ÉTAT B

Autorisations d'engagement : 135 460 000 euros ;

Crédits de paiement : 110 900 000 euros.

M. le président. Je n'ai été saisi d'aucune demande d'explication de vote avant l'expiration du délai limite.

Je mets aux voix les crédits du compte d'affection spéciale « Développement agricole et rural ».

(Ces crédits sont adoptés.)

M. le président. J'appelle en discussion l'article 74, et les amendements tendant à insérer un article additionnel, qui est rattaché pour son examen aux crédits de la mission « Agriculture, pêche, forêts et affaires rurales ».

II. - AUTRES MESURES

Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales

Art. 52 et état B
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2006
Art. additionnels après l'art. 74

Article 74

Dans le deuxième alinéa de l'article L. 514-1 du code rural, les mots : « pour 2005, à 1,8 % » sont remplacés par les mots : « pour 2006, à 2 % ».

M. le président. L'amendement n° II-78 rectifié bis, présenté par MM. J. Blanc, Trillard et César, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Dans la seconde phrase du troisième alinéa de l'article L. 514-1 du code rural, les mots : « au double » sont remplacés par les mots : « au triple »

La parole est à M. André Trillard.

M. André Trillard. Cet amendement a pour objet de permettre de réduire les écarts constatés en termes de niveau d'imposition entre les chambres d'agriculture. L'assiette de la taxe pour frais de chambres d'agriculture varie, en effet, de un à six selon les départements.

Il s'agit de donner aux chambres d'agriculture, qui ont l'assiette la plus faible, la possibilité, après accord de la tutelle, de pouvoir rattraper leur retard, en augmentant leur taux d'imposition plus rapidement que les autres chambres d'agriculture.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Je me prononcerai après avoir entendu l'avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Bussereau, ministre. Favorable.

M. le président. Quel est, maintenant, l'avis de la commission ?

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Favorable !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Les taux d'imposition constituent, certes, des indicateurs intéressants, mais je souhaite appeler l'attention du Sénat sur le fait que les valeurs imposées varient parfois de un à cinq, d'un département à l'autre. Il faut donc relativiser les choses.

M. Paul Raoult. C'est vrai !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-78 rectifié bis.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 74, modifié.

(L'article 74 est adopté.)

Art. 74
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2006
Sécurité sanitaire

Articles additionnels après l'article 74

M. le président. L'amendement n° II-92, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l'article 74, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Dans la première phrase du second alinéa de l'article L. 641-8 du code rural, le nombre : « 0,08 » est remplacé par le nombre : « 0,10 ».

II. - Cette disposition entre en vigueur à compter de la récolte 2005/2006.

La parole est à M. le ministre.

M. Dominique Bussereau, ministre. Cet amendement a été élaboré en lien avec la profession viticole.

Il nous faut améliorer le financement de l'institut national des appellations d'origine, l'INAO, dont nous avons longuement débattu lors de l'examen de la loi d'orientation agricole, et auquel nous avons accordé un rôle nouveau, et important, en matière de qualité.

Nous sommes convenus, avec les AOC, que la dotation de l'État à l'INAO serait augmentée de 695 000 euros et que les établissements bénéficieraient d'une légère revalorisation du droit sur les vins.

L'amendement n° II-92 vise donc à porter le montant maximum du droit sur les vins de 0,08 euro par hectolitre à 0,10 euro par hectolitre. Nous relevons légèrement les droits sur les vins, tandis que l'État, de son côté, inscrit dans son budget l'augmentation de sa dotation à l'INAO.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. La commission des finances n'aime guère les augmentations de taux, de droits, de cotisations, etc. Mais puisque, en l'occurrence, M. le ministre nous assure que les victimes sont consentantes, l'avis de la commission est favorable. (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau, pour explication de vote.

M. Gérard Delfau. S'il fallait une démonstration de la vacuité de la politique gouvernementale en matière viticole, elle serait faite à présent !

M. Dominique Bussereau, ministre. Mais qui conforte les AOC, sinon le Gouvernement ?

M. Gérard Delfau. Je le répète, il ne faut pas traiter ce problème de fond par des mesures ponctuelles, surtout quand celles-ci auront pour conséquence de prélever un peu plus d'argent sur une viticulture déjà exsangue !

Depuis trente ans, je n'ai cessé, ce qui était normal, de soutenir l'effort des AOC, et de l'INAO en particulier.

M. Dominique Bussereau, ministre. Les AOC ont donné leur accord à cette mesure !

M. Gérard Delfau. J'affirme que nous ne pouvons continuer de cette façon, sans visibilité, sans savoir exactement sur qui et sur quoi portent les mesures !

Monsieur le ministre, il nous faut enfin, le plus vite possible, définir une politique viticole - et je suis certain que, sur les travées de la commission, mes propos trouvent des échos -, car nous n'en avons pas, et c'est pourquoi la profession tout entière est en train de périr !

Même si je n'ai absolument rien contre le principe de l'augmentation de ce prélèvement, je m'abstiendrai donc, parce que ce n'est ni le lieu ni le moment de prendre une telle mesure, et que ce n'est pas ainsi que nous améliorerons une situation déjà très dégradée.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Pastor, pour explication de vote.

M. Jean-Marc Pastor. Mes chers collègues, nous subissons une crise viticole qui ne fait que commencer, ...

M. Dominique Bussereau, ministre. Depuis trente ans !

M. Jean-Marc Pastor. ...même si nous en observons les signes depuis plusieurs mois maintenant.

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques et du Plan. Depuis trois ans ! (Sourires.)

M. Jean-Marc Pastor. Il me semble tout de même inopportun, en pleine crise viticole, au moment où M. le ministre, lui-même - nous l'avons entendu -, demande aux parlementaires de s'associer à la réflexion collective pour trouver des solutions à cette crise, d'augmenter un prélèvement qui pèse sur les viticulteurs ! C'est tout de même dommage !

Je comprends tout à fait que l'État ait besoin de se procurer des ressources, et l'INAO aussi, certainement, mais j'aurais préféré que l'on précise cette démarche, qui concerne les viticulteurs.

Bien entendu, monsieur le ministre, j'ai noté que les représentants des AOC étaient favorables à cette mesure. Mais j'aurais souhaité, par la même occasion, que vous nous précisiez quelle allait être l'action de l'INAO contre la crise, afin que, ensemble, nous fassions un geste pour essayer d'en sortir. Il est donc bien dommage que nous ne le fassions pas avec cet amendement, qui pourrait nous permettre d'y voir plus clair, dans une situation délicate.

C'est la raison pour laquelle je m'abstiendrai.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-92.

M. Gérard Delfau. Je m'abstiens !

M. Jean-Marc Pastor. Tout comme le groupe socialiste !

Mme Évelyne Didier. Le groupe CRC également !

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 74.

L'amendement n° II-133 rectifié, présenté par MM. du Luart,  Cléach, Fillon, Fournier et Bizet, est ainsi libellé :

Après l'article 74, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le troisième alinéa de l'article L. 641-9-1 du code rural est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Un même produit ne peut faire l'objet de plusieurs droits acquittés au bénéfice de l'Institut national des appellations d'origine. »

La parole est à M. Bernard Fournier.

M. Bernard Fournier. Cet amendement est retiré.

M. le président. L'amendement n° II-133 rectifié est retiré.

Nous avons achevé l'examen des crédits relatifs à la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales » et les crédits du compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural ».

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-trois heures quinze.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt et une heures cinq, est reprise à vingt-trois heures quinze.)

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi de finances pour 2006, adopté par l'Assemblée nationale.

sécurité sanitaire

Art. additionnels après l'art. 74
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2006
Art. 52 et état B

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Sécurité sanitaire » (et articles 86, 86 bis et 87).

La parole est à Mme le rapporteur spécial.

Mme Nicole Bricq, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Sécurité sanitaire » est l'une des huit missions interministérielles de la nouvelle architecture budgétaire. Un tel dimensionnement est pourtant mis à l'épreuve et se montre défaillant avec une lecture budgétaire un peu plus précise : celle-ci, au demeurant complexe, révèle en effet plus une juxtaposition des responsabilités qu'une vision réellement interministérielle.

Au nom de la commission des finances, je me suis attachée à vérifier que les principes et l'esprit de la LOLF étaient bien respectés dans cette mission. Or j'ai pu constater que tel n'était pas toujours le cas.

Ainsi, le principe de responsabilité n'est pas respecté dans la mesure où toutes les dépenses de personnel sont concentrées sur l'un des deux programmes constituant la mission. L'esprit de la LOLF n'est pas non plus respecté puisque les fonctions supports ne sont pas rattachées au programme correspondant.

Par ailleurs, le budget des nombreux opérateurs participant à la mise en oeuvre de la mission n'a pas encore été élaboré selon les règles de la LOLF. En outre, nous ne sommes pas en mesure d'évaluer la performance de ceux qui n'ont pas signé de contrats d'objectifs et de moyens avec l'État.

De ce foisonnement d'opérateurs et de l'absence de règles communes de référence, je tire, à ce stade, trois enseignements.

En premier lieu, il paraît sans doute nécessaire de marquer une pause tant dans la création que dans la réorganisation des agences, afin de pouvoir évaluer la pertinence globale du système.

En deuxième lieu, il convient de mieux étudier l'articulation de notre dispositif avec le système européen.

En troisième lieu, il nous faut réfléchir à l'intégration, dans le cadre de l'appréciation du risque, de données autres que scientifiques. Je pense, notamment, à certaines données économiques et sociales.

Pour autant, l'enjeu majeur de la mission « Sécurité sanitaire » pour 2006, sur lequel je souhaiterais m'arrêter un peu plus longuement, est le financement du plan de protection contre le risque de pandémie de grippe aviaire.

Le coût global annoncé de ce plan s'élève à environ 700 millions d'euros sur trois ans.

D'après nos informations, la CNAM, la Caisse nationale d'assurance maladie, alimenterait le fonds de concours prévu dans ce domaine par le biais d'un prélèvement de 176 millions d'euros pour 2005. Lors de la discussion sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006, M. le ministre s'est engagé à mobiliser sur le budget de l'État 177 millions d'euros supplémentaires, pour abonder les crédits du programme « Veille et sécurité sanitaires ». Il en serait de même pour 2006.

