PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer

vice-président

M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.

M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, madame la ministre - je joins, madame, mes félicitations à celles de mes collègues -, monsieur le ministre - vous qui n'avez pas oublié que vous fûtes un élu local -, mes chers collègues, la révision de la Constitution adoptée en mars 2003 et ouvrant l'acte II de la décentralisation a consacré trois grands principes : autonomie financière des collectivités territoriales, compensation des dépenses liées à des transferts, et péréquation.

Malgré un contexte budgétaire tendu, ces principes trouvent une traduction concrète et financière dans le projet de loi de finances pour 2005.

J'insisterai en particulier sur les dotations relatives aux collectivités locales situées en milieu rural, ainsi que sur la nécessité de veiller au renforcement de la péréquation si l'on veut une meilleure cohésion du territoire et une meilleure égalité des chances entre collectivités et, par conséquent, entre Français.

De façon globale, l'effort financier de l'Etat en faveur des collectivités territoriales, qui s'élève à plus de 62 milliards d'euros, augmente de près de 5 % par rapport au budget de l'an dernier. Le pacte de croissance et de solidarité est reconduit pour un an, dépassant 43 milliards d'euros et augmentant l'enveloppe des dotations de l'Etat de 2,87 %, et la dotation globale de fonctionnement progresse de 3,29 %, pour atteindre un montant total de près de 38 milliards d'euros.

Mais, surtout, 2005 verra se poursuivre le chantier des dotations d'Etat, engagé dès 2003 par le Gouvernement.

L'élément central du nouveau dispositif est certainement la garantie, pour chaque niveau de collectivité, d'une meilleure péréquation. D'une part, en substituant la notion de potentiel financier à celle de potentiel fiscal, cette réforme devrait permettre de mieux mesurer les écarts de richesse réels entre collectivités. D'autre part, elle repose sur des dotations de péréquation qui, si elles représentent actuellement 15 % des concours financiers de l'Etat aux collectivités territoriales, devraient progresser de 2 % par an à compter de 2005.

Néanmoins, les paramètres étant stabilisés, il serait éminemment souhaitable que nous disposions de simulations, comme l'ont proposé le président et le rapporteur général de la commission des finances. Voilà en tout cas qui plaide en faveur de la mise en place par le Sénat d'un observatoire qui permettrait ces évaluations.

La réforme de la dotation forfaitaire doit aussi permettre de mieux prendre en compte la donnée démographique, certainement l'une des plus structurantes. Aussi, la réforme du mode de calcul présentée dans ce projet de loi de finances répond bien à l'objectif de péréquation fixée par l'article 72-2 de la Constitution.

Pour ce qui est des communes, la dotation forfaitaire, rationalisée sur la base de trois composantes, sera beaucoup plus lisible.

La première composante est une dotation de base d'un montant compris entre 60 et 120 euros par habitant, et je me réjouis que le plancher de 50 euros, initialement prévu pour les plus petites communes, ait été relevé à 60 euros par habitant.

La deuxième composante est une dotation proportionnelle à la superficie des communes, égale à 3 euros par hectare et plafonnée au montant de la dotation de base. Elle permet de prendre en compte la spécificité des communes étendues, mais peu peuplées. C'est le cas de la majorité des communes de mon département, le Gers, dont la superficie moyenne est de moins de 1 400 hectares tandis que la population moyenne par commune est de moins de 400 habitants.

La troisième composante est un complément de garantie permettant à toutes les communes de bénéficier d'une dotation au moins égale à celle de 2004 : c'est un élément essentiel pour prévoir un budget communal.

Concernant la réforme de la dotation globale de fonctionnement des établissement publics de coopération intercommunale, les EPCI, je salue les trois mesures destinées à soutenir l'intercommunalité en milieu rural, et en particulier la fixation d'un taux de croissance de la dotation par habitant des communautés de communes supérieur au taux retenu pour les communautés d'agglomération, afin de rapprocher progressivement les montants de ces dotations. Ces dispositions incitent nos communes rurales à s'organiser autour de projets.

Pour ce qui est de la DGF des départements, nous avons veillé à ce que la création de la nouvelle dotation de péréquation urbaine, exclusivement financée à partir de l'ancienne dotation de péréquation et grâce à la croissance de la masse de la DGF, ne se fasse pas au détriment des départements ruraux. En 2005, la dotation de solidarité rurale sera ainsi majorée au profit de 1 649 bourgs-centres situés en zone de revitalisation rurale. A cet égard, monsieur le ministre, pouvez-vous me préciser le nombre de bourgs-centres concernés par cette disposition dans le Gers, département le plus rural de France ?

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Et le plus beau !

M. Aymeri de Montesquiou. Afin de dégager de plus grandes marges en faveur de la péréquation, un gel de la progression de la dotation forfaitaire en 2005 avait été initialement prévu dans le projet de loi de finances. Je regrette vivement que l'Assemblée nationale ait préféré une progression de 1 %, ce qui fait mécaniquement diminuer la part de la péréquation. Les sénateurs, qui vivent les déséquilibres communaux au quotidien, sauront, je l'espère vivement, rétablir la disposition initiale.

Dans ces conditions, il apparaît raisonnable d'espérer que les engagements pris par le Gouvernement seront tenus. Je voterai donc les diverses dispositions proposées par le Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Claude Haut.

M. Claude Haut. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'ai la conviction de me faire le porte-parole d'un grand nombre d'élus locaux - bien au-delà, d'ailleurs, des rangs du groupe socialiste - en évoquant le profond sentiment d'inquiétude que leur inspire la politique gouvernementale en ce qui concerne sa gestion des relations financières entre l'Etat et les collectivités locales, inquiétude dont le congrès des maires s'est fait l'écho avec force voilà maintenant une quinzaine de jours, comme l'avait fait le congrès de l'Association des départements de France à Bordeaux, voilà un peu plus d'un mois.

Cette inquiétude est suscitée par le fait que, plus encore que l'année dernière, il sera difficile aux collectivités territoriales, et tout particulièrement aux départements, d'équilibrer leur budget pour 2005 sans recourir dans des proportions plus ou moins fortes à l'impôt local.

En effet, la loi du 18 décembre 2003 portant décentralisation du RMI et créant le RMA, comme les lois du 13 août 2004, à savoir la loi de modernisation de la sécurité civile et la loi relative aux libertés et responsabilités locales, vont durablement bouleverser la structure des budgets locaux.

Si nous avons, certes, pris acte de la reconduction du contrat de croissance et de solidarité pour 2005, il ne nous apparaît pas moins très clairement que la hausse de 2,87 % de l'ensemble des concours de l'Etat aux collectivités territoriales sera très nettement insuffisante compte tenu des charges nettes que ce dernier s'apprête à leur transférer.

Le transfert de plusieurs compétences départementales nous préoccupe plus particulièrement, notre incertitude étant, à cet égard, totale : à ce jour, en effet, aucune information fiable et concrète n'est disponible et aucun décret d'application n'a été pris. Une seule chose est sûre : ce sont les contribuables locaux qui assumeront le coût de la modernisation de la sécurité civile, par exemple.

Plus grave encore : à un mois de l'exercice budgétaire 2005, nous ne sommes toujours pas en mesure de déterminer avec précision les conséquences financières de ces nouveaux transferts.

Ainsi, le nombre des agents de l'Etat devant être transférés aux départements et aux régions est impossible à évaluer correctement : toutes les sources s'accordent pour estimer qu'environ 130 000 d'entre eux, dont la majorité relève du ministère de l'éducation nationale ou du ministère de l'équipement, seront concernés ; mais vous savez bien, madame la ministre, monsieur le ministre, que ces données sont approximatives, les rectorats se refusant le plus souvent à transmettre des chiffres précis.

Quant au nombre des agents chargés de l'entretien des routes nationales et susceptibles d'être transférés aux départements, il varie : selon le ministère de la fonction publique, il est de 30 000, tandis que le rapporteur à l'Assemblée nationale de la loi relative aux libertés et responsabilités locales avançait, lui, au printemps dernier, celui de 35 000. Qui croire ? Très certainement - et malheureusement ! - le Conseil constitutionnel, qui mentionnait, dans son avis sur la constitutionnalité de la loi relative aux libertés et responsabilités locales, qu'il existait « des écarts importants entre les besoins de personnels techniciens ouvriers et de service dans les collèges et lycées et les effectifs réels de ces personnels ».

A ce sujet, je m'interroge : comment les charges patronales relatives à ces personnels techniciens ouvriers et de service, les TOS, seront-elles compensées ?

Cette incapacité à chiffrer avec précision le nombre de personnels transférés en fonction des besoins laisse augurer de nouvelles charges pour les collectivités territoriales.

Il n'est pas juste d'affirmer que la compensation des transferts se fera à l'euro près. Nous savons bien que, dans nos collectivités, les besoins iront grandissants, nos concitoyens étant de plus en plus exigeants.

C'est pourquoi nous serions très désireux de connaître sans plus tarder les modalités de fonctionnement de la future commission consultative d'évaluation des charges, la CCEC.

Par ailleurs, le département a été clairement désigné, aux termes de la loi de modernisation de la sécurité civile, comme principal contributeur des services départementaux de secours, sans que, pour autant, soient prévues de nouvelles contreparties aux nouvelles obligations qui leur sont assignées.

La création de l'Ecole nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers, dont le financement est assuré par une cotisation des services départementaux, n'a ainsi fait l'objet d'aucune compensation. II en est de même du financement du congé pour difficulté opérationnelle, qui revient aux services départementaux : ces derniers devront prendre à leur charge 75 % de la rémunération des pompiers bénéficiant de ce congé, de même que le recrutement, la gestion et la rémunération de leurs remplaçants.

Vous ne manquerez pas de me dire que certaines réformes effectuées sous le précédent gouvernement ont contribué à alourdir les budgets départementaux.

M. Louis de Broissia. Bravo ! La suppression de la vignette, les 35 heures, le financement des SDIS...

M. Claude Haut. Je songe plus particulièrement à la mise en place de l'APA, réforme utile et très appréciée de nos concitoyens, que nul, au vu du succès qu'elle a rencontré, ne songerait à remettre en question.

M. Marc Massion. La droite n'a pas essayé !

M. Claude Haut. Je note au passage que le précédent gouvernement avait prévu une « clause de revoyure » pour faire le bilan financier de l'APA et maintenir une solidarité partagée entre l'Etat et les départements.

Quand le Gouvernement mettra-t-il en pratique cette disposition ?

Quant à la charge supplémentaire que devront engager les conseils généraux au titre du RMI, elle est évaluée à plus de 45 milliards d'euros, tandis que la création du RMA est estimée par l'Association des départements de France à 14 milliards d'euros.

Nous n'avons pas le sentiment que les recettes de TIPP permettront de couvrir les dépenses, le nombre d'allocataire du RMI ayant augmenté de 10,5 % en un an, entre juin 2003 et juin 2004.

Vous comprendrez aisément que nous puissions légitimement être inquiets du transfert de cette responsabilité aux départements, qui devront désormais assumer une véritable charge plus que de simples compétences supplémentaires.

Par ailleurs, puisque j'évoque le RMI, permettez-moi de poser la question de la prime de Noël, dont on a longuement entendu parler pour cette année 2004 : sera-t-elle encore versée aux RMIstes en 2005 et les années suivantes ?

Venons-en maintenant au projet de réforme de la dotation forfaitaire des départements.

L'objectif de péréquation est louable, puisqu'il tend également à ce que la population soit mieux prise ne compte et à ce qu'une distinction soit faite entre péréquation urbaine et péréquation rurale.

Cependant, les simulations que l'Association des départements de France a pu effectuer laissent malheureusement apparaître que c'est la dotation globale de fonctionnement des départements urbains les plus riches qui augmentera plus rapidement que celle des départements ruraux les plus pauvres, ceux dont le potentiel financier est le plus faible, ce qui nous éloigne, vous en conviendrez, madame la ministre, monsieur le ministre, de l'objectif initial de la péréquation.

Les départements les plus fragiles éligibles en 2004 à la dotation de fonctionnement minimale, la DFM, verraient leurs dotations évoluer moins vite que celles de certains départements ruraux plus aisés.

Permettez-moi enfin de revenir, car c'est ce qui inquiète le plus les élus, sur les aspects financiers liés aux transferts de compétences prévus dans la loi relative aux libertés et responsabilités locales.

Pour les départements, les dépenses transférées seraient évaluées, dans un premier temps, à 7,8 milliards d'euros : 5 milliards d'euros pour le RMI, 1,3 milliards d'euros pour la voirie, 1,2 milliards d'euros pour l'éducation, la culture et le sport, et 300 millions d'euros pour d'autres transferts sociaux. Or d'autres dépenses indirectes vont être provoquées par l'incidence de ces nouveaux textes et par des projets de loi en cours : le développement des territoires ruraux, la loi Borloo, les textes relatifs aux personnes handicapées, aux assistantes maternelles, pour ne citer que ceux-là.

Le coût de ces charges est difficile à chiffrer, mais, puisqu'il ne semble pas prévu qu'elles soient compensées, il est, par conséquent, impératif d'évaluer celui des transferts de compétences en amont de toute convention à intervenir entre l'Etat et les départements.

Il est, pour nous, élus, une autre source d'inquiétude, qui découle de la façon dont l'Etat prépare les transferts.

Ainsi, en ce qui concerne, par exemple, le fonds de solidarité pour le logement, le FSL, il est demandé aux préfets des départements, dans une circulaire du 4 novembre 2004, de résilier le 1er janvier 2005 toutes les conventions passées par le FSL sous double présidence de l'Etat et du département. Or il est impossible de régler toutes ces questions en moins de deux mois, d'autant qu'aucun décret d'application n'est paru à ce jour. Dorénavant, devons-nous considérer que tout se règle par circulaire et que les décrets sont inutiles ? Il faut nous laisser le temps de réaliser ces transferts dans des délais raisonnables, au seul bénéfice de nos concitoyens les plus démunis, notamment dans ce domaine précis du logement.

Je tiens aussi à attirer votre attention sur l'imprévisibilité de nos recettes.

De nombreux départements ont constaté, sur les premiers mois d'exercice de cette compétence, un déséquilibre entre les dépenses de versement des allocations au titre du RMI et les recettes de TIPP venant les compenser.

Pour ce qui est du financement de la modernisation de la sécurité civile, nous sommes persuadés que les 900 millions d'euros pris sur la part transférée de la taxe concernant les conventions d'assurance sur les véhicules à moteur seront loin de suffire.

Dans ce débat, madame la ministre, monsieur le ministre, j'ai souhaité vous dire les inquiétudes légitimes des présidents de conseils généraux. Ces derniers ne sont pas opposés à la décentralisation, mais ils souhaitent la voir remise sur de bons rails, car ils ne veulent pas servir de boucs émissaires à tous les désengagements de l'Etat et à ce qui ressemble à une politique de délestages mal compensés. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Louis de Broissia. Quel désaveu !

M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot.

M. Philippe Adnot. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les finances des collectivités locales sont au coeur du débat actuel, ce qui est bien normal compte tenu du nombre de réformes qui les concernent : la décentralisation sous toutes ses formes, la réforme des SDIS et des retraites des sapeurs-pompiers volontaires, de la taxe professionnelle, de la dotation globale de fonctionnement et, éventuellement, du foncier non bâti.

Nous savons tous que ces différentes réformes devraient être, en principe, neutres en volume dans leurs conséquences et que, d'autre part, la Constitution garantit l'autonomie fiscale des collectivités locales.

Je fais partie de ceux qui, parce qu'ils font confiance au Gouvernement, savent déjà qu'il fera mieux que ses prédécesseurs, qui avaient mis en place l'APA sans en prévoir le financement.

Pour autant, la confiance n'exclut pas la vigilance, car de nombreux points d'achoppement nous montrent que tout n'est pas réglé et qu'il est légitime de se poser un certain nombre de questions.

Ainsi, sous couvert de décentralisation, a été transféré aux départements le financement du RMI, qui doit être compensé par une recette de TIPP. Or, à ce jour, pour prendre l'exemple de mon département, qui compte 290 000 habitants, le manque de financement est de 3 millions d'euros.

Qu'en sera-t-il du bilan final ? Comprenez notre inquiétude !

Par ailleurs, et toujours sous couvert de décentralisation, les départements vont être responsables des routes nationales. Si, en ce qui concerne les crédits de fonctionnement, ce transfert de compétence semble correct, en revanche, en ce qui concerne l'investissement, la dernière note que nous avons reçue ne nous rassure pas : il y est en effet prévu que l'Etat ne leur donne rien à ce titre au motif qu'auparavant il existait des financements croisés et, donc, un financement des collectivités locales. Les élus ont l'impression que le Gouvernement le fait jouer à « pile je perds, face tu gagnes », car les financements croisés ne s'appliquaient qu'aux routes dépendant de l'Etat.

Dans la mesure où, pour l'Etat, les charges de retraite n'existent pas, qu'en sera-t-il des cotisations sociales afférentes aux personnels TOS transférés et à ceux de l'équipement, qui pèseront désormais sur les collectivités locales ? Il faudra donc leur réserver une part de la subvention d'équilibre qui figure dans le budget de l'Etat. Je ne sais pas si cela a été prévu ; en tout cas, j'attends avec intérêt votre réponse, madame la ministre.

