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RAPPEL AU RÈGLEMENT

M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc, pour un rappel au règlement.

Mme Hélène Luc. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux vous alerter sur ce qui s'est passé hier soir, à la fin de l'examen du projet de budget de la défense.

Alors que je m'étais félicitée, au cours de la discussion, que le Conseil d'Etat ait refusé que le Gouvernement présente un amendement sur le projet de loi de finances rectificative pour 2004, qui viendra en discussion devant le Sénat à la fin du mois de décembre, décidant de l'ouverture du capital de DCN, Mme la ministre de la défense a annoncé qu'elle contournerait la difficulté en présentant un projet de loi. Celui-ci sera examiné demain par le Conseil des ministres, puis le 16 décembre à l'Assemblée nationale et le 23 décembre au Sénat. Pourquoi pas le 24 décembre ?

Mme la ministre a précisé que la discussion ne durera pas longtemps, car le texte ne comportera qu'un article. Je vous laisse juges du mépris dans lequel elle tient les salariés !

Je tiens à protester contre la gravité d'une telle décision, qui engage l'avenir de l'emploi et du statut de milliers de salariés. Elle signifie, à terme, la privatisation de cette entreprise nationale dont la renommée mondiale n'est plus à faire.

Le Gouvernement accélère la politique de privatisation en France et en Europe.

Je l'ai dit hier : « Il faut avoir le courage de dénoncer cette Europe qui prône la privatisation de l'industrie de défense européenne pour mieux l'assujettir aux desseins transatlantistes et la subordonner à l'OTAN.

« Il faut avoir le courage de nous ériger contre les recommandations de la Commission européenne, qui préconisent une libéralisation du marché de l'armement ».

La loi de l'argent prend le pas dans le secteur stratégique - c'est également le cas pour France Télécom, EDF ou ADP -où les armes ne sont pas une marchandise comme une autre.

La réponse de Mme Alliot-Marie a été claire : l'ouverture du capital de l'entreprise est une nécessité pour résister à la concurrence et permettre des rapprochements, afin de préparer le terrain à des regroupements dans l'industrie navale en France et en Europe. Le mariage de DCN et de Thales doit préparer un mouvement plus large de restructuration du secteur en Europe.

Il ne fait aucun doute qu'après DCN ce sera l'ouverture du capital de GIAT Industries. Nous nous y opposerons avec la même fermeté.

Je veux souligner le mépris dans lequel le Gouvernement tient le Parlement. J'ai appris ce matin que, hier après-midi, Mme la ministre avait informé les syndicats du dépôt dudit projet de loi. Mais elle n'a pas communiqué cette information au Sénat. Il a fallu que plusieurs sénateurs après moi lui posent la question pour lui arracher la réponse.

Ainsi, le Parlement n'est plus un lieu d'information et de débat. Non seulement on nous oblige à débattre du budget sous la forme de questions, ce qui ne permet pas aux groupes politiques d'exprimer leur position en cohérence, mais, en outre, Mme la ministre ne répond pas aux questions !

Nous protestons vivement contre la volonté de rabaisser de plus en plus le rôle du Parlement, qui s'explique par le fait que l'Europe prendra de plus en plus des décisions graves pour notre pays. Il n'est qu'à lire l'article I-40, paragraphe 2, de la Constitution européenne : « La politique de l'Union (...) respecte les obligations découlant du traité de l'Atlantique Nord (...) et elle est compatible avec la politique commune de sécurité et de défense arrêtée dans ce cadre. »

Telles sont, entre autres dangers, les raisons pour lesquelles nous voterons contre la Constitution européenne.

Mme Alliot-Marie a dit qu'elle était d'accord pour organiser, comme je le lui proposais, un débat sur l'industrie nationale d'armement. Je demande donc, monsieur le président, qu'il soit prévu dès la rentrée de janvier.

Les salariés de DCN, de GIAT Industries, de Thales et d'EADS peuvent compter sur le groupe communiste républicain et citoyen pour riposter, comme eux-mêmes le font, contre ces nouvelles attaques qui n'ont rien à voir avec l'intérêt de la France. Nous nous y opposerons avec toute la résistance possible.

Je demande, monsieur le président, que soit maintenu l'ordre du jour tel qu'il avait été prévu, et je compte fermement sur vous pour faire respecter le Parlement.

M. le président. Madame Luc, je vous donne acte de votre rappel au règlement.

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Agriculture, alimentation, pêche et affaires rurales (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2005
Deuxième partie

Loi de finances pour 2005

Suite de la discussion d'un projet de loi

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2005
Agriculture, alimentation, pêche et affaires rurales

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2005, adopté par l'Assemblée nationale.

Agriculture, alimentation, pêche et affaires rurales (suite)

Deuxième partie
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2005
Etat B - Titres III et IV

M. le président. Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant le ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Yves Coquelle.

M. Yves Coquelle. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, avec des crédits en baisse de 5,7 %, le budget de la pêche pour 2005 n'échappe pas à la rigueur. Le contexte général de la pêche française, aggravé par la crise du carburant, aurait pourtant nécessité une attention particulière compte tenu de l'impact économique et social très important de cette flambée des prix.

Les effets de la crise du carburant se sont trouvés accentués par la suppression de la TIPP flottante et ont amené le Gouvernement à réagir au coup par coup. Fort heureusement, la coopération maritime avait imaginé un système d'assurance gazole qui a permis, grâce au prêt de 15 millions d'euros de l'Etat, de faire diminuer momentanément, de façon sensible, le prix du carburant pour les pêcheurs.

La crise du carburant, nous dit-on, risque de durer. La profession aimerait connaître le dispositif que le Gouvernement envisage de mettre en place, monsieur le ministre.

En ce qui concerne les taux admissibles de capture pour 2005, le monde de la pêche ne sera fixé que le 21 décembre prochain. Malgré une évolution certaine des comportements à l'égard de la ressource et des restrictions successives, il apparaît toujours nécessaire de défendre les capacités françaises au sein du groupe des amis de la pêche.

L'Europe menace la France d'une amende fixe de 115,5 millions d'euros et d'une astreinte de 57,7 millions d'euros par semestre pour insuffisance de contrôle et non-respect des règles sur la prise et la vente de poisson sous taille de pêche.

Cela explique sans doute le renforcement des postes de contrôle dans votre budget.

Je me demande, monsieur le ministre, si l'Europe est aussi draconienne à l'égard de la pêche minotière, particulièrement destructrice, pratiquée par certains pays du nord de l'Europe.

La grande question qui anime cependant le monde de la pêche est celle de l'extinction des aides à la construction et à la modernisation des bateaux, ou de leurs prolongements possibles et ciblés.

A ce propos, le rapport de M. Michel Tricot, administrateur général des affaires maritimes, est particulièrement intéressant. A titre d'exemple, l'âge moyen de la flotte bretonne est supérieur à vingt ans. La politique de modernisation d'unités âgées atteint ses limites ; il est désormais indispensable de construire des bateaux neufs, subventionnés, tout particulièrement pour les jeunes professionnels.

Ce rapport préconise que des aides de 60 % à 80 % puissent être destinées à la sécurité du navire et de l'équipage, aux conditions de travail, d'habitabilité, d'hygiène et de confort de l'équipage, au traitement des captures et à leur valorisation, ainsi qu'aux innovations techniques en matière de sélectivité des engins de pêche.

N'oublions jamais que la pêche maritime s'exerce dans un environnement particulièrement hostile et dangereux.

Le caractère durable de la pêche voulu par l'Europe s'est, jusqu'à présent, traduit par la casse de milliers de bateaux et par la politique de réduction des totaux admissibles de capture, les TAC. Désormais, la taille des armements diminue et se recentre sur la pêche artisanale, ce qui nécessite impérativement d'orienter les aides vers les petits patrons pêcheurs, d'encourager les groupements d'achat autour de bateaux « génériques » et d'éviter la concentration vers la pêche industrielle.

De nombreux jeunes s'intéressent également à la reprise des goémoniers ; ce secteur déficitaire mérite de ne pas être oublié et d'obtenir les permis de mise en exploitation nécessaires.

Je dirai quelques mots, enfin, sur la formation des jeunes, qui méritent davantage d'aides et de promotion. Il conviendrait de compenser financièrement les formations et d'apporter les aides utiles aux établissements.

Si, demain, la politique européenne des aides à la pêche est appliquée comme prévu, elle n'aura de durable que le nom. Notre conception de la durabilité est plus humaine, plus sociale, plus diversifiée. Là aussi, monsieur le ministre, deux mondes s'affrontent.

La seconde partie de mon l'intervention portera sur les prestations agricoles, l'enseignement et la pêche.

A notre grand regret, la fin du BAPSA et l'arrivée du FFIPSA se traduisent par l'absence de débat spécifique aux prestations sociales agricoles, ce qui est fort regrettable au regard d'une question si importante.

Monsieur le ministre, votre prédécesseur, à la demande du groupe communiste républicain et citoyen, s'était déclaré favorable au rétablissement d'un tel débat au sein de chaque assemblée. Nous formons donc le voeu que les commissions respectives du Sénat et de l'Assemblée nationale conviennent de rétablir ce débat essentiel lors de la discussion du budget pour 2006.

Le FFIPSA, désormais financé pour l'essentiel par les droits sur le tabac, est particulièrement fragilisé ; son déficit de 1,5 milliard d'euros inquiète, à juste titre, les retraités de l'agriculture. Il est vrai que l'assiette de la TVA était plus rassurante qu'une ressource en régression, fort heureusement pour la santé publique.

Il est urgent que votre gouvernement formule des propositions concrètes de mesures de compensation démographique en direction d'une profession qui compte 2,5 retraités pour un actif. La TVA est une piste, mais la taxation de tous ceux qui vivent grassement sur le dos des agriculteurs en est une autre.

D'après les chiffres de l'Association nationale des retraités agricoles de France, la profession compte environ 90 000 retraités de moins chaque année pour 40 000 nouveaux arrivants, soit un solde net de 50 000 retraités de moins à financer. Sachant que la retraite moyenne des conjoints et des aides familiaux est de 5 484 euros annuels, le total s'élève à 274 millions d'euros. Même si ces chiffres méritent d'être affinés, ils correspondent presque aux 300 millions d'euros nécessaires à l'abaissement des coefficients de minoration et au passage du seuil de minoration de 32,5 années, tous régimes confondus, au lieu des 37,5 années uniquement pour le régime agricole.

Oui, monsieur le ministre, les hypothèses du groupe de travail du 15 juillet 2004 peuvent rapidement devenir réalité, mais encore faut-il que le Gouvernement en ait la volonté politique. Ce n'est pas leur renvoi au futur projet de loi de modernisation agricole qui va rassurer les retraités !

D'autres revendications justifiées demandent à être entendues : il s'agit notamment de l'égalité entre les hommes et les femmes en matière de retraite de base.

Seuls 5 % des retraités agricoles perçoivent 75 % du SMIC, alors que 1,5 million d'entre eux n'atteint que 30 % ou 40 % du SMIC.

Le chantier de la retraite complémentaire obligatoire nécessite une harmonisation entre ce qui précède et ce qui suit l'année 1997. La retraite complémentaire obligatoire doit également bénéficier aux conjoints et aux aides familiaux, au prorata de leur carrière.

Enfin, monsieur le ministre, je veux attirer votre attention sur une mesure qui a l'énorme mérite de ne rien coûter : la forfaitisation de la bonification pour enfants, demandée par de nombreuses associations de retraités agricoles, y compris la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles, la FNSEA.

Il nous paraît donc urgent qu'une nouvelle planification soit mise en oeuvre, en donnant la priorité aux plus âgés. Le Président de la République n'a-t-il pas déclaré : « les plus âgés des agriculteurs, qui ont consacré tant d'efforts et d'énergie au travail de la terre, ont droit à des pensions décentes de même niveau que celles des autres professions. »

Le message est donné ; votre ministère dispose de tous les éléments, monsieur le ministre. Il vous reste donc à vous dégager du carcan de l'austérité budgétaire pour ne pas décevoir les retraités de l'agriculture ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau.

M. Gérard Delfau. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, au moment où nous discutons du budget de l'agriculture, la profession viticole s'apprête, de nouveau, à manifester dans plusieurs villes pour exprimer sa colère et demander l'aide des pouvoirs publics. La nouveauté, aujourd'hui, c'est que la crise est générale : elle touche toutes les régions, ou presque, et pas seulement le Languedoc-Roussillon.

L'autre caractéristique, c'est que la baisse des prix s'étend désormais aux vins classés d'appellation d'origine, au-delà de la traditionnelle mévente des vins de table. Il semble qu'elle commence à affecter même les vins de cépage, qui avaient le vent en poupe, notamment les Chardonnay, Sauvignon, Viognier, c'est-à-dire des vins blancs dont le marché est aujourd'hui mal orienté.

Des vendanges abondantes dans tous les pays européens ont aggravé le marasme et le désarroi s'installe, comme j'ai pu l'observer.

La semaine dernière, j'étais dans un petit village du Minervois, aux confins de l'Aude et de l'Hérault. J'ai constaté avec inquiétude que des exploitants ayant axé leur activité sur la viticulture de qualité et la commercialisation en bouteille doutaient de l'avenir de leur métier. Si leurs doutes venaient à être confirmés, les conséquences seraient désastreuses, et pas seulement pour leurs familles ; les communes rurales en seraient gravement affectées.

Disant cela, je n'oublie pas qu'une autre partie des vins d'appellation, y compris en Languedoc-Roussillon, continue à tirer son épingle du jeu, malgré la concurrence sévère sur le marché international, et je m'en réjouis. Bref, aujourd'hui, la situation est contrastée, insaisissable, alors que la hiérarchie des pays viticoles connaît de profondes et rapides mutations.

Quelles mesures conjoncturelles et de moyen terme comptez-vous prendre, monsieur le ministre, pour faire face à cette situation, car il y a urgence ? Je formerai par ailleurs le souhait plus général que vous dressiez le bilan des réformes de l'organisation de ce secteur, qui font l'objet d'un débat depuis une dizaine d'années.

Au nom de la commission des affaires économiques, Gérard César, Roland Courteau et moi-même nous avons présenté, en 2002, un rapport sur l'avenir de la viticulture française, bien accueilli par la profession. M. Gaymard, alors ministre de l'agriculture, s'était engagé à faire avancer quelques-unes des idées-force de ce texte. Je les rappelle : amélioration de la force de frappe commerciale de la viticulture française sur le marché international ; réorganisation interne du secteur grâce au financement de la jachère qualitative ; renforcement du lien entre viticulture et tourisme, en collaboration avec les collectivités territoriales ; enfin, défense de la dimension culturelle du vin, trop souvent confondu avec les boissons alcoolisées de type industriel.

Sur tous ces sujets, nous aimerions avoir un bilan d'étape à mi-parcours de la législature. La viticulture a besoin de retrouver une lisibilité et seul l'Etat, s'appuyant sur la profession et les collectivités territoriales, peut la fournir. Nos régions viticoles doivent cesser d'être les mal-aimées de l'Europe et parfois de la nation ; cela dure depuis si longtemps !

Je voudrais, avant de conclure, évoquer d'un mot l'avenir incertain des abattoirs communaux. J'y reviendrai sans doute à propos de l'article 71, mais je tiens à signaler dès à présent le cas d'un abattoir de mon département, remis aux normes récemment, et dont l'insuffisance des rentrées financières s'ajoutant à l'aggravation des charges, notamment fiscales, pèse sur son budget. Que faut-il faire pour sauver cet outil de travail tout en lui assurant l'équilibre financier, sans recourir à une contribution de la commune, ce qui serait injuste ?

Telles sont les questions que je souhaitais poser au cours de ce débat, afin de relayer l'inquiétude qui grandit au sein de la viticulture, notamment dans l'Hérault. Nous attendons de vous, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, des réponses rassurantes qui permettent à nos vignerons de continuer à aller vers le seul avenir qui vaille, celui d'une viticulture de qualité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Piras. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Bernard Piras. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, j'aurais tant aimé pouvoir souligner à cette tribune que le budget consacré en 2005 à l'agriculture répondait aux attentes et aux besoins non seulement des agriculteurs, mais aussi du monde rural. Ma déception, qui reflète celle de cette honorable profession et des nombreuses organisations représentatives que j'ai pu rencontrer, ne se veut ni partisane ni idéologique, mais fondée sur la triste réalité de ce budget.

En effet, pour la troisième année consécutive, le budget de l'agriculture est en baisse. Cette année, la baisse s'élève à 1,8 %, soit une diminution réelle de 3,6 % compte tenu de la non-compensation de l'inflation, qui est estimée à 1,8 % en 2004.

Répéter, comme le Gouvernement en a pris l'habitude désormais - analyse qui n'était d'ailleurs pas celle de la majorité actuelle lorsqu'elle se trouvait dans l'opposition -, « qu'un bon budget n'est pas forcément un budget en hausse », ne peut désormais masquer une évidence : l'agriculture n'est plus une priorité pour le Gouvernement.

Le manque d'ambition et de ligne directrice de ce budget ne peut qu'accentuer les incertitudes et les inquiétudes auxquelles sont déjà confrontés nos agriculteurs.

D'une part, le contexte européen est incertain, si l'on en juge par les récentes déclarations de la commissaire européenne en charge du budget, laquelle n'hésite pas à affirmer qu'il est honteux que la moitié du budget soit consacrée à la PAC. Une telle prise de position à la veille des nouvelles négociations au sein de l'OMC, est, vous en conviendrez, monsieur le ministre, de mauvais augure au regard du soutien sans faille de l'administration Bush à ses agriculteurs.

D'autre part, nos marchés sont soumis à des crises récurrentes, qu'il s'agisse des fruits et légumes, du vin ou du lait. A ce titre, je tiens à souligner que les aides apportées par le Gouvernement sont notablement insuffisantes en raison de l'ampleur de la crise traversée par le secteur des fruits et légumes. La grogne qui perdure un peu partout dans notre pays, et particulièrement dans le département que je représente,...

M. Gérard Le Cam. En Bretagne aussi !

M. Bernard Piras. ...atteste de la vive inquiétude de nos agriculteurs.

Face à ce climat morose, amplifié par le sentiment d'abandon généré par votre budget, trop de problèmes ont à ce jour reçu une réponse insuffisante, voire pas de réponse du tout !

L'instauration de l'assurance-récolte, qui constitue l'une des mesures phares annoncées dans votre budget, est une décision intéressante. Vous voyez, monsieur le ministre, que je souhaite être objectif.

M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la ruralité. Tout à fait !

M. Bernard Piras. Cependant, cette mesure reste floue : qui paiera, selon quel dispositif et quelle solidarité ? Cela annonce-t-il la disparition du fonds de calamité agricole, qui, rappelons-le, ne répond pas à la même logique, puisqu'il s'agit d'un dispositif public financé par l'Etat, alors que l'assurance-récolte est un dispositif privé subventionné ?

L'instauration d'un fonds unique pour la rénovation des bâtiments est également appréciable, notamment par rapport à la dispersion antérieure des instruments d'intervention. Néanmoins, il ne faut pas perdre de vue que celle-ci est financée en partie avec des reports de crédits, d'autres mesures ayant disparu par ailleurs, et qu'en outre les moyens mis en oeuvre sont largement insuffisants devant l'ampleur du problème. De plus, l'assurance d'un cofinancement par l'Union européenne à hauteur de 50 % laisse dubitatives nombre d'organisations.

Enfin, pour ce qui concerne la recherche - il s'agit également d'une mesure phare -, il est effectivement nécessaire d'en faire une priorité pour 2005, mais il ne faut pas oublier que, depuis 2002, vous avez procédé à des coupes claires et que les besoins actuels résultent, en grande partie, de vos insuffisances antérieures. Il ne s'agit donc que d'un rattrapage.

En dehors de ces apparentes mesures phares, pour ce qui est de l'installation des jeunes, il n'est pas admissible de se contenter d'affirmer, comme vous le faites, que la baisse des crédits résulte simplement de la diminution du nombre des installations. Cette triste et dangereuse tendance ne doit pas être suivie par les pouvoirs publics, lesquels, au contraire, doivent tout mettre en oeuvre pour l'inverser.

A titre d'exemple, dans mon département de la Drôme, le nombre d'installations a baissé de près de 10 % depuis 2002. Dans ce domaine, c'est l'ambition qui s'impose, et non pas la résignation. La survie de nos campagnes est en jeu.

Par ailleurs, la baisse des crédits en faveur des agriculteurs en difficulté est incompréhensible quand on connaît la situation financière de toutes ces exploitations. Ces dernières subissent, depuis des années, des crises d'origine climatique, sanitaire ou liées au marché ou à l'environnement.

Je profite de ce débat pour souligner que le Conseil économique et social a rendu récemment un rapport intéressant sur les conséquences économiques et sociales des crises, dans lequel il souligne que « des évolutions sont nécessaires visant à mettre en place un système plus global de gestion des risques, fondé à la fois sur l'épargne de précaution, sur l'assurance, sur la solidarité professionnelle et nationale pour les risques exceptionnels et les sinistres non assurables. »

A cet égard, il apparaît clairement que la seule instauration d'une assurance ne résoudra pas tout. La nature récurrente des crises exige d'en prévenir les effets plutôt que de tenter d'en atténuer les conséquences.

En matière de relations commerciales entre les producteurs et distributeurs, j'ai pu personnellement constater, lors de mes rencontres avec les organisations représentatives de producteurs, combien les conclusions du rapport Canivet les inquiétaient. Vous indiquez, sur ce point également, qu'un groupe de travail interministériel a été mis en place. Néanmoins, pouvez-vous, monsieur le ministre, nous donner votre sentiment sur l'instauration d'un coefficient multiplicateur, réclamé par beaucoup ?

J'en viens à l'enseignement agricole, à la recherche et au FFIPSA.

Notre agriculture est confrontée à une réglementation de plus en plus complexe. Elle doit satisfaire les exigences sanitaires et environnementales exprimées par la société. Les connaissances nécessaires pour gérer une exploitation sont de plus en plus élevées.

Face à cela, le rôle de l'enseignement agricole est de garantir une formation technique de haute qualité.

Je ne m'attarderai pas sur les excellents résultats de cet enseignement avec un taux d'insertion de près de 85 %. Son influence s'étend à l'ensemble du monde rural, contribuant ainsi à un aménagement du territoire cohérent. C'est vers cet objectif que notre action doit tendre.

Je suis satisfait de constater que les effectifs sont en légère hausse dans l'enseignement technique, augmentation qui est plus marquée dans l'enseignement supérieur.

Suivant le budget de l'enseignement agricole depuis de nombreuses années, je me réjouis également de constater que le Gouvernement commence à prendre conscience de son importance. Cependant, je regrette profondément que la hausse des crédits ne profite pas aussi à l'enseignement public.

Monsieur le ministre, êtes-vous informé du désespoir grandissant ? Le ton satisfait que vous employez contraste singulièrement avec la situation réelle et le contenu des auditions que j'ai pu mener : ...

M. Dominique Bussereau, ministre. Je n'ai encore rien dit !

M. Bernard Piras. Je parlais de l'audition en commission !

M. Dominique Bussereau, ministre. Ce n'était pas moi !

M. Bernard Piras. ... fermetures de classes sans attendre le gel préalable préconisé, options facultatives en voie d'extinction, fin de la deuxième langue vivante en filière technologique, regroupements pédagogiques intenables, remise en cause des seuils de dédoublement, insuffisance des dotations horaires, sont devenus courants.

Tous ces éléments conduisent à une baisse de qualité de l'enseignement public agricole, et la rédaction d'un livre noir sur le sujet serait en cours.

A l'appui de cette affirmation, je vous rappellerai simplement que si 500 emplois ont été créés dans l'enseignement public entre 2000 et 2002, 301 emplois ont été supprimés de 2003 à 2005, tandis que les effectifs des élèves sont restés stables.

Cette situation de rationnement de l'offre publique n'est pas admissible à une période où, en raison des enjeux et des mutations profondes, notre agriculture a besoin d'un enseignement public de qualité.

Pour clore ce sujet de l'enseignement, j'aborderai brièvement trois dossiers qui méritent une attention particulière de M. le ministre, et plus particulièrement de M. le secrétaire d'Etat, puisque c'est lui qui est en charge de ces questions.

Le premier dossier concerne le devenir des quatre établissements publics nationaux d'enseignement agricole : le centre d'enseignement zootechnique de Rambouillet, le centre d'expérimentation pédagogique de Florac, le centre d'étude du milieu et de pédagogie appliquée du ministère de l'agriculture de Fouesnant et le centre national de promotion rurale de Marmilhat.

Un récent rapport a bien mis en lumière qu'il était indispensable et urgent de clarifier les situations juridiques et administratives de ces établissements et de leurs personnels, de définir des objectifs clairs pour chacun et de prévoir les moyens nécessaires en fonction des réponses apportées.

Le deuxième dossier est relatif aux ATOSS. Nous connaissons tous les problèmes engendrés par le transfert de ces personnels aux collectivités territoriales, voulu par le Gouvernement dans le cadre de la décentralisation. Mais l'enseignement agricole rencontre des problèmes spécifiques en la matière. Que va-t-il se passer pour les ATOSS embauchés sur les budgets des établissements ? Les collectivités vont-elles les intégrer ? Les régions vont-elles entériner ou remettre en cause les iniquités constatées entre les établissements ? Comment va s'opérer le transfert des personnels, peu nombreux, gérant les ATOSS ?

Enfin, en matière de réduction de l'emploi précaire - il s'agit du troisième dossier - nous arrivons au terme du dispositif Sapin. Or des contractuels ont été recrutés depuis pour pallier aux besoins. Que vont-ils devenir ? Cela concerne près de 2000 personnes.

J'en viens au FFIPSA. Autrefois, le Parlement examinait en détail, grâce à ses rapporteurs spéciaux et à un débat spécifique, le budget annexe des prestations sociales agricoles, le BAPSA, dont les chapitres étaient très détaillés. Il concernait 4,5 millions de bénéficiaires, dont 1,9 million de retraités agricoles.

Désormais, la représentation nationale ne connaît que les grandes masses de dépenses et de recettes décrites dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale et le montant maximum de l'emprunt de la mutualité sociale agricole. La protection sociale agricole ne fait même pas l'objet d'un programme. Une telle évolution constitue une régression.

L'an passé, à cette même époque, à l'occasion de mon intervention relative au budget consacré à l'agriculture pour 2004, je vous avais fait part de mon scepticisme. Je m'étais fait l'écho de nombreux parlementaires pour lesquels le mode de financement du FFIPSA retenu, à savoir la fiscalité sur le tabac, ne présentait pas de réelles garanties de pérennité ; certains de nos collègues l'ont évoqué ce matin.

Comment s'étonner que les prévisions relatives au FFIPSA pour 2005 fassent apparaître un déficit de près de 1,5 milliard d'euros ? Cette situation était prévisible ! Répondre, comme vous le faites, que ce problème n'est pas spécifique aux prestations agricoles n'est pas admissible puisque, dès le départ, les recettes affectées étaient clairement insuffisantes.

La pérennité du régime de sécurité sociale des exploitants agricoles ne peut être assurée que par la solidarité nationale. Avez-vous fait examiner les différentes solutions possibles de financement et d'équilibrage du FFIPSA telles que la compensation démographique, la TVA, la reprise de la dette par la caisse d'amortissement de la dette sociale ou encore l'adossement au régime des indépendants ? Ou bien comptez-vous, une de fois de plus, renvoyer cette question à un groupe de travail ?