Or ce n'est que le 28 novembre dernier que nous avons pu être assurés : le budget de la santé pourra, semble-t-il, couvrir, à hauteur de 150 millions d'euros, les besoins relatifs aux mesures de prévention et de lutte contre la grippe aviaire, et ce d'après les mesures réglementaires annoncées ; à ce titre, un décret d'annulation et un décret d'avances devraient ainsi trouver leur traduction chiffrée dans le prochain projet de loi de finances rectificative. Malgré tout, même si ces 150 millions d'euros apparaîtront dans les comptes le moment venu, il manquera toujours 27 millions d'euros par rapport au montant initialement annoncé. À ce stade, il nous faut donc attendre le collectif budgétaire pour trouver ces crédits manquants ; il nous reste donc effectivement encore un peu de temps...

En résumé, monsieur le ministre, la lisibilité des crédits budgétaires, voire leur sincérité, n'est pas assurée. Alors qu'il s'agit bien d'une politique de santé publique, sur le fond, la question de la participation de la sécurité sociale reste posée.

J'en viens à l'examen des deux programmes.

Dans le premier, le programme 228 « Veille et sécurité sanitaires », la justification au premier euro est pour le moins lacunaire. Les dépenses ne sont pas « fléchées » selon le dispositif répertorié dans le bleu budgétaire. Toutefois, il faut le reconnaître, des efforts ont été accomplis pour fixer des objectifs aux opérateurs.

Dans le second, le programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation », un effort de justification est fait au premier euro, à l'inverse donc du premier programme. Cela permet justement de faire apparaître l'insuffisance des crédits affectés à l'action 02 « Lutte contre les maladies animales et protection des animaux » et à l'action 03 « Prévention et gestion des risques sanitaires liés aux denrées alimentaires ».

En cas de survenance de l'épizootie qui affecterait les volailles et d'autres animaux, la dotation du programme 206 nous semble insuffisante. Aussi proposerai-je, au nom de la commission des finances, un amendement visant à transférer des crédits, somme toute modestes puisqu'ils représentent 15 millions d'euros, du programme 228 vers le programme 206.

Par ailleurs, la commission reconnaît les efforts du Gouvernement afin de doter le programme 206, et donc l'ensemble de la mission, d'indicateurs pertinents et d'objectifs lisibles.

Je terminerai mon propos avec l'examen des articles rattachés.

L'article 86 prévoit une réforme importante du service public de l'équarrissage. Il en ressort une responsabilisation des acteurs, ce qui aboutit à amoindrir l'engagement de l'État. La solution de compromis ainsi proposée entre les producteurs, les filières, les opérateurs et les administrations a recueilli l'approbation de la commission des finances. Sur cet article, nous proposerons simplement un amendement d'ordre rédactionnel.

L'article 86 bis, introduit par l'Assemblée nationale, vise, d'une part, à créer, au profit de l'AFSSA, l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, de nouvelles taxes, et, d'autre part, à augmenter les taxes existantes destinées à financer les activités d'autorisation de mise sur le marché et de contrôle du médicament vétérinaire, qui sont assurées par l'ANMV, l'Agence nationale du médicament vétérinaire. Comme j'ai pu moi-même le vérifier, ces nouveaux moyens permettront d'accélérer la procédure d'autorisation de mise sur le marché. La commission des finances proposera un amendement tendant à améliorer la rédaction de cet article.

Enfin, l'article 87 vise à instituer, au profit de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, l'AFSSAPS, une taxe additionnelle destinée à financer les comités et la conférence nationale des comités de protection des personnes.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, sous réserve du vote des amendements qu'elle proposera, la commission des finances a donné un avis favorable à l'adoption des crédits inscrits au titre de la mission « Sécurité sanitaire ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées de l'UMP. - M. le président de la commission des finances applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Soulage, rapporteur pour avis.

M. Daniel Soulage, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais indiquer, en préambule, que la commission des affaires économiques se félicite de la création d'une mission interministérielle « Sécurité sanitaire », qui associe les thématiques de la santé humaine et de la qualité sanitaire de l'alimentation.

Nous pensons toutefois que le Gouvernement doit poursuivre son effort en la matière. Je prendrai quelques exemples pour illustrer mon propos.

Tout d'abord, je ne peux que regretter que le programme « Sécurité et veille sanitaires » n'abrite pas les crédits de personnel qui sont transférés depuis la mission « Solidarité et intégration ». En effet, la création d'une mission budgétaire, à plus forte raison si elle est interministérielle, doit répondre à un objectif de regroupement des crédits d'une même politique publique. À défaut, le Parlement et les citoyens perdent la capacité de porter un jugement éclairé sur l'action et la dépense publiques.

J'ai évidemment bien conscience des difficultés considérables qu'a représentées et que continue de provoquer la réforme de la LOLF. Mais il ne faut pas nous arrêter au milieu du gué : la commission des affaires économiques souhaite donc, monsieur le ministre, que le Gouvernement nous indique comment il entend, dans l'année à venir, compléter et clarifier la structure de cette mission en vue de l'améliorer.

Ensuite, je m'attarderai sur un exemple concret, qui illustre non seulement tout l'intérêt de la LOLF, mais aussi l'effort restant à accomplir : il s'agit de l'action 05 « Élimination des farines animales et des coproduits animaux » du programme « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation ». Cette action couvre, d'une part, le service public de l'équarrissage et, d'autre part, le stockage et l'élimination des farines animales accumulées jusqu'en 2003. Elle fait l'objet d'un montant considérable d'autorisations d'engagement, à savoir 406 millions d'euros, soit près de la moitié des autorisations d'engagement de l'ensemble du programme.

En réalité, ces autorisations d'engagement recouvrent trois éléments d'engagement : la prise en compte du marché triennal du service public de l'équarrissage, c'est-à-dire 44 millions d'euros par an et, donc, 132 millions d'euros sur toute la période ; l'intégration d'une dette de 110 millions d'euros au titre de ce service public ; enfin, la prise en compte, pour 164 millions d'euros, du déstockage sur plusieurs années des farines animales accumulées jusqu'en 2003.

Cet exemple est une bonne illustration du fait que la LOLF permet de faire apparaître la réalité d'engagements qui étaient jusqu'à présent très difficiles à percevoir. Aujourd'hui, nous bénéficions d'une visibilité de trois ans au regard du coût du service public de l'équarrissage et de l'élimination des farines animales. Un tel outil est donc beaucoup plus intéressant que les indications qui étaient à notre disposition dans le précédent cadre budgétaire.

Sur cette action, il me reste à faire deux observations, l'une très positive et l'autre un peu moins.

L'élément positif est la proposition du Gouvernement d'augmenter fortement les crédits de paiement de cette action, pour les fixer à 99 millions d'euros, ce qui devrait permettre d'entamer une réelle diminution du stock de farines animales.

L'élément plus critiquable est la gestion de cette action, non pas par la DGAL, la Direction générale de l'alimentation, qui a pourtant la responsabilité du programme, mais par la Direction des politiques économique et internationale, la DPEI, qui dépend du ministère de l'agriculture. Un tel choix n'est pas très logique et ne correspond évidemment pas aux principes de la LOLF.

Cet exemple me servira de conclusion, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, car il me permet d'exprimer mon sentiment sur l'ensemble de la mission « Sécurité sanitaire ».

D'une part, cette mission traduit une nouvelle approche budgétaire très intéressante, dont je suis convaincu qu'elle nous permettra assez rapidement d'améliorer nettement notre travail. D'autre part, elle témoigne d'une mise en oeuvre toutefois encore imparfaite, et qui devra donc être améliorée d'ici au projet de loi de finances pour 2007.

Au vu de ces différents éléments, la commission des affaires économiques a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Sécurité sanitaire ». (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - M. le président de la commission des finances applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier, rapporteur pour avis.

M. Gilbert Barbier, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des affaires sociales a choisi, dans le respect de son champ de compétences, de limiter son avis au seul programme « Veille et sécurité sanitaires » de cette mission, c'est-à-dire aux politiques qui relèvent du ministère de la santé et des solidarités.

L'intervention très complète de Mme le rapporteur spécial me permet de ne pas entrer dans le détail des quatre actions qui composent ce programme et de limiter mon intervention à trois points.

Le premier point porte sur le financement du plan Biotox et du plan de lutte contre la grippe aviaire, financement qui confirme la montée en puissance de l'assurance maladie dans la prise en charge des plans d'urgence.

Ainsi, en 2006, le fonds destiné à faire face aux situations d'urgence sera alimenté non par l'État mais par la seule assurance maladie, qui assurera également largement la charge du plan de lutte contre la grippe aviaire et du plan Biotox, par le biais d'un fonds de 177,7 millions d'euros.

Or, monsieur le ministre, vous aviez annoncé à l'Assemblée nationale une augmentation de la dotation du programme « Veille et sécurité sanitaires » à hauteur de 177 millions d'euros, pour organiser le financement par l'État des mesures de lutte contre l'épidémie de grippe aviaire. Nous n'en voyons pour l'instant aucune traduction budgétaire.

Nous comprenons la nécessité de mobiliser l'ensemble des moyens disponibles pour cette cause, mais la commission des affaires sociales regrette que l'État n'ait pas entièrement pris en charge le financement de ce plan, qui ressort typiquement de ses fonctions régaliennes.

Par ailleurs, dans la mesure où les crédits du fonds « Biotox - grippe aviaire » sont fongibles et sachant que les mesures de prévention de la pandémie sont coûteuses, nous craignons l'absence d'attribution effective de crédits au plan Biotox en 2006.

N'est-il pas déraisonnable de délaisser la lutte contre le bioterrorisme, dans le contexte international que nous connaissons ?

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. Elle n'est pas délaissée !

M. Gilbert Barbier, rapporteur pour avis. Le deuxième point concerne les difficultés rencontrées par l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale et du travail, l'AFSSET.

La nouvelle nomenclature budgétaire confirme le rôle prépondérant des agences dans la politique de sécurité sanitaire.

Ce n'est pas une mauvaise chose, mais cette organisation institutionnelle n'est pas toujours claire : à cet égard, je pense notamment au chevauchement des compétences entre les différentes agences. C'était le cas de l'ancienne agence française de sécurité sanitaire environnementale, l'AFSSE, dont le rôle se limitait à la coordination des expertises des organismes existants, déjà compétents en matière d'environnement et de santé.

Or, à la suite de l'adoption du plan quinquennal « santé-travail », le 23 janvier 2005, les compétences de l'AFSSE ont été étendues au milieu professionnel. Cette agence est alors devenue l'AFSSET, sans bénéficier pour autant d'un positionnement plus précis.