S'agissant des SDIS, 20 millions d'euros sont affectés, dans le projet de loi de finances, au financement de la retraite des sapeurs-pompiers volontaires alors que, nous le savons, celui-ci se chiffre au minimum à 30 millions d'euros, voire, selon nos simulations, à 50 millions d'euros.

La DGF va être réformée, et il faut saluer l'effort fait pour dégager les marges de manoeuvre nécessaires à l'alimentation de la dotation de péréquation. Il n'en reste pas moins que la répartition de cette dotation n'est pas satisfaisante.

Je vous demanderai, madame la ministre, d'être attentive à la proposition de mon collègue Yves Fréville qui, si vous la reteniez, améliorerait sensiblement votre texte dans la mesure où, désormais, la dotation de péréquation va concerner la totalité des départements : il est évident que, si la péréquation est répartie sur tous les départements, il n'y a plus vraiment de péréquation.

Je pourrais également évoquer nos incertitudes quant à la réforme de la taxe professionnelle et, éventuellement, à celle du foncier non bâti.

Si, avant de nous exprimer davantage, nous attendons de savoir exactement quels seront les tenants et les aboutissants de cette réforme, nous tenons d'ores et déjà à affirmer notre volonté de ne pas voir diminuer la ressource représentée actuellement par la taxe professionnelle non plus que de voir s'affaiblir les liens entre l'économie, les entreprises et les collectivités locales à partir d'un impôt qui est un impôt de service.

Madame la ministre, je terminerai par une question relative aux compensations que le Gouvernement compte octroyer aux départements afin de prendre en compte les nouvelles dispositions de la loi Borloo.

Quelle compensation les départements recevront-ils au titre des contrats emploi-solidarité et des contrats emplois consolidés, proposés à des RMIstes en insertion ? Dans mon département, qui, je le rappelle, compte 290 000 habitants, l'insertion a constitué un travail énorme : les CEC et les CES, pour lesquels nous n'avons pas reçu de financement, représentent 2,5 millions d'euros.

Telles sont, madame la ministre, les interrogations - elles ne sont pas exhaustives - dont je souhaitais vous faire part.

Je veux rappeler la confiance que nous vous accordons pour répondre, dans l'esprit de la loi, à nos attentes. Sachez cependant que nous resterons attentifs et vigilants. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. Joël Bourdin.

M. Joël Bourdin. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à saluer l'effort accompli par le Gouvernement pour redonner à la dotation globale de fonctionnement une structure cohérente et simplifier la structuration des dotations, en distinguant ce qui relève de la population et ce qui touche à la péréquation.

De la même façon, il faut souligner l'effort en faveur de la ruralité, notamment des bourgs-centres, et au bénéfice des communautés de communes dont les dotations seront améliorées de façon différentielle, par rapport à celles qui sont attribuées aux communautés d'agglomération.

Il n'y a pas d'évolution sans changement. C'est ainsi qu'en 2005 on pourra constater une discontinuité dans l'évolution des dotations, toutefois heureusement corrigée par un système de garanties permettant de lisser les attributions des communes ou des communautés de communes, sans lequel des diminutions risqueraient d'être enregistrées.

Nous félicitons donc le Gouvernement d'avoir eu le courage de réformer la DGF et d'avoir pris la précaution de ne pas entamer les « acquis financiers » des collectivités locales.

La réforme prévue dans le projet de loi de finances pour 2005 comporte maintes innovations, mais je tiens à souligner particulièrement deux efforts accomplis en direction des communes et de leurs groupements qui me semblent le plus louables : l'effort de recalibrage des dotations et l'effort de conceptualisation des outils.

Tout d'abord, l'effort de recalibrage en faveur des villes en difficulté et des zones rurales va dans le sens de ce que nous réclamons, à l'instar du Comité des finances locales. A ce sujet, je formulerai trois observations.

Premièrement, si le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale est adopté, l'enveloppe de la DSU augmentera. Cela va, globalement, dans le bon sens. Toutefois, le mode de répartition de la DSU prévu n'est pas sans contenir des biais. En effet, la corrélation entre le niveau de richesse financier des communes et les futures attributions de dotations n'est pas évidente. C'est pourquoi je souhaite, pendant qu'il en est encore temps, le réajustement du système de répartition de la DSU. En effet, si un surcroît de moyens doit être attribué à certaines villes, il convient qu'il soit équitablement réparti.

M. Gérard Delfau. Très bien !

M. Joël Bourdin. Deuxièmement, les attributions au titre de la dotation de solidarité rurale aux communes bourgs-centres, notamment à celles qui se trouvent dans les zones de revitalisation rurale, les ZRR, vont augmenter de façon significative. Ainsi les insuffisances des dispositions financières que nous avions relevées lors de l'examen en première lecture du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux seront-elles corrigées.

Troisièmement enfin, un processus de rattrapage des attributions aux communautés de communes, par rapport à celles des communautés d'agglomération, sera engagé. Il est vrai que la dotation moyenne par habitant des communautés de communes à fiscalité additionnelle de 16,62 euros n'est pas justifiée, quand l'attribution moyenne par habitant est supérieure à 40 euros pour les communautés d'agglomération et à 82 euros pour les communautés urbaines. Sachant que les communautés de communes ont, pour beaucoup, opéré presque autant de transferts de compétences que certaines communautés d'agglomération, cela devenait vraiment injuste !

La surpondération des évolutions des dotations moyennes en faveur des communautés de communes est un bon signe. Néanmoins, il conviendrait qu'elle soit au moins de 1,5 pour qu'un rattrapage significatif s'effectue en quelques années.

Ensuite, l'effort de conceptualisation des outils de calcul utilisés doit être souligné, même s'il doit être poursuivi car il est encore insuffisant.

Je ne m'attarderai pas sur la meilleure prise en compte de la population effective dans le calcul du montant des dotations. Force est de le reconnaître, la pratique de ces dernières années, qui consistait à ne pas intégrer l'ensemble des évolutions des populations communales ou intercommunales, qu'elles soient à la hausse ou à la baisse, était arbitraire et n'avait guère de sens ! En effet, le meilleur indicateur de charge reste la population.

Désormais, il sera tenu compte de la population recensée. Voilà qui est cohérent et doit être souligné, même si aucune commune, sauf à faire effectuer un recensement complémentaire utile, ne pourra, dès 2005, en tirer profit.

M. Joël Bourdin. Toujours sur le sujet de la conceptualisation, j'évoquerai maintenant les deux pivots de nos systèmes de péréquation que sont le potentiel financier et le coefficient d'intégration fiscale.

Pour les communes et les départements, le passage du potentiel fiscal au potentiel financier constitue un progrès. Le potentiel fiscal par habitant n'était plus une mesure fiable de la richesse relative des communes, ce qui faussait les calculs de péréquation.

En effet, la notion de potentiel fait référence à ce que, ailleurs, on appelle les « fondamentaux de la richesse ». Dans les entreprises, la valeur potentielle est constituée par les ressources pérennes actualisées. En d'autres termes, elle est liée à toutes les ressources à caractère répétitif. Or, pour calculer le potentiel des communes, on ne prenait en considération jusqu'à présent qu'une partie des ressources répétitives, à savoir celles qui sont produites par les « quatre vieilles ».

Le passage au potentiel financier permet d'intégrer le produit de la dotation forfaitaire, ce qui est normal puisqu'il constitue une ressource acquise. Le potentiel financier recouvre ainsi mieux la réalité des fondamentaux financiers de la commune. Il faut s'en réjouir, pour aussitôt remarquer, d'une part, que cela n'est pas suffisant, d'autre part, que cela n'est pas sans biais.

D'une part, cela n'est pas suffisant, car, pour certaines communes, d'autres ressources sont répétitives, donc non négligeables. Il en est ainsi du produit de la taxe sur les spectacles, jeux et divertissements et de certaines ressources d'exploitation du domaine.

M. Gérard Delfau. Très bien !

M. Joël Bourdin. Est-il normal d'affecter à une commune possédant un casino un potentiel qui, bien que mesuré officiellement, ne tient pas compte du produit des jeux inscrits dans ses recettes ? Je vous le dis franchement : non !

M. Gérard Delfau. Très bien !

M. Joël Bourdin. Cet élément valorise en effet son potentiel, et parfois de façon substantielle.

M. Gérard Delfau. Très bien !

M. Joël Bourdin. D'autre part, cela n'est pas sans biais, car la dotation forfaitaire, qui est assez péréquatrice par son histoire, a tendance à réduire les écarts de potentiel, ce qui joue au détriment des petites communes.

M. Gérard Delfau. Très bien !

M. Joël Bourdin. Le coefficient d'intégration fiscale des communautés, qu'elles soient de communes ou d'agglomération, est l'élément central du calcul des dotations d'intercommunalité. Or ces dotations sont extrêmement sensibles à une variation, si faible soit-elle, du CIF. Il est donc regrettable que la définition du CIF ne soit pas, une fois pour toutes, arrêtée.

La réforme prévoit une modification du calcul des transferts qui minore le CIF. Désormais, les transferts pour les communautés de communes à fiscalité additionnelle seront éliminés du calcul. Selon moi, ce n'est pas un bon principe, car cela revient à attribuer des moyens à une collectivité en fonction des charges qu'elle n'assume pas. Même si cela a peu d'impact sur la répartition, cela heurte, me semble-t-il, nos principes fondamentaux.

J'ajoute qu'il serait certainement intéressant d'effectuer des simulations concernant l'effet de la taille des strates démographiques sur les attributions des communes. J'ai en effet le sentiment que la taille des groupes démographiques officiellement arrêtés, qui est restée inchangée, ne correspond pas à la typologie des groupes de communes selon le niveau de charges assumées. Un élargissement des strates me semblerait induire un effet péréquateur plus élevé que celui de l'actuelle grille démographique.

Ce sujet pourrait d'ailleurs devenir l'un des thèmes d'étude de ce nouveau système d'évaluation que, comme d'autres ici, j'appelle de mes voeux. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Claude Biwer.

M. Claude Biwer. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen en première lecture au Sénat du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale nous a déjà donné l'occasion de débattre, en avant-première, du projet de réforme des dotations de l'Etat, notamment de la DGF.

L'objectif principal de cette réforme est la péréquation, nous en sommes tous conscients. J'y ajouterai, pour ma part, la justice.

Pourquoi la péréquation et la justice ? Les communes et les villes qui, pour mille et une raisons - certaines, d'ailleurs, fort anciennes - perçoivent beaucoup, voire trop, au titre de la DGF, devront à l'avenir percevoir un peu moins. Ainsi, les communes - souvent, il faut bien le dire, des communes rurales, parmi les plus pauvres - qui perçoivent trop peu au titre de la DGF percevront plus afin de pouvoir faire face à leurs obligations.

Nous savons tous que, à l'heure actuelle, onze villes de plus de 200 000 habitants perçoivent plus au titre de la DGF que les 27 000 communes de moins de 1 000 habitants pour une population totale pourtant 1,5 fois supérieure. Et que dire de la ville de Paris, dont la DGF est deux fois plus élevée que la DGF moyenne des autres !

Il est vrai que les assemblées parlementaires comptent beaucoup d'élus de grandes villes, car il est plus difficile de se faire élire lorsque l'on est le modeste conseiller municipal d'une petite collectivité rurale. C'est peut-être un élément nouveau qui permet d'expliquer les différences de position entrent les élus qui siègent au Parlement. Mais, pour moi, un Français vaut un autre Français.

La réforme que le Gouvernement nous propose et qui a déjà fait l'objet de modifications importantes à l'Assemblée nationale se traduira-t-elle par plus de justice et par une plus grande péréquation dans la répartition de la DGF ? Un faisceau d'indices me laisse à penser que, hélas, tel ne sera pas le cas.

Pourtant, depuis trois ans, au sein de cette assemblée, j'entends bien des propos rassurants, et l'on soutient que les augmentations de DGF seraient le moyen de permettre une véritable péréquation.

S'agissant des communes, j'observe que la dotation de base « population » continue de prévoir un écart en fonction de l'importance de la population. Même s'il a été très légèrement réduit par l'Assemblée nationale, cet écart est toujours de 1 à 2, soit 60 euros contre 120 euros par habitant. Peut-être faudrait-il commencer par « recomprimer » tout cela. Mes chers collègues, lorsque nous évoquons ce sujet, on nous oppose les charges de centralité des villes. Or ces dernières ont été largement transférées aux communautés de communes, et plus encore aux communautés d'agglomération et aux communautés urbaines !

Dans ces conditions, je ne vois pas la raison de maintenir un tel écart : la justice et la péréquation voudraient que, dans une première phase, la dotation de base par habitant soit équitablement répartie. Nous proposerons des amendements en ce sens.

S'agissant de la dotation proportionnelle à la superficie des communes, que vont pouvoir faire les communes rurales avec 3 euros par hectare ? Une somme un peu plus importante aurait eu un début de signification.

Etait-il nécessaire de revaloriser la dotation forfaitaire ? Certes, une telle mesure permettra à toutes les communes de bénéficier d'une revalorisation de 1 % de cette dotation, mais l'argumentation développée à l'Assemblée nationale me laisse songeur : il s'agirait de répondre à une revendication des grandes villes et des communautés urbaines. Or ce sont justement ces collectivités qui perçoivent à l'heure actuelle un maximum de DGF. De surcroît, il faut bien avoir à l'esprit que les sommes prélevées au titre de la dotation forfaitaire ne sont plus disponibles pour alimenter la péréquation.

Fallait-il, par ailleurs, prélever sur les sommes résultant de la progression de la DGF l'augmentation de la DSU pour certaines villes en difficulté, ce qui réduit également l'effort de péréquation, même si cela peut paraître logique ? J'ai pour ma part plaidé pour que la solidarité urbaine s'effectue entre villes riches et villes pauvres sans pour autant pénaliser les communes rurales dépourvues de moyens. Le rattrapage par l'impôt est, en effet, pour ces communes, beaucoup plus difficile en raison de la faiblesse des valeurs fiscales de l'ensemble des immeubles ruraux.

Enfin, je souhaite soulever un problème qui semble ne pas trouver de solution dans la présente réforme, à savoir la situation des communes ayant transféré d'importants produits fiscaux à leur communauté de communes ou d'agglomération et dont le potentiel fiscal demeure élevé après ce transfert, bien qu'elles ne perçoivent plus de compensation proportionnée aux produits fiscaux transférés. De ce fait, elles se voient lourdement pénalisées par une très faible DGF, l'absence de dotation de solidarité rurale et de dotation « élu local ». Le mode de calcul du potentiel financier pourrait-il prendre en compte cette situation ?

S'agissant de la DGF intercommunale, je ne peux qu'être favorable à la réduction progressive des écarts de dotations entre les communautés de communes et les autres catégories d'intercommunalité. Car, là aussi, il existe de profondes injustices. Ainsi, pourquoi une communauté urbaine perçoit-elle, en moyenne, trois fois plus de DGF qu'une communauté de communes à taxe professionnelle unique et presque deux fois plus qu'une communauté d'agglomération, alors que les unes et les autres exercent les mêmes compétences ? Je souhaite ardemment que cette réduction des écarts intervienne dans les meilleurs délais.

S'agissant, enfin, de la DGF départementale, ne craignez-vous pas, monsieur le ministre, comme le souligne la délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire de notre assemblée, que la nouvelle clé de répartition de la dotation de péréquation entre les départements n'introduise de nouvelles injustices du fait de la prise en compte du potentiel financier ? Ne vaudrait-il pas mieux retenir l'indice synthétique regroupant les ressources et les charges financières des départements, tel qu'élaboré par un groupe de travail du Sénat ?

Telles sont les observations et les propositions que je tenais à formuler sur la réforme de la DGF. Je souhaite que de nos travaux sorte un dispositif permettant une répartition plus juste et plus péréquatrice de cette dotation. Si tel n'était pas le cas, nos collègues maires seraient terriblement déçus, et cette déception viendrait s'ajouter à celle qu'ils éprouvent déjà devant la suppression des services publics. Mes chers collègues, le Sénat a le devoir de redonner confiance aux maires. Tous ensemble, oeuvrons dans ce sens.

Je voterai le projet de loi de finances, comme les membres du groupe de l'Union centriste. J'ai conscience des difficultés présentes. J'appartiens à une majorité qui se bat et je souhaite me battre avec elle. Cependant, certaines modifications doivent être apportées et j'espère, madame la ministre, monsieur le ministre, que vous nous aiderez à faire en sorte que les amendements que nous avons déposés en ce sens connaissent un sort favorable. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Vera.

M. Bernard Vera. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, nos compatriotes sont particulièrement attachés au service public local et à la proximité de leurs élus.

Sans même considérer les nouvelles compétences désormais transférées aux collectivités du fait de la décentralisation, toutes les enquêtes d'opinion font état de cet attachement aux élus locaux, notamment aux maires, considérés comme étant les plus proches des populations.

Cette réalité ne peut toutefois faire oublier que les collectivités locales, quel que soit l'échelon pris en compte, sont confrontées directement à l'urgence des besoins sociaux, qu'il s'agisse de l'emploi, de la solidarité, du logement, de l'éducation et des pratiques culturelles et sportives.

Les réponses apportées par les collectivités territoriales sont donc fortement attendues ; cela ne doit jamais être oublié dans notre réflexion sur le devenir des relations qu'elles entretiennent avec l'Etat. C'est pourquoi, par principe, nous refusons que le débat portant sur les collectivités territoriales se limite à une confrontation technique entre l'Etat et les collectivités, à coups de systèmes souvent complexes, où le jeu consiste, en définitive, à essayer de dégager peu à peu l'Etat de certaines de ses responsabilités et à faire participer les collectivités à la convergence des politiques budgétaires des Etats de l'Union européenne.