Par ailleurs, il est regrettable que, près d'un an après sa création par le Parlement, le mode de fonctionnement de ce fonds n'ait toujours pas été défini.

Lorsque nous évoquons la question des retraites agricoles, ne perdons jamais de vue que nous sommes face aux retraités les plus faibles de notre système : sur 2 millions de retraités, 430 000 seulement touchent une retraite supérieure à 75 % du SMIC. Plus d'un million de retraités non-salariés de l'agriculture n'ont bénéficié d'aucune revalorisation.

Le gouvernement précédent avait mis en place et respecté un plan quinquennal de revalorisation, amorcé d'ailleurs sous le précédent ministre, M. Philippe Vasseur. Le budget pour 2005, comme ceux de 2004 et de 2003, aurait dû être l'occasion de franchir une nouvelle étape et de répondre à une véritable exigence de justice sociale. Malheureusement, vous avez, une fois de plus, renvoyé l'examen de ce dossier à un groupe de travail.

La seule action notable du gouvernement actuel porte sur la mensualisation des retraites, qui est prévue par l'article 105 de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites. Elle était nécessaire, je vous le concède bien volontiers. En revanche, contrairement à ce que votre majorité affirme trop souvent, la retraite complémentaire a été adoptée sous le gouvernement Jospin, grâce à la proposition de loi de mon collègue Germinal Peiro.

A défaut de plan programmé, comment comptez-vous atteindre l'objectif, si souvent annoncé, d'une retraite équivalente à 75 % voire 85 % du SMIC annuel pour une carrière complète, alors que près de 1,5 million de retraites n'atteint que 30 % ou 40 % du SMIC ?

Par ailleurs, trop de problèmes restent en suspens : les nouvelles dispositions concernant les pensions de réversion qui en font une allocation différentielle soumise à condition de ressources et révisable chaque année, la pension des conjoints des chefs d'exploitation et des aides familiaux, l'extension de la retraite complémentaire obligatoire à ces mêmes conjoints et aides familiaux au prorata de leurs carrières - je vous rappelle, monsieur le ministre, que votre majorité réclamait avec véhémence cette mesure en 2001, lors du débat parlementaire - la révision du statut des polypensionnés pour prendre en compte le montant total de leurs diverses pensions, la réduction des taux de minoration en cas de carrière incomplète, enfin, les conditions exorbitantes de rachat des périodes accomplies en qualité d'aide familiale à partir de quatorze ans.

Ainsi, l'étude des crédits prévus pour 2005 en faveur de l'enseignement et de la retraite agricoles montre clairement que ce budget ne prépare pas suffisamment l'avenir. Il n'apporte pas une reconnaissance suffisante aux générations qui ont permis à notre agriculture d'être l'une des plus performantes.

Le débat que vous avez lancé en vue de l'adoption d'une loi de modernisation agricole ne peut ni masquer ni occulter ces insuffisances. Dans la note de présentation de ce débat, il est annoncé « qu'il semble nécessaire de redéfinir la place de l'agriculture dans notre société, en lui redonnant une ambition et des perspectives. » Malheureusement, ce budget pour 2005 consacré à l'agriculture manque cruellement d'ambition et de perspectives.

Malgré toutes ces critiques, monsieur le ministre, je vous souhaite bon vent dans vos nouvelles fonctions ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Bailly.

M. Gérard Bailly. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous étions nombreux, voilà quelques mois, à nous interroger sur la consistance du budget de l'Etat, en particulier celui de l'agriculture, vu l'endettement important de notre pays : environ 15 000 euros par habitant.

Nous constatons que ce budget pour 2005 est en reconduction, malgré le contexte d'économies budgétaires.

Pour aider l'agriculture française à affronter toutes les mutations qui se préparent, vous avez renforcé l'enseignement et la recherche agricole de 26 millions d'euros supplémentaires, avec une création nette d'emplois de plus de cent postes. Ce geste est très positif.

J'apprécie votre soutien à l'enseignement privé, dont les crédits étaient à la traîne ces dernières années. II est indispensable que nos jeunes disposent d'une offre variée de formations qui répondent à leurs attentes.

Parmi les priorités, vous nous proposez l'instauration d'un fonds unique pour les bâtiments d'élevage. Ce dispositif est le bienvenu pour les agriculteurs qui doivent moderniser leurs installations.

Les investissements sont souvent lourds, surtout en zones de montagne. L'accroissement des crédits de 35 millions à 80 millions d'euros est significatif. Ceux-ci devraient atteindre une centaine de millions en 2006, ce dont je me réjouis. J'espère seulement que la part des crédits « bâtiments d'élevage » réservés aux zones de montagne sera équitablement répartie.

Les agriculteurs apprécieront aussi le guichet unique regroupant l'ensemble des aides. Ils sont vraiment demandeurs de procédures simplifiées. En effet, la complexité administrative, qui, hélas ! ne va pas décroissant, les décourage.

Je suis heureux que l'on privilégie les bâtiments en bois, compte tenu des quantités de bois disponibles sur les marchés, alors que flambe le prix de l'acier.

Puisque nous évoquons les zones de montagne, en tant que représentant d'un département en grande partie situé dans ces zones, je me félicite de la revalorisation de 50 % des indemnités compensatoires de handicap naturel, les ICHN, sur la durée de la législature. C'est une mesure forte !

Cette aide permet le maintien de petites exploitations en zones de montagne et constitue un complément substantiel de revenu. Elle compense, et c'est bien normal, les handicaps et les surcoûts dus au climat, à la pente et à l'isolement.

Je souhaite, moi aussi, que soit accordée la dotation supplémentaire de 16 millions d'euros nécessaire, cette année, pour atteindre l'objectif.

Parler de vie des territoires de montagne, c'est naturellement parler d'agriculture et, chez nous, de filière laitière. Or vous n'ignorez pas, monsieur le ministre, les difficultés auxquelles sont confrontés nos producteurs de lait et les inquiétudes qu'ils manifestent.

Un accord est intervenu dernièrement pour stabiliser la baisse des prix. Pour autant, vous savez bien que cette baisse des prix du lait due à la réforme de la PAC n'est compensée qu'en partie, ce qui risque d'entraîner la disparition d'un certain nombre d'éleveurs. Sur tout le territoire, le nombre de producteurs laitiers français devrait passer de 120 000 aujourd'hui à 70 000 dans dix ans. Une très grande vigilance sur les cours des produits de la filière laitière s'impose.

J'en profite pour évoquer les AOC, qui font la richesse de notre terroir. Monsieur le ministre, comment comptez-vous sensibiliser les nouveaux pays entrants dans l'Europe à la pérennisation des AOC ? Il s'agit de spécificités qui permettent, bien souvent dans des secteurs difficiles, d'obtenir une meilleure rentabilité, laquelle est indispensable au maintien des producteurs sur ces territoires. Il ne faudrait pas que l'Europe conduise à une dilution de la qualité en vue d'une harmonisation des produits par le bas.

En lien avec la filière laitière et les éleveurs, j'évoquerai le problème de la grande distribution et des marges. Dans le cas du lait, on sait bien qu'il serait trop facile de tenir pour seuls responsables les transformateurs et les industriels de la filière, puisqu'ils sont eux-mêmes soumis en permanence à la menace de se voir exclus des références des enseignes de la grande distribution. Cela détermine la survie non seulement des différents milieux agricoles et du modèle d'agriculture que nous souhaitons préserver, mais aussi du modèle d'alimentation auquel les consommateurs sont attachés, qu'il s'agisse de la qualité ou, naturellement, de la sécurité alimentaire.

Les Français sont attachés à la diversité et à la qualité de nos productions, mais la recherche perpétuelle du prix le plus bas ne va pas dans ce sens, bien au contraire.

Il faut vraiment prendre en compte, monsieur le ministre, cette pression permanente de la grande distribution sur les prix. Afin de lutter contre les abus, il convient aussi de songer à un encadrement des marges. Votre prédécesseur, M. Gaymard, avait été l'un des premiers à émettre l'idée d'un contrôle des marges. On n'en entend plus guère parler. Si l'on fait baisser les prix de la grande distribution sans contrôler ses marges, je suis convaincu que ce sont les producteurs qui en feront les frais.

Monsieur le ministre, en vingt-cinq ans, les prix payés aux producteurs en monnaie constante ont baissé de moitié, alors que les prix des produits alimentaires n'ont pas diminué. C'est pourquoi nous attendons que l'on débouche sur des négociations qui tiennent compte de l'ensemble de la chaîne de la distribution, du producteur au distributeur, en préservant les intérêts des producteurs et des structures de transformation.

Pour favoriser l'installation des jeunes agriculteurs sur notre territoire, il faut leur faciliter la vie. Les éleveurs ne peuvent plus, ne veulent plus travailler, comme leurs aînés, 7 jours sur 7 et 365 jours par an.

Parfois, des accidents et des maladies provoquent malheureusement, dans certaines exploitations laitières individuelles, de véritables drames. C'est pourquoi il faut favoriser les services de remplacement. Mais les jeunes, les petits et moyens exploitants n'ont généralement pas les moyens suffisants pour solliciter ces services.

Le centre de gestion de mon département vient de publier le revenu de l'échantillon de 616 exploitations suivies. Résultat : 12 456 euros par unité de travailleur, soit 80 950 francs par an ou 6 740 francs par mois. Quant aux producteurs qui produisent moins de 150 000 litres de lait, leur revenu est inférieur à 10 000 euros.

Les prix des services de remplacement sont élevés et, là comme ailleurs, les 35 heures ont tout compliqué. Il est donc impératif d'envisager des allégements de charges pour les employés des services de remplacement en agriculture. Ce serait vraiment faire oeuvre sociale.

En tant que Jurassien, je ne peux manquer d'évoquer les problèmes inquiétants que rencontrent les communes forestières et les propriétaires forestiers. Ces derniers sont nombreux dans le département à connaître des difficultés du fait de la baisse des prix de ces dernières années. Cette baisse est liée à la tempête, à laquelle s'ajoutent les dégâts provoqués par la sécheresse de l'été 2003. Cette sécheresse a favorisé le développement des scolytes, qui rendent les bois pratiquement invendables. Dans certaines communes, le cubage détruit par ces insectes a été aussi important que celui qui a été détruit en 1999. Ces communes ne peuvent plus assurer leurs dépenses de fonctionnement. J'aimerais, monsieur le ministre, que vous puissiez les rassurer.

Je ne peux pas ne pas évoquer rapidement la réforme de la PAC avec la mise en place des droits à paiement unique et de la modulation des aides, qui vont profondément modifier le métier d'agriculteur. Etant donné les changements que cela va impliquer, il faut instituer, dans chaque département, un comité de pilotage pour suivre les effets de cette modulation et comprenant, naturellement, l'Etat, les organisations agricoles et les collectivités territoriales. Mais je sais que nous aurons l'occasion d'en reparler en 2005, lors de l'examen du projet de loi de modernisation agricole.

En conclusion, j'approuve tout à fait votre engagement résolu en faveur des biocarburants. Cette mesure permettra, je l'espère, de remplacer des jachères - il y en a plus d'un million d'hectares dans notre pays -, elle fournira de nouveaux débouchés pour nos agriculteurs et elle permettra la création d'emplois. Les céréales peuvent également être utilisées pour la production d'énergie de chauffage.

Je me félicite également de l'assurance récolte, qui arrive vraiment à point pour faire face aux aléas climatiques.

Monsieur le ministre, ce budget dégage de bonnes priorités dans un contexte difficile. Je le soutiendrai ; je vous soutiendrai résolument. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Soulage.

M. Daniel Soulage. Tout d'abord, monsieur le ministre, permettez-moi de vous féliciter de votre arrivée à la tête d'un ministère qui m'est cher en tant qu'agriculteur et élu du monde rural. C'est un ministère difficile et exigeant, mais également gratifiant, car sa mission est de contribuer au maintien de l'économie, donc de la vie dans nos territoires.

L'agriculture est l'activité qui, historiquement, structure les régions et les paysages français. Chez moi, ce sont les vergers qui font le paysage, qui soulignent le passage des saisons. Si je vous en parle, c'est parce que j'espère que cela va continuer encore longtemps, mais la situation actuelle de la filière des fruits et légumes est préoccupante.

Je sais que nous sommes nombreux à vouloir nous exprimer. Aussi vais-je centrer mon propos sur les crises récurrentes que traverse la filière des fruits et légumes. J'interviendrai par ailleurs sur la mise en place d'une assurance récolte, qui est une priorité symbolique de ce projet de budget pour 2005.

La filière des fruits et légumes emploie directement quelque 650 000 personnes, du stade de la production à celui de la distribution. Cela fait d'elle le premier employeur agricole, avec la viticulture.

Or cette filière traverse une crise structurelle grave. Chaque année, le Gouvernement pare au plus pressé, si je puis dire, il colmate les plus grosses fissures, mais rien n'est fait pour aider et soigner en profondeur cette filière, qui ne bénéficie notamment d'aucun financement européen.

Cette année encore, votre prédécesseur a débloqué des aides d'urgence non négligeables en faveur des producteurs : 10 millions d'euros d'aides directes de trésorerie aux agriculteurs, 10 millions d'euros à l'ONIFLHOR pour engager des actions structurantes, 50 millions d'euros pour des prêts de consolidation et 1 million d'euros pour une prise en charge de cotisations de la Mutualité sociale agricole.

Cependant, si l'intention est louable, cela reste largement insuffisant.

A titre d'exemple, pour le département du Lot-et-Garonne, on ne connaît pas à ce jour l'enveloppe de prise en charge des cotisations de la MSA, qui doit être répartie, mais début septembre, les besoins recensés s'élevaient à 500 000 euros, ce qui représente la moitié des crédits accordés par le ministre au niveau national. Une enveloppe supplémentaire sera inévitablement nécessaire.

Certes, aider les producteurs à étaler sur cinq ans les échéances bancaires et les cotisations sociales agricoles est important, mais ne vaut-il pas mieux agir avant qu'ils ne soient pris à la gorge, avant qu'ils ne se posent la question, comme c'est le cas chaque année, de savoir s'ils continuent de planter, de produire, ou s'ils abandonnent ?

Afin de mettre fin à ce cercle vicieux, nous nous devons d'agir sur un certain nombre de points sensibles, que je souhaite vous exposer.

Premier point : depuis quarante ans, la consommation de fruits et de légumes diminue au profit des produits manufacturés. Dès lors, les débouchés commerciaux pour les produits de cette filière diminuent. En outre, et c'est beaucoup plus grave, se pose un problème de santé publique. L'INSEE estime que, en 2020, 20 % de la population française sera obèse. L'Organisation mondiale de la santé et l'Union européenne ont fait chacune des recommandations pour que la consommation des fruits et des légumes soit vivement encouragée. C'est un point que le Président de la République a également abordé lors de la présentation du plan anticancer.

Monsieur le ministre, les crédits actuels sont insuffisants : l'interprofession doit bénéficier de moyens financiers importants, notamment européens, pour pouvoir communiquer. En effet, en relançant la consommation des fruits et des légumes, nous aiderons les producteurs et nous participerons activement à la politique de santé publique que conduit le Gouvernement. Rappelons qu'à ce jour, entre les budgets publicitaires de l'interprofession et ceux d'un grand groupe agroalimentaire, il y a un rapport de 1 à 35.

Le deuxième point que je souhaite évoquer concerne le coût de la main d'oeuvre : en France, le coût d'un travailleur saisonnier est de 8,32 euros en moyenne à l'heure, contre 6,15 euros en Allemagne, soit une différence d'un peu plus de 2 euros. Il nous faut agir sur ce levier. A cet égard, le Sénat avait adopté, lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2005, un amendement proposé par mon collègue Jean-Marie Vanlerenberghe sur l'extension des dispositions du « contrat vendanges » à toutes les activités de récolte. Malheureusement, la commission mixte paritaire est revenue sur ce point. Mais j'espère que nous pourrons en reparler lors de l'examen du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux et trouver des moyens pour redonner de la compétitivité à nos producteurs.

Les distorsions de concurrence proviennent aussi du fait que la législation française concernant les intrants, qu'ils soient chimiques ou non, est nettement plus sévère que celle d'autres pays européens. II est inconcevable qu'à l'heure où s'ouvre le marché mondial nous ayons à souffrir non seulement de la concurrence des pays tiers, mais également, et surtout, de celle de nos plus proches voisins.

J'en viens à mon troisième point, les crédits destinés aux exploitations légumières et fruitières. Aujourd'hui, avec l'arrivée des pays de l'Est, nos exploitations ont besoin d'un plan d'adaptation structurel prenant en compte l'économie, l'environnement et le social. Il s'agit d'élaborer un produit de qualité et d'être compétitif, tout en respectant les règles environnementales et en maîtrisant les intrants.

La profession travaille sur ce sujet en liaison avec votre ministère, monsieur le ministre, pour que des mesures soient prévues dans le PDRN.

L'entrée de l'Espagne a été accompagnée par des dispositions très importantes, notamment des financements européens au niveau du programme intégré méditerranéen, qui ont été complétées à l'échelon national en 1992 et en 1993.

Aujourd'hui comme hier, nous avons besoin de mesures d'accompagnement pour les agriculteurs.

Le dernier levier sur lequel il nous faut réfléchir et agir concerne la difficile régulation économique du marché. A cet égard, je suis ravi que M. Gaymard soit notre nouveau ministre de l'économie, des finances et de l'industrie Il connaît très bien le sujet et je suis sûr qu'il n'oubliera pas les agriculteurs. Si tel était le cas, je sais, monsieur le ministre, que vous lui rappellerez son passage au ministère de l'agriculture et à quel point sont inégales, voire injustes, les relations entre les petits producteurs et la grande distribution.

Coefficient multiplicateur, prix minimum, mécanisme de cliquet, aucune solution n'est aujourd'hui définitivement arrêtée sur le sujet. Je sais que Christian Jacob, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat, a été chargé d'étudier cette question d'un point de vue global.

Considérant les difficultés particulières de cette filière, j'ai proposé à M. Emorine de créer, au sein de la commission des affaires économiques, un groupe de travail sur les fruits et légumes. Je le remercie d'avoir répondu favorablement à ma suggestion, ainsi que Gérard César. Ce groupe de travail sera constitué mardi prochain. J'espère que nous saurons, avec mes collègues et les acteurs de la filière, dans un esprit constructif, être une force de proposition sur ce sujet sensible et complexe.

Je ne vous cache pas, monsieur le ministre, que je suis inquiet, d'autant que la marge de manoeuvre laissée par le projet de budget pour 2005 est très étroite. Les crédits sont reconduits, mais il faut y ajouter les reports prévus dans la loi de finances rectificative pour avoir le compte ! Dès lors, comment financer des actions supplémentaires ?

Les aides conjoncturelles accordées par votre prédécesseur s'avéreront rapidement très insuffisantes pour bon nombre d'entreprises. Dans ce contexte, comment trouverez-vous des crédits pour venir au secours des plus fragilisées d'entre elles ?

A compter de 2005, le dispositif communautaire de gestion des crises devrait être en place à partir du financement prélevé sur la modulation : 3 % de modulation, dont 1 % pour les crises. Si tel est le cas, vous aurez l'obligation d'apporter une contrepartie financière nationale à ce dispositif. Où comptez-vous trouver ces crédits ?

Monsieur le ministre, même si ce budget ne me donne pas entière satisfaction, je le voterai parce que je pense que votre prédécesseur a été un bon ministre de l'agriculture. Il a, en particulier, sorti la France de son isolement au niveau international et il s'est battu avec beaucoup d'énergie pour défendre l'agriculture française.

Je le voterai également parce que j'ai confiance en vous ; je connais votre courage et votre savoir-faire. Je sais que vous aussi, monsieur le ministre, vous vous battrez pour défendre notre agriculture, avec le concours de M. Forissier.

M. Dominique Bussereau, ministre. Absolument !

M. Daniel Soulage. La conjoncture, qu'elle soit européenne ou mondiale, ne vous facilitera pas les choses. Il vous faut d'ores et déjà être très attentif à la suspension des aides à l'exportation et de certaines aides qui entraînent des distorsions de concurrence, ainsi qu'à la contestation des indications géographiques protégées, ce qui constituerait une catastrophe pour notre agriculture.

Je souhaite vivement qu'avec l'appui du Gouvernement et du Président de la République vous puissiez trouver les moyens de redonner confiance à nos agriculteurs. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, étant la dernière à intervenir pour mon groupe, je ne parlerai que de l'enseignement agricole, les autres points ayant été abordés par MM. Coquelle et Le Cam.

Le volet enseignement technique agricole et le volet enseignement supérieur et recherche du budget de l'agriculture sont crédités de 2 % d'augmentation, dans un budget lui-même en baisse globale de 1,8 %. Un examen un peu plus approfondi de ces chiffres laisse apparaître un traitement différencié entre l'enseignement public, qui accueille environ 40 % des effectifs, et l'enseignement privé, qui en reçoit 60 %.

En ce qui concerne les emplois, tout d'abord, 90 postes sont supprimés dans le secteur de l'enseignement public, notamment dans le domaine de l'éducation physique et sportive, ce que je déplore vraiment.

Sur les 30 postes annoncés de directeur adjoint d'EPL, 22 sont effectivement créés, mais par suppression d'emplois d'ingénieurs.

Depuis le budget de 2003, cela porte à près de 300 le nombre d'emplois supprimés et nous avons assisté à la fermeture d'une centaine de classes. En effet, la fixation d'un effectif maximal dans les classes pour éviter les dédoublements conduit de nombreux établissements à refuser d'accueillir des élèves, et ce au profit de l'enseignement privé.

J'en viens aux augmentations de crédits pour l'enseignement technique public. Elles sont notamment liées à des évolutions mécaniques concernant la revalorisation des rémunérations et des prestations familiales, à la cotisation patronale du jour férié supprimé et, enfin, au financement du régime de retraite complémentaire.

La LOLF contribue également à l'effet trompe-l'oeil de ces crédits par des transferts de chapitre à chapitre.

Par contre, la suppression des aides aux manuels scolaires et aux stages, secteurs public et privé confondus, ne contribue pas à faciliter la vie des familles et des élèves. Enfin, la baisse de 2 millions d'euros de crédits d'aide sociale affecte particulièrement la situation des bourses accordées aux familles.

Le secteur privé bénéficie, quant à lui, d'un traitement de faveur puisque la revalorisation des subventions aux différentes fédérations engendre une hausse de 5 % des crédits pour l'enseignement technique et de 10,5 % pour l'enseignement supérieur.

M. Nicolas Forissier, secrétaire d'Etat à l'agriculture, à l'alimentation, à la pêche et aux affaires rurales. C'est l'application des lois Rocard !

Mme Annie David. Il faut toutefois préciser que, s'agissant des maisons familiales rurales, les MFR, et de l'Union nationale rurale d'éducation et de promotion, l'UNREP, l'accord signé le 26 juillet 2004 prévoit le rattrapage du coût de formation au titre de l'année 2002, comme l'a expliqué Mme Férat ce matin, lors de son intervention.

On ne peut que se réjouir de l'augmentation des crédits de l'enseignement supérieur, mais il faut la relativiser dans la mesure où elle est essentiellement due au transfert de 88 emplois du Centre national du machinisme agricole, du génie rural, des eaux et des forêts, le CEMAGREF, et de 22 emplois d'ingénieurs thésards dans ce budget. Là encore, deux poids et deux mesures : 1,96 million d'euros est affecté à l'enseignement supérieur privé et 0,5 million d'euros au public.

Montré comme exemplaire au travers des différents rapports, l'enseignement agricole porte pourtant de multiples faiblesses : taux d'encadrement souvent trop faible, recrutement insuffisant par concours de postes de titulaires, débouchés incertains, notamment dans le domaine de l'environnement, mise aux normes impératives en particulier dans le privé.. Faute de temps, je m'arrête là, mais la liste n'est pas exhaustive !

En conclusion, monsieur le ministre, mes chers collègues, la tentation est grande, au travers du caractère dit exemplaire de cet enseignement, au regard des bons résultats, de la proximité, de l'alternance et du rôle d'intégration sociale, de transposer à l'ensemble des formations professionnelles ce schéma, ce qui risquerait d'enfermer de nombreux jeunes dans un moule peu évolutif et adapté uniquement aux besoins du patronat.

Tout cela nous promet de vifs débats lors de la discussion du projet de loi d'orientation pour l'avenir de l'école ou de celle sur le projet de loi de modernisation agricole ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Paul Raoult.

M. Paul Raoult. Monsieur le ministre, j'ai le sentiment que la ferme « France » va mal ; les agriculteurs sont perplexes, fatalistes devant les difficultés, les inconnues qu'ils ont devant eux. L'inquiétude et la peur de l'avenir sont fortes, mais votre budget, globalement à la baisse, ne peut leur rendre espoir et courage.

Ce qui me frappe, c'est le manque de volonté politique. Ce budget au fil de l'eau essaie de colmater des brèches béantes, ici ou là, mais, au nom de la maîtrise budgétaire, il n'y a plus de grande politique publique de l'agriculture.

La baisse des crédits est significative dans divers domaines. Elle se traduit par une diminution de 39 millions d'euros dans celui des offices et cette baisse affecte les contrats d'agriculture durable, les CAD, les mesures agro-environnementales, les MAE, les contrats territoriaux d'exploitation, les CTE, la prime à l'herbe. La diminution des crédits dans l'enseignement agricole est un signe tangible de ce renoncement.

Par conséquent, vous vous résignez à une pure logique économique : on se contente de faire confiance aux marchés, aux opérateurs privés. Le pire, c'est que l'évolution de la PAC risque de renforcer cette tendance par la mise en oeuvre du découplage, c'est-à-dire la suppression des prix garantis. Je crains que cela ne cache en réalité l'affaiblissement du poids global des aides directes qui venaient en compensation de la baisse des prix.

On voit bien, finalement, que le poids de la France, dans une Union européenne à vingt-cinq, lorsqu'il s'agit de défendre la politique agricole commune au bénéfice de notre pays, diminue fortement.

Je ne pense pas que cette ouverture à pas forcés vers le marché mondial sauvera notre agriculture, d'autant que les Etats-Unis ne jouent toujours pas le jeu et qu'ils sont les premiers à protéger leurs agriculteurs. Céder à la pression du groupe de Cairns conduira à la faillite de notre agriculture.

Si nous ne réagissons pas, monsieur le ministre, sans vouloir pronostiquer une évolution catastrophique, de 590 000 agriculteurs aujourd'hui, nous aboutirons à 120 000 agriculteurs dans vingt-cinq ans.

Ils étaient 1 588 000 en 1970, 1 017 000 en 1988. Si vous suivez cette ligne, vous comprendrez que c'est la quasi-disparition des petites et moyennes exploitations qui nous attend à l'orée de ces vingt-cinq ans.

Les exploitations continuent de disparaître à la vitesse de 3 % ou 4 % l'an et la faiblesse du volume des aides à l'installation ne peut contrecarrer cette évolution. Nous avons distribué jusqu'à 13 000 dotations aux jeunes agriculteurs, en 1999 ; en 2002, nous en avons attribué à peine 6 000.

Cela conduit à une bipolarisation de l'espace agricole, dans un schéma déprise-intensification, qui n'est pas souhaitable pour notre pays en termes d'aménagement agricole.