On propose certes de doter l'AFSSET de dix emplois supplémentaires par an entre 2005 et 2010, mais j'observe qu'aucun recrutement de personnels d'encadrement administratif ou de secrétariat n'est prévu, alors qu'ils seraient indispensables à la montée en puissance de l'agence.

Par ailleurs, l'agence a le plus grand mal à recruter les professionnels dont elle a besoin, notamment des toxicologues et des médecins du travail, en raison d'une grille statutaire peu attractive par rapport aux rémunérations proposées par les entreprises privées et les centres antipoison.

En outre, le recours massif aux CDD entraîne un taux de rotation important des personnels qui nuit au suivi des actions. La commission des affaires sociales souhaite que l'on remédie à cette situation et, plus largement, que l'on évite la dispersion actuelle de l'expertise sur la santé environnementale et sur la santé au travail entre les agences.

Le rôle de l'AFSSET dans ces domaines doit être renforcé, en redéfinissant le champ des missions des autres agences.

Le troisième point concerne l'attractivité de la France en matière de recherches biomédicales. Je vise ici l'article 87 du projet de loi de finances pour 2006. Cet article instaure un nouveau mode de financement des comités de protection des personnes, dont l'avis favorable est requis préalablement à toute recherche biomédicale.

Pour remplacer le fonds de concours actuel, alimenté par les droits versés par les promoteurs de recherche, il est créé une taxe additionnelle, due pour toute demande d'avis adressée aux comités.

Le projet initial fixait à 8 000 euros le plafond du montant total de la taxe versée à l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, l'AFSSAPS, pour les recherches biomédicales et de la taxe additionnelle due aux comités de protection des personnes. L'Assemblée nationale l'a ramené à 6 000 euros.

Ce choix paraît légitime, car la moyenne du plafond des redevances versées par les promoteurs de recherches dans les autres Etats de l'Union européenne est de l'ordre de 3 000 euros, avec un maximum de 5 850 euros au Royaume-Uni.

Un plafond de 8 000 euros risquerait donc de nuire à l'attractivité de la France en matière de recherches biomédicales.

En conséquence, la commission des affaires sociales est très favorable à la modification proposée par l'Assemblée nationale.

Sous réserve de ces quelques observations, la commission des affaires sociales a donné un avis favorable à l'adoption des crédits du programme « Veille et sécurité sanitaires » de la mission interministérielle « Sécurité sanitaire » et de l'article 87 qui est rattaché.

M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des Présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire, 10 minutes ;

Groupe socialiste, 19 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen, 7 minutes ;

Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 6 minutes ;

Je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d'intervention générale et celui de l'explication de vote.

Je vous rappelle également qu'en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser 10 minutes.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. André Trillard.

M. André Trillard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, bien qu'ayant choisi de centrer mon propos sur un aspect particulier de la mission « Sécurité sanitaire », à savoir la sécurité alimentaire, je tiens au préalable à souligner la bonne adéquation de principe de ce budget interministériel à la mission transversale qu'est la sécurité sanitaire.

Dans la réalité cependant, comme l'a souligné Mme le rapporteur spécial, l'inscription seulement partielle des dépenses de personnel ne rend compte que très imparfaitement du budget exact consacré à la sécurité sanitaire.

Je souscris également aux propos de Mme le rapporteur spécial quant à la nécessité d'améliorer la lisibilité des crédits de la mission ainsi que la coordination des deux ministères de tutelle, au service de la mise en oeuvre d'une stratégie propre à la mission.

Le problème de la sécurité alimentaire présente aujourd'hui la caractéristique paradoxale de nous permettre tout à la fois de dresser un bilan rassurant de la situation actuelle et de susciter des interrogations et des inquiétudes.

Le bilan est rassurant, car les chiffres sont là : alors que l'on dénombrait encore 15 000 décès annuels par intoxication alimentaire voilà cinquante ans, on les évalue aujourd'hui à 300 au maximum.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. C'est un vrai progrès !

M. André Trillard. C'est effectivement un progrès.

Ce bilan est rassurant, car les récentes crises, en particulier celle de l'encéphalopathie spongiforme bovine, l'ESB, ont eu pour principal mérite de nous conduire à nous doter d'un dispositif efficace, fruit de la loi novatrice de 1998 qui, en dissociant « la double mission », confiait la gestion des risques à plusieurs ministères et leur évaluation à l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, l'AFSSA.

En sachant asseoir rapidement sa crédibilité, l'AFSSA a validé la qualité de notre système de contrôle et de surveillance de sécurité des aliments, qui fait aujourd'hui l'objet d'un large consensus.

Le bilan est rassurant, car les traumatismes passés ont fait de la sécurité alimentaire l'une des préoccupations essentielles des Français, dont la vigilance s'est nettement accrue ces dernières années.

Ce constant encourageant une fois effectué, l'optimisme béat n'est pas de mise.

Difficiles à identifier, d'origine parfois mal connue, empruntant les voies détournées de frontières poreuses et de législations étrangères plus laxistes que la nôtre, de nouveaux dangers sont là, qui rendent notre environnement alimentaire de plus en plus incertain.

Le dogme de la barrière des espèces, longtemps rassurant, n'est plus qu'une utopie. Cette certitude, déjà ébranlée par les maladies comme la tuberculose, la rage ou la brucellose, a définitivement volé en éclats lors de l'apparition de la maladie de Creutzfeldt-Jakob.

Du fait de l'intensification des échanges résultant de la mondialisation, 20 % des produits alimentaires que nous consommons viennent de l'étranger, dont une part non négligeable provient de pays où les normes sanitaires ne sont pas les mêmes que les nôtres et où, par exemple, l'utilisation d'antibiotiques n'est pas contrôlée.

A cet égard, on peut s'interroger sur l'utilisation, même à dose raisonnable, d'antibiotiques dans l'alimentation animale, avec des « effets discrets », que je qualifierais plutôt d'incertains.

En résumé, plusieurs crises, toutes gérées dans l'urgence, nous ont fait prendre conscience de l'ampleur des menaces et nous ont permis d'améliorer notre dispositif de veille, de gestion et de lutte, voire de traitement médical.

Indéniablement, nos outils d'évaluation, de surveillance et d'action ont été renforcés au cours de ces dernières années.

Pourtant, sans jamais négliger aucun de ces aspects, il est essentiel de compléter notre arsenal de sécurité sanitaire par une vraie culture de la prévention.

La prévention, c'est tout d'abord, pour une large part, le contrôle. C'est aussi l'éducation des consommateurs et en particulier des jeunes consommateurs.

En ce qui concerne les contrôles, point essentiel eu égard à ce que je viens de dire sur l'ouverture de nos frontières, vous comprendrez que je souhaite replacer mon propos à un niveau qui me semble déterminant, celui de l'Europe, dont la multiplication des postes d'entrée de denrées alimentaires doit être soulignée. Je rappelle que l'Europe compte plus de 800 points d'entrée, contre 20 aux Etats-Unis. Il est également légitime de soulever la question des contrôles effectués à nos propres frontières.

Si, au terme de sept années de négociations, il convient enfin de saluer l'entrée en vigueur de la réglementation européenne sur la sécurité sanitaire - le « paquet » sanitaire - avec, en particulier, l'obligation de la traçabilité des aliments dans les Etats membres, comment, avec l'élargissement récent de l'Union européenne, répondre au défi que constitue l'harmonisation des normes, normes qui varient déjà considérablement entre anciens pays membres, s'agissant de la salmonelle ou du taux de dioxine, par exemple ?

Plus concrètement, est-il normal que des viandes provenant de Chine avec de faux étiquetages, portant le nom d'entreprises réputées, pénètrent en Europe par l'Estonie ?

L'Autorité européenne de sécurité des aliments, l'AESA, est, en théorie, dotée d'un champ d'investigation très large, mais quels sont ses pouvoirs réels, alors que la remontée des informations ne dépend que de la bonne volonté des États membres ?

Monsieur le ministre, comment l'Agence vétérinaire européenne peut-elle, avec un effectif d'une petite centaine d'inspecteurs, mener à bien sa mission au sein de l'Union, avec - excusez-moi de le répéter, mais c'est essentiel - de nouveaux États membres qui présentent des frontières vulnérables et des législations parfois quelque peu élastiques ?

Quant aux contrôles effectués sur notre territoire, que dire de leur nature ? Sont-ils faits sur bordereaux ou par un contrôle physique ?

Ne pouvons-nous nous fixer comme objectif de réduire le nombre de points d'importation aux seuls postes douaniers capables de procéder à de vrais contrôles et de former les contrôleurs français à intervenir et à opérer des contrôles chez nos voisins, dans des conditions qui restent à définir ?

Force est de reconnaître que la France comme l'Europe sont d'une très grande naïveté au regard de la réalité du monde.

La crédibilité de notre système de veille passe par un renforcement des moyens notoirement insuffisants affectés aux contrôles. À cet égard, la diversité des acteurs rendant difficile la production de données fiables, il serait intéressant, monsieur le ministre, que nous puissions disposer de statistiques plus précises. Il est nécessairement possible de développer de meilleures coordinations.

Prévenir, c'est contrôler, mais c'est aussi éduquer et former. Nous le voyons actuellement avec la crise de la grippe aviaire : un écho planétaire, source de fantasmes, a fait oublier que l'on élimine tout risque avec une cuisson des volailles à 70 degrés.

Par ailleurs, l'éducation du consommateur passe aussi par l'utilisation des réfrigérateurs individuels, sur lesquels il y aurait beaucoup à dire : citons à cet égard le respect de l'hygiène ou de la « chaîne du froid », par exemple. Nous pouvons éviter ces risques.

Pour ce faire, nous pouvons notamment nous adresser aux jeunes. Passionnés de consommation au sens large, de qualité de la consommation, les jeunes constituent un public motivé et réceptif.

Comme l'éducation civique ou la sécurité routière, la sensibilisation à la sécurité sanitaire doit pouvoir faire l'objet d'un enseignement spécifique.

L'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé, l'INPES, a vu son champ d'intervention s'ouvrir à la sécurité sanitaire après la canicule. Pourtant, si son budget est indéniablement important, ses moyens humains le sont moins, et il est à craindre que la grippe aviaire n'en absorbe prochainement la plus grande partie.

Il y a là pourtant là matière à réflexion, monsieur le ministre. Je voudrais que vous m'indiquiez ce que vous pensez de la possibilité de développer des partenariats plus étroits entre l'INPES et l'éducation nationale. Que penseriez-vous de la création d'un portail Internet consacré exclusivement à la sécurité sanitaire, où chacun pourrait trouver l'information dont il a besoin ?