Répondant à des besoins sociaux par des mesures porteuses en elles-mêmes de développement économique et social, les collectivités territoriales doivent disposer des moyens nécessaires à leur action. Ainsi en est-il de leurs capacités financières.

On ne peut décemment mettre en oeuvre de péréquation des ressources entre collectivités si l'on reste bloqué sur les ressources actuellement mobilisées.

La péréquation, cela ne signifie pas la répartition de ressources insuffisantes entre plus pauvres et moins pauvres, les seconds consentant un petit effort pour les premiers.

La péréquation exige des ressources nouvelles, notamment une taxe professionnelle renouvelée intégrant la taxation des actifs financiers des entreprises, comme nous le proposons depuis plusieurs années, au regard de l'évolution même de la réalité des entreprises.

Cette mesure d'équité entre les entreprises assujetties permettrait notamment d'accroître la contribution de celles qui font le choix de la financiarisation au détriment de l'emploi et de l'investissement productif.

Dans le même ordre d'idées, il faut rendre à la dotation globale de fonctionnement toute sa capacité à équilibrer les budgets locaux.

Pour la grande majorité des petites communes, la DGF constitue le plus souvent la principale ressource de fonctionnement, celle qui leur permet de faire face aux dépenses obligatoires prévues par les textes législatifs en vigueur.

On ne peut parler d'autonomie financière des collectivités locales sans envisager un sensible ajustement, à la hausse, de la DGF. C'est, là encore, le sens de nos propositions, notamment de celle qui consiste à rattraper le retard accumulé depuis la réforme de 1993 en termes de pouvoir d'achat de la dotation.

Les collectivités territoriales portent aujourd'hui une part déterminante de l'investissement public. Dans un contexte où l'Etat se désengage, elles réalisent aujourd'hui entre 70 % et 75 % des investissements publics. Les marchés qu'elles passent constituent même le socle de l'activité de nombreuses entreprises. Il convient donc que cet effort d'équipement, bien souvent structurant pour le pays, soit aidé à la hauteur qu'il convient. Cette remarque justifie notre proposition de relèvement de la DGE et de suppression de la réfaction sur le fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée grevant ces investissements, réfaction qui représente près du dixième du montant de ce fonds, soit environ 400 millions d'euros cette année.

Enfin, la fiscalité directe locale est devenue difficilement compréhensible pour une part importante de nos concitoyens. Ces derniers, s'ils sont attachés au service public local, sont également sensibles au mouvement continu de hausse de la pression fiscale qui accompagne chaque année l'extension des compétences des autorités publiques locales.

Une plus grande justice sociale doit animer la nécessaire réforme de la fiscalité directe locale. Comment expliquer à nos concitoyens, par exemple, que 46 % de la taxe professionnelle sont aujourd'hui pris en charge par l'Etat, alors que moins de 5 % des taxes foncières le sont, et singulièrement la taxe sur les propriétés non bâties ? Comment expliquer au contribuable participant au tri sélectif de ses déchets ménagers que la taxe d'enlèvement des ordures ménagères qu'il acquitte en sus du foncier bâti va continuer de connaître une progression très importante dans les années à venir ?

Nous formulerons donc dans ce débat un certain nombre de propositions permettant de corriger une partie des défauts actuels de la fiscalité directe locale, propositions prenant mieux en compte les capacités contributives réelles des contribuables locaux. Cela passe notamment par un plafonnement plus important de la taxe d'habitation, par la suppression de la majoration des frais de rôle, par l'allégement de la taxe foncière pour les ménages les plus modestes ou par la réforme nécessaire de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, que j'évoquais à l'instant.

Nous ne pouvons nous satisfaire d'une situation dans laquelle les impôts locaux continuent de croître pour les particuliers, tandis que les entreprises sont de plus en plus déresponsabilisées au regard de la collectivité.

Comment pouvons-nous en effet accepter que la taxe professionnelle, qui ne représente plus que 40 % des produits votés par les collectivités, concentre 75 % des dépenses de compensation et de dégrèvement assumées par l'Etat ?

Telles sont quelques-unes des propositions que nous souhaitions évoquer à l'occasion de ce débat. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau.

M. Gérard Delfau. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Commissariat général du Plan a bien décrit, dans deux rapports successifs, l'ampleur des inégalités entre nos collectivités territoriales. De telles disparités n'ont pas d'équivalent dans le reste de l'Union européenne et constituent l'une des composantes les plus regrettables de l'exception française.

On ne peut donc que se féliciter de la constitutionnalisation, en 2003, du principe de la péréquation. Nous nous alignons ainsi sur l'Allemagne et sur l'Italie, entre autres.

La réforme de la DGF, qui a été inscrite successivement dans la loi de finances pour 2004, dans le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale de 2005 et dans le projet de loi de finances pour 2005, traduit la volonté de parvenir à résorber la fracture territoriale. Telle est du moins l'intention affichée par le Gouvernement, ce qui ne signifie pas que l'objectif soit atteint.

En soi, pourtant, l'initiative est louable. Elle présente même trois aspects positifs.

Elle clarifie, d'abord, l'architecture des dotations. Il n'existe plus, pour chaque catégorie de collectivité, que deux types de dotation, l'une forfaitaire, l'autre de péréquation. Une telle structure contraste avec l'excès de sédimentation altérant l'évaluation du système et constitue une rupture heureuse avec le passé.

Elle alloue, ensuite, des moyens plus importants à la péréquation. S'agissant des communes, avec une progression de la dotation forfaitaire de 1 % d'un exercice à l'autre, près de 300 millions d'euros peuvent être dégagés, ce qui n'est pas négligeable. En termes dynamiques, la part relative de la péréquation dans le montant total de la DGF des communes est vouée à augmenter au fil des années, par le jeu des variations différenciées des taux de croissance. Cela représente un pas significatif dans le sens d'une meilleure répartition des ressources entre collectivités territoriales.

Enfin, la réforme de la DGF choisit avec pertinence ses principales cibles : elle prévoit une majoration de la dotation de solidarité urbaine en faveur des communes dotées de zones franches et de zones de redynamisation urbaine, même si l'application de cette mesure peut parfois poser des problèmes, ainsi qu'une majoration de la dotation de solidarité rurale pour les bourgs-centres en zone de revitalisation rurale. C'est bien dans ces deux catégories de collectivité que se concentrent les difficultés en termes de cohésion sociale et de présence, ou d'absence, de services publics.

En ces trois domaines, il s'agit en somme de réels progrès.

Mais d'autres aspects de la réforme éclairent différemment l'intention première ; leur juxtaposition autorise même une autre lecture. Nous sommes en droit, madame la ministre, monsieur le ministre, de nous demander parfois si le projet de loi de finances pour 2005 n'introduit pas une forme subtile de « dé-péréquation », autrement dit de démantèlement des politiques de péréquation mises en oeuvre notamment par les gouvernements de gauche en 1991 et 1992.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Oh !

M. Gérard Delfau. Nous pouvons ainsi nous interroger sur le nouvel instrument de mesure des inégalités, le potentiel financier, qui est construit par addition de l'ancien potentiel fiscal et du montant de la dotation forfaitaire. Est-il logique de tenir compte de sommes qui, autrefois réparties moyennant une bonne dose de péréquation et désormais en fonction de la population et de la superficie, ont pour effet de resserrer les inégalités, comme l'a souligné notre collègue Joël Bourdin, et donc de minorer l'ampleur des besoins en termes de péréquation ?

La lecture des simulations effectuées par le Comité des finances locales, s'agissant des départements, est éclairante. Je ne résiste pas au plaisir de vous en livrer certains résultats. Ainsi, avec l'application de ce nouvel instrument, le montant de la dotation de péréquation de la Creuse diminuerait de 10,35 %,...

M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est corrigé !

M. Gérard Delfau. ... celui de la Lozère, de 12,64 %, alors que celui de Paris augmenterait de 95,99 %. Il fallait oser !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Mais cela a été corrigé !

M. Gérard Delfau. La dotation de péréquation des Hauts-de-Seine augmenterait, elle, mais c'est bien sûr le pur effet du hasard, de 52,84 % ! Telles sont les données du problème. J'espère que le Sénat y remédiera.

N'oubliez pas ce que nous a dit notre collègue Joël Bourdin sur le « biais » général introduit par le nouveau dispositif pour les communes pauvres.

Ce phénomène n'est pas pris en compte dans les simulations réalisées.

Cela m'incite à dire, après bien d'autres, notamment M. le président de la commission des finances, que le Sénat doit désormais se doter d'un observatoire, non pas de la décentralisation, monsieur le président du Sénat, mais des finances locales. Celui-ci serait indépendant et autonome, n'entrerait en concurrence ni avec la direction générale des collectivités locales ni avec Bercy. Il permettrait aux parlementaires de s'exprimer en ayant connaissance des conséquences des projets de loi dont ils discutent.

Mais il y a plus grave et plus significatif encore, je veux dire l'abandon des procédures de péréquation horizontale entre collectivités riches et collectivités pauvres. Hier disparaissait le fonds de correction des déséquilibres régionaux, le FCDR. Aujourd'hui, c'est le mécanisme de solidarité financière entre les départements qui est affaibli. Demain, sans doute, ce sera le fonds de solidarité des communes de la région d'Ile-de-France qui sera menacé. L'un de nos collègues à l'Assemblée nationale en a fait état, sept ou huit communes des Hauts-de-Seine, soit les plus riches de France, envisagent en effet de se réunir non pas pour faire mieux ensemble, mais pour moins contribuer au système de péréquation actuel en faveur des communes les plus pauvres de leur département.

Est-ce raisonnable ? Est-ce cela, la péréquation ?

Pour mémoire, j'évoquerai également le refus d'intensifier la péréquation de nature fiscale par la dotation nationale de péréquation, la DNP, mécanisme de péréquation très efficace, mais dont on ignore encore aujourd'hui les effets. Y aura-t-il plus de communes gagnantes ou plus de communes perdantes ? C'est là un vrai sujet d'inquiétude.

Si j'en avais le temps, j'évoquerais également un certain nombre d'effets contestables ou inquiétants du projet de loi qui nous est proposé. Je dirai simplement que nous sommes loin de l'objectif initialement affiché. Il faut donc corriger le texte qui nous est soumis, et c'est l'objet de ce débat. Je sais que des initiatives seront prises émanant de l'ensemble des groupes, et c'est bien ainsi.

Ces corrections sont d'autant plus nécessaires que le récent congrès des maires de France a fait apparaître, madame la ministre, monsieur le ministre, un risque de divorce...

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Pas entre Mme Roig et moi ! (Sourires.)

M. Gérard Delfau. ... entre les maires et le Gouvernement.

Le Sénat, fidèle à sa mission, fidèle à la Constitution, doit donc se saisir de cette question et apporter les correctifs nécessaires pour que la répartition des ressources entre collectivités soit plus juste et pour que la péréquation entre réellement dans les faits. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste ainsi que sur certaines travées de l'Union centriste et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Masseret.

M. Jean-Pierre Masseret. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'évoquerai rapidement quatre questions concernant les élus régionaux : les contrats de plan Etat-région,...

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Chers à votre coeur, monsieur le sénateur !

M. Jean-Pierre Masseret. ... les personnels techniciens, ouvriers et de service, ou TOS, la taxe intérieure sur les produits pétroliers, la TIPP et, si j'en ai le temps, l'apprentissage et la formation.

En termes d'exécution, les contrats de plan Etat-région, vous le savez, monsieur le ministre, ont pris un sérieux retard. Ils ont un peu de plomb dans l'aile ! Les chiffres sont éloquents, mais je n'en citerai aucun, car chacun ici pourrait avancer les siens.

Le retard pris dans l'application des contrats de plan Etat-région a deux conséquences.

Premièrement, et c'est de loin la conséquence la plus grave, des investissements d'intérêt général, qui étaient pourtant nécessaires et prévus, doivent être reportés, voire annulés, notamment en matière d'infrastructures routières, d'actions économiques, d'aménagement du territoire ou d'équipement universitaire.

Deuxièmement, les collectivités locales sont amenées à avancer de l'argent à l'Etat, ce qui est tout de même un comble dans la situation actuelle.

Monsieur le ministre, comment l'Etat entend-il respecter les engagements des contrats de plan Etat-région, notamment ceux concernant les volets routier et universitaire ?

M. Henri de Raincourt. . Comme d'habitude,...

M. Bernard Saugey. ...en vingt ans ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Masseret. Par ailleurs, les conséquences du transfert des TOS sont nombreuses, ...

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Et toutes positives !

M. Jean-Pierre Masseret. ...vous l'admettrez. En effet, du fait de l'augmentation du nombre de personnels à gérer, une multitude de situations doivent être prises en compte. Je prendrai l'exemple de la Lorraine, qui gère actuellement moins de 500 personnes. Après le transfert des TOS, elle en gérera plus de 3 000. Il faudra bien assumer cet afflux important de personnels !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Mais les responsabilités ne vous font pas peur !

M. Jean-Pierre Masseret. Des moyens pour gérer les carrières devront être mis en place, ...

M. Philippe Marini, rapporteur général. Oui.

M. Jean-Pierre Masseret. ...ce qui ne sera pas une mince affaire. L'informatisation de cette gestion coûtera cher et demandera du personnel.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous êtes de taille, cher collègue !

M. Jean-Pierre Masseret. Ce transfert se traduira également par le renchérissement des cotisations sociales, leurs taux étant différents selon que l'employeur est l'Etat ou une collectivité territoriale.

En outre, des formations professionnelles, inexistantes à ce jour, devront être mises en place, le coût de la médecine du travail devra être intégré et les oeuvres sociales financées.

M. Gérard Delfau. Très bien !

M. Jean-Pierre Masseret. La semaine dernière, le directeur général des services de la région et les directeurs généraux des quatre départements lorrains se sont réunis afin d'estimer le surcoût lié à ce transfert. Ils estiment que ce transfert coûtera entre 6 000 et 8 000 euros par TOS ! Pour la Lorraine, cela représentera 18 millions d'euros. Un point de fiscalité valant un million, la pression fiscale augmentera donc de 18 % en 2005. Et je ne parle même pas du coût des recrutements supplémentaires !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Cela me paraît bien étrange !

M. Jean-Pierre Masseret. Cela ne l'est pas, monsieur le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Quand on est juge et partie...

M. Jean-Pierre Masseret. Je vous invite à venir à Metz, monsieur le rapporteur général, et à refaire avec nous le calcul. Sachez que je ne faisais pas partie de ceux qui ont procédé à ces estimations, lesquels venaient de tous les horizons politiques, car la région Lorraine et ses quatre départements ne sont pas monocolores.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Ils sont un peu pousse-au-crime, tout de même !

M. Jean-Pierre Masseret. Si ce coût est inférieur, vous aurez un crédit, monsieur le rapporteur général, mais, s'il est supérieur, j'espère que vous m'octroierez un financement complémentaire ! (Sourires.)

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Rendez-nous l'APA !

M. Jean-Pierre Masseret. Il faudra également peut-être procéder à des recrutements.

Vous nous dites, monsieur le ministre, et je vous crois,...

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Ah !

M. Jean-Pierre Masseret. ... que l'Etat transférera à l'euro près ce que les TOS lui coûtent aujourd'hui.

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Celui qui ne l'a pas entendu est sourd !

M. Jean-Pierre Masseret. Mais comment seront intégrées les dépenses qui figurent non pas au budget de l'éducation nationale, mais dans d'autres budgets, notamment celui du ministère des affaires sociales ? Les emplois-jeunes, les CES,...

M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous ferez des progrès en gestion !

M. Jean-Pierre Masseret. ... les CEC et les postes budgétaires vacants seront-ils retenus ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous gérerez mieux que l'Etat !

M. Jean-Pierre Masseret. C'est probable, monsieur le rapporteur général !

J'en viens à la TIPP. Le fait que l'on donne à terme aux régions la possibilité d'augmenter le niveau de taxation de la TIPP sonne un peu comme un aveu : le coût des compétences transférées sera forcément supérieur aux sommes que l'Etat y consacre aujourd'hui.

Il se trouve que la TIPP est aujourd'hui manifestement peu dynamique. Il est donc à craindre, monsieur le ministre, que les collectivités ne puissent pas couvrir leurs nouvelles charges.

Je reprendrai une fois encore l'exemple lorrain. Après 2006, monsieur le ministre, les régions pourront moduler une part de la TIPP, qui sera établie sur le volume de carburant distribué dans la région. Or, peut-être ne le savez-vous pas, mais 250 000 Lorrains vivent à proximité du Luxembourg et 80 000 d'entre eux y travaillent tous les jours. La fiscalité, notamment sur le gasoil ou l'essence, y est très inférieure à celle de la France. Cela se traduit pour la région par une perte de consommation considérable. Par conséquent, des ressources nous feront défaut demain.

Il me reste très peu de temps pour évoquer l'apprentissage et la formation professionnelle. Dans ces deux domaines également, les régions devront supporter des surcoûts.

En conclusion, si le délestage de l'Etat sur les collectivités territoriales lui permet de peser sur des résultats budgétaires en trompe-l'oeil, ce n'est pas sans conséquences. Le retrait de l'Etat a en effet pour corollaire mécanique une augmentation de la pression fiscale des collectivités territoriales. Le processus dans lequel nous entrerons en 2005, mes chers collègues, s'amplifiera les années suivantes.