On constate une diminution des surfaces cultivées : de 1988 à 2000, nous avons perdu plus de 740 000 hectares de surface agricole utilisée. De fait, les conséquences environnementales sont mal maîtrisées et le scénario catastrophe est toujours possible.

On constate une standardisation des territoires, des paysages et des produits. N'a-t-on pas atteint une rupture des équilibres en termes de perte de richesse de la biodiversité, par exemple dans les races, à travers l'érosion des sols, la diminution de la qualité des eaux et de celle des sols, notamment par la perte en humus de ces mêmes sols ?

Face à cette situation, monsieur le ministre, il est temps de réagir. On ne peut transformer 80 % du territoire de la France en vaste parc naturel, avec un développement de la friche agricole et de la forêt, qui couvrent déjà 30 % de la surface de notre pays. On doit pouvoir collectivement résister, casser le modèle intensif. Un autre scénario est possible.

Sinon, le consensus social et politique qui existe autour de nos agriculteurs depuis une quarantaine d'années va disparaître en raison de votre désengagement financier et réglementaire et conduire à une crise identitaire dangereuse pour la République.

On doit pouvoir faire une France agricole de haute qualité environnementale, dans le cadre de débats environnementaux pacifiés.

Favoriser une agriculture de proximité ou « bio », ou raisonnée, en imposant des règles environnementales plus strictes sur les phytos, par exemple, soutenir l'identité des terroirs avec des circuits courts, porter plus d'attention aux territoires dans leur diversité, par le développement des labels, des appellations d'origine contrôlée, par des contrats territoriaux plus soutenus, n'est-ce pas le meilleur moyen de lutter contre les délocalisations ? Je citerai l'exemple de la viande de bovin et d'ovin, mais, on le constate aujourd'hui, des achats de viande de lapin sont effectués en Chine.

Cette politique de labellisation serait aussi créatrice d'emplois et permettrait le développement d'une plus grande diversité de nos paysages et le maintien ou le développement des bocages, en particulier.

Je crois que l'agriculture est à la croisée des chemins. L'avenir est ouvert. Ce budget ne permet pas, pour le moment, d'emprunter ce nouveau chemin. C'est pourquoi je voterai contre.

Monsieur le ministre, prenez garde que la demande environnementale des consommateurs ne s'exprime demain avec davantage de force, dans un contexte politique mal maîtrisé. Le consommateur se montre de plus en plus vigilant et exigeant en matière de qualité. Il faut répondre à cette demande avec sérieux. En 2003, la consommation de produits sous label de qualité n'a représenté que 19 % de la consommation alimentaire des ménages français.

Tel est le pari fondamental que vous avez à relever. Aurez-vous la force et la volonté politique d'y répondre dans le cadre de la loi de modernisation agricole ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Gérard Le Cam. Ce n'est pas sûr !

M. le président. La parole est à M. Gérard César.

M. Gérard César. Je tiens tout d'abord à vous saluer, monsieur le ministre, et à vous dire combien nous sommes heureux de vous voir aujourd'hui à ce poste, d'autant que vous êtes l'élu d'un département viticole, voisin de la Gironde. (Sourires.)

'J'interviens en qualité de président du groupe d'études sénatorial « Vigne et vin ». Il m'apparaît, en effet, extrêmement important d'appeler votre attention sur la situation de la viticulture française et des viticulteurs.

La filière vitivinicole, fleuron du secteur agroalimentaire français, est actuellement confrontée à une crise importante, liée à la conjonction d'une concurrence accrue des vins du nouveau monde sur les marchés extérieurs, d'une difficulté de positionnement à l'exportation et d'une diminution tendancielle de la consommation de vins sur le marché français.

En outre, il ne faut pas oublier les calamités à répétition que l'année 2003 a connues - gel, grêle, sécheresse et canicule, - qui ont touché l'ensemble du territoire national et qui ont eu pour conséquences des baisses de rendement dans les exploitations viticoles, qui ont atteint 30 %, parfois plus.

La plupart des vignobles sont aujourd'hui confrontés à des conditions économiques très difficiles, mettant en péril la pérennité des exploitations et les nombreux emplois directs et indirects qu'elles représentent, soit 500 000.

Face à cette situation, il est impératif de prendre des mesures à court terme pour soutenir les exploitations : aides à la trésorerie, en particulier sur les emprunts et les cotisations sociales et foncières, adaptation de la fiscalité agricole et allégement des charges, ou encore versement accéléré des aides à la restructuration du vignoble.

Par ailleurs, des mesures urgentes doivent être mises en oeuvre pour assainir le marché dès cette campagne : le régime de stockage prévu par l'organisation commune des marchés, l'OCM, doit être encouragé et ouvert aux vins de qualité provenant de régions déterminées.

Après quelques années d'application de l'OCM réformée, on constate que les mécanismes mis en place sur le plan tant conjoncturel que structurel n'ont pas été d'une réelle efficacité et n'ont permis d'atteindre ni les objectifs d'équilibre entre l'offre et la demande ni ceux de soutien aux producteurs pour l'exploitation et le développement des marchés.

Il est urgent, en dehors de la politique de restructuration, précieuse pour nos vignobles, de mobiliser les crédits communautaires en faveur de la promotion et de la communication. C'est largement préférable à une politique qui vise à soutenir la destruction d'une part importante de la production. Sur un budget de 1,7 milliard d'euros, l'Union européenne consacre entre 300 millions et 400 millions d'euros à la distillation, hors prestations viniques, et seulement 10 millions d'euros à la promotion.

Il apparaît impératif de renforcer les mesures structurelles, afin que la filière vitivinicole puisse s'adapter aux exigences des marchés d'un point de vue à la fois quantitatif et qualitatif.

Une réforme en profondeur s'impose au travers d'un soutien positif à nos productions. L'avenir de celles-ci dépend avant tout de la capacité de nos filières régionales à définir les solutions les plus adaptées à leur développement. Le ministre de l'agriculture et le secrétaire d'Etat sont, pour leur part, chargés d'appliquer les propositions régionales, qui doivent être cohérentes avec les bassins de production et être formulées en partenariat étroit avec les interprofessions régionales.

L'amélioration de la qualité, vers laquelle tendent les efforts de nos viticulteurs, doit pouvoir être valorisée. A cet égard, la communication sur nos vins et leur promotion revêtent une importance grandissante.

C'est précisément dans ce domaine que les viticulteurs sont en droit d'attendre un soutien des pouvoirs publics pour faire connaître leurs produits, reflets de la passion d'un métier qui allie l'homme et la terre.

De plus, ne confondons pas, à l'image des Espagnols, le vin et l'alcool !

A la vue d'une publicité sur l'alcool parue hier dans un journal du soir (M. Gérard César brandit un encart publicitaire faisant la promotion d'une marque de whisky.), je m'interroge, alors que l'on veut interdire la publicité sur le vin ! Je trouve qu'il y a deux poids et deux mesures ! De surcroît, les moyens financiers des viticulteurs ne sont pas ceux des producteurs d'alcool. Voilà ce que je dénonce, monsieur le ministre ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)

M. Bernard Murat. Vive le vin français !

M. Gérard César. La qualité des vins français est un véritable patrimoine et leur force repose essentiellement sur les notions de terroirs et de typicité des produits.

La grande diversité de nos vins fait leur succès mondial. Elle sert l'image touristique et culturelle de notre pays. Elle contribue de manière non négligeable à l'excédent de notre balance commerciale. Rappelons que les exportations de vin représentent 6 milliards d'euros !

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, la filière vitivinicole cherche un nouveau souffle dans la libéralisation des moyens de promotion du vin. Mes collègues députés, sénateurs, les viticulteurs et les ministères concernés se sont engagés à mener un certain nombre d'actions pour valoriser une consommation raisonnable et responsable, dans le cadre du livre blanc consacré à la place du vin dans la société, que nous avons remis le 28 juillet dernier à M. le Premier ministre. Où en est la création du conseil de la modération ? Quand sera-t-il mis en place ?

Comme vous le savez, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, l'ensemble des organisations syndicales viticoles, la FNSEA et les jeunes agriculteurs, les interprofessions et les parlementaires ont appelé à une journée d'ampleur nationale, demain mercredi 8 décembre, pour sensibiliser le Gouvernement et l'opinion publique à la réalité de leurs difficultés.

Les viticulteurs réclament non seulement des mesures à court terme devant leur permettre de passer cette crise, mais également, et surtout, une véritable politique de gestion des marchés et d'aide à la promotion de leurs produits, et non des campagnes financées par l'Etat pour dénigrer le vin, campagnes au demeurant fort coûteuses ; plusieurs centaines de millions d'euros sont attribuées à l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé, l'INPES.

J'espère, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous saurez les écouter et que vous comprendrez leur message.

Il faut cesser de considérer que la lutte contre l'alcoolisme est incompatible avec la promotion de notre viticulture. Pour reprendre le thème d'une exposition en cours, je conclurai en disant que le vin, nectar des dieux, est le génie des hommes. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. M. César ne nous a pas dit :

« Ah ! verse-nous encore de ce vin de Bourgogne

« Qui fait rougir la trogne

« Et donne des rêves d'or. » (Exclamations et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)

Je n'ai rien trouvé sur le Bordeaux ! (Rires.)

M. Gérard César. Mais vous allez chercher, monsieur le président !

M. le président. La parole est à M. Jean Boyer.

M. Jean Boyer. Monsieur le ministre, je souhaite tout d'abord vous souhaiter pleine réussite dans vos nouvelles fonctions. Le 30 novembre dernier, vous avez remarquablement situé votre future mission, ainsi que l'exceptionnelle dimension des chantiers que vous aurez à conduire, en particulier celui de la loi de modernisation agricole. Les agriculteurs de France sont très sensibles à cette conception.

Chaque année, l'étude de ce budget de l'agriculture mobilise nos attentions, car nous savons tous la place que celle-ci a tenue hier, tient aujourd'hui et devra tenir demain.

Vous savez aussi qu'elle vit, depuis plusieurs décennies, des mutations successives. Nos agriculteurs doivent être prêts à y faire face et savoir réagir en permanence.

Nous savons tous que le temps où elle devait seulement nourrir le monde est révolu. Aujourd'hui, sa mission initiale est certes conservée, mais elle est aussi élargie à des actions qui contribuent à une amélioration de la qualité de la vie, y compris sur le plan alimentaire.

A présent, l'agriculteur est un chef d'entreprise. Il doit connaître précisément les décisions prises à Berlin, à Luxembourg ou à Cancun. L'agriculture française est liée au contexte mondial, dans lequel la France doit garder une place déterminante.

Nous avons la chance que l'actuelle génération d'agriculteurs soit active et performante. Son état d'esprit est sans cesse en évolution. Notre agriculture doit anticiper non seulement les besoins, mais également les aspirations de la société. Si un agriculteur est un producteur, il doit aussi être, de plus en plus, un gestionnaire avisé et perspicace.

Nos agriculteurs sont trop souvent noyés sous un flot de circulaires trop rigides, dont l'application sur le terrain manque parfois de bon sens. L'objet de certains contrôles - cela date non pas d'aujourd'hui, mais de plusieurs décennies - est plutôt de poser des obstacles que d'apporter des solutions. Ce n'est pas raisonnable ! Etre agriculteur en 2004 requiert de l'exigence. Il faut y croire et ne pas se décourager.

Elu d'un département de moyenne montagne, j'ai eu à connaître régulièrement des handicaps liés à la topographie, au parcellaire diffus, au potentiel productif limité et au climat plus rude, qui crée des contraintes supplémentaires. Cette agriculture-là ne demande pas des privilèges ; elle souhaite simplement une approche de parité.

En 1950, mon département comptait 24 000 exploitations agricoles. Elles ne sont plus aujourd'hui que 4 500. Dans certains villages du Massif central, le problème est non plus de trouver des terres disponibles, mais de vivre dans un village où l'agriculteur n'est pas et ne sera pas le dernier habitant permanent.

En l'absence de toute vie sociale possible, il est tenté de ne plus habiter sur place et, par conséquent, d'exploiter à distance. C'est très regrettable !

La France, comme d'autres pays européens, a connu ce que l'on appelle des friches industrielles. Aujourd'hui, certaines zones agricoles françaises sont en friches, de très nombreux bâtiments d'exploitations sont totalement abandonnés. Un volet « habitat » s'impose si l'on ne veut pas que les villages se vident de leurs hommes.

Rappeler les priorités, c'est vous dire, monsieur le ministre, la nécessité d'améliorer la dotation jeunes agriculteurs afin d'inciter à s'engager dans ce métier. Penser - peut-être avec un peu d'égoïsme ou de sensibilité au pays - à une revalorisation plus importante dans les zones dites de revitalisation rurale est vraiment nécessaire.

Si la prime à l'herbe a été très sensiblement améliorée, l'indemnité compensatoire de handicaps naturels mérite d'être de nouveau actualisée afin d'atteindre les indispensables engagements qui ont été pris.

En outre, la prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes, la PMTVA, suscite une certaine inquiétude. Cette dernière concerne plus particulièrement le calendrier de paiement pour 2004, qui risque de ne pas être respecté. La situation financière de certains éleveurs risque d'être fortement fragilisée, les empêchant de procéder, cet automne, au règlement des factures. N'oublions pas non plus que le versement en deux paiements de cette prime sur une année civile risque de poser des problèmes sur le plan fiscal.

Je complète mon propos en me félicitant que, depuis le 1er janvier 2004, le paiement de la retraite agricole s'effectue mensuellement. Mais cette mensualisation pose un problème. J'ai, à plusieurs reprises, appelé l'attention du secrétaire d'Etat au budget et celle de votre prédécesseur Hervé Gaymard, monsieur le ministre. En 2004, un agriculteur percevra quatorze mois de retraite et, s'il a la chance d'avoir encore son épouse, il bénéficiera de quatre mois supplémentaires. Les revenus qu'il touchera durant ces quatre mois supplémentaires risquent d'être le véritable détonateur d'un assujettissement à l'impôt sur le revenu ou d'un changement de tranche. C'est très important et les agriculteurs attendent une réponse, monsieur le ministre.

Nous avons apprécié l'effort qui a été réalisé récemment en faveur des bâtiments d'élevage, particulièrement en zone de montagne, où des surcoûts sont inévitables.

La production laitière en zone de montagne est également confrontée à des surcoûts, la densité de collecte étant très faible par rapport à la moyenne nationale. Elle est parfois assurée dans des conditions difficiles. Il faudra envisager très rapidement, comme par le passé, une compensation de ces surcoûts, afin de maintenir la vocation laitière de ces zones de montagne.

En effet, pour la première fois depuis de nombreuses années - c'est un phénomène très surprenant, mais réel -, des jeunes arrêtent la production laitière. Le lait était le salaire du paysan. Mais, aujourd'hui, produire du lait demande de l'exigence et cette activité a des répercussions tant humaines que sociales. La traite devant être effectuée tous les jours, elle ne laisse que peu disponibilités à l'agriculteur et ne lui permet pas de prendre des vacances comme la plupart des Français.

Monsieur le ministre, dans nos zones de montagne, l'élevage est indiscutablement une pièce maîtresse, indispensable à la survie d'une activité économique complémentaire aux aspirations touristiques et environnementales.

Les installations doivent reposer sur des bases solides, garantes de la pérennité de cette agriculture en mutation permanente.

Monsieur le ministre nous avons conscience que votre mission est lourde. Votre prédécesseur avait démontré, outre son exceptionnelle capacité de travail, une compétence et une conviction qui avaient rallié la confiance d'une grande partie des agriculteurs de notre pays.

Nous savons, au regard de vos actions précédentes, qui ont été appréciées, que vous irez dans le même sens.

M. Dominique Bussereau, ministre. Merci !

M. Jean Boyer. L'agriculture est, certes, un domaine différent, mais nous connaissons vos compétences.

Avec la même conviction, je continuerai donc à soutenir avec énergie et détermination l'action que le Gouvernement mène en faveur de notre agriculture. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Odette Herviaux.

Mme Odette Herviaux. Monsieur le ministre, c'est avec beaucoup d'intérêt que j'avais écouté la présentation faite par votre prédécesseur du projet de budget de l'agriculture. Que ce soit lors des débats à l'Assemblée nationale ou devant notre commission au Sénat, il a souvent plaidé pour un budget « en reconduction », selon ses propres termes, affirmant « qu'il est possible de lancer des actions nouvelles avec un budget en simple reconduction ».

Monsieur le ministre, vous semblez partager, et ce n'est pas une surprise, cette vision et cette analyse budgétaire. Mais notre agriculture ne peut pas, surtout en ce moment, se satisfaire de quelques actions prioritaires.

Même si l'on peut ne pas être d'accord sur les chiffres, il faut bien reconnaître qu'un budget traduit avant tout un choix politique.

Je ne reviendrai pas sur l'analyse globale des chiffres, car je conçois parfaitement que, lorsque les temps sont difficiles, on puisse parfois être tenté de maîtriser les dépenses. Mais je regrette que, cette année encore, le secteur agricole ne fasse pas partie des priorités nationales, malgré toutes les difficultés qu'il rencontre et sur lesquelles nombre de mes collègues, toutes tendances politiques confondues, ont insisté tout à l'heure.

Monsieur le ministre, comme l'avait dit votre prédécesseur, rien n'est plus menteur qu'un budget. Après avoir analysé les choix affichés pour 2005, je me permets de vous dire que je ne partage pas les orientations que vous souhaitez donner à notre agriculture.

En effet, si l'on examine ce budget attentivement, on s'aperçoit que de nombreux secteurs, qu'il s'agisse des services, de la régulation des marchés, de la gestion organisée et solidaire des crises et des calamités, de la solidarité générationnelle, de la réorientation vers une agriculture de qualité, durable et liée aux territoires, ou des contrôles pour la santé et la sécurité alimentaire, voient leurs crédits diminuer.

Je ne prendrai que quelques exemples.

Tout d'abord, comme en 2004, la baisse des crédits d'intervention des offices nationaux interprofessionnels se poursuit : ils diminuent de 39 millions d'euros, soit une baisse de 6,2 %. Votre budget affaiblit donc encore une fois les politiques d'orientation économique ou de promotion des productions de qualité, dont notre agriculture a pourtant tant besoin.

Avec ce budget, l'OFIVAL et l'ONIFHLOR vont devoir se contenter des seuls accompagnements de crises et abandonner les mesures structurelles d'organisation du marché.

Vous proposez d'accompagner cette évolution en créant, d'une part, un organisme payeur autour de l'ONIC et de l'ACOFA et, d'autre part, trois offices sectoriels : végétal pour l'ONIC, l'ONIOL, et le FIRS ; animal pour l'OFIVAL et l'ONILAIT ; spécialisés pour l'ONIFLHOR et l'ONIVINS.

Ces offices joueront un rôle d'observatoire, de concertation et d'élaboration de statistiques, mais avec 250 emplois en moins à la clé !

Je regrette d'ailleurs que, sur un sujet aussi primordial, nous n'ayons pas beaucoup entendu les représentants de la profession. Peut-être étaient-ils, dans un premier temps, plus préoccupés par le maintien des conseils de direction par filière.

Cette évolution risque également de compromettre l'avenir agricole du CNASEA. Alors que la ligne de partage précédente existe toujours, l'ONIC étant le premier pilier de la PAC et le CNASEA, le second, vous proposez d'attribuer désormais toutes les aides à la surface à l'ONIC et les aides aux exploitations au CNASEA. Pourtant, nous savons bien que le paiement unique et les nouvelles aides de la PAC sont désormais essentiellement basés sur un critère de surface.

Monsieur le ministre, pensez-vous qu'il y ait encore un avenir pour le volet agricole du CNASEA, alors que l'on ne subventionne et que l'on n'instruit que quelques dossiers ? Les dotations d'installation aux jeunes agriculteurs, les contrats d'agriculture durable, les indemnités compensatrices pour handicap naturel et les primes herbagères agro-environnementales, toutes ces aides sont en baisse.

Il y va de l'avenir de 1 600 agents et des 500 agents sur les 1 000 travaillant dans les ADASEA et qui sont très inquiets.

Actuellement, le rapport entre l'agriculture, l'emploi et la formation professionnelle varie de 30 % à 70 %.

Envisagez-vous, monsieur le ministre, de réduire ces interventions au seul champ des affaires sociales, sous la tutelle de la Direction générale de l'enseignement et de la formation professionnelle, et comptez-vous maintenir un conseil d'administration paritaire entre la profession agricole et l'Etat ?

Si l'on peut comprendre, globalement, les économies d'échelle et les restructurations nécessaires, encore faudrait-il que celles-ci s'effectuent dans un réel souci d'efficacité, et non pas de simple gestion comptable.

Nous savons bien, monsieur le ministre, qu'une intervention publique volontariste peut compenser les désengagements européens. L'ouverture à la concurrence aura de graves conséquences pour beaucoup d'agriculteurs.

Malgré tout, vous ôtez encore des moyens aux filières, que vous souhaitez par ailleurs mieux structurées afin de répondre aux crises actuelles. Or cette restructuration, qui nécessite des besoins importants, est parfois vitale dans une région comme la mienne, la Bretagne, qui cumule actuellement tous les problèmes puisque ceux-ci concernent à la fois les productions avicole, laitière, légumière et porcine.

Non seulement vous renoncez à tenter de réguler les marchés agricoles, mais, en plus, il semble que vous souhaitiez accentuer la logique libérale du compromis de Luxembourg.

Pour ce qui est de la solidarité nationale et de celle de la profession face aux calamités agricoles, le fonds national de garantie des calamités agricoles, n'est pas doté, comme en 2003 et 2004, alors que les problèmes climatiques sont de plus en plus fréquents.

Certes, vous mettez en place l'assurance récolte. Mais outre le fait que cette mesure fait l'objet de nombreuses critiques de la part des assureurs, elle traduit, là encore, le choix qui est le vôtre : vous préférez à la solidarité ou à la mutualisation un dispositif privé d'assurances, subventionné pour le moment, mais forcément lourd de conséquences, à terme, pour nos agriculteurs les plus défavorisés. Nombre d'entre eux ne pourront pas faire le choix d'une assurance volontaire, notamment ceux qui se sont installés récemment.

Il faut également rappeler que les crédits du fonds d'allègement des charges, ceux du dispositif « agriculteurs en difficulté » et ceux qui sont accordés au titre de la multifonctionnalité sont en réduction : seulement 5 millions d'euros pour la ligne AGRIDIF, un soutien quasi homéopathique aux ICHN, un objectif des CAD en régression et un financement des PHAE qui passe de 133 à 121 millions d'euros.

Je citerai un autre exemple : la baisse des moyens dans le domaine de la santé publique vétérinaire, en ce qui concerne tant le financement des actions que le personnel, risque de remettre en cause l'avenir sanitaire de nombreux élevages et, à terme, la sécurité des consommateurs.

Dans plusieurs départements, les directions départementales des services vétérinaires n'ont même plus les moyens de faire analyser leurs prélèvements, mettant ainsi en danger la sécurité sanitaire des cheptels, mais également en difficulté financière des laboratoires publics départementaux.

Je pourrais prendre bien d'autres exemples, mais le temps me manque.

Je souhaite toutefois vous dire, monsieur le ministre, avant de conclure, combien je regrette l'abandon d'une politique volontariste en faveur de l'installation des jeunes, qui accuse une baisse de 5 %. Et ce n'est pas seulement un effet mécanique !

Certes, le nombre d'installations diminue de manière catastrophique. Mais doit-on considérer cette situation avec fatalisme et favoriser cette baisse, ou bien doit-on mettre en oeuvre une véritable politique ambitieuse, qui rende enfin attractives les professions agricoles et favorise davantage, et dans de meilleures conditions, les installations ?

L'avenir de nos territoires ruraux et, bien au-delà, celui de nombreuses régions, dont la mienne, dépendra d'une réelle ambition pour notre agriculture au sein de l'Union européenne. Ce n'est pas en réduisant de façon drastique les aides aux associations oeuvrant pour le développement rural, qui sont en baisse de 49 %, que l'on risque de s'orienter vers un développement des territoires !

Ces réseaux associatifs ruraux contribuent fortement à l'implication de tous les citoyens, car ils favorisent les démarches participatives de développement durable dans l'agriculture, l'environnement ou l'animation socioculturelle. Ils sont le ferment de la vitalité de nos territoires.

Pour avoir assisté récemment aux premiers échanges qui ont eu lieu dans le cadre de la préparation de la future loi de modernisation agricole, je peux vous assurer que tous les participants, agriculteurs ou non, ont revendiqué cette nécessaire inclusion de l'agriculture dans la société et réaffirmé l'importance de tous ces lieux de débat et de rencontre pour la compréhension mutuelle.

En conclusion, monsieur le ministre, un budget en baisse ou stable n'est pas systématiquement un mauvais budget, à condition toutefois qu'il reflète une véritable ambition politique et qu'il permette de mener à bien les adaptations nécessaires.

Ce n'est pas le cas du vôtre, monsieur le ministre, car il ne répond nullement aux inquiétudes très fortes ressenties par le monde agricole. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Charles Revet.

M. Charles Revet. Monsieur le ministre, je commencerai mon propos en vous disant à mon tour combien je me réjouis de votre arrivée au ministère de l'agriculture, en remplacement de M. Hervé Gaymard, qui s'y était beaucoup investi, et aux côtés de M. Nicolas Forissier, qui a pris ses responsabilités à bras-le-corps. Chacun connaît votre volonté et votre ténacité. Elles seront utiles pour l'accomplissement de votre mission. Mais vous savez que vous pouvez compter sur notre entier soutien.

Dans le temps bref qui m'est imparti, car nous sommes nombreux à intervenir, je souhaite présenter trois réflexions concrètes, qui sont à la fois des interrogations et des suggestions.

Ma première réflexion porte sur la politique agricole commune au travers de l'attribution des aides aux productions fourragères.

La Seine-Maritime, et ce n'est pas le seul département concerné, a subi,depuis une dizaine d'années, des inondations à répétition, avec des conséquences quelquefois dramatiques, en tout cas extrêmement coûteuses. Elle compte en effet sur son territoire de très nombreux bassins versants, qui étaient autrefois essentiellement laissés en prairie permanente. Aujourd'hui, la prairie permanente tend à disparaître au profit d'autres cultures, notamment du maïs fourrage.

Ma première interrogation porte sur la disparité qui existe en la matière : le maïs fourrage, comme beaucoup d'autres productions, bénéficie d'aides assez substantielles - et je ne souhaite en aucun cas la disparition de ces aides, bien au contraire - alors que la prairie permanente ne bénéficie d'aucune aide ou presque ? Pourtant, si on analyse ce que représentent ces cultures en termes de productivité, le rendement du maïs s'élève en moyenne à 12 000 unités fourragères par hectare, et celui de la prairie permanente à 6 000 unités, c'est-à-dire moitié moins.

La logique voudrait que la prairie permanente bénéficie au moins des mêmes aides. En effet, comme le savent les responsables des collectivités et la population, il est clair que, lorsqu'un bassin versant est maintenu en prairie permanente, on évite l'érosion des sols et, pour une grande part, les inondations.

Ma deuxième réflexion porte sur le développement des biocarburants, auquel le Gouvernement a indiqué qu'il souhaitait donner un coup de fouet, ce dont je me réjouis.

Lorsque j'étais député, j'avais fait venir à l'Assemblée nationale une voiture importée du Brésil qui fonctionnait à l'alcool pur de betterave. Le ministre de l'agriculture d'alors, M Jean Puech, m'avait fait l'amitié de monter à bord. Par conséquent, cela fonctionne !

