compte rendu intégral

PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures cinq.)

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PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

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DÉPÔT D'UN RAPPORT DU GOUVERNEMENT

M. le président. M. le Président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport pour 2004 sur l'application des articles L. 1333-1 et suivants du code de la défense sur la protection et le contrôle des matières nucléaires, conformément à l'article L. 1333-7 du même code.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

Il sera transmis à la commission des affaires économiques et du Plan, ainsi qu'à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

3

Art. additionnels après l'art. 16 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2006
Première partie

Loi de finances pour 2006

Suite de la discussion d'un projet de loi

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2006
Art. 16 bis

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2006, adopté par l'Assemblée nationale (nos 98, 99).

Dans la discussion des articles de la première partie, nous en sommes parvenus à l'article 16 bis.

Première partie
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Art. additionnels après l'art. 16 bis

Article 16 bis

I. - Le code général des impôts est ainsi modifié :

1° Le 3 du III de l'article 220 sexies est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Sont également prises en compte les dépenses éligibles exposées à compter de la date de réception, par le directeur général du Centre national de la cinématographie, de la demande de délivrance de l'agrément à titre provisoire mentionné au premier alinéa. » ;

2° L'article 220 F est ainsi modifié :

a) Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« La part du crédit d'impôt obtenu au titre des dépenses mentionnées au second alinéa du 3 du III de l'article 220 sexies fait l'objet d'un reversement en cas de non-délivrance de l'agrément à titre provisoire dans les six mois qui suivent la réception de la demande par le directeur général du Centre national de la cinématographie. » ;

b) Dans la première phrase du troisième alinéa, après les mots : « fait l'objet », est inséré le mot : « également ».

II. - Les dispositions du I s'appliquent aux dépenses exposées pour la production d'oeuvres cinématographiques ou audiovisuelles pour lesquelles la demande d'agrément provisoire est déposée par l'entreprise de production déléguée à compter du 1er janvier 2006. - (Adopté.)

Art. 16 bis
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Art. 17

Articles additionnels après l'article 16 bis

M. le président. L'amendement n° I-263, présenté par Mme Morin-Desailly et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :

Après l'article 16 bis, il est inséré un article additionnel ainsi  rédigé :

I. L'article 235 ter MA du code général des impôts est ainsi rédigé :

« Art. 235 ter MA. - I. À compter du 1er janvier 2006, un prélèvement spécial de 10 % est perçu, selon les modalités prévues à l'article 235 ter L, sur la fraction des bénéfices industriels et commerciaux imposables à l'impôt sur les sociétés ou à l'impôt sur le revenu qui résulte :

« 1° De la production et de la distribution d'oeuvres ou de documents audiovisuels à caractère pornographique ou de très grande violence qui ne sont pas soumis à la procédure du visa prévu à l'article 19 du code de l'industrie cinématographique ;

« 2° De l'édition et de la distribution, sous forme de vidéogrammes destinés à l'usage privé du public, d'oeuvres ou de documents audiovisuels à caractère pornographique ou de très grande violence, qu'ils soient ou non soumis à la procédure du visa prévu à l'article 19 du code de l'industrie cinématographique.

« II. Un décret en Conseil d'État détermine les conditions dans lesquelles les personnes qui exercent les activités mentionnées au I doivent identifier au moyen d'une signalétique appropriée et déclarer les oeuvres et documents audiovisuels à caractère pornographique ou de très grande violence qu'elles produisent, distribuent ou éditent. Ce décret détermine également les conditions dans lesquelles la commission de classification des oeuvres cinématographiques peut, en tant que de besoin, être saisie d'une demande d'avis sur le caractère pornographique d'une oeuvre ou d'un document audiovisuel qui n'est pas soumis à la procédure du visa prévu à l'article 19 du code de l'industrie cinématographique. »

III. L'article 235 ter MC est ainsi modifié :

1° Dans le premier alinéa, les mots : « ou des oeuvres pornographiques ou d'incitation à la violence diffusées sur support vidéographique » sont supprimés ;

2° Le deuxième alinéa est supprimé.

La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.

M. Jean-Jacques Jégou. Cet amendement concernant les activités des entreprises pornographiques cinématographiques aurait dû être examiné vendredi soir !

Il s'agit de faire appliquer la loi de finances de 1984, notamment la surtaxe sur les bénéfices industriels et commerciaux des entreprises de pornographie. Cette mesure n'a jamais été appliquée, car les gouvernements qui se sont succédé depuis ne sont jamais parvenus à définir ce qu'est une entreprise de production et de distribution d'oeuvres et de documents audiovisuels à caractère pornographique ou de très grande violence qui ne sont pas soumis à la procédure du visa prévue à l'article 19 du code de l'industrie cinématographique.

En outre, cet amendement vise à renforcer les capacités d'action publique en faveur de la création en augmentant les ressources du COSIP, le compte de soutien à l'industrie des programmes audiovisuels.

En effet, les recettes du Centre national de la cinématographie, le CNC, qui gère le COSIP, se dégradent. Les dépenses augmentent du fait de l'accroissement des parts de marché du cinéma français - 40 % en 2005 contre 36 % en 2004 -, tandis que les recettes baissent du fait de la chute de 8 % du nombre des entrées en salles. Les investissements publicitaires de la télévision sont également en recul.

Or l'objectif de maîtrise des dépenses publiques ne permet pas d'abonder sans fin le COSIP et le budget du CNC. Par ailleurs, le contribuable ne peut, à lui seul, supporter l'effort en faveur de la production, d'autant plus que le mécanisme des sociétés pour le financement de l'industrie cinématographique et audiovisuelle, les SOFICA, est désormais plafonné, ce que nous regrettons.

Dans une logique globale de soutien à l'ensemble de la filière économique du cinéma, dont le rayonnement concourt à la valorisation et à la diffusion de l'image de la France, nous souhaitons réformer le régime fiscal spécifique à la production et à la distribution d'oeuvres à caractère pornographique ou de très grande violence qui ne sont pas exploitées en salles de cinéma, ainsi que le régime fiscal de l'édition et de la distribution de ces oeuvres en vidéo.

Pour la mise en place du nouveau dispositif, il est tout d'abord proposé d'adopter un taux qui n'ait pas pour effet d'interdire l'exercice des activités considérées ou de conduire au développement d'un marché parallèle, source d'évasion fiscale.

Ensuite, au dispositif de classement a priori des oeuvres pornographiques non exploitées en salles, qui n'a jamais pu être organisé compte tenu de sa lourdeur, est substitué un système d'identification et de déclaration à la charge des opérateurs concernés.

En cas de difficulté ou de carence des opérateurs, la commission de classification des oeuvres cinématographiques pourra, ponctuellement, être saisie pour avis afin de déterminer si les oeuvres entrent dans le champ d'application du nouveau dispositif fiscal.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. La commission souscrit complètement aux objectifs de cet amendement, mais elle s'interroge sur sa rédaction.

En réécrivant l'article 235 ter MA du code général des impôts, on risque d'avoir un régime de taxation plus favorable aux oeuvres que l'on voudrait surtaxer ou que l'on voudrait même voir disparaître.

Je me tourne donc vers M. le ministre pour connaître son analyse.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'État. En réalité, cet amendement est satisfait.

En effet, le taux de la taxe sur les ventes et les locations de vidéogrammes destinés à l'usage privé du public prévu à l'article 302 bis KE du code général des impôts a été porté par les députés de 2 % à 10 % la semaine dernière, lors de l'examen en première lecture du projet de loi de finances, pendant la discussion du budget de la culture. Cette mesure vise les oeuvres que vous évoquez, monsieur le sénateur.

Je vous prie donc de bien vouloir retirer votre amendement.

M. le président. Quel est désormais l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Pour des raisons strictement techniques, il serait préférable de retirer cet amendement, qui ne me semble pas aller dans le sens que nous défendons.

M. le président. Monsieur Jégou, l'amendement n° I-263 est-il maintenu ?

M. Jean-Jacques Jégou. Non, je le retire, monsieur le président. Je fais confiance à M. le ministre et je ferai part de cette information à Mme Catherine Morin-Desailly.

M. le président. L'amendement n° I-263 est retiré.

L'amendement n° I-267, présenté par Mme Morin-Desailly et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :

Après l'article 16 bis, insérer un article additionnel ainsi  rédigé :

Par dérogation aux dispositions des articles L. 30 à L. 33-1 du code du domaine de l'État, les titulaires d'autorisation de services de télévision numérique personnelle et de services de télévision en haute définition délivrées sur la base de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication sont assujettis au paiement d'une redevance domaniale dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État. Le produit de cette redevance est versé aux première et deuxième sections du compte d'affectation spéciale « cinéma, audiovisuel et expression radiophonique locale » dans des conditions précisées par la loi de finances.

La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.

M. Jean-Jacques Jégou. Cet amendement, qui vise à renforcer les capacités d'action publique en faveur de la création en augmentant les ressources du COSIP, a pour objet d'instituer une redevance domaniale pour l'utilisation du domaine public hertzien par les éditeurs de services de télévision numérique personnelle et de services de télévision en haute définition. Il est nécessaire d'anticiper sur l'évolution technologique.

Le produit de cette redevance est versé à la section « industries audiovisuelles » du compte d'affectation spéciale « cinéma, audiovisuel et expression radiophonique locale ».

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Si nous souscrivons aux intentions exprimées par les auteurs de cet amendement, nous n'arrivons pas à évaluer l'incidence qu'aurait une telle réforme.

De surcroît, l'article additionnel qu'il est proposé d'introduire renvoie à un décret en Conseil d'État les conditions de définition de cette redevance. Il nous semble qu'il faudrait être plus précis avant de confier au pouvoir réglementaire le soin de créer une telle redevance.

Enfin, comme le rappelait M. Jégou, les recettes publicitaires des diffuseurs sont en diminution pour la seconde année consécutive, ce qui nous conduit à nous interroger sur l'éventualité de créer une charge supplémentaire et sur ses conséquences économiques.

Pour l'ensemble de ces raisons, nous pensons qu'il faut encore approfondir le sujet et que, dans l'immédiat, cet amendement n'est pas suffisamment « mûr » pour pouvoir être adopté.

Nous en demandons donc le retrait.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Concernant l'affectation de recettes complémentaires au CNC, je souhaite appeler votre attention sur trois amendements qui ont été votés en première lecture à l'Assemblée nationale et qui étendent de manière significative les recettes du CNC à travers l'élargissement de l'assiette de la taxe sur les services de télévision, les services accessibles par l'Internet, l'ADSL, la téléphonie mobile, mais aussi les recettes de messages de parrainage.

Par ailleurs, l'Assemblée nationale a institué un régime spécial de taxation sur les opérations de vente et de location sous forme physique ou dématérialisée d'oeuvres ou de documents audiovisuels à caractère pornographique ou de très grande violence.

Par conséquent, il ne me semble pas opportun, à ce stade, d'accroître encore les recettes du CNC pour 2006.

Je vous demande donc, monsieur Jégou, de bien vouloir retirer votre amendement.

M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.

M. Gérard Longuet. Aux excellentes raisons présentées par M. le rapporteur général pour justifier sa demande de retrait, j'en ajouterai une autre, d'ordre philosophique. Le spectre hertzien n'est pas du domaine de l'Etat, c'est une res nullius sur laquelle l'Etat peut exercer un pouvoir de police, mais dont il n'est pas propriétaire.

Par conséquent, si M. Jégou peut imposer une redevance de police, en revanche, il ne peut imposer une redevance domaniale.

M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.

M. Michel Charasse. Je crois, comme l'ont dit à la fois le rapporteur général et le ministre, que cette affaire n'est pas mûre. Mais je suis en léger désaccord avec Gérard Longuet.

L'amendement n° I-267 comporte deux parties : dans l'une, il vise à créer une redevance, dans l'autre, il tend à en régler l'affectation.

S'agissant de l'affectation, je suis pour ma part extrêmement réservé. En effet, plus on donne d'argent à ces gens, plus ils en dépensent, n'en ayant jamais assez. Il faut absolument prévoir une contrepartie à cet effort supplémentaire du contribuable. Or, en l'espèce, il n'y en a pas, c'est-à-dire que l'on ne demande aucune prestation en contrepartie de la manne financière nouvelle.

En ce qui concerne la redevance, en revanche, je ne suis pas d'accord avec Gérard Longuet. Il a toujours été entendu que le domaine des ondes était un domaine public et qu'on ne pouvait y accéder que par des permissions de voirie, comme cela existe pour le domaine public en général.

Or, c'est quand même l'un des rares cas où il n'existe pas de redevance, si l'on excepte les paillotes corses.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Laissez-les vivre ! (Sourires.)

M. Michel Charasse. Les paillotes corses, c'est un autre problème, on s'arrange... Je n'en parle pas, car, dès que j'évoque le sujet, M. Marini se lève, non pas parce qu'il s'agit de paillotes, mais parce qu'elles sont corses ! (Nouveaux sourires.)

Il ne serait donc pas inutile, monsieur le ministre, que le Gouvernement étudie, peut-être pour l'année prochaine, la création d'une redevance domaniale pour l'utilisation du domaine public des ondes, et fasse des propositions en ce sens. Mais il ne faut pas, selon moi, enterrer l'affaire. La question qui est soulevée est intéressante, car il s'agit d'un bien public qui ne produit aucun revenu, ce qui n'est pas normal.

M. Gérard Longuet. L'air est un bien public ; il faut le taxer !

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Jégou, pour explication de vote.

M. Jean-Jacques Jégou. Je voudrais dire à mon ami Gérard Longuet que l'accès à l'UMTS a été largement taxé,...

M. Gérard Longuet. Oui, mais ce fut une erreur des socialistes.

M. Jean-Jacques Jégou. ...et que l'on pourrait donc procéder exactement de la même façon pour le domaine hertzien.

Cela étant dit, compte tenu de l'imprécision qui caractérise ce dossier et du débat qui s'est instauré, étant aussi moi très respectueux des contraintes financières, je retire cet amendement.

M. le président. L'amendement n° I -267 est retiré.

Art. additionnels après l'art. 16 bis
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Art. additionnels après l'art. 17

Article 17

I. - Le 5° du 1 de l'article 39 du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Dans le dix-huitième alinéa, la dernière phrase est remplacée par deux phrases ainsi rédigées :

« Pour l'application de la phrase précédente, constituent des titres de participation les parts ou actions de sociétés revêtant ce caractère sur le plan comptable. Il en va de même des actions acquises en exécution d'une offre publique d'achat ou d'échange par l'entreprise qui en est l'initiatrice ainsi que des titres ouvrant droit au régime des sociétés mères ou, lorsque leur prix de revient est au moins égal à 22 800 000 €, qui satisfont aux conditions ouvrant droit à ce régime autres que la détention de 5 % au moins du capital de la société émettrice, si ces actions ou titres sont inscrits en comptabilité au compte de titres de participation ou à une subdivision spéciale d'un autre compte du bilan correspondant à leur qualification comptable. » ;

2° Après le dix-neuvième alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« Toutefois, les dotations aux provisions pour dépréciation comptabilisées au titre de l'exercice sur l'ensemble des titres de participation définis au dix-huitième alinéa ne sont pas déductibles à hauteur du montant des plus-values latentes existant à la clôture du même exercice sur les titres appartenant à cet ensemble. Pour l'application des dispositions de la phrase précédente, les plus-values latentes, qui s'entendent de la différence existant entre la valeur réelle de ces titres à la clôture de l'exercice et leur prix de revient corrigé des plus ou moins-values en sursis d'imposition sur ces mêmes titres, sont minorées du montant des provisions non admises en déduction au titre des exercices précédents en application de la même phrase et non encore rapportées au résultat à la clôture de l'exercice. Le montant des dotations ainsi non admis en déduction est affecté à chaque titre de participation provisionné à proportion des dotations de l'exercice comptabilisées sur ce titre.

« Les dotations aux provisions non admises en déduction au titre d'un exercice et affectées à un titre de participation en application de l'alinéa précédent viennent minorer le montant des provisions pour dépréciation sur ce titre rapporté au résultat des exercices ultérieurs. » ;

3° Dans le vingt-sixième alinéa, les mots : « vingt-cinquième alinéa » sont remplacés par les mots : « vingt-septième alinéa » ;

4° Dans le vingt-septième alinéa, les mots : « en application des vingt-cinquième et vingt-sixième alinéas » sont remplacés par les mots : « en application des vingt-septième et vingt-huitième alinéas » ;

5° Dans le vingt-neuvième alinéa, les mots : « vingt-cinquième à vingt-huitième alinéas » sont remplacés par les mots : « vingt-septième à trentième alinéas » ;

6° Il est ajouté deux alinéas ainsi rédigés :

« Les dotations aux provisions pour dépréciation comptabilisées au titre de l'exercice sur l'ensemble des immeubles de placement ne sont pas déductibles à hauteur du montant des plus-values latentes sur ces mêmes immeubles existant à la clôture du même exercice. Pour l'application de cette disposition, constituent des immeubles de placement les biens immobiliers inscrits à l'actif immobilisé et non affectés par l'entreprise à sa propre exploitation industrielle, commerciale ou agricole ou à l'exercice d'une profession non commerciale, à l'exclusion des biens mis à la disposition ou donnés en location à titre principal à des entreprises liées au sens du 12 de l'article 39 affectant ce bien à leur propre exploitation. Pour l'application des dispositions de la première phrase, les plus-values latentes, qui s'entendent de la différence existant entre la valeur réelle de ces immeubles à la clôture de l'exercice et leur prix de revient corrigé des plus ou moins-values en sursis d'imposition sur les immeubles appartenant à cet ensemble, sont minorées du montant des provisions non admises en déduction au titre des exercices précédents en application de la même phrase et non encore rapportées au résultat à la clôture de l'exercice.

« Le montant total des dotations aux provisions non admises en déduction au titre de l'exercice en application de l'alinéa précédent vient minorer le montant total des provisions pour dépréciation des immeubles de placement rapporté au résultat des exercices ultérieurs. »

II. - L'article 209 du même code est complété par un VI ainsi rédigé :

« VI. - Les dispositions du vingtième alinéa du 5° du 1 de l'article 39 s'appliquent distinctement aux titres de participation mentionnés au a quinquies du I de l'article 219 et aux autres titres de participation. »

III. - Un décret fixe les modalités d'application des dispositions des I et II, notamment les obligations déclaratives.

IV. - Les dispositions des I et II s'appliquent aux exercices clos à compter du 31 décembre 2005.

M. le président. L'amendement n° I-7, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Compléter le second alinéa du texte proposé par le 2° du I de cet article pour insérer deux alinéas après le dix-neuvième alinéa du 5° du 1 de l'article 39 du code général des impôts par une phrase ainsi rédigée :

Pour l'application de ce même alinéa, la valeur réelle des titres de participation admis aux négociations sur un marché d'instruments financiers et dont une fraction significative du capital de l'émetteur fait l'objet de telles négociations est déterminée par référence au cours de bourse, corrigé le cas échéant d'une prime correspondant au contrôle, au sens de l'article L. 233-3 du code de commerce, exercé par le détenteur de ces titres sur l'émetteur.

La parole est à M. le rapporteur général

M. Philippe Marini, rapporteur général. Je rappelle tout d'abord que l'article 17 vise à compléter le nouveau régime des plus-values de long terme sur les participations qui a été défini, l'an dernier, sur l'initiative conjointe de la commission des finances du Sénat et du Gouvernement.

Cet article a pour objet d'instaurer un plafonnement à hauteur des moins-values latentes nettes de la déductibilité des provisions pour dépréciation sur l'ensemble des titres de participation. Par ailleurs, il étend ce même plafonnement aux immeubles de placement.

Dans ce contexte, monsieur le ministre, la commission aurait souhaité qu'une précision soit apportée quant à la méthode de valorisation des titres de participation cotés, explicitant la notion de valeur réelle des titres. Il nous apparaît que cette valeur réelle est déterminée lorsqu'on est en présence de titres cotés par référence aux cours de bourse à condition, bien entendu, que le marché soit suffisamment liquide.

Un tel cours est corrigé, le cas échéant, lorsqu'il s'agit d'une participation vraiment significative, d'une prime de contrôle. Dans ce contexte, la référence faite à la valeur réelle, sans davantage de précisions, peut être, dans certains cas, certaines circonstances, une source d'incertitude juridique.