En définitive, ce qui est en cause, c'est le respect des valeurs de la République, l'égalité des chances et l'égalité de développement des territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Saugey.

M. Bernard Saugey. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, les prélèvements sur recettes, dont le montant devrait s'élever à 45,7 milliards d'euros en 2005, constituent désormais 74 % des concours financiers de l'Etat aux collectivités territoriales. A l'inverse, les crédits alloués à ces collectivités par le ministère de l'intérieur en représentent 4,18 %.

Aussi m'apparaît-il souhaitable - et je sais que nombre d'entre vous partagent ce sentiment, y compris M. le président de la commission des lois - que, à l'occasion de la mise en oeuvre, en 2006, de la loi organique relative aux lois de finances, la commission des lois puisse intervenir pour avis dans le débat sur les recettes des collectivités territoriales organisé lors de l'examen de la première partie du projet de loi de finances.

Le projet de loi de finances pour 2005 prévoit des réformes importantes et attendues en matière de financement des compétences transférées aux collectivités territoriales et de renforcement de la péréquation.

Ainsi, les départements, recevront, je le rappelle, deux fractions non modulables du taux de la taxe spéciale sur les conventions d'assurance, l'une pour compenser les charges nouvelles induites par la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, l'autre au titre du financement des services départementaux d'incendie et de secours, les SDIS. Notre collègue M. Masseret vient de rappeler que les régions, quant à elles, bénéficieront, entre autres, d'une fraction de la TIPP.

Tout en observant qu'il s'agissait de ressources propres au sens de la loi organique du 29 juillet 2004, la commission des lois a souhaité que les collectivités territoriales obtiennent rapidement la possibilité de les moduler à la hausse ou à la baisse, l'autonomie fiscale constituant en effet un fondement de la démocratie locale et un gage d'efficacité.

Il me semble par ailleurs nécessaire de mettre rapidement un terme à l'incertitude et aux inquiétudes qu'ont fait naître les annonces de la réforme de la taxe professionnelle et de la taxe foncière sur les propriétés non bâties.

Justifiées par l'obsolescence de ces deux impôts, de telles réformes devront être décidées rapidement afin de ne pas laisser les élus locaux dans l'expectative. Elles devront également préserver l'autonomie fiscale des collectivités territoriales.

Les concours financiers de l'Etat aux collectivités territoriales, hors fiscalité transférée, progresseront de 3 % pour atteindre un montant de 61,4 milliards d'euros en 2005, progression particulièrement remarquable dans le contexte actuel, puisque l'ensemble des dépenses de l'Etat subira un gel en euros constants.

La commission a souscrit à la reconduction pour un an du contrat de croissance et de solidarité, mais je rappelle que le voeu unanime des élus locaux est que les collectivités territoriales bénéficient d'une programmation pluriannuelle des concours financiers de l'Etat.

La commission s'est félicitée de la réforme des critères de répartition de la dotation globale de fonctionnement des communes, des établissements publics de coopération intercommunale et des départements, observant que cette réforme contribuerait à un renforcement de la péréquation, conformément à l'objectif posé par l'article 72-2 de la Constitution.

Le renforcement de la péréquation constitue le corollaire de l'affirmation de l'autonomie financière des collectivités territoriales. L'inégale répartition des bases des impôts locaux rend nécessaire l'institution de mécanismes de redistribution au bénéfice des collectivités les moins dotées.

L'article 72-2, qui a été inséré dans la Constitution par la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 et que chacun connaît par coeur maintenant, confie à la loi le soin de concevoir les dispositifs de péréquation.

De tels dispositifs existent déjà, mais les montants qui leur sont consacrés, s'ils ont progressé pour atteindre 4,5 milliards d'euros en 2004, restent insuffisants et les aides demeurent trop peu sélectives.

Le projet de loi de finances pour 2005 et, s'agissant de la dotation de solidarité urbaine, le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale permettront non seulement d'augmenter sensiblement le montant des dotations de péréquation mais également de renforcer la sélectivité et, ainsi, de concentrer les aides sur les collectivités les plus en difficulté.

Plusieurs de nos collègues regrettent que le financement de la péréquation soit assuré par un prélèvement sur la progression de la dotation globale de fonctionnement et non sur la dotation forfaitaire des collectivités les moins défavorisées. Je les comprends, mais j'observe que l'Assemblée nationale a préféré prévoir une progression de 1 % plutôt qu'un gel de la dotation forfaitaire des communes. Il faut donc être réaliste et se féliciter que les marges de progression des dotations de péréquation offertes au Comité des finances locales aient été accrues. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Arnaud.

M. Philippe Arnaud. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, lors de l'examen du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale, plus précisément de son article 59, j'étais intervenu sur la question de la péréquation.

J'avais alors clairement approuvé les objectifs du développement de la dotation urbaine de solidarité, et j'avais également approuvé les modalités de répartition de cette dotation.

Le problème posé était celui du financement de l'augmentation de la DSU. Je contestais le prélèvement indifférencié et j'avais déposé un amendement visant à mettre en oeuvre une véritable péréquation solidaire, cette péréquation solidaire qui est inscrite, comme l'a rappelé avec pertinence M. Jean François-Poncet, dans le marbre de la Constitution.

Sous le bénéfice de l'engagement du Gouvernement d'examiner en profondeur la question de la péréquation solidaire, et alors même qu'il m'avait semblé comprendre que, sur toutes les travées, nos collègues, extrêmement sensibilisés à cette question, souhaitaient envoyer un signe au Gouvernement en votant cet amendement,...

M. Gérard Delfau. C'est vrai !

M. Philippe Arnaud. ...j'avais accepté de retirer celui-ci.

Dans le cadre de la discussion du projet de loi de finances, nous voici arrivés à l'examen des recettes des collectivités locales.

Il nous appartient, à nous, sénateurs, d'être extrêmement attentifs au financement de ces collectivités dont nous avons la responsabilité. Or la proposition qui nous est faite aujourd'hui, même si elle va dans le bon sens en ce qu'elle tend à simplifier certains dispositifs, ne règle en aucun cas ce problème de fond que constitue la péréquation.

Nous le savons, il existe des communes riches et des communes pauvres. Notre éminent collègue Yves Fréville l'a démontré à plusieurs reprises, le potentiel fiscal peut varier de un à mille d'une commune à l'autre.

En conséquence, sauf à ce que l'Etat opère un prélèvement sur d'autres ressources, ce qui n'est pas possible, ou sur ses fonds publics, il n'y a pas d'autre solution pour l'avenir que d'utiliser la péréquation.

Nous devons donc impérativement saisir l'occasion qui nous est donnée aujourd'hui de réduire ces inégalités, étant entendu qu'il s'agit de corriger non pas les effets d'une mauvaise gestion mais de bien réelles inégalités de situation.

Le dispositif proposé apporte, certes, une simplification, mais il continue à faire référence à d'autres dispositifs, par exemple aux communes-centres situées en zones de revitalisation rurale. Mais toutes les communes pauvres ou même très pauvres ne sont pas en ZRR.

M. Gérard Delfau. Très bien !

M. Philippe Arnaud. Je vous le rappelle, ce sont les cantons qui servent à la définition des ZRR. Or les cantons ne sont pas des lieux de vie, mais des circonscriptions résultant de découpages administratifs pour l'élection des conseillers généraux. Et il suffit qu'une commune remplisse certains critères pour faire basculer l'ensemble des communes du canton hors du dispositif.

Mes chers collègues, j'attire votre attention sur le fait que la proposition du Gouvernement nous offre une chance dont nous devons impérativement nous saisir.

Cela étant, je ne partage pas votre optimisme, monsieur le rapporteur général. Personne ne perd, tout le monde gagne, avez-vous dit. En vérité, les communes bien dotées gagnent et gagneront encore. Une progression de 1 % leur est assurée, alors même qu'elles peuvent bénéficier de potentiels fiscaux ou financiers très élevés. En revanche, on va limiter la progression de la dotation pour les communes les plus défavorisées, puisque l'on va prendre sur cette part. L'effet sera donc d'accroître encore les inégalités.

M. Gérard Delfau. Très bien !

M. Philippe Arnaud. Il faut traiter ce problème.

J'ai pris connaissance, comme plusieurs d'entre vous, mes chers collègues, de l'amendement Balkany déposé à l'Assemblée nationale.

M. Gérard Delfau. Scandaleux !

M. Philippe Arnaud. De justesse, cet amendement a été rejeté, mais il y a tout de même de quoi s'inquiéter : c'était la négation pure et simple de la péréquation et de la solidarité.

M. Gérard Delfau. Très bien !

M. Philippe Arnaud. Mes chers collègues, ce qui s'est produit à l'Assemblée nationale doit nous inciter à plus de vigilance encore. Je vous demande donc de retenir les amendements en faveur de la péréquation qui vous seront proposés. Si nous n'allons pas dans le sens d'une plus grande solidarité aujourd'hui, je crains que les élus, qui ont besoin, eux aussi, de justice et d'équité, ne comprennent pas !

De surcroît, alors que l'Acte II de la décentralisation qui se joue en ce moment fait naître des inquiétudes, parfois légitimes, chez ceux qui ont la charge des affaires publiques, il serait bon que nous signifiions à ces derniers que nous entendons mettre à leur disposition les moyens nécessaires et que les collectivités qui pourront absorber sans aucune difficulté les nouvelles charges aideront les autres. Le potentiel fiscal varie, je l'ai dit, de un à mille. Cela signifie qu'un point de fiscalité vaut un dans un cas, cent dans l'autre !

Aussi, mes chers collègues, je souhaite qu'à l'issue de ce débat sur les recettes des collectivités locales, lorsque nous en viendrons à l'examen des articles, nous ayons le courage politique de voter les amendements qui vont dans le sens de la solidarité ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. François Marc.

M. François Marc. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, la réforme qu'il nous appartient d'examiner dans le cadre de la discussion du présent projet de loi de finances est attendue. Certains ont même dit qu'il s'agissait d'une réforme historique.

Il est vrai que l'inadaptation du dispositif fiscal en place est largement reconnue, et le sentiment qu'il est nécessaire de le réformer a encore été renforcé par les annonces du Président de la République. Celui-ci, à deux reprises récemment, a déclaré qu'aussi bien la taxe professionnelle que la taxe sur le foncier non bâti étaient des impôts obsolètes qu'il convenait de remplacer.

Les débats sur la décentralisation ont également apporté la preuve, s'il en était besoin, que notre système devait être sensiblement modifié.

On a évoqué la péréquation pour convenir qu'il fallait en inscrire le principe dans la Constitution. Il s'agit aujourd'hui d'en assurer la mise en oeuvre. On a également longuement évoqué, dans de multiples débats, l'autonomie financière des collectivités, mais, à ce jour, aucun texte spécifique n'a été déposé en ce sens.

On situe dès lors l'importance du présent projet de loi de finances, en regrettant toutefois que, contrairement à ce qui avait été annoncé au début des débats sur la décentralisation, nous ne soyons pas saisis d'un projet de loi ad hoc, ce qui ramène notre débat à des dimensions bien modestes.

Bien entendu, je reconnais, avec mes collègues du groupe socialiste, les avancées proposées. Des simplifications étaient nécessaires ; le Comité des finances locales en avait suggéré un certain nombre. Il y avait lieu aussi de s'appuyer sur des paramètres plus exigeants, de tenir compte de la population et de la superficie, bref, d'apporter des améliorations afin que les dotations versées aux collectivités soient plus justes.

Sachant que toutes ces avancées ont déjà été exposées, je m'en tiendrai aux trois motifs qui expliquent la déception que nous avons pu éprouver à l'examen du projet de loi.

Je vois un premier motif de déception dans le montant de la dotation globale de fonctionnement, qui ne progresse que de 3 %. On a pourtant constaté que, lorsque ce gouvernement voulait se donner les moyens de financer ses priorités, il y parvenait. Ainsi, il a su trouver les milliards nécessaires au financement de sa loi de programmation militaire, il y a deux ans et demi. Aujourd'hui, une progression de 3 % paraît bien modeste au regard de l'ambition affichée pour cette décentralisation qui devait être « le » projet du quinquennat !

La faiblesse de la péréquation mérite aussi d'être soulignée : pour les départements, par exemple, seulement 939 millions d'euros lui sont dédiés sur un total de 11,5 milliards d'euros.

Le deuxième motif de déception tient au caractère restrictif de l'information mise à disposition.

Le débat, on en conviendra, est tout à fait sommaire et les décisions sont prises dans une certaine précipitation. Plusieurs orateurs, appartenant à tous les groupes, ont d'ailleurs déjà relevé cet aspect des choses, que nous regrettons.

Il est un troisième motif de déception : les limites et les effets pervers attendus des mécanismes de péréquation.

En regardant du côté des communes, nous observons, non seulement que le saupoudrage est maintenu, mais également que 10 476 communes vont subir une diminution de leur dotation nationale de péréquation.

Si nous considérons maintenant l'intercommunalité, nous observons que la part de la dotation de péréquation enregistrera également une diminution puisqu'elle passera de 85 % à 70 % ce qui a d'ailleurs conduit l'Association des maires de France à regretter que le Gouvernement tende, en la matière, à « favoriser les communautés disposant d'un potentiel fiscal par habitant, élevé. »

S'agissant enfin des départements, on retiendra la création de deux clubs : le club des départements ruraux et le club des départements urbains. Il est à noter que tous les départements recevront une attribution de péréquation, ce qui est une curieuse façon de faire de la discrimination positive,...

M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous êtes défavorable à la discrimination positive ?

M. François Marc....car, si l'on donne à tout le monde, c'est que le mécanisme de répartition retenu est peu discriminant.

Pour ce qui est du potentiel financier, qui se substitue au potentiel fiscal, plusieurs collègues ont déjà évoqué les conséquences de la dotation de péréquation et souligné que les Hauts-de-Seine, département dont le potentiel fiscal est sept fois supérieur au potentiel fiscal moyen des autres départements, pourra, lui aussi, bénéficier d'une dotation de péréquation. Voilà qui ne peut manquer de susciter dans nos rangs certaines interrogations sur le sens de ladite péréquation.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Puis-je vous interrompre, mon cher collègue ?

M. François Marc. Je vous en prie, monsieur le rapporteur général.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, avec l'autorisation de l'orateur.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Simplement, je remarque que plusieurs sénateurs citent avec insistance le département des Hauts-de-Seine, et qu'aucun ne cite celui de la Seine-Saint-Denis. C'est bien étrange...

M. Gérard Le Cam. C'est le plus pauvre !

M. Jean-Pierre Masseret. Il doit y avoir une explication.

M. Gérard Delfau. Oui, il doit y avoir quelque chose...

M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Marc.

M. François Marc. Nous évoquerons cette question, monsieur le rapporteur général, à l'occasion de l'examen des amendements. Il est vrai que j'aurais également pu citer le cas de Paris, dont le potentiel fiscal est encore plus élevé...

M. Philippe Marini, rapporteur général. Je vous remercie de cette objectivité, bien qu'elle soit s un peu tardive !

M. François Marc. Ainsi, aujourd'hui, en vertu de ce paramètre du potentiel fiscal, un certain nombre de départements pauvres, comme la Lozère, la Creuse ou le Cantal, voient leur dotation de péréquation diminuer tandis que d'autres départements plus aisés la voient croître sensiblement.

En d'autres termes, plus un département est riche, plus la réévaluation de faible ampleur induite par le passage au potentiel financier conduit à le faire passer pour moins riche et à majorer le montant de ses attributions de péréquation. A l'Assemblée nationale, M. Carrez, rapporteur général, a d'ailleurs noté cet effet « contre-péréquateur » du mécanisme que propose le Gouvernement avec le potentiel financier et a souligné combien il était nécessaire qu'une dotation de garantie vienne le compenser.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Oui, mais nous, nous le corrigeons par un amendement.

M. François Marc. La lecture de ce projet de loi me conduit à dire, en définitive, que les évolutions que nous constatons procèdent de la mise en oeuvre de quelques principes politiques.

Il est vrai qu'il nous faut avancer, les uns et les autres, en fonction de nos convictions. Pour ce qui est de celles qui sous-tendent le présent texte, nous avons relevé certains principes clairement fondés sur le libéralisme : il faut faire payer l'usager, comme cela nous a été dit à maintes reprises à l'occasion des débats relatifs à la décentralisation. Or on sait que, si la DGE augmente de 3 %, une baisse très sensible affecte un certain nombre de financements octroyés aux collectivités : subventions en baisse, réduction du nombre d'emplois-jeunes, suppression totale du fonds national pour le développement des adductions d'eau. Autant dire que les collectivités devront compenser ce manque à gagner par une augmentation des impôts.

Je relève également que l'ambition péréquatrice est particulièrement timorée, ce qui n'est pas une surprise, sachant que, lorsqu'il a été débattu du coefficient d'autonomie financière, nous avions noté, chacun s'en souvient ici, que le Gouvernement proposait une péréquation sous réserve qu'elle soit financée par les collectivités.

En effet, le coefficient d'autonomie financière adopté repose sur un ratio dont le numérateur est la fiscalité et le dénominateur le coefficient de péréquation. Ainsi, plus on inscrit de péréquation au dénominateur et plus on tend à déséquilibrer le coefficient d'autonomie, lequel ne pourra être maintenu à son niveau que si l'on demande aux contribuables d'apporter la contrepartie nécessaire au numérateur.