Aujourd'hui, alors que le pétrole se fait rare et très cher, nous avons de l'espace à utiliser, particulièrement en France.

Quelles dispositions comptez-vous prendre, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat ?

Tout d'abord, il est clair que la filière des biocarburants ne pourra devenir compétitive qu'à partir du moment où la recherche sera suffisamment encouragée au niveau tant de la production que de la transformation.

Ensuite, en France et en Europe, certains agriculteurs ont commencé à mettre en place, dans leur exploitation, voire dans les groupements d'exploitations, des installations fonctionnant avec leur propre carburant, c'est-à-dire l'huile de colza, de tournesol ou autres.

Alors qu'en Allemagne cette pratique est, à ma connaissance, exemptée de toutes taxes, ce qui me paraît une bonne chose puisqu'il s'agit d'une incitation, il semblerait qu'en France se manifestent d'ores et déjà des velléités de taxation des producteurs qui s'engagent dans cette voie. Or une telle démarche, économe en produits pétroliers, offre, en outre, un débouché pour l'agriculture elle-même.

Ma troisième réflexion concerne la pêche, domaine qui relève également de votre compétence, monsieur le ministre. La pêche est largement pratiquée dans mon département, qui compte de nombreux ports. Je souhaite vous parler de la coquille Saint-Jacques : il s'agit non pas des problèmes sanitaires qui sont apparus ces derniers jours et qui, fort heureusement, sont en train de s'estomper, mais des quotas et des périodes de pêche.

Que je sache, la France et l'Angleterre sont en Europe ! Pourriez-vous m'expliquer les raisons pour lesquelles les Anglais peuvent pêcher, semble-t-il, toute l'année, alors que les Français sont soumis à des quotas, et doivent, en plus, respecter des périodes de pêche ?

Que l'on édicte des restrictions et des quotas pour permettre le renouvellement de la ressource, je suis tout à fait d'accord. Mais comment justifier cette disparité, qui est d'autant moins compréhensible que les coquilles pêchées par les Anglais, après avoir transité par les ports britanniques, arrivent sur les étals de nos poissonniers ?

Nos agriculteurs et nos pêcheurs sont assez souvent surpris que certaines dispositions, qui sont prises notamment à l'échelon européen, soient aussi éloignées du bon sens qui régit leur travail quotidien.

Je compte sur vous, monsieur le ministre, pour étudier tous ces aspects de la question.

Bien entendu, comme mes collègues, je voterai votre budget, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. Claude Biwer.

M. Claude Biwer. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le mal-être des professionnels de l'agriculture est dû, pour l'essentiel, à la baisse de leur revenu, lui-même imputable à la baisse des prix agricoles à laquelle la réforme de la politique agricole commune n'est évidemment pas étrangère. Mais la responsabilité en incombe aussi, sur certaines productions, au déséquilibre persistant dans les relations entre producteurs et distributeurs.

Si le Gouvernement a pris sur ce point d'heureuses initiatives, je crains, cependant, qu'elles ne suffisent pas à renverser une tendance particulièrement fâcheuse, qui s'est traduite, notamment cet été, par une situation surréaliste. Au moment même où les prix à la production stagnaient ou diminuaient, les consommateurs voyaient les prix de la distribution atteindre des sommets, ce qui les conduisit d'ailleurs à restreindre leurs achats.

Sans vouloir, bien entendu, rétablir un quelconque contrôle des prix, il faut tout de même que les producteurs puissent vivre de leur production et les consommateurs bénéficier de prix de détail raisonnables. Dans ces conditions, peut-être faudrait-il réglementer les marges et supprimer les marges arrière. J'attends d'ailleurs, à cet égard, de connaître le sort qui sera réservé à la proposition de loi que j'ai déposée, ainsi qu'à ma suggestion de mettre en place une commission d'enquête parlementaire.

A présent, je souhaite vous faire part brièvement de trois difficultés, monsieur le ministre.

La première difficulté a trait aux crédits destinés à la reconstitution de la forêt française. La Meuse, qui est un département forestier, a beaucoup souffert des effets de la tempête de 1999. Or les engagements financiers qui ont été pris dans le cadre du plan tempête ne semblent pas avoir été complètement respectés. Ainsi, de nombreux dossiers présentés en 2004 sont en souffrance faute de crédits, victimes, m'a-t-on dit, de la régulation budgétaire. Qu'en sera-t-il pour 2005 ? Les moyens mis à votre disposition, monsieur le ministre, permettront-ils de rattraper ce retard ?

La deuxième difficulté concerne la situation financière des maisons familiales rurales. Interpellé sur ce sujet, votre prédécesseur m'a répondu que le Gouvernement s'est engagé à opérer un rattrapage à hauteur de 14 millions d'euros sur quatre ans permettant de revaloriser le coût du formateur avec, en contrepartie, une maîtrise des effectifs.

Concrètement, cela signifie que le rattrapage financier ne sera que partiel et progressif, ce qui obligera les maisons familiales rurales à trouver des moyens de trésorerie pour pallier le retard de financement de l'Etat.

De plus, les MFR devront refuser des élèves au moment même où ce type d'enseignement connaît un certain succès auprès des parents et des jeunes, ce qui n'est tout de même pas le moindre des paradoxes.

Qu'envisagez-vous de faire, monsieur le ministre, afin d'accompagner le développement des maisons familiales rurales ?

La troisième difficulté est relative aux retraites agricoles.

S'agissant de la retraite agricole de base, le mode de calcul pénalise de très nombreux anciens exploitants ou conjoints d'exploitants. En effet, celles et ceux d'entre eux qui ne peuvent justifier d'une carrière dite complète, souvent parce qu'ils ont été des aides familiaux et que leur activité n'a pas été déclarée, ou encore du fait de l'assujettissement des aides familiaux à partir de 21 an, puis, ultérieurement, de 18 ans, ou encore de services militaires longs insuffisamment pris en compte, peuvent être pénalisés plusieurs fois : par la technique de la proratisation et des minorations qui s'appliquent aux retraites de base, par l'exclusion ou les minorations drastiques sur les revalorisations intervenues entre 1997 et 2003, et par l'exclusion ou les minorations sur la retraite complémentaire obligatoire.

Dans ces conditions, l'objectif qui consistait à aligner les retraites de base agricole sur le minimum vieillesse est évidemment loin d'être atteint pour de nombreux anciens exploitants et, surtout, conjoints d'exploitants.

Monsieur le ministre, quelles mesures comptez-vous mettre en oeuvre afin de réparer ces injustices ?

Enfin, s'agissant de la retraite complémentaire qui devait permettre d'accorder aux retraités agricoles un revenu équivalent à 75% du SMIC, cette parité a été respectée en 2003, mais, dès 2004, un décrochage a eu lieu par rapport à l'évolution du SMIC, puisque aucune revalorisation n'est intervenue depuis le 1er janvier dernier.

Monsieur le ministre, à quel moment la retraite complémentaire agricole sera-t-elle réellement revalorisée ?

Le Gouvernement, qui exerce ses responsabilités dans des circonstances difficiles, défend inlassablement une certaine vision de l'agriculture européenne. Croyez bien que le monde agricole lui en sait gré. Mais une sourde inquiétude est en train de grandir, que les élus de terrain que nous sommes perçoivent bien. Il faut y prêter attention. Car de cette inquiétude, mêlée au désespoir, peuvent naître des réactions qu'il sera difficile de maîtriser.

Par ailleurs, la simplification administrative, dont on parle beaucoup, n'a guère effleuré nos campagnes. Les difficultés que connaissent les agriculteurs en la matière, en particulier la complexité des procédures, les découragent, qu'il s'agisse de règlements nationaux ou européens concernant, en particulier, les effets de la politique agricole commune.

Je souhaite, monsieur le ministre, que vous puissiez agir sur ce phénomène récurrent.

Comme les membres de mon groupe, j'appuie votre démarche et je soutiens votre budget, confiant dans votre détermination à agir afin de redonner enfin un peu d'espoir aux agriculteurs, qui en ont bien besoin. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Claude Saunier.

M. Claude Saunier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous approchons du terme du marathon que constitue traditionnellement, dans cette assemblée, l'examen du budget de l'agriculture.

Je souhaite également vous faire part de notre sympathie, monsieur le ministre : d'abord, vous arrivez à la tête d'un ministère historiquement majeur ; ensuite, vous avez la responsabilité de défendre un budget que vous n'avez pas construit, ..

M. Gérard Le Cam. Il était quand même au budget !

M. Claude Saunier. ... enfin, nous avons la conviction que c'est un mauvais budget. (Rires.)

M. Charles Revet. Ce n'est pas forcément un sentiment partagé !

M. Josselin de Rohan. C'était pourtant bien parti !

M. Claude Saunier. J'en veux pour preuve la déclaration récente de la FNSEA, qui est généralement peu suspecte de vigilance excessive à l'égard de la majorité que vous représentez : « L'agriculture ne fait pas partie des priorités annoncées par le Gouvernement en 2005. » Pour une fois, cela ne manque pas de pertinence !

En tant qu'élu du département des Côtes-d'Armor, deuxième département agricole de France par la valeur de la production agricole, je suis particulièrement sensible, comme beaucoup de collègues ici, au rôle que jouent l'agriculture et l'agroalimentaire dans notre pays en termes d'emplois, d'exportation, de valeur ajoutée et, ce qui n'est pas secondaire, d'aménagement du territoire.

Notre agriculture, qui est certes l'un des points forts de notre économie, est aussi porteuse de quelques fragilités, que je voudrais souligner pour mieux éclairer l'examen du projet de budget.

Le premier risque, c'est la concurrence : concurrence qui nous vient de l'Europe élargie, concurrence qui nous vient d'un monde où l'OMC organise la dérégulation des échanges, concurrence qui est aggravée par des mutations technologiques.

Ayant eu l'occasion de travailler pendant quelque temps dans les laboratoires, j'ai appris, avec un peu d'effroi, que l'on était en train de préparer de nouveaux procédés pour conserver la viande fraîche pendant trois semaines, ce qui permettrait à la viande brésilienne ou à la viande argentine d'arriver directement en Europe non congelée.

Le deuxième risque, c'est l'émergence de nouvelles attentes de la société, de nouvelles exigences en matière d'environnement, de qualité alimentaire, de santé.

Cela me conduit à évoquer la sécurité alimentaire, sujet que j'ai eu l'occasion d'aborder voilà quelques mois au travers d'un rapport que m'avait confié l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques consacré à la qualité et à la sécurité alimentaires.

A la suite des contacts que j'ai eus avec les chercheurs et les industriels à l'occasion de l'élaboration de ce rapport, je vous livrerai quelques observations.

Première observation : notre système de production alimentaire et de contrôle de la sécurité est fiable. En effet, à l'heure actuelle, on ne compte plus, selon des statistiques validées par l'Institut de veille sanitaire, que quelques centaines de décès par an liés à des intoxications alimentaires, contre 15 000 dans les années cinquante.

Seconde observation : malgré l'efficacité du système, des crises sont toujours possibles. Elles sont coûteuses et dévastatrices, ainsi qu'en témoigne la récente crise de la « vache folle ».

A cet égard, je voudrais appeler votre attention, monsieur le ministre, sur le fait que des risques nouveaux apparaissent. Ceux-ci sont liés aux effets indirects des médicaments vétérinaires sur la chaîne alimentaire, à l'emploi de molécules toxiques pour traiter les végétaux - chacun a en mémoire l'affaire du Régent et celle du Gaucho -, aux mutations génétiques des bactéries et des virus, qui induisent des antibiorésistances chez l'homme, enfin à la croissance des importations qui multiplie les risques, un quart du contenu de notre assiette comportant des produits importés.

Cela me conduit à la conclusion que la sécurité alimentaire n'est jamais définitivement acquise et que nous avons le devoir de ne pas baisser la garde.

Dans cette perspective, je souhaite évoquer la question des moyens alloués à l'AFSSA pour préserver la qualité et la sécurité alimentaires.

L'AFSSA a fait la preuve de son efficacité et apparaît comme une référence dans l'espace européen. J'ai eu l'occasion, dans le passé, de rédiger quelques rapports sur cette agence, et j'en prépare un autre actuellement. Or l'examen de votre projet de budget, monsieur le ministre, m'amène à affirmer que l'Etat prend aujourd'hui des risques réels avec la sécurité et la santé des Français, à l'heure où de multiples menaces se font jour.

En effet, les crédits inscrits au projet de budget pour l'AFSSA, d'un montant global de 65 millions d'euros, accusent une baisse de 536 000 euros par rapport à 2004, du fait de la réduction des subventions de l'Etat. L'équilibre financier de l'agence n'est obtenu que par des artifices dangereux : un prélèvement de 600 000 euros sur le fonds de roulement et un autre de 400 000 euros sur la section d'investissement. Cet organisme scientifique sera obligé de ramener de 6 millions d'euros à 4 millions d'euros le montant de ses investissements, en partie au détriment des acquisitions de matériels scientifiques. Il obère donc gravement sa capacité d'expertise pour l'avenir.

Ces analyses financières me confortent dans ma conviction que, sur ce point, le projet de budget n'est pas à la mesure des responsabilités de l'Etat, non seulement parce qu'il ne permettra pas à l'agriculture française de tenir son rang, mais aussi parce qu'il amènera une dégradation de la sécurité alimentaire, à laquelle nos concitoyens sont légitimement attachés.

C'est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, puisque vous venez d'arriver dans ce beau ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la ruralité, je me permettrai de vous remettre un rapport qui est paru voilà quelques mois et qui a été approuvé à l'unanimité par les membres de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques : peut-être contribuera-t-il à ce que vous vous forgiez la conviction qu'il faut donner à l'AFSSA et à tous les organismes chargés d'assurer la sécurité alimentaire les moyens dont ils ont besoin. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme Adeline Gousseau.

Mme Adeline Gousseau. Monsieur le ministre, je tiens tout d'abord à saluer votre arrivée au ministère de l'agriculture. Vous saurez, j'en suis sûre, relayer efficacement votre prédécesseur, M. Hervé Gaymard, qui a effectué un remarquable travail, dont le projet de budget que nous examinons aujourd'hui est le fruit.

L'examen des crédits du ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la ruralité fait apparaître d'indéniables avancées, qui prouvent la réelle ambition du Gouvernement dans la conduite d'une politique agricole qui se déploie, par ailleurs, en totale cohérence avec les financements européens.

A l'instar du débat qui entoure actuellement la préparation d'une future loi de modernisation agricole, ce projet de budget vise à relever les défis décisifs qui s'imposent aujourd'hui au monde agricole, dont certains revêtent un certain caractère de nouveauté : je pense, par exemple, aux préoccupations environnementales et sanitaires, qui concernent désormais l'ensemble de notre agriculture. D'autres défis, beaucoup plus anciens, n'en sont pas moins actuels, à l'image de celui de la protection des revenus agricoles face aux aléas climatiques, dont la sécheresse de 2003 a rappelé l'impérieuse nécessité.

C'est précisément ce sujet qui constituera le coeur de mon intervention, alors que, d'une part, le lancement du dispositif d'assurance récolte prévu dans ce projet de budget est très attendu par un monde agricole qui se montre prêt, dans l'ensemble, à tenter l'expérience, et que, d'autre part, de nombreuses questions restent encore en suspens.

A cet égard, je tiens d'ores et déjà à saluer la volonté du Gouvernement de permettre un amorçage du dispositif d'assurance récolte, grâce à la constitution d'une provision de 10 millions d'euros.

En effet, nous n'en sommes qu'au début d'un processus qui vise à installer non pas, bien sûr, un nouveau système d'indemnisation public à caractère redistributif, à l'instar du FNCGA, mais bien un mécanisme assuranciel multirisque dans lequel l'Etat prendrait à sa charge une partie des cotisations.

Il s'agit notamment, suivant les préconisations de notre collègue député Christian Ménard, d'orienter in fine les choix de production via les primes assises sur le « prix du risque » et d'encourager la prise de décisions de production plus rationnelles.

Sans entrer dans le détail du système actuellement en gestation à travers la négociation qui associe les pouvoirs publics, les organisations professionnelles agricoles et les assureurs et qui s'appuie sur les dispositions en vigueur depuis la parution du décret du 19 juillet 2004, permettez-moi, monsieur le ministre, de soulever plusieurs questions relatives à ce projet. Je suis sûre que vous saurez y apporter des réponses concrètes le moment venu.

Tout d'abord, il sera nécessaire d'abonder, en cours d'exercice, la dotation de 10 millions d'euros prévue dans ce projet de budget pour amorcer véritablement les nouveaux instruments de couverture des risques que les établissements d'assurance devront s'efforcer de proposer au plus grand nombre possible d'exploitants agricoles. L'un des atouts de ce projet est de permettre une très large adhésion à une offre multiproduits adaptée aux besoins de tous et qui aura vocation à se substituer progressivement au FNGCA, qui s'est révélé insuffisant.

Votre prédécesseur avait d'ailleurs évoqué cette possibilité d'abonder, en tant que de besoin, par le biais de la prochaine loi de finances rectificative, les crédits provisionnels que nous allons voter.

En outre, il avait prévu de limiter le champ d'application du dispositif d'assurance récolte aux seules cultures de vente, de rendre l'application du système progressive sur cinq ans sans qu'elle soit immédiatement obligatoire, de plafonner la participation budgétaire de l'Etat à 130 millions d'euros, enfin de mettre en place une franchise à hauteur de 25 % des pertes, seule à même de contenir le niveau des primes et donc de favoriser la mutualisation future du système, qui est une autre condition incontournable du succès de ce dernier.

Je ne doute pas, monsieur le ministre, que vous saurez nous éclairer sur ce que vous comptez proposer en 2005, à la suite de votre prédécesseur, en ce qui concerne ces différents points.

Enfin, je souhaite vous exposer l'une des principales préoccupations des assureurs aujourd'hui. M. Gaymard avait indiqué que la question-clé de la réassurance de l'Etat ne serait posée qu'en 2007. Or, monsieur le ministre, cette couverture des gros sinistres, du type de la sécheresse de 2003, est indispensable à la mise en place d'un système de couverture accessible à tous les agriculteurs.

Croyez bien que tous les acteurs demeurent particulièrement attentifs à cette avancée d'importance primordiale, qui consisterait à intégrer purement et simplement un véritable système de réassurance d'Etat au sein du dispositif d'assurance récolte. Je crois possible et utile d'évoquer cette question dès aujourd'hui et d'en faire l'un des axes principaux des réflexions qui seront menées en 2005.

En conclusion, je pense que nous sommes bien parvenus à un tournant sur ce sujet et qu'il faut croire au lancement de cette assurance récolte, à condition que celle-ci bénéficie d'emblée d'une image crédible aux yeux de tous les acteurs.

Par ailleurs, je veux souligner combien ce projet de budget, notamment par cette première mesure d'amorçage de l'assurance récolte, permet de manifester le soutien de la nation au monde agricole, qui connaît de profondes mutations depuis plusieurs décennies, en particulier avec la réforme de la PAC et les négociations commerciales multilatérales.

Ces mutations ont surtout pour conséquence une diminution importante des protections et des aides directes et une libéralisation des marchés, qui laissent bien des exploitants agricoles désemparés. C'est dire, monsieur le ministre, combien les mesures que vous présentez aujourd'hui et l'évolution affichée au travers de votre projet de budget apparaissent salutaires et doivent être prolongées. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Amoudry.

M. Jean-Paul Amoudry. Monsieur le ministre, je voudrais tout d'abord saluer à mon tour votre nomination au ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la ruralité et vous souhaiter beaucoup de réussite dans l'exercice de cette haute responsabilité au service de l'agriculture française, en formant le voeu de voir s'établir une fructueuse coopération entre vos services et le Sénat.

Je me permettrai également de saluer l'action de votre prédécesseur, M. Hervé Gaymard, qui a eu, entre autres mérites, celui d'engager une action réformatrice par le biais de l'élaboration du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux et de la mise en chantier de la future loi de modernisation agricole.

Mon intervention portera sur l'agriculture de montagne. Celle-ci connaît actuellement une période de lourdes incertitudes et craint de subir durement les effets de la réforme de la PAC, malgré les efforts considérables accomplis depuis deux décennies par les exploitants de montagne pour s'engager dans la voie d'une production de qualité et de la modernisation de leurs équipements et de leurs installations.

Sur le plan des orientations, ce projet de budget comporte une innovation qui était très attendue, mais il suscite aussi certaines interrogations quant aux moyens prévus.

Tout d'abord, la réforme de l'aide à la modernisation des bâtiments d'élevage était très attendue depuis plusieurs années. A cet égard, le relèvement substantiel du plafond pour chaque exploitation prévu par ce projet de loi de finances est accueilli avec beaucoup de satisfaction.

Toutefois, des incertitudes subsistent, et ce pour deux raisons.

Premièrement, les crédits affectés aux bâtiments de montagne sont désormais incorporés à un fonds unique concernant l'ensemble du territoire. Or si les modalités d'octroi des subventions devraient permettre d'identifier l'enveloppe spécifique aux exploitations de montagne, rien n'indique, à ce stade, quel sera le montant de celle-ci. Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous apporter des éclaircissements utiles sur ce point ?

Deuxièmement, cette ligne de crédits globale de 80 millions d'euros, la part des financements communautaires étant comprise, apparaît insuffisante au regard de l'effort de modernisation à accomplir sur tout le territoire, effort d' autant plus indispensable et urgent que la réforme de la PAC réservera le bénéfice des financements européens aux exploitations qui auront pu précédemment se mettre aux normes. Quelles assurances pouvez-vous nous donner pour l'avenir, monsieur le ministre, notamment pour les deux prochaines années, quant au niveau des moyens affectés à la modernisation des exploitations ?

Une autre question prioritaire pour les exploitations de montagne concerne la revalorisation des indemnités compensatrices de handicap naturel.

A la grande satisfaction de la profession agricole, le Gouvernement s'était engagé, voilà deux ans, à relever à hauteur de 50 % le montant de cette aide spécifique à l'agriculture de montagne pour les vingt-cinq premiers hectares exploités, et un relèvement de 10 % avait déjà été prévu dans le budget initial pour 2004 de votre ministère.

Cependant, lors de la présentation du projet de budget pour 2005, votre prédécesseur avait indiqué qu'à la suite des arbitrages budgétaires cette réévaluation ne serait pas reconduite l'année prochaine. Puis, le 21 octobre dernier, le Président de la République a assuré que le processus engagé l'an dernier se poursuivrait. Et M. Hervé Gaymard a annoncé le 8 novembre, devant nos collègues de l'Assemblée nationale, qu'un nouveau relèvement de 10 % de l' ICHN serait effectif dès 2005 et figurerait parmi les mesures inscrites dans la loi de finances rectificative pour 2004. Afin de rassurer pleinement les nombreux exploitants de montagne concernés par cette mesure, je vous serais reconnaissant de bien vouloir confirmer cette décision.

Enfin, la décision de l'ONILAIT de se désengager des actions destinées à accompagner la politique de qualité en montagne, dans les filières laitière et porcine, cause un profond désarroi au sein de la profession agricole.

Chacun connaît l'importance vitale de la « démarche qualité » pour les productions de montagne, principal facteur de différenciation pour compenser les surcoûts et handicaps et gage de pérennité des exploitations.

Aussi, monsieur le ministre, pourriez-vous préciser les moyens prévus pour compenser les diminutions de moyens financiers qui, du fait de la décision prise par l'ONILAIT, affectent ces actions à hauteur de 6,2 millions d'euros pour le lait.

Je voudrais maintenant évoquer quelques problèmes, pour la plupart d'ordre financier, qui préoccupent fortement la profession agricole.

Je ne peux manquer de soulever ici la question, restée sans réponse, des demandes de remboursement partiel de la prime à l'herbe adressées par le CNASEA à 400 éleveurs français, dont 60 Haut-Savoyards. Cette situation est d'autant plus mal vécue qu'elle concerne principalement des subventions versées lors de la campagne 1998-1999 à des exploitations déjà fragilisées.

En dépit des appels lancés par la profession à différents niveaux de l'Etat, aucune décision n'a, semble-t-il, été prise. Voudriez-vous, monsieur le ministre, éclairer notre assemblée sur ce dossier ?

Une autre difficulté a surgi récemment dans les départements de montagne.

Sur la base d'une circulaire du 2 juillet 2004, le CNASEA effectue actuellement une campagne de contrôles sur les exploitations agricoles ayant bénéficié de prêts bonifiés, en particulier pour la construction de bâtiments d'élevage.

Or cette circulaire prévoit que les investissements doivent être réalisés et payés dans un délai maximum de deux mois à compter de la libération du prêt. Ce délai est évidemment irréaliste dans des secteurs où les conditions climatiques limitent considérablement les périodes de l'année pendant lesquelles les travaux extérieurs peuvent être réalisés.

Pourriez-vous, monsieur le ministre, rechercher toutes les solutions appropriées, afin d'éviter aux exploitations concernées de se trouver dans une impasse et, parfois, d'être gravement fragilisées ?

Avant de mettre un terme à mon intervention, je tiens à évoquer deux sujets d'une importance primordiale pour la pérennité de l'activité agricole en montagne.

D'une part, la question foncière est devenue fondamentale dans de nombreux départements, notamment la Haute-Savoie. Il est en effet à craindre que les effets conjugués de la hausse des prix des terres et de la nouvelle PAC, qui instaure un découplage presque total entre les aides à l'agriculture et les productions, ne viennent menacer la pérennité de nombreuses exploitations.

D'autre part, il est important de différencier les produits et de mettre en place des signes de qualités spécifiques à la montagne. Désormais, des productions AOC se trouvent directement concurrencées, sur certains segments de leur marché traditionnel, par des produits industriels fabriqués à de lointaines distances de la zone de production. Ces produits introduisent habilement une confusion dans l'esprit du consommateur, en profitant d'imprécisions ou de failles de la législation.

Je tenais, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, à soumettre à votre réflexion ces deux problèmes graves, auxquels la future loi de modernisation agricole devrait apporter les solutions attendues. Confiant dans votre action, je voterai le projet de budget de ce ministère. Je vous remercie par avance des réponses que vous pourrez m'apporter. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Yolande Boyer.

Mme Yolande Boyer. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, gros temps pour la pêche et les pêcheurs ! C'est ainsi que je souhaite intituler mon intervention, qui portera uniquement sur le budget de la pêche pour 2005.

En effet, c'est un secteur important d'activités économiques pour notre pays. Je le résumerai en quelques chiffres : 5 675 navires, pour une puissance de quelque 900 000 kilowatts et un tonnage de plus de 600 000 tonnes. La majorité de ces navires pratiquent la pêche artisanale et hauturière, ainsi que la pêche côtière.

En termes financiers, cela représente 964 millions d'euros en produits frais et 77 millions d'euros en produits congelés. Je n'oublie pas, bien évidemment, la conchyliculture, qui représente environ 20 000 emplois.

Elue bretonne, je rappelle que la Bretagne concentre 40 % de la puissance des navires, près de 29 % des effectifs, que l'on estime aujourd'hui à 26 000 marins en France.

Ce secteur d'activités cumule difficultés et incertitudes ; j'en citerai quelques-unes.

Tout d'abord, le prix du gazole augmente d'une façon vertigineuse : le carburant représente 25 % des coûts d'exploitation des entreprises de pêche et l'augmentation de 0,15 euro entraîne une réduction de 4 % à 16 % du revenu des marins pêcheurs.