Nous partageons, monsieur le ministre, votre souci de parvenir à une certaine harmonisation des pratiques comptables et fiscales.

D'une part, nous faisons état de l'approbation récente par la Commission européenne, dans le cadre du règlement du 15 novembre 2005, de la norme internationale IFRS-39 relative à l'option, à la juste valeur, pour les instruments financiers. D'autre part, nous nous référons au débat que nous avons eu très récemment ici même avec M. Breton à propos du projet de loi sur les offres publiques, qui opérait la transposition de récents textes communautaires.

Monsieur le ministre, sans développer plus les argumentations qui se trouvent dans mon rapport écrit, je souhaite donc, à l'aide de cet amendement, que vous nous apportiez les précisions nécessaires.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Monsieur le rapporteur général, l'amendement que vous nous soumettez est très intéressant. Néanmoins, j'aimerais, à travers les réponses que je vais vous apporter, vous convaincre de le retirer. Il doit être possible de trouver un dispositif sans forcément aller jusqu'à la norme.

En résumé, vous proposez que, pour l'application du dispositif, la valeur réelle des titres soit égale au cours de bourse pour les titres côtés. Je partage totalement votre souhait de sécuriser les entreprises. D'ailleurs, de ce point de vue, je vous rappelle que, selon les règles comptables, la valorisation des titres cotés ne s'effectue pas uniquement par référence au cours de bourse. Ainsi, ce cours doit être étayé par d'autres méthodes permettant d'évaluer la valeur économique des titres, ne serait-ce que pour éviter qu'une brutale variation du cours, à la suite d'informations erronées publiées dans un journal, ou une spéculation passagère ne se traduisent par une forte volatilité de la valorisation de ces titres dans le bilan des actionnaires.

Je crains toutefois que votre proposition, en insérant une définition fiscale de la valeur réelle dans la loi, ne crée une nouvelle distorsion fiscale et comptable et donc un double suivi. C'est pourquoi je vous propose plutôt - et considérez qu'il s'agit d'un engagement ferme de ma part - de demander à mes services de publier une instruction administrative qui préciserait que les plus-values latentes évaluées à partir du cours de bourse moyen du mois de clôture ne seront pas remises en cause. Les entreprises resteront libres d'adopter ou non cette méthode.

Ainsi, vos interrogations trouveraient une réponse sans que le risque soit pris d'introduire la distorsion dont j'ai parlé.

Sous le bénéfice de cet engagement, je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement.

M. le président. Monsieur le rapporteur général, l'amendement n° I-7 est-il maintenu ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. J'ai écouté avec une grande attention les explications du ministre, qui vont dans le sens souhaité par la commission, c'est-à-dire la sécurité juridique pour les entreprises. La crainte d'une trop forte volatilité me semble pouvoir être compensée par la prise en compte d'une période suffisante d'observation et d'appréciation des cours.

Monsieur le ministre, vos propos et votre engagement de publier sur ce sujet une instruction fiscale à laquelle nous serons très attentifs nous laissent penser que nos préoccupations sont prises en compte. C'est pourquoi, à ce stade de la discussion, je retire l'amendement.

M. le président. L'amendement n° I - 7 est retiré.

L'amendement n° I-274, présenté par M. Badré, est ainsi libellé :

Compléter cet article par trois paragraphes ainsi rédigés :

V - Le a quinquies du I de l'article 219 du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Par exception à l'alinéa précédent, la fraction des moins-values à long terme minorée du montant afférent aux provisions pour dépréciation des titres visées au 5° du 1 de l'article 39 existant à l'ouverture du premier des exercices ouverts à compter du 1er janvier 2006 peut être déduite des résultats nets de la concession de licences d'exploitation de brevets d'inventions brevetables. »

VI - Le V est applicable aux exercices clos à compter du 31 décembre 2005.

VII - Les pertes de recettes éventuelles pour l'Etat sont compensées, à due concurrence, par un relèvement des droits visés à l'article 1001 du code général des impôts.

La parole est à M. Denis Badré.

M. Denis Badré. Si nous voulons servir l'emploi d'aujourd'hui et, surtout, l'emploi de demain et d'après-demain en France, il nous faut soutenir au maximum l'innovation et la recherche.

Par ailleurs, notre amendement s'inscrit aussi très clairement dans le contexte du débat que nous aurons, dans quelques semaines, lors de l'examen du projet de loi sur la recherche. En effet, il vise à inciter les entreprises françaises à s'impliquer davantage dans cet effort de soutien à l'innovation et à la recherche en permettant à celles qui ont exposé des dépenses de recherche ayant abouti à des dépôts de brevets de continuer à imputer les pertes qu'elles n'ont pu déduire jusqu'à présent de leur base taxable.

Monsieur le ministre, récemment, vous rappeliez que vos services avaient évalué à un milliard d'euros le coût d'un bon nombre des amendements que nous avions à examiner. Ce n'est certainement pas le cas de celui-là dans la mesure où il a surtout pour objet d'adresser un signal fort aux entreprises afin de les inciter à s'engager sur la voie du dépôt de brevets. Dans la mesure où elles seraient relativement peu nombreuses, il s'agit plus d'une question de principe et de symbole que d'une disposition fiscale lourde.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. M. Badré se souvient que nous avons, dans la loi de finances rectificative, voilà près d'un an, introduit un dispositif qui a conduit à l'abaissement du taux d'imposition des plus-values de long terme hors titre de participation de 19 % à 15 %. Il se souvient aussi que le coût de ce nouveau dispositif était en particulier gagé par une exit tax.

Dans ce cadre, les opérations relatives aux redevances sur brevets ont pu faire l'objet d'un traitement fiscal sensiblement plus favorable qu'auparavant.

Par ailleurs, le Gouvernement a défendu, au cours de cette année 2005, le régime fiscal favorable aux concessions de brevets qui avait été contesté par plusieurs autres États membres de l'Union européenne.

Même s'il est opportun d'adresser un signal, mieux vaudrait sans doute, dans un premier temps, observer la mise en oeuvre de la réforme que nous avons très largement contribué à mettre en place l'an passé.

Sous réserve des appréciations de M. le ministre, la commission des finances a estimé qu'il serait préférable de retirer cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Je partage l'avis de M. le rapporteur général.

La logique de cette réforme créant deux catégories distinctes de plus-values à long terme suppose une règle d'imputation exclusive des moins-values sur les plus-values de même nature. Rien ne justifie que l'on permette l'imputation de pertes se rapportant aux éléments relevant du secteur exonéré sur des produits soumis au taux de 15 %. En particulier, chacun peut comprendre que ce serait d'une grande complexité.

En outre, je voudrais insister sur le fait que le secteur de la recherche profite pleinement de la réforme engagée l'année dernière. Je comprendrais mieux le dépôt d'un tel amendement si le Gouvernement était inerte sur ce sujet, mais il ne l'est nullement, comme le démontrent non seulement la mise en place des dispositifs concernant le crédit d'impôt recherche, mais aussi l'ensemble du programme que nous mettons en oeuvre cette année.

Telles sont les raisons pour lesquelles je vous demanderai de bien vouloir retirer votre amendement, monsieur Badré.

M. le président. Monsieur Badré, l'amendement n° I-274 est-il maintenu ?

M. Denis Badré. Je remercie M. le rapporteur général d'avoir resitué cet amendement dans le contexte des travaux que nous avions menés l'année dernière à l'occasion de l'élaboration de la loi de finances rectificative.

Cela étant, le problème est réel et mérite une réflexion approfondie.

Les entreprises françaises qui perçoivent des redevances sur brevets, taxables au taux de 15 %, et qui présentent des moins-values à long terme relatives à la cession de participations, secteur désormais assujetti au taux de 8 %, se trouvent pénalisées par les effets de la réforme et subissent une sorte de contrecoup, qu'il faudrait pouvoir corriger.

J'ai lancé un appel à la commission des finances du Sénat et cet amendement tend, en fait, à inviter le Gouvernement à se montrer très actif sur ce sujet.

M. le ministre ayant souligné à juste titre la complexité du problème, je donne bien sûr acte au Gouvernement du fait qu'il n'est pas inactif, et je retire l'amendement.

M. le président. L'amendement n° I-274 est retiré.

Je mets aux voix l'article 17.

(L'article 17 est adopté.)

Art. 17
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2006
Art. additionnels avant l'art. 17 bis

Articles additionnels après l'article 17

M. le président. L'amendement n° I-272, présenté par MM. Badré et  Jégou, est ainsi libellé :

Après l'article 17, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Le b du 1 de l'article 145 du code général des impôts est abrogé.

II. - Les dispositions du I sont applicables aux revenus distribués ou répartis perçus à compter du 1er janvier 2006.

III. - La perte de recettes pour l'État est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575, 575 A et 575 B du code général des impôts.

La parole est à M. Denis Badré.

M. Denis Badré. Cet amendement vise à étendre le régime fiscal des sociétés mères à toutes les personnes morales, quel que soit le niveau de leur participation dans le capital de la filiale.

En effet, la suppression de l'avoir fiscal adoptée dans la loi de finances pour 2004 rend définitive la double imposition des dividendes versés entre sociétés ne bénéficiant pas du régime « mère-fille ».

Or cela peut avoir des conséquences fâcheuses au plan économique. Ainsi, les entreprises françaises qui souhaiteraient investir dans d'autres entreprises, à l'occasion, par exemple, de privatisations, seraient doublement imposées et donc défavorisées par rapport aux sociétés étrangères, ce que bien entendu nous voulons éviter.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission fait remarquer que le régime fiscal évoqué s'applique aux sociétés mères soumises au taux normal de l'impôt sur les sociétés, quelle que soit leur nationalité, et à leurs filiales françaises et étrangères.

Ce régime est plus favorable que le régime communautaire, puisque la directive concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et aux filiales d'États membres différents prévoit que le taux minimal de détention du capital d'une filiale par une société mère européenne soit progressivement réduit de 25 % à l'origine à 10 % pour les dividendes distribués à compter du 1er janvier 2009, alors que ce taux minimal est fixé à 5 % dans le code général des impôts.

Il nous semble donc qu'il faut inscrire la réflexion dans cette perspective. En outre, le coût potentiel de la disposition présentée par nos collègues est assez élevé.

Sous le bénéfice de ces explications, la commission des finances souhaiterait le retrait de cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Je souhaiterais moi aussi le retrait de cet amendement.

En effet, comme vient de le dire fort justement M. le rapporteur général, les sociétés françaises sont tout à fait compétitives, et même avantagées, par rapport à leurs concurrentes européennes dans le domaine considéré.

En outre, il s'agit tout de même d'une disposition à 5 milliards d'euros ! Je sais que la compétitivité n'a pas de prix, mais quand même ! On en fait des choses, avec 5 milliards d'euros !

M. Jean-Jacques Jégou. On en reparlera tout à l'heure !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Je vois que M. Jégou me réserve quelques surprises ! (Sourires.)

M. Jean-Jacques Jégou. Mais non ! (Nouveaux sourires.)

M. Jean-François Copé, ministre délégué. J'espère que ce seront de bonnes surprises, des surprises gagées !

Quoi qu'il en soit, même si 5 milliards d'euros représentent une estimation haute, car mes services ont toujours la main un peu lourde à cet égard, l'adoption de la disposition présentée coûterait cher.

Pour toutes ces raisons, je souhaiterais le retrait de cet amendement.

M. le président. Monsieur Badré, l'amendement n° I-272 est-il maintenu ?

M. Denis Badré. Monsieur le ministre, nous sommes les premiers à souhaiter que le déficit de l'État soit réduit le plus rapidement possible.

Je n'insisterai donc pas, car le coût fiscal de la mesure présentée est élevé. Cela étant, il existe aussi un coût économique du retrait de cet amendement. Il faut donc essayer de comparer l'un et l'autre, et je souhaiterais que, dès que la situation financière du pays le permettra, nous puissions reprendre cette question.

Si mon collègue Jean-Jacques Jégou m'y autorise, je suis disposé à retirer l'amendement. (M. Jean-Jacques Jégou acquiesce.)

M. le président. L'amendement n° I-272 est retiré.

Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° I-189 rectifié bis, présenté par MM. Darniche,  P. Dominati et  Retailleau, est ainsi libellé :

Après l'article 17, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Il est inséré, après le I de l'article 151 septies du code général des impôts, un paragraphe ainsi rédigé :

« ...  -Les plus-values réalisées lors de la cession de tout ou partie d'une entreprise commerciale, artisanale ou libérale sont réduites d'un abattement de 10 % pour chaque année de détention au-delà de la cinquième année. »

La parole est à M. Philippe Dominati.

M. Philippe Dominati. Il est proposé d'aligner en partie le régime fiscal des plus-values visées sur celui qui est applicable depuis 2004 aux plus-values immobilières, en exonérant les actifs détenus depuis plus de quinze ans.

Il serait impensable que les sociétés détenues sous forme d'actions, d'une part, et les sociétés détenues en biens propres, d'autre part, soient soumises à des régimes de plus-values différents.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° I-193 rectifié est présenté par MM. Mouly et  Seillier.

L'amendement n° I-239 rectifié est présenté par Mmes Sittler et  Keller, MM. Grignon et  Richert, Mmes Mélot et  Procaccia et M. Poniatowski.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l'article 17, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. Après le I de l'article 151 septies du code général des impôts, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :

« ... - Les plus-values réalisées lors de la cession de tout ou partie d'une entreprise commerciale, artisanale ou libérale sont réduites d'un abattement de 10 % pour chaque année de détention au-delà de la cinquième année. »

II. Les pertes de recettes résultant pour l'État de l'abattement de 10 % sur les plus-values résultant de la cession de tout ou partie d'une entreprise commerciale, artisanale ou libérale sont compensées par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

L'amendement n° I-193 rectifié n'est pas soutenu.

La parole est à Mme Esther Sittler, pour présenter l'amendement n° I-239 rectifié.

Mme Esther Sittler. Le présent amendement vise à aligner le régime des plus-values résultant de la cession de tout ou partie d'une entreprise sur celui qui est applicable depuis 2004 aux plus-values immobilières et qui débouche sur une exonération totale au bout de quinze ans.

Il convient de mettre fin à la coexistence tout à fait anormale de deux régimes de plus-values différents, s'appliquant l'un aux sociétés détenues sous forme d'actions, l'autre aux sociétés détenues en biens propres.

À l'occasion de l'examen du projet de loi en faveur des petites et moyennes entreprises, M. Renaud Dutreil s'était engagé à introduire une telle disposition dans le projet de loi de finances.

M. le président. L'amendement n° I-196, présenté par M. Mercier et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :

Après l'article 17, insérer un article additionnel ainsi  rédigé :

I - Le I de l'article 151 septies du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les plus-values réalisées lors de la cession de tout ou partie d'une entreprise commerciale, artisanale ou libérale sont réduites d'un abattement de 10 % pour chaque année de détention au-delà de la cinquième année. »

II - Les pertes de recettes résultant éventuellement, pour l'État, de l'application du I du présent article sont compensées, à due concurrence, par un relèvement des droits visés à l'article 150 V bis du code général des impôts. 

La parole est à M. Denis Badré.

M. Denis Badré. Il s'agit toujours de réduire les distorsions inexplicables et fâcheuses qui peuvent exister, sur le plan fiscal, entre sociétés détenues sous forme d'actions et sociétés détenues en biens propres, s'agissant cette fois des plus-values réalisées lors de la cession de tout ou partie d'une entreprise.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Monsieur le ministre, vous avez annoncé que, dans le projet de loi de finances rectificative qui sera prochainement examiné par le Sénat, figure un dispositif nouveau de réforme du régime des plus-values réalisées à l'occasion de la cession de valeurs mobilières.

Dans cette optique, je voudrais inviter nos collègues auteurs d'amendements similaires à retirer ceux-ci, afin que nous puissions avoir un débat global lors de l'examen du collectif budgétaire.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Je fais mienne la position de M. le rapporteur général.

Il s'agit, je tiens à le dire à l'ensemble des sénateurs qui ont déposé des amendements sur ce thème, d'un sujet passionnant et essentiel, sur lequel nous avons pris un certain nombre d'engagements. La réforme du régime des plus-values que je serai amené à soumettre prochainement au Sénat ira, à mon sens, très largement dans le sens de leurs souhaits. Dans l'attente du débat de fond que nous aurons à cette occasion, je souhaiterais qu'ils acceptent de retirer leurs amendements.

M. le président. Monsieur Dominati, l'amendement n° I-189 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Philippe Dominati. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° I-189 rectifié bis est retiré.

Madame Sittler, l'amendement n° I-239 rectifié est-il maintenu ?

Mme Esther Sittler. Je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° I-239 rectifié est retiré.

Monsieur Badré, l'amendement n° I-196 est-il maintenu ?

M. Denis Badré. Je me range toujours sous la bannière de la commission des finances, surtout après un appel du Gouvernement ! (Sourires.)

M. le président. L'amendement n° I-196 est retiré.

Art. additionnels après l'art. 17
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2006
Art. 17 bis

Articles additionnels avant l'article 17 bis

M. le président. L'amendement n° I-74, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Vera et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Avant l'article 17 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Le dernier alinéa du 2° de l'article 885 A du code général des impôts est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« Les biens professionnels définis aux articles 885 N à 885 Q sont pris en compte pour l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune.

« Lorsque le patrimoine comprend des biens professionnels, le plancher à partir duquel le tarif de l'impôt est applicable est porté à 920 000 euros. »

II. - Après l'article 885 U du même code, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :

« Art. ... - Les biens professionnels sont inclus dans les bases de l'impôt pour 50 % de leur valeur. Le taux d'intégration varie pour chaque contribuable en fonction de l'évolution du ratio masse salariale/valeur ajoutée des sociétés et entreprises où sont situés les biens professionnels qu'ils possèdent sur la base suivante :

Évolution du ratio masse salariale/valeur ajoutée

% - Taux d'intégration

Égale ou supérieure à une évolution de 2 points

15

Égale ou supérieure à une évolution de 1 point

35

Égale à 1

50

Entre 1 et -1

65

Entre -1 et -2

85

Entre -2 et -3

100

Entre -3 et -4 et au-delà

125

« Un décret d'application visera à prévenir les tentatives d'utiliser ce système de modulation pour essayer de diminuer de façon injustifiée la contribution à l'impôt de solidarité sur la fortune. »

La parole est à M. Bernard Vera.

M. Bernard Vera. Cet amendement vise à ce que les biens professionnels soient intégrés dans l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune. Le taux d'intégration de ces biens serait modulé en fonction des choix faits par l'entreprise en matière d'emploi et de salaires. Il s'agit de concevoir l'ISF comme un levier d'action pour l'emploi et contre la précarité.

En proposant l'intégration dans l'assiette de l'ISF des biens professionnels tout en modulant les taux du barème, nous entendons atteindre un double objectif de justice et d'efficacité.

En effet, rien ne justifie que les biens professionnels ne soient pas considérés comme une richesse, au même titre que les autres formes de biens.

En outre, nous souhaitons que la fiscalité contribue à la dynamique de l'emploi, à la cohésion sociale et à la réparation sociale. Nous voulons pénaliser ceux qui pratiquent une économie de rente, en laissant dormir des biens professionnels, et qui ne participent pas à l'activité économique et au développement de l'emploi.

Plutôt que de réduire la portée de l'ISF, il faut, au contraire, étendre à toutes les formes de biens l'application du principe de justice sociale et de solidarité qui sous-tend cet impôt.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Il s'agit d'un amendement de caractère presque rituel. (Sourires.) La commission des finances le considère comme anti-économique, et émet donc un avis tout à fait défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Votre prompt renfort, monsieur le rapporteur général, nous encourage à souligner que le temps de la lutte des classes est quelque peu révolu et qu'il nous faut maintenant regarder vers l'avenir !

De ce point de vue, j'invite les sénateurs du groupe CRC à considérer que, dans le domaine qui nous occupe, pour regarder vers l'avenir, il faut tordre le cou à de vieux démons dont la survie n'apporte rien ni à l'emploi ni à la compétitivité de la France, sujets sur lesquels je n'imagine pas qu'ils ne veuillent pas travailler avec nous.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-74.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° I-38 est présenté par MM. Massion,  Masseret,  Angels et  Auban, Mme Bricq, MM. Charasse,  Demerliat,  Frécon,  Haut,  Marc,  Miquel,  Moreigne,  Sergent et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° I-75 est présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Vera et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Avant l'article 17 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 885 I bis du code général des impôts est abrogé.