Cette pratique patente, que nous avions dénoncée en son temps, illustre bien la philosophe politique qui est celle du Gouvernement, et qui se retrouve, d'ailleurs, dans les dispositifs proposés aujourd'hui.

Les mécanismes de discrimination positive mis en place progressivement depuis trente ans dans notre pays sont totalement mis à bas, et nous ne voyons pas très bien ce qui autorise à dire que les mesures proposées s'en inspirent. Il y a, en la matière, une carence qui a également été dénoncée.

Bref, ce texte opère un transfert d'impopularité vers les élus locaux. Les enseignements que chacun peut tirer du dernier congrès des maires de France et des sondages effectués à cette occasion illustrent, madame la ministre, monsieur le ministre, les interrogations majeures que la loi de décentralisation et la fiscalité locale suscitent dans notre pays.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Le congrès des maires s'est bien terminé pour M. Pélissard.

M. François Marc. Il y a un an, 61 % des maires faisaient confiance au Gouvernement pour mener à bien cette réforme de la décentralisation et apporter les financements nécessaires,...

M. Jean-François Copé, ministre délégué. M. Pélissard a quand même obtenu 66  %des voix !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Et il soutient le Gouvernement !

M. François Marc....contre seulement 35 % aujourd'hui. C'est une réalité qui ne peut qu'inquiéter le Gouvernement.

Quoi qu'il en soit, la Haute Assemblée est tout à fait dans ses prérogatives en proposant de nombreux ajustements à travers les multiples amendements déposés en ce sens. J'estime que, si ces derniers n'étaient pas adoptés, le texte en l'état ouvrirait la porte à de redoutables effets pervers et qu'en 2006, une fois disparu le filet protecteur de 2005, le Gouvernement irait au devant de très grosses difficultés dans ses rapports avec les collectivités et les élus locaux. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Jarlier.

M. Pierre Jarlier. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne partage pas le scepticisme de l'orateur qui m'a précédé à cette tribune.

Mon intervention portera précisément sur la péréquation qui permet, me semble-t-il, de « positiver ».

La loi constitutionnelle du 28 mars 2003 avait, en effet, consacré le principe de la péréquation. Je rappelle les termes de ce qui est devenu le dernier alinéa de l'article 72-2 de la Constitution: « La loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l'égalité entre les collectivités territoriales ».

La loi de finances pour 2004 avait d'ailleurs déjà posé les bases de cette nouvelle architecture en organisant, au sein de la DGF, et pour chaque niveau de collectivité, un mécanisme assurant une alimentation pérenne et renforcée de la péréquation. Mais c'est dans ce projet de loi de finances pour 2005 que sont définies les modalités pratiques de la mise en oeuvre de la solidarité nationale en faveur d'un juste équilibre entre les dotations de l'Etat aux collectivités et les charges auxquelles ces dernières ont à faire face.

Ces mesures étaient très attendues face, non seulement à une fracture sociale de plus en plus forte, il est vrai, dans certains quartiers des villes, mais aussi à la menace de fracture territoriale dans les zones rurales qui connaissent le plus de difficultés.

Durant l'année 2004, nous avons souvent évoqué à cette tribune le sujet de la péréquation, d'abord, lors des débats sur l'Acte Il de la décentralisation, ensuite, dans la discussion relative au projet de loi sur le développement des territoires ruraux.

De nombreux amendements avaient été déposés sur ce thème, mais la majorité sénatoriale avait accepté d'en retirer la plupart, faisant confiance au Gouvernement qui s'était engagé à répondre à nos attentes à l'occasion du projet de loi de finances pour 2005.

C'est une promesse sur laquelle nous sommes restés très vigilants, étant convaincus que le prix de la cohésion territoriale et sociale de notre pays ne peut être supporté par nos collectivités sans un accompagnement solidaire de l'Etat.

Qu'en est-il aujourd'hui ?

Le Gouvernement a tenu ses promesses, car, selon l'avis même du Comité des finances locales, le dispositif proposé répond dans ses grandes lignes à l'attente des élus, même si quelques ajustements techniques se révèlent encore nécessaires.

Je développerai rapidement cinq points essentiels qui ont trait particulièrement à la péréquation en zone rurale.

S'agissant de la DGF des communes, le principe du gel de la dotation forfaitaire pour 2005, abandonné au profit d'une évolution de 1 % votée par l'Assemblée nationale, laisse à la péréquation 300 millions d'euros, somme considérable jamais atteinte auparavant, mais que nous devrons veiller à ne pas diminuer dans les débats qui vont suivre.

La réforme proposée simplifie les modes de calcul de la dotation forfaitaire en prenant en compte deux critères essentiels, tout en maintenant un niveau garanti, égal à celui de 2004, pour toutes les communes.

Premièrement, elle prévoit une dotation de base directement proportionnelle au nombre d'habitants qui, à la suite des améliorations apportées par l'Assemblée nationale, a pour effet d'octroyer aux plus petites communes une dotation minimale de 60 euros par habitant, au lieu des 50 euros initialement prévus. Cet effort supplémentaire en faveur de ces petites communes s'élève à 11 millions d'euros. Ce premier effet concret d'une volonté de péréquation des moyens entre petites et grandes communes, limite également les écarts de 60 euros à 120 euros par habitant.

Deuxièmement, elle met en place en place une dotation superficiaire. Cette dernière mesure était réclamée de longue date par les communes qui doivent supporter des charges liées à la nature de leur territoire sans pour autant bénéficier de ressources suffisantes, par manque de population dans de nombreux cas.

Je voudrais également vous remercier, madame le ministre, monsieur le ministre, d'avoir répondu aux attentes des élus de la montagne, en acceptant de porter cette dotation de 3 euros à 5 euros en montagne, pour tenir compte des charges particulières liées au relief, au climat ou à l'isolement qui pèsent sur ces communes.

Néanmoins, il subsiste une imperfection dans le dispositif proposé, et elle concerne toutes les communes, aussi bien de plaine que de montagne. En effet, en raison du plafonnement de cette dotation superficiaire à hauteur de la dotation de base par habitant, une commune rurale très peu peuplée et dont la surface est importante serait fortement pénalisée.

Aussi, pour rétablir un équilibre entre cette dotation de base et la dotation superficiaire des communes très étendues, nous proposerons, avec de nombreux collègues, une adaptation mesurée du texte.

S'agissant des dotations spécifiquement affectées à la péréquation, je veux saluer l'effort du Gouvernement qui, tout en resserrant leurs critères d'attribution, a augmenté les crédits de la DSR et de la DSU de 20 %, pour les porter respectivement à 120 millions d'euros et à 80 millions d'euros. C'est le troisième effet péréquateur de ce projet de loi de finances, et non le moindre.

Pour renforcer la solidarité de l'Etat en faveur des zones de revitalisation rurale, le texte initial prévoyait même d'affecter un coefficient multiplicateur de 1,5 pour les bourgs-centres situés en ZRR. Cette mesure répondait parfaitement à la proposition de loi pour la modernisation de la politique de la montagne et des zones de revitalisation rurale, cosignée par des élus de toutes sensibilités.

Malheureusement, à l'Assemblée nationale, cet acquis a été minoré, malgré l'avis défavorable du Gouvernement, ce qui est regrettable car, en ZRR, de nombreux bourgs-centres doivent faire face à des charges de centralité croissante, que la baisse démographique ne leur permet plus de supporter. Le Gouvernement l'avait bien compris. Aussi, nous proposerons, avec plusieurs de nos collègues, de revenir au texte initial, qui assure une vraie péréquation, dans le prolongement des débats parlementaires que nous avons eus ici en faveur des ZRR.

Vous me permettrez d'ajouter quelques mots sur le quatrième effet péréquateur de cette loi de finances : le rapprochement de la dotation d'intercommunalité des communautés de communes avec celle des communautés d'agglomération.

Avec un taux de croissance de la DGF par habitant des communautés de communes compris entre 130 % et 160 % du taux retenu pour les communautés d'agglomération, le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale permettra de diminuer les écarts entre les dotations de ces EPCI, aujourd'hui trop importants.

C'est un geste fort de soutien de l'Etat en faveur des intercommunalités rurales qui, bien souvent, comme cela a été souligné à plusieurs reprises aujourd'hui, assurent des compétences aussi importantes que celles des agglomérations.

J'en arrive enfin au cinquième effet péréquateur de ce texte ; il y en a d'autres, mais je m'en tiendrai là : la dotation de fonctionnement minimale des départements intégrera désormais l'actuelle dotation de péréquation.

Cette péréquation sera, certes, ouverte aux départements urbains dans le cadre d'une dotation spécifique, mais le risque de dilution de la DFM, initialement consacrée aux départements ruraux rencontrant les plus grandes difficultés, sera écarté, car l'effort de l'Etat consenti en leur faveur sera maintenu, voire accru.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est vrai !

M. Pierre Jarlier. Pour l'affirmer, je me fonde sur deux arguments.

D'abord, la garantie d'une progression minimum de la DFM pour les vingt-quatre départements qui en bénéficient déjà en 2004, sera d'au moins 6 % en 2005.

Ensuite, la valeur absolue de la dotation par habitant de la DFM des départements les plus en difficulté, notamment ceux de montagne, restera beaucoup plus importante.

A titre d'exemple, contrairement à ce qui a été dit précédemment, en Lozère, département de montagne, la DFM, qui était de 158 euros par habitant, passera à 180 euros par habitant, soit une augmentation de 13,5 % pour 2005, pour une population DGF de 90 000 habitants, alors que le département de l'Allier, désormais éligible à cette DFM, percevra une dotation de 13,60 euros par habitant, pour une population DGF de 360 000 habitants, soit un rapport de un à quatre pour la population et de un à quatorze pour la dotation.

Pour autant, les élus s'interrogent aujourd'hui sur la pérennité de ces écarts, justifiés par des situations, il est vrai, très différentes.

Nous nous interrogeons aussi sur les critères de calcul de cette dotation, notamment sur le maintien des modalités de prise en compte du critère de longueur de la voirie,...

M. Michel Moreigne. Très bien !

M. Pierre Jarlier. ...bonifiée de 30 % en montagne dans le décret du 17 octobre 1988. Ce point est très important, et nous espérons que vous lèverez ces inquiétudes, légitimes, au cours de ce débat.

Madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous attendions que la notion de péréquation, inscrite dans la Constitution, soit concrétisée. Les cinq effets péréquateurs que je viens de décrire montrent que le Gouvernement a tenu ses promesses.

Bien sûr, malgré la précision des simulations effectuées aujourd'hui, il faudra, avec le recul d'une année, ajuster et, sans doute, faire évoluer la péréquation dans notre pays. Cette réforme profonde de la DGF devra être adaptée au plus près du terrain.

Comme le propose notre collègue M. Fréville, la présentation au Parlement d'un rapport d'évaluation de cette réforme serait donc particulièrement bienvenu au terme de cette session.

Dans l'immédiat, les sénateurs du groupe de l'UMP partagent avec vous les orientations de cette réforme et les conclusions de nos excellents rapporteurs. C'est pourquoi, monsieur le ministre, madame le ministre, nous soutiendrons votre budget. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Philippe Marini, rapporteur général. Merci, mon cher collègue.

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Michel Moreigne.

M. Michel Moreigne. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'ai écouté attentivement la plupart des orateurs qui se sont exprimés. A l'évidence, nous sommes ici tous d'accord pour reconnaître que la péréquation a pour but de favoriser l'égalité entre les collectivités territoriales.

Selon l'article 72-2 de la Constitution, « La loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l'égalité entre les collectivités locales. »

Chacun, ici encore, connaît les inégalités entre les diverses collectivités territoriales. Je m'attacherai spécialement à la situation que connaissent les conseils généraux.

Permettez-moi quelques citations : « La décentralisation n'aura d'effets bénéfiques que si, au préalable, on rétablit une certaine "équité territoriale". » « Un raisonnement global portant sur l'ensemble de la DGF révèle qu'aucune corrélation n'est établie entre le montant de la DGF perçue par les départements et leur niveau de ressources. »

Ce constat a été établi, sans contestation possible, par le rapport d'information sur la péréquation interdépartementale de M. François-Poncet et de M. Belot, en 2003. On y constate une inégalité de ressources. On y constate également des inégalités de charges.

Ce rapport, si l'on se réfère aux pages 77 et 78, notamment, privilégie la notion d'indice synthétique de coût au détriment de la notion de dépense par habitant et ne considère que les dépenses obligatoires des départements au sens du code général des collectivités territoriales. Ce document a fait l'objet d'un consensus au sein de la commission des finances du Sénat.

En a-t-on tiré toutes les conséquences pour 2005 en matière de DGF par département ?

Ma réponse est non. D'ailleurs, M. François-Poncet, tout à l'heure, l'a confirmé. Et j'ai bien entendu, juste avant lui, le président de la commission des finances prononcer, à la manière d'un procureur, un véritable réquisitoire contre cette situation.

La réforme de la DGF qui vient d'être examinée par l'Assemblée nationale est particulièrement dommageable pour les départements les plus défavorisés qui bénéficiaient jusqu'à présent de la dotation de fonctionnement minimale.

Mes propos contredisent ceux qu'a tenus M. Jarlier, et je m'en excuse auprès de lui, mais il me comprendra sans peine. La Creuse et le Cantal sont très proches et ont le droit à une existence normale.

Tout d'abord, le potentiel financier, qui remplace le potentiel fiscal, atténue les disparités et fait apparaître les départements les plus pauvres beaucoup plus aisés qu'ils ne le sont réellement.

Le meilleur exemple vient d'en être donné par les départements de la Corse qui, de pauvres, sont devenus riches. La Corse du Sud serait même désormais plus riche que Paris et les Hauts-de-Seine, qui comptent au nombre de nos départements les plus aisés.

Tous les autres départements voient leur écart avec les plus riches divisé par deux ou trois, ce qui réduit d'autant les moyens de péréquation dont ils bénéficieront.

Quant à la nouvelle DFM, elle ne tient même pas compte de ce nouveau critère de richesse, puisque ce sont les départements les plus aisés, avec un potentiel financier élevé, qui verront leur dotation connaître la meilleure progression, jusqu 'à plus de 20 % !

S'agissant des départements les plus pauvres, ceux qui bénéficiaient jusqu'à présent de la dotation minimale - le Cantal est de ceux-là -  ils devront se contenter d'une dotation de garantie bien inférieure.

Plus inquiétant encore, cette garantie, qui pourrait nous rassurer cette année, n'est valable que pour 2005, le Gouvernement ayant refusé à l'Assemblée nationale un amendement visant à la pérenniser. C'est un constat.

Je le concède, on peut admettre l'architecture nouvelle présidant à une DGF composée d'une dotation forfaitaire et d'une dotation de péréquation. Reste que l'on peut aussi s'interroger sur les conséquences de l'introduction dans le potentiel financier des recettes provenant des droits de mutation à titre onéreux.

Sommes-nous certains que tous les conseils généraux ont la même politique en matière de dégrèvement de ces droits de mutation ? Pratiquent-ils tous le taux maximum de 3,6 % ?

En tout état de cause, il faut bien rappeler les écarts en matière de recettes provenant de ces droits de mutation à titre onéreux. En 2003, puisque c'est l'année de référence, l'Ariège a encaissé un peu plus de 7 millions d'euros, la Loire-Atlantique, plus de 95 millions d'euros. Je ne citerai pas le Rhône pour ne porter ombrage à mon excellent collègue Michel Mercier (Sourires). Quant au département des Hauts-de-Seine, il a perçu plus de 268 millions d'euros à ce titre.

M. Jean-Claude Gaudin. Pas possible !

M. Michel Moreigne. La Guyane détient le plus mauvais record avec seulement 3 millions d'euros. Mathématiquement, l'écart est bien de 1 à 90.

Il y avait là une raison évidente de mettre en oeuvre la péréquation pour atténuer les inégalités de recettes entre les départements. Rien n'a été fait. C'est l'une des raisons qui m'ont amené à proposer un mécanisme très modestement péréquateur par un amendement après l'article 31.

A n'en pas douter, la reforme de la DGF prévue par ce projet de loi de finances n'améliore pas de manière satisfaisante la péréquation entre les départements. Pour un certain nombre d'entre eux, elle a même des effets « contre-péréquateurs », et nous le déplorons d'autant plus que nous n'en sommes pas responsables.

Il y a pire : les départements les plus pauvres, aujourd'hui éligibles à la DFM, sont les grands oubliés de cette réforme. Est-ce à dire que les handicaps chroniques de ces départements sont aujourd'hui surmontés ? Rien n'est moins sûr, et il est évident que le transfert de déficit auquel se livre le Gouvernement avec la décentralisation accentuera plus encore leurs difficultés.

C'est la raison pour laquelle nous sommes opposés à cette réforme en l'état. Nous vous proposerons plusieurs amendements de nature à améliorer le dispositif et à promouvoir une péréquation départementale réellement ambitieuse.

Puisque nous sommes tous d'accord pour en parler, certains voudront peut-être nous aider à mettre en oeuvre cette fameuse péréquation dont je ne souhaite qu'une chose, c'est qu'elle soit réalité avant que je ne sois plus de ce monde ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Alors nous avons le temps, car M. Moreigne est en pleine forme ! Voyez avec quelle aisance il rejoint son siège!

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Virapoullé.