Ensuite, la fin des aides européennes est programmée pour la fin de l'année 2004 s'agissant de la construction, et pour la fin de l'année 2006 en ce qui concerne la modernisation.

Enfin, la maîtrise de la ressource est indispensable au développement durable et à l'avenir de la filière.

J'ajouterai le lourd tribut que payent les marins à un métier difficile, exigeant et dangereux. Je rappellerai à cet égard le drame cruel du Bugaled Breizh qui a endeuillé le monde de la pêche en général, et la Bretagne en particulier. J'insiste sur le désarroi des familles face à une énigme qui n'est toujours pas résolue à ce jour.

C'est dans un tel contexte que nous débattons aujourd'hui du budget de la pêche. Je reviendrai sur plusieurs aspects de ce budget.

La baisse globale des crédits de la pêche agrégat « gestion durable des pêches maritimes et de l'aquaculture », à hauteur de 5,7 %, n'échappe pas à la logique générale de baisse des budgets de l'Etat. A la page 5 du rapport écrit de M. Alain Gérard, il est indiqué : « les crédits (...) sont en diminution non négligeable. » Notre rapporteur pour avis reconnaît donc clairement cette situation !

Le même constat est dressé en ce qui concerne les crédits de I'OFIMER : « 8,5 millions d'euros ont été affectés à cet organisme en 2005, soit une dotation en recul de 15,2 %. » Et le rapport d'ajouter : « Votre commission insiste cette année encore, sur l'importance des missions de I'OFIMER et la nécessité d'assurer en conséquence la pérennité de son financement. »

Je ne pourrai pas mieux dire ! Je me contenterai de rappeler les missions de l'OFIMER, un outil essentiel qui permet la promotion et la valorisation des produits, l'information du consommateur, le soutien à l'amélioration de la qualité, c'est-à-dire, globalement, l'organisation des marchés.

Je ne peux d'ailleurs pas m'empêcher de faire le parallèle, certes dans un autre domaine, avec la situation du Conservatoire du littoral : on loue l'intérêt de cet organisme, sans lui donner les moyens nécessaires. Cette attitude consistant à masquer les réalités crues des baisses budgétaires par des propos flatteurs et enjôleurs serait-elle systématique ?

J'évoquerai maintenant quelques autres aspects du sujet.

S'agissant du fonds pour aléas, je disais, au début de mon intervention, que les marins avaient été frappés de plein fouet par l'augmentation du gazole. Cela m'amène à relayer une demande récurrente des professionnels sur la gestion des aléas par la constitution d'un fonds. D'ailleurs, pourquoi ne pas renouveler, à l'échelon européen, une demande d'organisation commune sur ce dossier ?

Pour ce qui est du dispositif des « Sofipêches », qui a été mis en place par la loi du 18 novembre 1997, son objet était d'aider à la modernisation des navires, laquelle conditionne la sécurité. Où en est-on aujourd'hui de la modification de ce dispositif ? Des interrogations subsistent, en effet, sur l'après 2006.

Certes, la maîtrise des constructions est liée à la préservation de la ressource. L'un des moyens pour y parvenir est l'instauration des totaux admissibles de captures et des quotas. Mais cela peut aussi passer par les périodes de repos biologique, à condition d'indemniser les pêcheurs. Nous connaissons les désaccords récurrents qui existent entre les professionnels et les scientifiques à ce sujet. Des progrès ont été réalisés ces derniers temps grâce à la signature de la charte entre l'IFREMER, le milieu maritime et l'Etat. C'est un premier pas. La confiance est encore à gagner.

Cette maîtrise passe aussi par les contrôles. Ces derniers sont indispensables et les crédits figurant sur cette ligne connaissent une augmentation, ce dont nous nous réjouissons. Mais méfions-nous du phénomène de black fish. Les professionnels s'inquiètent de la provenance des poissons mis sur le marché. Ils dénoncent l'existence d'un marché hors criée et supposent qu'il s'agit de poissons hors quotas.

Ces apports bouleversent les cours et anéantissent les efforts qu'accomplissent les pêcheurs pour pratiquer une pêche responsable et respectueuse de la ressource.

Il est regrettable que l'Europe renvoie la solution du problème à chaque Etat membre au lieu de conduire une politique globale !

Cette maîtrise passe également par la qualité sanitaire, la traçabilité et la préservation du littoral. Les récents rapports et débats sur la loi Littoral ont permis de rappeler l'importance des schémas de développement sur ces espaces à protéger en étant très vigilants face à la pression foncière.

Monsieur le ministre, je souhaite vous faire part de deux points qui me préoccupent.

Pouvez-vous nous apporter des précisions au sujet de la transformation de l'instrument financier d'orientation de la pêche en fonds européen de la pêche ?

Par ailleurs, la question des pensions de réversion est importante pour les femmes de marins. Quand une femme perd malheureusement son mari, la pension est seulement de 54 %. Il faudrait passer à 70 %, car de nombreuses veuves ne touchent même pas le SMIC.

Avant de conclure, je parlerai plus largement de la situation des gens de mer. Les inquiétudes s'accumulent. Le projet de loi portant création du registre international français, le RIF, n'a toujours pas été discuté à l'Assemblée nationale. Les vives oppositions qu'il a provoquées posent les enjeux du débat.

Les décisions prises récemment par les sociétés Gazocéan et France Télécom Marine illustrent la poursuite de la réduction du nombre de marins français. La question du registre ne doit pas être, à mes yeux, abordée sous le seul angle de la compétitivité et de la concurrence. L'actualité récente nous montre que la sécurité maritime et celle des marins doivent guider et encadrer toute réflexion dans ce domaine, car la question de la sécurité reste majeure pour l'avenir de la pêche.

En conclusion, je constate que, face à la situation très difficile de ce secteur de l'économie, votre projet de budget n'est pas à la hauteur des enjeux, monsieur le ministre. Je l'ai démontré, me semble-t-il, dans mon intervention. Ce projet de budget ne rassure pas les professionnels, car il manque de souffle, de volonté. Il ne répond pas aux défis que le xxie siècle pose au monde de la pêche. C'est pourquoi le groupe socialiste votera contre. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle.

M. Alain Vasselle. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je salue l'arrivée de Dominique Bussereau au ministère de l'agriculture. Le Président de la République et le Premier ministre ont, me semble-t-il, joué gagnant-gagnant.

Monsieur le ministre, vous étiez au budget, vous voilà à l'agriculture ; Hervé Gaymard passe de l'agriculture à l'économie et aux finances. Si nous ne réussissons pas à défendre les intérêts de l'agriculture, ce sera à désespérer !

M. le président. Et M. Forissier est toujours là !

M. Alain Vasselle. Il tient bon, heureusement ! C'est le pilier de la maison !

Si vous ne déjouez pas les ficelles de Bercy que vous connaissez bien, monsieur Bussereau, je pense que l'on saura vous rappeler votre passage au budget. Mais, grâce à vous, nous allons permettre aux agriculteurs de retrouver le moral, parce que, par les temps qui courent, avec la perspective de la PAC, ils sont plutôt inquiets !

Le temps de parole imparti à chacun d'entre nous étant très limité, mes observations seront un peu lapidaires et je vous prie de m'en excuser. J'espère que vous n'aurez pas la même réaction que M. Hervé Gaymard, qui m'avait reproché, l'année dernière, d'avoir été désagréable avec le ministre de l'agriculture.

M. Charles Revet. Ce n'est pas possible ! (Sourires.)

M. Alain Vasselle. Ce n'était pas mon intention ! Je voulais simplement lui demander d'être vigilant quant aux préoccupations de la profession agricole.

Le premier sujet sur lequel je souhaite attirer votre attention, monsieur le ministre, concerne le BAPSA. Sa suppression est l'une des conséquences des dispositions de la loi organique relative aux lois de finances : il a été remplacé par le FFIPSA. En tant que rapporteur pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie, lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale, j'ai déjà eu l'occasion d'évoquer cette question. Mais le BAPSA et le FFIPSA ne font plus l'objet d'aucune discussion.

Monsieur le ministre, j'aimerais que vous puissiez nous rassurer et que vous organisiez, en liaison avec Philippe Douste-Blazy, un débat sur le FFIPSA. La loi organique nous en fournira peut-être l'occasion. Quoi qu'il en soit, comment le Gouvernement compte-t-il assurer l'équilibre de ce budget ? Sur l'exercice 2004-2005, le FFIPSA présentera un déficit cumulé de 2,3 milliards d'euros. Cette situation ne doit pas perdurer ; il faudra bien que l'on se donne les moyens de l'équilibre.

Le second sujet que je souhaite aborder est celui des retraites. Chaque année, 90 000 personnes travaillant dans le domaine agricole sortent du système, tandis que 40 000 y entrent. Cela dégage un résultat positif net de 270 millions d'euros pour le financement des retraites. Aujourd'hui, si 930 000 exploitants ont vu leur pension revalorisée, près de 1,5 million n'a pas encore bénéficié de cette revalorisation.

Environ un quart des exploitants agricoles bénéficient d'une retraite qui atteint approximativement 75 % du SMIC, alors que 1,5 million d'agriculteurs retraités ont une retraite qui ne représente que 30 % à 40 % du SMIC. Or, dans le cadre de la réforme des retraites, M. Fillon avait pris, devant la représentation nationale, l'engagement que, en quatre ans, les retraites des exploitants agricoles atteindraient 85 % du SMIC.

Je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous nous disiez où en est le Gouvernement sur les évolutions futures concernant les agriculteurs retraités.

Quant à la PAC, Hervé Gaymard a fait de son mieux : il a bien défendu les intérêts de l'agriculture française à Bruxelles, dans le cadre des négociations qui ont été menées.

Le premier pilier est stabilisé jusqu'en 2013. L'entrée des nouveaux pays n'aura pas de conséquence sur l'enveloppe des pays bénéficiaires de la PAC. Vous avez réussi à sauver à peu près les meubles en maintenant le couplage pour une partie de la production.

Cela étant, les perspectives ne sont pas réjouissantes. Les aides couplées, découplées subiront une réduction, à raison de 3 % en 2005, 4 % en 2006 et 5 % en 2007, au profit du deuxième pilier. Il y a aussi la fameuse discipline budgétaire qui risque de s'appliquer ; à ce propos, les centres de gestion agricole qui réalisent des simulations ne savent pas sur quel pied danser : la discipline budgétaire sera-t-elle de 3 %, de 10 % ou entre les deux ? La différence n'est pas négligeable.

J'ai demandé au centre de gestion agricole de l'Oise de procéder à des simulations de l'application de la PAC en prenant ou non en compte les changements résultant du règlement « sucre ».

Les chiffres parlent d'eux-mêmes : toutes les exploitations agricoles, qu'elles soient céréalières, d'élevage ou productrice de lait, perdent, d'ici à 2007, entre 7 % et 22 % de leur revenu. Par ailleurs, si la discipline financière va jusqu'à 10 %, l'impact est de l'ordre de 12 % à 26 %.

Imaginez une entreprise en France qui verrait son revenu baisser dans de telles proportions ! Tous ses salariés descendraient dans la rue, car elle ne pourrait pas survivre une seconde !

Notre agriculture est administrée, mais pour combien de temps encore ? Nous savons bien que, si l'on fermait le robinet des aides européennes, toute l'agriculture française serait en situation de quasi-faillite, autrement dit elle n'aurait plus de revenu du tout ! Les seuls revenus dont bénéficient les agriculteurs aujourd'hui sont ceux qui correspondent aux primes. Aussi, au vu d'une telle diminution, de 3 % à 5 %, et de l'apparition d'un dispositif de discipline financière, on ne peut qu'être préoccupé !

Selon le centre de gestion agricole dont je parlais tout à l'heure, une exploitation sur deux connaîtra des difficultés de trésorerie à partir de 2007.

C'est la raison pour laquelle je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous nous donniez quelques apaisements, notamment dans la perspective de la loi de modernisation agricole. Qu'allez-vous faire sur les plans fiscal, économique et social ?

Il faut compter aussi avec l'impossibilité pour un agriculteur de répercuter les hausses des prix des produits qu'il utilise.

Lorsque le prix de l'acier flambe pour s'élever à plus de 50 %, le constructeur de charpentes métalliques est contraint d'accroître le prix de vente de son produit. Mais lorsque le baril de pétrole passe à cinquante ou soixante dollars, l'agriculteur, lui, ne peut répercuter une telle hausse sur ce qu'il produit : ni sur la viande, ni sur les céréales, ni sur les produits oléagineux ! Nous n'avons aucune marge de manoeuvre contrairement aux entrepreneurs agricoles qui procèdent aux arrachages de betteraves ou éventuellement aux récoltes de céréales.

Il y a peu de temps, un entrepreneur me disait qu'il allait être obligé d'augmenter son tarif de prestation pour tenir compte de la hausse du pétrole. L'agriculteur, lui aussi, subit cette hausse de plein fouet, mais il ne peut la récupérer.

Les agriculteurs sont donc très inquiets de l'évolution qui se profile à l'horizon.

Et, cerise sur le gâteau, ajoutez à cela l'éco-conditionnalité, belle invention ! En fait, cette nouvelle notion impliquerait que les agriculteurs sont peu soucieux de l'environnement. Je vois là un mauvais procès qui leur est fait dans la mesure ou ils ont démontré, à plus d'une occasion, que ce n'était pas le cas.

En outre, en mettant en place cette éco-conditionnalité, on crée de nouvelles contraintes sans faire gagner un sou supplémentaire, au contraire ! Un agriculteur qui ne respecterait pas un certain nombre de normes ou de contraintes prendrait le risque de perdre les aides européennes, donc la totalité de son revenu ou de son bénéfice.

C'est la raison pour laquelle je suis inquiet de l'évolution des crédits concernant les CAD, ex-CTE. Je terminerai donc mon propos sur ce point.

J'aimerais, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous puissiez au moins procéder par redéploiement pour ce qui concerne les départements les plus dynamiques dans ce domaine. Je m'en suis déjà entretenu en privé avec vous.

J'ai constaté, en lisant des documents que vous m'avez fait parvenir, que certains départements n'étaient pas du tout consommateurs.

Je citerai quelques exemples : en 2004, les départements de la Corse-du-Sud et de la Haute-Corse - peut-être cela n'étonnera-t-il personne - n'ont déposé aucun dossier de CAD ; le département des Alpes-Maritimes n'en a déposé que trois ; la Gironde, neuf ; le département des Vosges, cher au président Poncelet, deux ; le Territoire-de-Belfort, cinq ; la Lozère, deux ; le Lot, neuf. Parallèlement, certains départements ont des dossiers en attente. Le département de l'Oise que je représente a aujourd'hui quatre-vingt-cinq dossiers en souffrance qui ne sont pas financés.

Pour atteindre un rythme de croisière qui tienne compte de la disparition des CTE et de la création des CAD, il faudrait traiter deux cents dossiers par an. Or, avec la baisse des crédits prévus au titre de l'exercice 2005, on ne pourrait en financer que soixante. Il y a un problème !

Je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous nous donniez quelques assurances afin de nous tranquilliser complètement sur l'évolution du financement des CAD.

Je conclus : bien entendu, appartenant à la majorité sénatoriale, je fais parfaitement confiance a priori au Gouvernement, dont j'espère qu'il saura apaiser mes inquiétudes, inquiétudes que j'ai exprimées à double titre : en qualité de parlementaire d'un département agricole, d'une part, et en qualité d'agriculteur, d'autre part.

Je serais d'ailleurs curieux de savoir combien il y a d'agriculteurs en activité dans l'hémicycle, ce soir. Si je demandais à ce que les mains se lèvent, je n'en verrais pas beaucoup. On ne serait peut-être que deux !

Cela explique, monsieur le ministre, que nous ayons de plus en plus de mal à peser sur les décisions politiques. Toutefois, nous sommes suffisamment déterminés pour vous sensibiliser à nos problèmes, et je sais que vous n'y êtes jamais indifférent. J'ai bon espoir, et je vous remercie d'avance ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Yann Gaillard.

M. Yann Gaillard. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la forêt qui couvre le quart du territoire national a du mal à se faire entendre : pour le ministre de l'agriculture, elle n'est qu'un des soucis multiples qui l'assiègent. La LOLF et son programme « forêt » la rendront peut-être plus visible.

J'ai malgré tout deux motifs d'optimisme : votre capacité d'écoute, monsieur le ministre, dont vous nous avez donné des preuves récentes, alors que vous étiez encore à Bercy, et la nomination de votre collègue des finances, Hervé Gaymard, qui a appris, rue de Varenne, à connaître les forestiers et les communes forestières...

Au Sénat, le groupe d'études Forêt et filière bois vient d'être reconstitué, sous la présidence de notre collègue Philippe Leroy, spécialiste éminent. Vous entendrez donc souvent parler de nous. C'est heureux, car les arbres ont coutume de souffrir en silence, et ils ont beaucoup souffert ces dernières années ! Il faut donc que les hommes les aident.

M. Charles Revet. Voilà qui est joliment dit !

M. Yann Gaillard. M. Gaymard et vous-même, nous avez aidés en reconduisant à un chiffre plein, 144,7 millions d'euros, le versement compensateur. Bravo ! Vous nous avez dit, rue de Bercy, que le décret sur le fonds d'épargne forestière était signé. Renseignement pris, vous vous avanciez encore un peu !

M. Dominique Bussereau, ministre. C'est l'intention qui compte ! (Sourires.)

M. Yann Gaillard. Ce texte, dont j'ai pris l'initiative lors de la discussion du projet de loi d'orientation sur la forêt de juillet 2001, eût été bien utile pour placer les fonds qui - abondance malheureuse et fugace - ont suivi les ventes de chablis. J'ai bon espoir que nous allons sortir bientôt de ce pataquès, si habituel, hélas ! quand il s'agit de prendre des textes d'application qui déplaisent à quelque puissant bureau de la direction du budget ou du Trésor ! C'est un ancien inspecteur des finances qui vous parle...

Dans la détresse budgétaire que connaît notre pays, le ministère de l'agriculture n'étant pas prioritaire, votre prédécesseur a dû faire des concessions au ministre des finances qu'il allait devenir. La forêt productive, qu'elle soit publique ou privée, unie dans le malheur, aura donc été frappée, depuis le début du siècle, de quatre plaies, aussi douloureuse que les plaies d'Egypte : tempête séculaire, canicule, chute des cours du bois - vraie tempête économique - et, cette année, réductions des crédits du chapitre 59-02.

Notre incompréhension est totale à la lecture dans le « bleu » des lignes relatives à la gestion des peuplements et la reconstitution après tempête. Il semble qu'on ait un peu mélangé les crédits de la forêt publique de l'article 20 à ceux de la forêt privée de l'article 30 ; mais sans doute allez-vous nous rassurer sur ce point, qui n'est d'ailleurs pas le plus important !

Bien plus grave, en fait : ce budget est taillé trop juste au regard des besoins. Certes, vous me direz que, globalement et avec un montant annuel moyen supérieur à 91,5 millions d'euros depuis l'année 2000, vous respectez les engagements pris par le Gouvernement au lendemain de la tempête. Peut-être, mais vous incluez dans ce montant les aides européennes - c'est sans doute de bonne guerre - et asséchez totalement les financements destinées à la gestion des peuplements non touchés par la tempête.

En 2004, 80 millions d'euros seulement, budget de l'Etat et cofinancement européen additionnés, ont été affectés à la reconstitution des forêts. Or nous sommes maintenant dans la phase la plus active et la plus délicate des opérations de reconstitution et il est indispensable de tenir le cap. Plusieurs orateurs l'ont d'ailleurs rappelé avant moi, notamment le rapporteur pour avis Gérard Delfau ainsi que le rapporteur spécial, Joël Bourdin.

Je vous demande donc, au nom de l'ensemble des propriétaires forestiers publics et privés, d'ajouter au chapitre 59-02, au titre des reconstitutions, une somme de 6,9 millions d'euros qui, abondée du cofinancement de l'Europe, permettra de retrouver le montant de 91,5 millions d'euros.

J'associe également ma voix à celle des représentants de la forêt privée pour vous demander de ne pas différer la deuxième partie du programme d'accroissement des effectifs des CRPF, centres régionaux de la propriété forestière, et d'inscrire au budget pour 2005 les moyens nécessaires à la création des trente nouveaux postes promis dans le cadre de la loi d'orientation sur la forêt de 2001.

Pour mieux afficher notre détermination, nous avons, avec quelques collègues, déposé deux amendements qui, pour ne pas tomber sous la hache de l'article 40 de la Constitution, le sont sous forme de réduction indicative de crédits, contradiction interne que tout le monde connaît et qui n'aura probablement plus lieu d'être lorsque la LOLF sera entrée en application.

Le temps me manque pour évoquer le problème irritant de l'interprofession et de sa cotisation volontaire obligatoire. Quelle belle alliance de mots ! (Sourires.) La défection de la deuxième transformation - panneaux, papier, meuble - pose un problème tant financier que juridique. Il faut que le ministre de tutelle sorte du bois, s'il m'est permis de m'exprimer ainsi.

Monsieur le ministre, une image m'a frappé. Notre pays possède une grande forêt, la troisième de l'Union européenne en surface ; mais en volume de bois sur pied, elle occupe la première place, ce qui ne nous réjouit pas, car c'est un phénomène d'obésité !

Notre forêt s'alourdit, monsieur le ministre, elle s'empâte, elle est sous-exploitée et cela, vous le savez, est grave. Une forêt vieillie et « en surcharge pondérale » est plus sensible aux catastrophes, tempêtes et incendies ; elle est plus sombre et a donc à la fois une biodiversité plus pauvre et une qualité d'accueil diminuée ; par ailleurs, bien sûr, elle valorise mal son bois alors que le bois-construction et le bois-énergie, constituent de vraies pistes de développement économique et d'emplois locaux ; je sais que c'est un sujet auquel vous êtes très attaché.

Nous attendons de vous que vous preniez la pleine mesure de la question et que vous nous donniez les moyens nécessaires pour que notre forêt soit vraiment durable et multifonctionnelle comme le veut la loi d'orientation de 2001, qui, après les mesures prises sous Colbert et Charles X, est le troisième grand texte forestier de notre histoire. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Murat.

M. Bernard Murat. Permettez-moi, tout d'abord, monsieur le ministre, de vous féliciter pour votre nomination au portefeuille de l'agriculture, si symbolique pour le sénateur de la Corrèze que je suis. Je voudrais aussi saluer le travail remarquable effectué par votre prédécesseur, M. Hervé Gaymard, en particulier lors des négociations à Bruxelles.

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, le projet de budget que vous nous présentez n'échappe pas à la logique générale de maîtrise des déficits publics qui a guidé l'ensemble du projet de loi de finances pour 2005. Comme l'a fait remarquer l'un de nos collègues qui fait partie de cette noble représentation nationale des paysans, je dois dire que ces derniers sont inquiets.

M. Alain Vasselle. C'est vrai !

M. Bernard Murat. Pour autant, 4,9 milliards d'euros seront consacrés à l'agriculture. Nous sommes donc en présence d'un budget en quasi-reconduction, dont la qualité doit se mesurer non pas à son volume mais à sa capacité de dégager des priorités destinées à préparer l'avenir. Nos excellents rapporteurs ayant précédemment détaillé avec talent ces priorités, je ne m'attarderai que sur l'une d'entre elles, la création d'un fonds unique de modernisation des bâtiments d'élevage, dont je me félicite tout particulièrement.

Il était, me semble-t-il, important de redonner des perspectives aux éleveurs afin que la mise aux normes ne soit pas, pour eux, un motif supplémentaire d'abandon de la production, en particulier dans le veau de lait.

En effet, de nombreux éleveurs éprouvent des difficultés à financer le lourd investissement que représente l'adaptation d'un bâtiment d'élevage. La nouvelle procédure permettra de regrouper en un guichet unique l'ensemble des aides jusqu'alors gérées selon des procédures disparates. Doté de 55 millions d'euros, ce fonds devrait atteindre en 2006-2007 120 millions d'euros. J'espère que cet objectif sera respecté, car, pour être efficace, cette politique nécessite la durée.

Par ailleurs, il conviendra, pour que ce principe de guichet unique soit effectif, que les moyens en personnel mis à disposition soient suffisants.

En me félicitant des mesures contenues dans ce projet de budget, monsieur le ministre, j'apporte la preuve que l'on peut engager de nouvelles actions sans pour autant dépenser plus que de raison, même si je suis tout de même obligé d'émettre certaines critiques.

En ce qui concerne le soutien aux territoires les plus fragiles, pour les indemnités compensatrices de handicaps naturels, les ICHN, qui permettent la présence d'agriculteurs dans les zones les plus défavorisées, un montant de 234 millions d'euros est prévu. Je crois qu'il faut aller beaucoup plus loin, et ce conformément à l'engagement pris précédemment d'augmenter leur montant de 50 % en trois ans pour les vingt-cinq premiers hectares. Après une augmentation de 10 % l'année dernière, une dotation de 16  millions d'euros supplémentaires sera donc nécessaire.

M. le Président de la République, voilà quelques semaines, affirmait que la hausse des crédits était acquise pour 2005 et qu'elle figurera dans la loi de finances rectificative. Nous sommes donc rassurés sur ce point. Mais il reste que le plafonnement à 110 % du montant de l'indemnité versée l'année précédente aux agriculteurs pénalise les jeunes agriculteurs qui développent leur exploitation, ainsi que les petites exploitations qui tentent de s'agrandir.

De plus, la diminution de 10 % des crédits relatifs aux contrats d'agriculture durable et la simple reconduction des mesures agro-environnementales ne permettront pas aux agriculteurs d'avoir les moyens nécessaires pour prendre en compte les préoccupations environnementales qui s'affirment de plus en plus. De nouvelles marges de manoeuvre pourront peut-être être dégagées dès 2005, à la suite de la mise en place de la modulation des aides dites du « premier pilier » de la PAC.

Plus fondamentalement, sans doute conviendrait-il de s'orienter vers un repositionnement de l'instrument que constituent les CAD, du fait de la mise en place de l'éco- conditionnalité des aides agricoles de la PAC, du programme Natura 2000 et du développement annoncé de l'agriculture raisonnée. Peut-être pourrez-vous, monsieur le ministre, nous faire connaître les perspectives d'avenir, sachant combien nos agriculteurs s'inquiètent fortement de la mise en place de la nouvelle PAC. Ils demandent que les règlements d'éco-conditionnalité et leurs contrôles soient mis en place de manière très progressive. En effet, le procès fait à nos agriculteurs en matière d'environnement est, pour une large part, dû à des raisons philosophiques sinon bureaucratiques.

Les crédits d'accompagnement à l'installation des jeunes agriculteurs, qui est depuis longtemps l'un des axes forts de la politique agricole en France, sont, cette année, malheureusement en baisse.

Or, si depuis l'année 2000, la tendance à la baisse du nombre d'installations de jeunes agriculteurs s'accentue, il est pour le moins paradoxal de constater que le nombre d'installations non aidées, lui, ne cesse de croître. Il serait donc bénéfique, à mes yeux, non pas de réduire les crédits, mais de mettre en place une politique rénovée en la matière, politique qui prendrait en compte les spécificités de chaque filière, ainsi que leurs perspectives d'évolution, tout autant que les conditions de vie des agriculteurs.

