du rachat des barrières de péage de Vieilleville-Carquefou. Elle souhaiterait donc connaître l'état d'avancement de cette mission. Elle souligne l'attente légitime des élus à disposer maintenant rapidement des conclusions de cette mission et d'avoir ainsi l'occasion d'en débattre.

ANNEXES AU PROCÈS-VERBAL

de la séance

du mercredi 21 janvier 2004

SCRUTIN (n° 135)

sur l'amendement n° 210, présenté par M. Robert Badinter et les membres du groupe socialiste, apparenté et rattachée, et l'amendement n° 253, présenté par Mme Nicole Borvo et plusieurs de ses collègues, tendant à supprimer l'article 53 bis du projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité (procédure de placement en détention provisoire).


Nombre de votants : 314
Nombre de suffrages exprimés : 313
Pour : 113
Contre : 200
Le Sénat n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (23) :

Pour : 23.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (29) :

Contre : 29.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (17) :

Pour : 7. _ MM. Nicolas Alfonsi, Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin, Gérard Delfau, François Fortassin et Dominique Larifla.

Contre : 9.

Abstention : 1. _ M. Rodolphe Désiré.

GROUPE SOCIALISTE (83) :

Pour : 83.

GROUPE DE L'UNION POUR UN MOUVEMENT POPULAIRE (164) :

Contre : 162.

N'ont pas pris part au vote : 2. _ M. Christian Poncelet, président du Sénat, et M. Daniel Hoeffel, qui présidait la séance.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (5) :

N'ont pas pris part au vote : 5.