M. Jean-Paul Virapoullé. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, je prends quelques minutes pour poser une question aux représentants du Gouvernement concernant l'outre-mer.

Je désire non pas polémiquer mais évoquer un problème d'équité devant vous.

Monsieur Copé, vous avez déclaré à juste titre au Palais-Bourbon que la décentralisation outre-mer posait problème. Pour les personnels techniciens, ouvriers et de service, par exemple, vous allez décentraliser une partie de la taxe intérieure sur les produits pétroliers que les régions pourront moduler dans une fourchette légalement définie. Du moins est-ce ainsi que le dispositif est prévu pour les régions métropolitaines. Car, force est de le constater à la lecture de l'article 33 du présent projet de loi, s'il est fait allusion aux régions métropolitaines ainsi qu'à la collectivité de Corse, rien n'est dit des quatre régions monodépartementales d'outre-mer !

Ces régions, à la démographie croissante, accusent un retard en personnels TOS dans les collèges et les lycées. En l'état actuel du projet de loi de finances  - et je regrette que l'Assemblée nationale n'ait pas corrigé  le texte sur ce point - nous souffrons d'une double discrimination, d'une double rupture d'égalité.

Monsieur le ministre, aurons-nous une dotation décentralisée fixe pour l'année 2005 ? En sera-t-il de même pour 2006 ? Comment allons-nous adapter cette dotation à la variation des effectifs qui, comme vous le savez, est plus importante dans nos départements qu'en métropole ?

Si rien n'est fait, nous allons asphyxier financièrement les quatre régions d'outre-mer. La dotation de l'Etat qu'elles recevront à la fin de l'année 2005 correspondra aux dépenses constatées pour cette année-là. En janvier 2006, les autres régions de métropole recevront leur part de TIPP en sus de leur variable d'ajustement. Mais nous ne l'aurons pas, nous, cette variable d'ajustement ! Nous aurons une dotation fixe. Nous serons donc atteints dans notre autonomie fiscale.

Je voudrais savoir si le Gouvernement a avancé dans sa réflexion. A-t-il trouvé une taxe de remplacement ? J'ai moi-même travaillé sur plusieurs formules sans être en mesure toutefois de vous apporter une solution aujourd'hui.

Le Gouvernement prévoit-il sinon de transférer la TIPP et d'ajuster tous les ans la dotation pour éviter que les collectivités territoriales, notamment les régions et les départements, ne soient asphyxiées ?

Si l'article 33, tel qu'il est rédigé aujourd'hui, devait être soumis au Conseil constitutionnel, nul doute que ce dernier conclurait à une double rupture d'égalité au détriment de l'outre-mer et censurerait le texte en conséquence.

Vous comprendrez donc que la réponse du Gouvernement nous intéresse au plus haut point, monsieur le ministre. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Eric Doligé.

M. Eric Doligé. Monsieur le ministre, madame la ministre, recevez tout d'abord mes sincères félicitations ; je suis heureux de vous retrouver dans vos nouvelles fonctions respectives après avoir pu vous apprécier sur d'autres dossiers.

Monsieur le président, mes chers collègues, mon intervention portera sur les finances des collectivités locales, à l'exception de la péréquation, dont il a été déjà beaucoup question. Et si je réduis parfois mes exemples à un territoire, c'est pour mieux faire comprendre la réalité.

Je ne suis pas de ceux qui hurlent avant d'avoir mal. Je sais que certains départements et pratiquement toutes les régions annoncent des besoins de fiscalité importants pour faire face à la décentralisation.

A ce jour, nous ne pouvons pas connaître l'impact financier exact de la décentralisation ; les transferts sont à venir et nous n'en sommes malheureusement qu'aux prémices dans les discussions avec les services décentralisés.

Il existe encore beaucoup de zones d'ombre et les règles du jeu ne sont souvent connues que par l'une des parties qui reçoit les décrets et circulaires sans toujours en communiquer le contenu à ses partenaires.

La révision constitutionnelle sur la part prépondérante et sur la compensation intégrale nous rassure, mais chat échaudé craint l'eau froide et les élus locaux, ayant connu de nombreux gouvernements et des majorités changeantes, savent fort bien que les mauvaises habitudes sont souvent profondément ancrées.

La propension de l'Etat à se décharger sur les collectivités est connue et tous les discours tendant à démontrer le contraire sont, à coup sûr, contredits par les faits.

Afin d'essayer de rectifier les penchants des administrations de l'Etat et d'éclairer les services sur ce qui peut se passer hors des murs de Paris, je vais vous donner quelques pistes comparant recettes et dépenses.

Monsieur le ministre, madame la ministre, pensez aux élus populaires que nous sommes et qui résistent encore aux décisions non contrôlées de la sphère étatique. Comme exécutif je n'aime pas devoir faire appel à l'impôt si je n'ai pas la maîtrise de la décision.

Depuis plus de dix ans, l'Etat met progressivement la main sur notre autonomie financière, comme en témoigne la suppression de la vignette, la suppression de la part salariale de la taxe professionnelle, notamment, à quoi il faut ajouter, pour l'ambiance, l'annonce de la suppression de la taxe professionnelle, voire de la suppression du foncier non bâti, et je ne mentionne que pour mémoire les décrets d'application et les circulaires souvent très éloignés de l'esprit de la loi que nous avons votée.

Voilà pour la réalité de notre environnement instable.

Pénétrons dans la réalité d'un budget départemental préparé aujourd'hui pour assurer la pérennité des ressources et l'application progressive de la décentralisation en 2005.

Le premier exemple est relatif aux services départementaux d'incendie et de secours, les SDIS. Le Gouvernement, conscient du choc financier résultant de la loi de modernisation de la sécurité civile, a décidé de nous transférer une recette dynamique.

La formule est simple et a été concoctée de la manière suivante : il s'agit de transférer 900 millions d'euros de taxe spéciale sur les conventions d'assurance aux départements avec une dynamique annoncée de 6 % à 7 %, de retrancher 880 millions pour la dotation globale de fonctionnement destinée aux départements assortis d'une progression de 1,5 % à 2 % l'an. Cela représente donc 20 millions d'euros, plus ou moins 3 %.

Ainsi, nous nous partageons 20 millions d'euros modulés du différentiel entre le dynamisme de cette fameuse taxe sur les conventions d'assurance et la modération de la dotation globale de fonctionnement. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?

Malheureusement, nous constatons aujourd'hui que le produit de la taxe sur les conventions d'assurance risque de ne pas augmenter autant que nous l'avions prévu, car les taxes sur les assurances n'ont pas augmenté, ce qui est louable. Parallèlement, la dotation globale de fonctionnement risque d'augmenter beaucoup plus que ce qui avait été prévu. Nous risquons donc de nous retrouver avec une taxe sans aucune dynamique.

Ramenons cela à la réalité d'un département moyen représentant 1 % de la surface du territoire, 1% de la population et 1 % du nombre des pompiers. Si l'on divise 20 millions d'euros par 100, ce qui représente la différence entre les 60 millions d'euros annoncés et les 40 millions d'euros qui nous manquent, cela représente 200 000 euros par département. Pour mon propre département, cela fait 572 000 euros de charges pour 200 000 euros de recettes.

Permettez-moi de citer quelques autres menues dépenses nouvelles : le congé pour raison opérationnelle, soit 30 000 euros, la formation des officiers soit 40 000 euros, le nettoyage obligatoire des nouvelles tenues, soit 40 000 euros, enfin la journée de solidarité, qui représente 60 000 euros.

Si je calcule le montant des dépenses nouvelles pour le département induites par la réforme des SDIS et des augmentations mécaniques, je passe cette année, pour mon département, de 8 millions d'euros à 15 millions d'euros, soit donc 7 millions d'euros supplémentaires.

Le deuxième exemple concerne les actions sanitaires des départements. Selon la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, ces actions faisaient partie d'une recentralisation décidée à compter du 1er janvier 2005, ce qui avait pour corollaire naturel de réduire les charges correspondantes pour les départements. L'Etat vient de parvenir à faire introduire une disposition nouvelle dans la loi de finances rectificative, qui prévoit de reporter au 1er janvier 2006 la recentralisation des compétences en matière de dépistage du cancer, de vaccination, entre autres choses.

Cette perspective de report au 1er janvier 2006 serait motivée par la difficulté technique rencontrée pour organiser la continuité des actions. Quelle belle excuse !

En définitive, nous allons devoir réinscrire cette charge aux budgets départementaux. Je pourrais vous donner de nombreux exemples complémentaires. Les lois qui s'ajoutent les unes aux autres depuis des années apportent leur lot de charges nouvelles : RMI, RMA, APA, SDIS, 35 heures, TOS, handicap, sans compter la loi Borloo citée par M. Mercier.

Ce que je connais dans mon département, tous les départements le connaissent. Il faut suivre cette évolution inquiétante avec beaucoup d'attention.

Madame la ministre, monsieur le ministre, le Gouvernement doit prendre en considération le rôle des collectivités et leur part dans les investissements nationaux. Notre territoire est attractif parce que les collectivités réalisent des routes, des collèges, des lycées et, nous le savons, mieux que ne le faisait l'Etat. Ce n'est d'ailleurs pas l'Etat qui assume le plus grande part des charges liées à l'assainissement, la culture ou le sport.

Si l'on asphyxie nos budgets, qui fera respirer notre pays, qui accueillera les entreprises, qui entretiendra le territoire ?

Mon rôle d'élu est de dire ce que je pense, et je ne manque jamais de le faire. Tout en soutenant l'action du Gouvernement, je me permets donc de lui dire que, si nous pouvons nous considérer comme un pays d'influence dans le monde, c'est uniquement parce que nos territoires vivent et peuvent conserver leur réactivité et leur créativité.

La décentralisation, c'est bien ; elle est indispensable et je la souhaite, sous réserve cependant qu'il existe encore des collectivités fortes pour l'assumer.

Qui aime bien châtie bien, dit-on ; j'aimerais parfois que l'Etat nous aime un peu moins ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée, que je salue et à laquelle j'adresse toutes mes félicitations.

Mme Marie-Josée Roig, ministre déléguée à l'intérieur. Merci, monsieur le président.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous comprendrez que, ayant été nommée depuis quelques heures à peine, je laisse au ministre délégué au budget le soin de répondre en détail à vos questions.

Je suis heureuse de me retrouver devant vous ce soir dans des fonctions nouvelles, fonctions que, passé un moment court mais légitime d'inquiétude, j'envisage à la fois avec confiance et sérénité.

Si je vis cette nomination avec sérénité, c'est que je suis moi-même une élue locale, comme nombre d'entre vous, et que j'étais il y a peu encore, tout comme vous également, une parlementaire vigilante. C'est dire que je connais beaucoup de vos inquiétudes, que je peux ressentir certaines de vos craintes et que je suis donc à même de les comprendre.

Ne voyez pas dans ces mots un simple propos de circonstance. Je veux établir avec vous, dans la sérénité, des relations de confiance renouvelées et, je l'espère, fécondes.

Au côté de Dominique de Villepin, et dans les pas de Jean-François Copé, les grands pas de Jean-François Copé (Sourires), je vais m'attacher à faire oeuvre de continuité avec mon style propre, fait de conviction, mais aussi de spontanéité dans les échanges et les concertations que nous seront amenés à vivre ensemble.

Mme Marie-Josée Roig, ministre déléguée. La mission qui m'est confiée s'inscrit en effet dans une histoire déjà en grande partie écrite par ce gouvernement et sa majorité parlementaire.

J'ai bien compris qu'un travail de mise en oeuvre reste à accomplir pour passer de la théorie à la pratique, c'est-à-dire au monde réel, celui dans lequel vivent nos concitoyens.

Vous pouvez compter sur moi pour que le transfert des crédits et des personnels se fasse dès 2005, loyalement et dans la plus grande transparence. De même, la péréquation que vous avez voulue plus marquée entre les territoires riches et ceux qui sont moins bien dotés se fera. Je m'y engage.

Vous pouvez aussi compter sur moi pour veiller à ce que tous les décrets d'application nécessaires à l'entrée en vigueur de la loi de décentralisation soient prêts dès le début de l'année 2005. Un gros travail de rédaction a déjà été effectué, il reste maintenant à en vérifier la cohérence juridique et à publier ces textes d'application.

Bien entendu, je souhaite également approfondir dès le premier semestre de 2005, à partir des conclusions de la commission Fouquet, les pistes qui nous amèneront à réformer, comme l'a voulu le Président de la République, la taxe professionnelle pour en faire un impôt certes toujours local, mais moins pénalisant pour les entreprises dynamiques qui, elles, font la richesse de ce pays.

Dans le même état d'esprit, je conduirai les réflexions sur la suppression éventuelle de la taxe sur le foncier non bâti pour les agriculteurs, en gardant à l'esprit la feuille de route du Premier ministre qui se résume en une phrase : « Cette taxe ne sera pas supprimée ou modifiée tant qu'il n'y aura pas de meilleure solution qui aura émergée ». Je m'appuierai dans cette démarche notamment sur le groupe de travail mis en place par votre assemblée et conduit par M. Jean Arthuis.

M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est le bon sens !

Mme Marie-Josée Roig, ministre déléguée. Tout cela, bien sûr, se fera en liaison étroite avec le ministre chargé du budget.

Enfin, je serai attentive à ce que la modernisation de la fonction publique territoriale soit à nouveau mise en chantier. Des dizaines de milliers d'employés et de collaborateurs de tous les corps de métier attendent en effet un signe. Je m'emploierai en 2005 à le leur donner.

Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, en quelques mots, ma feuille de route dans ces nouvelles fonctions que j'investis avec fierté et modestie.

Aux côtés de Dominique de Villepin, je mettrai tout en oeuvre pour continuer à nouer le fil de la confiance en étant disponible et à votre écoute, car je sais que vous êtes la voix et l'écho de plus de 500 000 élus locaux qui constituent la colonne vertébrale de notre démocratie. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux vous dire combien je suis heureux de me trouver devant vous dans l'exercice de mes nouvelles fonctions de ministre délégué au budget.

La réforme des dotations est une étape majeure de l'Acte II de la décentralisation. C'est pourquoi je souhaite répondre précisément à toutes vos interventions.

Dans le domaine de la décentralisation, 2004 aura été une grande année. J'en prends à témoin le président de la commission des finances et le rapporteur général ainsi que M. Michel Mercier, j'ai eu à coeur de tenir chacun des engagements que j'avais pris devant vous, notamment en matière d'autonomie financière des collectivités locales. Pourtant, que de scepticisme avant que ce débat ait lieu ! Aujourd'hui, ce texte est adopté et il représente une avancée considérable en matière de relations entre l'Etat et les collectivités locales.

Je m'étais engagé à compenser les transferts de compétences à l'euro près. Cela passait naturellement par la mise en place d'une commission consultative d'évaluation des charges et, vous le savez, je me suis engagé à ce que le décret qui prévoit la constitution de cette commission soit pris avant la fin de cette année : je vous le confirme, ce sera le cas.

Je m'étais engagé, en outre, à réaliser une réforme des dotations. Près de deux cents amendements identiques en ce sens ont été déposés au Sénat, notamment par M. Sueur, dont je salue la constance, et nous avons abouti à une réforme des dotations comme jamais notre pays n'en a proposé aux collectivités locales. On peut toujours faire mieux, mais il n'existe pas de précédent en la matière. (M. Robert Hue s'exclame.) Cette réforme des dotations mérite, sans nul doute, un grand travail d'explication, et je pense, monsieur Hue, que, lorsque les maires commenceront à en voir les effets concrets dans leurs villes et dans leurs communes, ils seront non seulement satisfaits mais même enthousiastes. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)

D'ailleurs, ils ont dû faire preuve d'intuition sur ce point car, et cela ne vous aura pas échappé, si certains sondages tendent à montrer que les maires sont sceptiques sur la décentralisation, ils ont élu dans l'enthousiasme comme président de l'Association des maires de France un grand défenseur de la décentralisation ! (Nouvelles exclamations sur les travées du groupe CRC. -Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste) Et il a été élu sans ambiguïté avec 66 % des voix.

M. Bernard Vera. Au deuxième tour !

M. Robert Bret. C'est la cinquième fois que vous nous le dites !

Mme Nicole Borvo. Oui, renouvelez-vous !

M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est mieux qu'un sondage et c'est mieux qu'un article dans Le Monde !

M. Robert Hue. Vous nous avez déjà servi l'argument, monsieur le ministre !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Je comprends, en vous écoutant, que c'est la cinquième fois que vous entendez ce rappel, preuve, s'il en était besoin, que, dans ce domaine, la pédagogie est la meilleure manière de progresser.

Je ne renonce pas, monsieur Hue, à vous convaincre que la décentralisation est magnifique, et peut-être nous rejoindrez-vous sur ce point.

Pourquoi n'avons-nous pas rédigé un texte spécifique ? Je répondrai à M. Arthuis comme à M. François-Poncet, qui m'ont posé la question, que nous étions pressés. D'ailleurs, si je suis parfois impatient, dans ce domaine, je n'étais pas le seul. M. Jean-Pierre Sueur réclamait les dotations en urgence ; certains d'entre vous souhaitaient que tout cela soit fait avant la fin de l'année ; nous devions respecter un calendrier chargé. Et, surtout, quel meilleur véhicule législatif que le projet de loi de finances initiale pour marquer la volonté du Gouvernement d'être parfaitement clair avec les collectivités locales dans leurs relations financières avec l'Etat !