La parole est à M. François Marc, pour présenter l'amendement n° I-38.

M. François Marc. Cet amendement tend à remettre en cause les cadeaux fiscaux accordés, en matière d'ISF, par la majorité et le Gouvernement, notamment au travers de la loi pour l'initiative économique.

Il vise plus précisément la possibilité, pour une personne partie à un pacte d'actionnaires représentant 20 % seulement des droits d'une société où elle exerce sa fonction principale, de se soustraire à l'ISF.

En effet, appuyé par un discours relatif à l'exonération de l'outil de travail, alors que celui-ci n'a jamais été inclus dans l'assiette, le dispositif existant permet en fait d'échapper à l'ISF dans des conditions particulièrement souples.

Il serait intéressant de connaître quel a été, jusqu'à présent, le coût exact de cette mesure. Si les éléments chiffrés existent, il faut nous les fournir. Il ne suffit pas de dire que le rendement de l'ISF a augmenté, car cela signifie seulement que les fortunes s'accroissent. On peut s'en réjouir, mais si l'assiette de l'ISF n'avait pas été réduite, son rendement progresserait davantage encore.

Le mécanisme dit « du pacte d'actionnaires » traduisant donc bien sous le prétexte de l'emploi, le souci de la droite de réduire l'ISF, nous proposons l'abrogation de ce dispositif.

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour présenter l'amendement n° I-75.

M. Thierry Foucaud. Par cet amendement, nous vous proposons de supprimer une disposition adoptée par le Sénat, sur l'initiative de M. Badré, lors de l'examen du projet de loi pour l'initiative économique présenté, en 2003, par Renaud Dutreil. Cette disposition, devenue l'article 885 I bis a constitué l'un des premiers assauts contre l'ISF.

Selon la loi Dutreil, les dirigeants d'entreprise sont totalement exonérés d'ISF sur leurs actions dans l'entreprise, dès lors qu'elles représentent plus de 50 % de leur patrimoine. D'après le journal Les Échos, expert en la matière, le projet de loi de finances pour 2006 permettra aux actionnaires qui n'étaient pas concernés par le présent dispositif de bénéficier du même allégement.

Cette disposition de la loi Dutreil avait été présentée, à l'époque, comme étant nécessaire pour l'emploi. La réalité est tout autre. Il s'agit de permettre à 5 000 détenteurs de grosse fortune de se répartir une galette de plus de 20 millions d'euros.

Thomas Piketty, économiste bien connu...

M. Philippe Marini, rapporteur général. Économiste partisan !

Mme Nicole Bricq. Il y en d'autres !

M. Thierry Foucaud. Écoutez-nous, monsieur le rapporteur général. La vérité ne vient pas que d'un côté !

M. Philippe Marini, rapporteur général. La vérité est pluraliste !

M. Thierry Foucaud. Thomas Piketty, dont nous partageons ici le point de vue, écrit que, désormais, il ne sera plus nécessaire de travailler dans l'entreprise puisqu'il suffira de signer un pacte avec un groupe d'actionnaires, dont au moins un travaille dans l'entreprise, pour être exonéré.

Nous risquons d'assister à une multiplication de pactes d'actionnaires purement artificiels dans l'unique but de bénéficier d'exonérations fiscales.

Vous parliez de lutte des classes ; je serais tenté de dire que votre choix de classe est connu : vous entendez aider les plus riches.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Aider l'emploi !

M. Thierry Foucaud. Votre stratégie, de spéculation financière notamment, qui favorise de manière outrancière et provocatrice l'actionnariat, le dividende, au détriment de l'investissement créateur d'emplois, est clairement exposée dans cet article 885 I bis du code général des impôts, de même que dans l'article 17 bis du projet de loi de finances, qui en constitue une suite logique et amplifiée.

Ce sont donc, là encore, deux conceptions de l'économie qui s'affrontent au travers de l'ISF et de l'exonération fiscale, ces deux questions étant intimement liées.

C'est donc le rapport entre le capital et le travail qui est affecté par vos coups de boutoir.

Le Gouvernement fait le contraire de ce qu'il dit. Il va même jusqu'à anticiper sur la mondialisation financière en se privant sciemment de moyens pour engager une politique alternative qui répondrait à la préoccupation du plus grand nombre.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. L'engagement collectif de conservation est conçu pour assurer, autant que faire se peut, la stabilité du capital d'entreprises qui pourraient, le cas échéant, faire l'objet d'offres de rachat de nature à déstabiliser leur gestion et leurs perspectives.

J'avoue comprendre mal les démarches visant à revenir sur ce dispositif. En effet, rappelons-nous, mes chers collègues, que l'impôt sur le patrimoine dont peuvent être redevables des actionnaires minoritaires peut, dans certains cas, être un levier les incitant à vendre leur participation. Cette vente, si elle perturbe le contrôle et la continuité de la stratégie des entreprises, est elle-même susceptible de créer des discontinuités et des dommages pour l'emploi et la poursuite de l'activité des entreprises concernées.

C'est bien à cette analyse, développée pendant de nombreuses années, que répond l'engagement collectif de conservation issu de la loi Dutreil.

La commission des finances tient à ce dispositif et elle est, évidemment, tout à fait hostile à sa suppression.

Mais, monsieur le ministre, puisque nous arrivons sur ce terrain, il nous semblerait nécessaire que vous fassiez un bilan de l'application de la mesure. Nous entendons des bruits contradictoires sur le sujet. Nous ne disposons pas d'éléments chiffrés probants pour savoir si loi Dutreil a rempli, ou non, son objectif.

En émettant, monsieur le ministre, un avis fermement défavorable sur ces, je voudrais manifester le souci de la commission des finances de disposer d'éléments tangibles pour dresser un véritable bilan.

Mme Nicole Bricq. Il n'y a pas de bilan possible !

M. Philippe Marini, rapporteur général. On peut en avoir un si l'on veut !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Tout en étant en désaccord avec ces amendements, je voudrais ajouter quelques observations à ce qui a été parfaitement dit par le rapporteur général.

Il serait souhaitable, dans ce débat économique et fiscal, que la gauche et la droite construisent les nouvelles bases d'un consensus. Je le dis comme je le pense !

Tout le discours fondé sur le slogan « À bas les riches ! » est dépassé !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Oh, je vous en prie !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Il est grand temps d'avoir un vrai débat afin de nous retrouver sur un certain nombre de points, car on ne peut pas, d'un côté, pleurer sur les délocalisations et, de l'autre, inciter certaines familles, au motif que les héritiers ne s'entendent plus ou qu'ils n'ont pas la vocation à reprendre l'entreprise,...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est du pipeau tout cela !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. ... à vendre l'entreprise au premier venu - à des fonds de pension étrangers, par exemple - et à quitter la France. C'est une question de bon sens !

Il serait dommage, compte tenu du grand nombre de sujets sur lesquels nous pouvons être en désaccord, d'y ajouter celui-là, pour deux raisons.

Premièrement, qu'on le veuille ou non, la formule du pacte d'actionnaires est une réponse à cette inquiétude.

Deuxièmement, vous-mêmes, communistes et socialistes, étiez, en d'autres temps, beaucoup moins hostiles à toutes ces mesures. Vous n'aviez pas franchi le pas de l'adoption parce que l'idéologie était encore très prégnante, mais je rappelle que c'est sous un gouvernement de gauche que l'on a mis en place un dispositif assez équivalent en matière de succession, par exemple. Or, à l'époque, il avait été adopté sans que l'on se demande si l'on était pour ou contre le grand capital, parce que c'était une mesure de bon sens.

En outre, en 1998, lors du débat sur l'ISF, M. Foucaud qui n'a pas changé depuis et qui, même s'il a pris, comme nous, quelques années, reste néanmoins constant, déclarait à propos de l'ISF : « Nous souhaitons que la fiscalité contribue à la dynamique de l'emploi. Nous pensons qu'il faut pénaliser ceux qui laissent dormir leurs biens. »

Or, avec le dispositif que nous proposons, il ne s'agit pas de faire dormir les biens, bien au contraire. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'esclaffe.) Le sujet dont nous traitons, sans être triste, ne me semble pas prêter à rire. Enfin, si cela vous détend, madame, tant mieux !

Le but du jeu est de comprendre que, sur de pareils sujets, la priorité est le maintien du capital, des activités économiques en France et que le pacte d'actionnaires y contribue pleinement.

S'agissant du bilan, monsieur Marini, vous savez qu'il est toujours difficile d'établir ce type de document et surtout risqué d'en tirer trop vite des conséquences.

Le seul chiffre dont je dispose concerne l'année 2004, la première année d'application du dispositif - on dénombrait alors 5 200 bénéficiaires - correspond à la période de démarrage. Je ne dispose évidemment pas du bilan de l'année 2005 et vous invite en conséquence à prendre le chiffre de l'année 2004 avec précaution.

Comme vous le savez, dans le dispositif que nous proposons, nous passons de 50 % à 75 %, ce qui constitue un encouragement.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Monsieur le ministre, 5 200 bénéficiaires pour combien d'engagements ?

M. Jean-François Copé, ministre délégué. On ne peut le savoir puisque l'estimation se fait sur déclaration, mais ce sont quand même 5 200 bénéficiaires qui auraient pu prendre d'autres dispositions.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Ce n'est pas rien !

M. le président. La parole est à M. Denis Badré, pour explication de vote.

M. Denis Badré. Je remercie notre collègue Thierry Foucaud, qui m'a fait l'honneur de rappeler que j'avais été l'un des premiers à donner des coups de boutoir au système de l'ISF sur le point dont nous débattons actuellement.

Il ne m'a nullement convaincu par son argumentation qu'il fallait revenir sur les raisons qui m'ont conduit, avec d'autres collègues, à déposer l'amendement qui est à l'origine de ce débat.

Je remercie également le ministre d'avoir indiqué, à l'instant, qu'il était disposé à répondre à l'attente de la commission et de notre assemblée pour engager un vrai débat, non pas forcément sur le principe de l'ISF, sur lequel pourraient s'opposer jusqu'à la fin des temps les tenants de certaines idéologies et ceux d'un grand pragmatisme économique.

Nous sommes tous d'accord pour considérer que, dans ses conditions d'application, l'ISF a de nombreux effets pervers et je ne parle pas du principe de cet impôt. Sur le point que nous évoquons aujourd'hui, il y avait effet pervers. Il a été corrigé. Ne cassons pas ce que nous avons reconstruit.

Nous vivons dans l'Union européenne et dans un monde ouvert : il faut donc en prendre conscience et en prendre acte une fois pour toutes.

Dans l'Union européenne, il faut éviter toute distorsion de concurrence et il est inutile de nous « plomber », de pénaliser nos entreprises et ceux qui sont disposés à entreprendre chez nous, au profit des concurrents que nous avons, y compris au sein de l'Union européenne.

Nous vivons par ailleurs dans un monde ouvert. La mission sur l'expatriation des compétences des capitaux et des entreprises que j'ai présidée au nom de votre assemblée et qui réunissait des représentants de tous les groupes, s'est, à la quasi-totalité de ses membres, ralliée à l'idée qu'il fallait étudier ces questions avec pragmatisme.

Je préfère des Français qui paieront moins d'ISF que des Français qui n'en paieront pas du tout parce qu'ils seront expatriés. S'ils restent dans notre pays, non seulement ces Français seront imposés au titre de l'ISF,...

M. Denis Badré. ... mais ils s'acquitteront aussi de tous les autres impôts, l'impôt sur le revenu, l'impôt sur les sociétés et créeront de l'activité qui générera d'autres impôts, notamment sur la consommation. Ainsi c'est une véritable boule de neige économique.

Il faut, dans ce domaine, avoir une analyse économique, pragmatique, objective, lucide plutôt qu'une approche fiscale idéologique et tout à fait rétrograde.

M. le président. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.

M. François Marc. J'ai quelque peine à comprendre les arguments développés à l'encontre de cet amendement.

En effet, rechercher un consensus pour dynamiser l'économie est un objectif louable que nous pouvons tous partager, mais il sera difficile à atteindre. Dès lors qu'il s'agit de distribuer des avantages à des personnes déjà favorisées, nous demandons des preuves pour être assurés qu'ils sont donnés à bon escient et qu'ils dynamisent l'économie.

Or, depuis trois ans et demi, nous avons entendu nos ministres de l'économie, notamment M. Francis Mer, nous dire qu'on allait baisser les impôts pour redonner confiance aux investisseurs et aux chefs d'entreprise, faire repartir l'économie et créer des emplois.

Trois ans et demi plus tard, si l'on compare l'économie française à celle des autres pays, on observe que ces cadeaux distribués aux plus aisés par le biais de baisses d'impôts n'ont en rien contribué à la dynamiser.

Aujourd'hui, on nous dit que, si des avantages n'avaient pas été distribués aux personnes soumises à l'ISF, 5 200 d'entre elles auraient pu prendre d'autres dispositions.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Sans parler de celles qui les ont prises.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Cela fait beaucoup d'emplois.

M. François Marc. Nous n'avons aucune indication crédible qui nous permette de porter une quelconque attention et d'accorder le moindre crédit à ce type de raisonnement. Nous demandons un véritable bilan.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous avez une approche doctrinale !

M. François Marc. C'est la raison pour laquelle nous avons souhaité que le coût de la mesure puisse être chiffré. Monsieur le ministre, il serait fort utile que, dans les semaines qui viennent, vous nous apportiez des précisions à cet égard.

En tout cas, nous avons le sentiment que ce genre d'avantages supplémentaires n'est qu'un mirage offert à la vision des décideurs et, comme chacun sait, le paroxysme du mirage, c'est le mirage inversé : en voulant améliorer la situation économique, on obtient exactement l'inverse, on décourage l'ensemble de l'opinion publique et l'économie va plus mal !

M. Denis Badré. Ce n'est pas un privilège que l'on institue, c'est un handicap que l'on supprime !

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.

M. Thierry Foucaud. Monsieur le ministre, vous avez rappelé la constance de notre position sur l'ISF, autrement dit sur le fait de taxer les plus riches pour donner un peu aux plus pauvres et satisfaire des besoins plus urgents plutôt que favoriser l'épargne des plus puissants.

En l'occurrence, il s'agit de récupérer 20 millions d'euros de remises d'impôt dont bénéficient 5 200 détenteurs de grosses fortunes, et cela précisément pour répondre à des besoins urgents.

Dans leur raisonnement, le rapporteur et le ministre usent d'un raccourci qui me semble assez hasardeux : les plus riches seraient les plus dynamiques et le fait qu'ils se délocalisent aurait un impact forcément désastreux sur l'économie française ! Il faudrait pouvoir l'étayer, comme viennent de le demander nos collègues socialistes, par une typologie précise de ceux qui choisissent l'expatriation pour des raisons strictement fiscales, afin de faire le tri entre les sportifs ou les mannequins célèbres, les investisseurs, les riches spéculateurs... Car on sait bien qu'il y a des départs qui n'obéissent pas qu'à des raisons fiscales.

En 2000, d'ailleurs, le Sénat reconnaissait que la fiscalité n'était pas la principale raison des départs à l'étranger. De même, des études de la direction générale des impôts relativisent fortement la validité de cet alarmisme qu'on nous ressert rituellement dès qu'il est question de l'ISF. J'évoquerai également le rapport d'information de M. Marini sur les délocalisés de l'ISF,...

M. Philippe Marini, rapporteur général. J'en suis fier !

M. Thierry Foucaud. ...dans lequel celui-ci émet quelques doutes.

C'est dire qu'il faut, d'une part, redistribuer ces 20 millions d'euros dont vous faites cadeau à 5 000 détenteurs de grosses fortunes et, d'autre part, nous communiquer des données chiffrées pour illustrer vos affirmations, et non pas des citations des uns et des autres datant de 1998 ou de 1999 ! (Mme Nicole Bricq applaudit.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. S'agissant de l'ISF, quelque chose me frappe toujours : chacun d'entre nous, lorsqu'on l'interroge sur les problèmes d'ordre économique que pose cet impôt, convient que celui-ci, tel que nous le pratiquons en France, est une anomalie. J'en veux pour preuve le rapport de M. Brard, député communiste, ou de celui de M. Charzat, du temps du « Fabius I ».

Mme Nicole Bricq. On en est au III !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Donc, lorsqu'on évoque ces questions en dehors du cadre formel de l'hémicycle, chacun reconnaît la nécessité de changer.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Justement, le problème est là !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Madame Borvo, vous avez une étrange conception de l'économie. Pour vous, la France est un sanctuaire : nous sommes dans un village de Gaulois et nous pouvons tout faire comme nous l'entendons, le monde extérieur n'existe pas !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ne nous prenez pas pour des imbéciles !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Savez-vous comment on désigne ces possesseurs de fortune, dans les pays voisins de la France ? On les appelle des « réfugiés fiscaux » !

Mme Nicole Bricq. Les pauvres !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous nous avez déjà fait pleurer sur les petits propriétaires de l'île de Ré !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Le problème ne se pose pas en termes de morale, de pauvres et de riches ; le problème est de savoir si nous voulons organiser aussi systématiquement la délocalisation du patrimoine et des fortunes hors du territoire national !

Si nous parvenions à nous abstraire des considérations idéologiques,...

Mme Nicole Bricq. Nous allons le faire !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. ...nous serions plus cohérents en termes de potentiel économique et de facteur de croissance, et la France y gagnerait.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce n'est pas de l'idéologie !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-François Copé, ministre délégué. J'évoquais tout à l'heure le groupe communiste, mais j'en ai aussi gardé un peu pour le groupe socialiste ! (Sourires sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF. - Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Je me prenais à rêver tout à l'heure que nous parvenions à changer de dimension, que nous cessions de faire toujours porter nos désaccords sur les mêmes sujets.

Lorsque vous êtes au Gouvernement et que vous êtes confrontés aux réalités, vous ne parlez plus des émigrés de Coblence, comme le fait Mme Bricq, dont je sais par ailleurs par ses prises de position qu'elle fait partie des gens à peu près lucides sur ces sujets. Là, vous vous faites plaisir avec les bons et les mauvais Français : ce débat est insupportable, il n'est plus de notre temps !

Pour répondre à M. Marc, je citerai les propos de M. Éric Besson, qui est, à ma connaissance, en charge des questions fiscales dans la nouvelle direction du parti socialiste et qui représente plutôt la jeune génération des dirigeants de cette formation. Que disait-il en 1999 ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le débat est d'un niveau extraordinaire !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Est-il d'un mauvais niveau parce que nous ne sommes pas d'accord avec vous, madame la présidente ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Parlons du fond !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. J'y arrive !

M. Eric Besson disait donc ceci : « Les investisseurs providentiels doivent être organisés et encouragés, notamment par le biais d'un aménagement de l'ISF en leur faveur. » C'est un premier élément de modernité. En voici un deuxième : « Cette situation conduit à réfléchir sur les moyens de sensibiliser les personnes disposant d'un patrimoine important à la création d'entreprise et de les inciter à investir dans ce domaine. Une telle incitation pourrait passer par un aménagement de l'ISF. »

M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est le « Besson I » ! (Sourires.)

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Troisième élément de modernité : « Cet aménagement prendrait la forme d'une exonération du montant de l'investissement réalisé en faveur d'une entreprise en création à hauteur d'un certain plafond, sur le modèle de celle applicable aux biens professionnels qui ne sont pas pris en compte dans l'assiette de l'ISF. »

M. Philippe Marini, rapporteur général. Ce n'est pas mal !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. C'est mieux que « pas mal », monsieur le rapporteur général !

Je le répète, il existe tellement de sujets sur lesquels la gauche et la droite, dans une République moderne, ont de quoi s'opposer !

Mme Nicole Bricq. On va en parler !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Il faudrait en finir avec ce sempiternel débat sur l'alourdissement de l'ISF que suscite la gauche lorsqu'elle est dans l'opposition, alors que la seule chose qui importe est de faire en sorte que notre système fiscal soit juste.