J'espère que nous pourrons aborder ce sujet dans le cadre du prochain projet de loi de modernisation agricole, car, chaque fois que je me rends dans les exploitations corréziennes, je suis en admiration devant le niveau de formation, le savoir-faire et l'enthousiasme de cette jeunesse paysanne française.

Aussi, en leurs nom et place, je voudrais, monsieur le ministre, vous poser une question qui leur tient particulièrement à coeur : quand le versement en une seule fois de la dotation jeune agriculteur, revendication ancienne et légitime qui a été satisfaite l'année dernière, sera-t-il pérennisé et appliqué ? Vous le savez, il s'agit là d'une mesure parfaitement juste pour les jeunes agriculteurs et qui revêt aujourd'hui un caractère d'urgence.

En conclusion, comme mon collègue Georges Mouly, je souhaiterais, monsieur le ministre, attirer tout particulièrement votre attention sur les prestations sociales des agriculteurs. En effet, si nous ne pouvons que nous féliciter des progrès accomplis ces dernières années en matière de retraites, la mise en place du fonds de financement des prestations sociales agricoles, le FFIPSA, en remplacement du BAPSA, n'est pas satisfaisante, puisque le déficit de ce régime pourrait atteindre, en 2005, 1,4 milliard d'euros.

J'avais, à plusieurs reprises, attiré l'attention de votre prédécesseur sur cette situation qui ne peut continuer. Il est impérieux que nous trouvions rapidement une solution : l'avenir de la protection sociale agricole en dépend.

J'espère, monsieur le ministre, que mes inquiétudes et mes interrogations ne vous paraîtront pas trop critiques. Je tiens à répéter que, dans un contexte difficile, vous avez fait de votre mieux pour dégager des priorités. Toutefois, ces critiques sont le reflet de nos nombreuses visites sur le terrain ; elles émanent des agriculteurs corréziens, qui ont, aujourd'hui plus que jamais, besoin de voir leurs efforts reconnus et d'entrevoir des perspectives d'avenir afin d'aborder avec confiance l'année cruciale qui arrive.

En leur nom, je voudrais vous témoigner toute notre confiance et je voterai, par solidarité avec le Gouvernement, le projet de budget de transition que vous nous présentez, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Blanc.

M. Jacques Blanc. Monsieur le ministre, permettez-moi, tout d'abord, de vous féliciter pour votre brillante nomination comme ministre de l'agriculture ; c'est un poste important, n'est-ce pas, monsieur Puech ? Je ne doute pas qu'avec M. Nicolas Forissier vous formerez une équipe solide pour que notre agriculture puisse franchir des caps importants. Je pense en particulier à la poursuite de la bataille européenne que M. le Président de la République, M. le Premier ministre et votre prédécesseur, M. Hervé Gaymard, ont menée, bataille qui a permis, il ne faut pas l'oublier, d'assurer le maintien des financements de la PAC jusqu'en 2013, ce qui n'était pas acquis.

Cette période va donc être une période capitale pour confirmer le rôle de nos agriculteurs.

Je me souviens que M. Valéry Giscard d'Estaing, lors d'un discours qu'il avait prononcé à Vassy, avait dit que l'agriculture était le pétrole vert de la France !

Il ne faut donc pas oublier le rôle essentiel que jouent nos agriculteurs à la fois pour nous offrir des produits de grande qualité, qui sont de plus en plus reconnus - d'ailleurs la future loi de modernisation agricole renforcera cette reconnaissance -, pour tirer le maximum de revenus des fruits de leur travail et non pas être considérés comme des assistés, mais aussi pour jouer un rôle fondamental dans la qualité de nos paysages et de notre environnement.

C'est la conciliation de ces différentes vocations qui doit permettre d'assurer l'avenir et la dignité de nos agriculteurs.

Le projet de budget que nous examinons représente 4,89 milliards d'euros, ce qui, certes, est important mais sans plus. Toutefois, on ne peut l'analyser autrement qu'en l'intégrant dans le vaste ensemble des aides à l'agriculture dont une grande partie, soit 10,5 milliards d'euros, provient d'aides communautaires.

Par conséquent, il convient de rappeler que, dans cette période où il est courant d'accuser l'Europe de tous les maux, c'est tout de même grâce à celle-ci que notre agriculture est aujourd'hui en mesure d'exporter, de fournir une grande partie de l'alimentation en Europe et de permettre de faire face aux besoins du monde. Je pense donc qu'il est essentiel de repositionner cette démarche.

Il ne faut pas oublier non plus - l'un de nos collègues en a parlé tout à l'heure - les problèmes posés par la mutualité sociale agricole, qui implique, là aussi, de grandes solidarités.

Ce projet de budget comporte - et nous nous réjouissons - un certain nombre de priorités, parmi lesquelles le lancement de l'assurance récolte, la création d'un fonds unique de bâtiments d'élevage - dossier, ô combien essentiel pour la montagne, j'y reviendrai -, la dotation consacrée à l'amélioration de la qualité des productions végétales ainsi que le renforcement de l'enseignement supérieur et des recherches agricoles.

Pour ma part, je voudrais évoquer ici, monsieur le ministre, les problèmes spécifiques à la montagne - comme l'ont déjà fait ceux de mes collègues qui sont membres du groupe d'études sur la politique de la montagne - en insistant, notamment, sur l'engagement qu'avait pris votre prédécesseur d'assurer la garantie de cette activité indispensable au maintien de la vie. Certes, en zone de montagne, l'agriculture n'est pas la seule activité, mais elle est essentielle et quand on est sénateur d'un département de montagne comme la Lozère, on sait de quoi l'on parle quand on dit qu'il faut compenser les handicaps !

Il existait auparavant la prime à la vache allaitante, dont la formulation a été modifiée, ce qui est un peu dommage, car c'était la traduction de ce qu'apportent les animaux à la protection de l'environnement de la montagne. Nous sommes quelque peu inquiets concernant l'ICHN, puisque tel est son nom. En effet, comment être sûr de pouvoir, compte tenu des crédits prévus de 235 millions d'euros, respecter l'engagement qui a été pris d'augmenter la dotation de 50 % sur les vingt-cinq premiers hectares dans les cinq ans qui viennent ? C'est ma première question.

Par ailleurs, se pose le problème du lait, problème qui est encore plus aigu en montagne qu'ailleurs. Comment pourra-t-on perpétuer ce qui a été mis en oeuvre et qui a permis à nos producteurs de lait de ne pas être trop victimes de la baisse des prix ? Vous savez en effet, comme moi, que le coût de la production ne diminue pas ; c'est donc une question importante.

Le second problème, toujours propre à la montagne, concerne les actions en faveur des zones défavorisées de montagne, dont les crédits doivent servir à financer des opérations de diversification en montagne - améliorations génétiques ou sanitaires, rétablissement des races anciennes en voie de disparition ou commercialisation locale. Or ces crédits baissent. Ce chapitre n'était déjà pas très bien doté, puisqu'il représentait 9 millions d'euros en 2004. Plus grave encore, les dotations ont été gelées dans certains massifs.

A cet égard, je voudrais insister sur la nécessité de redonner un élan à ce qui fera sans doute l'objet d'un débat lors de la discussion de la future loi de modernisation agricole, je veux parler des appellations en montagne, qui doivent être un signe de qualité ; il s'agit là, bien entendu, d'un sujet qui nous préoccupe fortement.

En ce qui concerne les aides aux investissements, aux bâtiments d'élevage notamment, mesure dont nous nous félicitons, nous nous demandons si les crédits de paiement inscrits à hauteur de 14,6 millions d'euros seront suffisants. Il faudra suivre cela de très près, monsieur le ministre. En effet, nous savons tous que ces investissements coûtent plus cher en montagne qu'ailleurs et qu'une compensation du surcoût doit être prévue. Il faudra donc peut-être consentir un effort supplémentaire.

De la même façon, vous savez comme moi combien il est important de lutter contre la déprise de l'ensemble de notre environnement de montagne et qu'un effort supplémentaire est nécessaire pour encourager le pastoralisme. Il en va de même pour les peuplements forestiers, qu'a évoqués avec talent notre éminent collègue Yann Gaillard.

Monsieur le ministre, nous voterons les crédits de votre ministère, tout en mobilisant votre attention sur un certain nombre de points.

Ainsi, vous me permettrez d'insister sur deux dossiers qui ne revêtent pas la même importance.

Le premier, qui a été porté par votre prédécesseur, après une période d'oubli, pour ne pas dire d'abandon, est la prime à l'herbe, devenue la prime herbagère agro-environnementale.

Il s'agissait d'une bonne initiative qui a été court-circuitée par des opérations locales. Dans certaines régions, des éleveurs ont touché deux primes. Il est légitime de leur demander de les rembourser au prorata du trop-perçu, et non dans leur intégralité. Ce problème peut apparaître secondaire, mais plus de trois cents agriculteurs sont concernés en Lozère. Je me devais donc de l'évoquer.

Le second dossier n'a rien à voir avec la montagne, sauf à mentionner la viticulture « héroïque » ! Il s'agit d'un sujet qui fâche, tant les faux débats sont nombreux : je veux bien entendu parler de la viticulture. Les viticulteurs doivent d'ailleurs manifester demain.

Je suis médecin, monsieur le ministre. Je puis vous dire que des études extrêmement rigoureuses et sérieuses ont mis en évidence que, chez un sujet normal - j'exclus bien entendu les personnes fragiles et les femmes enceintes - une consommation de vin modérée non seulement n'est pas dangereuse, mais peut avoir des effets bénéfiques sur la santé ; je pense à la diminution des risques cardio-vasculaires et cérébraux ainsi que du nombre de cancers.

J'ai fait réaliser, dans le cadre de l'Institut des régions viticoles européennes, des études sérieuses et solides qui confirment le French paradox, lancé par le professeur Renaud, et qui démontrent que le vin peut être un élément positif.

M. Alain Vasselle. Et le lait !

M. Jacques Blanc. On ne peut donc le comparer ni à la drogue, ni au tabac.

En outre, il ne faut pas assimiler vin et alcool. Le vin est un produit d'alimentation : ne boit-on pas en mangeant ! Ne nous laissons plus entraîner dans de faux débats, dans lesquels le vin est mis au banc des accusés. Luttons intensément contre l'alcoolisme, qui fait des dégâts terribles, et cessons de nous donner bonne conscience en rejetant sur le vin des troubles liés à la consommation d'autres boissons alcoolisées ou de drogues.

Le Sénat, puis l'Assemblée nationale ont, dans leur sagesse, voté des amendements sur ce sujet lors de l'examen du projet de loi sur le développement des territoires ruraux. Ne revenons pas sur ce qui a été fait, et mobilisons-nous, avec tous les responsables de la viticulture, pour lutter réellement contre les ravages de l'alcoolisme.

Nos agriculteurs, je le disais au début de mon propos, nous apportent des produits de qualité croissante. Ils réalisent des efforts formidables dont ils doivent être récompensés. Ils doivent retrouver leur dignité.

M. Alain Vasselle. Très bien !

M. Jacques Blanc. Ils contribuent à l'aménagement équilibré et harmonieux de notre territoire, c'est un choix de société. Avec vous, monsieur le ministre, nous allons les soutenir ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la ruralité. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens d'abord à remercier toutes celles et tous ceux d'entre vous - ils ont été très nombreux - qui ont eu des mots sympathiques et amicaux à mon égard.

Comme l'a rappelé M. Jean Arthuis, c'est dans cette enceinte que j'ai eu l'honneur d'apprendre ma nomination à mes nouvelles fonctions. Ce fut pour moi un moment très émouvant.

J'ai parfaitement conscience de ne pas avoir le niveau de connaissance de certains d'entre vous -  je pense notamment à mes prédécesseurs, MM. Jean Puech et Jacques Blanc - bien que j'ai été pendant plusieurs années élu d'une région rurale. Je plaide donc l'indulgence auprès de ceux qui sont plus expérimentés que moi. Je serai appuyé par un secrétaire d'Etat de grande qualité en la personne de Nicolas Forissier.

J'adresse également mes remerciements au président de la commission des finances, M. Jean Arthuis, au président de la commission des affaires économiques, M. Jean-Paul Emorine, ainsi qu'aux différents rapporteurs, MM. Joël Bourdin, Gérard César, Alain Gérard, Gérard Delfau, Bernard Dussaut et Mme Françoise Férat.

Le budget de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales pour 2005 permettra au Gouvernement de conduire une agriculture créatrice de richesses, d'emplois qui continue de promouvoir nos territoires ruraux.

L'agriculture française doit conserver toute sa place dans l'économie et dans les grands équilibres commerciaux et alimentaires mondiaux. Accroître la compétitivité de nos produits et entreprises implique la modernisation des exploitations, l'organisation des filières, mais aussi et surtout l'affirmation de notre présence sur les marchés.

Part essentielle de la ruralité, l'agriculture contribue à une gestion durable de notre patrimoine commun. Cette agriculture française, que nous voulons toujours plus prospère, concilie l'activité économique et la préservation des milieux, ce qui n'est pas incompatible.

D'une façon générale, et contrairement au diagnostic qu'a porté ce matin M. Pastor, la politique agro-environnementale reste un enjeu majeur que je souhaite, après M. Gaymard, continuer à développer.

Nous avons aussi un objectif d'emploi et d'occupation du territoire : cela passe par un engagement fort en faveur du renouvellement des exploitations et par l'ensemble des politiques en faveur des zones défavorisées, en particulier en montagne.

Je suis conscient d'être aussi le ministre de l'alimentation. La politique sanitaire, la politique de promotion de la qualité, l'information du consommateur sont autant d'axes d'action. J'aurai l'occasion d'y revenir dans un instant.

Ce budget, préparé par MM. Gaymard et Forissier, s'élève, après de rudes discussions avec le ministre du budget (Sourires.), à 4, 888 milliards d'euros en dépenses ordinaires et crédits de paiement et à 1 822 milliard d'euros en autorisations de programme.

Avec les 90 millions d'euros qui seront reportés à la fin de l'année pour financer les bâtiments d'élevage et le programme de maîtrise des pollutions, nous retrouvons les moyens dont nous disposions l'année dernière.

Comme l'a souligné M. Emorine, le budget de l'agriculture doit être replacé dans le contexte européen : près de 9 milliards d'euros d'aides du premier pilier de la PAC, ajoutés aux 800 millions d'euros d'aides au développement rural, viennent compléter nos crédits nationaux.

Par ailleurs, et M. Alain Vasselle l'a rappelé, la protection sociale agricole représente 12,5 milliards d'euros de financement public, hors cotisations sociales.

Ce budget est innovant par la démarche qui le sous-tend.

En effet, il intervient alors que les débats préalables au futur projet de loi d'orientation et de modernisation agricoles se sont achevés dans les régions. Les échanges ont été de grande qualité. La synthèse de ces débats sera confiée à une commission nationale et elle orientera nos travaux à venir.

J'ajoute que la mise en place du partenariat national en faveur des industries agroalimentaires, que pilote M. Nicolas Forissier, contribuera lui aussi largement à cette vision prospective de notre agriculture.

Par ailleurs, comme le savent bien les membres de la commission des finances, en particulier son président, nous sommes dans un nouveau cadre de référence.

Notre document budgétaire marque aussi une étape : il s'agit de la première étape de l'application de la loi organique pour les lois de finances, qui permettra une présentation plus claire et une gestion plus souple du budget de l'Etat, axé désormais sur des programmes et des priorités.

Permettez-moi de dire quelques mots de son application dans le secteur de l'agriculture, domaine dans lequel je m'étais beaucoup investi dans mes précédentes fonctions. La loi organique relative aux lois de finances constitue, me semble-t-il, un moyen de redonner beaucoup de pouvoir au Parlement et de rendre les politiques publiques plus transparentes pour nos concitoyens.

Nos politiques publiques ont été organisées en sept programmes, appartenant à quatre missions, dont trois interministérielles : la mission « agriculture, pêche, forêt et affaires rurales », la mission « enseignement scolaire », la mission « recherche et enseignement supérieur » et la mission « sécurité sanitaire ».

L'année 2004 a vu, sous l'autorité d'Hervé Gaymard et de Nicolas Forissier, les premiers bénéfices d'expérimentations complexes. Fort des avancées réalisées en 2004, je voudrais, en 2005, étendre et approfondir notre démarche d'anticipation.

L'ancien secrétaire d'Etat au budget que je suis constate que le ministère de l'agriculture est un très bon élève s'agissant de l'application de la loi organique puisque près de la moitié du budget de l'agriculture - 2,5 milliards d'euros - feront l'objet, en 2005, d'une programmation et d'une gestion sur le mode LOLF.

Nous responsabilisons aussi davantage les services déconcentrés : dans deux régions tests, Aquitaine et Nord-Pas-de-Calais, les chefs de service déconcentrés auront la possibilité de redéployer leurs crédits de fonctionnement et de personnel selon leurs besoins.

Mon ambition est que ces expérimentations permettent de rapprocher autant que possible les lieux de décision et le terrain. C'est seulement à cette condition que nous créerons une meilleure adéquation entre les besoins réels et leur prise en compte.

Enfin et surtout, comme vous le savez, la présentation des budgets sur le mode LOLF vise la recherche de la performance. Nous nous appuierons sur deux outils : les objectifs stratégiques et les indicateurs de résultat.

On ne fait pas une réforme pour faire plaisir à une administration, on fait une réforme afin qu'il en résulte un bienfait pour les bénéficiaires : simplification de la procédure, réduction des délais, information accrue, meilleur « retour sur impôt ». Cela nous permettra de mesurer l'efficacité de notre action et d'en rendre compte au Parlement. Cette nouvelle présentation, dont le Parlement peut apprécier les avantages dès cette année, concernera l'ensemble du budget en 2006.

J'en viens aux quatre priorités du budget de l'agriculture pour 2005.

La première de ces priorités est le lancement de l'assurance récolte. Ce n'est pas aux sénatrices et aux sénateurs, qui connaissent si bien le monde rural, que j'apprendrai l'importance des aléas climatiques, du péril qu'ils constituent à la fois pour le revenu des agriculteurs et pour l'adaptation de l'agriculture au contexte économique. La sécheresse de 2003, outre ses conséquences humaines, a montré la fragilité de certains systèmes économiques, notamment dans le monde rural.

En réponse à Mme Adeline Gousseau et à MM. Yvon Collin et Daniel Soulage, je confirme que nous travaillons, avec les représentants de la profession agricole et des assureurs, à l'élaboration d'un dispositif assuranciel adapté à notre agriculture. Ces travaux s'appuient sur les conclusions du rapport du député Christian Ménard.

J'ai bien entendu les organisations professionnelles agricoles, qui demandent que nous analysions très précisément les conséquences des propositions qui ont été formulées et dont Hervé Gaymard a présenté les grandes lignes lors d'un débat à l'Assemblée nationale.

Je suis bien évidemment d'accord pour que nous progressions par étape sur ce dossier très important. Il me semble néanmoins tout aussi important de dire que nous ne devons pas perdre de vue notre objectif, à savoir la mise en place de l'assurance récolte dès 2005.

A ce titre d'ailleurs, et nombre d'entre vous l'ont rappelé, une provision de 10 millions d'euros est prévue pour amorcer, dès 2005, les nouveaux instruments de couverture des risques que les établissements d'assurance devraient proposer au plus grand nombre possible d'exploitants. Cette provision sera, bien entendu, complétée en cours d'année en tant que de besoin.

La deuxième priorité de ce budget réside dans la création d'un fonds unique des bâtiments d'élevage.

Nombre d'éleveurs rencontrent des difficultés pour financer l'investissement lourd que suppose l'adaptation d'un bâtiment d'élevage. Cette difficulté est particulièrement sensible dans les zones de montagne et dans les systèmes d'exploitation soumis à des évolutions très rapides des marchés, par exemple dans la production laitière.

Monsieur Doublet, deux axes ont guidé la conception de ce fonds unique, qui sera opérationnel dès le début de 2005 : la simplification et l'accroissement des moyens disponibles. Par ailleurs, monsieur le sénateur, les collectivités locales pourront y contribuer.

Dans un souci de simplification, nous créerons, dans les directions départementales, un guichet unique pour l'ensemble des aides précédemment gérées par les services de l'Etat, les offices d'intervention ainsi que par le Centre national pour l'amélioration des structures des exploitations agricoles, le CNASEA.

Est prévu parallèlement un accroissement des moyens puisque les cofinancements communautaires augmentent dès cette année, nous permettant de porter les moyens disponibles jusqu'à 80 millions d'euros en 2005 et 120 millions d'euros dès 2007.

Le Premier ministre l'a rappelé lors du sommet de l'élevage à Clermont-Ferrand, ce plan constitue pour le Gouvernement une priorité.

Surtout, en inscrivant ces mesures dans le plan de développement rural national pour la période 2007-2013 lors de sa révision, nous avons voulu donner un gage de solidité et une vision d'ensemble à la filière.

MM. Jean Boyer et Jacques Blanc nous ont interrogés sur ce qui sera fait pour les zones de montagne : leurs spécificités ont été préservées dans l'élaboration des orientations du plan. Le surcoût lié aux difficultés d'exploitation inhérentes à ces zones géographiques est compensé par des subventions en augmentation. Un encouragement à l'utilisation du bois pour la construction et l'intégration paysagère a également été prévu.

En complément, le programme de maîtrise des pollutions agricoles, le PMPOA, nécessite un important effort de financement public, compte tenu de l'enjeu majeur que représente la restauration de la qualité des eaux. Une dotation de 133 millions d'euros d'autorisations de programme sera consacrée à ces deux enjeux en 2005.

J'en viens à l'amélioration de la santé des végétaux et au renforcement de la sécurité sanitaire des aliments. C'est là une priorité pour nos compatriotes, qui veulent que l'on continue de faire de la France un pays où l'on se nourrisse sans crainte. La dotation consacrée à cette action est majorée de 7 % dans le projet de budget. Elle atteint 15,2 millions d'euros de crédits d'intervention et mobilise d'importantes équipes des services du ministère ainsi que des établissements publics de recherche.

Cette mission répond à des impératifs de sécurité sanitaire des aliments, de santé des végétaux et de protection de l'environnement. Nous devons avant tout contrer les attaques parasitaires qui touchent de plus en plus de végétaux.

Il est également indispensable de mieux maîtriser l'utilisation des produits phytosanitaires destinés à lutter contre ces organismes nuisibles aux cultures. Tout à l'heure, lorsqu'il abordera la priorité qu'accorde le Gouvernement à l'enseignement supérieur et à la recherche agricoles, Nicolas Forissier pourra également montrer comment tous ces aspects sont liés aux progrès de la recherche.

Je voudrais maintenant dire quelques mots de la politique de protection sociale agricole. Bien que, cette année, vous ne votiez pas de BAPSA, mesdames, messieurs les sénateurs, cette question demeure pour nous une préoccupation essentielle.

MM. Détraigne et Piras, ainsi que M. Vasselle à l'instant, m'ont interrogé plus précisément sur les retraites agricoles.

Comme le Président de la République en avait pris l'engagement lors de la campagne présidentielle, le Gouvernement a déjà mis en oeuvre un plan qui est sans précédent, pour revaloriser les retraites agricoles, notamment les plus modestes. Ont donc été instaurés la retraite complémentaire obligatoire, le rachat des périodes d'aide familiale effectuées avant l'âge de dix-huit ans et la mensualisation des versements aux retraités. Figure également dans le projet de loi de finances une mesure destinée à permettre l'adaptation de l'éventuelle soumission à l'impôt sur le revenu des pensions perçues durant la période de transition entre leur versement trimestriel et leur mensualisation.

Certes, un effort important reste à faire. Nous avons tous reçu, dans nos permanences, des retraités agricoles, en particulier des femmes, qui nous ont montré leurs relevés de prestations de la MSA : cela ne fait pas une fortune ! Il est clair que, compte tenu de l'effort accompli, des heures passées, de la dureté du travail, il faut encore agir. M. Mouly a insisté sur ce point. La volonté politique du Gouvernement est forte en la matière.

La mise en oeuvre de la LOLF devant s'accompagner de la disparition des budgets annexes, la création d'un établissement public dédié à la gestion de l'ensemble des branches de la protection sociale agricole - maladie, retraite, famille - conforte la spécificité de ce régime et permet de maintenir le dialogue avec l'ensemble des partenaires concernés. Ceux-ci participeront au conseil de surveillance du nouvel établissement, qui sera installé comme prévu dès le début de 2005.

L'architecture du nouveau dispositif a fait l'objet d'une concertation approfondie au cours de l'année 2004, et le décret en Conseil d'Etat, déjà transmis au contreseing de mes collègues chargés des finances, du budget et de la santé, sera, je l'espère, signé et publié avant la fin de cette année.

M. le rapporteur spécial m'a également interrogé sur les besoins de financement du FFIPSA. Il est vrai que la recette tabac n'a pas eu le rendement escompté. Mais les droits à prestation des affiliés au régime ne sont nullement remis en cause.

Il faut également rappeler que, toujours du fait de sa structure démographique, le régime n'est financé que pour moins de 20 % par les cotisations des actifs.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh oui !

M. Dominique Bussereau, ministre. Il est donc nécessaire de l'équilibrer par des ressources provenant soit de la solidarité nationale, donc de l'Etat, soit de la solidarité interprofessionnelle, donc des autres régimes de sécurité sociale.

Une mission rassemblant l'inspection générale de l'agriculture, l'inspection générale des finances et l'inspection générale des affaires sociales va étudier les diverses solutions pérennes possibles. Elle rendra ses conclusions au Gouvernement au printemps prochain : c'est à cette échéance que la solution se dessinera. Naturellement, le Gouvernement les soumettra au Parlement, et un débat aura lieu.

M. Alain Vasselle. Il faut 2 milliards !

M. Dominique Bussereau, ministre. Nous essaierons, monsieur Vasselle, d'être à la hauteur des besoins, qui, vous avez raison de le rappeler, sont très importants.

Ayant énoncé ces priorités, je voudrais maintenant rappeler l'ensemble des autres actions du ministère.

Nous voulons promouvoir une agriculture écologiquement responsable. Des aides très importantes participent au soutien apporté aux territoires et aux acteurs ruraux et sont complétées par les cofinancements communautaires.

Je mentionnerai les aides agro-environnementales, comme la prime herbagère qui bénéficie largement aux éleveurs pratiquant un élevage extensif : 121 millions d'euros sont prévus, qui seront complétés par un solde de remboursement en provenance du FEOGA « orientation », sur l'ancienne programmation communautaire.

Je citerai également les indemnités compensatoires de handicap naturel, qui permettent la présence d'agriculteurs dans les zones défavorisées, spécialement en montagne, et qui s'élèvent à 234 millions d'euros. A ce titre, le Président de la République a tenu à ce qu'en 2005, après 2004, les vingt-cinq premiers hectares soient revalorisés de 10 % : à MM Jean-Paul Amoudry et Bernard Murat, qui s'en inquiétaient notamment, je confirme la reconduction de cette mesure.

En outre, plusieurs milliers de nouveaux contrats d'agriculture durable, les CAD, pourront être conclus, monsieur Vasselle. Je tiens à préciser que la dotation de 232 millions d'euros qui leur est affectée tient compte de la baisse des paiements sur les anciens contrats territoriaux d'exploitation, car ces paiements ne sont pas linéaires, le volet « investissements » introduisant de fortes variations. Je souligne cependant que, lorsque la majorité actuelle a été amenée à former un gouvernement, la dotation n'était que de 70 millions d'euros !

