PRÉSIDENCE DE Mme Michèle André

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

Deuxième partie (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2005
Discussion générale

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MISE AU POINT AU SUJET D'UN VOTE

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Delfau.

M. Gérard Delfau. Madame la présidente, je souhaite faire une mise au point. Lors de la séance du 26 novembre dernier, dans le cadre du scrutin n0 49 sur l'article 7 du projet de loi de finances pour 2005 consacré à l'aménagement du régime fiscal applicable aux partenaires liés par un pacte civil de solidarité, il s'est produit une erreur.

Aujourd'hui, je vous saurais gré, sur la demande des membres du RDSE concernés, de bien vouloir faire procéder aux modifications suivantes.

Parmi les huit votes contre exprimés, en fait, sept sénateurs, dont je fais partie, ont voté pour, contrairement à notre collègue Bernard Seillier.

Mme la présidente. Je vous donne acte de cette mise au point, qui figurera au Journal officiel.

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Deuxième partie (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2005
Travail, santé et cohésion sociale - III. - Ville et rénovation urbaine

Loi de finances pour 2005

Suite de la discussion d'un projet de loi

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2005
Etat B - Titres III et IV
Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2005
Etat B - Titres III et IV

Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2004, adopté par l'Assemblée nationale.

Travail, santé et cohésion sociale (suite)

III. - ville et renovation urbaine (suite)

Mme la présidente. Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant le ministère de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale : IV. - Ville et rénovation urbaine.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Gérard Delfau.

M. Gérard Delfau. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de budget de la ville pour 2005 est un objet rare. Il brille de mille feux et expose de flatteuses augmentations de dotations, alors que la réalité des sommes qui seront effectivement engagées par l'Etat se révèle des plus modestes. C'est du grand art !

Ainsi, nous observons que ces crédits augmentent de 23 % pour atteindre 423 millions d'euros. Cette augmentation profiterait surtout aux moyens des services, aux crédits destinés à l'éducation, à ceux qui sont inscrits en subventions d'investissement, à ceux qui sont consacrés à l'Agence pour la rénovation urbaine. Tel est du moins l'affichage.

Mais, à y regarder très précisément, on s'aperçoit d'un décalage. Pour l'illustrer, je me référerai à l'excellent rapport de M. Dallier, fait au nom de la commission des finances, qui a pris la peine de décomposer, à la page 29, le contenu de l'augmentation de 400 millions d'euros annoncée en faveur du budget de la ville.

J'y lis que cette augmentation se décompose en quatre chapitres.

Premièrement, l'augmentation des dépenses fiscales à hauteur de 144 millions d'euros, qui correspond à la montée en puissance des nouvelles zones franches urbaines. J'observe qu'il s'agit là, non de dotations directes, mais de moindres rentrées fiscales. Pour être de bonne technique, cette façon de faire n'en constitue pas moins une forme de report sur les années qui suivent.

Deuxièmement, l'augmentation des dépenses de solidarité urbaine, à hauteur de 126 millions d'euros, ce qui est considérable. Mais il s'agit - nous en serons tous d'accord - non d'un effort particulier de l'Etat, mais d'un redéploiement des crédits à l'intérieur de la DGF

Troisièmement, l'augmentation des crédits du budget de la ville et de la rénovation urbaine, à hauteur de 78 millions d'euros. Nous en prenons acte.

Quatrièmement, enfin, l'augmentation des dépenses des collectivités territoriales, à hauteur de 50 millions d'euros, selon une estimation effectuée par la délégation interministérielle à la ville. Il s'agit - nous le savons tous - de crédits que l'on escompte de la part des collectivités territoriales.

Au total, si je me réfère à ce chiffrage indiscutable, je me rends compte que la progression réelle de l'engagement en termes de dotations d'Etat est minime.

D'ailleurs, l'évolution des crédits relatifs à la politique de la ville pour 2004-2005, qui figurent à la même page du rapport, fait apparaître, ce qui va dans le même sens, une diminution tout à fait sensible des crédits relevant des divers ministères.

Cette première observation, je pourrais la répéter à propos des crédits consacrés aux équipes de réussite éducative - là encore, je me réfère à notre excellent rapporteur M. Dallier citant le rapport du très éminent Paul Girod. Ce dernier considère que, sur les 750 millions d'euros qui seraient nécessaires à ces équipes, seulement 62 millions d'euros leur sont affectés dans le budget de l'Etat.

On est loin du compte ! S'il reste évidemment à espérer que les collectivités territoriales viendront apporter un complément partiel, il n'en demeure pas moins que, au final, cela n'aboutira pas à l'effort annoncé.

Enfin, je ferai la même remarque, beaucoup plus significative celle-là, à propos des crédits concernant l'Agence nationale pour la rénovation urbaine. Chacun d'entre nous le sait, entre le ministère et les élus locaux qui s'impatientent et qui s'inquiètent, une crise de confiance est en train de naître.

Je rappelle que la loi du 1er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville prévoyait l'octroi de crédits d'au moins 2,5 milliards d'euros pour la période 2004-2008, avec une dotation annuelle au moins égale à 465 millions d'euros. Or, le projet de loi de finances pour 2005 ne respecte pas cet engagement. Là encore, je me réfère à l'excellent rapport de notre rapporteur spécial.

Voilà quelques observations incontestables, puisque chiffrées, qui expliquent que ce budget soit ressenti comme quelque peu insincère.

En outre, et c'est un autre défaut grave, il donne l'impression que le petit effort en faveur de l'investissement, quand il existe, est consenti au détriment des crédits d'accompagnement social dans les zones urbaines sensibles.

Là, les chiffres sont particulièrement aveuglants. Si j'en viens tout de suite à la conclusion, l'enveloppe globale des ressources affectées à l'action sociale sera réduite de 9 %, avec les terribles conséquences qu'on imagine sans peine.

De ce point de vue, il faut quand même dire que les mesures d'exonération fiscale en faveur des associations ne suffiront pas à compenser cet amenuisement, voire cet effondrement des subventions. La raison en est simple : la plupart d'entre elles ne pourront tout simplement pas en bénéficier. C'est d'ailleurs sans doute là-dessus que mise Bercy.

Si l'on ajoute à cela la très regrettable disparition des emplois-jeunes, notamment des aides éducateurs, et l'échec total du CIVIS qui devait s'y substituer, on comprend l'inquiétude et le désarroi des acteurs de terrain.

Dès lors, se pose la question de la survie même d'un certain nombre d'associations qui ont fait leurs preuves, qui ont accumulé une expérience, qui ont dépensé des trésors de générosité et de compétences, et qui se demandent si elles pourront continuer.

J'ajouterai un constat, que j'ai déjà fait les années précédentes.

Depuis longtemps, le budget de la ville est un ensemble hétéroclite et peu lisible des interventions en faveur des quartiers déshérités et de leurs habitants, qui cumulent beaucoup trop de handicaps.

Comme l'a dit l'un de nos rapporteurs, rejoint, je pense par M. le ministre, il est urgent qu'une remise à plat se fasse dans la cohérence. Il est tout aussi urgent que, simultanément - et j'appuie une nouvelle fois la proposition de M. le président de la commission des finances - le Sénat se dote des moyens pour évaluer au plus juste, au plus près, et en toute indépendance, la réalité des crédits affectés à cet ensemble trop diversifié pour pouvoir toujours être cerné facilement.

Compte tenu du décalage qui existe entre les annonces faites et la réalité des engagements budgétaires, je ne pourrai pas, monsieur le ministre, voter votre projet de budget.

Mme la présidente. La parole est à Mme Michèle San Vicente.

Mme Michèle San Vicente. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits qu'il est prévu d'affecter en 2005 à la ville et à la rénovation urbaine s' élèvent à 422 millions d' euros. Outre que l'on constate une augmentation des crédits de paiement alloués à la technostructure qu'est devenue l' ANRU - ces mots feront plaisir à M. Alduy ! (Sourires.) -, les crédits que nous examinons aujourd'hui ne concernent, certes, qu'une partie des fonds spécifiques consacrés à la ville et à la rénovation urbaine.

Hormis les 62 millions d'euros destinés aux équipes éducatives territoriales, vous ne pouvez nier, monsieur le ministre, que les crédits d' intervention regroupés au sein du programme « Equité sociale et territoriale » ont tous diminué !

Ce projet de budget, inspiré par la culture du résultat, se caractérise avant tout par une nouvelle substitution de crédits alimentant les grands projets de requalification urbaine, au détriment du traitement des autres fractures sociales et territoriales.

Un examen attentif de la répartition des crédits entre les autres types d' intervention publique de l'Etat révèle bien l'existence d'écarts importants et, si besoin était, l' analyse confirmerait le choix délibéré du Gouvernement d'abandonner progressivement les politiques publiques contractuelles.

L'efficacité et la réactivité des dispositifs qui sous-tendent la politique de la ville aujourd'hui sont tellement aléatoires que ceux-ci se trouvent déconnectés des réalités de terrain : les maires eux-mêmes ne s'y retrouvent plus !

Par exemple, le FIV, le Fonds d'intervention pour la ville, subit cette année encore une amputation de ses crédits, à hauteur de 36 %. Or ce sont les associations qui bénéficient au premier chef des dotations de ce fonds. Le Premier ministre a pourtant souhaité récemment que les associations « ne soient plus traitées comme de simples prestataires de services », et indiqué que certaines d' entre elles pourraient se voir déléguer des missions de service public. Faut-il déceler dans cette déclaration l'annonce de la fin d'un service déconcentré de l'Etat ? Les incitations fiscales n'en sont-elles pas les prémices ?

Lors de la discussion du précédent projet de budget, on nous avait expliqué que, compte tenu des excellents résultats du programme éducatif et culturel « ville-vie-vacances », ce dispositif ne ferait plus l'objet de financements interministériels et relèverait du budget de la ville. Etait-ce là une manière habile d'engager son extinction ? Comme l'a rappelé notre collègue Roland Muzeau, 22 % des crédits affectés au financement de la prévention de la délinquance, qui concerne plus de 800 000 jeunes, sont purement et simplement supprimés cette année. La médiation sociale n'est pas en reste de ce point de vue, puisque les crédits destinés aux adultes-relais diminuent quant à eux de 17 %.

Telle est la réalité, monsieur le ministre, et les 233 millions d' euros alloués au financement des actions visant à restaurer l' équité sociale dans les quartiers en difficulté ne sauraient occulter la charge qui est ainsi laissée aux collectivités territoriales non prioritaires !

La mise en oeuvre de l'ambitieux programme pour la ville et la rénovation urbaine et celle de la future loi de programmation de cohésion sociale absorbent à elles seules pratiquement tous les crédits. La vocation de la politique de la ville est de contribuer à corriger les inégalités urbaines et sociales sur l'ensemble du territoire. Certaines questions ne relèvent pas du domaine législatif, mais elles ne doivent pas, pour autant, être oubliées.

Qualifiés injustement par M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques d'« usines à gaz », les 247 contrats de ville signés dans le cadre du contrat de plan arrivent à leur terme. La loi organique relative aux lois de finances prévoit que les crédits seront affectés spécifiquement à chaque programme au sein des missions et placés sous la seule responsabilité d'un gestionnaire. Alors que le projet de budget insiste surtout sur la rénovation urbaine et la réussite scolaire, qu'advient-il de toute la palette d' actions et de l'accompagnement humain qui façonnent la nécessaire et authentique cohésion sociale ? En recentrant les priorités autour de quelques thématiques, on abandonne beaucoup de communes et d associations à leur sort ! Nous voterons contre ce projet de budget. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Murat.

M. Bernard Murat. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la politique de la ville conduite en France depuis des années a permis, grâce aux efforts consentis, d'atténuer la fracture territoriale, génératrice de la fracture sociale. Pour autant, elle n'a pas résolu la crise urbaine et sociale qui frappe un nombre croissant de villes et d'agglomérations de notre pays.

Ce constat étant établi, je relève que le projet de budget de la politique de la ville pour 2005 marque une progression de 22,7 % par rapport à 2004, qui mérite d' être saluée tant nous nous trouvons aujourd'hui dans un contexte très contraignant pour nos finances publiques. Le Gouvernement a dû procéder à des arbitrages difficiles, et force est de reconnaître que la politique de la ville, de la rénovation urbaine et du soutien au logement social constitue une priorité de l'action gouvernementale. Les maires de France ne peuvent qu'être satisfaits de cette prise de conscience.

Personnellement, en tant que gaulliste, je suis très heureux de constater aujourd'hui un changement dans la vision globale de la politique de la ville, puisque l'homme est enfin replacé au coeur de la cité et des dispositifs d'action. En effet, 70 % des crédits du projet de budget sont affectés au programme visant à restaurer l'équité sociale et territoriale.

Surtout, je suis particulièrement satisfait de la volonté affichée par le Gouvernement de renforcer les actions entreprises en faveur de la rénovation urbaine. En effet, l'application du programme défini par la loi du 1er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine a pour finalité de rendre plus attrayants certains quartiers aujourd'hui déshérités.

Ce programme vise en effet à restructurer, dans un objectif de mixité sociale et de développement durable, les quartiers où le cadre bâti est le plus dégradé, ce qui se traduira par la démolition et la reconstruction de 200 000 logements, ainsi que par la réhabilitation de 200 000 autres. De fait, 30 % des crédits inscrits au projet de budget pour 2005 de la politique de la ville y sont affectés, soit 128 millions d'euros.

A la fin du mois de septembre 2004, quarante-neuf projets de rénovation urbaine avaient été examinés par le comité d'engagement de l'ANRU, et plus de 250 autres sont en préparation. Ces projets concernent des interventions dans soixante-huit quartiers, dont trente-neuf sont identifiés comme étant des quartiers d'intervention prioritaire. Ils représentent un montant total prévisionnel de 5,5 milliards d'euros de travaux, subventionnés à hauteur de 1,7 milliard d'euros par l'ANRU.

Je me réjouis donc de cette montée en puissance de l'ANRU, dont l'objet est de simplifier les circuits de financement dans un souci d'efficacité.

Toutefois, monsieur le ministre, je ne puis que m' interroger, au regard de ce qui se passe dans certaines collectivités territoriales, en particulier dans celle que je connais sans doute le mieux, à savoir ma ville de Brive-la-Gaillarde, dont j'évoquerai le cas à titre d' exemple concret.

Comme vous le savez certainement, monsieur le ministre, la ville de Brive-la-Gaillarde a lancé, voilà plus de dix ans, un programme de démolition et de reconstruction et travaille depuis bientôt deux ans à l'élaboration d'un projet de rénovation urbaine, afin de poursuivre et d'accentuer sa démarche de rénovation engagée dans le cadre de la charte urbaine de 2001 et amorcée à la faveur de la convention de redynamisation rurale signée en 1999.

Je n'entrerai pas ici dans les détails de ce projet, fruit d'un large consensus local sur les difficultés rencontrées dans nos quartiers sensibles et sur les moyens à mettre en oeuvre collectivement afin de remédier aux déséquilibres identifiés. II recueille l'assentiment général et est unanimement salué pour son sérieux et son ambition. Son élaboration est achevée, et nous sommes prêts à agir.

Cependant, à l'heure où je vous parle, nous sommes dans l'attente de l'obtention de la « dérogation » à l'article 6 de la loi du 1er août 2003, indispensable pour bénéficier des financements de l' ANRU, puisque Brive-la-Gaillarde ne compte pas de quartiers situés en ZUS. De fait, notre projet est paralysé, ce qui hypothèque lourdement le démarrage des chantiers et ternit les espoirs des futurs locataires.

Nous ne sommes certainement pas prioritaires, nous en sommes bien conscients, et nous ne devons pas être les seuls dans cette situation, mais c'est un peu au nom de toutes ces communes, que je qualifierai d' « intermédiaires », que je me permets d'exposer cet exemple, qui brouille l'image très positive du dispositif mis en place.

Ces retards, inexplicables pour les élus que nous sommes, ne dénotent-ils pas une insuffisance des moyens accordés à l' ANRU pour faire face à l'ensemble de ses engagements, qui concernent très naturellement au premier chef des quartiers prioritaires, mais qui doivent aussi permettre de financer des projets de rénovation urbaine que les moyens budgétaires de droit commun ne peuvent plus financer ?

Toujours au titre des exemples de terrain, monsieur le ministre, je soulignerai que la ville de Brive-la-Gaillarde est exonérée du prélèvement prévu à l' article 55, puisqu'elle est éligible à la DSU et comporte un pourcentage de logements sociaux légèrement supérieur à 15 %.

Or la mise en oeuvre du projet de rénovation urbaine va se traduire par des démolitions. Programmées dans un premier temps avant la réalisation des logements prévus au titre du programme local de l'habitat de la communauté d'agglomération de Brive-la-Gaillarde et de la mise en oeuvre du projet de rénovation urbaine, ces démolitions auront pour conséquence de faire passer provisoirement le taux de logements sociaux au-dessous du seuil de 15 %. Il en résultera donc une charge pénalisante pour la ville.

Dans ces conditions, ne conviendrait-il pas de donner des instructions aux services de l'Etat, afin que, pour une période déterminée, le nombre des logements sociaux à prendre en considération soit celui qui avait été constaté avant la réalisation des démolitions pour lesquelles la reconstruction est programmée ? Décider de s'engager dans un processus de rénovation urbaine correspond à un choix politique courageux qu'il convient de soutenir, mais, dans le cas présent, le dispositif se retourne contre les collectivités qui ont anticipé l'une des mesures clés de la loi, sans négliger les accompagnements indispensables en termes d'équipements sanitaires, scolaires, sociaux, sportifs, culturels et, bien sûr, économiques.

Malgré ces interrogations nourries d' exemples concrets et vérifiables, je ne doute pas, monsieur le ministre, que le projet de budget de la politique de la ville, tel qu' il se dessine, permettra d' atténuer les effets les plus préoccupants de la crise qui affecte actuellement les quartiers en difficulté. Je le soutiens donc fortement et espère, grâce à votre aide, pouvoir rapidement en faire bénéficier mes concitoyens. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Repentin.

M. Thierry Repentin. L'analyse des chiffres ayant été faite par plusieurs des orateurs qui m'ont précédé, je me bornerai à indiquer que je fais miens dans une large mesure les propos tenus par MM. Madec, Delfau et Dallier.

Cela étant précisé, je poserai à M. le ministre trois questions, dans la perspective de l'exécution du projet de budget qui nous est présenté.

Ma première question est relative aux crédits de fonctionnement prévus au titre des actions menées sur les sites concernés par la politique de la ville.

Comme vous le savez, monsieur le ministre, avec les dispositifs des contrats de ville et des GPV, les acteurs locaux pouvaient escompter une répartition entre les crédits d'investissement et les crédits de fonctionnement telle que les premiers représentent environ 80 % du total.

Or la dotation prévue pour le FIV dans le projet de budget et les retours d'expérience que nous avons sur le terrain témoignent d'un retrait dans l'accompagnement d'initiatives humaines du quotidien souvent portées par le monde associatif et ô combien complémentaires des lourds investissements de recomposition urbaine. Mme Létard et M. Delfau ont d'ailleurs insisté sur ce point.

Veillons donc à ne pas sacrifier, comme cela semble être la tendance, le « soft » au seul profit du « hard », car le maillage du lien social au quotidien permet très souvent, lorsqu'il est performant, de faire patienter les populations en attente de rénovations lourdes, dont la programmation est, par nature, très étalée dans le temps. Pour être écoutés sur le moyen et le long terme, nous, élus locaux, devons d'abord être crédibles sur le terrain, donc performants et présents au quotidien.

Pour illustrer ce premier point par un exemple concret, j'indiquerai que, pour le quartier dans lequel je réside, qui est situé en ZRU, le passage du GPV au statut de site relevant de l'ANRU s'est traduit, d'une année sur l'autre, par une diminution de la dotation de fonctionnement, qui a été ramenée de 230 000 euros à 100 000 euros, désormais affectés exclusivement au financement de l'ingénierie de l'équipe opérationnelle, au détriment des conventions de partenariat que nous avions conclues avec le secteur associatif.

M. Gérard Delfau. Et voilà !

M. Thierry Repentin. Je crains que la réponse qui nous est souvent faite, selon laquelle les administrations de l'Etat sont mobilisées prioritairement autour des quelque 750 zones urbaines sensibles, ne vous permette pas d'être au rendez-vous que vous avez fixé à celles-ci, monsieur le ministre.

En effet, l'observatoire national des ZUS a montré que, paradoxalement, l'action publique est proportionnellement moins forte dans les ZUS que dans les zones qui ne sont pas éligibles à la politique de la ville. C'est assez étonnant, mais c'est ce qu'indique l'observatoire national des ZUS.

La deuxième question que je soulèverai est le corollaire de la première. Il s'agit sans doute pour vous d'un point de détail, monsieur le ministre, mais à mes yeux ce sujet est très important.

Soyez à nos côtés pour défendre les adultes-relais.

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre délégué au logement et à la ville. Oui !

M. Thierry Repentin. Qu'ils soient correspondants de nuit, agents de médiation pour un groupe d'immeubles ou pour des établissements scolaires, coordonnateurs d'associations sportives pour le développement de la pratique, agents de développement culturel ou régisseurs de lieux d'expression artistique, femmes-relais auprès des publics d'origine étrangère, animateurs d'espaces cyberbase, souvent avec des horaires prenant en compte ce que l'on appelle maintenant « le temps des villes », c'est-à-dire des horaires décalés par rapport aux horaires administratifs, tous concourent à la quiétude sociale, à l'amélioration d'offre d'activités, à l'appui des services publics dans des quartiers qui aspirent à n'être, finalement, que des quartiers ordinaires.

Ce ne sont pas des emplois au rabais. Et souvent, ils sont la réponse originale, parce qu'adaptée, à des problématiques elles aussi originales que des structures classiques n'avaient plus la souplesse de pouvoir prendre en compte avec des conventions et des statuts souvent devenus trop rigides avec le temps.

Je peux témoigner du fait que, grâce à des profils adaptés, d'ailleurs pas toujours disponibles dans les fonctions publiques territoriales ou d'Etat, des sites ont vu leur contexte grandement s'améliorer, au grand soulagement non seulement des habitants, mais aussi des services publics présents, ces derniers pouvant ainsi se réinvestir pleinement sur leurs missions premières.

En effet, ce n'est pas parce que l'on est chômeur de plus de trente ans que l'on n' a pas une connaissance appréciable du lieu de travail et une aptitude à assumer des fonctions émergentes, si utiles pour les collectivités locales.

Monsieur le ministre, que ceux qui, éventuellement, vous conseilleraient un abandon du dispositif se plongent quelques jours en situation réelle dans les quartiers où ont été testées ces initiatives, qui relèvent effectivement de la politique de la ville et non d'un je ne sais quel traitement social du chômage.

J'en viens à ma troisième question, et je suis heureux de la poser juste avant l'intervention de M. Alduy. J'ai soutenu dans le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale, qui a été examiné hier par la commission mixte paritaire, l'heureuse initiative de recentrer sur un nombre de communes limitées l'abondement de la dotation de solidarité urbaine au profit de celles qui en ont vraiment besoin. Je défendrai donc, par cohérence, une approche identique en ce qui concerne les décisions qui seront prises par l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, s'agissant des dérogations au titre de l'article 6.

La presse régionale se fait quelquefois l'écho de décisions qui auraient été prises pour telle ou telle localité, sans d'ailleurs que nous ayons eu l'opportunité d'en débattre au sein même du conseil d'administration de l'ANRU.

Si nous devons ne pas nous imposer un corset dans cette instance, nous devons néanmoins être en mesure d'expliquer pour chaque cas les justifications d'une éligibilité, avec des critères opposables et identiques d'un site à l'autre. M. Dallier, tout à l'heure, disait ne pas comprendre pourquoi telle ou telle commune de son département était ou non aidée au titre de la DSU. Il faut que nous puissions expliquer pourquoi tel ou tel site est dérogatoire ou non au titre de l'article 6. Cette question me semble ne pas pouvoir être éludée : il s'agit d'une garantie de traitement républicain des populations concernées.