J'avais donc toutes les raisons de présenter cette réforme à l'occasion de la discussion de ce texte. M. Dominique Bussereau et M. Nicolas Sarkozy ont bien voulu donner toute sa place à ce dispositif et je suis naturellement heureux, ès qualités, si je puis dire, de prendre le relais.

Enfin, dans la catégorie des engagements tenus par le Gouvernement que M. Michel Mercier a bien voulu saluer,...

M. Jean-Claude Gaudin. C'est exceptionnel !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. ... il en est un sur lequel on nous faisait un procès d'intention : allions-nous tenir l'engagement s'agissant du pacte relatif aux dotations annuelles? Je tiens à dire très clairement que nous l'avons honoré à l'euro près ! (Exclamations sur certaines travées de l'UMP.)

N'en déplaise à ceux qui tenaient absolument à gâcher la fête, non seulement l'Etat maîtrise ses propres dépenses dans des proportions remarquables, et ce pour la deuxième année consécutive, mais aussi les dotations aux collectivités locales progressent dans des proportions conformes aux engagements pris, soit 3,29 % pour la DGF, c'est-à-dire, pour être clair, une indexation sur l'inflation et sur 50 % de la croissance du PIB. Nous avons donc fait ce que nous avions promis.

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Je crois qu'il est bon, de temps en temps, de le rappeler et j'invite ceux qui mettent constamment en cause notre bonne foi à cocher les cases. Je serai comptable des engagements que je n'aurai pas honorés, si ce devait être le cas. Mais, à l'heure où je vous parle, j'ai coché toutes les cases !

M. Robert Bret. On vous le rappellera !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Je n'en doute pas ! Vous me faisiez le reproche tout à l'heure de reprendre le même argument devant vous pour la cinquième fois : c'est que je ne m'en lasse jamais, surtout en ces circonstances particulières.

Mme Nicole Borvo. Nous non plus !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Beaucoup d'éléments entrent en jeu dans cette réforme des dotations, et nous les évoquerons sans doute très longuement lors de l'examen des amendements. Je veux simplement appeler votre attention sur quelques points majeurs.

D'abord, j'ai souhaité introduire, sur la proposition du Comité des finances locales, qui a accompli un travail absolument remarquable en la matière, un concept nouveau, celui de « potentiel financier ».

M. Yves Fréville est à l'origine de ce concept avec M. Jean-Pierre Fourcade et un certain nombre de vos collègues. C'est une avancée très significative parce que ce critère intègre des ressources pérennes, et ce faisant, accroît grandement la lisibilité.

S'y s'ajoute le fait que l'on réduit les écarts de dotation par habitant de un à deux en fixant la dotation de base entre 60 euros et 120 euros par habitant, selon la taille des communes. C'est, là aussi, un élément de péréquation important.

Une autre proposition très importante, qui a été formulée par le Comité des finances locales et à laquelle beaucoup d'entre vous ont été sensibles, est la prise en compte de la superficie de la commune.

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Désormais, pour chaque commune, il y aura une part superficiaire de 3 euros par hectare, portée à 5 euros par hectare pour les communes de montagne. Il s'agit, là encore, d'un dispositif péréquateur, puisqu'il prend en considération les communes qui ont un territoire important et une faible population.

Pour ce qui concerne les départements, une avancée très importante est également réalisée, qui consiste à réduire les écarts entre les départements en élargissant l'accès à la dotation de fonctionnement minimale, et en créant, pour la première fois, une dotation de péréquation urbaine pour les départements très urbains.

J'ajouterai un dernier élément important, la réforme de la DSU et de la DSR.

Il nous est apparu absolument indispensable de concentrer l'effort sur les villes qui ont le plus de difficultés. C'est pourquoi nous avons prévu une augmentation de la DSU de près de 20 % pour les villes qui comportent des quartiers particulièrement difficiles, marquées notamment par les zones urbaines sensibles, ainsi que pour les bourgs-centres, qui ont des charges de centralité extrêmement importantes. Il est donc tout à fait légitime de renforcer la DSR en faveur des bourgs- centres, en particulier pour les zones de revitalisation rurale.

Ce sont là des dispositions d'ensemble qui sont vraiment de nature à faire évoluer la situation dans le sens que nous souhaitons tous.

Chacun l'a bien compris, la péréquation, c'est aussi une forme moderne de solidarité entre les territoires, et, s'il est bien un sujet qui n'appartient en propre à aucune famille politique, c'est bien celui-là. D'ailleurs, bien que cette initiative vienne de la partie droite de cet hémicycle, il y aurait quelque sens à ce que la partie gauche l'approuve avec enthousiasme.

Mme Nicole Borvo. Curieuse conception de la solidarité !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. En tout cas, comme à mon habitude, je vais m'employer avec énergie tout au long de cette soirée à la convaincre de le faire.

Je souhaiterais maintenant apporter quelques éléments de réponse à ceux d'entre vous qui, avec beaucoup de talent et de précision, se sont exprimés sur cette réforme.

D'abord, monsieur le président de la commission de finances, je vous remercie d'avoir suivi de très près nos travaux. Je suis, vous le savez, toujours très attentif aux avis que vous formulez, dans ce domaine comme dans d'autres, bien sûr.

Vous avez évoqué la question de la compensation en termes de TIPP.

En ce domaine, il n'y a pas vraiment d'inquiétude à avoir. Le versement de TIPP est lié à la compensation des transferts, nous nous y sommes engagés. C'est l'une des avancées majeures des mécanismes proposés. Par conséquent, les problèmes conjoncturels que pourrait connaître la TIPP ne sont pas susceptibles d'entamer la part réservée aux collectivités pour l'an prochain. En réalité, tout cela se fait progressivement.

Pour ce qui concerne la modulation des taux - j'ai eu l'occasion de le dire en d'autres circonstances -, celle-ci ne pourra pas être applicable dès l'année prochaine, il faut attendre que le dispositif se mette en place. Nous devons également franchir l'ensemble des étapes devant nos partenaires européens.

Vous m'avez aussi interrogé sur le rôle joué par le Comité des finances locales. C'est un débat que nous avons eu fréquemment, que nous devrons poursuivre parce qu'il ne saurait se clore.

Le Comité des finances locales joue, depuis vingt-cinq ans, un rôle majeur dans le domaine de la décentralisation.

Nous lui avons confié des responsabilités accrues dans le pilotage ou l'accompagnement de la décentralisation. L'heure n'est pas au changement de braquet ; elle est plutôt à l'évaluation.

Mais encore faut-il que ce Comité de finances locales ait un président, qu'il soit élu par la majorité de ses membres, que l'on applique enfin à la lettre les dispositions législatives et réglementaires qui régissent le Comité des finances locales et que l'on assainisse un peu certaines modalités de fonctionnement qui ne sont pas tout à fait claires.

Je crois pouvoir compter sur la sagesse de l'ensemble des membres du CFL, qu'ils soient d'ailleurs issus du collège électif ou du collège de l'administration, pour travailler ensemble en bonne intelligence sur ce point et réaliser ce travail d'évaluation permanent.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Sur la demande de transparence et de simulation que vous avez formulée, monsieur Arthuis, je n'ai jamais été en retrait. Je suis totalement disposé, vous le savez, à vous communiquer toutes les simulations que vous souhaiterez, qu'elles émanent de la direction générale des collectivités locales, placée désormais sous la houlette de ma collègue et amie Marie-Josée Roig - à qui je souhaite, en toute amitié, beaucoup de joies et de succès dans ces passionnantes fonctions -,...

M. Jean-Claude Gaudin. Elle le mérite !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. ... ou qu'elles émanent des services du ministère du budget.

Monsieur le rapporteur général, vous avez mis l'accent, avec le talent que je vous connais, sur le caractère « imparfait », avez-vous dit, de cette réforme.

Heureusement que cette réforme est imparfaite, parce que, sinon, que ferait-on lors des colloques sur les finances locales qui ne manqueront pas d'être organisées durant de nombreuses années, comme cela a été le cas depuis les trente dernières ? (Sourires.)

Il y a, c'est vrai, encore beaucoup à faire, mais reconnaissez tout de même que cette réforme a quelques mérites.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Je l'ai dit !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. D'abord, elle permet de clarifier un peu les choses. Ensuite, elle a été inspirée par le rapport d'une commission présidée par un ancien Premier ministre, M. Pierre Mauroy, qui, de ce point de vue, avait fait beaucoup évoluer la situation.

On oublie parfois, ce que je regrette d'ailleurs, qu'il a été, naturellement avec d'autres parlementaires de tous les bords, l'un des inspirateurs de l'Acte II de la décentralisation, comme il avait été l'inspirateur de l'Acte I. Dans ce domaine, il faut dépasser les clivages politiques, car il serait détestable qu'en 2004 certains fassent preuve de sectarisme ou d'intransigeance, quand nous nous efforçons au contraire d'être ouverts à toute proposition constructive, d'où qu'elle vienne.

La piste des impôts partagés, que vous avez évoquée dans votre intervention, est évidemment audacieuse ; il faudra continuer d'y travailler. Nous avons posé un certain nombre de jalons, à travers le transfert d'une partie de la TIPP, à travers la taxe sur les conventions d'assurance.

Cependant, il arrivera tout de même un jour où il n'y aura plus d'impôts transférables. Si on les transfère tous, je ne sais pas comment on fera fonctionner l'Etat ; il faut donc être attentif à cela. Néanmoins, c'est une innovation qui pourrait utilement inspirer certains de nos voisins européens.

Enfin, je vous remercie d'avoir souligné que nous avions recherché un traitement global des collectivités territoriales dans ce projet de budget pour 2005. Il y manque juste un volet : la DGF des régions.

J'ai pris la responsabilité de retirer cette disposition des perspectives de travail et je m'en suis expliqué devant les présidents de région, notamment devant le président de leur association, M. Alain Rousset.

Il faut en effet, après la petite période de passion post-électorale, trouver quelques éléments d'apaisement et, quelles que soient les sensibilités politiques, engager le dialogue. Il m'a donc semblé que c'était un geste de bonne volonté que de proposer aux présidents de région de travailler avec eux tout au long de l'année 2005 sur la réforme de la DGF des régions et de la proposer, avec leur accord, l'année prochaine. C'est la raison pour laquelle nous avons extrait la DGF des régions. Reste que c'est un magnifique chantier, et je serai ravi, madame la ministre, que nous puissions y travailler ensemble.

Monsieur François-Poncet, le rapport d'information que vous avez présenté avec Claude Belot, au nom du groupe de travail du Sénat sur la péréquation entre les départements, est un document absolument passionnant. C'est un sujet que vous connaissez admirablement. J'ai bien souvent l'occasion de vous lire et de vous entendre sur ces questions qui me passionnent.

Toutefois, j'éprouve une réelle difficulté. Non pas que je conteste vos propositions, qui sont tout à fait pertinentes, mais parce que le rapport du Comité des finances locales s'inscrit dans une logique différente, puisqu'il prévoit une simplification de l'architecture globale de l'institution dont l'objectif est la lisibilité.

Quant au potentiel financier, il inclut - c'est un arbitrage qui a été rendu, on aurait pu en discuter -, les droits de mutation à titre onéreux, les DMTO, et la dotation forfaitaire. C'est ce que vous préconisiez dans votre rapport, mais il est vrai que l'on n'est pas allé plus loin.

Enfin, en ce qui concerne les charges que vous proposez de déduire du potentiel financier, cela paraît un peu difficile parce qu'elles sont pérennes. Si on les déduit du potentiel financier, on en revient au potentiel fiscal, et il me semble que cela affecte quelque peu la cohérence de l'ensemble.

Je sais que vous avez déposé un amendement sur ce point, nous aurons donc l'occasion d'en discuter. Nos positions respectives ne me paraissent pas incompatibles sur un certain nombre de points. Ainsi, certains des critères de charges que vous évoquez font partie des règles de répartition, je pense à la voirie ou à la superficie ; d'autres critères en sont exclus, je pense au nombre de RMIstes pour la dotation de péréquation urbaine ; d'autres encore pourraient être pris en compte, la proportion des personnes âgées, par exemple.

Tout cela a vocation à évoluer au fil de nos discussions. Mais, en tout état de cause, il y a beaucoup d'éléments à puiser dans votre rapport.

Monsieur Fréville, en admirable connaisseur des finances locales, vous avez insisté sur la nécessité d'évaluer très régulièrement l'état d'avancement de cette réforme. Vous avez raison, le travail d'évaluation est absolument essentiel.

Cette réforme, vous le savez, s'inspire largement de vos propositions ainsi que de celles du Comité des finances locales, dont vous êtes l'un des membres éminents. Tout ce que l'on pourra faire pour améliorer le fonctionnement de ce comité ira dans le sens de convictions partagées.

Monsieur Mercier, je ne vous ai jamais trouvé aussi élogieux à l'égard d'une proposition gouvernementale. J'ai donc été particulièrement sensible à cet éloge, que je ne sais trop comment interpréter. Faut-il y voir un moment privilégié ou bien l'amorce d'un rapprochement historique ? (Sourires.)

M. Aymeri de Montesquiou. Un chemin de Damas !

M. Michel Mercier. Vous étiez si seul que je suis venu à votre aide !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Charité chrétienne !

Mme Nicole Borvo. Solidarité !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Ce n'était donc qu'un simple moment, ne rêvons pas, la fête s'achève. (Nouveaux sourires.) Toutefois, je ne bouderai pas ce plaisir, et ce d'autant moins que vous avez à juste titre salué un travail préparatoire auquel vous vous êtes largement associé. Nous avons, ensemble, produit des réflexions tout à fait positives et intéressantes.

Vous demandez que la part de taux ou l'assiette de TIPP et de TCA soit fixée dans la loi. Là, je vous trouve très exigeant.

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Je ne veux pas considérer que cela affecte l'intensité de vos compliments ni imaginer qu'il y ait un lien entre les deux, mais, même sur le plan technique, ce que vous demandez est très lourd.

Vous le savez, vos désirs sont quasiment des instructions ! (Sourires.) Nous avons donc fait travailler nos administrations sur le sujet et je déposerai un amendement visant à donner aux collectivités le signe clair et fort que vous souhaitez. Sachez néanmoins que cette mesure suscitera quelques complexités.

Vous avez aussi évoqué - c'était un moment un peu plus délicat de votre intervention - le financement du RMI. Je vois M. de Raincourt lever immédiatement les bras au ciel et j'imagine que d'autres dans cet hémicycle seraient tentés de l'imiter.

Mme Nicole Borvo. Ah, le sujet qui fâche !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Je ne peux que répéter inlassablement deux ou trois choses auxquelles je tiens.

D'abord, il s'agit d'un transfert de compétences qui s'inscrit dans une logique de cohérence. On ne décentralise pas pour ennuyer les élus ; on décentralise parce que l'on pense qu'une mission peut être rendue plus efficace quand elle est assumée par une collectivité décentralisée et non par l'Etat, lointain et parfois trop absent.

Il nous semblait que, dans le domaine de l'insertion, il y avait une avancée majeure à réaliser. Voilà pourquoi nous avons décentralisé l'ensemble de la politique d'insertion. Nous pensons que les départements seront plus efficaces pour atteindre ce qui est notre but à tous, à savoir la diminution du nombre de RMIstes et le retour du plus grand nombre sur le chemin de l'emploi et de l'activité.

En outre, je fais remarquer qu'un impôt est transféré à l'euro près, ce qui correspond à ce que l'Etat dépensait l'année n. Ce n'est quand même pas négligeable.

Mme Nicole Borvo. Le nombre des RMIstes augmente !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. « Rendez-nous l'APA ! » me suis-je exclamé tout à l'heure. C'est que les critiques formulées m'obligent à rappeler qu'aucun impôt n'a été transféré pour financer l'APA. Il n'y avait rien !

Je veux bien entendre toutes les critiques sur notre décentralisation, mais je trouve qu'il faut, de temps en temps, savoir faire preuve de bonne foi et, à tout le moins, reconnaître que nous nous plions à l'exercice.

Monsieur le sénateur, 93 % des dépenses sont couvertes par un impôt transféré. Certes, ce n'est pas 100 %, et le taux de couverture est sans doute incomplet. Mais ce n'est pas si mal. Rappelez-vous ces 35 heures qui vous sont tombées dessus sans compensation ! Rappelez-vous ces 14 milliards de fiscalité prélevés d'un coup et transformés en dotations ! Tout cela est fini ! Notre logique est bien celle de la compensation, dans les termes que vous connaissez et que j'ai eu l'occasion d'expliquer.

Monsieur de Montesquiou, vous avez été très élogieux. Je vous en remercie, car les propos que vous avez tenus sont de nature à encourager une équipe gouvernementale qui, notamment sur ce dossier, s'engage énormément.

Nous considérons les uns et les autres que c'est un progrès majeur pour la modernisation de la France. Il est vrai que, de ce point de vue, nous allons évidemment continuer de travailler. Les réformes des dotations donneront plus de marges de manoeuvre en particulier aux quarante nouveaux départements désormais éligibles à la DFM.

Vous m'avez interrogé sur le nombre de bourgs-centres éligibles à la DSR dans le Gers, très beau département dont vous êtes un éminent élu. Trente-huit d'entre eux sont éligibles à la DSR, dont trente-sept sont situés en ZRR. Ils bénéficieront donc de la majoration prévue par le projet de loi de finances. Si quelqu'un hésitait jusqu'alors, il peut désormais voter cette réforme avec enthousiasme, au moins pour le Gers. (Sourires.)