Ont voté pour

Nicolas Alfonsi

Michèle André

Bernard Angels

Henri d'Attilio

Bertrand Auban

François Autain

Jean-Yves Autexier

Robert Badinter

Jean-Michel Baylet

Marie-Claude Beaudeau

Marie-France Beaufils

Jean-Pierre Bel

Jacques Bellanger

Maryse Bergé-Lavigne

Jean Besson

Pierre Biarnès

Danielle Bidard-Reydet

Marie-Christine Blandin

Nicole Borvo

Didier Boulaud

André Boyer

Yolande Boyer

Robert Bret

Claire-Lise Campion

Jean-Louis Carrère

Bernard Cazeau

Monique

Cerisier-ben Guiga

Gilbert Chabroux

Michel Charasse

Yvon Collin

Gérard Collomb

Yves Coquelle

Raymond Courrière

Roland Courteau

Yves Dauge

Annie David

Marcel Debarge

Gérard Delfau

Jean-Pierre Demerliat

Michelle Demessine

Evelyne Didier

Claude Domeizel

Michel

Dreyfus-Schmidt

Josette Durrieu

Bernard Dussaut

Claude Estier

Guy Fischer

François Fortassin

Thierry Foucaud

Jean-Claude Frécon

Bernard Frimat

Charles Gautier

Jean-Pierre Godefroy

Jean-Noël Guerini

Claude Haut

Odette Herviaux

Alain Journet

Yves Krattinger

André Labarrère

Philippe Labeyrie

Serge Lagauche

Roger Lagorsse

Dominique Larifla

Gérard Le Cam

André Lejeune

Louis Le Pensec

Claude Lise

Paul Loridant

Hélène Luc

Philippe Madrelle

Jacques Mahéas

Jean-Yves Mano

François Marc

Jean-Pierre Masseret

Marc Massion

Josiane Mathon

Pierre Mauroy

Louis Mermaz

Gérard Miquel

Michel Moreigne

Roland Muzeau

Jean-Marc Pastor

Guy Penne

Daniel Percheron

Jean-Claude Peyronnet

Jean-François Picheral

Bernard Piras

Jean-Pierre Plancade

Danièle Pourtaud

Gisèle Printz

Jack Ralite

Daniel Raoul

Paul Raoult

Daniel Reiner

Ivan Renar

Roger Rinchet

Gérard Roujas

André Rouvière

Michèle San Vicente

Claude Saunier

Michel Sergent

René-Pierre Signé

Jean-Pierre Sueur

Simon Sutour

Odette Terrade

Michel Teston

Jean-Marc Todeschini

Pierre-Yvon Trémel

André Vantomme

Paul Vergès

André Vézinhet

Marcel Vidal

Henri Weber

Ont voté contre

Nicolas About

Jean-Paul Alduy

Jean-Paul Amoudry

Pierre André

Philippe Arnaud

Jean Arthuis

Denis Badré

Gérard Bailly

José Balarello

Gilbert Barbier

Bernard Barraux

Jacques Baudot

Michel Bécot

Claude Belot

Daniel Bernardet

Roger Besse

Laurent Béteille

Joël Billard

Claude Biwer

Jean Bizet

Jacques Blanc

Paul Blanc

Maurice Blin

Annick Bocandé

Didier Borotra

Joël Bourdin

Brigitte Bout

Jean Boyer

Jean-Guy Branger

Gérard Braun

Dominique Braye

Paulette Brisepierre

Louis de Broissia

Jean-Pierre Cantegrit

Jean-Claude Carle

Ernest Cartigny

Auguste Cazalet

Charles

Ceccaldi-Raynaud

Gérard César

Jacques Chaumont

Jean Chérioux

Marcel-Pierre Cléach

Jean Clouet

Christian Cointat

Gérard Cornu

Jean-Patrick Courtois

Robert Del Picchia

Fernand Demilly

Christian Demuynck

Marcel Deneux

Gérard Dériot

Yves Détraigne

Eric Doligé

Jacques Dominati

Michel Doublet

Paul Dubrule

Alain Dufaut

André Dulait

Ambroise Dupont

Jean-Léonce Dupont

Hubert Durand-Chastel

Louis Duvernois

Daniel Eckenspieller

Jean-Paul Emin

Jean-Paul Emorine

Michel Esneu

Jean-Claude Etienne

Pierre Fauchon

Jean Faure

Françoise Férat

André Ferrand

Hilaire Flandre

Gaston Flosse

Alain Fouché

Jean-Pierre Fourcade

Bernard Fournier

Serge Franchis

Philippe François

Jean François-Poncet

Yves Fréville

Yann Gaillard

René Garrec

Christian Gaudin

Jean-Claude Gaudin

Philippe de Gaulle

Gisèle Gautier

Patrice Gélard

André Geoffroy

Alain Gérard

François Gerbaud

Charles Ginésy

Francis Giraud

Paul Girod

Daniel Goulet

Jacqueline Gourault

Alain Gournac

Adrien Gouteyron

Francis Grignon

Louis Grillot

Georges Gruillot

Charles Guené

Michel Guerry

Hubert Haenel

Françoise Henneron

Marcel Henry

Pierre Hérisson

Jean-François Humbert

Jean-Jacques Hyest

Pierre Jarlier

Bernard Joly

Jean-Marc Juilhard

Roger Karoutchi

Joseph Kergueris

Christian

de La Malène

Jean-Philippe Lachenaud

Pierre Laffitte

Lucien Lanier

Jacques Larché

Gérard Larcher

André Lardeux

Robert Laufoaulu

René-Georges Laurin

Jean-René Lecerf

Dominique Leclerc

Jacques Legendre

Jean-François

Le Grand

Serge Lepeltier

Philippe Leroy

Marcel Lesbros

Valérie Létard

Gérard Longuet

Jean-Louis Lorrain

Simon Loueckhote

Roland du Luart

Brigitte Luypaert

Max Marest

Philippe Marini

Pierre Martin

Jean Louis Masson

Serge Mathieu

Michel Mercier

Lucette

Michaux-Chevry

Jean-Luc Miraux

Louis Moinard

René Monory

Aymeri

de Montesquiou

Dominique Mortemousque

Jacques Moulinier

Georges Mouly

Bernard Murat

Philippe Nachbar

Paul Natali

Philippe Nogrix

Nelly Olin

Joseph Ostermann

Georges Othily

Jacques Oudin

Monique Papon

Anne-Marie Payet

Michel Pelchat

Jacques Pelletier

Jean Pépin

Jacques Peyrat

Xavier Pintat

Bernard Plasait

Jean-Marie Poirier

Ladislas Poniatowski

André Pourny

Jean Puech

Henri de Raincourt

Victor Reux

Charles Revet

Henri Revol

Henri de Richemont

Philippe Richert

Yves Rispat

Josselin de Rohan

Roger Romani

Janine Rozier

Bernard Saugey

Jean-Pierre Schosteck

Bruno Sido

Daniel Soulage

Louis Souvet

Yannick Texier

Michel Thiollière

Henri Torre

René Trégouët

André Trillard

François Trucy

Maurice Ulrich

Jacques Valade

André Vallet

Jean-Marie Vanlerenberghe

Alain Vasselle

Jean-Pierre Vial

Xavier de Villepin

Serge Vinçon

Jean-Paul Virapoullé

François Zocchetto

Abstention

Rodolphe Désiré.

N'ont pas pris part au vote

Philippe Adnot, Philippe Darniche, Sylvie Desmarescaux, Bernard Seillier, Alex Türk.