Et un impôt juste, ce n'est pas un système à la Robin des Bois, parce qu'il n'y aura jamais assez de riches pour payer pour les pauvres ! Le vrai sujet n'est pas celui-là et, à force de pointer du doigt certains de nos concitoyens, qu'on le veuille ou non, ils partent ! Alors, si l'on veut parler comme l'a fait Mme Bricq des émigrés de Coblence, on se fait plaisir, mais tout le monde sait que ce n'est pas le fond du sujet, qui est d'avoir un impôt juste.

Il ne s'agit pas de supprimer l'ISF pour le principe ; d'ailleurs personne ici ne dit vouloir le supprimer. (Moues dubitatives sur certaines travées.)

M. Christian Cambon. Tous les Européens l'ont supprimé !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Nous disons simplement qu'un certain nombre d'aménagements doivent être mis en oeuvre pour encourager la consolidation du capital et sa stabilité dans le temps...

Mme Nicole Bricq. Mais pas son accumulation toujours dans les mêmes mains !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Ne virez pas au trotskisme, madame Bricq ! Là, on revient à Karl Marx, la Ière Internationale, Le Capital ! Stop ! Arrêtez !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous, arrêtez de faire de l'idéologie, on vous demande des chiffres !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Notre idéologie n'est pas la vôtre et c'est notre droit !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Les chiffres, madame Borvo, ils sont dans le rapport Charzat !

Mais calmons-nous, le débat sur l'ISF ne fait que commencer !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos I-38 et I-75.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L'amendement n° I-73 rectifié, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Vera et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Avant l'article 17 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Dans le premier alinéa de l'article 885 I du code général des impôts, après le mot : « collection », sont insérés les mots : « visés à l'article 795 A ou présentés au moins trois mois par an au public dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État, les objets d'art dont le créateur est vivant au 1er janvier de l'année d'imposition »

II. - L'article 885 I du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le décret en Conseil d'État prévu au premier alinéa détermine notamment les conditions dans lesquelles les contribuables peuvent justifier que les objets qu'ils détiennent sont présentés au public ainsi que les modalités selon lesquelles ils peuvent souscrire une convention décennale avec les ministres chargés de la culture et des finances. »

III. - L'article 885 S du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La valeur des objets d'antiquité, d'art ou de collection autres que ceux exonérés en application de l'article 885 I est réputée égale à 3% de l'ensemble des autres valeurs mobilières et immobilières du patrimoine déclaré. Les redevables peuvent cependant apporter la preuve d'une valeur inférieure en joignant à leur déclaration les éléments justificatifs de la valeur des biens en cause. »

La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Par cet amendement, nous reprenons une proposition déjà ancienne de notre groupe, visant à ce que, dans le calcul de l'ISF, soient prises en compte les oeuvres d'art.

Une fois encore, la droite se plaint de l'injustice de l'ISF, qui taxerait trop, en particulier, les propriétaires immobiliers. Cette année, une étape supplémentaire est franchie avec votre prétendue réforme de l'ISF.

Nous proposition de prendre le chemin inverse, qui, me semble-t-il, serait plus logique et, en tout cas, plus conforme à un objectif de justice sociale : celui qui consiste à élargir l'assiette de l'ISF.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Voilà : changer, mais pour élargir l'assiette !

M. Thierry Foucaud. Pourquoi les oeuvres d'art, placement adulé des financiers soucieux de faire échapper leur fortune aux exigences de solidarité, ne seraient-elles pas considérées comme un élément de fortune ?

J'entends déjà les remarques sur la nécessité de préserver le patrimoine artistique national et d'éviter son expatriation, mais, comme vous, j'ai en mémoire que M. Pinault, l'une des plus grandes fortunes mondiales, avait réussi le tour de force de ne même pas payer d'impôt sur le revenu alors qu'il est l'un des collectionneurs de tableaux de maîtres les plus réputés de la planète.

Cette année, d'ailleurs, il s'est fait offrir une visite privée de la Foire internationale d'art contemporain de Paris, la FIAC, avant son ouverture. Pourtant, c'est à Venise qu'il faudra aller pour admirer sa collection.

Sans mettre en doute l'intérêt des uns et des autres pour l'art, que je veux bien croire sincère, nous ne sommes pas dupes au point de croire qu'il n'y a pas aussi, largement, une volonté de réaliser de l'optimisation fiscale grâce au contournement de l'ISF que permet ce type d'acquisition.

Il n'est donc pas possible de maintenir cette exonération, qui permet à l'injustice fiscale de perdurer et aux fortunes de se construire sans participer, là encore, à l'effort national.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Je voudrais rappeler que c'est grâce à l'influence d'un ministre du budget d'autrefois, Laurent Fabius, et d'un ancien Président de la République, François Mitterrand, que l'institution - désastreuse, de mon point de vue - de l'impôt sur les grandes fortunes avait épargné les oeuvres d'art.

MM. Gérard Longuet et Christian Cambon. Mais pas les entreprises !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Il faut leur rendre justice !

S'agissant des oeuvres d'art, mes chers collègues, l'exclusion de l'assiette de l'ISF, grâce à l'esprit de culture qu'avait le Président François Mitterrand, a réellement contribué à préserver le patrimoine national. Il faut avoir conscience que, si l'on taxait les antiquités, les oeuvres d'art, les collections, cela provoquerait tout naturellement une hémorragie de plus sur un marché qui est aujourd'hui mondial et très compétitif.

Madame Borvo, aujourd'hui, vous faites du collectivisme ancienne manière, du marxisme très ancienne manière, mais vous oubliez que vous aviez des amis qui, dans les années quatre-vingt, étaient au gouvernement et qu'à l'époque où les oeuvres d'art ont été exclues de l'assiette de l'impôt sur les grandes fortunes, vous étiez solidaire !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Non, nous avons toujours été pour leur inclusion !

M. Philippe Marini, rapporteur général. De grâce, cessons ce petit jeu qui ne rime absolument à rien, et essayons de viser l'intérêt national, qui impose, à l'évidence, le rejet de cet amendement ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La preuve par Pinault...

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-François Copé, ministre délégué. En ces années 2000, un bon débat budgétaire comprend nécessairement une petite séquence sur l'ISF !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Donc la fête continue et, après l'outil de travail, nous en arrivons maintenant aux objets d'art !

Qu'ajouter à ce qu'a excellemment rappelé M. Marini ? Il y avait effectivement, à l'époque, des ministres communistes et, à ma connaissance, ils n'ont pas démissionné !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quand on est dans la majorité, on fait quelquefois des compromis ! Regardez l'UDF !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Je pense particulièrement à M. Ralite, qui est sénateur aujourd'hui et qui est très attentif à ces sujets !

Mais j'aperçois M. Charasse qui nous rejoint pour cette petite « surboum » ! (Sourires.) Je ne résiste donc pas au plaisir de m'inspirer une nouvelle fois de sa doctrine. Il avait lui-même fait observer que, s'il avait réintroduit l'exonération en 1988, à une époque où il exerçait les fonctions que j'ai le plaisir et l'honneur d'occuper aujourd'hui, c'était tout simplement parce que la taxation des objets d'art, ça ne « tourne » pas. Et cela pour une raison simple : comment apprécier précisément dans un patrimoine la valeur d'une oeuvre d'art, alors qu'elle est nécessairement très fluctuante et que son estimation est donc parfaitement aléatoire ?

Ainsi, au-delà des aspects idéologiques excellemment rappelés par M. Marini, nous nous heurtons à des obstacles techniques.

Le Gouvernement émet, par conséquent, un avis extrêmement défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. Je veux rétablir une vérité historique et rappeler que c'est tout de même sur l'initiative du gouvernement de Pierre Mauroy, alors que Laurent Fabius était ministre du budget, qu'a été créé, dans la loi de finances pour 1982, l'impôt sur les grandes fortunes, l'IGF.

À cette époque, l'ambition était d'instaurer un impôt universel sur les fortunes, en y incluant les biens professionnels et les oeuvres d'art.

L'assiette retenue a finalement exonéré les oeuvres d'art, à la demande du ministre de la culture de l'époque et avec l'accord du Président de la République. Dans ces années-là, le marché de l'art était particulièrement déprimé sur la place de Paris, notamment en raison de la concurrence de Londres et de New York

M. Philippe Marini, rapporteur général. Ça ne s'est pas arrangé depuis !

Mme Nicole Bricq. C'est cela qui avait été pris en compte.

Par conséquent, je n'approuve pas trop les sous-entendus qu'on trouve çà et là dans la presse, ou ailleurs, sur les intérêts privés qu'aurait ainsi défendus le ministre du budget de l'époque

M. Christian Cambon. C'est vous qui en parlez !

Mme Nicole Bricq. Je l'ai entendu dire tout à l'heure sur les bancs du Gouvernement et de la commission !

Nous devons donc resituer ce débat dans son cadre historique réel, si nous voulons aujourd'hui aborder sereinement cette question !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Manifestement, vous êtes gênée !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Ce n'est pas là que vous êtes le plus convaincante !

M. le président. La parole est à M. Yann Gaillard, pour explication de vote.

M. Yann Gaillard. Je ne peux m'empêcher d'intervenir dans ce débat, car, en tant que rapporteur spécial du budget de la culture, je me suis évidemment beaucoup intéressé aux évolutions et aux caractéristiques du marché de l'art.

Contrairement à ce que semble dire Mme Nicole Bricq, que j'estime beaucoup au demeurant, le marché de l'art en France reste extrêmement fragile. Sa situation, qui était mauvaise il y a quelques années, s'est assez peu améliorée : Paris représente 7 % à 8 % du marché de l'art, contre 50 % pour New York et 25 % pour Londres. Et ce n'est pas la manière dont le comité des ventes a été réorganisé qui apportera des progrès !

On ne peut pas dire que le marché de l'art français, hormis quelques segments tels que la photographie ou le dessin, soit dans une conjoncture extraordinaire. Or le marché de l'art forme un tout avec l'industrie du luxe, secteur très important pour Paris.

Cela étant, l'abolition du monopole des commissaires-priseurs que nous avons décidée et qui a fait venir les grandes sociétés internationales comme Sotheby's et Christie's à Paris a tout de même certains effets bénéfiques

Certes, il est assez désagréable d'entendre dire que, si on les taxe, les oeuvres d'art partiront. Un vieil adage latin dit d'ailleurs : nemo auditur propriam turpitudinem allegans.

M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est un fondement du droit civil !

M. Yann Gaillard. Je comprends donc que certains esprits puissent être choqués.

Toutefois, il faut bien considérer que le patrimoine est un ensemble, qui comporte à la fois le patrimoine public et le patrimoine privé. Or le destin du patrimoine privé est de parvenir un jour dans les collections publiques. Si les oeuvres sont parties, elles ne reviendront jamais !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est incroyable !

M. Yann Gaillard. Il est certain que le fonds des collections du Louvre et de tous les grands musées français s'est peu à peu constitué à partir des collections privées qui ont été soit données, soit récupérées grâce à cette admirable invention qu'est la dation en paiement.

Par conséquent, il nous faut envisager ce problème en nous projetant aussi dans l'avenir, avec le souci de défendre le patrimoine commun.

Cet amendement, je le sais parfaitement, ne sera pas adopté. Néanmoins, je suis attristé de constater que la question refait surface systématiquement, soit à l'Assemblée nationale, soit au Sénat, et que l'on utilise des arguments qui paraissent vraiment dater de Karl Marx (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste), comme l'a dit M. le rapporteur général, d'Auguste Blanqui ou de Jules Guesde ! Ces arguments ne correspondent plus du tout à l'époque actuelle !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On entend parler de Karl Marx toutes les trois minutes ! Tout à l'heure, c'était Robin des bois ! Bientôt, on va nous ressortir Gracchus Babeuf !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Reconnaissez vos sources d'inspiration !

M. Michel Charasse. De toute façon, ce n'est pas un gars de son département ! (Sourires.)

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Nous, nous inspirons d'Adam Smith !

M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.

M. Michel Charasse. J'arrive fort opportunément en séance puisque M. le ministre rappelle une discussion que nous avons effectivement eue l'année dernière.

Il y a eu, mes chers collègues, deux impôts sur la fortune. Le premier, l'impôt sur les grandes fortunes, dont Nicole Bricq a parlé, a été institué par la loi de finances pour 1982. Il a été supprimé pendant la première cohabitation, M. Chirac étant Premier ministre et M. Balladur, ministre des finances.

M. Michel Charasse. Puis il a été rétabli en 1988, dans la loi de finances pour 1989, par le gouvernement auquel j'appartenais, sous le nom d'impôt de solidarité sur la fortune, étant précisé que son produit servirait à payer la moitié du RMI. C'était l'objectif fixé à l'époque.

Je dois reconnaître que je ne me souviens plus de ce qui s'est passé au moment de la création de l'impôt sur les grandes fortunes, c'est-à-dire en 1981 et 1982, mais je sais que cette discussion sur les oeuvres d'art a animé les débats dans les cercles gouvernementaux et dans les réunions techniques de préparation du projet de loi de finances pour 1989, et je puis vous assurer que, en 1988, ni M. Lang ni le Président Mitterrand ne m'ont demandé quoi que ce soit au sujet des oeuvres d'art !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Témoignage capital !

M. Michel Charasse. C'est Pierre Bérégovoy et moi-même qui avons proposé d'exclure les oeuvres d'art de l'assiette de l'impôt, non pour des raisons tenant au marché de l'art, mais pour éviter d'entrer dans des considérations très compliquées.

Lorsque vous êtes propriétaire d'une oeuvre d'art et que vous êtes taxé sur la fortune parce que l'oeuvre est incluse dans la base, si vous ne voulez plus payer l'impôt sur la fortune, vous devez vendre votre oeuvre. Si personne ne vous l'achète, sauf à l'étranger, et que le Gouvernement vous interdit de l'exporter, vous êtes obligé de la garder et de payer l'impôt ! Nous n'avons pas su comment faire et nous n'avons pas voulu entrer dans ces considérations !

Je répète de la façon la plus claire, y compris à mes amis socialistes et à mes amis communistes, que l'administration ne sait pas faire ! Comment voulez-vous évaluer au 1er janvier la valeur d'un tableau, alors qu'une oeuvre semblable s'est vendue la veille 100 000 francs à New York et 200 000 francs à Tokyo ? Quelle valeur prendre, si ce n'est la valeur d'assurance ? Mais la valeur d'assurance est-elle fiable ? On n'en sait rien, et c'est parce qu'on n'en sait rien qu'on n'a pas pris en compte les oeuvres d'art dans la base !

J'avais proposé à l'époque que l'on crée un forfait et que l'on majore de 5 % la déclaration des personnes qui possèdent des oeuvres d'art, voire de la valeur d'assurance si celle-ci est inférieure. Cette idée n'a pas eu de suite et n'est d'ailleurs pas arrivée jusqu'au Parlement !

M. Michel Charasse. Pour autant, nous ne l'avons jamais non plus complètement abandonnée.

Pour ma part, je ne verrais que des avantages, monsieur le rapporteur général, à sortir un jour de ce débat sur les oeuvres d'art et à appliquer une majoration forfaitaire de 5 %. Après tout, il existe bien une majoration de 5 % pour le mobilier : pourquoi ne pas en créer une de plus pour les oeuvres d'art ? On tiendrait ainsi un peu compte des oeuvres d'art, où de la valeur d'assurance, si le bien est assuré.

Cependant, nous devons nous méfier de la valeur d'assurance. Si l'assurance a été contractée, par exemple, en Suisse ou aux États-Unis, il est possible de s'entendre avec l'assureur pour adopter une valeur qui n'est pas exactement la bonne tout en pouvant bénéficier d'indemnités complémentaires en cas de sinistre. En ce cas, la valeur d'assurance n'indique pas la vraie valeur du bien.

En revanche, une demande m'a été faite à l'époque pour ne pas inclure les bois et forêts dans la base de calcul de l'impôt sur la fortune. Cette demande émanait du Président Mitterrand, qui s'inscrivait, de ce point de vue, dans la tradition de Colbert et de Louvois...

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Carrément !

M. Michel Charasse. ... puisque, tout au long des siècles, tous les gouvernements successifs ont toujours préservé l'avenir des forêts françaises.

M. Denis Badré. Depuis une ordonnance de Philippe le Bel !

M. Michel Charasse. Exactement !

Pour l'ISF - contrairement peut-être à ce qui s'est passé pour l'IGF -, en dehors de cette demande expresse de François Mitterrand, il n'y a eu aucune autre sollicitation. C'est Pierre Bérégovoy et moi-même qui avons dit que pour les oeuvres d'art, nous ne savions pas faire !

Maintenant, si quelqu'un peut m'expliquer comment former à l'École des impôts de Clermont-Ferrand des personnes spécialisées sur le prix des petites cuillères Napoléon III, des buffets Henri II, des commodes Louis XV, etc., je suis preneur !

Quoi qu'il en soit, le forfait de 5 % ou de 10 % permettrait d'instaurer un système de taxation qui ne porterait pas spécialement atteinte au marché de l'art, monsieur Gaillard, précisément parce qu'il s'agirait d'un forfait. Et par-dessus le marché, c'est le cas de le dire, nous sortirions enfin, monsieur le ministre, de ce débat qui est devenu annuel depuis que le législateur a décidé d'exonérer les oeuvres d'art.

De plus, une majoration forfaitaire nous épargnerait d'épouvantable contentieux sur la valeur des oeuvres d'art, qui devraient être tranchés par le Conseil d'État ou la Cour de cassation. Nous avons suffisamment de problèmes avec les oeuvres d'art en matière de droit des successions sans avoir besoin d'en ajouter davantage !

Pourquoi, après tout, ne pas profiter du collectif budgétaire pour déposer un amendement dans ce sens ?

Monsieur le ministre, je vous rends les armes ou, plus exactement, je confirme que vos propos de tout à l'heure étaient parfaitement exacts, tout comme ceux de ma collègue et amie Nicole Bricq.

En ce qui concerne la dation en paiement, que Yann Gaillard a évoquée, j'ai eu à en régler un certain nombre. Je puis vous assurer que l'évaluation des oeuvres qui font l'objet de dation en paiement est un exercice horrible !

Je me rappelle notamment la donation Rothschild.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous n'allez pas nous raconter votre vie !

M. Michel Charasse. Edmond de Rothschild, qui est mort maintenant, avait fait une dation en paiement de 300 millions de francs pour régler des droits de donation à ses enfants. Nous étions en train de nous chamailler sur le montant réel, car les évaluations variaient. De surcroît, il avait demandé que l'on regroupe les oeuvres dans une ou deux salles au Louvre.

Je lui ai objecté que les aménagements allaient coûter très cher et il m'a proposé de les prendre à sa charge. La facture s'élevant à 3 millions de francs, je lui ai suggéré de soustraire le montant des travaux du total et de choisir dans la liste des oeuvres celles que, pour 3 millions de francs, il souhaitait conserver. Il m'a répondu : « Ne vous cassez pas la tête, ça me fait plaisir, d'autant que c'est de l'argent que je "rentre" au black ! » (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Alain Lambert, pour explication de vote.

M. Alain Lambert. Je ne veux pas dire à Michel Charasse que la voie du forfait de 5 % ne paraît pas excellente, car, sauf erreur de ma part, le forfait mobilier ne couvre effectivement pas les oeuvres d'art. Cela mérite donc examen.

Je voterai bien entendu contre cet amendement, mais je ne regrette pas que le débat ait été ouvert.

M. le ministre vient très utilement et très opportunément d'inviter la Haute Assemblée à chercher des voies de consensus en vue de moderniser notre débat économique. On ne peut qu'acquiescer à son invitation.

Toutefois, de tels débats sont très utiles pour l'avenir, car chaque groupe s'engage en fonction des idées politiques qu'il défend. Je ne serais donc pas fâché de pouvoir tirer tous les enseignements du vote qui interviendra dans un instant.

Dans l'hypothèse d'un retour à une majorité composée de socialistes et de communistes, la gauche a-t-elle l'intention de soumettre à imposition les biens en question ?

M. François Marc. C'est probable !

M. Alain Lambert. Les Français ont besoin de le savoir. Ils ne devront pas simplement croire les petits prospectus électoraux qui leur seront gentiment distribués quelques semaines avant le scrutin : ils doivent d'abord écouter le débat parlementaire qui se déroule en cet instant, et dont la clarté est aveuglante.