M. Alain Vasselle. C'est exact !

M. Dominique Bussereau, ministre. Les exploitations agricoles bénéficient également de politiques structurantes qui visent à encourager l'installation des jeunes exploitants, ce qui est bien sûr fondamental : 70 millions d'euros y sont consacrés. Je précise que le décret permettant le versement en une seule fois de la dotation jeunes agriculteurs - disposition qui était très attendue, mais qui devait recevoir l'accord préalable de Bruxelles - a été signé ; c'est d'ailleurs le dernier décret que j'ai cosigné en tant que secrétaire d'Etat au budget ! Cette mesure de simplification - d'autres suivront - devrait rassurer MM. Murat et Mortemousque. J'en attends un effet positif sur la trésorerie des exploitants nouvellement installés.

L'engagement du Gouvernement en ce domaine, contrairement à ce qu'a affirmé ce matin M. Lejeune, se manifeste également par le montant des crédits affectés aux programmes locaux d'action et d'accompagnement, les PIDIL, et par la priorité donnée aux jeunes pour l'accès au foncier et aux droits à prime et à produire. Je pourrais aussi citer diverses mesures d'accompagnement, tels les prêts bonifiés et les allégements fiscaux et sociaux.

Nous souhaitons également soutenir les investissements : c'est l'objet du nouveau fonds de financement des bâtiments d'élevage ou encore de la poursuite du programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole en faveur de la qualité des eaux que j'ai déjà évoqués.

La politique de bonification des prêts est également maintenue, et la dotation du budget sera complétée par des ressources exceptionnelles provenant du budget communautaire, grâce à l'effort de fiabilisation de la procédure que mettent en oeuvre les pouvoirs publics et les banques. Ces mesures mobilisent 400 millions d'euros.

Monsieur Amoudry, j'ai bien noté votre question sur les délais de réalisation des investissements. Je souhaite faire examiner ce point par mes services avant de vous apporter la réponse précise que vous attendez.

Il nous faut par ailleurs accompagner l'évolution de la PAC et encourager une production de qualité.

L'évolution de notre agriculture est bien sûr liée à la transformation de ses technologies, mais aussi à celle des besoins des hommes et des femmes qui la mettent en oeuvre et à celle des attentes de notre société. Sont également à prendre en compte les modifications du contexte économique et réglementaire découlant de la politique agricole commune et des négociations internationales.

Les outils permettant d'accompagner ces évolutions seront mobilisés autour de deux objectifs.

Il nous faut d'abord, M. Raoult l'a évoqué ce matin, poursuivre les efforts en faveur de la qualité : l'ensemble des productions agricoles va devoir tenir compte d'objectifs qualitatifs. Ainsi, la prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes est maintenue, sans découplage, y compris sa part financée sur le budget national, soit 160 millions d'euros ; l'institut national des appellations d'origine voit sa dotation budgétaire reconduite ; l'Agence Bio est en place, avec des financements de l'Etat ; les offices poursuivent la restructuration de leurs interventions ; enfin, la promotion des produits agroalimentaires bénéficie de la reconduction de sa dotation spécifique.

Il nous faut ensuite accompagner la réforme de la PAC. Une campagne d'information et de communication visant les agriculteurs a été lancée - j'espère qu'elle sera bonne - avec le concours des chambres d'agriculture, qui savent leur parler. Le débat « Agriculture, territoires et société », qui s'est déroulé dans toute la France, complète cette sensibilisation et permet de préparer la loi de modernisation. Enfin, 2005 sera une année de préfiguration et servira de test en grandeur nature.

La PAC prévoit le maintien jusqu'en 2013 des flux financiers du premier pilier, soit 9 milliards d'euros. Cependant, ces crédits évolueront par le jeu du mécanisme du découplage et de la conditionnalité des aides. Des moyens humains, pour 8,5 millions d'euros, et des moyens matériels sont inscrits dans le projet de budget pour préparer ces changements et appliquer la réforme, et ce avec toute la souplesse que vous avez souhaitée, monsieur Emorine.

MM. Mortemousque et Biwer, à très juste titre, ont pointé du doigt la complexité administrative. La politique agricole commune change, mais son adaptation n'impose pas de renforcer la complication ! Il nous faut au contraire poursuivre l'effort de simplification et essayer d'éviter l'enlisement procédural. C'est aussi une façon de bien gérer l'agent de nos concitoyens !

Vous savez ce qui a déjà été réalisé : un comité de simplification, où siègent des représentants du Parlement, a été installé ; soixante-cinq mesures de simplification ont été prises, dont vingt-trois sont appliquées.

Lorsque je tiens mes permanences, il arrive parfois - cela vous est certainement arrivé aussi, mesdames, messieurs les sénateurs - que des agriculteurs me montrent les documents qu'ils doivent remplir : il faut avoir fait au moins l'ENA, peut-être même une autre grande école (Sourires.) pour essayer d'en comprendre ne serait-ce que la présentation !

M. Charles Revet. C'est bien dit !

M. Dominique Bussereau, ministre. J'ai feuilleté le « manuel de la conditionnalité » qui doit être envoyé à tous les agriculteurs. Il paraît que l'on ne pouvait pas faire plus simple : je n'en ai pas l'absolue certitude ! Nous verrons à l'usage comment leurs destinataires le perçoivent. S'il faut l'améliorer, il sera amélioré, et s'il est trop mal fait pour être conservé, nous le modifierons le moment venu. Je me suis laissé dire que les agriculteurs avaient été associés à sa rédaction. J'espère que c'est vrai et que leurs attentes ont été bien comprises.

Il nous faut donc poursuivre l'effort de simplification. L'efficacité en la matière sera d'ailleurs l'un des critères d'évaluation des directeurs d'administration centrale de mon ministère : pour la rémunération au mérite, il sera également tenu compte du mérite d'être compris. (Applaudissements sur certaines travées de l'UMP.)

Je compte sur vous, mesdames, messieurs les sénateurs, pour me faire part de vos réactions et de celles que vous aurez pu recueillir sur le terrain après l'arrivée de ce « manuel de la conditionnalité ». Nicolas Forissier et moi-même y attachons une extrême importance.

J'en viens à la politique forestière.

Les engagements du Gouvernement dans ce domaine sont tenus. Avec 325 millions d'euros consacrés au programme « forêt », le plan décennal de reconstitution de la forêt détruite par les tempêtes de 1999 se poursuit et continue de mobiliser d'importants cofinancements communautaires. Les autres investissements en forêts privées et publiques bénéficient également d'un soutien, notamment ceux qui sont liés à la prévention des risques ou à la filière forêt-bois.

Par ailleurs, et cela répond à un engagement fort, le versement compensateur de l'Etat à l'Office national des forêts est majoré de 20 millions d'euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2004, ainsi que l'a souligné M. Yann Gaillard. Ainsi, l'ONF pourra poursuivre sa modernisation.

Monsieur Gaillard, je vous confirme que le « bleu » budgétaire lié à la nouvelle présentation du budget Forêt au format LOLF a agrégé les crédits de reconstitution des forêts privées et communales.

De plus, la répartition des crédits entre forêt communale et forêt privée se fera suivant des priorités établies localement. Enfin, les dix-huit centres régionaux de la propriété forestière, les CRPF, ont été dotés, en 2004, de personnels nouveaux leur permettant d'agir pour le respect des engagements internationaux de la France.

Dans un contexte de maîtrise des dépenses et des emplois publics, la création de nouveaux emplois n'est pas prévue en 2005, mais nous ferons naturellement un suivi de l'évolution induite par la loi d'orientation forestière.

J'en viens aux questions de plusieurs d'entre vous sur l'adaptation des entreprises de pêche et la préservation de la ressource halieutique.

A l'occasion de la négociation européenne, Hervé Gaymard a fait, dans ce domaine, un remarquable travail, comme il l'avait fait dans les autres négociations internationales.

Je vais assister à un premier conseil Agriculture et pêche à la fin du mois, les 21 et 22 décembre exactement. A priori, les négociations ne devraient pas présenter de difficultés particulières pour nous ; toutefois, nous devrons rester extrêmement attentifs. Au cas où nous rencontrerions des problèmes, nous devrions nous battre pour défendre les intérêts de la pêche de notre pays.

Je remercie M. Alain Gérard d'avoir salué cette négociation européenne. Sachez que nous poursuivrons nos efforts en faveur de ce secteur économique.

Des crédits d'initiative nationale sont prévus pour le soutien à la filière, la modernisation des navires et des structures professionnelles à terre. Le contrôle des pêches, mis en oeuvre par les services déconcentrés du ministère de l'équipement, permet, parallèlement, de s'assurer du respect des règles visant à préserver la ressource en poisson. Contrairement à ce qu'ont dit Mme Yolande Boyer et M. Yves Coquelle, les crédits nécessaires sont donc prévus pour ces actions.

Il nous faudra également faire un effort - je le dis aux élus représentant les régions maritimes - en matière de sécurité des pêcheurs. Il y a encore eu récemment un incident grave, qui aurait pu être dramatique pour des pêcheurs bretons. En tant que secrétaire d'Etat aux transports et à la mer, j'ai eu à gérer, avec mon collègue Hervé Gaymard, le problème du Bugaled Breizh, à propos duquel nous sommes encore dans l'expectative.

Depuis quelques années, les accidents de pêche sont trop nombreux sur les mers qui entourent notre pays. Il est vrai que les pêcheurs privilégient plus - on ne peut pas leur en vouloir - l'action de pêche que la surveillance de l'environnement du navire ou du port de vêtements de sécurité, lesquels sont parfois une charge supplémentaire de par leur poids. Mais nous ne pouvons accepter de voir des jeunes, hommes et femmes, perdre la vie dans des accidents de pêche.

Nous devrons beaucoup travailler avec les professionnels pour améliorer la sécurité et, avec Gilles de Robien et François Goulard, j'essaierai de prendre des initiatives dans ce domaine, qui me paraît particulièrement important si nous voulons que des jeunes se lancent encore dans ce métier difficile.

J'en viens à la maîtrise des risques sanitaires.

Je lirai avec beaucoup d'intérêt le rapport que m'a remis M. Claude Saunier. A M. Jean Bizet, qui m'a interrogé sur les problèmes sanitaires, je répondrai que la maîtrise des risques sanitaires est au coeur de nos préoccupations. Cela inclut des sujets de santé sanitaire des végétaux, de santé animale et de qualité des produits agroalimentaires. Nous consacrons plus de 495 millions d'euros à notre politique de santé et de qualité alimentaire dans ce budget.

Les succès obtenus depuis deux ans nous donnent plutôt raison : le nombre des cas d'encéphalopathie spongiforme bovine, l'ESB, a diminué spectaculairement ; le contrôle des produits phytosanitaires est mieux assuré ; le service public de l'équarrissage - sur lequel je reviendrai, car je suis bien conscient des difficultés - est en place ainsi que les moyens nécessaires pour accélérer la destruction des farines animales stockées.

Enfin, nous prenons un tournant dans la surveillance sanitaire des élevages en instaurant un bilan sanitaire annuel obligatoire dans les élevages bovins.

Avant d'entrer dans le détail des questions qui m'ont été posées, je voudrais évoquer la modernisation du ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la ruralité. Vous avez noté ce changement d'intitulé. Les termes « affaires rurales » étaient un peu flous, contrairement au mot « ruralité », dont tout le monde sait ce qu'il recouvre.

Nous continuerons à assurer un bon fonctionnement du ministère, tout en étant économes des moyens publics. Nous essayerons de ne pas remplacer tous les départs à la retraite et d'améliorer la productivité des services.

Nous nous efforcerons d'accompagner la décentralisation, en fixant de nouvelles priorités aux directions régionales de l'agriculture, qui constituent de véritables pôles « agriculture et monde rural ». Nous allons lancer de nombreuses réformes de structures dans les services, afin de renforcer la pertinence de leur organisation.

Comme dans tous les ministères, sera mis en place un secrétaire général, qui aura pour mission de veiller à la cohérence du fonctionnement, mais aussi de renforcer la mobilité dans la gestion du personnel, de favoriser la mutualisation des moyens et de piloter la mise en oeuvre de la stratégie ministérielle de réforme.

Enfin, nous allons poursuivre la réforme des offices agricoles pour rationaliser leur organisation, tout en maintenant une présence territoriale dans chaque filière agricole et agroalimentaire. Il s'agit, madame Odette Herviaux, d'une démarche de nature non pas idéologique, mais technique. Ainsi, les six offices seront regroupés en trois pôles : les grandes cultures, l'élevage et les cultures spécialisées.

L'ensemble du dispositif de paiement des aides communautaires doit être fiabilisé pour réduire la part des refus d'apurement sur le budget de l'Etat. C'est pourquoi une agence, adossée dans un premier temps à l'ONIC-ONIOL, se verra confier par étapes la gestion et le paiement de ces aides. Cette agence prendra ensuite, progressivement, son autonomie et regroupera, dès 2007, le paiement de toutes les aides de masse, qu'elles soient ou non découplées. Pour des raisons d'efficacité, les offices seront regroupés à Montreuil.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, vous constaterez que nous nous donnons les moyens, dans ce budget préparé par Hervé Gaymard, de mettre en oeuvre la politique souhaitée par la majorité et par le Premier ministre, même s'il reste beaucoup à faire.

Je vais maintenant m'efforcer de répondre plus précisément à certaines des questions qui m'ont été posées. Je donnerai ensuite la parole à Nicolas Forissier, qui évoquera les sujets qu'il suit plus particulièrement dans les domaines d'action pour lesquels il a reçu délégation d'Hervé Gaymard et de moi-même.

Je commencerai par répondre aux questions de M. Soulage sur la gestion de crise.

J'évoquais ce point hier, à Berlin, avec la ministre allemande de l'agriculture car, dans les négociations européennes, nous avons besoin d'avoir, avec l'Allemagne, des positions qui soient le plus proche possible.

La France a remis au mois de juillet un mémorandum à la Commission pour faire part de ses idées en la matière. Des dispositifs de gestion de crise sont en effet indispensables à notre agriculture, en particulier pour les filières qui sont en difficulté ou qui pourraient l'être : celles des fruits et légumes, du porc et de la volaille. Or la PAC actuelle souffre d'une sorte de « chaînon manquant », comme avait l'habitude de le dire Hervé Gaymard, puisque Bruxelles n'intervient plus, tout en interdisant aux Etats nationaux de le faire.

Le seul moyen pour sortir de cette situation est donc bien la mise en oeuvre de cette gestion communautaire de crise que nous appelons de nos voeux et que M. Charles Revet évoquait à propos de la conchyliculture.

La crise que vient de connaître la filière des fruits et légumes est, à cet égard, emblématique. Elle a justifié une action ciblée des pouvoirs publics. Il faut que nous ayons, dans ce domaine comme dans d'autres, tous les moyens d'examiner les facteurs de distorsion de concurrence intra-européens, notamment sur le coût de la main-d'oeuvre, et de formuler des propositions destinées à y porter remède.

Monsieur Soulage, nous allons naturellement agir dans ce domaine. Cela va être une vraie bagarre pour le gouvernement français, en dehors du problème des fruits et légumes, que d'obtenir de la Commission une vraie politique de gestion de crise. Pour ce faire, il faut que nous ayons des alliés au sein de l'Europe. Nous attendons des réponses de la Commission aux demandes effectuées par le gouvernement français.

J'en viens à la viticulture.

Demain, des manifestations viticoles auront lieu dans notre pays. De cette tribune, je lance un appel pour qu'elles se déroulent dans le calme. Il y va de l'intérêt de nos viticulteurs. La situation est tendue ; M. César l'a très bien rappelé tout à l'heure, comme M. Jacques Blanc et un certain nombre d'entre vous. Les exploitations viticoles rencontrent de vraies difficultés économiques, de vrais problèmes de concurrence avec de nouveaux producteurs dont les produits, d'une certaine qualité, arrivent sur les marchés européens. Les professionnels sont très sensibles à ces questions. Il faudra donc trouver des solutions adaptées à chaque catégorie de vin, à chaque région, maîtriser l'offre par des mesures structurelles et conjoncturelles, continuer la réflexion sur la segmentation du marché, sur la consommation modérée du vin. Des parlementaires avaient lancé l'idée d'un comité, qui a été mis en place.

M. Jean-Louis Carrère. Il faut un observatoire !

M. Dominique Bussereau, ministre. Ce n'est pas par des observatoires que l'on répond aux problèmes. Mais, de temps en temps, il n'est pas mauvais de réfléchir.

Demain, à l'occasion des questions au Gouvernement, j'aurai l'occasion, devant vos collègues de l'Assemblée nationale, de revenir sur cette question. Le Gouvernement sait d'ores et déjà que lui sera lancé un appel puissant. Sachez que nous sommes tout à fait décidés à l'entendre et à agir de la meilleure manière.

MM. Revet, Doublet, Détraigne, Dussaut et Deneux ont évoqué les biocarburants. Le Président de la République a rappelé toute l'importance qu'il attachait à ce sujet. Le 7 septembre dernier, le Premier ministre a annoncé un plan Biocarburant, qui doit nous donner les moyens d'atteindre en 2010 l'objectif communautaire d'incorporation des biocarburants, fixé à 5,75 %.

Cette ambition, très importante, comporte des enjeux dans différents domaines.

Le premier est environnemental. Dans le cadre général du protocole de Kyoto, les biocarburants sont essentiels pour réduire les émissions de gaz à effet de serre dans les transports.

Le deuxième enjeu, fondamental, est agricole. Notre potentiel est énorme et nous pouvons rapidement mobiliser des surfaces importantes, notamment les surfaces en jachère évoquées par M. Gérard Bailly.

Le troisième enjeu est économique. C'est pour nous le moyen de réduire notre facture pétrolière, notre dépendance énergétique, et de créer plusieurs milliers d'emplois.

Une première étape pour parvenir à l'objectif fixé par le Premier ministre consiste à tripler, d'ici à 2007, la production des biocarburants, ce qui représente des agréments nouveaux de 800 000 tonnes de carburant défiscalisé.

Par l'intermédiaire d'un amendement voté à l'unanimité à l'Assemblée nationale lors de l'examen de la première partie de la loi de finances, le Parlement a souhaité ajouter aux outils d'incitation préexistant le principe d'une pénalité financière - le Sénat en a légèrement changé les modalités, je crois - en cas d'incorporation insuffisante de biocarburants au-dessous d'un certain seuil. Ce seuil, fixé chaque année un peu plus haut, permettra d'atteindre l'objectif voulu par le Premier ministre.

Il convient, en conséquence, de définir les réglages sur trois points.

Le premier concerne la répartition des volumes entre filières éthanol et diester - ce n'est pas facile, car il peut y avoir des demandes, non pas contradictoires, mais complémentaires - et le calendrier d'ouverture de ces agréments.

Le deuxième porte sur le soutien de la compétitivité économique des biocarburants produits en France. Il nous faut organiser notre appareil industriel : les usines à créer sur le territoire, les endroits où les implanter.

Enfin, le troisième concerne la visibilité pluriannuelle qu'attendent les opérateurs.

Le Gouvernement précisera très prochainement comment il entend décliner ce plan. Des appels à candidatures seront lancés et dépouillés au printemps prochain. Les unités nouvelles seront opérationnelles en 2007.

En plus des arguments environnementaux, agricoles et économiques que je viens de citer et que vous connaissez mieux que moi, il en est un autre qui est d'ordre psychologique.

En effet, il convient de faire comprendre à nos agriculteurs - à qui l'on explique qu'ils sont subventionnés, maintenus en vie, voire en survie - que nous allons avoir un déficit énergétique important et une forte baisse des productions fossiles, qu'en conséquence nous ne pourrons résoudre un certain nombre des défis auxquels nous sommes confrontés dans le domaine de l'énergie que grâce à notre agriculture.

Il faut transformer cette image d'une agriculture assistée, donnée à tort par certains, en une image d'agriculture participant au processus industriel de création d'énergie. C'est là un important défi politique à relever pour les agriculteurs de notre pays. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

Cela ne sera pas facile. Hier, de l'autre côté du Rhin, j'ai entendu diverses réactions, j'ai entendu dire en particulier : mais les biocarburants, c'est pour les voitures ! Il y aura donc des difficultés à surmonter. Au demeurant, il s'agit-là d'une formidable chance pour l'agriculture de notre pays.

M Joël Bourdin, rapporteur spécial, M. Michel Doublet, que je n'aurai garde d'oublier, et d'autres m'ont interrogé sur le Fonds national pour le développement des adductions d'eau, le FNDAE.

En 2004, ce fonds a été budgétisé au niveau des recettes escomptées de la taxe sur la consommation d'eau affectée au budget général, soit 75 millions d'euros. Ainsi l'Etat a pu attribuer des subventions en capital aux collectivités territoriales et à leurs groupements pour l'exécution des travaux d'alimentation en eau potable et d'assainissement dans les communes rurales, dans le cadre de dotations départementales.

Parmi les diverses hypothèses d'évolution du FNDAE, le Gouvernement a choisi l'option du transfert des crédits et des attributions vers les agences de l'eau. Maintenant, il faut y travailler.

Cette évolution vous sera présentée, par voie d'amendement gouvernemental, dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2004. J'espère qu'elle retiendra particulièrement votre attention.

MM. Gérard et Delfau m'ont interrogé sur la fiscalité du chauffage par le bois. Il est tout à fait envisageable d'étendre le bénéfice du taux réduit de TVA, qui est actuellement réservé au bois de chauffage à usage domestique, aux collectivités ou aux groupements de collectivités. Il faudrait néanmoins, pour ce faire, une modification du droit communautaire, qui ne peut être envisagée qu'après une décision du Conseil à l'unanimité. Je suis prêt à étudier les moyens pour agir dans cette direction.

M. Gérard Delfau, rapporteur pour avis. Très bien !

M. Dominique Bussereau, ministre. En ce qui concerne l'équarrissage, le Gouvernement est tout à fait conscient des difficultés rencontrées par les opérateurs de la filière viande dans la mise en oeuvre du service public de l'équarrissage.

Les travaux conduits au cours de ces dernières semaines ont permis d'importantes avancées, qu'il s'agisse du périmètre de ce service ou de son adaptation au règlement européen relatif au traitement des sous-produits animaux.

Cependant, monsieur Bourdin, les grands équilibres du dispositif ne sont pas, à ce jour, suffisamment stabilisés pour que nous puissions envisager une évolution du service public de l'équarrissage dont je puisse vous rendre compte aujourd'hui.

Nous allons travailler sur ce sujet, conscients des enjeux territoriaux et économiques qui nous imposent de traiter avec beaucoup d'attention le volet « cadavres en élevage », tant dans sa mise en oeuvre que dans son financement. Aujourd'hui, je considère qu'aucune réponse suffisante n'a été apportée. Je propose donc que nous nous donnions encore un peu de temps afin de poursuivre nos travaux pour identifier, dans les meilleurs délais, les voies et les moyens permettant une évolution équilibrée du service public de l'équarrissage.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie de m'excuser si je n'ai pas répondu avec autant de précisions que vous le souhaitiez à chacune de la centaine de questions qui m'ont été posées. Naturellement, si certains le souhaitent, je suis prêt à répondre par écrit et à poursuivre le dialogue individuellement ou dans le cadre de commissions spécialisées.

Pour un ministre débutant sur les sujets agricoles, avoir la responsabilité de ce domaine est un enjeu passionnant. Je suis conscient de tous les défis que nous avons à relever. Il nous faut dessiner le nouveau visage de notre agriculture, pour construire, ensemble, un modèle français.

Il nous faut aussi faire vivre un modèle européen. Or ce qui s'avère déjà compliqué à vingt-cinq le sera d'autant plus à vingt-six, vingt-sept ou vingt-huit membres, une fois que la Roumanie, la Bulgarie et la Croatie auront adhéré à l'Union européenne. Ce modèle européen doit s'affirmer dans les négociations internationales. A ce titre, la réunion de l'OMC qui se tiendra à Hong Kong à la fin de l'année 2005 est une échéance importante.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la mission qui m'a été confiée est très exigeante. Sachez que je l'aborde avec beaucoup d'humilité et que j'entends, avec Nicolas Forissier, mettre en place un dialogue permanent avec le Sénat.

Ce projet de budget est sérieux et solide. Il est à l'image de la politique qu'a menée Hervé Gaymard. S'il n'est pas toujours aussi ambitieux que certains l'auraient souhaité, il est le reflet de la situation économique et politique de notre pays.

Je remercie toutes celles et tous ceux qui ont soutenu l'action du Gouvernement. Désormais, je suis un militant des questions agricoles et de la ruralité, au service de chacune et de chacun d'entre vous. Je table sur vos connaissances pour améliorer les miennes. Je compte sur votre soutien afin que nous puissions mener, ensemble, une politique pour la France à la hauteur des ambitions du monde agricole, du monde de la pêche et de notre ruralité. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Nicolas Forissier, secrétaire d'Etat à l'agriculture, à l'alimentation, à la pêche et aux affaires rurales. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais d'abord saluer la qualité des rapports du Sénat et celle des échanges que nous avons eus lors de la préparation de ce budget.

Dominique Bussereau vient de souligner avec force et conviction combien ce projet de budget confortait nos priorités d'action.

J'apporterai à mon tour certaines précisions en répondant aux questions posées sur les sujets qui me concernent plus particulièrement : l'enseignement technique, l'enseignement supérieur et la recherche agricoles, l'industrie agroalimentaire, l'exportation et la promotion de nos produits agricoles et agroalimentaires, ainsi que certains points touchant aux affaires rurales.

L'enseignement et la recherche agricoles regroupent, je le rappelle, la moitié des emplois budgétaires et représentent le quart du budget du ministère.

Notre enseignement agricole s'inscrit parfaitement dans les nouvelles orientations pour la réussite à l'école que le Premier ministre a souhaité mettre en avant dans le contrat « France 2005 ». Nous sommes déterminés, Dominique Bussereau et moi-même, à faire en sorte que la place et la mission de cet enseignement soient confortées dans le système éducatif national.

A cet égard, j'ai été tout particulièrement sensible aux propos de Mme Férat, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Avec sa grande compétence sur ces sujets qu'elle connaît très bien, elle a salué à juste titre l'importance de l'enseignement agricole qui, au-delà de son rôle de formation, intervient dans la vie de nos territoires et permet de préparer l'avenir des secteurs de l'agroalimentaire et de l'agriculture.

Lors de la préparation de ce budget, nous avons souhaité tracer des perspectives susceptibles de mobiliser la communauté éducative de l'enseignement agricole.

A cette fin, nous faisons, d'abord, évoluer l'offre de formation de manière cohérente, pour être toujours plus en phase avec les attentes de la société.

Nous consacrons, ensuite, un gros effort à la valorisation des métiers de l'agriculture et de l'agroalimentaire et des métiers de service en milieu rural, auxquels l'enseignement agricole prépare notamment. Nous sommes conscients du travail de communication qui reste à faire, notamment sur l'agroalimentaire.

Nous veillons, enfin, à conforter la dimension européenne de nos formations, notamment avec l'adaptation au système LMD, licence-mastère-doctorat, ou le renforcement des échanges avec les pays de l'Europe élargie.

Nous avons donc souhaité nous donner les moyens de cette triple ambition dans le budget de l'enseignement agricole pour 2005.

M. Jean-Guy Branger. Très bien !

M. Nicolas Forissier, secrétaire d'Etat. Par ailleurs, Mme Férat et M. Piras ont clairement rappelé tout à l'heure un fait trop méconnu, que j'ai donc le devoir de faire connaître davantage : l'enseignement agricole fait réussir. (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP.)