N'ont pas pris part au vote

Christian Poncelet, président du Sénat, Daniel Hoeffel, qui présidait la séance.

Les nombres annoncés en séance avaient été de :


Nombre de votants : 314
Nombre de suffrages exprimés : 313
Majorité absolue des suffrages exprimés : 157
Pour : 114
Contre : 199
Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.

SCRUTIN (n° 136)

sur l'amendement n° 261, présenté par Mme Nicole Borvo et plusieurs de ses collègues, tendant à supprimer l'article 61 du projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité (comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité).


Nombre de votants : 314
Nombre de suffrages exprimés : 313
Pour : 113
Contre : 200
Le Sénat n'a pas adopté.

ANALYSE DU SCRUTIN

GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (23) :

Pour : 23.

GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (29) :

Contre : 29.

GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (17) :

Pour : 7. _ MM. Nicolas Alfonsi, Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin, Gérard Delfau, François Fortassin et Dominique Larifla.

Contre : 9.

Abstention : 1. _ M. Rodolphe Désiré.

GROUPE SOCIALISTE (83) :

Pour : 83.

GROUPE DE L'UNION POUR UN MOUVEMENT POPULAIRE (164) :

Contre : 162.

N'ont pas pris part au vote : 2. _ M. Christian Poncelet, président du Sénat, et M. Daniel Hoeffel, qui présidait la séance.

Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (5) :

N'ont pas pris part au vote : 5.