En conclusion, il faut être conscient du fait que, compte tenu de l'évolution permanente des risques qui menacent nos sociétés, la sécurité alimentaire peut toujours être battue en brèche.

Dans un tel contexte, il apparaît au moins aussi important d'apprendre à adapter une attitude à un danger que d'en connaître tous les aléas.

En matière de sécurité alimentaire, comme en beaucoup d'autres domaines, la connaissance est nécessaire ; la pédagogie est génératrice de réactions adaptées.

Souhaitant, monsieur le ministre, que vous acceptiez de vous inspirer de ces quelques pistes de réflexion au service d'un enjeu de taille qu'est la mise en oeuvre d'une stratégie véritable de la sécurité sanitaire, je voterai, avec mon groupe, les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier.

M. Gilbert Barbier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en 1977, la France prenait les premières mesures de précaution concernant l'amiante. C'était quarante-six ans après le Royaume-Uni, trente et un ans après les Etats-Unis et treize ans après la conférence internationale de New York qui a dressé la liste exhaustive des risques liés à ce matériau. Il a fallu attendre encore vingt ans pour que notre pays en interdise totalement l'usage.

Les industriels ont fini par trouver une solution de remplacement, mais, aujourd'hui, ce sont les usagers et les professionnels qui paient des années d'aveuglement en subissant les ravages qui en découlent en termes de santé.

Après l'amiante, il y a eu l'hormone de croissance, le plomb, le sang contaminé, les farines animales : autant de drames qui ont fondamentalement bouleversé les comportements et ont réduit le niveau général d'acceptation du risque.

Nos concitoyens ont ainsi exprimé de nouvelles exigences dans les domaines de la sécurité alimentaire, de l'environnement et des produits de santé.

Sous l'impulsion du Sénat, notamment, la création, à la fin des années 1990, de l'Institut de veille sanitaire, l'InVS, de l'AFSSAPS, de l'AFSSA, puis, quelques années plus tard, de l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale et du travail, l'AFSSET, et de l'Agence de la biomédecine, l'ABM, répondait à cette nouvelle préoccupation et a incontestablement permis de réaliser des avancées.

Cependant, quelques années après la création de ces agences de sécurité sanitaire, des lacunes ou des zones d'ombre demeurent. À cet égard, on pense en particulier aux milliers de produits chimiques utilisés dans l'industrie et mis sur le marché, qu'un projet communautaire tend à réglementer.

Seulement 3 % des 150 000 produits chimiques commercialisés ont fait l'objet d'une évaluation quant à leur incidence sur la santé et l'environnement ! Jusqu'à présent, la France, qui possède la deuxième industrie chimique d'Europe, n'a mobilisé que quatre toxicologues pour lancer l'évaluation de 150 substances jugées prioritaires.

Comme le soulignait le professeur Marcel Goldberg devant la mission d'information sur l'amiante, il existe pourtant plusieurs douzaines de produits cancérigènes qui sont quotidiennement utilisés dans l'industrie, voire dans notre cuisine ou notre salle de bain ; le professeur Goldberg citait notamment l'arsenic, le nickel, le chrome, le benzène ou les ionisants.

Certes, lorsque ces produits font l'objet d'une utilisation contrôlée et encadrée, notamment en termes de confinement et de limitation de l'exposition, les risques diminuent. Mais le problème est de savoir si, à tout moment, l'usage qui en est fait met totalement à l'abri les consommateurs, les utilisateurs et les salariés.

Le projet REACH, adopté le 17 novembre dernier par le Parlement européen à l'issue d'une longue bataille, a pour objet d'instaurer, sur onze ans, un système d'enregistrement de quelque 30 000 substances fabriquées ou importées dans l'Union européenne pour des quantités dépassant une tonne par an. Ce texte impose aux industries chimiques de tester les produits qu'elles mettent sur le marché, de démontrer leur innocuité pour la santé publique et, s'ils s'avèrent dangereux, de les remplacer par d'autres.

Si l'on en croit les experts bruxellois, avec ce projet, 50 milliards d'euros pourraient être économisés sur les dépenses de santé dans les trente ans à venir. Ce coût correspond aux cancers, aux maladies dégénératives, aux allergies que l'on évitera en connaissant mieux et en contrôlant les substances chimiques que l'industrie répand dans la nature.

Il semble néanmoins que la bataille autour de ce texte ne soit pas terminée. Un conseil extraordinaire a été programmé pour le 13 décembre, afin de parvenir à un accord politique. Mais les Allemands demandent une révision à la baisse de la version votée en première lecture par le Parlement européen, notamment pour ce qui concerne l'autorisation limitée des substances dangereuses et leur substitution obligatoire, points sur lesquels les partisans de l'environnement ont enregistré une victoire.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer quelle est la position de la France sur ce dossier et quelles sont les chances d'aboutir à un accord avant la fin de l'année ?

En réalité, ce problème révèle plus largement l'insuffisance des connaissances sur l'exposition aux risques.

Il me paraît indispensable de mener à la fois une veille scientifique sur les phénomènes émergents, qui sont prévisibles, et une veille prospective pluridisciplinaire sur les risques non identifiés. Il semble que ce soit le coeur de métier de l'InVS. La loi relative à la politique de santé publique lui assigne en effet la mission de « détecter de manière prospective les facteurs de risque susceptibles de modifier ou d'altérer la santé de la population ou de certaines de ses composantes, de manière soudaine ou diffuse ». Mais l'InVS a-t-il les moyens de cette mission ?

À en croire le directeur général et certains membres du comité scientifique, ce n'est pas le cas. L'insuffisance de moyens budgétaires conduit l'institut à concentrer son action sur certaines priorités, ce qui est exactement l'inverse d'une veille.

Par exemple, le réchauffement climatique n'a pas été considéré comme un risque imminent, ce qui explique l'absence de l'InVS au moment de la crise de la canicule de 2003.

Un certain nombre de domaines restent d'ailleurs à explorer. J'aimerais, monsieur le ministre, que vous m'apportiez des précisions, par exemple, sur le contrôle de l'ionisation des aliments. La France se distingue par ses dérogations qui étendent la libre exploitation de cette technique à quatorze produits, alors que l'Europe ne le permet que sur les aromates et les condiments. Qu'en est-il ? Qui est en charge de ces problèmes ? Je souhaiterais obtenir une réponse claire sur ce point.

La mission sanitaire doit aussi se préparer à l'arrivée de nouvelles techniques de production, dont les OGM, et de nouvelles technologies comme les nanosciences.

L'évolution accélérée des réalités mondiales exige maintenant que l'ensemble du dispositif de sécurité sanitaire français, mais aussi européen, puisse faire face efficacement aux problèmes émergents.

Par ailleurs, l'État doit avoir une parole forte sur les grandes questions qui agitent notre société, qu'il s'agisse d'accidents climatiques et environnementaux ou de l'usage des médicaments.

Enfin, la difficile question du positionnement de l'expertise dans le domaine des médicaments doit être soulevée, sachant qu'elle se pose au niveau mondial.

Je pense que nos concitoyens attendent de l'Etat l'exercice plein et entier de cette mission, par essence régalienne : la protection de la santé. À cet égard, il reste encore, monsieur le ministre, un long chemin à parcourir. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. François Autain.

M. François Autain. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la sécurité sanitaire dans toutes ses composantes est au coeur de toute politique de santé publique et constitue l'une des missions régaliennes de l'Etat, ainsi que cela vient d'être rappelé et comme le précise fort opportunément, dans son article 2, la loi du 9 août 2004. Or je constate qu'un peu plus d'un an après le vote de cette loi le budget consacré à cette mission ne donne pas à l'État les moyens d'exercer cette responsabilité régalienne.

La nouvelle présentation budgétaire que nous inaugurons cette année en application de la LOLF du 1er août 2001, malgré le progrès qu'elle est censée apporter dans la visualisation des programmes et des actions, n'en pèche pas moins par certaines insuffisances, ce que Mme le rapporteur spécial a très justement relevé tout à l'heure, me dispensant d'y revenir.

Le budget de la mission, en faisant apparaître une diminution inquiétante, de plus de 10 %, du volume de la dotation consacrée à la sécurité sanitaire, déjà trop faible au regard des enjeux de la période, prouve, s'il en était besoin, que l'Etat se dérobe à ses obligations au profit d'institutions ou d'établissements dont ce n'est pas la vocation, telles l'assurance maladie ou l'industrie pharmaceutique.

C'est la raison pour laquelle le mode d'organisation et de fonctionnement des agences se caractérise plus par un désengagement de la puissance publique que par un renforcement de ses moyens d'action.

Les agences sont en effet confrontées aujourd'hui à une diminution des crédits qui leur sont affectés, et le recours au fonds de roulement, pour pallier cette carence, ne saurait devenir la règle. Cette pratique, qui a tendance à se banaliser, masque en réalité des dysfonctionnements que l'Etat ne cherche ni à connaître ni à réduire, car ils lui permettent de diminuer le montant de ses participations.

Ainsi le mode de financement de l'AFSSAPS en fait un organe d'expertise largement dépendant de l'industrie pharmaceutique puisqu'elle est financée à plus de 80 % par les diverses taxes provenant des laboratoires. La subvention de l'Etat, de 18,2 millions d'euros cette année, est en diminution de plus de 2,5 millions d'euros pour l'année 2006 : elle ne sera que de 16,62 millions d'euros, dont 3,1 millions pour les missions de veille, d'expertise et d'alerte, dans un contexte où les affaires récentes, celle du Vioxx notamment, devraient pourtant conduire à un renforcement de ses moyens.

Il est préoccupant de constater que cette diminution de l'implication de l'Etat dans le financement de l'agence est présentée comme l'indice d'une bonne gestion. Ainsi notre collègue Richard Mallié, rapporteur spécial à l'Assemblée nationale, a-t-il considéré que l'exercice 2005 était « marqué par la poursuite d'une recherche de ressources propres », à savoir les taxes diverses acquittées au bénéfice de l'AFSSAPS par les laboratoires pharmaceutiques, ajoutant : « Ces ressources permettent de diminuer la subvention. »

Une telle logique pourrait conduire l'AFSSAPS à rendre les autorisations de mise sur le marché plus attractives afin d'en augmenter le nombre, au risque de porter atteinte à la qualité de l'expertise et, par voie de conséquence, à la sécurité d'emploi de médicaments mis trop rapidement et en trop grand nombre sur le marché.