M. Jean-Guy Branger. Tout à fait !

M. Dominique Bussereau, ministre. Absolument !

M. Nicolas Forissier, secrétaire d'Etat. En l'espèce, le taux d'insertion dans la vie professionnelle dans les six mois suivant la fin des études est particulièrement élevé puisqu'il se situe entre 85 % et 90 %.

Cet enseignement joue donc un rôle d'insertion sociale important, en offrant une seconde chance à des élèves qui ne sont pas toujours à l'aise dans l'enseignement général. C'est un véritable « ascenseur social ».

En outre, vous le savez, l'enseignement agricole contribue au dynamisme de nos territoires ruraux, par son ancrage local fort et grâce à de réelles interactions avec les filières professionnelles et les entreprises locales. En ce sens, le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux conforte l'enseignement agricole dans son rôle de développement et d'animation.

Comme Dominique Bussereau l'a indiqué, nous nous situons dans un environnement en forte évolution, qu'il s'agisse de la réforme de la politique agricole commune, des nouvelles attentes de la société à l'égard de son agriculture ou encore des réformes techniques, à l'image de la mise en oeuvre de la LOLF, laquelle prévoit le rattachement de l'enseignement technique agricole à la mission interministérielle « enseignement scolaire ».

Ainsi avons-nous dû prévoir dans notre budget les conséquences de toutes ces évolutions.

A cet égard, je tiens à dire à M. Raoult que, contrairement à ce qu'il a affirmé tout à l'heure, le budget négocié de l'enseignement agricole progresse, ce qui lui permettra d'être en mouvement.

Pour cela, nous avons procédé à des ajustements de l'appareil de formation. Certes, nous avons dû fermer des classes, mais nous avons respecté le seuil fixé puisqu'elles comptaient toutes moins de huit élèves. En même temps, nous avons maintenu notre capacité d'accueil, et 174 700 élèves seront donc accueillis cette année dans l'enseignement technique agricole, ce qui représente une légère progression de près de 1 % des effectifs par rapport à la rentrée scolaire de 2003.

Mme David et M. Piras ont sous-entendu que le Gouvernement favorisait l'enseignement privé au détriment de l'enseignement public et qu'il ne faisait pas assez d'efforts en faveur de ce dernier.

M. Bernard Piras. Je le répète !

M. Nicolas Forissier, secrétaire d'Etat. Bien au contraire, mon principe - et il correspond au voeu de M. le Président de la République et de M. le Premier ministre - est de veiller à respecter très scrupuleusement l'équité.

Précisément, nous avons souhaité être équitables en rattrapant les retards subis par l'enseignement privé en raison de la non-application des lois Rocard par la majorité précédente.

M. Henri de Raincourt. Voilà ! C'était du sectarisme !

M. Charles Pasqua. C'est clair !

M. Jean-Louis Carrère. Contrairement à vous, nous ne sommes inféodés à personne !

M. Nicolas Forissier, secrétaire d'Etat. Dominique Bussereau et moi-même veillerons, par nos choix budgétaires, à respecter intégralement cette équité, non seulement pour cette année mais pour les années à venir.

Je voudrais souligner deux idées fortes.

Premièrement, la recherche et l'enseignement supérieur agricoles sont des priorités. Les moyens qui leur sont consacrés progressent globalement de 7 %, malgré les contraintes que vous connaissez. En fait, la progression est de 5,4 % en faveur de l'enseignement supérieur et de 12,7 % en faveur de la recherche, du développement et du transfert de technologies.

Dans cette enveloppe, les crédits d'investissement de la recherche bénéficient d'une attention toute particulière puisqu'ils progressent nettement de 30 %. Monsieur Piras, il s'agit d'un effort important et non d'un simple rattrapage, comme vous l'avez affirmé. (M. Bernard Piras proteste.) Si vous le souhaitez, je vous transmettrai les statistiques de ces dernières années.

Le Gouvernement répond donc aux voeux qui ont été formulé en la matière par nombre d'entre vous. Je voudrais en particulier souligner que cet effort budgétaire va permettre la réorganisation des vingt-six établissements d'enseignement supérieur agricole en pôles de compétences régionaux, pour leur donner une meilleure lisibilité et les rendre plus attractifs, notamment à l'échelon européen.

Madame Férat, s'agissant de l'évolution de la rénovation des bâtiments, j'ai effectivement pu constater, avec Hervé Gaymard, un retard important dans certaines grandes écoles très connues. A cette fin, des moyens ont été mobilisés, y compris en loi de finances rectificative pour 2004. Nous avons ainsi obtenu 4,5 millions d'euros de crédits de paiement et 5 millions d'euros d'autorisations de programme supplémentaires, pour accélérer l'effort engagé afin de rénover ces bâtiments. En effet, il s'agit d'offrir aux enseignants et aux élèves des conditions matérielles qui soient dignes de la qualité de ces enseignements et de ces écoles.

Nombre d'entre vous, notamment MM. Dussault, Deneux et Revet, ont évoqué la recherche appliquée dans le domaine de l'agroalimentaire et de l'agroindustrie, en soulignant, avec raison d'ailleurs, la nécessité de la renforcer dans les entreprises.

La recherche appliquée dans ces domaines bénéficiera tout particulièrement de la revalorisation de 30 % des crédits d'investissement que j'ai évoquée. Il s'agit d'un élément important dans le cadre du travail qui est conduit avec les professionnels de ce secteur pour le développement des industries agroalimentaires. Vous êtes d'ores et déjà tenus informés de ce travail, mais j'aurai l'occasion de m'en expliquer de nouveau devant la Haute Assemblée.

Deuxièmement, l'enseignement technique agricole est conforté puisque ses crédits progressent de 2,3 %.

Pour l'enseignement public, nous avons choisi de donner la priorité à l'encadrement des élèves. Comme nous nous y étions engagés avec Hervé Gaymard, les moyens dévolus à la vie scolaire sont consolidés : le nombre d'assistants d'éducation est maintenu au niveau de la rentrée scolaire 2003, et 1 145 postes sont donc pourvus.

A ce propos, madame Férat, je vous remercie d'avoir souligné l'importance des crédits d'aide sociale dans l'enseignement technique. Ce dispositif de formation joue pleinement son rôle de promotion sociale et accueille, en particulier, de nombreux jeunes issus de milieux modestes.

Nous devons en permanence procéder à des ajustements et à des mises à niveau dans l'enseignement agricole. S'il était nécessaire, dans le présent budget, d'agir ainsi en faveur de l'enseignement privé, je suis parfaitement conscient que nos efforts doivent également porter en priorité sur les crédits d'aide sociale, et ce sera un élément très fort de notre réflexion et de notre action pour les échéances budgétaires à venir.

Je rappellerai néanmoins que des efforts ont déjà été réalisés. Ainsi, à la rentrée de 2001, le doublement de la prime d'équipement et l'introduction de la bourse au mérite ont été mise en oeuvre. A la rentrée de 2002, nous avons mis en place la prime à l'internat.

Je rappelle également que le nombre d'élèves boursiers a atteint 58 728 en 2004-2005, soit un tiers de l'effectif total de l'enseignement technique. Je suis toutefois conscient que cette question doit faire partie des priorités. Nous y travaillons, je tenais à vous le dire.

Vous m'avez interrogé sur la formation à la sécurité sanitaire et au lien entre l'alimentation et la santé dispensée à l'ISA de Beauvais. Je vous précise que cet établissement, comme tous les enseignements privés d'enseignement supérieur, bénéficie de l'augmentation de 10 % des crédits qui figure dans le projet de loi de finances pour 2005.

Par ailleurs, cette formation qui est récente, madame le sénateur, vient d'être agréée et l'établissement a obtenu à ce titre un financement transitoire. Bien sûr, nous accompagnerons cette filière dans les années qui viennent, de façon à la conforter.

Monsieur Piras, vous m'avez posé trois questions.

La première portait sur la réforme des quatre établissements publics nationaux. Je rappelle que ces établissements qui apportent un soutien à l'innovation pédagogique de l'ensemble de notre enseignement agricole, avaient depuis très longtemps besoin d'être soutenus.

J'ai souhaité, avec Hervé Gaymard et Dominique Bussereau, mettre en oeuvre une politique volontariste, afin de leur permettre de remplir leur mission. Cette réforme est donc engagée. Elle leur permettra de se rapprocher de façon plus intégrée d'établissements techniques ou supérieurs.

La seconde question concernait les TOS. Le ministère de l'agriculture est attentif à la situation de ces personnels, même si cela n'a pas d'incidence budgétaire pour 2005.

Enfin, en ce qui concerne la « déprécarisation », je tiens à dire que nous avons fait de gros efforts, lesquels ont abouti, au cours des années successives depuis 2000, à réduire d'un tiers les effectifs en situation de précarité.

Mesdames, messieurs les sénateurs, s'agissant de l'enseignement privé, les engagements de l'Etat, comme l'a d'ailleurs souligné M. Gérard Bailly, ont été tenus au terme d'un travail de concertation important. Les contentieux, dont j'ai rappelé l'origine, ont été réglés.

Pour l'enseignement privé pratiquant le temps plein, nous avons mis en place de nouvelles modalités de calcul des subventions de fonctionnement. Le décret a été publié très rapidement et 3 millions d'euros sont prévus pour 2005, sur un total de 12 millions d'euros qui auront été versés pour actualiser les subventions.

Monsieur Biwer, vous m'avez interpellé au sujet des maisons familiales rurales. Une convention signée le 26 juillet 2004 a permis de régler le problème de l'actualisation des subventions. Au total, 14 millions d'euros seront versés sur quatre ans.

Monsieur Biwer, vous avez également attiré mon attention sur les difficultés de trésorerie d'un certain nombre d'établissements, difficultés dont je suis tout à fait conscient. Afin de corriger cette situation, je veillerai particulièrement à ce que la première tranche des versements puisse être effectuée dès les premiers jours du mois de janvier, grâce aux crédits inscrits dans le projet de loi de finances rectificative pour 2004.

Ainsi, mesdames, messieurs les sénateurs, vous pouvez constater que le Gouvernement concrétise effectivement la forte priorité qu'il donne à l'enseignement, à l'enseignement supérieur et à la recherche.

S'agissant des industries agroalimentaires et de l'exportation, M.  Joël Bourdin s'est interrogé, dans son excellent rapport, sur les suites que nous devons donner à la réforme de la SOPEXA. Ce travail, qui est conduit activement avec les responsables de cette société, cherche à atteindre plusieurs objectifs.

Il s'agit tout d'abord de clarifier les relations entre l'Etat et la SOPEXA, notamment en cédant les parts de l'Etat, de façon à bien séparer les rôles.

Nous devrons ensuite signer rapidement, avant la fin de cette année, la convention visant à harmoniser les actions de SOPEXA, d'UBIFRANCE et de l'ADEPTA.

Enfin, nous nous efforçons de redéfinir de façon plus lisible et plus pérenne le cadre d'action, notamment pour le compte de l'Etat, de la SOPEXA.

Messieurs César, Dussaut et Deneux, je tiens à vous dire que tout cela s'inscrit dans le cadre de la volonté du Gouvernement de développer la promotion à l'exportation, pour laquelle le Président de la République a annoncé un doublement des crédits. Plus globalement, notre action s'inscrit dans le cadre des efforts que nous conduisons pour développer nos industries agroalimentaires ; j'aurai l'occasion de revenir sur ce point.

Pour terminer, je souhaite évoquer brièvement un sujet soulevé non seulement par MM. Delfau et Lejeune, Mme Herviaux, mais plus particulièrement par M. Doublet, à savoir le financement des associations rurales.

Vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, le ministère de l'agriculture soutient les associations d'animation rurales, qui jouent un rôle très important. Ce soutien d'ordre budgétaire prend également la forme de mises à dispositions de fonctionnaires et de financements de postes FONGEP.

Certes, je suis conscient des difficultés de trésorerie rencontrées par un certain nombre d'associations. Un rapport a été élaboré sur ce sujet par les services du ministère.

Nous sommes dans une année de transition, et j'ai souhaité que mes services accélèrent la procédure de versement du soutien exceptionnel prévu pour 2004, afin d'aider les associations à passer le cap de cette année.

Par ailleurs, sur le fondement de ce rapport, nous avons décidé d'accélérer les instructions qui préparent un nouveau conventionnement avec ces associations, dans une logique de projet plus active. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Agriculture, alimentation, pêche et affaires rurales
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2005
Etat C - Titres V et VI

M. le président. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales, et figurant aux états B et C.

État B

Titre III : 8 368 170 €.

M. le président. Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.

(Ces crédits sont est adoptés.)

Titre IV : moins 1 313 450 529 €.

M. le président. La parole est à M. Daniel Soulage, sur ces crédits.

M. Daniel Soulage. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, étant d'un département qui a beaucoup souffert des aléas climatiques, qu'il s'agisse des orages, des inondations ou du gel, je me bats, depuis que je suis parlementaire, pour que soit mis en place, au niveau national, un système d'assurance efficace.

Bien entendu, je suis ravi que ce budget prévoie l'amorce d'un tel dispositif, et je vous en félicite, monsieur le ministre. C'est une nécessité pour rassurer les agriculteurs et encourager les plus jeunes d'entre eux. Le Gouvernement a fait un pas important et j'espère qu'il poursuivra sur cette lancée.

Toutefois, nous n'en sommes qu'aux préliminaires sur ce sujet. Au moment où, avec l'évolution de la PAC, les aléas économiques s'ajoutent aux aléas climatiques, il me semble que le dispositif proposé manque un peu d'ambition. Je suis persuadé que l'assurance récolte doit pouvoir évoluer vers une assurance chiffre d'affaires, voire vers une assurance revenu.

Dans cette perspective, je souhaite formuler quelques remarques et soumettre certaines idées à vos réflexions.

Premièrement, il me semble primordial que, avant d'avoir estimé les limites de l'assurance récolte, nous ne touchions pas aux crédits du Fonds national de garantie des calamités agricoles. En effet, plusieurs questions restent en suspens : quel sera le rythme d'assurance ? Comment seront indemnisés les risques « non assurables », comme les inondations, le gel, les pertes de fonds ?

A mon sens, les deux systèmes doivent cohabiter quelques années, afin qu'aucun agriculteur ne soit brutalement marginalisé.

Deuxièmement, le dispositif envisagé concerne les cultures de vente. Les contrats d'assurance peuvent porter sur une exploitation ou sur une culture.

Pour les contrats d'exploitation, il est prévu, pour 2005, une aide de l'État à hauteur de 40 %, et de 45 % pour les jeunes, avec un système de franchise de 20 %.

Pour les contrats de culture, les aides seront, en 2005, respectivement de 30 % et 35 %, avec une franchise de 25 %.

Le système proposé, en pourcentage et en montant, me semble tout à fait correct. Mais les aides prévues pour la suite baissent en trop grande proportion et rendent le dispositif peu attractif.

Troisièmement, alors que l'assurance récolte représente une priorité du budget, seulement 10 millions d'euros sont prévus pour la financer. De plus, les interventions publiques seront plafonnées à 130 millions d'euros à l'horizon 2010. C'est moitié moins que nos voisins espagnols !

Enfin, il me semble indispensable de prévoir une réassurance publique, et je regrette que l'examen de cette question soit renvoyé à plus tard.

M'étant longtemps battu pour que nous progressions sur ce sujet, j'espère que nous pourrons, par exemple à l'occasion de l'examen du projet de loi de modernisation et d'orientation agricole, réussir à mettre en place un système attractif et efficace pour les agriculteurs, ce qui n'est pas le cas actuellement.

Aujourd'hui, l'agriculture se trouve à un nouveau virage. Les pouvoirs publics se doivent, comme cela a été fait en 1992 et en 1993, d'accompagner l'ouverture de l'Europe. Ils doivent aussi prendre en compte les nouvelles règles de commerce international qui seront bientôt décidées.

Demain, il ne sera plus possible de soutenir les exportations, et de nombreuses aides devront être supprimées parce qu'elles entraînent des distorsions de concurrence. Seules les aides considérées comme neutres sur ce plan et classées « boîte verte » pourront être attribuées.

Dans ce cadre, le soutien d'une assurance revenu classée « boîte verte » et susceptible de redonner confiance à de nombreux agriculteurs me paraît une piste intéressante à étudier pour l'avenir.

A leur manière, les Etats-Unis l'ont fait avec les marketing loans. L'Espagne est en train de mettre en place une assurance chiffre d'affaires à partir de son assurance récolte. Pourquoi ne prendrions-nous pas ce chemin ?

Pour avoir participé à la conférence de Cancùn et rencontré plus récemment à Bruxelles des parlementaires de 148 pays, je me suis bien rendu compte que notre agriculture, comme, d'ailleurs, celle des Etats-Unis, est vue comme un eldorado.

Soyons conscients que chacune des aides sera étudiée à la loupe par l'OMC et que nombre d'entre elles disparaîtront, vraisemblablement parce qu'elles ne seront pas classées « boîte verte ». Si nous voulons conserver notre agriculture, l'Etat et l'Europe devront l'aider, conformément au règlement mondial. Nous avons, avec l'assurance revenu, un outil qui, si nous le voulons, pourra s'avérer très efficace.

M. le président. L'amendement n° II-42, présenté par M. Bourdin, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Augmenter la réduction des crédits du titre IVde500 000 euros.

En conséquence, porter le montant des mesures nouvelles négatives à moins 1.313.950.529 euros

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Cet amendement vise à procéder à une réduction de 500 000 euros sur le titre IV, qui s'imputerait sur le chapitre 44-70 « Promotion et contrôle de la qualité », plus précisément à l'article 80 « Agence française d'information et de communication agricole et rurale, AFICAR ».

En effet, cette agence est dotée, pour 2005, de 1,996 million d'euros, alors même que l'AFICAR, établissement public à caractère industriel et commercial, n'a pas d'existence effective puisque sa création résulte des dispositions de l'article 75 ter du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux, qui n'a pas encore été définitivement adopté par le Parlement.

En outre, il faut rappeler que, lors de l'examen de cet article par le Sénat, la commission des finances avait proposé et obtenu sa suppression, estimant qu'il s'agissait d'un instrument financier dont l'utilité était discutable et les modalités de financement imprécises.

Le Sénat avait donc voté en faveur de la suppression de cet article, qui a été rétabli par l'Assemblée nationale en deuxième lecture.

M. Charles Pasqua. Il faut le supprimer à nouveau !

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Finalement, monsieur le ministre, avec toute la sympathie qu'elle éprouve à votre égard, la commission des finances vous fait éviter le pire puisqu'elle ne propose qu'une réduction de 500 000 euros.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Bussereau, ministre. Comme j'ai beaucoup de sympathie pour la commission des finances du Sénat, je m'en remets à la sagesse de la Haute Assemblée. (Sourires et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-42.

(L'amendement est adopté.)

Etat B - Titres III et IV
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2005
Art. 71

M. le président. Je mets aux voix, modifiés, les crédits figurant au titre IV.

(Ces crédits sont adoptés.)

État C

Titre V : - Autorisations de programme : 352 689 000 € ;

Crédits de paiement : 287 575 000 €.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, sur ces crédits.

M. Pierre-Yves Collombat. Les incendies de forêt sont une calamité pour les départements du sud de la France, tout particulièrement pour les départements méditerranéens.

Ainsi, vous comprendrez qu'un élu du Var s'inquiète du manque de cohérence des engagements budgétaires du Gouvernement en la matière.

En effet, en 2005, tout son effort porte sur le renforcement des moyens d'intervention, surtout aériens, dont les crédits sont inscrits au budget de la sécurité civile. D'une année sur l'autre, les crédits d'investissement sont passés de 14,5 millions d'euros à 52,5 millions d'euros, en vue de l'acquisition de deux avions gros porteurs, d'un onzième Canadair et de nouveaux hélicoptères.

On ne peut que s'en féliciter, ces moyens étant absolument déterminants dans le succès de la lutte, une fois l'incendie déclaré. Cependant, et c'est là que réside le problème, une amélioration des dispositifs d'intervention sans l'accompagnement d'une politique active d'entretien et d'aménagement de la forêt est vouée à l'échec ; pire, elle devient, à terme, contre-productive.

Paradoxalement, le caractère catastrophique des incendies de forêt peut tout aussi bien témoigner de l'efficacité des dispositifs d'alerte et d'intervention que de leur inefficacité. Plus un dispositif est efficace en effet, moins il y aura d'incendies de moyenne ampleur durant des années, mais plus les rares départs de feu qui échapperont à la vigilance, un jour ou l'autre, seront catastrophiques.

Encore une fois, si l'entretien de la forêt est négligé, le renforcement des moyens de surveillance et d'intervention s'avérera, au final, contreproductif. La forêt en effet n'est pas une poudrière, un dépôt de carburant qu'il suffirait de tenir sous haute surveillance pour qu'elle se tienne tranquille. Elle ressemble plutôt à un dépôt de gaz qui fuirait. La biomasse produite à chaque instant, si elle n'est pas détruite par l'homme, l'animal ou le feu, demeure sur place, augmentant d'autant le risque. Plus tardive sera la destruction, plus catastrophique sera l'incendie qui ne manquera pas de se déclarer ; c'est exactement ce que l'on observe.

D'où l'intérêt d'un organisme comme le Conservatoire de la forêt méditerranéenne, chargé de financer, en partenariat avec les collectivités locales, les travaux de défense de la forêt contre les incendies, les travaux d'entretien, et de préfinancer l'exécution d'office du débroussaillement obligatoire, dont les maires ont la charge.

A sa création, il y a un peu plus de dix ans, le Conservatoire fut doté d'un budget de l'ordre de 15 millions d'euros, alimenté de manière spécifique par une nouvelle taxe sur les briquets et allumettes et par une hausse de la fiscalité sur les tabacs. Comme l'a montré on ne peut plus clairement la Cour des comptes dans son rapport 2000, ces crédits diminueront au fil du temps et seront en partie détournés de leur objet. L'année 2005 ne rompt pas avec ces mauvaises habitudes : en apparence, les crédits du Conservatoire augmentent de 5 %, passant de 9,5 millions d'euros à près de 10 millions d'euros ; en réalité, ils baissent par rapport à 2004, dans la mesure où un abondement lors de la loi de finances rectificative pour 2003 avait permis de faire passer les crédits à 11 millions d'euros. En euros courants, l'amputation des moyens du Conservatoire par rapport aux moyens dont il disposait à sa création est importante. En euros constants, c'est l'effondrement.

Or, encore une fois, négliger l'aménagement et l'entretien régulier de la forêt, c'est obérer l'efficacité des moyens d'intervention. La modulation des crédits consacrés à l'entretien des forêts en fonction de ceux qui sont réservés aux moyens d'intervention est la condition de l'efficacité de ces derniers, comme on peut le constater si l'on se réfère à une période d'une dizaine d'année. Comme le disait déjà la Cour des comptes dans le rapport que j'ai cité, « le constat est donc confirmé que l'Etat négligeait la prévention, peu visible, et privilégiait l'achat d'un matériel destiné à une lutte active et plus spectaculaire contre les incendies ».

Rien de nouveau donc sous le soleil méditerranéen ! Avouez que c'est fort dommage. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. L'amendement n° II-39 rectifié bis, présenté par MM. Gaillard,  Leroy,  Vasselle,  Vinçon,  Jarlier,  du Luart,  Ginoux,  Bernardet,  de Richemont et  Bailly, est ainsi libellé :

Réduire les autorisations de programme de 1 500 000 € ;

Réduire les crédits de paiement de 1 500 000 €.

L'amendement n° II-40 rectifié bis, présenté par MM. Gaillard,  Leroy,  Vasselle,  Vinçon,  Jarlier,  du Luart,  Ginoux,  Bernardet,  de Richemont et  Bailly, est ainsi libellé :

Réduire les autorisations de programme de 6 900 000 € ;

Réduire les crédits de paiement de 6 900 000 €.

La parole est à M. Yann Gaillard, pour défendre ces deux amendements.

M. Yann Gaillard. Je les ai déjà évoqués dans mon propos liminaire.

M. le président. Dois-je considérer qu'ils sont retirés ?

M. Yann Gaillard. Bien entendu, monsieur le président.

M. le président. Les amendements n°s II-39 rectifié bis et II-40 rectifié bis sont retirés.

Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement figurant au titre V.

(Ces crédits sont adoptés.)

Titre VI. - Autorisations de programme : 1 469 056 000 € ;

Crédits de paiement : 991 613 000 €.

M. le président. Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement figurant au titre VI.

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président. J'appelle en discussion les articles 71, 72, 72 bis et 72 ter qui sont rattachés pour leur examen aux crédits de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.

Etat C - Titres V et VI
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2005
Art. 72

Article 71

L'article L. 654-16 du code rural est abrogé. - (Adopté.)

Art. 71
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2005
Art. 72 bis

Article 72

Au deuxième alinéa de l'article L. 514-1 du code rural, les mots : « pour 2004, à 1,5 % » sont remplacés par les mots : « pour 2005, à 1,8 % ». - (Adopté.)

Art. 72
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Art. 72 ter (début)

Article 72 bis

I. - Les trois derniers alinéas du III de l'article 1619 du code général des impôts sont ainsi rédigés :

« Pour la détermination de l'assiette de la taxe, les tonnages de céréales livrés font l'objet d'une réfaction correspondant :

« 1° Au taux d'humidité, égal à la différence entre le taux d'humidité constaté et un taux de référence compris entre 14 % et 15 % des tonnages fixé par arrêté du ministre chargé de l'agriculture ;

« 2° Au taux d'impuretés diverses, égal à la différence entre le taux d'impuretés constaté et le taux de référence compris entre 0,5 % et 2,5 % des tonnages, fixé par arrêté du ministre chargé de l'agriculture pour chaque céréale, dans la limite d'un taux maximal de réfaction compris entre 1 % et 3 %. »

II. - Le I entre en vigueur au 1er janvier 2004. - (Adopté.)

Art. 72 bis
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Art. 72 ter (interruption de la discussion)

Article 72 ter

Le premier alinéa de l'article L. 641-9-1 du code rural est complété par les mots : « ou de produits pour lesquels la proposition d'enregistrement en indication géographique protégée a été homologuée dans les conditions définies par décret en Conseil d'Etat. » - (Adopté.)

M. le président. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi concernant le ministère de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.

La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Je tiens tout d'abord à remercier M. le ministre et M. le secrétaire d'Etat.

Je dirai ensuite à M. le ministre qu'il ne s'étonne pas si la commission des finances manifeste beaucoup de circonspection chaque fois qu'il tentera de créer de nouvelles agences et de nouveaux organismes publics. Nous souhaitons qu'à l'heure de la réforme de l'Etat on évite de multiplier tous ces satellites...

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. ...qui ne sont que des sources de dépense publique contre lesquelles nous devons lutter avec beaucoup de détermination.

Monsieur le président, je me tourne maintenant vers vous : s'est posée la question de savoir s'il ne fallait pas reporter l'examen des crédits de l'enseignement supérieur qui devait avoir lieu ce soir. Après consultation de M. Fillon et de M. le président de la commission des affaires culturelles, il a été décidé d'examiner aujourd'hui, et ce même jusqu'à une heure avancée, les crédits de l'enseignement scolaire et les crédits de l'enseignement supérieur.

M. le président. Le Sénat en prend acte.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Guy Fischer.)