Je vous remercie, monsieur le ministre, de bien vouloir nous donner votre analyse sur ces trois interrogations.

Je conclurai en évoquant les fonds structurels européens, dont certains orateurs ont parlé avant moi. Nous nous trouvons dans une situation assez paradoxale : dans le domaine de la politique de la ville, alors que les sites sont quelquefois éligibles au Fonds européen de développement régional, le FEDER - le règlement de ce dernier prévoyant que l'Europe pourrait nous accompagner à hauteur de 40 % des dépenses faites en faveur des quartiers éligibles à l'ANRU, imaginez ce qu'un tel accompagnement pourrait apporter à nos collectivités locales ! -, certaines régions n'y ont plus droit en raison d'une importante consommation durant les trois premières années. Ainsi, la région Rhône-Alpes ne peut plus prétendre à quoi que ce soit alors que, d'ici à quelques semaines, nous aurons à traiter les dossiers de Saint-Etienne, de Roanne, de Lyon et de Chambéry. Paradoxalement, d'autres régions ont sous-consommé, et, avec la règle du dégagement d'office, les fonds, en cas de consommation insuffisamment rapide, sont réaffectés par Bruxelles à d'autres régions. Cette même région Rhône-Alpes, qui ne peut plus rien recevoir au titre du FEDER pour les investissements, a ainsi renvoyé plusieurs dizaines de millions d'euros au titre du Fonds européen d'orientation et de garantie agricole, le FEOGA, et du Fonds social européen, le FSE, !

Monsieur le ministre, ne pouvons-nous pas prendre l'initiative d'organiser une sorte de fongibilité de ces trois fonds structurels afin que, pour la région Rhône-Alpes, soit nous puissions abonder le FEDER par des fonds FSE ou FEOGA non utilisés, soit nous puissions utiliser des fonds FEDER attribués à d'autres régions et non utilisés par elles ?

Pourquoi nous adressons-nous à vous, monsieur le ministre ? Nous pourrions en effet interpeller à cet égard le ministre des affaires européennes ! Mais votre ministère serait sans doute celui qui en profiterait le plus. Les dossiers déposés au titre de la politique de la ville sont, en effet, les plus consommateurs de crédits. Le paradoxe est le suivant : quand il y a un manque de fonds, la crise doit être gérée ; or, les décisions sont souvent prises en suivant l'avis des conseils généraux, et l'on connaît le poids du monde rural dans les comités départementaux choisissant les dossiers ! On constate que, aujourd'hui, les dossiers agricoles sont privilégiés au détriment de ceux du monde de la ville, qui sont très consommateurs de crédits. Si nous pouvions mettre en place cette fongibilité et une meilleure répartition au titre interrégional, les fonds abonderaient sans doute utilement les dossiers présentés à l'ANRU.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Paul Alduy.

M. Jean-Paul Alduy. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne ferai pas du tout les mêmes analyses que nos collègues de gauche, et, pourtant, j'ai passé trente ans de ma vie professionnelle dans le domaine de la politique de la ville.

J'ose le dire ici aujourd'hui, jamais - je dis bien « jamais » -, une politique de la ville n'avait été aussi globale et n'avait disposé de moyens financiers enfin à la hauteur de ses ambitions. Certes, des améliorations doivent encore être apportées. Des difficultés existent par exemple pour les aides européennes ; les crédits du Fonds d'intervention pour la ville, le FIV, diminuent encore, alors que, il faut l'avouer, la théorie visait précisément à augmenter la DSU pour rompre avec le saupoudrage, mécanisme qui consistait à installer cinquante personnes autour d'une table pour distribuer quelques centimes alors que, finalement, c'est aux maires que revient la responsabilité de ces politiques de la ville. Il faut donc donner à ces derniers les moyens leur permettant d'animer le tissu associatif indispensable à la politique de la ville.

M. Dominique Braye. Très bien !

M. Jean-Paul Alduy. Monsieur le ministre, vous n'avez pas fait d'idéologie, et vous avez d'abord examiné ce qui fonctionnait ! C'est important ! Je voudrais rappeler que vous avez relancé les zones franches urbaines, les zones de redynamisation urbaine et que, aujourd'hui, et aujourd'hui seulement, les associations oeuvrant dans ces quartiers peuvent profiter des mêmes exonérations fiscales que les entreprises qui y sont implantées. Il est d'ailleurs assez impressionnant de constater que les associations qui, elles, étaient au coeur de la politique de la ville ne disposaient pas des mêmes facilités que les entreprises, qui étaient incitées à recruter dans ces quartiers.

A propos de l'ANRU, sujet que je développerai tout à l'heure, il faut bien étudier son mécanisme : d'abord, rassembler les partenaires, concentrer les moyens, puis responsabiliser les maires et sécuriser les financements.

Mme Nicole Borvo. Il n'y a pas d'argent !

M. Jean-Paul Alduy. Mais l'ANRU ne peut pas gérer tout le dispositif ! Et si on ouvre l'article 6 tous azimuts, l'Agence ne pourra pas traiter son véritable sujet, à savoir les quartiers où se brise le pacte républicain. Il fallait en effet que, dans ces cas-là, l'on puisse, grâce au plan de cohésion sociale, disposer de moyens dans les domaines du logement, de l'insertion par l'économique, de la formation professionnelle, du secteur éducatif, et mener une politique globale en faveur des quartiers où la fracture sociale n'est peut-être pas aussi grave que celle des quartiers pour lesquels l'ANRU intervient.

Toutefois, il ne faut pas oublier le dernier volet de cette politique, à savoir les conventions de délégation de compétence logement qui interviendront dès 2005 et, surtout, en 2006. Elles vont enfin, pour une fois, responsabiliser les présidents de communautés urbaines ou de communautés d'agglomération par une vraie politique de l'habitat adossée à un programme local de l'habitat revisité, plus précis sur tous les problèmes de mixité sociale. Nous nous éloignons des mécanismes juridiques de la loi SRU pour aller vers des mécanismes de responsabilité.

Je voudrais revenir maintenant sur l'ANRU parce que de nombreuses choses ont été dites, et il est temps que je donne les chiffres exacts ! Tout d'abord, la loi de programmation, je le rappelle, a fixé des objectifs en termes d'autorisations de programme et non en termes de crédits de paiement, puisque ces derniers sont mobilisés au fur et à mesure des réalisations : 465 millions d'euros par an au minimum. En 2004, cette somme était répartie de la façon suivante : 215 millions d'euros au ministère de la ville et 250 au ministère du logement. En 2005, les 465 millions d'euros sont à nouveau là - je regrette de vous contredire, chers amis rapporteurs -, avec 192 millions d'euros attribués au ministère de la ville, 223 au ministère du logement, auxquels il faut ajouter les 50 millions d'euros du fonds pour le renouvellement urbain, le FRU, versés à l'ANRU en 2004 et qui constituent des autorisations de programme pour l'année 2005. Nous avons donc encore 465 millions d'euros en 2005. L'Etat a donc maintenu ses engagements ! D'ailleurs, s'il ne l'avait pas fait, ses partenaires se seraient retirés ! Là est la logique de l'ANRU, et là est la force de ce dispositif, car tous les partenaires sont liés les uns aux autres, et celui qui faiblit entraîne l'affaiblissement des interventions des autres. A partir de là, nous sommes donc dans une logique de partenariat qui possède enfin des rigidités vertueuses.

L'Agence a été créée neuf mois après la loi, ce qui ne s'était jamais vu dans toute l'histoire de France ! Pourtant, j'entendais : « Cela ne va pas assez vite ! C'est trop long ! » Mais au bout de six mois, soixante-dix projets ont été examinés par le comité d'engagement. Plus de cent quartiers ont été traités en six mois ! Dites-moi quand et dans quel pays on est allé aussi vite ?

M. Jean-Paul Alduy. Des travaux engagés à hauteur de 7,2 milliards d'euros, des subventions décidées à hauteur de 2,2 milliards d'euros ! Et les crédits de paiement de 2004 et de 2005 seront à hauteur de 1,1 milliard d'euros ! C'est largement suffisant pour faire face aux demandes de paiement émanant du terrain !

M. Gérard Delfau. C'est du Borloo !

M. Jean-Paul Alduy. Voilà la réalité ! J'ai entendu que les critères n'étaient pas connus et que les maires étaient inquiets ! Pour ma part, je les vois tous en tout cas inquiets d'une seule chose : pouvoir enfin et très vite bénéficier de l'ANRU. Nous les voyons tous à toute allure, et c'est très bien : une vraie mobilisation s'est mise en place, un véritable espoir a été suscité par cette politique alors que, précisément, au début de ce siècle, l'espoir était tombé,...

Mme Nicole Borvo. Le XXe ou le XXIe siècle ?

M. Jean-Paul Alduy. ... parce que le mal progressait plus vite que les effets des remèdes mis en place et que, pour dépenser trois centimes, on rassemblait cinquante personnes autour d'une table !

Mme Michèle San Vicente. Arrêtez, c'est n'importe quoi !

M. Jean-Paul Alduy. C'était de ce niveau-là ! Je l'ai vécu ! En ce qui concerne mon dossier Opération de renouvellement urbain, ORU, de Perpignan, il a fallu attendre deux ans et demi pour avoir le début du commencement d'une décision ! Le plan d'éradication de l'habitat indigne était virtuel : nous n'avons pas obtenu un centime à ce titre ! Seule l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat, l'ANAH, est intervenue ! Alors de grâce ! Les critiques sont d'autant plus véhémentes qu'elles sont destinées à cacher l'impéritie des politiques précédentes ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Nicole Borvo. Les ministres ne mettent pas autant de fougue à défendre leurs programmes !

M. Jean-Paul Alduy. Monsieur le ministre, les critères sont connus des préfets, des délégués départementaux de l'ANRU et des maires. Les maires les connaissent tellement bien qu'ils savent défendre leurs dossiers précisément à partir des critères. En revanche, il y a un réel problème quant à la publication : nous avons perdu deux à trois mois à cet égard. Mais, sur le terrain, les critères sont totalement connus, et vous le savez bien !

M. Bernard Murat. Je vous communiquerai mon dossier dès ce soir !

M. Jean-Paul Alduy. Quant à l'article 6, ne vous y trompez pas ! On a commencé par dire : « hors des ZUS, tous les projets qui sont dans les périmètres ORU, et Grands projets de ville, ou GPV, seront pris ».

Pour ceux qui ne sont ni dans les ZUS ni dans les périmètres des ORU ou des GPV, la seule question grave qui se pose à nous a trait aux centres anciens. En effet, à l'époque, de nombreux maires n'ont pas voulu faire classer en ZUS les centres anciens, alors que c'était précisément là que se concentraient les exclusions et les misères.

Il y a donc une vraie question quant à la politique de l'ANRU dans les centres anciens en grande difficulté. Pour répondre à M. Thierry Repentin, je dirai qu'il faudra redéfinir les critères afin de recentrer l'ANRU sur un secteur pour lequel les choses n'avaient pas été organisées.

Monsieur le ministre, je terminerai par deux remarques. La première concerne l'évaluation.

La machine est lancée, et elle va vite. Il serait donc temps de mettre en place des mécanismes d'évaluation, peut-être sous la forme d'un groupement d'intérêt public. (Mme Michèle San Vicente s'exclame.)

En effet, quand on additionne le conseil national des villes, l'institut des villes, le conseil d'évaluation de l'ANRU, le conseil national d'évaluation de la politique de la ville, l'observatoire des zones urbaines sensibles, on s'aperçoit que le nombre de ces organismes fait un peu désordre. Il y a visiblement une perte d'énergie, et leur enchevêtrement aboutit à un manque de lisibilité et à une incohérence des évaluations.

Ma deuxième remarque vise à vous montrer que cette politique marche !

Mme Nicole Borvo. On verra !

M. Jean-Paul Alduy. Certaines régions qui investissaient peu dans ce domaine s'engagent maintenant dans cette politique !

Monsieur le ministre, la vôtre en est un exemple, puisque, comme l'a souligné Mme Valérie Létard, elle s'engage à hauteur de 250 millions d'euros,...

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre délégué au logement et à la ville. Eh oui !

M. Jean-Paul Alduy. ... l'ANRU apportant 750 millions d'euros. Au total, cela fait 1 milliard d'euros ! Excusez du peu !

Voilà une politique qui est en train de s'amplifier et d'entraîner l'ensemble des partenaires, notamment les régions. Pourtant, que je sache, ces régions ne sont pas UMP ! (M. André Vézinhet s'exclame.)

J'ai peut-être été un peu long, mais j'ai entendu plusieurs interventions qui m'ont obligé à faire ces mises au point ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Ma conclusion est simple. Je ne suis pas de ceux qui disent que rien n'a été fait avant. Au contraire, il a été beaucoup fait. Mais il était nécessaire d'accélérer l'action et de la recentrer.

Mes chers collègues, je crois que c'est vraiment la politique de la dernière chance.

Soit nous réussissons, et ce sera à mettre au crédit de tous - la gauche, le centre, la droite -, soit nous échouons, et la crise urbaine, de fracture en fracture, aura raison du pacte républicain de fraternité et de laïcité. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre délégué au logement et à la ville. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, je m'occupais de la politique de la ville avant de m'occuper du logement. J'étais rapporteur du budget de la politique de la ville à l'Assemblée nationale bien avant d'être président du conseil national de l'habitat. Depuis le début, dans mon esprit comme dans celui de Jean-Louis Borloo, la ville et le logement sont indissociablement liés. C'est bien à partir de la politique de la ville que se conçoivent toutes les autres grandes politiques, notamment celle du logement.

Je tiens à saluer le travail des trois rapporteurs, qui ont rédigé d'excellents rapports. Il est clair, monsieur André, que nous sommes en train de refonder la politique de la ville.

Et, monsieur Repentin, je ne renie rien de ce qui a été fait dans le passé. Les rapports que j'ai rédigés lorsque j'étais député montrent que je saluais les intentions de la politique de la ville.

M. Thierry Repentin. Je les ai lus !

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre délégué. Vous pouvez donc en témoigner !

Mais nous constations, année après année, sous des gouvernements de gauche comme de droite, qu'il y avait de merveilleuses intentions, de nouveaux dispositifs intéressants - adultes-relais, ville-vie-vacances, etc, -, mais que les moyens n'étaient pas à la hauteur de la crise sociale que nous traversions.

La prise de conscience tardive et la tentation du mépris de la part de certains élus locaux et acteurs de terrain, qui ne voulaient pas regarder en face ce qui se passait - la ghettoïsation des quartiers et la concentration de tous les paramètres qui fondent la fracture sociale sur les mêmes endroits - ont abouti à la situation actuelle : l'implosion sociale guette un certain nombre de quartiers de nos villes, notamment ceux qui sont le plus en difficulté.

L'idée de Jean-Louis Borloo a été de travailler sur une mécanique globale, et d'aller d'abord là où il est impossible de changer les choses en profondeur. Métamorphoser les quartiers en créant de nouveaux liens de vie, du « vivre ensemble », des aménagements urbains différents de ce que l'on connaissait avec les tours et les barres, c'est le rôle de l'ANRU. La loi du 1er août 2003 est un aspect très important de la politique de la ville, mais ce n'est pas le seul.

Les zones franches urbaines illustrent bien la volonté de donner une nouvelle égalité des chances à tous ceux qui ont du mal à trouver un emploi dans les quartiers en difficulté.

M. Dominique Braye. Très juste !

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre délégué. Pourtant, elles ont été décriées à leur début. Aujourd'hui, 88 000 emplois y ont été créés.

Monsieur Demuynck, je me souviens de cette merveilleuse matinée que nous avons passée ici, au Palais du Luxembourg, avec des personnes françaises ou issues de l'immigration venant de quartiers en difficulté. Elles nous ont dit : Respectez notre identité ; nous, nous respectons les valeurs de la République française, et nous remercions la France de nous avoir permis de créer une petite entreprise et de nous développer à partir de quartiers où, pourtant, nous avions « ramé » dans notre enfance.

Nous avons la volonté de créer une politique de réussite éducative, car, nous le savons bien, tout se joue dès la petite enfance. C'est dès la maternelle, en poursuivant en primaire, puis au collège, qu'il faut prévenir la délinquance, et il faut traiter cette dernière dans sa globalité. L'école de la République est certes là pour assurer l'égalité républicaine, mais elle ne peut pas tout faire. L'institutrice ne peut pas être policière, assistante sociale, psychologue, sociologue ...

Nous voulons donc concentrer autour de l'école l'ensemble des forces qui nous permettront de nous en sortir : une politique de santé, une politique d'aide à la parentalité - il faut aussi former les parents qui ont perdu tout repère dans leurs contacts avec leurs enfants -, une politique environnementale, une politique éducative et de veille éducative.

La politique de la ville doit également aider davantage les villes les plus pauvres de notre pays. Ces dernières ont les charges sociales les plus lourdes, et elles ne peuvent pas y faire face. Elles ont un retard considérable, et, pour certaines d'entre elles, il faut procéder à un rattrapage.

Quand le maire de Grigny commence son budget avec 7 millions d'euros de déficit, comment voulez-vous lui proposer une grande politique de la ville avec des GPV et des crèches ? Il ne peut même pas mettre le premier euro dans leur fonctionnement !

M. Thierry Repentin. Nous avons salué cette avancée !

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre délégué. Je n'ai pas dit le contraire, monsieur Repentin !

C'est donc un élément fondateur de plus de la politique de la ville.

En outre, je vais y revenir, l'ensemble des fonds d'intervention pour la ville sont maintenus. Nous disposons également de plusieurs outils complémentaires.

Nous sommes donc en train de refonder la politique de la ville à la fois, pour reprendre vos termes, sur le hard et sur le soft. Il serait en effet inconcevable de métamorphoser les quartiers de nos villes, de détruire des tours et des barres, de tout recomposer, et de ne pas penser que les associations sont les acteurs majeurs de terrain pour tisser du lien social, ce qui nous permettra de réussir ou non le pari de la laïcité et de la fraternité dont parlait à l'instant Jean-Paul Alduy.

Je peux comprendre que certains aient eu des difficultés à lire le budget qui vous est présenté. Nous sommes dans une année de transition. Après la grande loi du 1er août 2003, nous posons tous les autres outils pour refonder cette politique. Cela étant, j'ai été auditionné par les commissions du Sénat, et j'ai répondu aux questions qui m'ont été posées.

Monsieur Delfau, quand vous dites que ce budget est « insincère », je ne l'accepte pas !

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre délégué. J'ai été maire pendant seize ans. Je sais ce que veut dire ce terme quand il figure dans un rapport de la chambre régionale des comptes.

Vous estimez que vos affirmations sont incontestables. Moi, je les conteste !

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre délégué. Soit vous n'avez pas bien lu les bleus et les jaunes budgétaires, soit vous n'avez pas lu le rapport des commissions. Je conteste vos affirmations s'agissant de l'ANRU. Mais je n'y reviens pas, car Jean-Paul Alduy vient d'en faire la démonstration.

Les 465 millions d'euros sont bien au rendez-vous en 2005, comme ils l'étaient en 2004 !

Mme Nicole Borvo. C'est faux !

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre délégué. Dès la loi du 1er août 2003, il était prévu d'utiliser 50 millions d'euros du fonds de renouvellement urbain.

Les crédits de paiement sont également au rendez-vous, et ils vont au-delà de ce qui est nécessaire. Nous avons bien vu avec l'ANRU qu'il y aurait peut-être, en prenant des mesures prudentielles, un problème de fonds de roulement à la fin de 2005.

M. Jean-Paul Alduy. C'est exact !

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre délégué. Tout cela est public. Le grand intérêt de l'ANRU, c'est justement d'être transparente : y siègent des sénateurs, des députés, des partenaires sociaux, des acteurs du monde du logement, etc. Tout le monde est donc au courant des chiffres et de ce que ces derniers recouvrent.

Croyez-vous un instant que le monde du 1 % logement, auquel appartiennent la CGT, la CFDT, et d'autres, aurait accepté, à la suite de l'amendement très intelligent déposé par Valérie Létard sur le projet de loi de cohésion sociale, que l'on poursuive le programme de l'ANRU de trois ans et que l'on soit à une échelle de 40 milliards d'euros de fonds mutualisés plutôt qu'à 30 milliards, s'il avait eu la moindre inquiétude quant aux engagements financiers de l'Etat ?

Croyez-vous que M. Michel Delebarre aurait accepté de s'engager à signer avec nous la semaine prochaine un grand contrat pour la construction de logements sociaux, s'il craignait une remise en cause des engagements de l'Etat ?

L'agence est transparente et cogérée. Si l'argent de l'Etat n'était pas au rendez-vous, les acteurs qui participent aux tours de table financiers se manifesteraient pour crier au scandale. Jean-Paul Alduy l'a dit en évoquant l'ANRU, et je n'insiste donc pas davantage.

Monsieur Delfau, je n'accepte pas non plus vos propos sur les équipes de réussite éducative. Selon vous, les engagements seraient en recul.

M. Gérard Delfau. C'est Paul Girod qui le dit !

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre délégué. Pour sa part, M. Muzeau nous dit que c'est autant de moins pour le fonds d'intervention pour la ville et pour le dispositif adultes-relais.

Sachez que ce budget contient deux mesures importantes. C'est peut-être un peu compliqué, mais si nous le faisons, c'est pour suivre les avis des parlementaires.

La première a trait à la LOLF, à laquelle M. Dallier a fait allusion. C'est une bonne chose de la mettre en pratique. Je suis d'accord avec vous, il faut aller plus loin et suivre, notamment, les recommandations de M. Doligé.

La LOLF préconise de déconcentrer un maximum de choses. Lorsque j'étais rapporteur du budget de la politique de la ville, j'émettais les mêmes critiques que Pierre André tout à l'heure : c'est une usine à gaz avec tous ses tuyaux ! On n'arrivait pas à sortir de cette lourdeur. Par conséquent, si l'on peut simplifier et déconcentrer, avec une évaluation bien sûr, il faut le faire.

En France, trois régions, dont le Nord-Pas-de-Calais, que je connais bien - je sais donc comment les choses se passent -, se prêtent à cette expérience de déconcentration, le but étant ensuite de l'étendre à toute la France.

Les budgets comprennent une ligne fongible pour ces trois régions. Les crédits ne se sont donc pas évaporés dans la nature ! Il faut additionner le budget déconcentré du dispositif adultes-relais dans les trois régions. Vous vous rendrez alors compte que le budget est identique à celui de l'année dernière. Nous ne nous sommes donc pas désengagés sur le dispositif adultes-relais !

Et si vous faites le même exercice avec le programme ville-vie-vacances, vous arrivez à la même conclusion !

S'agissant du fonds d'intervention pour la ville, Jean-Louis Borloo a tenu à l'existence d'une ligne spécifique pour les équipes de réussite éducative, tant il croit que c'est l'un des axes majeurs pour résoudre la crise de notre société.

Mais les équipes de réussite éducative ressortissent au fonds d'intervention pour la ville. Il y a 62 millions d'euros dans ce budget. Si vous ajoutez au FIV les crédits déconcentrés auxquels je viens de faire allusion, le total se monte à 103 millions d'euros.

En additionnant les crédits affectés, d'une part, au fonds d'intervention pour la ville et, d'autre part, aux équipes de réussite éducative, on parvient à 172 millions d'euros.

Monsieur Repentin, une partie des équipes qui travailleront demain en matière de réussite éducative seront constituées d'associations déjà existantes, qui mènent sur le terrain diverses actions que je n'ai nullement l'intention de remettre en cause. Ainsi, j'ai constaté ce matin à Clichy-sous-Bois et à Montfermeil que le contrat ville comporte une série d'actions relatives à la santé, à la prévention, à la veille éducative qui s'inscrivent évidemment dans le dispositif de réussite éducative. Par conséquent, une partie des fonds destinés aux équipes de réussite éducative existe déjà. Je vous rappelle que le total consacré aux équipes de réussite éducative partira de 62 millions d'euros, pour atteindre progressivement 400 millions d'euros ; c'est dire l'importance du sujet ! Quant à l'autre partie, nous avons les moyens de la financer.