On est bien loin des préoccupations exprimées dans le rapport des quatre inspections générales de 2004, où l'on pouvait lire ceci : « Pour l'AFSSAPS, cette part varie considérablement, de 8 % à 40 % sur la période, au rythme des régulations budgétaires et des augmentations des tarifs de redevance. Le niveau de 8 % » - c'était celui de 2003 - « est sans doute, en tendance, excessivement bas, sauf à installer l'idée que l'AFSSAPS a plus de comptes à rendre à l'industrie qui la finance qu'à l'Etat. »

Ne sommes-nous pas déjà dans ce cas de figure ?

On relèvera d'ailleurs que ces agences n'ont toujours pas signé de conventions d'objectifs et de moyens, contrairement aux recommandations de la Cour des comptes dans son rapport d'activité de 2004, lacune largement imputable à une carence des autorités de tutelle.

Cette situation est d'autant plus préoccupante que l'ensemble de ces agences fait l'objet de sévères critiques quant à la qualité et à l'indépendance de l'expertise dispensée. Osons le dire, la France n'a pas su ou voulu relever le défi, en matière de sécurité sanitaire, d'une expertise publique forte. C'est particulièrement vrai pour l'AFSSAPS, qui est largement organisée autour d'une expertise externe, dont l'indépendance est loin d'être prouvée. Le rapport de l'Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques établi par notre collègue Claude Saunier est très éclairant à cet égard.

Comment ne pas être inquiet à la lecture du fichier informatisé des déclarations d'intérêts des experts de l'AFSSAPS, quand on sait que plus de 10 % d'entre eux ne se sont pas pliés à cette obligation et que ce manquement n'a fait l'objet ni de sanctions ni même de remarques de la part de la direction de cette agence, laquelle fait preuve à cet égard d'un laxisme coupable, laissant en friche la cellule de veille déontologique après le départ du magistrat qui l'animait ?

J'ajoute que cette même direction tolère que le président et le vice-président de la commission d'autorisation de mise sur le marché des médicaments aient des liens d'intérêts avec pas moins de huit des plus grands laboratoires pharmaceutiques mondiaux !

En outre, on ignore toujours les conditions dans lesquelles se déroulent les séances de cette commission, alors que, depuis le 30 octobre dernier, la directive européenne devrait être appliquée ; mais elle n'est toujours pas transposée ! Cette directive prévoit, dans son article 126 ter, que l'AFSSAPS rend accessibles au public son règlement interne et celui de ses comités, l'ordre du jour et les comptes rendus de ses réunions, assortis des décisions prises, des détails des votes et des explications de vote, y compris celles qu'inspirent les opinions minoritaires.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous donner un calendrier de cette transposition, d'autant plus que l'AFSSAPS pourrait appliquer cette réglementation par anticipation, ce qui serait une bonne chose en matière de transparence et donnerait confiance à ceux qui doutent de l'indépendance des experts ?

Il ne faudrait pas croire pour autant que les autres agences sont épargnées par ces problèmes d'expertise.

Le directeur scientifique de l'AFSSE a démissionné au mois de juin dernier, au motif que « l'indépendance de l'agence n'était plus garantie ». Très récemment, son président a suivi sa position, considérant, à l'occasion d'un colloque organisé dans nos murs, que « l'expertise de l'AFFSE sur la téléphonie mobile n'a jamais suivi, ni de près, ni de loin, les règles que l'AFFSE s'est fixées à elle-même ». Cela vous a conduit, monsieur le ministre, à diligenter une enquête sur le « bon respect des pratiques scientifiques de l'AFFSE ». Je me demande s'il ne serait pas opportun d'élargir cette enquête à l'ensemble des agences.

Je terminerai mon propos en disant quelques mots sur l'architecture des agences. Le mouvement de restructuration et de rationalisation mené dans le domaine de la sécurité sanitaire en vue de la suppression des doublons et de la prise en compte des zones périphériques non couvertes, qui avait été entamé ces dernières années avec la création de l'AFFSE et poursuivi avec la création de l'Agence de biomédecine, est loin d'être achevé.

Certes, l'AFFSE vient de voir ses compétences étendues à la santé au travail, et l'on ne peut que se féliciter de cette réforme. Mais, sans moyens supplémentaires, l'AFFSET ne pourra pas exercer cette nouvelle compétence, pas plus qu'elle n'a été en mesure, depuis sa création, d'occuper la place qui lui revenait en matière de sécurité sanitaire environnementale, parce qu'on a voulu en faire une simple agence de coordination.

Il faut donc profiter de cette extension de compétences à la sphère du travail pour poser une nouvelle fois ce problème. Si l'on veut enfin atteindre l'objectif que l'on s'est fixé, il faut transformer l'AFFSET en une véritable agence d'objectifs et de moyens, et, sur ce point, je partage les propos de M. le rapporteur pour avis.

Une telle perspective pose la question du devenir de l'Institut national de l'environnement industriel et des risques, l'INERIS, et de l'Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles, l'INRS. À tout le moins, un changement de statut de l'INRS serait souhaitable, dès lors que cet institut vient d'être chargé de préparer la mise en oeuvre du projet REACH et qu'il ne présente pas toutes les garanties de neutralité requises pour nous mettre à l'abri d'événements tels que ceux que l'on a connus avec le Comité permanent amiante. Naturellement, l'idéal serait d'intégrer l'INERIS à l'AFSSET, comme l'avait proposé, lors de la création de l'Agence en 2001, notre ancien collègue Claude Huriet. Mais je crois savoir que, depuis que l'opposition est devenue majorité, elle a changé d'avis sur ce point. Monsieur le ministre, peut-être pourrez-vous me le confirmer tout à l'heure.

Dans ces conditions, vous comprendrez que les membres du groupe CRC ne pourront pas voter le budget de la mission « Sécurité sanitaire ».

M. le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger.

Mme Patricia Schillinger. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme nous le savons tous, la sécurité sanitaire a pour objectif de réduire la probabilité des risques ou la gravité des dangers qui menacent la santé de la population, ce qui implique une action primordiale des pouvoirs publics. L'État a le devoir d'apporter des réponses précises aux menaces et aux risques qui pèsent sur la santé de nos concitoyens.

En France, au cours des quinze dernières années, des progrès ont été accomplis en matière de sécurité sanitaire, et certains événements, tels que le drame de la canicule de 2003, la crise de la vache folle, l'arrivée de la grippe aviaire aux portes de l'Union européenne, ont montré aussi la nécessité de renforcer la sécurité sanitaire. Aujourd'hui, cette dernière doit être une priorité.

Nous devons tous rester en permanence vigilants face à l'apparition du sida, de l'hépatite C, du SRAS, du H5N1, et aux risques inhérents au bioterrorisme.

Même si nous observons des avancées, des améliorations restent encore à réaliser et il est nécessaire de renforcer la prévention. L'enjeu majeur de la mission « Sécurité sanitaire » est le financement du plan gouvernemental de protection contre un risque de pandémie de grippe d'origine aviaire. Monsieur le ministre, quels sont les sources et le montant des financements de ce plan ?

En effet, on peut s'interroger sur la capacité et la légitimité de l'assurance maladie à supporter à elle seule le coût de la prévention et de la protection contre la grippe d'origine aviaire. L'État ne doit pas se désengager du financement des dépenses de prévention sanitaire au moment même où les menaces liées à la grippe aviaire semblent bien réelles.

Jusqu'à présent, le financement du plan gouvernemental précité a été assuré par la contribution de l'assurance maladie et par le biais d'un fonds de concours rattaché au programme « Veille et sécurité sanitaires » de la mission à hauteur de 176 millions d'euros pour 2005 et de 175 millions d'euros pour 2006.

Par ailleurs, nous nous interrogeons sur la visibilité de la participation de l'État. Monsieur le ministre de la santé et des solidarités a déclaré que 177 millions d'euros de crédits d'État supplémentaires seraient inscrits au programme « Veille et sécurité sanitaires » de la mission « Sécurité sanitaire » ; nous nous en félicitons, mais nous regrettons de ne pas connaître les modalités d'inscription de ces crédits supplémentaires et nous estimons que l'État aurait dû prendre entièrement en charge le financement du plan contre la grippe aviaire.

Par ailleurs, la prévention d'une épidémie de grippe aviaire éventuellement transmise à l'homme est, à cette étape, avant tout un problème de prévention animale qui devrait porter essentiellement sur les élevages de volaille.

À ce stade, nous ne comprenons pas l'inscription d'une diminution de 4,2 % des crédits en faveur des soins des maladies animales et de la protection des animaux. Cette baisse constatée est dangereuse aussi bien pour la surveillance des maladies animales que pour la sécurité sanitaire de nos concitoyens.

Certes, aujourd'hui, il est impossible de mesurer exactement quelle serait l'ampleur de l'épidémie si elle survenait sur notre territoire. Cependant, les crédits en faveur des soins des maladies animales et de la protection des animaux ne permettront pas de mettre en place une réponse concrète, même provisoire, en cas d'apparition de l'épizootie. Même le million d'euros prévu au titre d'un éventuel appel d'offres pour le marché de l'euthanasie des volailles contaminées ne suffira pas.

Monsieur le ministre, en cas de besoin, d'où viendront les fonds nécessaires à cette action ? Est-il prévu d'aider les éleveurs si un abattage se révélait nécessaire ? Quels fonds serviront à une éventuelle vaccination préventive des animaux ?

Par ailleurs, je veux insister en cet instant sur le rôle essentiel des vétérinaires pour améliorer la détection précoce de la grippe aviaire. En effet, l'échange rapide et l'analyse des échantillons de virus peuvent apporter une réponse immédiate. Sur le terrain, ces professionnels sont les premiers à pouvoir anticiper les crises et à assurer la veille sanitaire. Mais malheureusement, ce secteur médical souffre d'une diminution des personnels qui risque de mettre en péril l'accomplissement de certaines activités qui leur sont assignées. Ce n'est pas en réduisant le nombre de postes de vétérinaires qu'on aidera ces derniers à accomplir leur mission, qui est primordiale à notre époque. Quelles sont les intentions du Gouvernement à ce sujet ?

De plus, aujourd'hui, la prévention doit porter essentiellement sur les animaux. Nous nous étonnons donc de voir qu'une place prépondérante est donnée au ministère de la santé et des solidarités dans le traitement de cette crise. Le ministère de l'agriculture et de la pêche y a toute sa place.