Cela étant, je comprends parfaitement que le groupe CRC désire, et ce sera peut-être également le souhait du groupe socialiste, que ces biens soient désormais soumis à l'ISF.

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.

M. Thierry Foucaud. Notre amendement vise à supprimer cette exonération, qui permet à l'injustice fiscale de perdurer et aux fortunes de se construire sans participer à l'effort national.

Je rejoins Yann Gaillard sur certains points, mais pas sur le fond. Je ne remets pas en cause l'intérêt de certains pour l'art - je la crois sincère -, mais, je le répète, notre amendement a un objectif de justice fiscale. C'est dans cet esprit que nous l'avons déposé.

Au lieu de délayer vos explications, dites-nous plutôt, puisque Alain Lambert a proposé de débattre, pourquoi M. Pinault n'a pas payé d'impôt et comment il se fait que les oeuvres d'art qu'il a achetés, et qui ont été en partie exonérées, seront exposées à Venise. Il y a tout de même là à la fois une question de morale et un problème de politique culturelle !

Michel Charasse nous a invités à réfléchir sur l'application d'un forfait. Je ne sais pas si nous tomberons d'accord sur sa proposition, mais notre groupe est prêt à discuter avec le sien afin que la justice fiscale puisse être mise en oeuvre dans ce pays.

M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.

M. Gérard Longuet. Ce débat a quelque chose de séduisant et, en même temps, d'inutile. Séduisant parce que l'on évoque des problèmes de société fondamentaux. Inutile parce qu'il est quasiment certain que rien ne changera : l'amendement de M. Foucaud ne sera pas adopté !

Alain Lambert a toutefois raison de poser la question de savoir s'il s'agit du programme collectif d'une gauche qui veut assurer la relève ou s'il s'agit d'un mouvement d'humeur.

Puisque nous avons le bonheur d'être en séance, pourquoi ne pas exprimer des convictions profondes ! Ma conviction est que, dans un pays où les revenus du travail et du capital sont taxés, où les plus-values sont taxées, où les successions sont taxées, l'impôt sur la fortune est tout simplement confiscatoire. Je soutiendrai donc toute solution permettant de le supprimer, comme il l'a été dans l'immense majorité des pays européens. (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

Ainsi, chère madame Bricq, les choses sont claires ! Nous n'avons pas le même point de vue, ce qui ne saurait me surprendre.

J'en reviens à l'amendement de M. Foucaud.

Dès lors qu'un système est absurde, il est évident que toute dérogation a des effets pervers. Néanmoins, si cet amendement était voté, les premières victimes, et ce sont elles qui m'intéressent en cet instant, seraient nos artistes eux-mêmes, qui profitent de cette dérogation. En effet, ceux qui ont les moyens de leur acheter des oeuvres d'art peuvent bénéficier d'une exonération provisoire de l'ISF. Je dis bien « provisoire » puisque, lorsqu'ils revendront leur collection, sauf à n'être que des amateurs d'évasion fiscale, il faudra bien qu'ils le paient.

Toujours est-il que ce mécanisme permet de soutenir la création artistique et qu'il a donc - même si c'est peut-être la conséquence bénéfique d'une volonté d'évasion fiscale - des effets très positifs.

En revanche, cet amendement, Yann Gaillard l'a rappelé, aurait non seulement un effet négatif sur le marché de l'art en France, mais un effet dépressif sur la création artistique en France et donc sur les conditions d'existence des artistes eux-mêmes.

Je suis d'ailleurs étonné qu'un groupe dont M. Ralite, grand défenseur de la création artistique est l'une des figures emblématiques présente un amendement dont la première conséquence serait d'affaiblir durablement cette création dans notre pays. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Christian Cambon. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-73 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° I-39, présenté par MM. Massion,  Masseret,  Angels et  Auban, Mme Bricq, MM. Charasse,  Demerliat,  Frécon,  Haut,  Marc,  Miquel,  Moreigne,  Sergent et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article 17 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 885 I ter du code général des impôts est abrogé.

La parole est à M. François Marc.

M. François Marc. Cet amendement s'inscrit dans la même logique que l'amendement n° I-38, sinon qu'il porte non plus sur l'article 885 I bis, mais sur l'article 885 I ter.

Pour autant, l'argumentation reste la même : il s'agit en effet de remettre en cause les cadeaux fiscaux accordés en matière d'impôt de solidarité sur la fortune par le Gouvernement et sa majorité, notamment à l'occasion des votes de la loi pour l'initiative économique et de la loi de finances de 2005.

La disposition visée permet d'exonérer de l'ISF les placements en capital au sein des PME, que celles-ci soient installées en France ou dans un État membre de l'Union européenne.

Au-delà de l'argumentation qui a déjà été développée tout à l'heure, je veux m'appuyer sur le raisonnement qui nous a été opposé tout à l'heure, selon lequel cette disposition viserait à encourager l'investissement et à lutter contre les délocalisations d'entreprises à l'étranger.

Or l'avantage fiscal n'est pas seulement consenti aux placements en capital au sein des PME qui sont installées en France : il est également accordé, je viens de le rappeler, lorsque celles-ci sont installées dans un État membre de l'Union européenne.

Cette disposition ne va donc pas du tout dans le sens d'une lutte contre les délocalisations. Dans la mesure où cette argumentation est inopérante, la présentation de notre amendement se justifie pleinement et prend une importance qui n'aura échappé à personne.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Même avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-39.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° I-72, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Vera et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Avant l'article 17 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le dernier alinéa de l'article 885 U du code général des impôts est supprimé.

La parole est à M. Bernard Vera.

M. Bernard Vera. Notre amendement vise à déconnecter l'évolution de l'ISF de celle de l'impôt sur le revenu. En effet, nous ne souhaitons pas que l'ISF puisse bénéficier des conséquences du « bouclier fiscal » que le Gouvernement est en train de mettre en place pour 2007 et que nous jugeons tout à fait inacceptable.

L'article 885 U du code général des impôts précise que le barème de l'ISF est actualisé chaque année dans les mêmes proportions que la première tranche de l'impôt sur le revenu.

Or, comme cela a été pointé par la presse ces derniers temps, le « bouclier fiscal », protection ultime des plus riches, prévoit le relèvement de 25 % des tranches de l'impôt sur le revenu afin de compenser la suppression de l'abattement forfaitaire de 20 % dont bénéficiaient jusqu'à présent les salariés.

Comme l'indique un hebdomadaire, le seuil de la première tranche passera ainsi de 8 524 euros à 10 846 euros. Le barème de l'ISF devrait donc, au regard de l'article 885 U, augmenter dans les mêmes proportions. Ainsi, le seuil d'imposition de l'ISF devrait passer de 732 000 euros à 915 000 euros.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous confirmer cette hypothèse ? M. Carrez, rapporteur général du budget à l'Assemblée nationale, l'avait d'ailleurs tellement prise au sérieux qu'il avait déposé un amendement pour donner l'impression d'y remédier.

Cette manière d'avancer masqué pour défendre les privilèges des fortunes n'est pas acceptable. Le vote de notre amendement permettrait donc de lever tout soupçon.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Au cours de la précédente législature, nous assistions chaque année à un ballet bien réglé : le Gouvernement proposait une actualisation du barème de l'ISF, avant de la sacrifier finalement à ses amis.

Au début de la présente législature, nous avons observé le jeu exactement inverse : le Gouvernement, craintif devant ce sujet, ne proposait pas l'actualisation du barème, puis c'est la majorité parlementaire qui la souhaitait.

Nous avons adopté l'an dernier avec sagesse un mécanisme d'indexation automatique, qui nous permet d'éviter ces jeux de rôle un peu convenus qui ne font pas évoluer les choses.

La commission est donc très hostile à cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Comme vient de le souligner M. le rapporteur général, nous sommes maintenant sortis de cette période passionnelle. Considérer que le barème de l'ISF peut donner lieu à une revalorisation automatique au même titre que tous les autres impôts répond également à une logique d'équité.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-72.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 41 :

Nombre de votants 232
Nombre de suffrages exprimés 224
Majorité absolue des suffrages exprimés 113
Pour l'adoption 22
Contre 202

Le Sénat n'a pas adopté.

Art. additionnels avant l'art. 17 bis
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2006
Art. additionnels après l'art. 17 bis

Article 17 bis

I. - Après l'article 885 I ter du code général des impôts, il est inséré un article 885 I quater ainsi rédigé :

« Art. 885 I quater. - I. - Les parts ou actions nominatives d'une société ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale ne sont pas comprises dans les bases d'imposition à l'impôt de solidarité sur la fortune, à concurrence des trois quarts de leur valeur, lorsque leur propriétaire exerce son activité principale dans cette société comme salarié ou mandataire social, ou y exerce son activité principale lorsque la société est une société de personnes soumise à l'impôt sur le revenu visée aux articles 8 à 8 ter.

« L'exonération est subordonnée à la condition que les parts ou actions restent la propriété du redevable pendant une durée minimale de six ans courant à compter du premier fait générateur au titre duquel l'exonération a été demandée.

« Les parts ou actions détenues par une même personne dans plusieurs sociétés bénéficient du régime de faveur lorsque le redevable exerce une activité éligible dans chaque société et que les sociétés en cause ont effectivement des activités, soit similaires, soit connexes et complémentaires.

« L'exonération s'applique dans les mêmes conditions aux titres détenus dans une société possédant une participation majoritaire dans la ou les sociétés dans laquelle ou lesquelles le redevable exerce ses fonctions ou activités.

« II. - Les parts ou actions mentionnées au I et détenues par le redevable depuis au moins trois ans au moment de la cessation de ses fonctions ou activités pour faire valoir ses droits à la retraite, sont exonérées, à hauteur des trois quarts de leur valeur, d'impôt de solidarité sur la fortune, sous réserve du respect des conditions de conservation figurant au deuxième alinéa du I. »

II. - Dans le premier alinéa de l'article 885 I bis du même code, les mots : « de la moitié » sont remplacés par les mots : « des trois quarts ».

III. - Les dispositions des I et II sont applicables pour la détermination de l'impôt sur la fortune dû à compter du 1er janvier 2006.

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, sur l'article.

M. Thierry Foucaud. Nous abordons, avec l'examen de cet article 17 bis, un point important de la discussion sur l'ISF.

La fiscalité des grandes fortunes est visiblement un sujet qui fâche, notamment sur les travées de droite de cet hémicycle, ainsi, bien entendu, que dans les beaux quartiers.

La lecture du compte rendu des débats parlementaires de l'Assemblée nationale et celle de la presse mettent en évidence, sinon la hargne, du moins la force avec laquelle se battent les partisans d'une suppression pure et simple de l'ISF ou d'un réaménagement, ce qui revient progressivement au même.

N'est-il pas surprenant de découvrir l'énergie dépensée par le Gouvernement et la majorité parlementaire - nous en avons une nouvelle illustration ce matin - pour diminuer l'impact pourtant déjà très limité, trop limité dirai-je même, de l'ISF ?

Tous les qualificatifs sont bons pour critiquer cet impôt de justice sociale. Certains évoquent même un « impôt confiscatoire » - et M. le rapporteur général ne renierait certainement pas de tels propos.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Je partage l'analyse de M. Longuet !

M. Thierry Foucaud. La vaste, mais quelque peu ridicule, campagne médiatique sur l'île de Ré avait pour objectif de justifier de généreuses mesures d'exonération pour les grands patrons actionnaires.

Je vous le dis d'emblée : cet article 17 bis est un cadeau de 68 millions d'euros pour 12 000 contribuables déjà richissimes, qui n'en demandaient pas tant !

L'ISF n'est pas un impôt confiscatoire. Il concerne 350 000 personnes, ce qui est bien modeste, et ne s'applique malheureusement ni aux biens professionnels ni aux oeuvres d'art. Les Wendel et Pinault peuvent donc dormir sur leurs deux oreilles ; le percepteur ne viendra pas les déranger la nuit !

Le barème de l'ISF est très lentement progressif. Peut-on d'ailleurs parler d'« impôt confiscatoire », lorsqu'un individu, qui acquiert un appartement pour 950 000 euros - ce n'est pas rien ! - y habite et bénéficie donc actuellement d'un abattement de 20% au titre de la résidence principale, est donc en fait imposable sur la différence entre le plancher actuel et 760 000 euros, ce qui lui permet de n'acquitter que 154 euros d'ISF ? Est-ce trop, M. le rapporteur général ? Visiblement oui puisque, avec les membres de l'UMP, vous voulez porter l'abattement pour la résidence principale de 20 % à 30 % !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Ce qui reste encore très modeste !

M. Thierry Foucaud. Si l'appartement est loué, il rapportera beaucoup plus à son propriétaire qu'il ne lui coûtera au titre de l'ISF !

Certains - et je l'ai encore entendu ce matin sur les travées de la majorité parlementaire - ont crié à l'isolement de la France en Europe. C'est faux puisque plusieurs pays ont une fiscalité sur le patrimoine. La Suisse elle-même en est adepte et intègre d'ailleurs les oeuvres d'art dans son impôt sur la fortune !

L'attitude du Gouvernement et de la majorité sénatoriale est donc purement dogmatique et idéologique. (Murmures sur les travées de l'UMP.) Vous vous opposez frontalement à toute idée de juste répartition des richesses, qui serait pourtant la seule façon de réduire la fracture sociale !

Vous êtes pris en flagrant délit de duplicité entre, d'un côté, un discours mielleux sur l'égalité des chances et la lutte contre les discriminations et, de l'autre, la réalité de votre politique fiscale : toujours plus pour les plus riches !

Monsieur le rapporteur général, il y a véritablement du « Picsou » dans votre attitude et dans celle de vos amis ! Lorsque vous intervenez sur l'ISF, vous ne faites preuve d'aucune générosité !

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, sur l'article.

Mme Nicole Bricq. M. le ministre m'a accusée tout à l'heure - et c'est une première ! - d'être trotskyste. Pourtant, s'il connaissait ma vie politique depuis les années soixante, il saurait que j'ai toujours été socialiste et que je le suis encore.

M. Gérard Longuet. Ce n'est pas incompatible ; l'histoire récente l'a montré !

Mme Nicole Bricq. Justement, monsieur Longuet, je fais partie de celles et de ceux qui ont toujours été uniquement socialistes !

Nous débattons actuellement de l'ISF, impôt qui suscite - nous venons encore de le voir - passion et confusion.

L'année dernière, à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2005, nous avions eu un débat nourri et sérieux sur l'ISF. À l'époque, face à la flambée des prix de l'immobilier, les réflexions portaient essentiellement sur l'éventuelle intégration de la résidence principale dans l'assiette de cet impôt.

Le syndrome de l'île de Ré s'est, depuis lors, répandu. Le ministre de l'économie et des finances a lui-même failli y succomber puisqu'il a qualifié cet été l'ISF d'« impôt sur les économies et le logement des Français ».

De tels propos illustrent parfaitement, me semble-t-il, la confusion que j'évoquais à l'instant. Permettez-moi, par conséquent, d'apporter quelques éléments de clarification dans ce débat.

Tout d'abord, comme cela a été récemment démontré, les contribuables frappés par la hausse des prix de l'immobilier ne sont pas des petits propriétaires. J'en veux pour preuve la position de nombreux élus locaux de l'île de Ré, qui ont mis en doute certains propos tenus sur ce sujet.

En 2004, un Français était assujetti à l'ISF au titre de sa résidence principale dès lors que la valeur de celle-ci atteignait 915 000 euros. Par conséquent, si l'on tient compte de l'abattement de 20 %, une résidence principale à 915 000 euros n'est pas un élément de fortune !

En outre, les cotisations à l'ISF sont souvent modestes. Ainsi, pour les patrimoines s'élevant de 732 000 euros - seuil à partir duquel un contribuable doit acquitter l'ISF en 2005 - à 1 180 000 euros, l'impôt est en moyenne de 1 200 euros par an.

Ce sont par conséquent 47 % des assujettis à l'ISF qui paient l'équivalent d'une taxe d'habitation ou d'une taxe foncière ! Cela ne me semble pas excessif.

Si le Gouvernement a résisté à la fraction la plus dure de sa majorité, très sensible au syndrome de l'île de Ré, il a tout de même opté - et cet article 17 bis en est une parfaite illustration - pour une autre méthode, consistant à grignoter l'ISF d'année en année.

À cet égard, la première étape fut la loi n° 2003-721 du 1er août 2003 pour l'initiative économique, dite « loi Dutreil », que mes collègues ont évoquée tout à l'heure en présentant des amendements de suppression.

Mais une nouvelle étape est franchie avec le présent projet de loi de finances, et notamment via cet article 17 bis. En l'occurrence, il s'agit de faire sauter la notion d'« outil de travail », déjà écornée par la « loi Dutreil », alors même que l'outil de travail - je le rappelle - est explicitement exonéré de l'ISF.

Si l'on y ajoute le « bouclier fiscal », dont nous débattrons plus tard, nous avons affaire à une réforme de l'ISF qui ne dit pas son nom ! Elle profitera aux plus aisés, comme les salariés à très hauts revenus et les dirigeants d'entreprises, mais également, et peut-être avant tout, aux patrons du CAC 40, qui possèdent dans la plupart des cas plus d'un million d'euros de capital.

Sans qu'il soit nécessaire d'évoquer la lutte des classes, monsieur le ministre, il suffit d'observer l'évolution des chiffres depuis une trentaine d'années - vous voyez que je laisse l'idéologie de côté -pour constater que le capital s'accumule toujours dans les mêmes mains et qu'il ne circule pas !

J'ai, du reste, défendu vendredi l'imposition des successions, que vous grignotez également d'année en année. Qu'il s'agisse de la fiscalité sur les successions et sur les donations ou de l'ISF, vous encouragez systématiquement depuis trois ans le maintien du capital dans les mêmes mains et l'autoreproduction des élites !

M. Gérard Longuet. C'est exactement le contraire !

Mme Nicole Bricq. Je vous rappelle, monsieur Longuet, que la Cour de cassation ne considère pas l'ISF comme un « impôt confiscatoire » : je vous renvoie à l'arrêt Binet du 13 novembre 2003 !

En réalité, monsieur le ministre, les mesures que vous proposez s'adressent délibérément aux Français les plus fortunés. Dans quel but ?

Espérez-vous empêcher certains contribuables de partir à l'étranger ? Mais la fiscalité du Royaume-Uni et de la Belgique sera toujours plus attractive que la nôtre ! Voulez-vous faire revenir ceux qui sont partis ? À ma connaissance, je n'ai pas, à ce jour, entendu beaucoup d'expatriés manifester leur intention de rentrer en France. Pour être honnête, je ne connais qu'un seul cas, celui de M. Denis Payre, administrateur délégué de Kiala, qui a récemment déclaré : « Si le bouclier fiscal est voté, je réfléchirai à l'idée de revenir en France. »

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. J'ai l'impression qu'il va prendre son temps pour y « réfléchir » ! (Sourires sur les travées du groupe CRC.)

Mme Nicole Bricq. Je rappelle également que l'actuel Premier ministre s'était engagé à évaluer les « inconvénients » - ce sont ses propres termes - de l'ISF. Or nous n'avons toujours pas cette évaluation.

Par conséquent, nos débats ne se basent que sur des estimations particulières et jamais sur une observation générale.

Contrairement à ce que l'on raconte, le rendement de l'ISF n'est pas mineur. Cet impôt devrait rapporter 3 milliards d'euros en 2006. Vu l'état actuel de nos finances publiques et au moment où il est impératif de répondre à l'urgence sociale, est-il bien raisonnable de multiplier des exonérations fiscales, surtout quand il s'agit de solidarité ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est une position de classe !

Mme Nicole Bricq. Vous pouviez, sans léser les finances publiques - et même en améliorant le rendement de cet impôt ! - et au nom de l'attractivité fiscale, suivre la proposition contenue dans le rapport du Conseil d'analyse économique rédigé par Christian Saint-Étienne et Jacques Le Cacheux. Ces deux économistes ont en effet suggéré de transformer l'ISF en un impôt sur les revenus de la fortune, en créant une tranche spécifique de l'impôt sur le revenu, au-delà de 50 000 euros la part.