Au total, 172 millions d'euros sont donc prévus. Auparavant, 130 millions d'euros étaient disponibles. Par conséquent, les crédits dévolus à ces actions vont connaître une hausse de 42 millions d'euros. Les moyens de mettre en oeuvre le dispositif existent, mais il faut introduire une dose de cohérence, prévoir des effets de levier, assurer une coordination avec les autres politiques contenues dans le plan de cohésion sociale, notamment pour ce qui concerne l'égalité des chances et l'emploi.

Pour toutes ces raisons, j'ai demandé à plusieurs élus, notamment à M. le sénateur Pierre André, de mener une réflexion sur les contrats ville qui devront être modifiés afin de tenir compte de ces outils structurants. On ne va pas mener une politique fossilisée, en se contentant d'associer aux postes d'adultes-relais et au programme ville-vie-vacances, des actions de l'ANRU et le dispositif de réussite éducative. La politique de la ville est totalement bouleversée par lesdits outils. Elle doit être remise en perspective.

M. Dominique Braye. Très bien !

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre délégué. Mais il ne s'agit pas de se désengager du point de vue financier. Il s'agit de remettre tout à plat pour obtenir un effet de puissance démultiplié par rapport à ce qui existait hier.

Je vous demande de me juger non sur mes paroles mais sur les actes, comme vous pouvez juger en cette fin d'année les axes qui ont été retenus pour les actions de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine. Vous ne constaterez aucun désengagement par rapport aux politiques associatives !

Madame San Vicente, vous avez également évoqué la technostructure de l'ANRU. Cette agence est une structure gérée en toute transparence par différents acteurs, dont des élus locaux et nationaux. Elle va mener très prochainement dans le Nord-Pas-de-Calais une action très efficace sur le terrain, action examinée par son prochain conseil d'administration, qui va se traduire par l'octroi de 1 milliard d'euros, dont 750 millions d'euros seront à la charge de l'Etat, tandis que 250 millions d'euros seront supportés par la région.

Nous avons travaillé sur ce sujet voilà encore quelques jours avec Mme Létard. Une convention exemplaire a été élaborée. Elle explique ce qu'est la territorialisation, la programmation des travaux de l'ANRU qui doit être retenue et quelle gouvernance sera mise en oeuvre sur ce point avec un partenariat et un comité de pilotage comprenant l'ANRU, l'Etat, par le biais du sous-préfet, et la région. La région dit qu'elle est au rendez-vous financier, et il faut le saluer. De son côté, M. le sénateur Percheron, que vous connaissez bien, reconnaît qu'il s'agit là d'une fenêtre de tir qu'offre l'Etat pour la première fois , et il saisit donc l'occasion.

Il faut que les uns et les autres nous soyons honnêtes. A partir de là, nous allons pouvoir travailler avec efficacité.

Si nous transposons la convention que nous allons signer avec la région précitée en Rhône-Alpes, en Alsace, dans les Pays de la Loire, le système sera « détechnocratisé », madame San Vicente.

Et vous constaterez sur le terrain que l'ensemble du bassin minier de votre région, où j'ai accepté, avec les élus régionaux, que soient pris en compte les GPV, les opérations de renouvellement urbain, vous constaterez, disais-je, que l'ensemble du bassin minier, après l'annonce de l'ouverture du Louvre II à Lens, opération à laquelle j'ai quelque peu participé, sera métamorphosé. Il va bénéficier d'une égalité des chances, lui qui a tant donné à notre pays et qui mérite que l'Etat, en remerciement, lui apporte le « coup de pouce » lui permettant de redécoller, comme c'est le cas actuellement.

M. Madec nous reproche de nous contenter de discours et soutient que, sur le terrain, les fonds, notamment les 2,2 millions d'euros, ne sont pas au rendez-vous. Je conteste cette affirmation !

M. Roger Madec. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est votre sous-préfet !

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre délégué. Le préfet vient de l'écrire à votre maire M. Delanoë !

A Paris, pour le seul fonds d'intervention pour la ville qui alimente les subventions aux associations, les crédits sont même supérieurs aux 1 712 159 euros qui ont été contractualisés grâce à des crédits complémentaires. Le concours de l'Etat s'élève 2 279 359 euros, somme qui représente les dépenses consacrées cette année aux actions dans les quartiers.

M. Roger Madec. Ce n'est pas vrai !

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre délégué. Monsieur le sénateur, je vous mets au défi de me prouver le contraire ! M. Delanoë, votre maire, vient de recevoir une lettre du préfet en ce sens. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

J'en viens à la cartographie des zones urbaines sensibles.

Ce chantier va évidemment devoir être traité. Il est très difficile à ouvrir parce qu'il suppose qu'un certain nombre de quartiers ne soient plus pris en considération, après peut-être une période de transition. En effet, certains quartiers n'ont pas leur place en zone urbaine sensible, comme j'ai pu m'en rendre compte en parcourant la France. Quand on constate dans une ville du sud de la France, que je ne nommerai pas, qu'un quartier est placé en ZUS alors qu'il comporte dix petites copropriétés avec de beaux petits jardins et que l'habitat n'est pas dégradé, on peut se poser des questions ! (Perpignan ! sur les travées du groupe socialiste.)

Par ailleurs, certains quartiers évoluent. Le niveau des paramètres de précarité n'est pas acquis à vie, Dieu merci ! Il faudra se pencher sur cette question.

A l'inverse, il faut faire classer un certain nombre de nouveaux quartiers en zone urbaine sensible.

Je comprends donc les inquiétudes de certains élus dans cette enceinte. Ainsi, M. Murat a attiré mon attention sur quelques quartiers de sa ville, Brive-la-Gaillarde, qui remplissent les caractéristiques d'une zone urbaine sensible.

Je partage le point de vue de M. Alduy : oui aux zones urbaines sensibles, puisqu'il faut tout de même se référer à une géographie de territoires prioritaires ; oui à la prise en compte des GPV, sous réserve que leurs périmètres ne soient pas démentiels et que l'action soit recentrée là où il y a vraiment un grand projet de ville ; oui aux opérations de renouvellement urbain ; oui à l'examen spécifique de certaines opérations isolées, mais qui, alors, ne doivent pas être prioritaires, s'agissant du financement ; enfin, oui à l'usage d'un article 6 qui ne dépende pas - je vous le rappelle, monsieur Repentin - de l'ANRU : si le conseil d'administration de cette agence traite de tous les autres sujets dont je viens de parler, ce point particulier relève du ministre.

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre délégué. Si, monsieur Repentin, cela figure dans la loi !

M. Dominique Braye. Il faut mieux suivre les débats, monsieur Repentin ! (Sourires.)

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre délégué. Par conséquent, le ministre assume ! Je vais rédiger tout prochainement une liste de quartiers relevant à titre exceptionnel de l'article 6 précité. Si 250 demandes d'exception sont déposées, on ne va pas délivrer 250 réponses positives, sinon, il s'agirait de saupoudrage et non d'actions ciblées sur les quartiers en grande difficulté.

M. Bernard Murat. La Corrèze à besoin de vous, monsieur le ministre !

Mme Nicole Borvo. Il y a trop eu pour la Corrèze !

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre délégué. Je vous entends, monsieur le sénateur !

Je vais donc établir une liste de quartiers pouvant prétendre à titre exceptionnel à bénéficier du texte susvisé, ce qui, évidemment, ne peut pas être fait à la tête du client ! Comment ai-je procédé et pourquoi ai-je mis un peu de temps ? Puisqu'il s'agit de restructurer les quartiers classés en zone urbaine sensible et, à titre exceptionnel, ceux qui présentent des caractéristiques économiques et sociales analogues, j'ai demandé à mes services, à mon cabinet et à la délégation interministérielle à la ville, la DIV, de « mouliner » des critères, qui sont connus - le nombre de personnes percevant le RMI, le taux de jeunes en difficulté, qui sont les critères des zones urbaines sensibles - pour établir un classement équivalent aux zones urbaines sensibles. Un seuil sera fixé, et les quartiers qui se trouveront dans les 300 à 400 premiers « équivalents ZUS » seront retenus, à l'inverse des autres.

Monsieur Murat, le quartier des Chapélies, à Brive-la-Gaillarde, répond à ce critère. Il relèvera donc de l'article 6 précité. En revanche, pour ce qui concerne les deux autres, nous continuons à « mouliner ». Il est en effet long et quelque peu compliqué de faire tout cela ! De surcroît, la DSU nous a pris un peu de temps.

Pour vous prouver que les dérogations ne sont pas accordées à la tête du client, je vous indique que le maire de Tulle, ville voisine de la vôtre, monsieur Murat, va aussi bénéficier d'une exception. (Exclamations.) Je n'oublie donc pas la Corrèze, comme vous pouvez le constater !

M. Dominique Braye. Vous ne feriez pas la même chose, chers collègues de gauche !

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre délégué. Sur ces sujets, nous allons donc bien mener une politique objective.

Monsieur Repentin, la répartition des fonds à hauteur de 80 % pour l'investissement et de 20 % pour le fonctionnement ne concernait que les grands projets de ville, qui sont bien repris, pour l'essentiel par l'ANRU. Comme on affecte 40 milliards d'euros sur huit ans à cette agence, on ne va pas conserver une ligne destinée aux grands projets de ville pour justement leur permettre d'élaborer des projets de type ANRU.

Quant aux adultes-relais, 57 millions d'euros leur ont été consacrés l'année dernière. En prenant en compte les lignes déconcentrées, 57 millions d'euros sont prévus cette année. Je ne remets absolument pas en cause cette action, qui me paraît bonne. Je suis totalement d'accord avec vous, ce ne sont pas des emplois au rabais ! Je reconnais leur utilité, comme je le faisais avec honnêteté lorsque j'étais dans l'opposition, rapporteur du budget, face à M. Bartolone.

M. Dominique Braye. Vous, vous étiez honnête, monsieur le ministre ! (Sourires.)

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre délégué. Certains orateurs m'ont interrogé sur les fonds structurels européens.

Effectivement, il va falloir se pencher sur la question. Le Gouvernement va devoir définir une carte stratégique avec deux options, étudiées actuellement par la Commission de Bruxelles. Un député a évoqué ce point au moment de l'examen du projet de loi de programmation de cohésion sociale. Il voulait inscrire dans ce texte que la carte stratégique de l'ANRU devait être retenue à titre prioritaire pour les fonds structurels européens. Le Premier ministre a indiqué que l'on pouvait envisager d'agir ainsi. Pour autant, peut-on aller jusqu'à une ligne fongible de type FEOGA, FEDER et Fonds social européen ? Si cette idée me paraît bonne, je vous demande néanmoins d'attendre que soit définie au plan interministériel une politique gouvernementale qui sera présentée à la représentation nationale.

M. le président de la commission des finances et M. le rapporteur spécial m'ont interrogé sur la DSU.

Lorsque j'étais jeune député, fringant vice-président de l'Association des maires, je voulais refaire le monde ! Mais si nous avions réformé la DSU en touchant à l'indice synthétique, nous aurions fait exploser le système ! La réforme de la DSU est une sorte de Mikado : si vous faites bouger une seule baguette de bois, tous les bâtons sautent en même temps !

Comme je l'ai indiqué à Jean-Pierre Sueur, que je connais bien pour avoir fait avec lui, dans le temps, de l'action chrétienne, il faut effectivement prévoir un dispositif plus péréquateur. L'idée du Gouvernement est de mettre un moteur auxiliaire à côté du moteur principal et de créer l'effet multiplicateur, tant attendu par les communes les plus pauvres qui supportent les charges sociales les plus lourdes.

Monsieur Dallier, dans votre département, où je me suis rendu ce matin, trente-trois communes sont éligibles à la DSU et vont connaître à ce titre des augmentations non négligeables. Ainsi, Clichy-sous-Bois enregistrera une hausse de 451 % sur cinq ans.

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. C'est justifié !

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre délégué. Le maire de cette commune, qui ne partage pas mes opinions politiques, reconnaît qu'il s'agit d'une réforme historique, et je l'en remercie. Je remercie également les parlementaires de toute tendance qui ont accepté de prêter leur concours pour la mise en place de cette réforme.

Vous m'avez demandé pourquoi l'on prévoyait une augmentation de la DSU de 5 %, 10 %, 16 %, voire 28 % sur cinq ans pour un certain nombre de communes. Je vous renvoie aux propos de M. Murat.

Je prendrai l'exemple de Villepinte, commune de tendance UMP ; ainsi on ne pourra pas me faire de reproches !

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Vous auriez également pu prendre l'exemple de Livry-Gargan, commune socialiste.

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre délégué. Villepinte, qui n'a effectivement pas de zone urbaine sensible, abrite cependant un quartier, que vous devez connaître, présentant des caractéristiques typiquement comparables. L'exception prévue à l'article 6 du programme de rénovation urbaine sera donc probablement applicable. Cette ville est pauvre, comme un certain nombre d'autres villes qui n'ont pas de moyens, compte tenu de la réforme de la loi Chevènement : faisant partie d'une communauté d'agglomération, elles ne peuvent plus rien faire s'agissant de la taxe professionnelle et sont donc sous perfusion. Elles ont aussi besoin d'y voir clair.

La réforme de la DSU, que nous a présentée Jean-Marie Bockel, est souhaitée par l'Association des maires des grandes villes de France. Nous avons consulté les parlementaires et les associations d'élus locaux à ce sujet. A quoi servirait la concertation si l'on n'en tenait pas compte ? Nous avons donc garanti pour toutes les villes de plus de 10 000 habitants une évolution de 28 % de la DSU, et supérieure pour les autres. Au final, on atteint 100 % en moyenne, et plus 600 % à Grigny.

M. le président de la commission des finances a évoqué les simulations que nous avions transmises, indiquant que nous avions fait rapidement notre communication. C'est vrai, mais dans sa volonté de rigueur, la Haute Assemblée avait diffusé des chiffres,...

M. Jean-Paul Alduy. C'est exact !

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre délégué. ...ce que je comprends bien, afin de permettre au Sénat de ne pas voter des dispositions sans en avoir au préalable mesuré les effets.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Bien sûr !

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre délégué. Les chiffres indiqués sur le site Internet du Sénat ont donc été très largement diffusés. Or, un certain nombre de points ont été modifiés à l'Assemblée nationale, en concertation avec Gilles Carrez, rapporteur général du budget. Ainsi, nous avons procédé à un écrêtement afin que les communes éligibles à la DSU ne perçoivent à ce titre pas plus de 4 millions d'euros par an, ce cas concernant trois communes en France.

Par ailleurs, nous avons procédé à une modification de coefficient, afin que l'on ne prenne pas le critère zone franche urbaine divisé par le critère zone urbaine sensible. Je citerai le cas d'une commune, que je ne nommerai pas, dont 6 % du territoire est situé en zone urbaine sensible mais dont 100 % de la zone franche urbaine se trouve en zone urbaine sensible. L'effet multiplicateur serait alors très lourd.

On nous a demandé d'être restrictifs, et nous l'avons été ; cela a entraîné des baisses dans des communes de toutes tendances. C'est un véritable critère objectif. Nous en avons discuté, ce qui est normal.

Ici, la commission des finances du Sénat, notamment Paul Girod, nous a demandé une clause de sauvegarde d'un certain nombre de garanties. Nous avons répondu favorablement à cette demande, comme à celle de Gilles Carrez.

Après avoir « mouliné », monsieur Arthuis, nous nous sommes aperçus que les pourcentages auxquels nous étions arrivés n'étaient plus tout à fait les mêmes que ceux qui figuraient sur le site Internet du Sénat et qui circulaient. Il n'avait toutefois pas échappé à l'ancien membre de la commission des finances de l'Assemblée nationale que je suis qu'une autre réforme était en cours, à savoir la substitution du potentiel financier au potentiel fiscal.

Toutes les simulations que j'ai transmises ces derniers jours étaient donc assorties d'une clause prudentielle dans laquelle il était indiqué que ces simulations étant fondées sur la prise en compte des potentiels fiscaux, elles étaient susceptibles d'être modifiées en raison de l'instauration du critère des potentiels financiers, et qu'elles ne pouvaient en aucun cas être considérées comme des garanties ou des engagements de la part de l'Etat. Cela a été écrit noir sur blanc ! Ce n'est pas ma faute si la presse n'a pas repris ces informations ! En tout cas, il m'avait semblé normal de faire connaître ces simulations aux principaux acteurs de ce dossier.

L'introduction du potentiel financier ne devrait pas entraîner trop de changements, surtout en cinq ans. Vous l'aurez remarqué, nous n'avons pas fait de simulations pour les années 2005, 2006 et 2007, compte tenu de cette affaire. Nous avons simplement indiqué le montant de la DSU en 2004 et la progression attendue pour 2009.

Nous pensons, d'après les études que nous avons réalisées, que nos simulations sont bonnes, à quelques points près. Certaines communes pourraient sortir du dispositif de la DSU du fait de l'instauration du potentiel financier.

J'ai demandé à la direction générale des collectivités locales de nous communiquer dès que possible les critères relatifs au potentiel financier, et des membres de mon cabinet ont travaillé jour et nuit sur ce sujet. Je ne dispose pas encore de ces éléments. J'ai également demandé au ministère de l'intérieur de me transmettre ces informations au plus tôt afin de pouvoir répondre le plus vite possible à votre demande, monsieur le président de la commission des finances, et d'être en mesure de vous transmettre au début du mois de janvier ces simulations fondées sur le potentiel financier.

Mais il ne m'était pas possible de laisser diffuser les chiffres figurant sur le site Internet du Sénat, un certain nombre d'entre eux étant faux. Les tendances que je vous donne aujourd'hui sont justes et prennent en compte l'instauration de ce nouveau critère.

Pour conclure, je répondrai à Mme Létard, qui a fait un certain nombre d'observations tout à fait pertinentes sur le budget que nous avons présenté, et à M. André, qui nous a invités à faire attention à la mise en oeuvre par les services de l'Etat. Ces derniers sont convoqués le 21 décembre prochain à mon ministère. Il leur sera alors remis une feuille de route précise, débureaucratisée, comportant diverses consignes pragmatiques et fondée sur un certain nombre d'expérimentations intéressantes, telles celles que nous menons dans le Nord-Pas-de-Calais, par exemple.

Je suis d'accord avec vous, madame, monsieur le rapporteur pour avis : il faut revoir totalement les contrats de ville, et je compte sur vous pour nous donner un certain nombre d'idées sur ce sujet.

Je suis également d'accord avec vous sur le fait qu'il faut ouvrir le chantier de la cartographie des ZUS, qu'il faut se pencher sur les liaisons éventuelles entre les dotations de solidarité communautaire, là où elles existent, et les dotations de solidarité urbaine, qu'il va falloir tenter de refonder le système au regard des nouveaux dispositifs mis en oeuvre par Jean-Louis Borloo en matière d'emploi, notamment les contrats d'avenir, et établir un lien plus étroit entre eux.

Bref, nous avons encore beaucoup de travail ! Mais comptez sur moi : je ne me contenterai pas de faire des discours, j'agirai, comme je l'ai déjà fait dans le domaine du logement et comme je le fais dans le domaine de la ville, car, comme le disait Camus, la souffrance, je préfère la diminuer que d'en rendre compte ! (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Deuxième partie
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2005
Etat C - Titres V et VI

Mme la présidente. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant la ville et la rénovation urbaine et figurant aux états B et C.

État B

Titre III : 35 480 000 €.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Delfau, sur les crédits.

M. Gérard Delfau. Monsieur le ministre, je voudrais, sur un ton très paisible, poursuivre le débat que nous avons collectivement entamé sur un sujet décisif - nous sommes au moins d'accord sur ce point.

Monsieur le ministre, nous ne sommes pas dans une chambre régionale des comptes. Nous ne sommes pas non plus à l'Assemblée nationale. Nous sommes ici au Sénat ! Et au Sénat, nous avons l'habitude de nous exprimer !

Je maintiens mon analyse, ou plus exactement notre analyse, car, lorsque j'ai essayé de souligner la modestie, la faiblesse de l'engagement réel de l'Etat dans le budget de la ville, je me suis appuyé sur le travail de M. le rapporteur spécial.

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Il ne faut pas exagérer !

M. Gérard Delfau. Et j'ai montré sans difficulté qu'il y avait un effet d'annonce !

Je rappelle par ailleurs que les progressions annoncées font suite à deux années d'effondrement des crédits. Cela relativise évidemment ces progressions.

Puisqu'il faut donner un exemple, monsieur le ministre, j'en donnerai un que j'ai connu en temps que maire. Dans ma commune, la construction de vingt logements sociaux, financée par des prêts de type intermédiaire, était programmée cette année. J'ai appris au mois d'août que cette opération était ajournée ou annulée, puis, au mois d'octobre, qu'elle pourrait être reprogrammée. Vous comprendrez, monsieur le ministre, que, lorsqu'une opération de cette importance est annulée au motif qu'il n'y a plus de crédits, le parlementaire que je suis soit peu convaincu par les chiffres qu'il voit défiler !

Plus largement, et là réside le fond du problème, tous les budgets que M. Borloo et vous nous soumettez s'appuient sur une technique de report de charges. Il en est ainsi s'agissant du prêt à taux zéro, le PTZ : on passe en effet d'un financement direct à un crédit d'impôt, ce dont je me réjouis, car il fallait à tout prix sauver cette mesure que, par ailleurs, vous étendez, ce qui est une bonne chose. Mais cela vous permettra de faire une économie dans le budget de l'Etat l'an prochain.

D'une façon plus générale - cela a déjà été dit à de nombreuses reprises, mais vous m'obligez à le répéter, monsieur le ministre -, sur les 15 milliards d'euros environ que prévoit le projet de loi de programmation de cohésion sociale, seul 1,5 milliard d'euros est inscrit dans le projet de loi de finances pour 2005, l'idée étant que l'essentiel de ces 15 milliards d'euros sera programmé et financé, on ne sait comment, au cours des années 2007-2009. Pauvres gouvernants ! Si du moins ils veulent bien tenir compte de cet engagement...

En ce qui concerne l'ANRU, j'ai dit ce que je vis indirectement. J'attends de voir ! Si, dans deux ans, cette structure a fait un effort sans précédent, en tout cas considérable, je serai alors très à l'aise pour le souligner. Ce soir, je forme le souhait que la spécificité de cette agence soit préservée et que le saupoudrage des crédits soit évité en matière de politique de la ville, comme d'ailleurs pour de nombreuses autres politiques.

S'agissant de la DSU, monsieur le ministre, il faut tout de même revenir à quelques réalités. Ce sont des largesses sur le dos de l'ensemble des communes que l'Etat a entrepris d'accorder dans ce budget, et dont il se vante !

Je ne sache pas que Neuilly, Courbevoie ou Levallois-Perret - et comme vous, monsieur le ministre, je cite des noms de villes totalement au hasard - aient beaucoup pâti de cette redistribution de richesses. Il me semble même que M. Balkany a récemment déposé un amendement à l'Assemblée nationale visant à faire exonérer sa commune d'une contribution au Fonds de solidarité d'Ile-de-France dans des conditions inconcevables ! Je crois avoir lu dans le Journal officiel qu'un certain ministre du gouvernement auquel vous appartenez n'a pas cru bon d'émettre un avis défavorable sur cette proposition. Alors, monsieur le ministre, je vous en prie, ne nous donnez pas de leçon ! Travaillons !

M. Dominique Braye. Cet amendement a-t-il été adopté ou pas ? C'est de la politique politicienne ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme Nicole Borvo. Vous êtes très bien placé pour faire ce genre de remarque, monsieur Braye !

M. Gérard Delfau. Monsieur le ministre, échangeons des arguments, mais respectons-nous ! En ce qui me concerne, je vous respecte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme la présidente. Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.