Par ailleurs, j'aimerais savoir où nous en sommes précisément en matière d'élimination des farines animales. Que prévoit-on pour 2006 et pour les années suivantes ? Il faut rappeler que les loyers relatifs au stockage de ces farines s'élèvent à 39 millions d'euros par an. Est-il vraiment nécessaire que ce soit la collectivité publique qui paie pour les choix économiques du passé ? La situation doit se débloquer rapidement. Trop d'argent a déjà été gâché.

Nous nous félicitons de la création de I'AFSSET, héritière de I'AFSSE. Son rôle est déterminant, car elle améliorera la prévention et la réparation des atteintes à la santé liées au travail ; elle facilitera également la diffusion des connaissances en matière de santé au travail. Cependant, nous nous interrogeons sur l'articulation de ses missions avec celles des structures existantes, sur son rôle exact et sa composition. Il serait opportun que tous les acteurs concernés aient une vision globale de son fonctionnement.

Nous sommes par ailleurs fort préoccupés de la diminution drastique du nombre de postes ouverts au titre de la formation en médecine du travail. Ainsi, soixante-treize postes ont été ouverts en 2004 alors que seuls treize le seront cette année ! En agissant ainsi, vous provoquez l'arrêt pur et simple de la prévention sur le lieu de l'exercice professionnel, ce qui est très préoccupant. En réponse à cette baisse, la Direction générale de la santé évoque la nécessité de libérer des postes afin de mener à bien les différents plans lancés par M. Douste-Blazy, notamment le plan cancer. Or, la médecine du travail est l'un des acteurs principaux dans la prévention des cancers. Cette baisse n'est-elle pas contradictoire avec la création de I'AFSSET ? Monsieur le ministre, comment expliquez-vous cette décision, alors qu'il existe dans notre pays une pénurie de médecins du travail, pénurie qui demeurera en raison d'un grand nombre de départs à la retraite d'ici à 2010 ?

En réponse aux très fortes préoccupations des consommateurs et des citoyens, nous avons créé, depuis 1998, de nombreuses agences pour évaluer les risques sanitaires. Cependant, depuis plusieurs années, on constate une complexité dans le partage des compétences des différentes agences, voire des conflits de compétences et un manque de coordination des structures. En outre, la circulation de l'information sanitaire n'est pas optimale. La coordination fait souvent défaut. Par ailleurs, le rapport de la Cour des comptes du mois de mars 2005 a lui aussi relevé des difficultés de coordination entre les organismes et les administrations de tutelle.

Nous observons aussi un problème de coordination entre les deux ministères concernés, c'est-à-dire, d'une part, le ministère de l'agriculture et de la pêche et, d'autre part, le ministère de la santé et des solidarités, qui continuent de travailler chacun de leur côté et d'apporter des réponses qui ne sont nullement concertées.

M. Xavier Bertrand, ministre. Non ! Il ne faut pas dire cela !

Mme Patricia Schillinger. Par conséquent, des questions doivent être posées : les deux ministères travailleront-ils ensemble dans le domaine de la sécurité sanitaire ?

M. Xavier Bertrand, ministre. C'est déjà le cas !

Mme Patricia Schillinger. Une politique claire, issue d'une collaboration entre les deux ministères, sera-t-elle menée ? Ces derniers ont-ils des objectifs propres à l'ensemble de la mission « Sécurité sanitaire » ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel.

M. Claude Domeizel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, aujourd'hui, nul ne peut nier que la sécurité sanitaire est devenue une priorité pour tous les citoyens. Face à une multitude de produits, à une multiplication des modes de fabrication et de conservation ou par méconnaissance d'information, nos concitoyens sont envahis par la perplexité et l'inquiétude. Aussi, on peut comprendre, au regard des événements passés, la méfiance dont ils font preuve à l'égard des institutions. Celles-ci doivent redonner confiance par une politique de prévention efficace et par une totale transparence, même si ce n'est pas facile.

La mission « Veille et sécurité sanitaires » doit poser les jalons d'un véritable plan, prévoir des moyens nécessaires, prévoir une efficacité et une lisibilité plus grandes, et ce sous la tutelle conjointe des différents ministères de la santé et des solidarités, de l'agriculture et de la pêche, et, enfin, de l'écologie et du développement durable. Cela suppose une véritable coordination entre tous les services concernés. Ce n'est apparemment pas le cas actuellement, comme vient de le souligner l'orateur précédent.

Je ne reviendrai pas sur le sujet de la grippe aviaire, que notre collègue Mme Schillinger a longuement développé. Cependant, monsieur le ministre, je souhaite vous poser une question. Le projet de budget prévoit-il une enveloppe suffisante ? Je pense en particulier aux aides financières qui devront être versées aux éleveurs ou aux moyens humains et matériels qui devront être engagés en cas d'épizootie. Relevons, à titre d'exemple, l'importante quantité d'habits de protection - des combinaisons étanches à usage unique - que les intervenants devront utiliser sur le terrain, en cas de contamination.

Nous saluons favorablement la création de l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale et du travail. Cependant, on peut déplorer la décision simultanée du Gouvernement de réduire de soixante le nombre de places ouvertes à la formation des médecins du travail, à partir de 2005. C'est donner un bien mauvais départ à cette agence.

Je m'abstiendrai d'analyser, action par action, les crédits de cette mission ; je me bornerai à évoquer les points qui soulèvent des incertitudes.

Tout d'abord, où en sommes-nous en matière d'élimination de farines animales ?

Par ailleurs, l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, à laquelle manqueraient, je le souligne en passant, 400 000 euros pour fonctionner correctement, s'exprime ainsi au sujet des pesticides : « On manque toujours d'informations sur les pratiques agricoles pour mieux cerner ce que l'on doit chercher ». Pourtant, l'usage des pesticides doit être mieux maîtrisé afin de circonscrire au maximum les risques pour la santé.

Est-il vrai que le ministre de l'agriculture s'apprête à délivrer une autorisation provisoire pour une spécialité insecticide systémique en traitement des semences, appelée « Poncho-Maïs » ? La clothianidine, insecticide neurotoxique, serait, paraît-il, tout aussi dangereuse que l'imidaclopride, plus connu sous le nom « Gaucho », ou le fipronil.

Les citoyens, attachés à leur terre et à leur santé, attendent une réponse prudente et rassurante.

Nous souhaiterions également savoir si le budget permettra un contrôle de l'ionisation des aliments pour leur conservation. La France se ferait remarquer par plus de dérogations que ne le permet la règle communautaire.

Mme Nicole Bricq, rapporteur spécial. Exact !

M. Claude Domeizel. Enfin, pourriez-vous me préciser ce qui a été prévu aux fins de surveillance, de contrôle et de prévention de deux fièvres provoquées par des insectes, la fièvre catarrhale, qui s'attaque plus particulièrement aux ovins, et la fièvre du Nil occidental, dite du West Nile, qui touche les équidés, cette dernière étant transmissible à l'homme et pouvant avoir des conséquences très graves ?

Les moustiques porteurs de ces virus se déplacent de l'Afrique vers le sud de l'Europe, ce qui est une conséquence probable du réchauffement climatique.

M. Gilbert Barbier, rapporteur pour avis. Dans le sud de l'Italie !

M. Claude Domeizel. Le sud de la France est plus particulièrement menacé par une éventuelle épizootie.

Nous savons que la lutte contre les vecteurs de ces maladies s'avère plus que délicate, car les campagnes de démoustication sur d'immenses superficies, qui entraînent, de plus, des risques de pollution, sont d'une efficacité limitée.

Un vaccin existe pour la fièvre catarrhale, mais aucun pour le West Nile.

Une diffusion d'informations auprès des principaux acteurs, que je salue pour la part active qu'ils prennent dans ce domaine - je pense aux vétérinaires, aux éleveurs, mais aussi aux médecins, peu formés sur les maladies tropicales -, paraît indispensable ; il conviendra toutefois de l'entourer de toutes les précautions nécessaires pour ne pas générer d'angoisse.

Pour finir, j'aborderai des questions financières.

Si je me réfère au rapport de notre collègue Gilbert Barbier, rapport abondamment détaillé et - je dois le dire - objectif, je suis surpris que la commission des affaires sociales ait émis un avis favorable à l'adoption des crédits du programme « Veille et sécurité sanitaires ».

M. Xavier Bertrand, ministre. C'est cohérent !

M. Claude Domeizel. En effet, on peut se demander, monsieur le ministre, si votre programme, qui traduit des intentions ambitieuses et louables,...

M. Xavier Bertrand, ministre. Pas seulement !

M. Claude Domeizel. ... trouvera une réponse dans les crédits pour 2006, qui s'élèvent à 103 639 500 euros, globalement en baisse de 10,75 % par rapport à 2005.

M. Gilbert Barbier, rapporteur pour avis. Mais cela ne veut rien dire !

M. Claude Domeizel. Enfin, on ne peut passer sous silence le fait que l'assurance maladie apporte son concours pour une bonne partie des actions. Sur les 474 millions d'euros de la totalité des crédits concourrant à la politique de veille et de sécurité sanitaire, près de 40 % proviennent de l'assurance maladie.

D'ailleurs, M. Gilbert Barbier consacre tout un chapitre de son rapport à la démonstration détaillée du désengagement de l'État sous un titre très évocateur : « L'État pilote, l'assurance maladie finance. »

Je note que M. Daniel Soulage, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, s'interroge aussi « sur le fait que cet effort de précaution repose, en l'état actuel du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale, sur cette seule contribution du régime d'assurance maladie, sans participation de l'État. »

En dernier lieu, la fongibilité de ces crédits ne garantit pas que ce fonds de concours soit utilisé pour son objectif affiché.

Monsieur le ministre, vous comprendrez notre perplexité en ce qui concerne cette mission. Nous serons donc très attentifs à vos réponses avant de nous déterminer. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE. -M. le président de la commission des finances applaudit également.)

M. Xavier Bertrand, ministre. Vous n'avez pas d'a priori ! Tant mieux !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ce n'est pas désespéré !

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue le mercredi 7 décembre 2005, à zéro heure vingt, est reprise à zéro heure vingt-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

La parole est à M. le ministre.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, l'émergence de nouveaux risques sanitaires, autant qu'une demande sociale renforcée en matière de protection de la santé collective, nous conduisent à mener une action plus résolue encore en matière de veille et de sécurité sanitaire.

C'est en tenant compte de ce contexte que je vous présente les grandes lignes de ce programme, placé sous ma responsabilité au sein de la mission « Sécurité sanitaire », que je partage avec M. Dominique Bussereau, dont je tiens à vous demander de bien vouloir excuser l'absence ce soir.