Si vous souhaitiez, ainsi que vous le prétendez, réformer l'ISF dans le sens d'une plus grande justice, vous pouviez suivre une telle proposition. Or vous ne l'avez pas fait.

Vous vous contentez de lâcher un peu de lest à votre majorité, afin d'enrichir encore les plus avantagés de la société.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous voterons contre l'article 17 bis du présent projet de loi.

M. le président. Je suis saisi de six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° I-76, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Vera et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. L'article 17 bis du présent projet de loi de finances est l'une des dispositions les plus emblématiques de l'actuelle politique gouvernementale.

Alors que M. le Premier ministre affiche ses intentions sociales, il fait adopter les propositions de M. Méhaignerie et consorts à l'Assemblée nationale. Il s'agit de mesures provocatrices parce qu'elles sont explicitement en faveur des plus riches.

Les choses sont claires : l'article 17 bis organise l'exonération à hauteur de 75 % des salariés et mandataires sociaux détenant des actions ou parts nominatives de leur entreprise, à la seule condition qu'ils le conservent pendant six ans.

Contrairement à ce que prétendent le Gouvernement et les parlementaires de droite, ce n'est ni une peccadille ni une réforme a minima de l'ISF.

J'ai encore en mémoire la réponse de M. le Premier ministre à un journaliste qui l'interrogeait lors de sa très spectaculaire conférence de presse de rentrée du mois de septembre. Il expliquait que la réforme de l'ISF n'était pas la priorité de l'action du Gouvernement. Or, aujourd'hui, M. de Villepin donne son assentiment à une exonération de 68 millions d'euros au bénéfice de 12 000 contribuables, ce qui représente tout de même un chèque cadeau de 56 000 euros par contribuable fortuné concerné !

Il faut comparer cette mesure aux 500 millions d'euros accordés au titre de la prime pour l'emploi, ce qui fait 4,75 euros par contribuable non fortuné.

Quels furent titres de la presse à la suite de l'annonce de cette grande mesure d'apaisement social ? « Plus-values ISF : la fiscalité des actions profondément allégée l'an prochain » dans Les Echos, « Impôts : une réforme spéciale grands patrons » dans Libération, « Les députés réduisent à la portion congrue l'ISF de 12 000 contribuables actionnaires », encore dans Les Echos.

Monsieur le ministre, ne vous interrogez-vous pas sur l'indécence d'une telle mesure au moment où tant de nos concitoyens souffrent au quotidien du chômage, de la précarité et de l'insuffisance de leurs revenus ?

Avez-vous pris connaissance des projections économiques annonçant une forte réduction des dépenses de Noël des ménages ?

Et surtout, avez-vous entendu parler de la forte crise qui vient de secouer les quartiers les plus défavorisés de notre pays ? Avez-vous perçu la détresse de leurs habitants, qu'ils soient victimes ou auteurs de violence ?

M. Jean-François Copé, ministre délégué. C'est quoi, ces leçons de morale ?

M. Thierry Foucaud. C'est la réalité, monsieur le ministre !

Comment osez-vous, par exemple, parler de justice et d'égalité des chances quand vous faites voter par votre majorité un cadeau à vos plus fidèles soutiens, ceux qui tiennent le haut du pavé du CAC 40 ?

Comme l'indique Le Journal des élus, le premier bénéficiaire de cet amendement risque d'être Gérard Pélisson, président du conseil de surveillance d'Accor, détenteur de 3,5 millions d'actions de ce groupe, évaluées à 145 millions d'euros, et qui prendra, le 3 janvier prochain, sa retraite du groupe hôtelier vedette du CAC 40.

Monsieur le ministre, j'ai lu dans le compte rendu des débats de l'Assemblée nationale que vous n'aimiez pas que l'on cite des noms. Vous préférez sans doute que les heureux bénéficiaires de cette confiscation du bien public demeurent dans l'anonymat. Je les citerai pourtant : il s'agit de Jean-Philippe Thierry, PDG des AGF, qui dispose de 40 000 actions de son entreprise, de M. Serge Tchuruk, PDG d'Alcatel, qui en possède 105 000, de M. Claude Bébéar, président du conseil de surveillance du groupe Axa, qui en détient 510 000, d'un montant total de 11,5 millions d'euros ou, enfin, de M. Serge Kampf, président du conseil d'administration de Cap Gemini, qui en possède 6 819 000.

M. Gérard Longuet. Il a créé l'entreprise !

M. Thierry Foucaud. Ces quelques noms tirés parmi les 12 000 bénéficiaires des largesses du Gouvernement, dénotent le caractère provocateur de cet article 17 bis, que nous vous proposons de supprimer.

Ils font aussi ressortir le culot dont a fait preuve le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie qui, évoquant cette disposition devant les députés, n'a pas hésité à parler d'un amendement de justice ! (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'esclaffe.)

Mais de qui se moque-t-on ? M. Breton ferait mieux d'être discret sur ce sujet : chacun sait, en effet, qu'il connaît parfaitement le milieu des chefs de grandes entreprises puisqu'il en est issu.

Monsieur le ministre, messieurs les sénateurs de la majorité, il y a bien une justice à deux vitesses dans ce pays. Aucune des explications fournies, ce matin encore, qu'elles invoquent l'emploi ou le retour au pays des fortunes expatriées, ne justifie ce cadeau.

Pour des raisons politiques évidentes, le Gouvernement ne peut pas annoncer la suppression de l'ISF. Mais, depuis 2004, il s'agit de la quatrième tentative de grignotage de cet impôt juste, dont le rendement est insuffisant. La droite sénatoriale s'apprête d'ailleurs à lancer une cinquième tentative, et l'adoption du « bouclier fiscal » achèvera de réduire l'ISF à l'état de peau de chagrin.

Monsieur le ministre, il est encore temps de retirer cet article 17 bis de votre projet de budget. À défaut, vous ne pourrez plus vous étonner de l'explosion de la colère sociale !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les seules réponses sont le bouclier fiscal et le bouclier policier !

M. le président. L'amendement n° I-23 rectifié, présenté par MM. P. Dominati et  Darniche, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

I - Les articles 885 A à 885 Z du code général des impôts sont abrogés.

II - Les pertes de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus sont compensées, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Philippe Dominati.

M. Philippe Dominati. Je fais partie de ces Français qui pensent que la France a perdu beaucoup plus avec l'impôt de solidarité sur la fortune et avec l'ancien impôt sur les grandes fortunes qu'elle n'y a gagné.

J'entends depuis des années les mêmes arguments des uns et des autres. Or je constate que, dans presque tous les grands pays, cet impôt n'existe pas ou plus, ceux qui avaient tenté de l'instaurer ayant finalement fait marche arrière. Six grands pays membres du G 20 l'ont supprimé, ainsi que la quasi-totalité des autres pays.

Je ne pense pas que, dans tous ces pays, l'objectif ait nécessairement été de défendre les grandes fortunes. Il s'agissait surtout de donner à tous ceux qui ont envie d'entreprendre les moyens de créer des richesses, et donc des emplois.

Mme Nicole Bricq. Ce n'est pas de ceux-là qu'on parle !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous ne croyez même pas à ce que vous dites !

M. Philippe Dominati. La corrélation entre les prélèvements obligatoires et l'emploi est considérée comme une évidence dans le monde entier, notamment par les pays de l'OCDE ou du G 20.

En 1988, le Gouvernement français avait cru bon de supprimer l'IGF, dans la mesure où celui-ci présentait plus d'inconvénients que d'avantages.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On en a vu l'effet fantastique sur l'emploi !

M. Philippe Dominati. Quinze ans après, cette question occupe toujours le débat politique français et nous ne parvenons pas à sortir de la doctrine, inspirée des années quatre-vingt, qui justifie le maintien de cet impôt.

Mon amendement a pour objet de souligner la situation atypique de notre pays à cet égard. Au lieu de grignoter, à la marge, certaines dispositions techniques de cet impôt très confiscatoire, nous devrions plutôt nous attacher à régler définitivement ce problème.

J'aimerais d'ailleurs que le Gouvernement nous dise si les recettes de l'impôt de solidarité sur la fortune représentent une masse financière supérieure à celle à celles des autres recettes fiscales qu'auraient générées, si elles n'avaient pas quitté notre territoire, les fortunes qui se sont expatriées. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame.) Ma conviction, qui est aussi celle de nombreux économistes, est que les richesses qui ont quitté la France depuis une quinzaine d'années à cause de cet impôt auraient procuré à l'État des recettes supérieures à celles que rapporte aujourd'hui l'impôt de solidarité sur la fortune.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous savez très bien que ce n'est pas vrai !

M. Philippe Dominati. Je propose donc la suppression de cet impôt.

M. le président. Les quatre amendements suivants sont présentés par M. Marini, au nom de la commission des finances.

L'amendement n° I-312 est ainsi libellé :

I. Dans le premier alinéa (I) du texte proposé par le I de cet article pour l'article 885 I quater du code général des impôts, supprimer le mot :

nominatives

II. Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter in fine cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - La perte de recettes résultant pour l'État de la prise en compte des titres détenus dans l'entreprise par les salariés des filiales qu'elle contrôle est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

L'amendement n° I-8 rectifié est ainsi libellé :

I. - Dans le dernier alinéa du I du texte proposé par le I de cet article pour l'article 885 I quater du code général des impôts, remplacer les mots :

possédant une participation majoritaire dans la ou les sociétés dans laquelle ou lesquelles le redevable exerce ses fonctions ou activités

par les mots :

qui a des liens de dépendance avec la ou les sociétés dans laquelle ou lesquelles le redevable exerce ses fonctions ou activités au sens du a du 12 de l'article 39

II.- Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter in fine cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - La perte de recettes résultant pour l'Etat de la prise en compte des titres détenus dans l'entreprise par les salariés des filiales qu'elle contrôle est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

L'amendement n°I-9 rectifié, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

I.- Compléter le I du texte proposé par cet article pour l'article 885 I quater du code général des impôts par  un alinéa ainsi rédigé :

« L'exonération s'applique dans les mêmes conditions aux parts de fonds communs de placement d'entreprise visés aux articles L. 214-39 et suivants du code monétaire et financier ou aux actions de sociétés d'investissement à capital variable d'actionnariat salarié visées à l'article L. 214-40-1 du code précité. L'exonération est limitée à la fraction de la valeur des parts ou actions de ces organismes de placement collectif représentative des titres de la ou des sociétés dans laquelle ou lesquelles le redevable exerce ses fonctions ou activités ou de sociétés qui lui ou leur sont liées dans les conditions prévues à l'article L. 233-16 du code de commerce. Une attestation de l'organisme déterminant la valeur éligible à l'exonération partielle doit être jointe à la déclaration visée à l'article 885 W. »

II.- Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter in fine cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - La perte de recettes résultant pour l'État de la prise en compte des titres détenus dans le cadre de l'épargne salariale est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

L'amendement n° I-10, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

I.- Compléter le texte proposé par le I de cet article pour l'article 885 I quater du code général des impôts par un paragraphe ainsi rédigé :

« III.- En cas de non-respect de la condition de détention prévue au deuxième alinéa du I par suite d'une fusion ou d'une scission au sens de l'article 817 A , ou de l'échange résultant d'une opération d'offre publique, de division ou de regroupement, l'exonération partielle accordée au titre de l'année en cours et de celles précédant ces opérations n'est pas remise en cause si les titres reçus en contrepartie sont conservés jusqu'au même terme. Cette exonération n'est pas non plus remise en cause lorsque la condition prévue au deuxième alinéa du I n'est pas respectée par suite d'une annulation des titres pour cause de pertes ou de liquidation judicaire. »

II.- Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter in fine cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

...- La perte de recettes résultant pour l'État de la non remise en cause du régime de faveur pour le passé en cas de fusion, scission, offre publique d'échange et autres aléas pouvant affecter le capital de l'entreprise est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Ces amendements tendent à préciser le dispositif de l'article 17 bis.

De notre point de vue, ce dispositif, qui va dans le bon sens, constitue un signal économique positif et, surtout, une mesure d'équité.

En effet, jusqu'à présent, le régime des biens professionnels permet aux dirigeants d'entreprise de ne pas comptabiliser la valeur de leurs titres dans l'assiette de leurs impôts. Il en résulte donc souvent que, à l'intérieur d'une même société, les mandataires sociaux ne sont pas redevables de l'ISF, alors même que les cadres supérieurs ou intermédiaires peuvent l'être, dès lors que le montant de leur patrimoine le justifie.

J'ajoute, et cela va dans le sens des intentions du Gouvernement, que le développement de l'actionnariat des salariés, en particulier des cadres, est un facteur d'adhésion au projet d'entreprise et de stabilité du capital.

C'est en vertu de cette double considération, d'équité entre les cadres et les dirigeants, d'une part, et d'efficacité économique, d'autre part, afin de permettre, au sein d'un groupe, un accompagnement efficace du contrôle des dirigeants par un panel aussi large que possible de salariés de l'entreprise, que l'Assemblée nationale a voté ce dispositif, soutenue en cela par le Gouvernement.

Dans le souci de favoriser l'équité au sein de l'entreprise, il nous paraît indispensable de prendre en compte l'épargne salariale. Il s'agit donc de se situer au niveau économique du groupe, défini par référence au critère du contrôle, qui figure clairement tant dans le code général des impôts que dans le code de commerce.

L'amendement n° I-8 rectifié tend donc, en se situant explicitement au niveau du groupe, à permettre à un salarié qui détient des titres d'une société de son groupe de bénéficier des dispositions de l'article 17 bis.

L'amendement n° I-9 rectifié vise également à prendre en compte de façon plus large l'épargne salariale. Lorsque des titres d'une entreprise du groupe figurent à l'actif d'un véhicule d'épargne salariale, il est normal, si l'on suit l'esprit de la mesure votée à l'Assemblée nationale, que l'on retienne, parmi les biens concernés, la quote-part représentative de la valeur des titres du groupe au sein de l'actif du véhicule spécifique d'épargne salariale.

L'amendement n° I-10 a, quant à lui, pour objet une assimilation complète avec les engagements collectifs de conservation, en particulier en termes de durée de détention, afin que les titres reçus en échange par un salarié bénéficiaire de la mesure demeurent éligibles au dispositif de l'engagement collectif de conservation ou, tout au moins, au dispositif « miroir » institué à l'article 17 bis.

M. le président. Monsieur le rapporteur général, je vous redonne aussitôt la parole pour donner l'avis de la commission sur les amendements nos I-76 et I-23 rectifié.

M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission, qui approuve le dispositif de l'article 17 bis, est naturellement défavorable à l'amendement n° I-76.

Quant à l'amendement n° I-23 rectifié, je suppose que M. Dominati l'a conçu comme s'inscrivant dans une perspective de long terme.

Il est de mon devoir de rappeler que cet impôt sur l'épargne et le patrimoine représentera une recette fiscale de l'ordre de 3,3 milliards d'euros en 2006.

Les situations hebdomadaires des recettes fiscales, qui nous sont transmises depuis que l'un des prédécesseurs de M. Copé a accepté, à la demande d'Alain Lambert, d'informer régulièrement les commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat sur cette base, montrent d'ailleurs une très forte dynamique du rendement de l'impôt de solidarité sur la fortune en 2005. Ces chiffres ne font, en vérité, que refléter la tendance du marché immobilier, sujet que nous connaissons bien et que nous aurons l'occasion d'aborder ultérieurement.

La base de cet impôt s'est considérablement étendue depuis 2002, et l'on compte environ 70 000 redevables supplémentaires. On peut estimer qu'en 2005 le nombre de redevables de l'impôt de solidarité sur la fortune sera de l'ordre de 350 000, ce nombre s'expliquant surtout par la valorisation de l'immobilier et, plus précisément, pour les nouvelles cohortes entrant dans le champ de cet impôt, par la valorisation des résidences principales.

Vous le savez, monsieur le ministre, c'est une question à laquelle sont, à juste titre, de plus en plus sensibles les classes moyennes et les classes moyennes supérieures de notre pays, c'est-à-dire les éléments actifs de la vie économique, éléments dont, selon la commission, les avis doivent être pris en compte.

Cela étant dit, monsieur Dominati, dans l'état actuel des finances publiques, la suppression de l'ISF est, clairement, une vue de l'esprit. Espérons que nous saurons ensemble faire évoluer notre modèle fiscal et notre modèle social pour que, un jour, cette perspective de long terme puisse réellement entrer dans le débat.

Enfin, pour répondre à M. Foucaud, qui évoquait la Suisse, j'ai vérifié quel était le régime de l'impôt sur le patrimoine en Suisse : c'est un impôt qui existe dans certains cantons, voire dans certaines communes, et dont le taux maximum est de 4,5 ?. Remettons donc les choses à leur place en rappelant que le taux maximal de l'impôt sur le patrimoine est de 1,8 % en France...

M. le président. Monsieur Dominati, l'amendement n° I-23 rectifié est-il maintenu ?

M. Philippe Dominati. Il me paraissait nécessaire de baliser le chemin que M le rapporteur général nous montre en permettant régulièrement à la majorité et à l'opposition d'afficher leur position sur ce sujet. Tel était l'objet de cet amendement. Mais comme le débat budgétaire va nous amener à étudier d'autres dispositions ayant trait à cet impôt, qui, je le répète, frappe aussi les classes moyennes, notamment sur la résidence principale, je le retire.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Je vous remercie, monsieur Dominati.

M. le président. L'amendement n° I-23 rectifié est retiré.

Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-François Copé, ministre délégué. S'agissant de l'amendement n° I-76, je n'ajouterai qu'une chose à ce que M. le rapporteur général a dit : l'article 17 bis a non pas un mais deux objets. Il vise, bien sûr, à améliorer l'attractivité et la compétitivité fiscale de notre pays, la stabilité de l'actionnariat de nos entreprises passant à nos yeux par un certain nombre de mesures que j'ai eu l'occasion d'évoquer et sur lesquelles je ne reviens pas, mais il vise aussi à l'équité.

J'appelle votre attention sur le fait que le point le plus marquant et le plus original de cet article ajouté par l'Assemblée nationale au projet de loi de finances tient à ce que l'exonération concerne enfin les salariés actionnaires de leur entreprise. Je rappelle en effet que, si les dirigeants, du fait de la dérogation relative à l'outil de travail, ont été très largement exonérés de l'ISF - et ils l'ont été par la gauche, unie et solidaire à l'époque -, les salariés actionnaires de leur entreprise avaient jusqu'à présent été oubliés.

De très nombreux salariés actionnaires de longue date dans l'entreprise peuvent ainsi devenir redevables de l'ISF du seul fait de l'appréciation des actions. Les faire bénéficier de l'exonération nous a donc semblé avoir du sens. C'est une mesure d'équité.

Pour cette raison, qui s'ajoute à toutes celles que j'ai évoquées précédemment, j'invite la Haute Assemblée à repousser l'amendement n° I-76.

Je suis en revanche favorable aux amendements nos I-312, I-8 rectifié et I-9 rectifié de la commission, sur chacun desquels je lève le gage.

M. le président. Il s'agit donc des amendements nos I-312 rectifié, I-8 rectifié bis et I-9 rectifié bis.

Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Je serai également favorable à l'amendement n° I-10, monsieur le rapporteur général, sous réserve que vous acceptiez de le rectifier en supprimant les termes « ou de l'échange résultant d'une opération d'offre publique, de division ou de regroupement, ».

Une offre publique d'échange n'est en effet pas un aléa : c'est une opération boursière que l'actionnaire peut refuser. Il n'y a donc pas lieu de maintenir l'exonération dans ce cas.

Si vous acceptiez cette suggestion, j'émettrais un avis favorable et lèverais le gage.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Je l'accepte !

M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° I-10 rectifié, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, qui est ainsi libellé :

I.- Compléter le texte proposé par le I de cet article pour l'article 885 I quater du code général des impôts par un paragraphe ainsi rédigé :

« III.- En cas de non-respect de la condition de détention prévue au deuxième alinéa du I par suite d'une fusion ou d'une scission au sens de l'article 817 A, l'exonération partielle accordée au titre de l'année en cours et de celles précédant ces opérations n'est pas remise en cause si les titres reçus en contrepartie sont conservés jusqu'au même terme. Cette exonération n'est pas non plus remise en cause lorsque la condition prévue au deuxième alinéa du I n'est pas respectée par suite d'une annulation des titres pour cause de pertes ou de liquidation judicaire. »

La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote sur l'amendement n° I-76.