(Ces crédits sont adoptés.)

Titre IV : moins 19 444 786 €.

Etat B - Titres III et IV
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2005
Travail, santé et cohésion sociale - IV. - Logement

Mme la présidente. Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.

(Ces crédits sont adoptés.)

État C

Titre VI. - Autorisations de programme : 214 000 000 € ;

Crédits de paiement : 42 800 000 €.

Mme la présidente. Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement figurant au titre VI.

(Ces crédits sont adoptés.)

Mme la présidente. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant la ville et la rénovation urbaine.

IV. - Logement

Etat C - Titres V et VI
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2005
Etat B - Titres III et IV

Mme la présidente. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant le travail, la santé et la cohésion sociale : IV.- Logement.

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits de la section « logement » du projet de budget du travail, de la santé et de la cohésion sociale s'élèvent, dans le projet de loi de finances initiale pour 2005, à 6,5 milliards d'euros.

En première analyse, ces crédits sont en baisse de 1,5 %. Toutefois, cette baisse est due à des mesures affectant le périmètre du budget du logement dans quatre domaines : la participation de l'Etat aux fonds de solidarité pour le logement, le FSL ; l'aide aux associations logeant à titre temporaire des personnes défavorisées ; le financement de l'aide personnalisée au logement, l'APL ; enfin, le mode de financement du prêt à taux zéro, le PTZ, qui est modifié.

Le financement du prêt à taux zéro sera en effet assuré, si l'article 67 du projet de loi de finances pour 2005 est adopté en l'état, non plus au moyen d'une subvention versée sur crédits budgétaires, mais grâce à un crédit d'impôt.

A structure constante, le budget de la section « logement » augmente de 227 millions d'euros en 2005, soit de 3,4 %. L'évolution est même de 8,3 % hors crédits du prêt à taux zéro.

Cette évolution traduit la priorité donnée par le Gouvernement au logement, qui constitue l'un des trois piliers du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale.

Ma première observation portera sur la mise en oeuvre de ce dernier.

Le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale comporte deux volets principaux dans le domaine du logement.

En matière de logement locatif social, je rappelle les objectifs, qui sont très ambitieux : il s'agit de doubler, en cinq ans, le nombre de nouveaux logements sociaux réalisés chaque année, en passant d'un peu moins de 60 000 à 120 000, politique de la ville comprise.

Le projet de loi de finances pour 2005 reflète les engagements pris dans le plan et dans le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale, en portant les crédits de paiement consacrés aux subventions d'investissement en faveur du locatif social et au renouvellement urbain, hors politique de la ville, à 465 millions d'euros, en hausse de 61 %. Les autorisations de programme s'élèvent à 442 millions d'euros, soit une augmentation de 22 %.

La commission des finances approuve pleinement les objectifs du volet « logement locatif social » du projet de loi de programmation, mais elle souhaite néanmoins souligner quelques points.

D'une part, les crédits consacrés au logement locatif social, hors politique de la ville, augmentent de manière considérable.

D'autre part, pour les crédits affectés à l'ANRU, l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, qui vient de faire l'objet d'un long débat, ce qui me dispense de m'y attarder, l'objectif semble respecté, grâce, il est vrai, à un abondement du fonds de renouvellement urbain, soit 50 millions d'euros prévus par la loi de finances rectificative de 2003 auxquels s'ajoutent 100 millions d'euros prévus par la loi de finances rectificative de 2004.

Cependant, la réalisation des engagements pris dépendra aussi - vous le disiez tout à l'heure, monsieur le ministre - du degré d'implication des collectivités locales, puisque la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales prévoit la possibilité pour l'Etat de déléguer ses compétences en matière de financement des aides à la pierre.

L'article 42 du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale, qui prévoit la prise en compte des objectifs de la programmation dans les conventions de délégation de compétence, doit être compris comme un dispositif plus incitatif que réellement normatif.

S'agissant maintenant de la mobilisation du parc privé, le plan de cohésion sociale prévoit une augmentation des crédits de l'ANAH, l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat, afin de financer, sur cinq ans, 200 000 logements à loyers maîtrisés ainsi que la remise sur le marché de 100 000 logements vacants.

Je note toutefois, comme l'avait fait notre collègue Paul Girod, rapporteur pour avis sur le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale, que les crédits prévus en faveur de la « mobilisation du parc privé » ne sont pas en totalité des crédits supplémentaires alloués à l'ANAH.

En crédits de paiement, en effet, l'ANAH ne bénéficiera que de 19 millions d'euros supplémentaires au lieu des 70 millions d'euros annoncés par le projet de loi de programmation. Vous nous avez néanmoins assuré, monsieur le ministre, qu'il y aurait bien 70 millions d'euros « sanctuarisés » en 2005 pour l'application de la loi.

J'en viens à mon second point, qui concerne la relance de l'accession à la propriété.

Le Gouvernement a engagé une politique de relance de l'accession, en partant du constat que 57 % seulement des Français sont propriétaires de leur résidence principale. La relance de l'accession à la propriété passe tout d'abord par une refonte du prêt à taux zéro.

Il s'agit en effet de transformer un coût budgétaire, de l'ordre de 550 millions d'euros par an, en une dépense fiscale, c'est-à-dire de transformer une subvention en un crédit d'impôt sur les sociétés accordé aux banques qui distribueront le prêt à taux zéro. Le crédit d'impôt sera versé, en l'état du texte adopté à l'Assemblée nationale, sur cinq ans et non plus sur sept ans.

Surtout, le PTZ sera élargi afin de le rendre « plus social », « plus familial » et de l'ouvrir à l'acquisition dans l'ancien. Le montant maximum du prêt et les plafonds d'éligibilité seront revalorisés pour la première fois, mes chers collègues, depuis la création du dispositif en 1995. La non-actualisation des plafonds de revenus avait en effet réduit, année après année, l'efficacité du PTZ. Par ailleurs, l'avantage lié au différé d'amortissement sera totalement préservé.

L'objectif du Gouvernement est de faire passer le nombre de prêts d'environ 100 000 aujourd'hui à 240 000, avec ce qu'il est convenu d'appeler le « PTZ plus », pour un coût budgétaire qui passerait, je l'ai dit, de 550 millions d'euros à 1,4 milliard d'euros par an dans cinq ans.

Eu égard à ce coût, le Gouvernement a jugé indispensable de transformer le mécanisme pour en faire une dépense fiscale, mais, je le souligne, ce nouveau rouage budgétaire ne doit rien changer dans la pratique pour les ménages.

S'agissant de la relance de l'accession à la propriété, deux autres points doivent être mentionnés.

Tout d'abord, le mécanisme de la location-accession, institué par une loi de 1984, est relancé grâce au PSLA, le prêt social de location-accession, mis en place par un décret du 26 mars 2004.

Enfin, le 4 février 2004, M. Gilles de Robien, alors ministre en charge du logement, avait annoncé la mise en place d'une ambitieuse politique en faveur de l'accession sociale à la propriété : à cette fin, le projet de loi dit alors de « propriété pour tous » et requalifié depuis « habitat pour tous » devrait être présenté en 2005. Il complétera le volet « logement » du projet de loi de cohésion sociale.

Nous avons déjà pris connaissances de certaines de ses dispositions dans la presse, mais il serait d'ailleurs intéressant, monsieur le ministre, que vous nous précisiez vos intentions s'agissant de ce projet de loi, notamment en ce qui concerne la question de l'accession à la propriété et celle de la mobilisation du foncier en faveur de l'habitat, question très importante, surtout pour un Francilien comme moi.

Enfin, et ce sera ma dernière observation, on peut estimer, s'agissant de la mise en oeuvre de la LOLF, la loi organique relative aux lois de finances, que le budget du logement est sur de « bons rails ».

En effet, suivant en cela une préconisation de la commission des finances, le Gouvernement a choisi de regrouper la ville et le logement au sein d'une même mission, ce qui est beaucoup plus satisfaisant que la présentation initialement retenue.

Les crédits du budget du logement seront regroupés au sein de deux programmes distinguant aides à la pierre et aides à la personne, ce qui correspond là encore à une préconisation formulée, voilà quelques mois, par la commission des finances.

Cette structure lisible a facilité la double présentation des crédits et la mise en place de l'avant-projet annuel de performance. Celui-ci énonce des objectifs et des indicateurs qui paraissent pertinents.

Je tiens néanmoins, monsieur le ministre, à souligner l'hétérogénéité des indicateurs, dont certains correspondent à des données statistiques déjà existantes tandis que d'autres sont en construction ou relèvent même du sondage plutôt que de la statistique. Il faudra que le ministère explicite la construction des indicateurs afin que le Parlement puisse les analyser pour ce qu'ils sont exactement.

En outre, ces indicateurs sont souvent des indicateurs d'activité et non des ratios entre coût et efficacité. L'analyse des indicateurs devra en tenir compte et rapporter les résultats au coût des politiques menées.

En définitive, ce projet de budget témoigne bien de la priorité que le Gouvernement accorde au logement, dans un contexte budgétaire difficile. Des efforts importants sont réalisés tant en matière de relance du secteur locatif social qu'en matière d'incitation à l'accession à la propriété, ce qui conduit la commission des finances à proposer l'adoption des crédits du logement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Repentin, rapporteur pour avis.

M. Thierry Repentin, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits affectés au logement dans le projet de loi de finances pour 2005, qui s'établissent à 6,5 milliards d'euros, s'inscrivent cette année dans le cadre du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale.

En effet, conformément à l'article 41 de ce texte, la ligne fongible est abondée cette année à hauteur de 442 millions d'euros en autorisations de programme et de 465 millions d'euros en crédits de paiement, soit des hausses respectives de 22 % et de 61 %. Cette évolution devrait permettre le financement de 90 000 logements locatifs sociaux et de 40 000 réhabilitations en 2005, compte non tenu de l'action de l'ANRU, l'Agence nationale pour la rénovation urbaine.

La commission des affaires économiques s'est félicitée de cette progression sensible des moyens attribués à la construction de logements sociaux.

Toutefois, à titre personnel, je note que, dans la mesure où la subvention budgétaire moyenne par logement social ne progresse pas par rapport à l'année dernière, le financement du plan de rattrapage de la construction locative sociale va mobiliser fortement et les finances des collectivités territoriales et la trésorerie des organismes d'HLM.

En outre, je relève que, depuis le 1er août dernier, le taux du Livret A évolue en fonction non plus d'une décision politique mais d'une règle automatique tenant compte de l'évolution de l'inflation et des taux d'intérêt. En 2003, la baisse du taux du Livret A avait été avancée comme justification de la réduction de la subvention moyenne par logement. Or, à mon avis, l'envolée du prix du pétrole et le déséquilibre entre l'euro et le dollar risquent de pousser à la hausse le taux du Livret A et donc de diminuer mécaniquement les allégements de frais financiers escomptés par les organismes d'HLM. Ces derniers éprouveront donc des difficultés à financer le plan de cohésion sociale.

La commission des affaires économiques a également tenu à s'arrêter sur les avantages fiscaux dont bénéficient les organismes d'HLM, avantages qui représentent une part non négligeable du plan de financement global d'un logement social et près de 13 % d'un logement PLUS, ou prêt locatif à usage social.

J'ai souhaité plus particulièrement me pencher, à cette occasion, sur l'exonération de la taxe foncière sur les propriétés bâties, la TFPB, dont bénéficient les logements sociaux pendant quinze ans, période qui sera portée à vingt-cinq ans après la promulgation de la loi programmation pour la cohésion sociale.

Beaucoup d'élus locaux ignorent en effet que les pertes de recettes qui résultent pour les collectivités locales de cette exonération, pourtant décidée par l'Etat, ne sont que très partiellement compensées, car le droit en vigueur ne prévoit une compensation de l'Etat que si ces pertes sont substantielles. Surtout, les modalités de calcul de la dotation de compensation sont telles qu'en pratique cette dernière couvre une part infime des pertes de ressources. A l'échelle nationale, ces pertes atteindraient, selon mes estimations, plus de 327 millions d'euros, somme que l'Etat ne compenserait qu'à hauteur de 6 millions d'euros.

Cette situation est d'autant plus paradoxale que, lors de l'examen du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale, le Sénat a adopté un amendement, précisé d'ailleurs par l'Assemblée nationale, tendant à compenser intégralement les pertes de recettes liées à la prolongation de ladite exonération. Au final, nous allons nous retrouver dans une situation où les pertes vont être compensées très partiellement pendant les quinze premières années et intégralement les dix années suivantes.

La commission des affaires économiques a donc souhaité que cette situation puisse être améliorée en rendant identique le mode de compensation sur la durée de l'exonération, et elle a adopté un amendement, placé après l'article 67 du projet de loi de finances. Je ne doute pas que nous aurons l'occasion d'en débattre avec vous la semaine prochaine, monsieur le ministre, ou que vous ferez connaître votre analyse à celui de vos collègues qui vous remplacera si, d'aventure, vous ne pouviez être alors au banc du Gouvernement.

S'agissant des aides personnelles au logement, malgré une progression de la dotation visant à couvrir les évolutions du nombre de bénéficiaires l'année prochaine, je relève que le montant prévu pour effectuer l'actualisation du 1er juillet dernier - actualisation non encore arbitrée par le Gouvernement, me semble-t-il - devrait être de 50 millions d'euros, soit une somme vraisemblablement insuffisante pour couvrir la hausse du niveau général des prix et des loyers.

A titre personnel, je considère que cela devrait encore se traduire par une hausse sensible du taux d'effort des ménages les plus modestes, qui est déjà passé de 11,4 % en 1988 à 16,7 % en 2002.

Pour terminer, j'ai souhaité consacrer une partie de mon rapport pour avis au bilan de l'amortissement fiscal « Robien ». Je rappelle que ce dispositif permet aux investisseurs qui mettent leur logement en location d'amortir plus de 60 % du prix total de leur acquisition, sans contreparties sociales, contrairement à l'amortissement « Besson », qui l'a précédé et qui prévoyait des plafonds de ressources des locataires. Le coût pour les finances publiques de l'amortissement « Robien » est estimé à 75 millions d'euros pour 2005, somme qui est à mon sens sous-évaluée.

D'après les statistiques fournies par la Fédération nationale des promoteurs-constructeurs, ce dispositif aurait permis de mettre sur le marché 54 000 logements locatifs privés en 2003 et 60 500 en 2004. Il est donc indéniable que la réforme de l'amortissement fiscal a permis d'augmenter la production locative privée ; mais à quel prix ?

D'une part, les loyers plafonds du dispositif « Robien » ont été augmentés et presque portés au niveau des loyers de marché. C'est donc un produit qui vise plutôt le haut de la gamme des ménages et ne s'adresse pas aux personnes à revenus modestes ou moyens. D'autre part, les bailleurs sont des gens rationnels : dès lors qu'on les autorise à sélectionner librement leurs locataires, il est probable qu'ils retiennent ceux qui disposent de revenus élevés.

A titre personnel, je m'interroge sur le coût total de ce mécanisme, utilisé pour construire des logements privés à loyers plus élevés qu'avec le dispositif « Besson » et pour des ménages appartenant aux classes moyennes supérieures, alors que les sommes qui y sont consacrées auraient pu ou pourraient être utilisées pour rendre l'offre locative plus accessible à des ménages à revenus moyens.

Nombreux sont les acteurs de la filière logement qui estiment que ce régime d'amortissement a vraisemblablement eu pour effet de faire flamber le prix des logements neufs et de faire monter le prix du foncier. Il serait donc sage de corriger ce dispositif, qui, certes, a eu un effet de relance en 2003 et 2004, mais qui n'est pas adapté dans un contexte d'envolée du prix des loyers, des logements à la vente et des terrains constructibles.

Au total, monsieur le ministre, la commission des affaires économiques, après un échange contradictoire et argumenté entre son rapporteur pour avis et ses membres, a émis un avis favorable à l'adoption des crédits du logement dans le projet de loi de finances pour 2005. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis.

Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, pendant près de dix ans, la politique du logement a été caractérisée par le lancement de programmes de construction de logements locatifs sociaux sans rapport avec l'étendue des besoins. Dans le même temps, une grande partie du parc social, datant des années soixante-dix, avait nécessité d'être réhabilitée, et parfois démolie.

De ce fait, entre 1996 et 2003, le parc social ne s'est accru que de 44 000 logements par an en moyenne : il en aurait fallu le double. Les opérations de réhabilitation ont décru, pour ne plus concerner que 76 000 logements en 2002 ; 6 000 logements à peine ont été démolis chaque année.

La situation actuelle est donc bien singulière avec, d'un côté, une offre de logements sociaux insuffisante et, de l'autre, 130 000 locaux vacants, qui ne trouvent plus preneur du fait de leur vétusté.

Ce phénomène de pénurie de logements locatifs, privés comme sociaux, a entraîné une flambée des loyers, particulièrement en Ile-de-France. Parallèlement, les prix de l'immobilier ont augmenté de près de 50  % en trois ans, ce qui exclut de l'accès à la propriété un nombre toujours plus important de ménages.

Dans ce contexte particulièrement difficile, l'année 2004 a marqué un premier tournant, grâce, notamment, à la mise en place de l'ANRU et à la baisse du taux du Livret A qui ont permis de financer 80 000 logements locatifs sociaux cette année.

L'année 2005 devrait confirmer cette évolution. Ce sont 6,5 milliards d'euros qui sont inscrits au budget du logement, ce qui correspond, à structure constante, à une hausse de 3,4 %. Cette dernière porte surtout sur les crédits de construction de logements locatifs sociaux et sur ceux de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat, l'ANAH, pour la réhabilitation de locaux.

Le Gouvernement nous présente également ce que sera le budget du logement, dans le cadre de la LOLF : la future mission « ville et logement » comportera notamment trois programmes qui rendent bien compte des trois aspects de la question : « rénovation urbaine », « développement et amélioration de l'offre de logements » et « aide à l'accès au logement ».

De fait, en 2005, la structure du budget conservera ses grands équilibres : les aides à la personne sont toujours largement majoritaires et elles absorbent 80 % des crédits disponibles.

Les trois types d'aides au logement existantes - allocation de logement familiale ou sociale et aide personnalisée au logement - ne sont pas financés de la même manière et ils sont versés par la CNAF selon des modalités diverses et complexes.

Ce constat a conduit les pouvoirs publics à entreprendre de simplifier ce système. Peut-on envisager, monsieur le ministre, d'aboutir rapidement une aide unique ?

Parallèlement, la commission s'est préoccupée de certaines mesures d'économie appliquées aux aides à la personne, qui ont eu récemment un effet négatif sur la situation de nombreux ménages.

D'abord, la revalorisation de ces aides doit normalement intervenir au 1er juillet de chaque année. Or, elle n'a eu lieu qu'en mai 2004, au titre de 2003, et aucune actualisation des barèmes n'est encore intervenue pour cette année. La commission estime que cette mesure d'économie indirecte n'est pas satisfaisante et souhaite la solution rapide de ce problème, à un moment où l'augmentation des loyers fait craindre une hausse des impayés.

Ensuite, comme nous en avons longuement parlé à l'occasion de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, l'augmentation du minimum de perception de 15 à 24 euros va exclure environ 75 000 familles du bénéfice de ces aides. Malgré les explications qui nous ont été données par Mme Roig lors de ce débat, je persiste à penser qu'une réflexion devrait être menée pour prévoir un versement annuel des aides d'un très petit montant.

M. Thierry Repentin, rapporteur pour avis. Elle a raison !

Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis. Compte tenu des effets pervers qu'elles entraînent, ces mesures d'économie n'en sont pas. Elles conduisent en réalité les familles à se reporter sur d'autres types d'aides pour se maintenir dans un logement ou accéder au logement. Quel est votre sentiment sur cette question, monsieur le ministre ?

Les aides à la pierre, quant à elles, bien qu'elles ne représentent qu'une part minoritaire des crédits du logement, vont désormais constituer des moyens d'action essentiels, tant pour le parc social que pour l'habitat privé.

Le plan de cohésion sociale prévoit en cinq ans la construction de 500 000 logements locatifs sociaux, soit un doublement du rythme annuel. Les crédits promis - 442 millions d'euros en 2005 - figurent bien dans le présent projet de budget.

En matière de parc privé, l'ANAH, qui participe à la réhabilitation de l'habitat et offre une solution de logement aux ménages modestes, est fortement sollicitée par le plan de cohésion sociale. Entre 2005 et 2009, elle devra doubler son activité, financer 200 000 logements à loyer maîtrisé et aider à la remise sur le marché de 100 000 logements vacants. En conséquence, ses crédits devront être accrus de 70 millions d'euros en 2005. J'observe qu'ils figurent bien au budget, mais en autorisations de programme seulement :les crédits de paiements, pour ce qui les concerne, n'augmentent que de 19 millions d'euros.

L'ANAH considère que cette dotation sera largement suffisante pour sa première année de montée en charge. Mais il faudra veiller à ce que cette situation ne perdure pas et à ce que, dès l'année prochaine, l'ANAH prenne toute sa part à l'augmentation de l'offre de logements, telle qu'elle est programmée par le plan de cohésion sociale.

Je signale enfin la réforme du prêt à taux zéro, dont le montant sera revalorisé et qui sera prioritairement réservé aux ménages les plus modestes et aux familles.

J'approuve ce calibrage, car l'accession à la propriété des ménages modestes reste encore trop rare.

C'est aussi l'avis du Gouvernement qui a créé, en 2004, un nouveau prêt conventionné, le prêt social de location-accession assorti d'avantages fiscaux attractifs, dont le premier bilan sera disponible l'année prochaine, précisément pour la présentation au Parlement du futur projet de loi « habitat pour tous », qui devra définir une nouvelle politique en faveur de l'accession sociale à la propriété, à laquelle la commission est très favorable.

Ces différentes observations positives ont conduit la commission des affaires sociales à donner un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs au logement pour 2005. (Applaudissements.)

Mme la présidente. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire, 38 minutes ;

Groupe socialiste, 21 minutes ;

Groupe de l'Union centriste, 7 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen, 5 minutes ;

Groupe du rassemblement démocratique et social européen, 5 minutes.

En application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Jean-Paul Alduy.

M. Jean-Paul Alduy. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je serai plus bref que lors de ma précédente intervention, car je partage les analyses et l'essentiel des interrogations des rapports qui viennent d'être présentés. Il faut en effet rappeler que le budget qui nous est soumis traduit de vraies ruptures dans l'échelle des chiffres annoncés : 90 000 logements construits, 40 000 réhabilités, 70 millions d'euros supplémentaires accordés à l'ANAH ; reformatage du PTZ pour permettre à 250 000 ménages de bénéficieront de ce dernier.

Plus que quantitative, on s'aperçoit pourtant que la rupture est surtout qualitative dans la mesure où elle conjugue les trois grandes décisions dont il a été fait état précédemment. on concentre, à travers l'ANRU, les moyens qui doivent intervenir sur les secteurs les plus difficiles, sur les quartiers où il faut remodeler physiquement et socialement la géographie urbaine ; on amplifie, à travers le plan de cohésion sociale, les moyens consacrés à la politique du logement ; enfin - mais c'est encore devant nous -, on responsabilise les présidents de communauté urbaine, de communauté d'agglomération à travers les délégations de compétences.

Cette dernière mesure, monsieur le ministre, me donne beaucoup d'espoirs, car je suis à peu près persuadé que l'on retrouvera au niveau local ce que l'on trouve au niveau des conseils d'administration de l'ANRU : une synergie entre tous les partenaires concernés par cette politique du logement.

A cet égard, j'ai noté que l'accord que vous avez signé avec l'UESL, l'Union d'économie sociale du logement, comporte déjà, dans son article 2.6, cette disposition très importante : « ...l'UESL s'engage à ouvrir des négociations avec les associations nationales d'élus en vue de fixer avant le 30 avril 2005 les conditions de mise en oeuvre d'accords contractuels locaux entre ses représentants et les délégataires qui le souhaitent, dans le respect des engagements nationaux pour la mise en oeuvre du concours "1 % relance" ».