Les 103,6 millions d'euros dont ce programme est doté en 2006 nous permettront de promouvoir une vigilance accrue en matière de sécurité sanitaire, ainsi qu'une véritable évolution à la fois des consciences et des pratiques.

Ces missions nécessitent, pour être menées à bien, une expertise indépendante. Je commencerai par le rôle des différentes agences de veille et de sécurité sanitaire.

Par une dotation renforcée à laquelle, comme le souligne M. Gilbert Barbier, il faut ajouter les moyens croissants de l'assurance maladie dans ce domaine, le Gouvernement non seulement réaffirme leur mission, mais, de plus, élargit leurs moyens. Cela participe de sa volonté de mettre en place tous les outils nécessaires pour mieux faire face aux défis et aux risques sanitaires, au premier rang desquels la grippe aviaire que vous avez abondamment citée les uns et les autres.

Pour tous ces enjeux, la dotation de ce programme mériterait encore de progresser. Aussi, je m'étonne, madame Bricq, qu'une proposition de votre part vise à retirer 15 millions d'euros sur les 103,6 millions d'euros dont nous disposons, car s'il s'agit de diminuer les crédits des agences, dont vous saluez par ailleurs le travail. Libre à vous ! Mais si vous ne considérez pas la santé et l'environnement et la santé au travail comme des priorités, alors, diminuons ces crédits ! En tout cas, tel n'est pas le choix du Gouvernement.

Ces fonds, vous voulez les transférer au budget du programme « Sécurité sanitaire des aliments et santé animale ». Votre souci de mieux protéger les animaux contre les épizooties, nous le partageons, soyez-en convaincue ! Je vous ferai d'ailleurs remarquer que le projet de budget pour 2006 de l'agriculture et le projet de loi de finances rectificative en tiennent compte.

Si le Gouvernement ne soutient pas votre proposition alors qu'il partage vos objectifs sur ce point, c'est bien parce que les différents ministères sont d'accord sur la répartition des crédits en la matière, conforme à l'architecture des plans de protection sanitaire que nous avons élaborés ensemble.

Je souhaite aussi revenir sur plusieurs points qui ont trait à la LOLF. Je parle, bien évidemment, sous le regard de M. le président de la commission des finances, dont je sais tout l'intérêt qu'il porte non seulement à l'application de la LOLF dans les textes, mais aussi au respect de l'esprit dans lequel elle a été élaborée.

Tout comme M. Daniel Soulage, je me félicite de cette nouvelle approche, qui associe la santé humaine et la qualité sanitaire de l'alimentation.

Je sais, monsieur Domeizel, que l'intérêt des missions interministérielles présente aussi un revers, celui de la nécessité d'une coordination accrue entre les services, sauf que, pour moi, ce n'est pas un revers : c'est aussi un atout et un impératif que cette nécessaire coordination entre les services.

Je tiens donc à rassurer Mme Nicole Bricq en réaffirmant que le dialogue interministériel constitue l'une de nos priorités, à M. Dominique Bussereau et à moi-même, mais aussi notre actualité permanente.

Je veux rappeler les raisons qui nous ont conduits à rassembler les moyens en fonctionnement et en personnels au sein d'une seule mission, notamment la fameuse mission « Solidarité et intégration », à laquelle il a été fait référence. Certains, comme Mme Nicole Bricq et M. Daniel Soulage, regrettent ce choix.

Si je peux comprendre que l'idée d'une séparation des dépenses selon les missions, voire les programmes, surtout en interministériel, puisse paraître satisfaisante sur le papier seulement, je tiens à vous indiquer que, si tel n'avait pas été le cas, notre administration risquait d'être rigidifiée par un éclatement entre trois missions, voire onze programmes, alors que, par exemple, les services déconcentrés ont une polyvalence qui justifie ce choix et constitue un atout indéniable.

Nous avons donc souhaité augmenter nos efforts en termes d'expertise et de surveillance des risques sanitaires dans des domaines aussi divers que l'environnement, les médicaments ou les greffes.

Pour cela, nous nous appuyons sur les instruments d'expertise que sont les agences de sécurité sanitaire.

Ainsi, 77 millions d'euros sont plus particulièrement alloués en 2006 à l'AFSSA, l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, à l'AFSSAPS, l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, à l'Agence de biomédecine, à l'AFSSET, l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale et du travail, à l'InVS, l'Institut de veille sanitaire, et à l'EFS, l'Établissement français du sang.

Je sais que certains, comme vous, madame Bricq, demandent à ce que nous allions plus loin dans notre réflexion sur l'architecture de ce système d'expertise.

Voilà pourquoi nous avons veillé à ne pas multiplier les agences, voilà pourquoi il y aura bel et bien des contrats d'objectifs et de gestion entre ces agences et l'État. Nous nous y sommes engagés, nous y travaillons, et ce sera également une réalité.

Pour illustrer mon propos, je tiens à dire que l'Agence de biomédecine, par exemple, rassemble des compétences beaucoup plus larges que l'Établissement français des greffes, et que l'AFSSET réunit deux champs qui sont liés : d'une part, la santé et l'environnement et, d'autre part, la santé et le travail.

Je tiens aussi à vous indiquer, monsieur Barbier - vous avez en effet évoqué le projet Reach -, que, si la France se félicite de ce projet européen d'enregistrement et d'évaluation des produits chimiques en circulation en Europe, le fait de vouloir évaluer 30 000 substances en onze ans constitue une avancée majeure pour la protection de la santé et de l'environnement, ainsi qu'une première mondiale.

À ce sujet, la France se félicite que le Parlement européen se soit rapproché, le 17 novembre dernier, des positions du Conseil, et notamment de celles que la France avait elle-même défendues. Nous soutenons d'ailleurs la présidence britannique dans sa volonté d'aboutir avant la fin de l'année, notamment dans le domaine de la charge de la preuve en matière d'évaluation des risques, qui doit relever pleinement des industriels. Il s'agit d'un principe de responsabilité, que notre pays avait soutenu.

Le Parlement a également largement repris la position française en faveur de la création d'une agence européenne des produits chimiques, qui produira des évaluations en s'appuyant sur les relais nationaux.

Enfin, et cela constitue un progrès majeur à nos yeux, le principe de substitution en cas de substance problématique est maintenant soutenu par le Parlement.

En matière de financement, je veux rassurer M. Autain, en soulignant que les moyens des agences seront renforcés en 2006, notamment du fait de la plus grande mobilisation de leurs ressources propres, comme le sera le produit des taxes et des fonds de roulement. Le ministère de la santé maintient son effort propre en faveur de ces agences, alors même que d'autres ministères participent dorénavant à leur financement.

Parmi les mesures prises en leur faveur, on peut noter que dix-huit postes supplémentaires leur sont attribués. La confiance que nous accordons aux agences doit néanmoins s'accompagner de la mise en oeuvre par les services de l'État d'un pilotage efficace de leur action.

M. Barbier s'est interrogé sur l'articulation entre services et agences. Je veux lui dire, ainsi qu'à Mme Bricq, que les instruments de pilotage stratégique que nous mettons en oeuvre, comme les contrats d'objectifs et de moyens, doivent conduire à cette coordination optimale qu'ils appellent de leurs voeux et à laquelle nous travaillons.

Ce projet de loi de finances doit également permettre le renforcement de l'expertise et de la validation dans le domaine essentiel du médicament.

Le rôle de l'AFSSAPS est de contrôler la sécurité et la qualité de l'ensemble de la filière. En amont, l'Agence est responsable de l'autorisation de mise sur le marché, l'AMM.

Je sais, monsieur Autain, que vous vous interrogez sur le délai de transposition de la directive européenne relative à l'autorisation et à la surveillance des médicaments au plan national. Cette transposition a pris du retard, car il nous a fallu prendre en compte une circulaire d'interprétation de la Commission européenne, qui nous a été communiquée voilà à peine deux mois. Nous serons donc en mesure de présenter un texte en Conseil d'État au début de 2006 pour une adoption, au plus tard, au milieu de l'année.

Mais je tiens à vous dire, monsieur Autain, que l'AFSSAPS a d'ores et déjà intégré dans son programme de travail la mise en oeuvre du plan de gestion des risques prévu par cette directive.

Le projet de loi de finances fixe également des objectifs en matière de délais de traitement des demandes d'AMM, afin que les patients n'aient pas à attendre trop longtemps l'arrivée d'innovations thérapeutiques qui pourraient contribuer à leur guérison. Ces délais devraient passer de 190 jours en 2005 à 160 en 2006, puis à 100 en 2008. Ce raccourcissement des délais, monsieur Barbier, ne signifie en aucune façon que la qualité de l'expertise fournie diminuera.

M. François Autain. Hélas, si !

M. Xavier Bertrand, ministre. Concernant la taxe additionnelle attribuée à l'AFSSAPS par l'article 87, je veux également vous dire, monsieur Barbier, que nous simplifions avant tout le système antérieur, en le rendant plus lisible pour les promoteurs de recherches.

L'expertise en matière de biomédecine doit nous permettre de réaliser d'importants progrès, notamment dans la sécurité des greffes.

La montée en charge de l'Agence de biomédecine se poursuit, comme l'a souligné M. Barbier dans son rapport, ce dont je le remercie. Le rôle de cette agence est conforté par l'attribution de douze nouveaux postes en 2006, et je tiens à vous redire qu'il n'est pas question d'un changement de direction à l'heure actuelle.

Cette agence porte une nouvelle conception de l'utilisation des organes et des tissus. Les nouveaux moyens qui lui sont attribués devraient lui permettre d'améliorer ses objectifs en termes de nombre de greffes réalisées par rapport aux greffes en attente tout en réduisant les délais, comme le souligne Mme Bricq dans son rapport.

L'importance de la vigilance sanitaire en matière d'environnement et de travail se trouve réaffirmée avec la mise en oeuvre du Plan national santé et environnement, le PNSE.

Ce plan vise à réduire les atteintes causées à la santé de nos concitoyens par l'environnement, mais aussi par leurs conditions de travail. L'ordonnance du 1er septembre 2005 a créé une compétence d'expertise publique en matière de santé au travail, placée au sein d'une nouvelle Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail, l'AFSSET, construite à partir de l'AFSSE.

Ainsi, nous avons su répondre à un diagnostic que vous partagez, monsieur Barbier, sur la place insuffisante réservée jusqu'alors au monde professionnel dans l'objectif de sécurité sanitaire.