Mme Nicole Bricq. Nous voterons l'amendement du groupe CRC.

Je l'ai dit, les grignotages successifs de l'ISF diminuent le rendement de cet impôt alors que les finances publiques sont dans un très mauvais état.

Mais la comparaison avec d'autres pays européens faites par M. Dominati justifie aussi ce vote. Ainsi, les Pays-Bas ont certes supprimé l'impôt sur la fortune en 2001, mais la tranche supérieure des revenus est imposée à 52 %, un des plus forts taux d'Europe, alors que c'est un pays réputé par ailleurs pour son libéralisme économique.

Quant à l'exemple de la Suisse, monsieur le rapporteur général, ce sont tous les cantons qui appliquent un impôt sur la fortune. Le taux maximum est, c'est vrai, de 4,5 ?, mais l'impôt est dû à partir de 100 000 francs suisses, soit 64 000 euros, de patrimoine. Quand on cite des chiffres, il faut les citer tous !

Par ailleurs, dans le prolongement du vif débat que nous avons eu tout à l'heure, je tiens à souligner que ni le rapporteur général, ni le président de la commission des finances, ni le ministre ne se sont exprimés sur la proposition du conseil d'analyse économique visant à transformer l'ISF en impôt sur les revenus du capital, ce qui rapporterait beaucoup plus à nos finances publiques et réglerait le problème de la résidence principale.

Je ne dis pas que c'est la solution, mais c'est l'une des solutions qui vous étaient proposées, et l'on aimerait comprendre pourquoi M. de Villepin, qui semble avoir puisé ce qui l'arrangeait dans le rapport du conseil d'analyse économique, n'a pas jugé bon de retenir cette proposition, sur laquelle il nous faudra revenir.

Je veux terminer non pas sur une note polémique mais, tout de même, sur une note de vérité : nous, socialistes, nous ne sommes pas contre les riches, mais nous constatons, et cela nous gêne beaucoup, qu'il y a de plus en plus de pauvres.

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Et ce n'est pas polémique !

M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.

M. Gérard Longuet. Avec conviction et détermination, je m'oppose, naturellement, à l'amendement de notre collègue Thierry Foucaud et je soutiens l'article 17 bis.

Cet ISF est monstrueux à gérer et nombre des principales dérogations sont, comme M. le ministre vient de le rappeler avec pertinence, le fait de la gauche, madame Bricq. Si l'outil de travail a été exonéré, c'est bien parce que l'application simple et brutale, ou bête et méchante, de l'ISF à l'outil de travail aurait vraisemblablement abouti à la cession par des propriétaires incapables de s'acquitter de cet impôt d'un très grand nombre d'entreprises au bénéfice d'investisseurs étrangers qui auraient fait leurs courses sur le marché français.

Vous avez donc accepté les 25 %, mais c'est méconnaître les entreprises qui sont aujourd'hui les plus performantes, les plus dynamiques, les plus créatrices d'emplois, par exemple dans un secteur qui m'est familier, celui de l'ingénierie informatique, que de ne pas admettre une réalité simple : l'effort et la réussite sont en général partagés par des équipes de cadres dirigeants qui ont des parts dans l'entreprise - d'ailleurs, ceux-ci renoncent souvent, pendant de nombreuses années, à une rémunération substantielle ou même à une rémunération normale au bénéfice de stock-options - et qui, de ce fait, dans l'hypothèse souhaitée de la réussite de l'entreprise, se trouvent assujettis à l'ISF au motif qu'ils ne sont pas assez riches pour détenir au moins 25 % du capital !

La situation est ubuesque puisque le fait d'être actif dans une entreprise, de contribuer à son développement et à la création d'emplois, d'accepter des sacrifices salariaux pour investir dans le succès de l'entreprise abouti à être pénalisé au regard de l'ISF faute d'être assez riche et alors que le succès est collectif.

L'article 17 bis permet donc de rétablir une forme d'équité, pour reprendre la formule de M. le ministre, à l'égard de salariés participant à un succès collectif qui rejaillit sur l'ensemble des salariés de l'entreprise, même s'ils ne sont pas actionnaires à un niveau significatif ou s'ils ne sont pas actionnaires du tout, puisque les salariés pourront désormais être exonérés à concurrence de 75 %, c'est-à-dire largement, de l'ISF.

Je remercie par ailleurs le Gouvernement d'avoir accepté les amendements de la commission des finances, car, parmi les formes d'accès au capital, il y a des formes collectives. C'est par exemple le cas pour les salariés engagés dans une opération de LBO. Si la loi avait assorti l'exonération d'exigences strictes, en particulier en la limitant à des parts nominatives, le doute aurait été permis quant à l'application de l'article 17 bis à ces formes collectives. Grâce à vos positions, monsieur le ministre, le doute est dissipé.

Je voudrais dire enfin à M. Foucaud qu'en tant que Français c'est pour moi une source de satisfaction qu'un homme comme Serge Kampf ait porté une SS2I au troisième ou au quatrième rang mondial, qu'un homme comme Gérard Pélisson ait créé un concept d'hôtellerie moderne et placé son groupe au deuxième rang mondial,...

M. Philippe Marini, rapporteur général. Sans oublier notre ancien collègue Paul Dubrule !

M. Gérard Longuet. ...ou qu'un homme comme Claude Bébéar ait hissé une petite mutuelle de la banlieue de Rouen au deuxième et peut-être même au premier rang mondial des sociétés de son secteur.

S'ils gagnent un peu d'argent, tant mieux pour eux ! Ils en ont fait gagner beaucoup plus à la collectivité que ceux qui ont géré des entreprises publiques aux frais du contribuable ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-76.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote sur l'amendement n° I-312 rectifié.

M. Thierry Foucaud. Notre collègue Philippe Dominati a retiré son amendement, mais il se proposait tranquillement de tout rayer ! Or résumons l'affaire en quelques mots : un peu plus de 330 000 contribuables acquittent 3,3 milliards d'euros de droits, soit en moyenne un impôt de 10 000 euros pour un patrimoine qui n'est imposable qu'au-delà de 740 000 euros. Comme impôt confiscatoire, on fait mieux ! L'ISF est en tout cas bien moins confiscatoire que les 19,6 % de TVA qui entament à chaque passage en caisse le pouvoir d'achat des salariés.

D'ailleurs, si l'on veut réduire le poids de l'ISF, il y a d'autres moyens autrement plus subtils que celui, radical, que proposaient nos collègues Philippe Dominati et Philippe Darniche. Je veux parler des amendements déposés par notre rapporteur général et qui tendent, en fait, à élargir la brèche ouverte par l'adoption de l'article 17 bis en ajoutant les diverses formules de détention d'actions à celle qui est retenue dans le texte de l'article.

Monsieur le rapporteur général, pour que ce régime ait une portée, il faut déjà disposer d'un patrimoine d'un niveau au moins égal au plancher de l'impôt, c'est-à-dire plus de 740 000 euros, patrimoine dont la composante « actions » mériterait d'être prise en compte : quand on sait que le patrimoine médian des Français est de 67 000 euros, on voit tout de suite qu'on ne s'intéresse pas à n'importe qui !

Comme Nicole Bricq, nous ne nous opposons pas gratuitement et bêtement aux riches et nous n'entendons aucunement leur faire la guerre, mais il faut arrêter d'appauvrir les plus pauvres et d'enrichir les plus riches !

Le plancher de l'ISF représente tout de même onze fois le patrimoine moyen des Français ! Autrement dit, ce ne sont pas n'importe quels salariés qui sont visés par cet article 17 bis et ses nouveaux « développements ». Je le dis sans malice, en toute objectivité : même si je ne partage pas du tout le point de vue du rapporteur général, je tiens à le féliciter, car il fallait y penser !

Les dispositions que l'on nous invite à adopter visent ni plus ni moins à mettre en place, au profit du haut de la hiérarchie des entreprises, un système de stock options financées par l'État, donc par les 99% de contribuables non assujettis à l'ISF, en lieu et place desdites entreprises. Comme nous nous opposons à un tel système, nous ne voterons évidemment aucun des amendements de la commission à l'article 17 bis.

J'ai pu noter que, une fois de plus, les amendements de M. le rapporteur général avaient reçu l'agrément de M. le ministre, ce qui me dispense de pousser plus loin l'analyse de la politique menée aujourd'hui par le Gouvernement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-312 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-8 rectifié bis.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-9 rectifié bis.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-10 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 17 bis, modifié.

(L'article 17 bis est adopté.)

Art. 17 bis
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2006
Art. 18

Articles additionnels après l'article 17 bis

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Tous deux sont présentés par M. Lambert.

L'amendement n° I-175 est ainsi libellé :

Après l'article 17 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.- Dans le premier alinéa du b de l'article 787 B du code général des impôts, le pourcentage « 20 % » est remplacé par le pourcentage « 5 % ».

II. Dans le premier alinéa du b de l'article 885 I bis du code général des impôts, le pourcentage « 20 % » est remplacé par le pourcentage « 5 % ».

III.- La perte de recettes résultant pour l'État des I et II est compensée par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

L'amendement n° I-174 est ainsi libellé :

Après l'article 17 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.- Dans le premier alinéa du b de l'article 787 B du code général des impôts, le pourcentage « 20 % » est remplacé par le pourcentage « 10 % ».

II. Dans le premier alinéa du b de l'article 885 I bis du code général des impôts, le pourcentage « 20 % » est remplacé par le pourcentage « 10 % ».

III.- La perte de recettes résultant pour l'État des I et II est compensée par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Alain Lambert.

M. Alain Lambert. Il s'agit, dans ces deux amendements - le second étant évidemment de repli par rapport au premier -, du seuil permettant de constituer un engagement collectif de conservation, actuellement fixé à 20 %.

Je voudrais attirer l'attention du Sénat sur le fait que les entreprises françaises cotées, dont nous sommes d'ailleurs fiers, celles que le patriotisme économique nous fait appeler les « champions français » - je pense à Danone, à Air Liquide, à Axa, parmi beaucoup d'autres - ont un actionnariat très dispersé. De ce fait, les actionnaires nationaux qui dirigent ou contrôlent ces groupes ne représentent, tous ensemble, pas plus de 10 % ou 15 % du capital de ces sociétés, de sorte que le seuil de 20 % ne peut s'appliquer et ne sert donc à rien.

La mise en place d'un engagement de conservation serait de nature à stabiliser cet actionnariat contre la délocalisation que nous craignons tant et la perte d'emplois français qui nous inquiète si souvent.

C'est la raison pour laquelle je propose que ce seuil soit ramené à 10 %, voire à 5 %, sachant que pour obtenir 10, il faut peut-être d'abord proposer 5... En tout état de cause, le but est d'arriver à maintenir un actionnariat français.

A lire la presse, notamment les articles consacrés à Danone, on a l'impression qu'elle se fait l'écho d'une inquiétude aussi subite qu'unanime sur le risque pour la France de perdre le contrôle de ces entreprises dont certaines déclarations pourraient faire croire que ce sont quasiment des entreprises nationales ! Dés lors, je ne comprends pas pourquoi, quand nous proposons un dispositif pratique, simple, visant à stabiliser l'actionnariat, on nous rétorque qu'il serait fiscalement excessif. Il me semble que ma proposition est raisonnable et sage.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission a déjà eu l'occasion dans le passé de défendre des arguments tout à fait similaires à ceux qui ont été développés à l'instant par Alain Lambert. Elle a donc une approche favorable à ces amendements, avec une préférence pour l'amendement n° I-174, qui fixe le seuil à 10%.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Pour intéressante que soit cette proposition, je vais néanmoins demander à M. Alain Lambert de retirer ces amendements.

M. Alain Lambert. C'est bien ce que je craignais !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Je vois que vous êtes un habitué de ce dur métier ! (Sourires.)

C'est un sujet sur lequel nous avons besoin de procéder à une évaluation. J'ai eu l'occasion de le dire tout à l'heure, le premier chiffre dont nous disposons est certes satisfaisant, mais pas suffisamment significatif pour pouvoir réellement en tirer des conclusions.

Mon sentiment est qu'il convient maintenant de stabiliser le dispositif que nous avons retenu et qui combine la loi Dutreil, le pacte d'actionnaires, l'exonération, que nous avons portée de 50 % à 75 %, les mesures prises en faveur des salariés actionnaires, des dirigeants et anciens dirigeants d'entreprise.

Dans ces conditions, je vous demande, monsieur Lambert, de retirer ces amendements. En revanche, je prends date pour examiner avec vous les résultats chiffrés afin de mesurer l'efficacité du dispositif, nous réservant, le cas échéant, d'y revenir.

M. le président. Monsieur Lambert, maintenez-vous ces amendements ?

M. Alain Lambert. Monsieur le président, compte tenu de la préférence qu'a exprimée M. le rapporteur général pour l'amendement n° I-174, j'indique d'emblée que je retire l'amendement n° I-175.

Monsieur le ministre, je mesure un peu le poids de votre charge.

M. Michel Charasse. Le poids de sa charge et le poids de ses charges !

M. Alain Lambert. Je sais aussi que mon amendement a été récemment déposé et que vous n'avez pas pu en mesurer toute la portée.

Je vais donc le retirer, mais je le déposerai à nouveau dans le cadre du collectif budgétaire. L'examen devrait en être assez rapide, car la vraie question est de savoir si cet engagement de conservation exclut les entreprises cotées dont j'ai parlé tout à l'heure.

En fait, j'ai horreur du non-dit, j'ai horreur de l'ambiguïté, j'aime la simplicité et la clarté. Mon amendement vise à faire en sorte qu'il n'y ait pas de discrimination entre certaines sociétés. Car il faut avoir le courage de dire que le dispositif actuel ne s'applique pas à une certaine catégorie d'entreprises. Une fois qu'on l'aura avoué, je serai toujours contre, mais au moins les choses seront claires. Pour l'instant, elles ne le sont pas.

Cela étant, je conçois qu'il faille quelques semaines encore pour examiner le dispositif. En conséquence, je retire aussi l'amendement n° I-174.

M. le président. Les amendements nos I-175 et I-174 sont retirés.

L'amendement n° I-313, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Après l'article 17 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. Le c. de l'article 787 B du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu'un ou plusieurs héritiers, donataires ou légataires qui souscrit ou souscrivent l'engagement individuel de conservation a ou ont, préalablement à la prise d'effet de l'acte de mutation à titre gratuit, constitué une société ayant vocation à détenir directement une participation dans la société dont les titres font l'objet de l'engagement collectif de conservation, société qu'il détient ou qu'ils détiennent à plus de 50 % et qui souscrit un engagement individuel, l'exonération n'est pas remise en cause si les autres héritiers, donataires ou légataires, cèdent ou apportent leurs parts ou actions au profit de l'un des signataires d'engagement individuel, sous condition de poursuite jusqu'à son terme de l'engagement du cédant ou apporteur ».

II.- La perte de recettes résultant pour l'État du I. est compensée par la création à due concurrence d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Par une question écrite en date du 27 novembre 2003, j'avais appelé l'attention du ministre du budget de l'époque, qui n'était autre qu'Alain Lambert, sur un point d'interprétation et d'application pratique de la loi Dutreil du 1er août 2003.

Permettez-moi de reprendre la formulation de la question :

« S'agissant des transmissions d'entreprises individuelles, l'article 43 de cette loi a supprimé l'obligation qui était faite aux héritiers de poursuivre l'exploitation de l'entreprise sous forme individuelle. Ainsi, les héritiers se plaçant sous le nouveau régime peuvent désormais transformer l'entreprise individuelle en société sans remise en cause de l'exonération partielle dont ils ont bénéficié. Aucun régime similaire n'est prévu pour les transmissions de titres de sociétés prévues à l'article 787 B du code général des impôts. Or, en pratique, il arrive que les héritiers ou donataires constituent une société holding par apport des titres qu'ils ont reçus. Dans l'état actuel de la législation, un tel apport entraîne la remise en cause de l'exonération partielle dont ils ont bénéficié pour non-respect de leur engagement individuel de conservation des titres reçus. Et pourtant, dans les faits, l'engagement individuel sera bien respecté. Seules les modalités juridiques auront été modifiées. Afin d'éviter d'aboutir à de telles contradictions, il serait peut-être judicieux de permettre, dans le cadre de l'article 787 B, l'apport des titres à une société holding sans remettre en cause l'exonération partielle dès lors que les intéressés reportent leurs engagements individuels de conservation sur les titres de la holding. »

Le ministre du budget m'avait fait, le 15 juillet 2004, la réponse suivante :

« Si cette situation devait être réexaminée, elle devrait l'être sur la base d'un bilan d'ensemble des dispositions concernées de la loi pour l'initiative économique, bilan qui ne peut être dressé du fait du caractère très récent du texte dont il s'agit. »

Vous comprendrez, monsieur le ministre, mon insistance pour obtenir un compte rendu sur l'application de quelques dispositions de ce texte.

Au demeurant, je le souligne, les dispositions de l'article 787 B ont été rendues plus attractives grâce à la loi Dutreil II du 8 août 2005, qui fait passer l'abattement de 50 % à 75 %.

Il convient de prévoir les cas de transmissions d'entreprises par le biais de sociétés holding au sein desquelles la cession de parts entre héritiers doit pouvoir être réalisée librement, sans remise en cause pour le passé du régime favorable. Cette proposition semble de nature à accélérer les transmissions d'entreprises, ce qui est bien notre objectif, monsieur le ministre.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Monsieur le rapporteur général, j'ai une petite difficulté pratique : je n'ai pris connaissance qu'assez tardivement de cet amendement.

Mon sentiment est qu'il participe bien d'un objectif que le Gouvernement partage, à savoir éviter la remise en cause de l'avantage fiscal lorsqu'un seul des héritiers ou donataires a vocation à recevoir les titres de l'entreprise.

Néanmoins, j'ai besoin d'expertiser un peu plus cette proposition, notamment pour dissiper un léger doute quant à sa validité complète. Il s'agit de savoir s'il « tourne » ou non. J'ai l'impression que, en l'état actuel, il n'empêche pas la prise de participation d'investisseurs extérieurs.

Dans l'attente d'une analyse plus affinée, je suis tenté de vous proposer d'en reparle dans le cadre du projet de loi de finances rectificative. J'avoue être un peu pris de court.

M. le président. Monsieur le rapporteur général, maintenez-vous l'amendement ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Dès lors que M. le ministre nous donne acte de notre démarche, dès lors qu'il semble souscrire aux objectifs, s'il ne s'agit que de s'assurer de la bonne formulation juridique de la mesure, je suis tout prêt à attendre la discussion du collectif budgétaire.

Monsieur le ministre, je ferai la réponse habituelle à cette époque de l'année dans de telles circonstances : soit nous parvenons à nous accorder sur une rédaction qui « tourne » - ce que j'espère et que je crois -, et la question sera ainsi réglée à l'occasion du collectif ; soit nous n'y parvenons pas d'ici au début de la discussion du collectif, et je redéposerai, au nom de la commission, le même amendement.

Pour l'heure, monsieur le ministre, faisant bien entendu confiance à votre ouverture d'esprit et à la qualité du travail effectué avec vos collaborateurs, je retire l'amendement.

M. le président. L'amendement n° I-313 est retiré.

Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° I-11 est présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances.

L'amendement n° I-290 est présenté par M. Badré.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l'article 17 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.- Dans la première phrase du second alinéa de l'article 885 S du code général des impôts, le pourcentage : « 20 % » est remplacé par le pourcentage : « 30 % ».

II.- La perte de recettes résultant pour l'État des dispositions du I ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter l'amendement n° I-11.

M. Philippe Marini, rapporteur général. J'ai exposé la substance de cet amendement tout à l'heure en indiquant que les nouvelles cohortes qui viennent gonfler le nombre de redevables de cet impôt pesant sur le patrimoine et sur l'épargne en sont frappées le plus souvent du fait de la valorisation de leur résidence principale, valorisation qui résulte elle-même de l'évolution du marché immobilier.

C'est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, il semblerait vraiment opportun d'accroître la décote qui affecte la valeur de la résidence principale pour l'établissement de l'assiette de l'ISF.