On voit bien que nous allons impulser au niveau local une démarche qui s'apparente en quelque sorte à celle qui existe au niveau national avec l'ANRU, ce qui me paraît tout à fait prometteur.

Je voudrais néanmoins, monsieur le ministre, attirer votre attention sur le grand chantier qui vous attend et dont certains aspects ont déjà été évoqués : je pense notamment à la nécessité de retravailler la question des contributions sociales qui doivent être imposées à ceux des bailleurs qui profitent de l'amortissement fiscal « Robien », ainsi que l'a très bien exposé M. Thierry Repentin. Il y a là, en effet, des masses financières qui doivent être davantage ciblées sur la politique sociale du logement.

Je crois également, monsieur le ministre, que le chantier de la question foncière est encore devant vous : c'est sans doute au travers de la loi « habitat pour tous » que vous pourrez mobiliser toutes les énergies et toutes les inventivités. Il faut, en effet, repenser tout le dispositif de politique foncière, qui, conçu dans une période d'extension urbaine, est certainement inadapté à la période de recomposition urbaine que nous vivons aujourd'hui.

J'avais proposé que la taxe spéciale d'équipement, la TSE, prévue pour les établissements publics fonciers à organiser au niveau des agglomérations, puisse être directement perçue par les communautés d'agglomération et les communautés urbaines. Il me semble que ce serait une mécanique plus directe, plus rapide, qui permettrait, un peu à l'instar du versement transport, de définir un budget spécifique de la politique foncière dirigée vers la politique sociale de l'habitat.

Je conclurai, monsieur le ministre, en évoquant un autre chantier qui est sans doute le plus difficile et le plus délicat : celui des aides à la personne. On voit bien aujourd'hui, comme cela a également été relevé antérieurement, qu'un décrochage s'est produit entre l'évolution de l'aide personnalisée au logement et le prix de la construction, et, par voie de conséquence, le niveau d'augmentation des loyers. Il est clair que, si l'on ne parvenait pas à ralentir ce processus, ce serait tout la politique que vous conduisez qui se trouverait compromise.

Le sujet est très difficile, et je comprends que, jusqu'à présent, on ait donné la priorité à l'investissement et à la relance de la construction par rapport à l'aide à la personne.

Quoi qu'il en soit, monsieur le ministre, nous attendions depuis très longtemps un budget du logement se fixant des objectifs aussi ambitieux. On avait atteint des records à la baisse dans les années 1998 et 1999 : il est temps que l'on revienne à des échelles conformes aux besoins sociaux. Je suis en effet persuadé qu'au bout de ce plan de cohésion sociale, d'ici à quatre ou cinq ans, nous pourrons enfin faire du droit au logement un véritable droit, c'est-à-dire un droit opposable, car tel est l'objectif politique que nous devons nous fixer.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Dubois.

M. Daniel Dubois. Permettez-moi, tout d'abord, monsieur le ministre, de saluer l'effort du Gouvernement. En effet, à structure constante, dans une période difficile, le budget du logement augmente cette année de 3,4 %.

Ce budget s'inscrit dans le cadre du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale. Il confirme la volonté du Gouvernement de dynamiser la politique du logement, de relancer la construction et la réhabilitation des logements sociaux tant dans le secteur locatif qu'en accession à la propriété, mais aussi de rééquilibrer les quartiers difficiles.

L'objectif est, en cinq ans, de construire 500 000 logements locatifs sociaux qui viendront s'ajouter aux 200 000 constructions, démolitions et aux 400 000 réhabilitations.

L'accession sociale à la propriété, quant à elle, devrait plus que doubler sur les cinq prochaines années avec la construction de 250 000 logements par an.

De même, monsieur le ministre, votre action sur la vacance du parc privé ancien va se traduire par un renforcement des crédits de l'ANAH à hauteur de 70 millions d'euros en 2005 et de 140 millions d'euros sur les quatre années suivantes.

Ce plan, extrêmement volontariste, est à la hauteur des retards cumulés depuis plus de dix ans ; mais cet ambitieux programme ne doit pas buter sur la réalité.

La réussite du projet gouvernemental et l'amélioration des conditions de vie quotidienne des Français passent également par la prise en compte très concrète d'une triple difficulté : l'équilibre financier des opérations, la multiplicité des guichets d'aide à la pierre et l'adaptation rapide des organismes d'HLM.

La première difficulté concerne le prix de revient des opérations, qui a augmenté de près de 30 % en quatre ans du fait de la hausse du coût de la construction et du foncier. Cette hausse n'a pas été compensée par l'évolution des loyers. Les opérations de construction de logements sociaux sont donc aujourd'hui, monsieur le ministre, structurellement déséquilibrées à hauteur de 20 % environ, ce qui représente, en moyenne, un déficit de 20 000 euros par logement.

Ce déséquilibre est particulièrement marqué sur la zone C, la zone rurale, en périphérie des agglomérations. Le prix de revient y est souvent identique à celui de la zone B, alors que l'équivalent en loyer y est inférieur de 7,5 % ! Nous constatons ainsi un effet de ciseaux, entraînant alors une impasse financière de 22 000 euros en moyenne par logement !

Vous comprendrez aisément, monsieur le ministre, que, au-delà des masses financières budgétaires, c'est une réponse opérationnelle, permettant d'atténuer cet effet de ciseaux, qui aura un impact direct sur la concrétisation des opérations, et donc sur la production de logements.

La réponse qui consisterait à dire que les subventions accordées par les collectivités locales pourraient servir de variables d'ajustement aux opérations, n'est pas satisfaisante. Faute de réelle motivation, seul leur sens de la responsabilité et de la solidarité amène aujourd'hui les communes à s'engager dans la construction de logements sociaux. Cela nous renvoie au débat sur les quotas réservataires des logements. C'est d'autant plus vrai que l'exonération sur vingt-cinq ans de la taxe foncière sur les propriétés bâties ne semble pas, à ce jour, monsieur le ministre, totalement compensée.

De même, le problème de la souplesse et de la modulation territoriale des aides à la pierre me paraît aujourd'hui clairement posé, tout comme la délimitation des périmètres des zones B et C.

La deuxième difficulté concerne la multiplication des guichets d'aides à la pierre. Alors que nous nous engageons à quasiment tripler la production de logements locatifs sociaux, nous devons rester attentifs à la complexité et donc aux retards que pourrait entraîner une période de transition liée à la décentralisation. Alors que je la trouve souhaitable et que j'y suis attaché, cette loi risque de démultiplier les guichets pour les opérateurs, y compris sur les territoires de petite taille : je pense ici aux établissements publics de coopération intercommunale avec programme local de l'habitat, ou PLH.

Ma troisième inquiétude, monsieur le ministre, concerne la capacité des opérateurs d'HLM à s'adapter rapidement à ces nouveaux enjeux : tripler la production en construction neuve et en réhabilitation, participer aux grands projets de ville, s'engager dans des programmes de grosses réparations, assurer l'entretien courant, voilà autant de défis qui vont nécessairement imposer des arbitrages financiers aux organismes d'HLM.

Mais, au-delà de ces arbitrages sur l'autofinancement, se pose, à mon avis, la question de l'adaptation rapide des équipes de maîtrise d'ouvrage et parfois même de leur professionnalisation. L'évolution des statuts des organismes d'HLM est donc urgente : l'application de la loi « habitat pour tous » devient aujourd'hui l'une des conditions de la réussite de ce vaste plan.

Voilà, monsieur le ministre, ce que je voulais vous dire ce soir, sans oublier de rappeler - cela a été dit par tous les orateurs - la rareté et le coût de la matière première de la construction de logements : le foncier.

Ce budget de mobilisation, qui est à la hauteur des enjeux auxquels nous sommes tous confrontés, reçoit le soutien déterminé du groupe de l'Union centriste.

Quant aux difficultés que je viens d'évoquer, vous pouvez également compter sur notre participation attentive, loyale et constructive pour que la loi « habitat pour tous » prévoie les capacités de mise en oeuvre dont votre budget a besoin. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo.

Mme Nicole Borvo. « Croyons aux miracles ! », pourrait-on dire s'agissant de votre budget, monsieur le ministre.

L'appréciation de ce budget ne peut se faire qu'au regard de la crise du logement que nous connaissons, crise sans précédent depuis les années d'après-guerre : un million de demandeurs de logements, plus de 100 000 personnes sans logis, 5 % d'augmentation par an des loyers depuis deux ans, une spéculation financière galopante qui gagne toutes les grandes villes. L'accès au logement est rendu de plus en plus difficile à des couches de population de plus en plus larges, étant entendu que ces populations perçoivent des salaires qui, eux, n'augmentent pas - c'est le moins que l'on puisse dire.

Les réponses engagées par l'Etat, à travers ce projet de budget pour 2005 présentent de grandes mutations.

Le projet de budget comprend des dispositions destinées à substituer à l'actuel prêt à taux zéro un nouveau dispositif de crédit d'impôt qui modifiera la nature de l'intervention publique en matière d'accession sociale à la propriété. Va-t-on en déduire qu'il y aura une meilleure accession sociale à la propriété ? J'en doute.

Dans le même temps, la situation juridique des organismes bailleurs sociaux est en pleine évolution, sous les effets de la loi Robien d'août 2003, de la première loi Borloo et de la loi sur les responsabilités locales.

Cette loi sur les responsabilités locales entraîne, à l'évidence, une mutation importante en matière de logement, qu'il s'agisse du transfert de la gestion des contingents d'attribution préfectoraux aux élus locaux, de la fongibilité des aides publiques au logement et de leur répartition entre les établissements publics de coopération intercommunale, les EPCI, investis de la compétence habitat, ou encore du transfert des fonds de solidarité logement aux départements.

L'Etat finançant moins, tout repose sur les collectivités. Que vont faire ces dernières, avec quels moyens et surtout avec quelle volonté pour certaines qui, comme nous le savons, sont peu désireuses de construire des logements sociaux ?

Quant au projet de loi de programmation pour la cohésion sociale - nous venons d'avoir de multiples débats à ce sujet -, il fixe des objectifs très ambitieux, mais on ne peut pas dire, contrairement à ce qui est souvent affirmé ici, que le financement correspondant est adéquat pour l'instant.

Cet ensemble de dispositions constitue-t-il pour autant une politique cohérente, susceptible de répondre aux énormes besoins de logements collectifs ? Nous avons de très grands doutes à ce sujet.

Nous avons indiqué, lors du débat sur le projet de loi Borloo, que nous avions quelques inquiétudes quant à l'atteinte des objectifs programmés, le financement direct de l'Etat étant, dans ce programme, plutôt réduit et se fondant pour l'essentiel sur un redéploiement des moyens existants.

Ainsi, par exemple, la disparition de 260 millions d'euros sur le financement du prêt à taux zéro se traduit par un redéploiement interne au chapitre, mais ce redéploiement reste inférieur au montant de crédits « économisés » au terme de l'extinction du prêt à taux zéro.

La réforme des aides personnelles au logement a conduit de nombreuses familles à perdre le bénéfice de ces allocations, ce qui permet d'ailleurs à la Caisse nationale des allocations familiales de dégager un excédent de ressources pour le moins discutable.

La question de la révision du décret charges et de la revalorisation du pouvoir d'achat des allocataires est directement posée.

S'agissant de l'aide à la construction et à la réhabilitation de logements, plusieurs observations s'imposent.

La redistribution des cartes au sein du chapitre 65-48 modifie de façon sensible le niveau global des dépenses du ministère. Malgré les effets d'annonce, ce sont, en effet, 117 millions d'euros de crédits qui disparaissent sur ce chapitre puisque, ainsi que nous l'avons déjà relevé, la réduction sensible des engagements budgétaires du prêt à taux zéro est plus importante que la hausse des crédits globalisés sur l'article « opérations locatives sociales et renouvellement urbain », c'est-à-dire la programmation de la loi de cohésion sociale.

On notera d'ailleurs également une contraction des crédits sur les opérations pilotées par l'ANRU, ce qui ne peut nous convenir.

La baisse des crédits « construction et amélioration de l'habitat » s'avère quasiment équivalente à la progression de la dotation de solidarité urbaine.

L'Etat aurait-il gagé la progression de la DSU, la dotation de solidarité urbaine, sur la réduction des moyens de la politique du logement ?

Nous jugerons aux actes ! Avec le budget pour 2005, on est loin d'un engagement de moyens correspondant aux ambitions affichées et aux besoins, qui sont encore bien plus importants que les ambitions affichées ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Delfau.

M. Gérard Delfau. S'agissant du budget du logement, monsieur le ministre, je serai moins sévère que je ne l'ai été à propos de celui de la ville.

Certes, ici encore, nous constatons la même fâcheuse aptitude à reporter au-delà de l'année 2005 une partie importante du coût des mesures proposées et, ce faisant, à hypothéquer l'avenir.

Mais nous reconnaissons à ce projet de budget une nette augmentation des crédits, une ambition très louable de doublement des constructions de logements sociaux, un traitement équilibré de toutes les formes d'accès à l'habitat, le maintien, et même l'extension à l'ancien du prêt à taux zéro, avec un élargissement du critère familial.

Cette dernière mesure a été sauvée in extremis grâce à la mobilisation des élus de toutes tendances. Elle est aujourd'hui confortée, ce dont je me réjouis. Prenons garde pourtant, monsieur le ministre, que le passage d'une formule à l'autre en février se fasse sans rupture. Je sais que vous y travaillez avec les établissements financiers des opérateurs du logement, et nous vous souhaitons un total succès.

Heureuse aussi est la hausse de la dotation du projet de loi de finances qui s'adresse aux catégories sociales intermédiaires dont le niveau de ressources empêche aussi bien l'accès au logement social classique qu'à l'accession à la propriété.

Bienvenu enfin est le relèvement du budget de l'ANAH, dont les crédits avaient, il est vrai, beaucoup diminué au cours de ces deux dernières années. Cette agence joue un rôle important dans la rénovation de l'habitat ancien et la mise en location de logements inoccupés.

En revanche, je suis sceptique sur la capacité de financement du doublement du parc locatif social, même si l'objectif est en soi nécessaire. En effet, l'essentiel de l'effort repose sur les organismes d'HLM et sur les collectivités territoriales, à un moment où celles-ci se voient chargées de nouvelles compétences, sans transfert de ressources correspondantes.

J'ai, en septembre dernier, comme certains de mes collègues ici, assisté, à Montpellier, au congrès de l'Union nationale des offices d'HLM. J'ai entendu ses dirigeants exprimer la crainte de ne pouvoir honorer ce contrat. J'ai participé, en novembre dernier, au congrès des maires où les élus ont exprimé la même inquiétude.

Disant cela, je veux seulement souligner que l'engagement de l'Etat, qui est déjà réel, devra sans doute être accru dans les années qui viennent si l'on veut tenir ce pari. Ce serait d'ailleurs justifié, car le logement doit demeurer une grande cause nationale et doit rester de la compétence non exclusive mais principale de l'Etat.

Je voudrais élargir maintenant le débat et parler crûment du scandale de la spéculation sur le foncier et sur le bâti, sans oublier l'envolée des loyers. Ce sont autant de réalités que l'on constate dans les grandes villes et dans un certain nombre de régions du sud de la France, tout particulièrement - mais pas seulement - en Languedoc-Roussillon.

Il s'agit de ce que j'ai l'habitude d'appeler un enrichissement sans cause, qui pèse sur les individus et les familles, mais aussi sur les collectivités territoriales, sans que ces dernières puissent l'infléchir.

C'est un mécanisme d'exclusion impitoyable, devant lequel nous sommes démunis. Concrètement, que puis-je répondre à mes concitoyens qui, devant cette situation, s'inquiètent et se demandent où iront vivre leurs enfants ? Que répondre aux maires de nos communes qui ont vu le prix du foncier multiplié par six en quatre ou cinq années et qui constatent qu'ils n'ont pas les moyens de freiner cette spéculation ?

Sans doute, et c'est une suggestion, le moment est-il venu, monsieur le ministre, de mettre en place, sous votre autorité, un groupe de travail, pour examiner les mécanismes de lutte contre la spéculation.

Il conviendrait aussi d'imaginer un prélèvement d'une partie de la plus-value afin de financer les budgets du logement et de l'urbanisme sur l'initiative des collectivités. Des exemples existent en Europe, notamment aux Pays-Bas. Ne pourriez-vous vous engager dans cette voie ? Il y a urgence à cet égard.

Monsieur le ministre, contrairement aux budgets précédents, ce projet de budget pour 2005 me paraît intéressant sous un certain nombre d'aspects, même si - et je reconnais que vous n'en êtes pas responsable - il est loin de répondre à l'aggravation trop rapide de la situation du logement dans un certain nombre de régions, notamment dans celle où je vis.

Mme la présidente. La parole est à M. André Vézinhet.

M. André Vézinhet. Monsieur le ministre, le 21 septembre dernier, se tenait, à Montpellier, le congrès de l'Union sociale pour l'habitat, où j'ai eu l'honneur de vous accueillir.

En ma qualité de président du conseil général et de sénateur, j'ai alors exprimé mes convictions, mais aussi mes interrogations.

Le débat d'aujourd'hui est l'occasion de les préciser, à la lumière à la fois du présent projet de budget pour 2005, de la loi de cohésion sociale et de la loi relative aux libertés et aux responsabilités locales.

La crise du logement perdure. Quels sont les moyens pour tenter de la résoudre ? Pour atteindre en 2005 l'objectif de production de 90 000 logements sociaux fixé par la loi Borloo, vous vous engagez à financer 442 millions d'euros en autorisations de programme, 465 millions d'euros en crédits de paiement, soit une hausse de 8,35 % du budget du logement social. Toutefois, si ces chiffres sont à première vue favorables, ils ne peuvent faire oublier le budget calamiteux de 2004 qui a accusé une baisse de 8,77 %.

Prenons, par exemple, les dotations de l'ANAH : pour 2005, elles bénéficient d'une majoration de 17 % en autorisations de programme et de 5 % en crédits de paiement. Or, en 2004, elles ont chuté de 7,1 % en autorisations de programme et de 14,8 % en crédits de paiement. Les 70 millions d'euros de crédits supplémentaires pour 2005 suffiront-ils pour financer les actions traditionnelles et le doublement prévu, souvent rappelé par les orateurs précédents, des réhabilitations de logements à loyers conventionnés ou réglementés ? Permettez-nous d'être très sceptiques à cet égard.

Nous devons aussi nous montrer prudents par rapport aux effets d'affichage de la loi de finances initiale. Celle de 2004, qui était pourtant catastrophique, a connu des gels et des annulations de crédits en cours d'année.

Quelques jours avant le congrès HLM, le ministre de l'économie et des finances, M. Sarkozy, a annulé par décret, en date du 9 septembre, 95 millions d'euros d'autorisations de programme, soit 5,7 % du budget, et 67 millions d'euros de crédits de paiement, soit 4,3 % du budget.

Bien que niée avec beaucoup d'aplomb par M. le ministre Jean-Louis Borloo devant 3 000 congressistes, cette annulation est pourtant une triste réalité.

Faut-il rappeler aussi l'importance de la dette de l'Etat envers les organismes d'HLM ? En septembre, pour les seuls offices d'HLM du Languedoc-Roussillon - une de ces régions du Midi que vous avez quelque peu stigmatisées tout à l'heure, monsieur le ministre, comme étant des lieux où ne vivent que des riches - ...

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre délégué au logement et à la ville. Je n'ai pas dit cela !

M. André Vézinhet. ...la dette s'élevait à 11 millions d'euros, soit l'équivalent d'une année de retard des paiements dus par l'Etat.

Les crédits de paiement au titre de 2005 auraient-ils été par hasard majorés en vue d'apurer cette dette ?

Il n'y a pas de crédits affectés aux primes à l'amélioration des logements à usage locatif et à occupation sociale, les PALULOS, dans le bleu budgétaire....

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre délégué. Mais si !

M. André Vézinhet. ... alors même que les besoins en réhabilitation du parc - et je n'omets pas l'ANRU - sont nombreux.

Pour 2005 et les années suivantes, nous regrettons la part croissante, à l'intérieur de la programmation, des prêts locatifs sociaux, les PLS, par rapport aux prêts locatifs à usage social, les PLUS, et aux prêts locatifs aidés d'intégration, les PLAI.

Je m'explique : nous ne sommes pas opposés aux PLS, qui répondent notamment aux besoins en logements étudiants et en résidences pour les personnes âgées ; mais nous considérons que ces crédits correspondant à des logements intermédiaires ne doivent pas venir en déduction de ceux qui sont destinés à loger des ménages à revenus modestes.

S'agissant des aides à la personne, les élus, les associations de locataires et les mouvements d'HLM dénoncent l'insuffisance des revalorisations successives : aucune revalorisation n'est intervenue de façon définitive au 1er juillet 2004, et celle qui a été décidée en avril 2004, d'un montant minimal, a été assortie d'un train d'économies, incluant notamment un relèvement de 60 % du seuil de non-versement, porté à 24 euros par mois. Cette disposition pénalise 200 000 personnes qui auraient pu toucher jusqu'à 288 euros par an.

Le décrochage des aides au logement face à l'évolution des loyers et des charges amoindrit leur efficacité et augmente d'autant le taux d'effort des ménages. Ainsi, les familles fragilisées seront de plus en plus nombreuses à recourir au fonds de solidarité pour le logement, le FSL. En 2005, les départements financeront intégralement ces structures, dont les compétences seront élargies aux impayés d'eau, d'énergie et de téléphone.

Quelle sera la méthode de compensation retenue pour ce transfert de charges ? En principe, les trois dernières années serviront de référence. Toutefois, il faut noter que la dotation de l'Etat avait diminué en 2001, pour être au plus bas en 2003. Le ministre avait alors fait le choix de mobiliser la trésorerie excédentaire afin de réduire les crédits de réabondement par l'Etat.

Un autre sujet d'inquiétude tient à l'accession sociale à la propriété par la vente d'une partie du parc d'HLM. Combien de logements sortiront-ils ainsi du patrimoine public ? Il s'agit, du reste, des logements les plus attractifs, parce que ce sont les plus récents et les mieux situés dans la commune.

Où en sommes-nous, monsieur le ministre, cinq mois après la loi relative aux libertés et aux responsabilités locales qui impose aux organismes d'HLM un plan de mise en vente de logements à leurs locataires, sur une convention globale de six ans ?

Nous avons combattu cette disposition, car elle autorise une interprétation de la valorisation des loyers selon la situation géographique des immeubles. Il s'agit là, ni plus ni moins, d'instaurer une déréglementation du logement social.

Nous doutons que le budget du logement, à lui seul, soit à la hauteur de l'enjeu fixé par la loi de cohésion sociale. Le 1 % logement et les collectivités territoriales risquent d'être très largement sollicités financièrement. Dans mon département, où 70 % de la population est éligible au logement social et où 25 000 demandes sont insatisfaites à ce jour, la politique du logement est plus que jamais d'actualité. A cela s'ajoute la difficulté liée à une réserve foncière qui flambe littéralement, cela a été très bien dit par d'autres intervenants. Comment comptez-vous nous aider à ce sujet ?

Monsieur le ministre, pour conclure, je ne puis que vous répéter les propos que j'ai tenus à Montpellier : vous annoncez 500 000 logements en cinq ans. Nous vous en donnons acte et nous sommes prêts à vous croire. Mais s'il s'agit de fausses promesses, alors, je vous le dis, la colère grondera ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Dominique Braye. Nous ne sommes pas socialistes, nous ! Nous ne faisons pas de fausses promesses !

Mme la présidente. La parole est à M. José Balarello.

M. José Balarello. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, parler du logement en France aujourd'hui, c'est évoquer le « problème du logement ».

En effet, l'on ne peut que constater les difficultés que rencontrent les ménages dans leur volonté d'accéder à la propriété ou de trouver un logement en location dans des conditions compatibles avec leurs revenus.