Vous vous êtes également interrogé, monsieur Barbier, sur les conditions de mise en place de cette agence. Le Gouvernement a souhaité que celle-ci puisse se mettre rapidement à l'oeuvre sur le dossier de la santé au travail : elle a ainsi été autorisée à recruter, dès 2005, dix scientifiques de haut niveau, spécialistes de ce domaine.

Mme Schillinger, tout en se félicitant de la création de l'AFSSET, s'est interrogée sur la formation des médecins du travail.

Je veux immédiatement vous rassurer, madame le sénateur : il n'y aura pas, en 2006, de réduction du nombre de postes mis à la disposition de la médecine du travail. Au contraire, ce sont au minimum cinquante-huit postes qui seront réservés à la médecine du travail.

Il y a aujourd'hui plus de 8 000 médecins du travail en France, et nous progressons encore en suivant deux évolutions, sur lesquelles je travaille avec Gérard Larcher : d'une part, la régionalisation du concours extérieur, afin de permettre aux médecins de rester dans leur région et, d'autre part, le développement de la place de la médecine du travail dans les CHU.

Ce programme nous permet également de mettre en place des procédures et des outils plus performants pour gérer les urgences, les situations exceptionnelles et les crises sanitaires majeures.

Pour cela, nous développons un certain nombre de plans afin d'anticiper toute situation susceptible de se déclarer : plan canicule, plan pandémie grippale en 2004, plans de lutte contre le bioterrorisme - dont le plan variole -, plans SRAS, inondations, panne d'électricité et grand froid.

Je veux particulièrement insister cette année sur la menace de pandémie grippale et sur le plan Biotox.

Nous avons aujourd'hui, face au risque de grippe aviaire, la responsabilité de mettre en oeuvre toutes les mesures nécessaires, depuis l'information et la prévention jusqu'à l'organisation de soins éventuels.

Pour répondre aux interrogations soulevées par Mme Bricq, je veux rappeler que les moyens mobilisés sont considérables. La représentation nationale a choisi, en 2001, de doter la France d'un fonds de concours alimenté par l'assurance maladie, mesure défendue à l'époque à l'Assemblée nationale et au Sénat par Bernard Kouchner.

L'objectif initial, qui était de se préparer aux menaces terroristes, a été étendu ici même, l'an dernier, aux menaces sanitaires graves.

La loi de financement de la sécurité sociale vient de doter ce fonds de 176 millions d'euros supplémentaires en 2005 et de 175 millions d'euros pour 2006. Et, au-delà de ce fonds, le Gouvernement, conscient de ses missions régaliennes, a mis en oeuvre la capacité d'engager 177 millions de crédits d'État. Les 150 millions d'euros ouverts par un décret d'avance publié au Journal officiel du 2 décembre représentent la première concrétisation de l'engagement du Gouvernement, un mois à peine après son annonce. Quant au solde, il sera débloqué au début de l'année 2006.

Vous le voyez, madame Bricq, monsieur Barbier, le partage entre l'État et l'assurance maladie ne témoigne en aucun cas d'un désengagement de l'État, et nous nous donnons les moyens de faire plus et mieux en la matière.

Surtout, les résultats de cette mobilisation humaine et financière sont déjà là, madame Schillinger : 14 millions de traitements antiviraux seront disponibles d'ici à la fin de 2005, et 19 millions de traitements supplémentaires ont déjà été commandés - je l'avais déjà dit devant la Haute Assemblée en réponse à une question orale avec débat -, ce qui fait de la France l'un des pays les mieux préparés en Europe et dans le monde.

Outre les 200 millions de masques de protection dont nous disposerons en 2006, nous avons d'ores et déjà réservé auprès des laboratoires 40 millions de vaccins pandémiques, au cas où la transmission à l'homme deviendrait effective.

Nous sommes tout aussi vigilants face aux autres menaces, comme le bioterrorisme.

Le plan Biotox, dont l'objectif est de coordonner la lutte contre le terrorisme biologique et chimique, demeure l'une de nos priorités, madame Bricq, au même titre que - et non pas « après », comme vous l'avez dit - la prévention de la grippe aviaire. J'insiste sur ce point, qui a suscité plusieurs questions de votre part, en répondant aussi par là même à M. Barbier : les financements du plan Biotox en 2006 couvrent les opérations déjà programmées et ils sont prévus sans aucun effet d'étalement.

Nous avons achevé notre première vague d'acquisition de matériels, d'antidotes, d'antibiotiques et de vaccins, et nous consacrerons cette année principalement au renouvellement et à la maintenance de ces stocks.

Nous avons développé en 2004 plusieurs nouveaux volets, concernant notamment la lutte contre la peste, le charbon et la tularémie. Je peux ainsi vous rappeler, monsieur Barbier, quelques chiffres qui montrent notre degré de préparation face à une attaque de cette nature : treize hôpitaux de référence, dont neuf en métropole, abritent des stocks de médicaments efficaces contre ce risque. Par ailleurs, nous disposons de cinq stocks d'antidotes contre les menaces chimiques, ainsi que de 65 millions de jours de traitements antibiotiques préventifs et de 600 000 jours de traitements antibiotiques curatifs contre la peste, le charbon, la tularémie, la brucellose. Nous menons aussi, régulièrement, des exercices de simulation.

Parce que les menaces terroristes ne cessent de se développer, nous avons plus que jamais le devoir d'assurer une sécurité pleine et entière à tous les Français.

La culture de la prévention des risques que nous allons développer se traduit par une exigence d'information pour les citoyens, mais aussi de formation pour les professionnels de santé : nous y travaillons actuellement.

Un certain nombre de questions ont été posées concernant l'ionisation des aliments, les farines animales, les contrôles à l'importation des aliments d'origine animale, qui relèvent toutes, je tiens à le souligner, de la même préoccupation.

Pour répondre à M. Trillard sur la question des farines animales, je serai obligé d'intervenir dans la sphère de compétence du ministère de l'agriculture, ce qui est normal puisque je travaille sur ces questions avec Dominique Bussereau.

La République doit tenir les engagements qu'elle a pris dans les années 2000, au moment de la crise de l'encéphalopathie spongiforme bovine, l'ESB. L'État a stocké les farines en son nom propre et les loyers correspondants représentent 39 millions d'euros pour 2005. C'est un problème sur lequel je m'exprime en tant que ministre, mais que j'ai également connu en tant qu'élu local, dans mon département de l'Aisne.

Ces frais doivent être supprimés le plus rapidement possible. Le Gouvernement a dégagé 25 millions d'euros pour 2006, qui auront un effet immédiat puisqu'ils seront consacrés à la suppression des stockages donnant lieu aujourd'hui au paiement d'un loyer. Il reste 700 000 tonnes de farines animales à éliminer, et il est prévu dès à présent d'autoriser les préfets à lancer des marchés publics pour un démarrage des travaux à la fin du premier trimestre 2006.

Ce volume concerne 210 000 tonnes et les calendriers de déstockage s'étalent jusqu'à 2008. Les nouvelles voies techniques ou dispositifs juridiques qui pourraient permettre d'accélérer l'élimination des déchets tout en réduisant le coût global de l'opération seront bien évidemment recherchés.

Quant à l'ionisation des aliments, évoquée par M. Barbier, il convient de noter qu'elle vient toujours en complément de bonnes pratiques d'hygiène ou lorsque l'objectif technologique le requiert.

Seules certaines catégories de produits et d'ingrédients alimentaires peuvent être traités par ionisation. La liste communautaire ne compte qu'une catégorie, celle des herbes aromatiques, épices et condiments végétaux, mais les États membres de l'Union européenne ont la possibilité de maintenir des autorisations nationales accordées avant l'entrée en vigueur de la réglementation européenne.

Ainsi, le traitement de treize autres catégories de produits ou ingrédients est admis dans notre pays. Toutefois, lorsque les autorisations nationales préexistantes n'ont pas été reconduites afin de limiter l'utilisation de ce procédé aux cas où il est techniquement le plus nécessaire, le consommateur doit, conformément à la réglementation communautaire, être informé de l'ionisation subie par les denrées et par les ingrédients qui entrent dans la composition des produits, qu'ils soient préemballés ou non.

Il convient de noter que les tonnages de produits traités diminuent régulièrement. Ils s'élèvent, en France, à un peu moins de 4 400 tonnes en 2003, alors que près de 20 000 tonnes avaient été traitées en 1998.

M. Trillard a évoqué la question des frontières « poreuses » et de l'élargissement de l'Union européenne.

Tout animal, tout produit animal ou d'origine animale provenant de pays tiers et introduit sur le territoire communautaire est soumis à un contrôle vétérinaire à l'importation. Chaque année, environ 67 000 lots de produits d'origine animale et d'animaux vivants introduits sur notre territoire sont ainsi contrôlés dans les postes d'inspection frontaliers français.

La mise en oeuvre des contrôles sanitaires réalisés sur les animaux et les produits d'origine animale relève des autorités compétentes de chaque État membre, mais demeure harmonisée au niveau communautaire.

La bonne application des contrôles à l'importation est vérifiée par l'organe d'inspection de la Commission, l'Office alimentaire et vétérinaire. Chaque lot de produits importés subit trois types de contrôle : le contrôle documentaire, le contrôle d'identité et le contrôle physique.

S'agissant du poncho maïs, évoqué par M. Domeizel, la substance active de ce produit, la clothianidine, fait actuellement l'objet d'une évaluation scientifique au niveau communautaire, dont les conclusions sont attendues pour le début de l'année prochaine. Sur cette base, la Commission européenne devrait faire une proposition quant à l'opportunité de l'inscription de la clothianidine sur la liste des substances actives phytopharmaceutiques autorisées dans l'Union européenne. Par conséquent, le ministre de l'agriculture et de la pêche a décidé d'attendre les résultats de l'évaluation scientifique avant de prendre toute décision concernant l'éventuelle homologation de produits phytopharmaceutiques contenant cette substance.

Anticiper sans cesse les menaces, prévoir des réponses toujours plus performantes et ancrer la culture de la prévention du risque et de la réaction chez nos concitoyens, tel est, mesdames, messieurs les sénateurs, l'horizon de notre action commune avec Dominique Bussereau.

En conclusion, j'ai la conviction que ce projet de loi de finances pour 2006 nous permettra de mener une politique ambitieuse de veille et de sécurité sanitaire. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Sécurité sanitaire
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2006
Art. 86

M. le président. Nous allons procéder à l'examen des crédits de la mission « Sécurité sanitaire » figurant à l'état B.