Ont voté pour

Nicolas Alfonsi

Michèle André

Bernard Angels

Henri d'Attilio

Bertrand Auban

François Autain

Jean-Yves Autexier

Robert Badinter

Jean-Michel Baylet

Marie-Claude Beaudeau

Marie-France Beaufils

Jean-Pierre Bel

Jacques Bellanger

Maryse Bergé-Lavigne

Jean Besson

Pierre Biarnès

Danielle Bidard-Reydet

Marie-Christine Blandin

Nicole Borvo

Didier Boulaud

André Boyer

Yolande Boyer

Robert Bret

Claire-Lise Campion

Jean-Louis Carrère

Bernard Cazeau

Monique

Cerisier-ben Guiga

Gilbert Chabroux

Michel Charasse

Yvon Collin

Gérard Collomb

Yves Coquelle

Raymond Courrière

Roland Courteau

Yves Dauge

Annie David

Marcel Debarge

Gérard Delfau

Jean-Pierre Demerliat

Michelle Demessine

Evelyne Didier

Claude Domeizel

Michel

Dreyfus-Schmidt

Josette Durrieu

Bernard Dussaut

Claude Estier

Guy Fischer

François Fortassin

Thierry Foucaud

Jean-Claude Frécon

Bernard Frimat

Charles Gautier

Jean-Pierre Godefroy

Jean-Noël Guerini

Claude Haut

Odette Herviaux

Alain Journet

Yves Krattinger

André Labarrère

Philippe Labeyrie

Serge Lagauche

Roger Lagorsse

Dominique Larifla

Gérard Le Cam

André Lejeune

Louis Le Pensec

Claude Lise

Paul Loridant

Hélène Luc

Philippe Madrelle

Jacques Mahéas

Jean-Yves Mano

François Marc

Jean-Pierre Masseret

Marc Massion

Josiane Mathon

Pierre Mauroy

Louis Mermaz

Gérard Miquel

Michel Moreigne

Roland Muzeau

Jean-Marc Pastor

Guy Penne

Daniel Percheron

Jean-Claude Peyronnet

Jean-François Picheral

Bernard Piras

Jean-Pierre Plancade

Danièle Pourtaud

Gisèle Printz

Jack Ralite

Daniel Raoul

Paul Raoult

Daniel Reiner

Ivan Renar

Roger Rinchet

Gérard Roujas

André Rouvière

Michèle San Vicente

Claude Saunier

Michel Sergent

René-Pierre Signé

Jean-Pierre Sueur

Simon Sutour

Odette Terrade

Michel Teston

Jean-Marc Todeschini

Pierre-Yvon Trémel

André Vantomme

Paul Vergès

André Vézinhet

Marcel Vidal

Henri Weber

Ont voté contre

Nicolas About

Jean-Paul Alduy

Jean-Paul Amoudry

Pierre André

Philippe Arnaud

Jean Arthuis

Denis Badré

Gérard Bailly

José Balarello

Gilbert Barbier

Bernard Barraux

Jacques Baudot

Michel Bécot

Claude Belot

Daniel Bernardet

Roger Besse

Laurent Béteille

Joël Billard

Claude Biwer

Jean Bizet

Jacques Blanc

Paul Blanc

Maurice Blin

Annick Bocandé

Didier Borotra

Joël Bourdin

Brigitte Bout

Jean Boyer

Jean-Guy Branger

Gérard Braun

Dominique Braye

Paulette Brisepierre

Louis de Broissia

Jean-Pierre Cantegrit

Jean-Claude Carle

Ernest Cartigny

Auguste Cazalet

Charles

Ceccaldi-Raynaud

Gérard César

Jacques Chaumont

Jean Chérioux

Marcel-Pierre Cléach

Jean Clouet

Christian Cointat

Gérard Cornu

Jean-Patrick Courtois

Robert Del Picchia

Fernand Demilly

Christian Demuynck

Marcel Deneux

Gérard Dériot

Yves Détraigne

Eric Doligé

Jacques Dominati

Michel Doublet

Paul Dubrule

Alain Dufaut

André Dulait

Ambroise Dupont

Jean-Léonce Dupont

Hubert Durand-Chastel

Louis Duvernois

Daniel Eckenspieller

Jean-Paul Emin

Jean-Paul Emorine

Michel Esneu

Jean-Claude Etienne

Pierre Fauchon

Jean Faure

Françoise Férat

André Ferrand

Hilaire Flandre

Gaston Flosse

Alain Fouché

Jean-Pierre Fourcade

Bernard Fournier

Serge Franchis

Philippe François

Jean François-Poncet

Yves Fréville

Yann Gaillard

René Garrec

Christian Gaudin

Jean-Claude Gaudin

Philippe de Gaulle

Gisèle Gautier

Patrice Gélard

André Geoffroy

Alain Gérard

François Gerbaud

Charles Ginésy

Francis Giraud

Paul Girod

Daniel Goulet

Jacqueline Gourault

Alain Gournac

Adrien Gouteyron

Francis Grignon

Louis Grillot

Georges Gruillot

Charles Guené

Michel Guerry

Hubert Haenel

Françoise Henneron

Marcel Henry

Pierre Hérisson

Jean-François Humbert

Jean-Jacques Hyest

Pierre Jarlier

Bernard Joly

Jean-Marc Juilhard

Roger Karoutchi

Joseph Kergueris

Christian

de La Malène

Jean-Philippe Lachenaud

Pierre Laffitte

Lucien Lanier

Jacques Larché

Gérard Larcher

André Lardeux

Robert Laufoaulu

René-Georges Laurin

Jean-René Lecerf

Dominique Leclerc

Jacques Legendre

Jean-François

Le Grand

Serge Lepeltier

Philippe Leroy

Marcel Lesbros

Valérie Létard

Gérard Longuet

Jean-Louis Lorrain

Simon Loueckhote

Roland du Luart

Brigitte Luypaert

Max Marest

Philippe Marini

Pierre Martin

Jean Louis Masson

Serge Mathieu

Michel Mercier

Lucette

Michaux-Chevry

Jean-Luc Miraux

Louis Moinard

René Monory

Aymeri

de Montesquiou

Dominique Mortemousque

Jacques Moulinier

Georges Mouly

Bernard Murat

Philippe Nachbar

Paul Natali

Philippe Nogrix

Nelly Olin

Joseph Ostermann

Georges Othily

Jacques Oudin

Monique Papon

Anne-Marie Payet

Michel Pelchat

Jacques Pelletier

Jean Pépin

Jacques Peyrat

Xavier Pintat

Bernard Plasait

Jean-Marie Poirier

Ladislas Poniatowski

André Pourny

Jean Puech

Henri de Raincourt

Victor Reux

Charles Revet

Henri Revol

Henri de Richemont

Philippe Richert

Yves Rispat

Josselin de Rohan

Roger Romani

Janine Rozier

Bernard Saugey

Jean-Pierre Schosteck

Bruno Sido

Daniel Soulage

Louis Souvet

Yannick Texier

Michel Thiollière

Henri Torre

René Trégouët

André Trillard

François Trucy

Maurice Ulrich

Jacques Valade

André Vallet

Jean-Marie Vanlerenberghe

Alain Vasselle

Jean-Pierre Vial

Xavier de Villepin

Serge Vinçon

Jean-Paul Virapoullé

François Zocchetto

Abstention

Rodolphe Désiré.

N'ont pas pris part au vote

Philippe Adnot, Philippe Darniche, Sylvie Desmarescaux, Bernard Seillier, Alex Türk.

N'ont pas pris part au vote

Christian Poncelet, président du Sénat, Daniel Hoeffel, qui présidait la séance.

Les nombres annoncés en séance ont été reconnus, après vérification, conformes à la liste de scrutin ci-dessus.