Ce phénomène s'observe avec plus d'intensité en Ile-de-France et sur la Côte d'Azur.

A la lecture du budget pour 2005, nous remarquons que les crédits sont en baisse de 1,5 % ; mais cette baisse est due pour l'essentiel, comme l'ont fait remarquer les rapporteurs, à des mesures de transfert de budget et à la modification du mode de financement du prêt à taux zéro versé désormais grâce à un crédit d'impôt.

Ainsi, à structure constante, les crédits affectés au logement dans le projet de budget pour 2005 progressent de 3,5 %.

Monsieur le ministre, votre budget lance plusieurs messages forts.

Il s'agit de l'augmentation des crédits en faveur du locatif social en vue de la production de 500 000 logements en cinq ans, financés par les PLUS, les PLAI et les PLS. Je suis optimiste, mes chers collègues, et je pense que nous parviendrons à réaliser cet objectif. Monsieur le ministre, quant à moi, je vous fais confiance.

Il s'agit également de la relance de l'accession à la propriété avec le nouveau prêt à taux zéro qui doit être opérationnel en 2005, et du renforcement de la location-accession.

Il s'agit enfin de la mobilisation du parc privé par l'augmentation du budget de l'ANAH, en vue de réhabiliter 200 000 logements à loyers maîtrisés en cinq ans, et la remise sur le marché de 100 000 logements vacants grâce à l'augmentation de la prime actuellement versée à certains propriétaires, sous conditions d'ancienneté de la vacance.

Ces aides sont d'autant plus d'actualité pour moi que le conseil général des Alpes-Maritimes a lancé, avec l'ANAH, l'ADIL 06 et le PACT ARIM, une opération programmée d'amélioration de l'habitat, ou OPAH, vacance départementale, qui est en cours. La ville de Paris l'avait d'ailleurs fait avant nous.

En revanche, nous pensons qu'une erreur a été commise en décidant d'affecter la quasi-totalité des PALULOS à l'ANRU, pour ne financer que les quartiers sensibles, alors que certains organismes d'HLM sont dans l'incapacité de pourvoir sur leurs fonds propres aux grosses réparations de leur patrimoine.

Nous notons cependant avec satisfaction que l'accession sociale à la propriété est devenue pour vous une priorité, monsieur le ministre.

Depuis plusieurs années, en effet, j'attire l'attention de vos prédécesseurs sur le fait que le taux de propriétaires en France, bien qu'il soit passé de 52 % en 1984 à près de 57 % aujourd'hui, est resté bien inférieur à ceux de nos voisins. Je suis heureux de lire dans le rapport de notre collègue Roger Karoutchi que, en ce qui concerne le taux de propriétaires enregistré dans les quinze premiers pays de l'Union européenne, la France se place au dixième rang, notamment derrière l'Espagne - 82 % de propriétaires -, le Royaume-Uni - 67 % - et l'Italie - 64 %.

Il serait intéressant de savoir pourquoi nous en sommes là, et je pense, mes chers collègues, qu'une mission d'information sénatoriale serait à même de nous fournir des réponses précises. Il me paraît important de nous en préoccuper rapidement.

Je constate également avec satisfaction, monsieur le ministre, que, comme votre prédécesseur Gilles de Robien, vous entendez encourager la vente des HLM à leurs locataires.

Cette démarche, qui fut lancée sous l'impulsion du général de Gaulle - nombreux sont ceux qui l'ignorent - par la loi du 10 juillet 1965, fut reprise par la loi Méhaignerie du 23 décembre 1986, dont je fus le rapporteur au Sénat.

Lorsque j'étais à la tête d'un grand organisme d'HLM dans les Alpes-Maritimes, j'avais vendu près de 700 logements aux locataires, et je ne vous cache pas que je fus l'objet de critiques émanant d'organismes officiels. Mais j'ai eu raison avant l'heure, et l'on ne peut que déplorer, à l'heure actuelle, que la plupart des organismes traînent les pieds pour réaliser de telles opérations permettant la mixité sociale.

Je formulerai néanmoins une remarque sur ce point, monsieur le ministre : il faudra impérativement modifier la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU, afin de comptabiliser ces ventes de logements sociaux dans le décompte prévu par l'article 55 de cette loi. Ce n'est pas le cas actuellement, et il en résulte que les collectivités territoriales, qui sont représentées par des administrateurs au sein des organismes d'HLM, sont opposées à ces ventes. Il nous faut, en outre, maîtriser le problème de la revente.

Cela étant, je voudrais attirer votre attention, monsieur le ministre, sur quelques problèmes particuliers concernant le logement dans deux régions françaises, l'Ile-de-France et la Côte d'Azur, régions où les problèmes fonciers et l'attrait européen et mondial de la région entraînent des difficultés.

En ce qui concerne la région d'Ile-de-France, le rapport Pommellet a bien énuméré les obstacles auxquels les élus locaux doivent faire face dans le processus de production de terrains à bâtir : obstacles politiques mais également techniques - complexité croissante du droit de l'urbanisme - et financiers - demande d'équipements publics.

Il en va de même dans les Alpes-Maritimes où les prix de l'immobilier sont proches de ceux de l'Ile-de-France puisque le prix du mètre carré s'établit en moyenne à 3 712 euros dans le neuf et à 2 900 euros dans l'ancien.

Pour un ménage moyen, il est désormais quasiment impossible de se loger dans le département, que ce soit en location ou en accession à la propriété.

M. José Balarello. On voit même aujourd'hui de nombreux fonctionnaires refuser leur mutation dans notre département faute de pouvoir trouver un logement à un prix abordable.

M. François Marc. La France de la spéculation !

M. José Balarello. C'est également le cas de nombreux actifs travaillant notamment dans les périmètres situés autour des technopoles de Sophia-Antipolis et de Monaco.

Nous devons donc rapidement dégager des réserves foncières. Or, monsieur le ministre, sur les cent soixante-trois communes des Alpes-Maritimes, cent dix-huit sont soumises à la loi montagne, seize à la loi littoral et cent sept aux plans de prévention des risques naturels prévisibles, les PPR ; seules vingt-sept communes échappent à ces contraintes.

En conséquence, de nombreux terrains à bâtir situés à moins de cinquante kilomètres des villes sont bloqués par ces prescriptions d'urbanisme, qui sont, la plupart du temps, appliquées de façon trop restrictive par les services de l'Etat et par certaines juridictions administratives.

Il y va de l'avenir de notre département. Sans une volonté politique forte, nous aurons rapidement de sérieux problèmes, comme vous l'avez d'ailleurs déclaré, monsieur le ministre, lors de votre déplacement dans notre département.

Aussi, j'approuve entièrement les nouvelles dispositions du prêt à taux zéro, le PTZ +, relatives à la suppression de l'exigence de 54 % de travaux à réaliser dans l'ancien. Cette mesure va permettre à de nombreux ménages de bénéficier de ce prêt. En effet, compte tenu des prix de l'immobilier, le prêt était inutilisable dans l'ancien dans la plupart des grandes métropoles.

Il en est de même de la réforme du prêt social de location-accession, ou PSLA, qui démontre la volonté du Gouvernement de permettre à tous les ménages français d'accéder à la propriété. C'est une excellente initiative, monsieur le ministre, qui recueille tout mon soutien.

Cependant, j'attire votre attention, monsieur le ministre, sur le fait que nous ne réglerons le problème du logement social que si - plusieurs orateurs l'ont indiqué avant moi, notamment M. Alduy - les collectivités locales se mobilisent pour compléter les aides de l'Etat, ce qui résulte d'ailleurs de l'article 61 de la loi 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.

Dans cette optique, le conseil général des Alpes-Maritimes subventionne à hauteur de 25 % les surcoûts fonciers entraînés pour la réalisation de logements sociaux, aide sans laquelle de nombreux projets ne verraient pas le jour.

S'agissant des ménages, nous avons décidé d'attribuer une subvention, pouvant aller jusqu'à 8 000 euros, pour favoriser l'acquisition d'un premier logement dans l'ancien, sous conditions de ressources ; mais cette mesure n'est peut-être pas suffisante ; d'autres collectivités et d'autres financeurs pourraient être mis à contribution, notamment le 1 % logement.

A cet égard, j'attire votre attention, monsieur le ministre, sur le fait que la répartition des fonds du 1 % logement, telle qu'elle est proposée par l'Union d'économie sociale du logement, l'UESL, en accord avec le Gouvernement, fait apparaître des déséquilibres.

En effet, la branche du prêt à l'accession ne parvient pas à satisfaire toutes les demandes, alors que celle du Pass-travaux connaît un relatif désintérêt. Là encore, votre intervention est urgente, monsieur le ministre.

Enfin, je voudrais attirer votre attention, monsieur le ministre, sur un problème qui relève de la compétence de trois ministères - les ministères chargés de l'éducation nationale, de la francophonie et du logement -, problème qui est d'autant plus d'actualité que le rapport de la mission confiée par M. le Premier ministre à notre collègue député Jean-Paul Anciaux a mis en lumière les difficultés qui se posent en matière de logement étudiant.

Le rapport Anciaux préconise la rénovation de 70 000 chambres d'étudiants et la construction de 50 000 autres sur dix ans. Nous en sommes d'autant plus convaincus que le conseil général des Alpes-Maritimes, conscient de cette difficulté, a lancé la création de 600 logements en résidences universitaires sur deux ans, car l'université de Nice-Sophia-Antipolis, qui propose toutes les disciplines et regroupe même plusieurs grandes écoles, ne compte, pour près de 40 000 étudiants, que 5 069 logements pour étudiants, dont 3 497 sont gérés par le CROUS, le Centre régional des oeuvres universitaires et sociales, ce qui paralyse son expansion.

Or, le budget mensuel moyen d'un étudiant est de 582 euros alors que le prix moyen d'un studio dans les Alpes-Maritimes est de 370 euros, hors charges. Là aussi, les collectivités locales doivent intervenir par le biais de subventions accordées aux organismes constructeurs de ces résidences, ce qui leur permettrait, compte tenu du coût du foncier, d'équilibrer ces opérations fragiles.

Monsieur le ministre, quelles réponses allez-vous apporter aux propositions du rapport Anciaux ?

Enfin, je tiens à vous remercier des dotations supplémentaires, au titre du prêt locatif social, le PLS, que vous avez attribuées aux Alpes-Maritimes...

M. André Vézinhet. C'est essentiel !

M. José Balarello. ... et qui ont permis le lancement, en 2004, de 405 logements PLS destinés à des actifs, s'ajoutant aux 914 PLUS et PLAI, ce qui nous permet d'affirmer que la construction sociale est repartie sur la Côte d'Azur.

M. José Balarello. Compte tenu de tous ces éléments, je voterai votre projet de budget pour 2005, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Marcel Vidal.

M. Marcel Vidal. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l'occasion de l'examen du projet de budget du logement pour 2005, je souhaite aborder plus particulièrement le problème du logement social, qu'il s'agisse du locatif ou de l'accession à la propriété, puisque c'est la frange de la population la plus modeste qui est la plus touchée par la crise immobilière que nous vivons actuellement.

La situation actuelle des ménages en matière de logement d'une manière générale, et a fortiori de logement social, devient extrêmement préoccupante. En effet, nous constatons tous aujourd'hui que la crise de l'immobilier est devenue une crise sociale. La production de logements est, depuis plusieurs années, très insuffisante. On le mesure notamment par l'augmentation du « taux d'effort » financier consenti par les couches populaires pour se loger. Alors que les difficultés financières des particuliers augmentent, la participation de l'Etat, au titre de l'aide au logement, régresse.

Face à ce constat rapide, on remarque que tous les acteurs du logement social - les organismes compétents, les collectivités territoriales et l'Etat - sont confrontés à l'évolution du secteur de l'immobilier et aux modifications des responsabilités politiques et budgétaires du secteur public.

En effet, les opérateurs d'HLM, acteurs essentiels du logement social, sont aujourd'hui dans l'incapacité de produire les logements qui correspondent aux besoins de la population. Ils sont quotidiennement confrontés à la difficulté de trouver les terrains nécessaires à la réalisation de leurs opérations. Cette pénurie du foncier s'explique principalement par trois facteurs.

Il s'agit tout d'abord des effets de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite « loi SRU », et de la loi urbanisme et habitat.

Avec la modification du contenu et de la forme des documents d'urbanisme, les élus locaux ont été conduits à geler de nouveaux terrains à la construction, le temps d'intégrer les nouvelles données réglementaires.

Ensuite, les aléas boursiers de ces dernières années ont provoqué une réorientation des investissements des particuliers vers la pierre. Ceux-ci ont été fortement encouragés par la refonte du dispositif d'amortissement fiscal « Besson » devenu dispositif « Robien ».

Enfin, les élus locaux, parfois insuffisamment informés de leur possibilité d'intervention dans ce domaine, n'ont pas toujours les moyens de mettre en oeuvre une politique sociale volontariste du développement de leur territoire, laissant le marché immobilier se réguler par lui-même.

Même si le travail de ces opérateurs en matière de logement social est important, ceux-ci ne peuvent assumer seuls les réponses sociales aux difficultés actuelles.

En ma qualité de président de la société FDI SA du Crédit immobilier en Languedoc-Roussillon, je tiens à saluer le travail réalisé au niveau national par les sociétés anonymes de crédit immobilier, qui forment un réseau important, membres à part entière du mouvement d'HLM.

En effet, leurs missions sociales d'intérêt général contribuent efficacement, notamment depuis 1995, à la politique du logement en matière d'accession à la propriété, pour suppléer aux insuffisances du marché. Leur vocation sociale s'inscrit dans une très ancienne implantation locale, réunissant des personnalités du monde politique, économique et social en prise directe avec les réalités du terrain.

Notons que les missions sociales placent beaucoup d'espoir dans le nouveau dispositif visant à renforcer le prêt à taux zéro, qui facilite l'accession à la propriété des jeunes ménages aux revenus très modestes, avec notamment l'accession sociale à des logements anciens, ce qui est un élément nouveau de nature - reconnaissons-le - à stimuler et à accélérer la revitalisation des centres-villes ou le coeur des communes rurales.

Monsieur le ministre, il serait intéressant en la matière d'encourager l'organisation de concours d'architectes dans la construction et la réhabilitation de logements sociaux qu'on ne peut sacrifier au seul motif qu'il s'agit d'opérations à caractère social.

Malgré des conditions financières difficiles, on doit pouvoir trouver un mécanisme satisfaisant à un coût raisonnable. Le recours à de jeunes architectes soucieux de prouver leurs qualités et de montrer leur imagination pourrait être une solution intéressante à encourager. De même, on pourrait envisager de solliciter des directeurs d'écoles d'architecture l'organisation de concours d'idées associant professeurs et étudiants, ce qui offrirait notamment une diversité architecturale et romprait avec une fréquente monotonie des constructions ou réhabilitations immobilières.

Gardons également toujours présente à l'esprit la nécessité de développer l'accessibilité des immeubles aux personnes handicapées.

Pour ce qui est de la responsabilité des collectivités locales, nous sommes tous conscients que les réponses et les solutions à apporter au logement social sont bien souvent locales. La construction du logement social en est un exemple évident.

En effet, le terrain à bâtir, qui constitue la « matière première » du logement, dépend presque exclusivement aujourd'hui de l'échelon communal et intercommunal depuis que les communes maîtrisent les documents d'urbanisme - hier, les POS, les plans d'occupation des sols, et aujourd'hui, les PLU, les plans locaux d'urbanisme - et disposent des outils de l'urbanisme opérationnel.

Or, on s'aperçoit que la construction de logements sociaux constitue une démarche très complexe pour les élus, et ce pour deux raisons principales. D'une part, les outils juridiques existants ne sont pas toujours bien connus des élus, et, d'autre part, ceux-ci gagneraient à être développés et aménagés, afin de faciliter l'action des élus. Je pense, par exemple, à la mise en place d'un emprunt bancaire à taux faible sur le long terme, ce qui pourrait être une solution efficace, envisageable pour les municipalités, pour compenser le désengagement financier progressif de l'Etat et les inégalités entre les territoires, ainsi que pour réguler la conjoncture difficile du marché immobilier.

C'est dans ce même esprit que la commission des affaires économiques, et son rapporteur pour avis, notre collègue le sénateur Bernard Piras, examinant dans le projet de loi de finances pour 2005 les crédits relatifs à l'urbanisme, ont proposé que le Gouvernement accorde plus de moyens aux collectivités territoriales pour conduire les interventions foncières et les opérations d'aménagement qui permettront de remédier au renchérissement des terrains à bâtir, de créer une délégation à l'action foncière fédérant tous les services ministériels compétents et d'instaurer un droit de préemption prioritaire aux collectivités locales lors de la cession de terrains publics.

Outre les mécanismes à créer, il y a ceux qui existent déjà, dont l'application est encore beaucoup trop rare et qui gagneraient à être davantage connus des élus locaux.

En ce sens, les missions confiées aux établissements publics fonciers locaux en faveur du logement social devraient être encouragées. L'action conduite depuis plusieurs années par les élus du département du Puy-de-Dôme me paraît exemplaire et devrait « faire des émules ».

Enfin, pour ce qui est de l'Etat, garant de la solidarité nationale, il demeure, malgré la poursuite de la décentralisation, responsable des politiques de logement.

Dans le sud de la France, on s'aperçoit qu'il devient de plus en plus nécessaire que l'Etat pallie le défaut de planification du territoire par la mise en place d'un zonage consacré au logement social.

En effet, la région Languedoc-Roussillon, « victime » au même titre que la région PACA de sa façade maritime, fait partie des zones géographiques qui sont fortement touchées par ces évolutions foncières préoccupantes. L'augmentation du prix des terrains et la bulle spéculative des années quatre-vingt-dix ont aggravé la spécialisation des territoires et leur marquage social. En effet, les tensions sont particulièrement fortes dans les agglomérations, ainsi qu'en milieu rural.

Enfin, même si le volet budgétaire du plan de cohésion sociale affiche un programme alléchant, digne d'un parfait catalogue, il n'est réalisable que moyennant une participation financière très importante des collectivités territoriales. Localement, les élus et les acteurs concernés assisteront obligatoirement à un décalage entre les mesures annoncées par le Gouvernement et la réalité budgétaire régionale ou départementale, et ils seront incapables du jour au lendemain d'assumer les ambitions gouvernementales en matière de logement social.

Monsieur le ministre, ayant participé avec mes collègues parlementaires du département de l'Hérault, en septembre dernier à Montpellier, au congrès de l'Union sociale pour l'habitat qui est placée sous la présidence de Michel Delebarre, j'ai eu l'occasion de vous écouter avec attention.

Bien qu'ayant apprécié la tonalité de votre intervention, votre bonne connaissance du dossier, eu égard notamment à votre expérience dans la région Nord-Pas-de-Calais, je crains très fortement que, compte tenu du décalage entre les effets d'annonce du Gouvernement et les réalités comptables budgétaires, avec des risques de gel de crédits, nous ne nous trouvions encore confrontés à une insuffisance des aides publiques, lesquelles sont pourtant nécessaires pour assurer cette solidarité qui a été décrétée grande cause nationale par le Président de la République.

Dans ces conditions, vous comprendrez, monsieur le ministre, que je ne puisse émettre un vote favorable sur ce projet de budget. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Fouché.

M. Alain Fouché. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, tous les orateurs qui m'ont précédé à cette tribune l'ont bien expliqué : le secteur du logement est, depuis un certain nombre d'années, en crise, du fait des déséquilibres qui existent entre l'offre et la demande.

Dans ce contexte, ce projet de budget illustre l'engagement fort du Gouvernement en faveur de la cohésion sociale, engagement que prouve l'augmentation des crédits affectés, pour 2005, au logement.

L'objectif recherché est double : d'une part, relancer fortement la production de logements locatifs sociaux, d'autre part, prendre des mesures susceptibles de réduire les tensions qui affectent le parc privé.

Je centrerai tout particulièrement mon propos sur l'action sans précédent que vous engagez en faveur du logement locatif social, monsieur le ministre,.

Les Français éprouvent aujourd'hui de plus en plus de difficultés à trouver un logement adapté à leurs besoins et à leurs revenus.

Le Conseil économique et social soulignait d'ailleurs que, dans ce contexte, les familles les plus défavorisées se trouvaient confrontées à une absence de solution de logements, et allaient alors grossir les rangs de ceux qui se réfugient dans des structures d'hébergements temporaires ou dans l'habitat dit « indigne », soit comme occupants sans titres, soit comme locataires surexploités par des bailleurs sans scrupules, soit, encore, en accédant à la propriété dans des copropriétés dégradées.

La dernière enquête nationale relative au logement, effectuée à la fin de l'année 2001, nous apprend que la demande s'est considérablement accrue depuis 1992, année au cours de laquelle furent enregistrées 915 000 demandes.

Parallèlement, on constate un niveau historiquement bas de la production de logements locatifs sociaux depuis 1997, la baisse étant constante depuis le milieu des années quatre-vingt-dix : alors que près de 80 000 logements sociaux étaient financés en 1994, ils n'étaient plus que 38 000 en 2000. Dans ce domaine, il ne faut pas avoir la mémoire courte !

Dans ces conditions, vous comprendrez que nous nous réjouissions déjà de l'augmentation de 22 %, par rapport à l'an dernier, des autorisations de programmes destinés au financement de logements sociaux, sans parler de la hausse des crédits de paiement.

Ainsi sera financée la construction de 90 000 logements locatifs sociaux nouveaux, essentiellement au profit du parc des habitations à loyers modérés.

C'est là la première traduction concrète du plan en faveur de la construction de 500 000 logements nouveaux dans les cinq années à venir.

Cependant, cet objectif ne pourra être atteint que si les actifs fonciers nécessaires sont assez facilement mobilisés. Nul n'ignore les difficultés de maîtrise du foncier que vivent les villes et que vit aussi la ruralité dans un certain nombre de départements français.

Je souhaiterais donc savoir, monsieur le ministre, quelles mesures particulières vous comptez prendre en la matière, et ce en particulier dans la perspective du projet de loi « habitat pour tous ». (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. François Marc.

M. François Marc. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la crise du logement est devenue aujourd'hui, dans notre pays, une véritable crise de société : la question du logement apparaît, en effet, dans les enquêtes d'opinion, comme la deuxième préoccupation des Français, après l'emploi.

En février dernier, en commémorant le cinquantenaire de l'appel de l'abbé Pierre, la fondation qui porte son nom dressait ce bilan accablant : à l'aube du XXIe siècle, en France, plus de trois millions de personnes sont mal logées !

Habitant dans des logements insalubres, surpeuplés ou précaires, elles ne peuvent conduire leurs projets familiaux et professionnels dans des conditions dignes d'une société riche et moderne.

Face à ce constat, le projet de budget du logement pour 2005 traduit une ambition à mon sens trop modeste.

L'année dernière, déjà, à la consternation générale, M. de Robien présentait un budget en baisse de 8,7 %, et croyait pouvoir rassurer en affirmant qu'il ferait « mieux avec moins ». Il n'y a, hélas ! pas eu de miracle : avec moins, on fait toujours moins ! Cette baisse a en outre été aggravée en cours d'année par deux régulations budgétaires, d'un montant total de 235 millions d'euros.

Ainsi, alors que le Gouvernement affirmait que 90 000 logements sociaux seraient construits en 2004, le nombre d'agréments de financement délivrés en septembre dernier ne dépassait pas celui de l'année 2003, soit 26 000.

La présentation du projet de budget pour 2005 du logement confine à un tour de passe-passe, car elle donne l'illusion d'une hausse des crédits supérieure à 8 %, grâce à la modification du périmètre budgétaire et aux effets reportés de la réforme du prêt à taux zéro : en réalité, à périmètre constant, ce projet de budget s'élève à 6,5 milliards d'euros, contre 6,6 milliards d'euros en 2004 et 7,3 milliards d'euros en 2003.

En réformant le PTZ, le Gouvernement fait, certes, une économie immédiate qui peut être évaluée à 300 millions d'euros, mais la bombe à retardement du nouveau système pour les recettes fiscales éclatera dans les prochaines années.