M. le président. La parole est à M. Denis Badré, pour défendre l'amendement n° I-290.

M. Denis Badré. Je fais miens, bien entendu, les propos que vient de tenir M. le rapporteur général

Si j'ai déposé cet amendement, qui est identique à celui de la commission, c'est pour bien montrer que l'ISF n'est pas une affaire de « riches » ni une question d'idéologie.

On a beaucoup parlé de l'île de Ré. Pour ma part, je voudrais citer un autre exemple, qui est encore plus caricatural J'évoquerai tout simplement la situation d'une personne que je connais bien -  mais elle est loin d'être la seule dans ce cas - puisqu'il s'agit de mon moniteur de ski et guide, à Chamonix.

En tant que moniteur de ski, il travaille une petite cinquantaine de journées pendant l'hiver et, en tant que guide de haute montagne, une trentaine de journées au cours de l'été. Inutile de préciser que le revenu qu'il tire de cette double activité est des plus modiques !

Il se trouve qu'il habite la ferme qu'il a héritée de ses parents. Cette ferme, du fait de sa localisation, a pris beaucoup de valeur, mais il n'a aucune envie de la vendre, préférant tout simplement continuer à y habiter.

M. Denis Badré. À l'évidence, le fait d'acquitter l'ISF à un taux trop élevé...

Mme Nicole Bricq. Mais combien paie-t-il ?

M. Denis Badré. ... l'obligera à quitter cette maison familiale, pour aller vivre à Sallanches dans une HLM, ce qui le contraindrait à effectuer de nombreux et longs trajets.

Mme Nicole Bricq. Combien paie-t-il ?

M. Denis Badré. Par conséquent, si nous voulons que des vallées comme celle de Chamonix restent vivantes en toute saison, et pas seulement pendant les saisons touristiques d'hiver ou d'été, il faut que les fermes telles que celle de ce moniteur de ski et guide de montagne demeurent habitées par des Chamoniards.

Si l'on songe à de telles situations, le fait de passer de 20 % à 30 % est tout à fait raisonnable. A l'instar de la commission, dans un souci de sagesse et de rigueur, j'ai limité ce seuil à 30 %. Cela dit, il me tenait à coeur de faire vibrer cette corde sensible pour montrer que l'ISF, ce n'est ni de l'idéologie ni une affaire de « riches ».

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !

M. le président. L'amendement n° I-54 rectifié, présenté par MM. Doligé et  Poniatowski, est ainsi libellé :

Après l'article 17 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Dans la première phrase du second alinéa de l'article 885 S du code général des impôts, le pourcentage : « 20 % » est remplacé par le pourcentage : « 50 % ».

II. - Les pertes de recettes pour l'État résultant du I ci-dessus sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle au droit prévu aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° I-20 rectifié bis, présenté par MM. P. Dominati,  Adnot,  Darniche et  Masson, est ainsi libellé :

Après l'article 17 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I- Dans le premier alinéa de l'article 885 E du code général des impôts, après les mots : « l'ensemble des biens », sont insérés les mots : « à l'exception de l'habitation utilisée comme résidence principale ».

II- Le second alinéa de l'article 885 S du code général des impôts est supprimé.

III- La perte de recettes résultant pour l'État de l'exonération de l'impôt de solidarité sur la fortune de la résidence principale est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575, et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Philippe Dominati.

M. Philippe Dominati. L'impôt qui touche la résidence principale concerne, notamment en région parisienne, pratiquement toutes les familles propriétaires d'un logement de 90 mètres carrés, qu'elles comptent ou non des enfants. Il n'existe dans ce domaine aucune proportionnalité.

Il faut savoir ce que l'on veut : soit on met effectivement en place une politique de la ville, une politique du logement, et il convient alors d'exclure la résidence principale de l'ISF, soit on procède à des aménagements.

L'assiette de la résidence principale dans la contribution à l'ISF est de l'ordre de 70 milliards d'euros. Or je ne sache pas que l'argument qui m'a été opposé tout à l'heure quant à la nécessité de ne pas obérer les recettes budgétaires soit ici justifié. C'est pourquoi je considère que cet amendement correspond véritablement à la préoccupation exprimée par d'autres orateurs.

M. le président. L'amendement n° I-55 rectifié, présenté par MM. Doligé et  Poniatowski, est ainsi libellé :

Après le 17 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Dans le premier alinéa de l'article 885 E du code général des impôts, après les mots : « valeurs imposables » sont insérés les mots : «, à l'exception de l'habitation utilisée comme résidence principale, »

II. - Les pertes de recettes pour l'État résultant du I ci-dessus sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle au droit prévu aux articles 575 et 575 A du code général impôts.

Cet amendement n'est pas soutenu.

Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° I-20 rectifié bis ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission n'est pas favorable à l'exonération complète de la résidence principale. Il s'agit là d'un problème de constitutionnalité et de doctrine.

Tout à l'heure, cher Philippe Dominati, quand nous avons parlé de la perspective à long terme d'une disparition éventuelle de l'impôt de solidarité sur la fortune, je ne vous ai pas dit que nous y étions opposés sur le principe. C'est une question de choix, de modèle, de politique fiscale, de stratégie fiscale qui, un jour, fera l'objet d'un débat dans ce pays, comme cela a été le cas, ainsi que vous l'avez rappelé, madame Bricq, aux Pays-Bas - pays qui a aboli l'impôt sur la fortune au 1er janvier 2001, - en Allemagne ou sous d'autres cieux.

En revanche, s'agissant de l'exonération totale de la résidence principale, elle n'est pas possible. En effet, tant que cet impôt existera, le Conseil constitutionnel veillera, conformément d'ailleurs à sa mission, à l'égalité des contribuables devant les charges publiques. Or il n'est pas concevable d'exonérer une classe d'actifs au détriment des autres.

Il est très aisé de s'en rendre compte en observant que, si tel était le cas, certains contribuables pourraient aménager leur patrimoine de façon à en concentrer la valeur essentielle sur leur seule résidence principale, et le cas échéant en finançant l'achat de celle-ci par l'emprunt. Un tel cas de figure n'est évidemment pas acceptable, en particulier sur le plan constitutionnel.

Enfin, d'un point de vue plus économique, est-il vraiment judicieux d'inciter les gens à investir essentiellement dans l'immobilier, alors que les besoins de l'économie vont probablement justifier que l'on se tourne davantage vers les valeurs représentatives de fonds propres des entreprises ?

Telles sont, en substance, les raisons pour lesquelles la commission, malgré toute la sympathie qu'elle ressent à l'égard de votre démarche, mon cher collègue, ne peut accepter votre amendement et vous prie donc de bien vouloir le retirer.

M. le président. Monsieur Dominati, maintenez-vous votre amendement ?

M. Philippe Dominati. Oui, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Mes chers collègues, nous touchons là les limites de l'exercice. En effet, cher Philippe Dominati, on peut très bien imaginer qu'un contribuable acquière sa résidence principale après avoir obtenu un emprunt de pratiquement 100 % pour la financer et il est facile de prévoir le déséquilibre que cela pourra entraîner.

Si vous avez raison de rappeler que de très nombreux Parisiens sont propriétaires de leur résidence, il ne faut cependant pas oublier qu'un certain nombre d'entre eux ont dû emprunter.

Or, les emprunts étant déductibles de la valeur d'actifs, je pense vraiment que la proposition de la commission des finances constitue le maximum de ce qui peut être accepté au titre de l'équité et de l'égalité devant l'impôt.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-François Copé, ministre délégué. En ce qui concerne les amendements identiques nos I-11 et I-290, je soulignerai que nous avons abordé beaucoup de sujets ayant trait à l'ISF et vous m'accorderez, mesdames, messieurs les sénateurs, que le Gouvernement a, de manière très significative, fait bouger les lignes sur ce sujet à l'occasion de ce projet de budget ; il a sans doute fait plus en une fois qu'il n'a jamais fait depuis le début de cette législature.

Cela n'est d'ailleurs pas du tout à fait le fruit du hasard puisque la ligne de conduite qui a été fixée par M. le Premier ministre consiste à considérer que tout ce qui, d'une manière ou d'une autre, nous permet d'encourager l'emploi ou l'attractivité du territoire doit être examiné. Or, de ce point de vue, nous avons proposé, vous le savez, un certain nombre de mesures, visant à stabiliser le capital, à encourager l'actionnariat salarié, etc.

Quant au problème de la résidence principale, il n'entrait pas dans le « paquet fiscal global », et ce pour plusieurs raisons que je mentionne sans les hiérarchiser particulièrement.

En premier lieu, le seuil d'assujettissement est fixé au 1er  janvier 2005 à 732 000 euros, ce qui signifie qu'une très grande majorité des situations se trouvent de fait réglées. En effet, compte tenu de l'abattement de 20 %, un bien évalué, par exemple, à 1 million d'euros, soit une somme déjà substantielle, est pris en compte pour 800 000 euros. En outre, le plancher, qui est fixé à 732 000 euros, devrait être porté cette année à environ 745 000 euros. Par conséquent, la marge sur laquelle le bien est taxé est, en réalité, extrêmement réduite.

M. Denis Badré. Pour quoi, alors, ne pas l'exonérer ?

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Je vais y venir, monsieur Badré.

En fait, cette marge équivaut à peu près à une taxe d'habitation supplémentaire ; certes, il n'est jamais agréable de payer des impôts, personne ne vous dira le contraire, mais je souhaite simplement que ce problème soit situé à son juste niveau, surtout s'il est mis en regard de deux autres éléments.

En premier lieu, en ce qui concerne un seul et même contribuable, l'accumulation de la baisse de l'impôt sur le revenu opérée depuis 2002 est, c'est un fait, très supérieure au montant de sa part de contribution à l'ISF.

En second lieu, on ne peut laisser de côté ce que cette contribution représente en termes de recettes fiscales pour l'ensemble du pays. Je rappelle que le produit de l'ISF avoisine les 3 milliards d'euros - il ne s'agit donc pas d'une petite somme - et chacun a bien conscience, je pense, que chaque impôt contribue pour sa part au financement du service public. Par conséquent, cette mesure n'est pas, tant s'en faut, totalement neutre et nous sommes loin d'un impôt anecdotique.

M. Michel Charasse. Il est bon de le rappeler : l'impôt sert avant tout à payer les dépenses !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Et encore, nous ne parvenons pas à tout payer avec !

M. Michel Charasse. Raison de plus !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Ce sont là les deux principaux éléments de réponse ; je ne vais pas rappeler une fois de plus toutes les autres mesures que nous avons prises par ailleurs, telles que, par exemple, le plafonnement à 60 %.

Tout cela me donne à penser, monsieur le rapporteur général, monsieur Badré, que nous avons fait beaucoup de choses cette année pour ce qui concerne l'imposition du patrimoine et que l'on pourrait peut-être en rester là. C'est pourquoi je vous serais très reconnaissant d'accepter de retirer vos amendements.

Quant à la proposition de M. Dominati, qui consiste non pas simplement en un accroissement de l'abattement mais en une exonération totale, elle représente, pour le coup, une charge vraiment très lourde eu égard au manque à gagner de recettes qu'elle engendrerait. Chacun sait que nous ne sommes pas en mesure de l'assumer aujourd'hui, même si j'ai bien conscience de la valorisation du coût des appartements dans certaines grandes villes, notamment à Paris.

Je tiens à insister encore sur l'importance de la baisse de l'impôt sur le revenu depuis 2002, qui va au-delà de la simple compensation, ainsi que sur le montant effectif de l'impôt acquitté, compte tenu d'un abattement qui est tout de même très significatif.

M. le président. Monsieur le rapporteur général, l'amendement n° I-11 est-il maintenu ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Après avoir vérifié les chiffres, je souhaiterais rappeler à M. le ministre que, au début du mois de novembre, selon la dernière situation hebdomadaire dont j'ai connaissance, l'augmentation du rendement fiscal de l'ISF par rapport à la même date de l'année précédente a atteint 16,5 %.

Si je me permets de vous apporter cette précision, mes chers collègues, c'est parce qu'elle montre, en particulier à ceux qui prétendent que ce gouvernement met à bas l'impôt sur la fortune, que jamais le rendement de ce dernier n'a augmenté dans de telles proportions.

Je m'adresse aussi ici aux commentateurs extérieurs ; je pense notamment aux collaborateurs de ce quotidien qui, très récemment, a réalisé un plan social, ce qui a entraîné une interruption de la parution de ce journal pendant quelques jours, et qui avait fait sa une en feignant de considérer que ce gouvernement mettait à bas l'ISF.

Je rappellerai que, depuis 2002, c'est-à-dire depuis que notre majorité est installée, on dénombre 70 000 assujettis supplémentaires à l'ISF.

M. Jean-François Copé, ministre délégué. C'est un grand changement !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Il s'agit là de deux constats chiffrés essentiels : 70 000 contribuables de plus paient l'ISF et un rendement qui a augmenté de 16,5 % en un an.

Monsieur le ministre, vous nous dites que vous avez « fait bouger les lignes », cela est tout à fait vrai. Vous l'avez fait avec le souci de la compétitivité et en tenant compte de la situation des entreprises et de l'emploi. Sachez que, bien entendu, la majorité sénatoriale vous soutient fermement dans cette voie.

Certes, nous sommes quelques-uns à considérer qu'il eût été préférable d'aller un peu plus loin en délivrant un message en direction des classes moyennes qui, notamment dans la région d'Île-de-France, voient ce prélèvement augmenter sur leur résidence principale et qui, n'ayant ni l'intention ni la possibilité de vendre se sentent en quelque sorte pris dans une nasse.

Notre rôle, dès lors, est de relayer ce sentiment, et je ne pense pas que le maire de Ville-d'Avray puisse faire autrement, pas plus que ne peuvent s'en dispenser les sénateurs de Paris.

J'ajouterai que ce sentiment a tendance à se propager jusqu'à Alençon ou à Compiègne ! (Sourires.)

Je ne sais s'il a déjà gagné la belle commune de La Canourgue...

M. Jacques Blanc. Pas encore ! (Nouveaux sourires.)

M. Philippe Marini, rapporteur général. Allons tant mieux !

Bref, mes chers collègues, comme nous ne souhaitons pas compliquer par trop la tâche de M. le ministre, nous retirerons notre amendement, mais ce sera à regret, car il nous semble que cette disposition, si elle avait été satisfaite, aurait été complètement indolore grâce à la baisse éventuelle de l'immobilier l'an prochain. Nous voulions adresser un geste de considération aux gens qui ont épargné ou se sont engagés dans la vie économique, et qui auraient apprécié cette disposition.

Toutefois, monsieur le ministre, puisque vous souhaitez le retrait de cet amendement et que le Gouvernement en prend la responsabilité, nous le retirons.

M. le président. L'amendement n° I-11 est retiré.

Monsieur Badré, l'amendement n° I-290 est-il maintenu ?

M. Denis Badré. Monsieur le ministre, je regrette à mon tour que vous vous contentiez d'aborder l'ISF sous l'angle de ses effets pervers sur l'économie. Certes, je suis le premier à dénoncer les conséquences économiques pernicieuses de cet impôt, comme je l'ai fait souvent depuis trois ans ou quatre ans, mais il eût été significatif de montrer, me semble-t-il, que l'ISF ne taxe pas que les riches et qu'il a des effets pervers sous d'autres aspects.

Je souhaiterais, pour le moins, monsieur le ministre, que vous intégriez parmi vos objectifs non seulement ceux que fixait à l'instant Philippe Marini, mais aussi le souci de maintenir vivantes, notamment, un certain nombre de stations de tourisme hors saison, d'y garantir un bon équilibre social et de permettre aux gens du pays d'y demeurer, car nous devons aussi, me semble-t-il, nous préoccuper des équilibres de nos territoires.

Si j'avais été membre d'une autre commission que la commission des finances, j'aurais maintenu mon amendement, car plusieurs de nos collègues, me semble-t-il, souhaitaient le voter afin d'adresser ce signal que Philippe Marini évoquait tout à l'heure.

Toutefois, par simple discipline, en tant que membre de la commission des finances, je suis l'avis du président et du rapporteur général de cette commission et retire mon amendement, mais je le fais vraiment à contrecoeur.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Merci, monsieur Badré !

M. le président. L'amendement n° I-290 est retiré.

Monsieur Dominati, l'amendement n° I-20 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Philippe Dominati. J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt les arguments de M. le rapporteur général sur la constitutionnalité de mon amendement.

Néanmoins, puisque je ne suis pas membre de la commission des finances et que même les suggestions de cette commission, me semble-t-il, n'ont pas été entendues par le Gouvernement, je maintiens mon amendement.

M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote sur l'amendement n° I-20 rectifié bis.

M. Michel Charasse. Je ferai seulement deux observations.

Sur le problème constitutionnel soulevé par M. le rapporteur général, tout d'abord, je ne suis pas certain que nous courrions un risque d'annulation. Car c'est la loi qui fixe l'assiette de l'impôt : quand elle en soustrait les oeuvres d'art ou les bois et forêts, ceux-ci ne sont pas imposés, ce qui montre que nous gardons la possibilité de fixer les règles en la matière.

Ensuite, je note qu'aujourd'hui l'essentiel du rendement de l'ISF vient de l'immobilier. Est-ce normal et sain ? Ne devrons-nous pas, un jour, nous demander si l'immobilier constitue la véritable fortune des temps modernes ? Nous savons bien, en effet, que la vraie fortune échappe très largement en France à l'impôt de solidarité sur la fortune.

Le jour où nous poserons cette question et tenterons d'y répondre, nous trouverons peut-être des règles particulières pour les résidences en général et les résidences principales en particulier. Mais, pour l'instant, nous sommes loin du compte, car l'impôt est payé essentiellement par les propriétaires immobiliers et la vraie fortune échappe à l'impôt.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-20 rectifié bis.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° I-207 rectifié, présenté par M. Pozzo di Borgo et Mme Payet, est ainsi libellé :

Après l'article 17 bis insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I - Après l'article 885 L du code général des impôts, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :

« Art. ...  Toute personne physique assujettie à l'impôt de solidarité sur la fortune en raison de la propriété d'un bien immeuble unique bénéficie d'une exonération de cet impôt à hauteur de 100 %. ».

II - Les pertes de recettes résultant éventuellement, pour l'Etat, de l'application du I du présent article sont compensées, à due concurrence, par un relèvement des droits visés à l'article 150 V bis du code général des impôts.

La parole est à Mme Anne-Marie Payet.

Mme Anne-Marie Payet. Cet amendement vise à rendre justice à certains propriétaires victimes d'une dérive de notre législation fiscale.

L'impôt de solidarité sur la fortune devait frapper plus intensément les gros patrimoines. Or, dans la pratique, malheureusement, nous constatons des effets incontrôlés dus à des facteurs induits. À Paris, en 2004, 59 915 contribuables étaient assujettis à l'ISF, en grande partie à cause d'un unique bien immobilier.

Cette situation est problématique quand le patrimoine imposé comprend, comme c'est le cas pour beaucoup de Parisiens, un seul bien immeuble, qui est très souvent un appartement. Le prix de l'immobilier augmente considérablement et, du même coup, la valeur vénale des biens. L'ISF à payer devient alors une charge très lourde, que les seuls revenus du propriétaire ne permettent pas d'assumer complètement.

Il est anormal que certains de nos concitoyens soient pénalisés en raison de la propriété d'un unique bien immobilier, très souvent le fruit du travail de toute une vie et de sacrifices personnels. Cela frise l'injustice.

Je vous propose donc de modifier le code général des impôts en exonérant à hauteur de 100 % toute personne physique assujettie à l'ISF en raison de la propriété d'un unique bien immeuble.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Cet amendement appelle exactement les mêmes réflexions que l'amendement n° I-20 rectifié bis de Philippe Dominati, que le Sénat n'a pas adopté, essentiellement pour des raisons de constitutionnalité.

Je souhaite le retrait de l'amendement n° I-207 rectifié.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Même avis.

M. le président. Madame Payet, l'amendement n° I-207 rectifié est-il maintenu ?

Mme Anne-Marie Payet. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° I-207 rectifié est retiré.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures quinze.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à treize heures cinq, est reprise à quinze heures quinze, sous la présidence de M. Jean-Claude Gaudin.)