M. Aymeri de Montesquiou. Merci, monsieur le ministre !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Je vous épargne la liste des autres départements. Sachez néanmoins que, sur ce point, tous trouveront matière à satisfaction.

Monsieur Haut, vous prétendez que la hausse des dotations n'est pas suffisante. Je vous trouve un peu dur ! Je respecte les engagements pris dans le pacte et la DGF augmente de 3,3 %, ce qui est très supérieur à l'inflation.

Objectivement, la comparaison avec le traitement réservé aux dépenses publiques de l'Etat, qui n'augmentent pas, est assez remarquable. C'était au reste la moindre des choses : personne n'imaginait que l'Etat ne tînt pas parole une année aussi importante que celle-là.

Vous avez parlé d'incertitudes en ce qui concerne les décrets. Cela m'offre l'occasion de rappeler que les temps changent. Les ministres ont reçu des consignes très claires pour ce qui est de l'élaboration des décrets.

J'avais pris un engagement ; le voilà tenu. Ceux qui suivent pourront cocher une nouvelle case. (Sourires.)

Sur les soixante-deux décrets nécessaires à l'application de la loi relative aux libertés et responsabilités locales, je m'étais engagé à ce que les trente-sept décrets nécessaires pour le 1er janvier 2005 soient pris à cette date. Ils le seront ; les autres seront pris avant le 1er juillet de la même année.

Vous avez là l'exemple ô combien remarquable d'un gouvernement qui fonctionne à la perfection !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. S'agissant du RMI, vous avez évoqué également la prime de Noël.

Monsieur le sénateur, le Premier ministre a annoncé que, cette année encore, les bénéficiaires du RMI percevront cette prime.

Son financement sera discuté dans le cadre de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2004. Les présidents de conseils généraux ne seront pas - pour reprendre votre expression - des boucs émissaires. La compensation s'effectuera, comme l'année précédente, à l'euro près, pour toutes les collectivités concernées.

Monsieur Adnot, vous avez salué le travail que nous avons accompli, ce dont je vous remercie.

Je veux là encore répondre à vos inquiétudes sur la fiscalité locale. Sa modernisation est attendue, tant par les chefs d'entreprise que par les agriculteurs. C'est pour cette raison que nous y travaillons, sans pour autant pénaliser les collectivités locales.

Monsieur Bourdin, vous aussi avez beaucoup oeuvré en faveur de la modernisation de nos finances locales, particulièrement pour la réforme des dotations, que vous connaissez bien. Vous avez salué les actions menées au profit des villes, notamment à travers la réforme de la DSU.

Nous allons bien sûr continuer d'avancer, mais j'invite chacun à mesurer combien cette loi est péréquatrice dans ce domaine.

De la même manière, nous avons fait porter nos efforts sur les bourgs-centres ainsi que sur ceux qui sont classés en ZRR.

Cette réforme est équilibrée. Elle peut toujours être améliorée, mais je crois qu'elle ouvre des perspectives très intéressantes, ce que vous avez souligné. J'ajoute qu'il faudra naturellement envisager, dans un deuxième temps, d'inclure peut-être d'autres ressources dans le potentiel financier. Cela rejoint les observations de M. François-Poncet. Continuons d'y travailler. Je sais que, dans ce domaine, le Comité des finances locales sera, comme à son habitude, très productif.

Monsieur Vera, vous évoquiez l'urgence à laquelle sont confrontées les collectivités locales. Je suis bien placé, en tant qu'élu local moi-même, pour vous donner raison sur ce point.

Pour autant, je veux redire ici très clairement que l'Etat ne se désengage pas. Bien au contraire, il est présent à travers cette politique de péréquation ;  il est présent pour ce qui est des services publics, notamment en milieu rural ; il est présent en ce qui concerne les contrats de plan, dont il a engagé une politique très volontariste de relance.

Nous inscrirons en loi de finances rectificative pour 2004 des crédits de paiement à hauteur de 150 millions d'euros et des autorisations de programme à hauteur de 300 millions d'euros.

Nous aurions aimé, en d'autres temps, que le même effort soit réalisé !

C'est donc la machine des contrats de plan qui est ainsi relancée par la décision du Premier ministre. Vous vous souvenez, monsieur Jean-Claude Gaudin, que je vous l'avais indiqué à Lille. (M. Jean-Claude Gaudin acquiesce).Je ne faisais que confirmer ainsi à l'Association des présidents de communautés urbaines de France que l'engagement pris serait tenu. Un de plus !

Monsieur Masseret, vous vous êtes inquiété de la bonne exécution des contrats de plan Etat-région. Je viens de vous répondre.

En deuxième lieu, vous nous avez fait part d'une estimation portant sur les transferts de TOS, estimation quelque peu « abracadabrantesque », si je puis dire. (Sourires.)

Il faut que nous y retravaillions ensemble. Vous verrez que tout se passera bien parce que, je le rappelle, nous avons pour objectif de tenir nos engagements et non pas de mettre en difficulté financière les départements. Dans ce domaine, beaucoup a été fait et, qu'il s'agisse du transfert de la TIPP ou de la taxe sur les conventions d'assurance, de nombreux engagements ont été pris ; nous veillerons à les respecter.

Monsieur Saugey, vous avez présenté avec pertinence les conclusions de la commission des lois sur deux points importants : le financement des compétences transférées et le renforcement de la péréquation.

Votre commission s'est félicitée que le financement soit assuré par des ressources propres. Nous nous y étions engagés.

Je partage de la même manière votre souci d'obtenir rapidement la modulation de ces ressources. Je travaille d'arrache-pied, avec mes collègues du Gouvernement, pour que nos partenaires européens suivent.

Je mesure, comme votre commission, combien la progression des dotations de péréquation constitue une grande avancée. Il faudra aller plus loin encore. Nous le faisons d'autant plus aisément que nous disposons de quelques marges. Le gel de la dotation forfaitaire aurait permis qu'elles soient plus importantes encore, mais cela ne s'est pas fait. On ne peut pas tout faire d'un coup !

Des sénateurs, de gauche comme de droite, des députés, de gauche comme de droite, étaient partisans de la péréquation tout en estimant qu'il fallait modifier quelque peu la dotation forfaitaire.

Nous avons en quelque sorte fait une cote mal taillée. Il en reste assez pour la péréquation, moins que je ne l'aurais souhaité, certes, car je suis un fanatique de solidarité en ce moment. Mais je veille aussi à écouter les parlementaires de tous bords. C'est aussi comme cela que se fabrique un peu mieux chaque jour notre belle démocratie.

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Monsieur Arnaud, vous plaidez en faveur de la solidarité. Bien entendu, vous avez, vous aussi, mis l'accent sur la difficulté de l'exercice. Il est vrai qu'il faut engager une réforme qui ne bouleverse pas les finances des collectivités. Certains d'entre vous, pour des raisons d'équité, veulent se garder de toute péréquation trop brutale. Nous veillerons à ce que cela se fasse progressivement.

Monsieur Marc, vous avez évoqué des sondages récents sur la décentralisation. Je voudrais en évoquer un autre, réalisé celui-ci par M. Malvy, qui m'avait fort aimablement invité au congrès annuel, qui s'est tenu à Moissac, de l'association des petites villes de France, dont il est le président.

Ce sondage, réalisé par un institut connu, montrait que deux Français sur trois étaient satisfaits par la décentralisation.

D'un côté, les maires s'inquiètent un peu. On les a rassurés et, par conséquent, ils ont élu M. Pélissard à 66 %. (Sourires.) D'un autre côté, deux Français sur trois sont enthousiasmés par la décentralisation. Vous le voyez, il faut relativiser !

Finalement, il n'y a rien de tel que de prouver le progrès en marchant, c'est-à-dire d'élargir la décentralisation pour renforcer l'initiative sur le terrain.

Croyez-moi d'expérience, pour l'avoir vécu tous les jours et parfois dans des conditions difficiles -  à Paris, on faisait parfois vraiment tout pour me mettre des bâtons dans les roues -, rien ne vaut la décision sur le terrain, souvent bien plus efficace.

C'est là l'une des grandes vertus de la décentralisation, à laquelle nous souscrivons désormais tous.

Monsieur Jarlier, je vous remercie des propos aimables que vous avez eus pour saluer l'initiative prise par le Gouvernement consistant à remonter la dotation superficiaire de 3 euros à 5 euros pour les communes de montagne.

Je sais que vous souhaiteriez que nous allions un peu plus loin. Vous êtes très exigeant ! (Sourires.) Il faut que nous y réfléchissions. Le dîner portera sans doute conseil...

Monsieur Moreigne, ainsi que je l'ai dit à M. François-Poncet, le Gouvernement a décidé de suivre les préconisations contenues dans le rapport du Comité des finances locales. Ce faisant, nous avons fait le choix d'une péréquation qui conserve la lisibilité des dotations et qui ne bouleverse pas les équilibres actuels.

Vous vous interrogez sur la pertinence de l'intégration dans le potentiel financier des droits de mutations à titre onéreux. Il me semble que leur intégration a du sens, compte tenu de leur nature. Il nous a semblé cohérent de suivre le Comité des finances locales sur ce point également, mais nous pourrons y revenir.

Monsieur Virapoullé, vous avez raison de souligner que l'outre-mer n'est pas cité dans l'article 33 du projet de loi de finances pour 2005. Ces régions monodépartementales sont en effet traitées comme la métropole. Il est vrai que, en 2005, les TOS par définition mis à disposition, ne coûteront donc rien aux collectivités. Aussi ne faut-il pas trop s'inquiéter.

L'absence de modulation de la TIPP en outre-mer est connue du Gouvernement. Il nous faudra étudier, pour l'année prochaine, le type d'impôt qui peut être transféré. Nous y réfléchirons ensemble. Je ne doute pas que, dans ce domaine, vous serez, comme à votre habitude, créatif et, comme nous tous, soucieux de respecter la Constitution. Je vois au moins un avantage à votre intervention, monsieur le sénateur : nous sommes maintenant prévenus du problème et nous pourrons travailler en bonne intelligence.

Monsieur Doligé, vous avez été dur ! D'ailleurs, quand je vous ai entendu conclure par le fameux « qui aime bien, châtie bien », j'ai pensé que vous vous en étiez rendu compte ! (Rires.)

Plus sérieusement, je comprends votre inquiétude. Elle est légitime au regard du passé, mais reconnaissez que les choses ont un peu changé ! La Constitution a été modifiée, l'autonomie financière a été votée, des impôts ont été transférés avec, en plus, la possibilité de moduler les taux. Jamais l'Etat n'en avait fait autant en la matière.

Vous avez pris date, monsieur Doligé, le Gouvernement aussi. Il faudra bien, à un moment, que nous aboutissions. Nous veillerons donc à ce que les engagements pris soient tenus.

Vous vous inquiétez que certaines dépenses augmentent dès l'année suivant celle de leur transfert. Je le conçois. Simplement, si jamais ces dépenses baissaient, alors vous conserveriez le même montant que celui qui aura été transféré.

M. Michel Mercier. Il ne faut pas rêver !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Des clauses de revoyure sont prévues. Il faudra que nous en reparlions ensemble.

Mme Roig, M. de Villepin et moi-même avons vécu ensemble la même histoire. Nous avons les mêmes souvenirs et nous continuerons à travailler ensemble. Je vous invite, mesdames, messieurs les sénateurs, à oeuvrer avec nous. Car, en ce qui me concerne, quand j'aime bien, je ne châtie pas ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau.

M. Gérard Delfau. Monsieur le ministre, une fiche a sans doute glissé de votre liasse, car vous ne m'avez pas répondu.

Mme Marie-France Beaufils. Deux fiches, au moins !

M. Gérard Delfau. Je n'en tire aucune conclusion négative. Je constate simplement qu'une case ne sera pas cochée et que le Gouvernement n'est pas toujours parfait !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué, qui doit en effet répondre encore à trois de nos collègues.

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, vous me voyez absolument confus. Cela ne m'arrive normalement jamais, car je veille toujours à répondre à chacun.

Je prie donc les orateurs qui n'auraient pas obtenu encore la réponse qu'ils attendaient de m'excuser et de patienter jusqu'à la reprise de la séance pour avoir satisfaction.

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures quinze.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt heures quinze, est reprise à vingt-deux heures quinze.)

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi de finances pour 2005, adopté par l'Assemblée nationale.

Dans la suite du débat sur les recettes des collectivités locales, je donne la parole à M. le ministre délégué, qui souhaite encore répondre à trois orateurs.

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Merci, monsieur le président.

Monsieur Delfau, vous avez évoqué un possible démantèlement des politiques de péréquation, en citant le cas de Paris et des Hauts-de-Seine, qui perçoivent une dotation élevée, mais sur la base du critère du logement social.

Cette situation sera probablement corrigée à l'occasion de l'examen des amendements. C'est d'ailleurs le mérite d'un débat comme celui-ci que de permettre de vérifier et d'améliorer l'efficacité du dispositif.

Monsieur Delfau, vous avez eu des mots sévères sur cette partie du projet de loi de finances. J'espère que l'amendement qui interviendra sera de nature à atténuer un peu votre sévérité, tout au moins sur ce point.

Vous avez aussi appelé de vos voeux la création d'un observatoire des finances locales. Je dois vous rappeler qu'un observatoire de cette nature existe déjà. Son père fondateur est d'ailleurs l'un des vôtres : Joël Bourdin. Cet observatoire a rendu cette année encore un rapport exhaustif et extrêmement intéressant sur l'évolution des finances des collectivités locales, ce qui correspond tout à fait à sa vocation.

Mais je peux tout à fait comprendre que le Sénat veuille mettre en place son propre observatoire, afin de veiller au bon déroulement de la décentralisation. Rien de tout cela ne me choque, bien au contraire.

Vous craignez enfin un affaiblissement de la solidarité entre les départements. Il est vrai que les départements ont été en première ligne ces dernières années : ils ont dû supporter des charges nouvelles, qui ont souvent donné lieu à des compensations insuffisantes.

Je suppose, monsieur Delfau, que, sous la précédente législature, vous aviez déjà dénoncé cette situation.

La réforme que nous vous proposons permet une péréquation pour davantage de départements : elle élargit en effet à soixante-quatre collectivités, au lieu de vingt-quatre départements métropolitains et six collectivités d'outre-mer précédemment, le bénéfice de la dotation de fonctionnement minimal, la DFM.

Par ailleurs, nous avons créé une dotation de péréquation urbaine qui permettra de prendre en compte les difficultés urbaines des départements concernés, sans que cela porte préjudice aux départements bénéficiaires de la DFM.

Madame Beaufils, vous avez mis l'accent sur les imperfections de la réforme des dotations que le Gouvernement entend mettre en oeuvre en 2005. Vous critiquez notamment l'érosion de la DGF en part relative dans le budget des collectivités et le choix du critère superficiaire.

Cette réforme n'est pas parfaite, j'en conviens bien volontiers. Bien sûr, elle n'épuise pas le sujet, mais elle a tout de même quelques mérites, que j'évoquais tout à l'heure et que je rappelle volontiers.

Tout d'abord, cette réforme est très péréquatrice. C'est la première fois que l'on peut trouver autant de péréquation dans une réforme des finances locales puisque nous avons tenu à l'étendre aux intercommunalités et aux départements.

Il n'y a donc aucune approche idéologique dans cette réforme des dotations, bien au contraire : notre objectif est de faire bénéficier de la péréquation les collectivités locales qui connaissent aujourd'hui des difficultés et qu'il est nécessaire d'aider. Je pense en particulier aux territoires les plus fragiles, qui ont besoin de conforter les services publics.

Monsieur Biwer, vous avez tout d'abord fait valoir qu'on n'allait pas très loin en allouant une somme de 3 euros par hectare. Que deviez-vous dire quand il n'y avait rien du tout !

M. Claude Biwer. A l'époque, je réclamais plus, monsieur le ministre !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Cette mesure représente tout de même un effort important, même si elle n'est pas parfaite. Il s'agissait d'une demande forte de la part des élus, relayée par le comité des finances locales. C'est donc une avancée.

Vous évoquez la situation des communautés urbaines. C'est aussi une question qui revient régulièrement dans les débats. Il est vrai que la dotation par habitant des communautés urbaines s'élève à 81,4 euros, alors que celle des communautés de communes à taxe professionnelle unique est de 28,23 euros.

Evidemment, l'herbe est toujours plus verte chez le voisin ! Mais il faut regarder la réalité en face. Les communautés urbaines - M. Lambert pourrait en parler savamment - supportent des charges de centralité considérables. (M. Alain Lambert opine.) Et Alençon n'est pas la seule ville à crouler ainsi sous ces charges, notamment les charges de transport.

Vous craignez par ailleurs que les maires ruraux n'éprouvent une nouvelle déception avec la réforme de la dotation de fonctionnement et vous redoutez la fermeture de services publics. Vous avez raison, monsieur le sénateur, il faut se mobiliser, et vous avez en face de vous un ministre très engagé sur cette question.

Le Premier ministre lui-même l'a indiqué : la loi rurale présentée par mon collègue et ami Hervé Gaymard vise à mobiliser d'abord les préfets, qui seront des acteurs majeurs de ce dispositif. Cette disposition est d'autant plus importante que les dotations que nous renforçons, et notamment la DSR, ont pour objectif d'aider les intercommunalités à répondre aux inquiétudes concernant les activités et les services publics en milieu rural.