Rappelons encore que les aides à la pierre, de même que les aides à la personne, voient leur part en valeur dans la richesse nationale diminuer de manière tout aussi régulière qu'inquiétante.

La question est donc celle-ci : ce projet de budget, mis en rapport avec, en particulier, les objectifs quinquennaux de la loi de cohésion sociale, permettra-t-il de donner une impulsion nouvelle à la politique du logement ?

La réponse est à mon sens « non », car le désengagement de l'Etat se poursuit, et il est de plus en plus fait appel aux financements des bailleurs et des collectivités locales.

Comme nous l'avions souligné lors du débat inachevé sur les responsabilités locales, le fait de rompre avec la notion d'Etat garant de la solidarité nationale ne peut avoir pour conséquence que l'insécurité sociale.

Si l'essentiel de l'effort, en matière de construction sociale, relève des collectivités locales, comme ce sera vraisemblablement le cas, les inégalités territoriales ne pourront être résorbées.

Au contraire, ce sont généralement les collectivités les plus engagées dans les réalisations sociales qui comptent les populations les plus modestes !

Les égoïsmes locaux, déjà confortés par l'absence de mesures coercitives dans l'application de la loi SRU, notamment de son article 55, seront renforcés par la loi de décentralisation, aux termes de laquelle est prévu le transfert du contingent préfectoral aux maires, loi qui risque d'entraîner la création de véritables zones de relégation au sein des intercommunalités.

Selon nous, le logement social devrait être un produit unique financé par une solide aide à la pierre et accueillant des catégories sociales diversifiées, l'effort de chacun pouvant être modulé par les aides à la personne.

Or, la part de ces aides diminue. Vous avez, monsieur le ministre, annoncé une revalorisation, mais nous craignons que, là encore, l'Etat ne se désengage, puisqu'il transfère, dès cette année, une charge de 200 millions d'euros à la caisse d'allocations familiales.

Au surplus, de nouveaux transferts de charges sont annoncés par la loi relative aux libertés et responsabilités locales du 13 août 2004.

Aux demandes des plus démunis, le Gouvernement répond par le désengagement de l'Etat, puisqu'il a décidé, en août dernier, de transférer aux départements le fonds de solidarité pour le logement, le FSL, comme l'aide à la médiation locative, l'AML.

Or, la compensation financière pour 2005 a été calculée sur la base de la loi de finances pour 2004, sans prendre en compte les difficultés de gestion du FSL liées, d'une part, à l'augmentation du nombre d'allocataires, et, d'autre part, aux nouvelles missions qui leur ont été octroyées : les impayés d'eau, d'électricité et de téléphone, notamment.

J'ai déjà parlé du cas du transfert du contingent préfectoral aux maires, mais on peut tenir le même raisonnement s'agissant du financement des aides à la pierre ou du logement étudiant.

Dans ce contexte de forte tension, le groupe socialiste porte un oeil attentif sur l'amendement dont M. Repentin, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, est à l'origine, et qui a logiquement été adopté par ladite commission, amendement relatif à la compensation de l'exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties pour les collectivités locales pendant les quinze premières années du dispositif.

L'objectif est bien de mettre en place des outils en faveur du logement qui soient non seulement réellement incitatifs pour nos concitoyens, mais également respectueux de l'équilibre des finances locales ; en effet, en l'état, les collectivités locales ont supporté sur leur propre budget une très large part d'une exonération pourtant décidée par l'Etat, comme l'a déjà précisé tout à l'heure l'un de mes collègues.

On ne peut donc se satisfaire d'une telle situation ? L'adoption de cet amendement, dans les articles rattachés que nous examinerons lundi prochain, constituerait à nos yeux une avancée tout à fait nécessaire pour les collectivités locales. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Braye.

M. Dominique Braye. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques ayant, dans son intervention, donné son avis personnel plutôt que celui de la commission, je vais essayer, s'il me le permet, de corriger ce que certains pourraient considérer comme une petite dérive.

En effet, le projet de budget qui nous est présenté cette année est remarquable à de nombreux égards.

Il est remarquable, tout d'abord, s'agissant des crédits affectés au logement locatif social : les moyens budgétaires de la ligne fongible progressent très fortement, comme le prévoit l'article 41 du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale, afin de permettre la réalisation de 90 000 logements locatifs sociaux en 2005.

Un tel niveau annuel de construction n'avait pas été atteint depuis bien longtemps. C'est d'ailleurs bien pour cette raison que nous en sommes là aujourd'hui.

Il faut, en effet, remonter à l'année 1994 pour observer un effort sensiblement comparable, avec près de 80 000 logements locatifs sociaux construits.

M. André Vézinhet. C'est faux !

M. Dominique Braye. Cet accroissement sans précédent de construction de logements locatifs sociaux permettra de mettre à la disposition de nos concitoyens, notamment des plus démunis, un nombre de logements plus conforme à leurs besoins.

En outre, sur la totalité de la période d'exécution du plan de cohésion sociale, je note que les crédits de paiement sont supérieurs aux autorisations de programme afin de permettre la résorption progressive de la dette de l'Etat envers les organismes HLM, ce dont je me félicite.

M. André Vézinhet. Il était temps !

M. Dominique Braye. Votre projet de budget, monsieur le ministre, est également remarquable en ce qu'il prévoit un accroissement significatif des financements en faveur du développement du parc locatif privé.

L'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat recevra, dès l'année prochaine, 70 millions d'euros supplémentaires, puis 140 millions d'euros par an de 2006 à 2009, afin de mettre sur le marché 200 000 logements locatifs privés à loyers maîtrisés et de lutter contre la vacance des logements, vacance qui concerne encore, je le rappelle, près de deux millions de logements, dont au moins la moitié pourrait être mobilisée à brève échéance.

Remarquable, ce projet de budget l'est, enfin, en ce qui concerne la politique en faveur de l'accession à la propriété.

Tout d'abord, le projet de loi de finances prévoit, comme en 2004, 10 000 prêts sociaux location-accession, les PSLA. Ces prêts, dotés désormais des mêmes avantages fiscaux que les prêts locatifs sociaux, les PLS, constituent à l'évidence un mécanisme tout à fait pertinent d'un point de vue économique, car ils sécurisent les ménages souhaitant accéder à la propriété tout en leur permettant d'apprécier leur propre capacité à se lancer dans une telle opération d'accession.

En conséquence, ce produit me semble tout à fait adapté pour réaliser des opérations de mixité sociale dans les quartiers afin de les rendre plus attractifs.

En outre, le prêt à taux zéro est profondément réformé par l'article 67 du projet de loi de finances.

En premier lieu, le PTZ est ouvert à l'ancien sans conditions de travaux pour favoriser l'accession à la propriété dans les zones qui se caractérisent par un marché immobilier tendu.

En second lieu, les conditions d'éligibilité au PTZ sont revues, pour la première fois depuis sa création, afin qu'il soit plus familial et plus social, comme vous l'avez si bien souligné, monsieur le ministre.

Un très net effort est fait en faveur des prêts sans intérêt accordés aux bénéficiaires, dont les montants sont revalorisés jusqu'à 25 %.

Je juge cette réforme tout à fait positive, même si je m'interroge, à terme, sur l'opportunité de mettre en place un mécanisme d'indexation du montant de prêt sans intérêt sur l'évolution des prix de l'immobilier, qui continuent à flamber, comme l'a encore rappelé l'INSEE la semaine dernière.

Au total, j'approuve pleinement ce budget volontariste, car il agit simultanément sur les trois segments de l'offre de logement : le secteur social, le secteur privé et l'accession à la propriété.

M. André Vézinhet. Tout va très bien !

M. Dominique Braye. Comme je l'ai déjà dit à de nombreuses reprises, le logement est une chaîne constituée de plusieurs maillons.

Résoudre la crise du logement dans notre pays suppose nécessairement de stimuler l'ensemble de ces maillons, afin de proposer un logement décent à tous et de répondre à l'aspiration majeure de nos concitoyens : pouvoir effectuer un parcours résidentiel ascendant pour aboutir, chaque fois que cela est possible, à l'accession à la propriété.

Le logement locatif social est un maillon indispensable car, dans un contexte de flambée des prix de l'immobilier et d'envolée des loyers du secteur libre, il est impératif que nos concitoyens les plus modestes puissent accéder à une offre d'habitat à bon marché.

Toutefois, les Français n'aspirent pas à demeurer éternellement dans le logement social. Nous devons donc leur offrir des perspectives d'évolution et leur permettre, grâce à des dispositifs adaptés, d'accéder à la propriété.

Je rappelle à cet égard, comme l'ont fait certains de nos collègues, le retard français en la matière, notre pays comptant seulement 56 % de ménages propriétaires quand nos voisins d'Europe du sud, comme l'Italie ou l'Espagne, sont propriétaires à plus de 70 % à 80 %.

La réforme du prêt à taux zéro, qui permettra à plus de 250 000 ménages, contre 100 000 aujourd'hui, d'accéder chaque année à la propriété, ainsi que la montée en force du prêt social de location-accession sont des orientations qui vont sûrement nous permettre de commencer à combler enfin ce retard.

M. André Vézinhet. C'est la faute à Chirac !

M. Dominique Braye. Toutefois, et malgré ces indéniables avancées, bien d'autres réformes restent à réaliser.

Permettez-moi, monsieur le ministre, de vous rappeler combien votre projet de loi « habitat pour tous » est attendu. Son adoption permettra en effet d'apporter une réponse globale aux différentes autres facettes de la crise du logement, qu'il s'agisse des problèmes liés à la rareté et au prix du foncier ou, dans un autre domaine, à la sécurisation du risque locatif.

M. Dominique Braye. Il est également indispensable de corriger, comme l'a rappelé mon collègue José Balarello, le dispositif de l'article 55 de la loi SRU,...

M. Thierry Repentin, rapporteur pour avis. Et voilà ! C'est le chiffon rouge !

M. Dominique Braye. ... pour le rendre moins contraignant, moins injuste, et surtout plus incitatif pour les communes qui souhaitent construire des logements sociaux - mais aussi, monsieur le rapporteur pour avis, peut-être plus pénalisant pour celles qui rechignent à cet effort.

Je rappelle en effet que les collectivités locales vont être les premiers partenaires de l'Etat pour la mise en oeuvre du plan de cohésion sociale.

D'ores et déjà, les aides directes et indirectes de ces collectivités en faveur du logement s'élèvent à plus de 500 millions d'euros par an, et cette participation est appelée à croître tant en raison de la possibilité qu'elles auront désormais d'être délégataires des aides à la pierre que de l'exécution du programme de rattrapage de la construction locative sociale, qui va se traduire par la réalisation de 500 000 logements locatifs sociaux en cinq ans.

M. André Vézinhet. On les comptera à la fin !

M. Dominique Braye. Il n'est donc plus possible, monsieur le ministre, de stigmatiser les communes et les élus locaux ; il faut en faire de véritables partenaires des politiques de l'habitat.

Enfin, le dernier levier sur lequel il conviendra d'agir, selon moi, est celui de la fiscalité de la pierre, qui est encore largement déséquilibrée par rapport à la fiscalité du patrimoine mobilier.

Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, le groupe UMP, comme d'ailleurs la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, votera avec conviction...

M. André Vézinhet. Et avec enthousiasme !

M. Dominique Braye. ... les crédits affectés au logement dans le projet de loi de finances pour 2005. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Arthuis.

M. Jean Arthuis. C'est à titre personnel que je voudrais interroger M. le ministre chargé du logement à propos des cotisations qu'appelle la caisse de garantie du logement locatif social, la CGLLS, auprès des bailleurs sociaux.

Cette institution a été créée par la loi du 13 décembre 2000, relative à la solidarité et au renouvellement urbains. Elle appelle indifféremment une cotisation auprès des bailleurs sociaux de 1,40 % des loyers, afin d'assurer la garantie des prêts de la Caisse des dépôts et consignations aux organismes constructeurs de logements sociaux lorsque les collectivités territoriales refusent ou sont dans l'incapacité d'octroyer leurs garanties. Par ailleurs, elle a également pour mission de venir en aide aux organismes en difficulté financière.

Or, monsieur le ministre, certaines collectivités territoriales n'hésitent pas à donner leur garantie aux bailleurs sociaux, mais la cotisation est la même. Cette situation est parfaitement injuste et s'apparente à une sorte de « racket » intolérable.

J'ai l'intention de déposer un amendement lors de la discussion des articles de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2005. Votre collègue chargé du budget me répondra alors, mais c'est vous, à la vérité, qui avez compétence pour exprimer un avis.

Je souhaiterais ainsi que l'on puisse établir une cotisation différenciée selon que les collectivités territoriales apportent leur garantie, la refusent ou ne sont pas en mesure de l'apporter.

Le voeu que j'exprime vise à répondre à une exigence d'équité. Je vous remercie, monsieur le ministre, pour les précisions que vous voudrez bien apporter à l'égard d'une telle proposition.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre délégué au logement et à la ville. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, beaucoup d'orateurs l'ont dit, nous traversons une grave crise du logement. Pourtant, cette crise est paradoxale puisque nous allons battre cette année un record historique concernant la construction de logements neufs - plus de 350 000 - et les demandes de mise en chantier.

Quand j'ai été chargé, au sein du Gouvernement, du logement, je me suis interrogé sur les causes de cette crise. J'ai alors consulté un rapport dont je vous recommande la lecture - j'en ai déjà parlé à Thierry Repentin -, le rapport du député socialiste Alain Cacheux, que je connais bien : il habite dans la métropole lilloise, où il préside un office d'HLM, et je considère que cet homme-là ne peut pas être mauvais et peut au contraire nous aider à établir un diagnostic sur la crise.

Ce rapport, qui lui avait été confié par M. Jospin le 2 juillet 2001 - il se réveillait un peu tard ! - débute ainsi : « Le contexte dans lequel ce rapport a été demandé était celui d'une diminution de la production locative sociale. On a construit en 1999 et 2000 environ 43 000 logements sociaux par an en France. Depuis 1960, jamais niveau plus bas n'avait été atteint. Au milieu de la décennie, il était de 70 000 logements par an. » Pourtant, la demande est là !

Et M. Cacheux de poursuivre : « Sur la période 1984-1999, la hausse notable des aides à la personne s'est traduite par une diminution drastique des aides budgétaires à la pierre, mais aussi des autres aides à l'investissement. »

Et il conclut son diagnostic, au terme de trente pages d'analyse dont je vais vous épargner la lecture à cette heure tardive, de la manière suivante : « On ne peut rétablir la confiance des opérateurs que si l'on s'attache à la vraie nature des difficultés : une crise du système ; la crise latente depuis une décennie dans le logement social, qui s'est traduite dans le passé par les critiques sur le non-logement des plus démunis et maintenant par l'accusation de réticence à construire, provient du système lui-même. Les mesures actuelles » - c'était fin 2001, juste avant l'élection présidentielle - « apparaissent fragiles et provisoires car prises dans une conjoncture économique et politique et risquant fort de disparaître avec elle. » - Quelle prémonition ! - « Elles ne créent pas un nouveau cadre dont on pourrait penser qu'il va durer au moins une décennie, temps minimum pour des phénomènes ayant ce degré d'inertie. Elles rétablissent des aides à la pierre, elles ne remettent pas à sa place l'aide à la pierre. »

Tout est dit et explique en quelques mots le fondement de la politique que je mène avec Jean-Louis Borloo afin de résoudre cette grave crise de l'offre.

Nous insistons ainsi sur les aides à la pierre pour doubler la construction de logements locatifs sociaux et, comme l'ont excellemment précisé les rapporteurs Roger Karoutchi, Valérie Létard et à l'instant Dominique Braye, nous fondons cette solution à la crise de l'offre sur une réponse multidimensionnelle en appuyant sur tous les leviers : le logement locatif social, le logement locatif privé, la remise sur le marché des logements vacants et l'accession sociale à la propriété, qui va à l'évidence libérer des places dans le parc locatif et qui est une manière essentielle de répondre à la vocation majeure d'ascenseur social que peut représenter le logement.

Nous pensons résoudre cette grave crise de l'offre grâce cette politique d'ensemble ; mais il nous faudra un peu de temps, parce que, comme il a manqué, comme le dit très bien Alain Cacheux, 40 000 logements par an au cours des cinq dernières années, il nous faudra, si nous voulons réaliser le nombre de logements nécessaires, produire 500 000 logements locatifs sociaux.

J'ai entendu les critiques de Mme Borvo, qui ont le mérite de la cohérence : j'ai relu les interventions du groupe communiste depuis une décennie, et le diagnostic ainsi que les moyens proposés sont les mêmes, que ce soit ici ou à l'Assemblée nationale. La seule différence, c'est que, du temps de M. Gayssot, on votait les budgets alors que, aujourd'hui, ce n'est plus le cas. Dont acte.

Mme Borvo nous a dit : « Je n'y crois pas, je doute que vous puissiez faire cela, je ne crois pas que... ». A l'heure actuelle, nous en sommes donc au stade des interrogations et des procès d'intention, mais pas des démonstrations !

J'ai repris toutes les interventions qui ont été prononcées au moment où la loi de Jean-Louis Borloo a été votée, le 1er août 2003, et j'ai constaté un certain scepticisme sur quelques travées : « Ce n'est pas vrai », « C'est un magicien », « C'est Harry Potter », a même dit un député socialiste, « Vous allez voir ce que vous allez voir », « Les moyens ne seront pas au rendez-vous ».

Les moyens financiers sont bien au rendez-vous, Jean-Paul Alduy l'a dit tout à l'heure, et les projets s'alignent les uns derrière les autres. On n'a jamais constaté un tel engouement pour bénéficier des dispositifs que nous mettons en place !

Thierry Repentin, qui nous a présenté un rapport mesuré, a critiqué les crédits de paiement et les autorisations de programme que je vous proposais.

Moi, je m'en tiens à ce que disent les intéressés : la méthode du Gouvernement consiste à faire confiance aux acteurs locaux et aux bailleurs sociaux. Et que nous disent-ils ? Selon l'Union sociale pour l'habitat, présidé par M. Michel Delebarre - j'ai de bonnes références, ce soir : M. Cacheux, M. Delebarre... -, « les crédits affectés sont annoncés en euros 2004 et la croissance des autorisations de programme est suffisante sous réserve de l'inscription effective des budgets correspondants » - ce qui vient désormais d'être fait - « pour financer celle du programme physique. Le calibrage du plan permettrait même » - écoutez, monsieur Repentin - « une légère augmentation de la subvention unitaire, de l'ordre de 500 euros. Cette amélioration compenserait en partie la diminution des aides unitaires inscrites au budget de 2004. Elle porterait la subvention unitaire moyenne à 6 400 euros à partir de 2006. Le plan prévoit également une amélioration des crédits de paiement qui incluent un rattrapage » - Dominique Braye vient de le dire - « sur les années 2005 à 2008. Ce rattrapage est indispensable car les retards de paiement sont devenus insupportables et mettent en péril la production nouvelle, voire les équilibres de gestion des organismes. »

En clair, l'Union sociale pour l'habitat nous dit que les autorisations de programme permettent d'atteindre les objectifs fixés et que les crédits de paiement permettent de rattraper le retard qui était effectivement inacceptable concernant la dette HLM.

Plusieurs sénateurs du Languedoc-Roussillon se sont exprimés à cette tribune. Je les salue bien volontiers, j'aime beaucoup leur région et j'y vais assez souvent : j'étais encore récemment - c'était le 23 septembre - au congrès de Montpellier, où j'ai pu les rencontrer et j'y ai fait des déclarations dans un discours assez long, d'une quarantaine de minutes, où j'ai pris un certain nombre d'engagements.

Vous pouvez reprendre la totalité des engagements que j'ai alors pris : à cette heure, ils sont tous tenus, qu'il s'agisse des exonérations fiscales, des moyens que l'on prévoirait dans la loi ou d'un certain nombre de sujets comme la dette HLM.

Sur ce dernier point, je me suis engagé devant les bailleurs sociaux à faire le maximum. Je ne suis pas sûr d'y parvenir, mais, dans le projet de loi de finances rectificative, 50 millions d'euros viendront s'ajouter au rattrapage des crédits de paiement dont je viens de parler.

Au début du congrès, les bailleurs ont exprimé leurs inquiétudes. A la fin, le président du congrès a reconnu, dans un discours très honnête, que, si tout ce j'avais annoncé était tenu, le défi serait relevé et qu'il serait possible d'y aller de bon coeur ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre délégué. J'ai donc tenu tous mes engagements.

C'est pourquoi, je ne peux accepter les inquiétudes et les doutes. Pour l'instant, les acteurs concernés disent ce qu'ils en pensent. Or, si les moyens n'étaient pas au rendez-vous, ils exprimeraient leur scepticisme.

Il en est de même pour l'ANAH. Vous avez évoqué un certain nombre de problèmes, mais il n'y a pas eu de gels budgétaires ! Les crédits de paiement ont été reconduits et l'ANAH sera scrupuleusement dotée du budget annoncé. D'ailleurs, son conseil d'administration, au sein duquel siègent tous les partenaires sociaux pour que s'exprime le pluralisme des acteurs, vient de se réunir et il a reconnu que les moyens étaient là. Ainsi, comme pour l'ANRU, si une faute avait été commise sur ce sujet, le Gouvernement se serait fait épingler !

Comme l'a dit Roger Karoutchi, les crédits de paiement correspondent à la montée en charge progressive du budget de l'ANAH. En effet, après le doublement des logements locatifs sociaux, nous nous fixons comme second grand objectif la mobilisation du parc locatif vacant afin de remettre sur le marché les logements vacants et de les conventionner dans le parc locatif privé. Ainsi, 70 millions d'euros d'autorisations de programme sont prévus en 2005 et 140 millions d'euros le seront en 2006. Voilà qui montre bien la volonté et la philosophie qui nous animent de déployer autant, sinon plus, de moyens dans le parc locatif privé que dans le parc locatif public. Car nous ne résoudrons la crise de l'offre qu'en actionnant simultanément ces deux leviers et en développant une grande politique d'accession sociale à la propriété, comme l'a dit justement José Balarello.

Voilà ce que je voulais dire sur les objectifs.

J'en viens maintenant aux aides à la personne. Sur ce point, nous ne pouvons, sauf à tenir un discours de bonimenteur, faire porter simultanément les efforts sur les aides à la pierre et sur les aides à la personne.

Pour les raisons que j'ai évoquées tout à l'heure et qui sont excellemment décrites dans le rapport d'Alain Cacheux, nous privilégions les aides à la pierre. Pour autant, nous ne supprimons pas les aides à la personne ! Je l'ai dit avant d'être ministre, je persiste et je signe : il serait criminel, même si certains avaient cette idée, de le faire ! Cela reviendrait à rendre l'accès au logement des plus démunis définitivement impossible, parce qu'ils n'auraient plus de pouvoir solvabilisateur. Pour autant, je le dis clairement - je n'entends pas pratiquer la langue de bois ou esquiver le problème -, nous ne pouvons pas faire porter l'effort financier sur les aides à la pierre et, dans le même temps, revaloriser fortement les aides à la personne.

Faut-il s'arrêter en chemin ? Evidemment non, monsieur Repentin ! Il faut au contraire ouvrir le chantier difficile de la réforme des aides à la personne - 6 millions de personnes la touchent -, tout en restant attentifs au taux d'effort, c'est-à-dire au « reste à vivre ». Pour ce faire, j'ai l'intention de consulter l'ensemble des partenaires. Nous pourrons ainsi trouver une solution qui puisse s'appliquer dans le projet de budget pour 2006. Néanmoins, une revalorisation des aides à la personne - certes, modeste - est prévue, en 2005, vous l'avez souligné les uns et les autres.

S'agissant du foncier, monsieur Delfau, je vous remercie des propos mesurés que vous avez tenus. Pour ma part, j'accepte tout à fait le débat parlementaire : j'ai été premier vice-président de l'Assemblée nationale, je respecte donc éminemment les parlementaires et le débat démocratique ; toutefois, quand j'entends que l'on qualifie mon budget d'» insincère », je ne peux pas ne pas réagir ! Pour le reste, je respecte totalement votre démonstration, même si je n'en partage pas les conclusions.

Comme vous, je suis préoccupé par cette question. Je n'ai, cependant, aucune inquiétude quant aux moyens financiers : le pari est en passe d'être remporté. Regardez la production de logements locatifs sociaux à la fin de cette année sur l'ensemble de la France, notamment dans la région qui vous est chère ! Vous serez alors à même de me dire si les objectifs énoncés par Gilles de Robien, avec les moyens prévus en 2004, ont été à peu près tenus ou non.

Nous dresserons le bilan et vous nous jugerez sur les chiffres, sur les actes. Vous regarderez ainsi les chiffres pour le Languedoc-Roussillon, ils sont intéressants : je me suis engagé à dégager en 2005 des moyens supplémentaires pour cette région, dont la démographie est en pleine expansion en ce moment. Vous le verrez lors des attributions dans les délégations de compétences !

Ce qui m'inquiète, cependant, c'est la flambée du prix des terrains, qui naît de la crise de l'offre. Aujourd'hui, vous l'avez souligné, monsieur Delfau, même les maires bâtisseurs, qui veulent agir et qui sont convaincus qu'il faut faire plus de logement social, ne trouvent pas de terrain et sont confrontés à un grave problème foncier. Ils constatent que la crise, qui, auparavant, était celle des personnes modestes seules, s'étend maintenant aux classes moyennes. Aujourd'hui, nos enfants, nos neveux, nos nièces, viennent nous voir dans nos permanences et nous disent qu'ils ne peuvent plus trouver de logement dans les agglomérations, y compris dans l'ancien ! Nous avons donc décidé d'élargir le prêt à taux zéro à l'ancien.

Le projet de loi « habitat pour tous » est en cours d'élaboration. Il comprendra plusieurs chapitres majeurs.

Premier chapitre : la réforme des statuts des offices. Vous avez raison, monsieur Dubois, une telle réforme est nécessaire, un statut unique des offices est indispensable. Pour cela, il faut se pencher avec soin sur le problème des statuts des personnels et dialoguer avec les syndicats. C'est ce que je suis en train de faire.

Autre chapitre : le droit au logement, qu'il faut rendre effectif. J'ai bien entendu bien ce qu'a dit Jean-Paul Alduy, qui a assisté avec nous aux Assises du logement, à l'occasion desquelles une écrasante majorité, à défaut d'une unanimité, s'est constituée autour d'une politique commune : il faut élaborer un droit au logement opposable qui ne soit pas un droit au logement virtuel.

Construisons ce droit au logement opposable et permettons le renforcement de l'offre ! C'est l'objet du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale. Créons, dans le projet de loi « habitat pour tous », une mécanique beaucoup plus dynamique : la commission de médiation rendra possible, dans certaines conditions et après un certain délai, un droit de réquisition pour loger ceux qui attendent depuis trop longtemps un logement.

Au bout de la chaîne, monsieur Alduy - c'est un combat qui nous est commun, mais qui n'est pas toujours partagé ici -, il faudra désigner une autorité, l'intercommunalité, et examiner sa légitimité. (M. Jean-Paul Alduy acquiesce.) Vous le voyez, il faut procéder par étapes. Le projet de loi « habitat pour tous » sera l'occasion de franchir l'étape de la commission de médiation, dont les pouvoirs seront singulièrement renforcés.

Le droit au logement suppose, MM. André et Braye l'ont évoqué, de redonner confiance aux bailleurs locatifs privés en leur accordant, certes, des aides budgétaires ou fiscales, mais surtout en les rassurant sur le risque d'impayés de loyers. Pour cela, il faut - pas nécessairement pour tous les logements, mais au moins pour les logements conventionnés dans le parc privé - un mécanisme de mutualisation du risque et de « fléchage » de la contribution au revenu locatif. En effet, plutôt qu'elle ne se perde dans un tonneau de l'Etat et que l'on ne sache pas où elle va, mieux vaut réinjecter cette contribution dans le domaine du logement de manière que soit assurée cette garantie des risques d'impayés de loyers pour les bailleurs privés. Faute de quoi, ces derniers continueront de ne pas remettre leurs logements sur le marché, comme c'est le cas dans le département des Alpes-Maritimes, où 60 000 logements sont vacants ! (M. José Balarello acquiesce.)

Autre chapitre encore : l'urbanisme, pour lequel il faut prendre des mesures volontaristes. Nous avons plusieurs idées sur ce sujet.

Premièrement, il faut que l'Etat montre le chemin. J'ai soumis un amendement au Parlement - il a été voté à l'unanimité à l'Assemblée nationale - dont l'objet est d'autoriser la vente des terrains du domaine privé de l'Etat à un prix inférieur de 25 % à celui des domaines. Ainsi, 9 300 000 mètres carrés de terrains d'Etat et d'entreprises parapubliques peuvent être remis sur le marché en dix ans, dont environ 1 300 000 mètres carrés à court terme.

Deuxièmement, il faut laisser aux maires la faculté de taxer les terrains à bâtir non bâtis afin d'éviter la spéculation immobilière.

M. Gérard Delfau. Très bien !

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre délégué. Cette mesure pourrait être prévue dans le projet de loi « habitat pour tous », monsieur Delfau.

Troisièmement, la territorialisation des programmes locaux de l'habitat, les PLH, est nécessaire. Rien ne sert de lancer un PLH si cela ne se matérialise par un plan local d'urbanisme, par des terrains réservés. Nous pourrions ainsi prévoir un volet territorial des programmes locaux de l'habitat, qui se traduirait obligatoirement dans les plans d'urbanisme.

Quatrièmement, il faut donner aux maires la faculté d'imposer un quota de logements sociaux dans une opération de promotion privée.

Nous travaillons actuellement sur d'autres idées. Quoi qu'il en soit, mesdames, messieurs les sénateurs, je m'adresse à vous qui représentez les collectivités locales et qui, aujourd'hui, répercutez leur message : nous voulons prendre rapidement des mesures sur le foncier, et je n'ai pas le temps de réunir un groupe de travail. Je vous demande donc de me transmettre vos idées, comme je l'ai dit récemment à la commission des affaires économiques.

M. Dominique Braye. La commission des affaires économiques s'y engage !

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre délégué. Si la commission des affaires économiques me soumet une série de propositions avant le 15 février prochain, nous tiendrons les délais, car il faut impérativement présenter ce projet de loi au conseil des ministres avant Pâques. En effet, après le référendum, des réformes constitutionnelles seront nécessaires, qui mobiliseront le Parlement.

En tout cas, il va de soi que je serai attentif à vos propositions : on ne peut trouver meilleure idée que dans la tête d'un élu local qui vit cette réalité au quotidien.

Tels sont les éléments que je pouvais vous fournir sur le projet de loi « habitat pour tous ».

Monsieur Repentin, vous avez évoqué la compensation des quinze premières années d'exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties. Nous en reparlerons à l'occasion de l'examen de l'amendement que vous avez déposé à ce sujet. Vous m'aviez déjà soumis ce problème : j'ai commandé une étude à ce sujet, dont je n'ai pas les résultats définitifs. Il faut d'abord réaliser une étude juridique pour connaître l'impact de la loi constitutionnelle, des lois organiques et de la loi relative aux libertés et responsabilités locales. Il faut ensuite une étude financière : le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale prévoit 15 milliards d'euros et un calibrage est sans doute nécessaire. C'est la raison pour laquelle j'ai demandé à Bercy de mesurer cet impact. En attendant, je ne suis pas en mesure d'accepter votre amendement, et préférerais qu'il soit retiré. Je vous rassure cependant : cela ne signifie pas que nous ne sommes pas prêts à étudier cette question.

Après l'amortissement Besson, après l'amortissement Robien, que plusieurs d'entre vous ont évoqué, il y a, dans le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale, un « amortissement Daubresse » - je ne sais pas comme vous devez l'appeler ! - qui ajoute aux dispositions prévues par l'amortissement Robien des déductions forfaitaires avec une contrepartie sociale, notamment pour les associations d'insertion, afin de construire du logement très social, en particulier des résidences sociales et des maisons relais. Voilà une véritable contrepartie sociale !

Le dispositif Robien a permis, dans les années de crise de construction du logement neuf, de construire un nombre important de logements. En ce sens, il a été déclencheur : plus de 350 000 logements, selon les dernières statistiques, ont déjà été construits et le nombre de logements collectifs neufs augmente de 16,7 % cette année.

Au stade où nous en sommes, il faut maintenant regarder si le dispositif gagnerait à être recentré. Jean-Louis Borloo et moi-même nous y sommes engagés et je communiquerai à la commission des affaires économiques et à son rapporteur, sans état d'âme, en toute transparence, toutes les données dont nous disposons sur cette question.

Comme j'ai « plusieurs plats sur le feu » en ce moment, je n'ai pas encore eu le temps d'entrer dans le détail, mais nous mettrons cette étude en chantier à partir du 1er janvier prochain.

Mme Valérie Létard a posé deux questions importantes sur la Caisse nationale des allocations familiales et l'aide personnalisée au logement.

S'agissant des aides à la personne, peut-on imaginer une allocation unique ? Je l'avais proposé à Jean-Louis Borloo, j'avais même évoqué une « allocation de cohésion sociale » regroupant toute une série d'allocations, ainsi que la simplification des barèmes APL et AL, qui n'ont plus beaucoup de sens, et l'instauration d'une seule allocation redistributrice fondée sur des critères sociaux. Nous y réfléchissons, mais c'est assez compliqué à réaliser compte tenu des mécanismes existants, en particulier à la CNAF.

Pour autant, je le dis, les 200 millions d'euros qui ont été transférés du budget du logement à celui de la CNAF l'ont été en application stricte de la loi : jusqu'à présent, le budget du logement finançait des allocations qui relevaient de la politique familiale. Voilà pourquoi il y a eu une modification de périmètre.

En outre, monsieur Balarello, si l'on soustrait le prêt à taux zéro, puisque la subvention budgétaire sur deux ans est remplacée par un crédit d'impôt sur les sociétés sur cinq ans afin de compenser l'aide que l'Etat veut octroyer aux personnes par l'attribution du prêt à taux zéro, le budget augmente non pas de 4 % mais de 8,3 % à périmètre constant !

Par conséquent, les propos de Mme Borvo au sujet du budget sont inexacts. Il faut considérer les chiffres dans leur ensemble !

C'est ainsi que l'allocation de logement temporaire est transférée sur le budget de ma collègue Nelly Olin, ce qui est légitime puisqu'elle a trait aux aides en faveur des personnes les plus démunies.

Ensuite, le fonds de solidarité logement est décentralisé et le fonds de solidarité énergie, monsieur Vézinhet, est intégralement compensé aux collectivités locales, conformément à la loi relative aux libertés et aux responsabilités locales. Nous avons par ailleurs décidé qu'il n'y aurait pas de coupures d'électricité pendant la période difficile de l'hiver, conformément aux engagements de Mme Nelly Olin ; nous ne laisserons pas perdurer des situations inhumaines, même s'il existe déjà tout un processus pour aboutir à des coupures d'électricité.

En définitive, si vous soustrayez le FSL, les crédits de l'urbanisme qui sont maintenus à juste titre dans le budget de l'équipement, le prêt à taux zéro qui devient hors budget compte tenu du changement de dispositif et que vous prenez en considération mes remarques sur la Caisse nationale des allocations familiales, le budget du logement connaît bien une augmentation de 8,3 %.

M. Dubois a évoqué la question du zonage : c'est un vrai sujet ! Il faut considérer les zones I à III du dispositif Besson, les zones A, B et C du dispositif Robien... Nous sommes en train d'étudier la question, mais c'est assez compliqué !

Certaines zones très tendues justifient toutefois des modifications de zonage. Nous avons pris en compte ces situations, vous le savez, dans la région Provence-Alpes-Côte d'Azur. Je viens de l'accorder aux départements de l'Ain et de la Haute-Savoie, qui sont confrontés à certaines distorsions en raison de leur proximité avec la Suisse. Il faut également que nous étudions le zonage en région francilienne. Vous êtes un élu de la Somme, monsieur le sénateur, un département plus rural. Mais nous sommes ouverts à la discussion.

J'ai répondu en partie aux questions formulées par M. Delfau. En tout cas, je réponds positivement à sa demande sur le foncier.

S'agissant du prêt à taux zéro, il ne faut tout de même pas exagérer ! Vous ne pouvez pas dire que nous reportons sur les générations futures un dispositif qui repose sur un crédit d'impôt de cinq ans et qui remplace une subvention budgétaire prévue sur deux ans ! En fait, le financement du prêt à taux zéro par un crédit d'impôt se traduit par un effort financier qui passera de 500 millions d'euros à près de 1,4 milliard d'euros.

Plusieurs élus se sont mobilisés, avez-vous dit, mais j'étais bien seul au début du mois de septembre, monsieur Delfau ! Certains élus sont, il est vrai, intervenus ensuite, et certains d'entre eux - peu au Sénat, mais dans une autre enceinte - n'ont guère facilité les choses...

Il a fallu se battre pour rendre le prêt plus social, avec une amélioration des conditions de solvabilité de 12 %, plus familial et, surtout, ouvert à l'ancien. En effet, en tant qu'élus locaux de grandes agglomérations, nous voyons bien que le problème réside dans l'ancien ! J'ai rencontré récemment des représentants de la FNAIM - la Fédération nationale des agents immobiliers, mandataires en vente de fonds de commerce, administrateurs de biens, syndics de copropriétés et experts -, et je puis vous dire que les agents immobiliers ne vont pas continuer à laisser monter les prix, comme je l'entends dire ici ou là ! Les agents immobiliers ont tout intérêt à la progression des transactions dans l'ancien, progression que le prêt à taux zéro va favoriser.

Nous sommes au sommet d'un cycle, pour une raison simple : même si la crise de l'offre persiste, quand les ressources des ménages sont totalement inadaptées aux prix du marché - c'est vérifiable sur les longues périodes -, le cycle redescend. Si les agents veulent faire des affaires, il faudra qu'ils fassent plus d'affaires ! Le prêt à taux zéro va le leur permettre, et vous verrez qu'ils vont jouer le jeu.

C'est pour cette raison que j'ai refusé toute quotité de travaux sur l'ancien, qui aurait « plombé » le dispositif, et que j'ai accepté l'amendement de M. Méhaignerie pour que nous puissions procéder à une évaluation au bout d'un an.

Nous évaluerons donc, mais laissez-nous engager les politiques que vous-mêmes proposez ! Si elles ne donnent pas de résultats, nous rectifierons le tir ! En tout cas, je remercie tous les sénateurs qui nous soutiennent dans cette affaire.

J'en viens aux PALULOS, que M. Balarello et plusieurs de ses collègues ont évoquées. Il est faux de dire que nous destinons tout l'argent de la réhabilitation à la rénovation urbaine. Si cette dernière concerne aujourd'hui près de 78 000 réhabilitations et mobilise, je le reconnais, beaucoup de crédits, je le reconnais, nous avons « sanctuarisé » dans la ligne fongible, qui comprend à la fois la construction et la réhabilitation, les crédits que nous avons consacrés en 2004 aux PALULOS, soit 48 millions d'euros, qui nous permettent de financer près de 40 000 réhabilitations.

Il convient d'y ajouter les 78 000 réhabilitations programmées par l'ANRU. J'ai par ailleurs négocié avec la Caisse des dépôts et consignations un prêt à 2,95 % qui s'apparente à une subvention et qui nous permet de réaliser 40 000 réhabilitations supplémentaires.

En conséquence, hors périmètre de l'ANRU, 40 000 réhabilitations sont financées par les 48 millions d'euros inscrits à la ligne fongible du budget et 40 000 réhabilitations par les prêts bonifiés de la Caisse des dépôts et consignations. C'est la réalité, monsieur Vézinhet !

M. André Vézinhet. Le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations a parlé de 20 000 réhabilitations et non pas de 40 000 !

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre délégué. Mais non, leur nombre a été porté de 20 000 à 40 000, monsieur Vézinhet ! Je connais bien mon dossier, vous l'avez dit vous-même.

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre délégué. Mesdames, messieurs les sénateurs, je pourrais bien entendu vous répondre sur beaucoup de sujets, mais l'heure avancée me force à la concision.

Je pense avoir répondu à M. Marc sur les aides à la personne, à M. Fouché sur le locatif social, sur l'ANAH également...

Bref, moi, j'y crois et, en écho au superbe discours que Tony Blair a prononcé quand il est devenu Premier ministre, je ferai la remarque suivante : il y a ceux qui disent « I am sorry », « c'est la crise », « on ne peut rien faire », et qui baissent les bras ; et il y a ceux qui considèrent que, finalement, à regarder la situation, à regarder la volonté d'action des élus et des bailleurs sociaux, à regarder l'ensemble des personnes de bonne volonté prêtes à se mobiliser pour la grande cause nationale du logement, on ne peut que dire « I believe », « j'y crois » ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mais je m'aperçois que j'ai omis de répondre à M. Arthuis sur la Caisse de garantie du logement locatif social, la CGLLS, dont l'objet est de procéder au redressement des offices d'HLM en difficulté en se fondant sur une mutualisation, avec des garanties d'emprunts.

Si nous supprimions ce système de mutualisation, comment assumerions-nous les risques liés aux éventuelles difficultés rencontrées par les offices ? Cela reviendrait à les reporter sur certaines collectivités locales.

Je suis prêt à étudier le dispositif à taux variable que M. Arthuis nous présenterait, ce qui supposerait de toute façon une discussion avec les partenaires, notamment avec les bailleurs sociaux, mais, aujourd'hui, j'ai du mal à imaginer un système qui garantisse le risque pris en charge par la CGLLS, véritable épée de Damoclès pour les collectivités, au moyen de la mutualisation.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Arthuis.

M. Jean Arthuis. Monsieur le ministre, il s'agit ici de garanties données par des collectivités territoriales. Je connais bien la situation de l'office public départemental d'HLM de la Mayenne : tous les emprunts sont garantis par le conseil général. Cet office ne fera donc jamais appel à la CGLLS !

Par conséquent, je trouve très choquant que l'on ait prévu de prélever une cotisation auprès de l'ensemble des organismes. Ceux qui sont dans des situations très difficiles se situent dans des villes qui bénéficient d'aides, notamment de la dotation de solidarité urbaine, la DSU, et des dispositifs que vous venez d'introduire.

Si vous pensez qu'il n'y a vraiment pas matière à moduler ce taux de cotisation, alors, certaines collectivités territoriales renonceront définitivement à apporter leur caution.

Nous sommes dans un exercice de responsabilité. Je trouve que l'arbitraire est total et l'injustice absolue. Je vous demande donc, monsieur le ministre, de veiller à rétablir l'équité !

Travail, santé et cohésion sociale - IV. - Logement
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2005
Etat C - Titres V et VI

Mme la présidente. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et C concernant le logement.

État B

Titre III : moins 399 010 €.

Mme la présidente. Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.

(Ces crédits sont adoptés.)

Titre IV : moins 37 712 000 €.

Etat B - Titres III et IV
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2005
Art. 80

Mme la présidente. Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.

(Ces crédits sont adoptés.)

État C

Titre V. - Autorisations de programme : 8 099 000 € ;

Crédits de paiement : 3 730 000 €.

Mme la présidente. Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement figurant au titre V.

(Ces crédits sont adoptés.)

Titre VI. - Autorisations de programme : 1 198 040 000 € ;

Crédits de paiement : 230 810 000 €.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo, sur les crédits du titre VI.

Mme Nicole Borvo. Monsieur le ministre, j'ai scrupule à vous importuner, vu le peu de cas que vous faites de mes propos ! Néanmoins, je prendrai la peine d'attirer votre attention sur une question dont on ne parle pas suffisamment et à laquelle, en tant qu'élue locale de la capitale, je suis souvent confrontée : je veux parler des foyers de travailleurs migrants.

Ces foyer existent parce qu'ils répondent à un besoin. Nous le savons, l'accès au logement « normal » est très difficile pour les travailleurs migrants en général, pour diverses raisons dont le racisme.

L'arrondissement dont je suis l'élue compte de nombreux foyers de travailleurs migrants. Sans doute l'ancienne municipalité avait-elle choisi en particulier cet arrondissement pour y construire ces foyers ! Quoi qu'il en soit, ces derniers se trouvent en situation de surpopulation et de dégradation telle que les conditions de vie y sont insupportables, indignes. Je vous invite d'ailleurs, monsieur le ministre, à aller les visiter, cela vous fera sans doute le plus grand bien !

Les problèmes tiennent à des questions de gestion et de concertation. Les gestionnaires, notamment la SONACOTRA, sont particulièrement concernés par des difficultés qui tiennent plus encore au fonctionnement qu'au nombre insuffisant de places. Néanmoins - et il faudrait s'en préoccuper -, la réhabilitation engagée à la fin des années quatre-vingt-dix par l'Etat n'a pas été menée à son terme ; elle a été mise en oeuvre petit à petit, avec de plus en plus de difficultés, faute d'argent ou de bonne volonté.

Toujours est-il que les foyers de travailleurs migrants continuent à se dégrader et que la solution à la surpopulation est l'expulsion. Or l'expulsion revient à dire qu'il n'y a plus de solution !

Monsieur le ministre, dans le cadre de la cohésion sociale, il serait tout à fait souhaitable que l'on se préoccupe de réhabiliter les foyers de travailleurs migrants, d'en construire de nouveaux là où le besoin s'en fait sentir, pour assurer aux intéressés des conditions de vie dignes de notre siècle !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre délégué. Madame Borvo, je fais grand cas de ce que vous dites.

Mme Nicole Borvo. Je suis contente de vous l'entendre dire !

M. Marc-Philippe Daubresse, ministre délégué. Je vous ai d'ailleurs répondu sur bien des points. Mais faire grand cas, cela ne signifie pas forcément être d'accord avec vous sur tout ! Et vous n'êtes pas toujours vous-même d'accord avec moi non plus ! (Mme Nicole Borvo le confirme.)

Revenons aux foyers de travailleurs migrants, et notamment à la SONACOTRA. Un de mes premiers déplacements, alors que je venais d'être nommé secrétaire d'Etat au logement, a été pour un foyer de travailleurs migrants de la région parisienne, dans les Hauts-de-Seine.

Nous avons eu plusieurs rencontres à ce sujet et je suis en mesure de vous dire que ces foyers bénéficieront de crédits spécifiques pour leur réhabilitation et que nous sommes en train de travailler avec eux sur un contrat d'objectifs global.

Vous le voyez, je rejoins vos préoccupations, madame Borvo !

Mme la présidente. Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement figurant au titre VI.

(Ces crédits sont adoptés.)

Mme la présidente. J'appelle en discussion les articles 80 et 81, qui sont rattachés pour leur examen aux crédits affectés au logement.

IV. - Logement

Etat C - Titres V et VI
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2005
Art. 81 (début)

Article 80

Dans l'article L. 452-6 du code de la construction et de l'habitation, après les mots : « à la vérification », sont insérés les mots : « et au recouvrement ».

La parole est à M. André Vézinhet, sur l'article.

M. André Vézinhet. J'indique simplement, madame la présidente, que le groupe socialiste est favorable à l'article 80.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 80.

(L'article 80 est adopté à l'unanimité.)

Art. 80
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2005
Art. 81 (interruption de la discussion)

Article 81

Le Gouvernement présente au Parlement, avant le dépôt du projet de loi de finances pour 2006 sur le bureau de l'Assemblée nationale, un rapport consacré aux modalités de mise en oeuvre de l'aide accordée par l'Etat aux communes pour la réalisation d'aires permanentes d'accueil destinées aux populations itinérantes. - (Adopté.)

Mme la présidente. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant le logement.

Art. 81 (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2005
Discussion générale