ÉTAT B

Autorisations d'engagement : 2 555 519 767 euros ;

Crédits de paiement : 2 211 873 804 euros.

M. le président. Je n'ai été saisi d'aucune demande d'explication de vote avant l'expiration du délai limite.

Je mets aux voix les crédits de la mission.

M. Jean-Pierre Sueur. Le groupe socialiste vote contre.

Mme Josiane Mathon. Le groupe CRC également.

(Ces crédits sont adoptés.)

Administration générale et territoriale de l'Etat
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2006
Art. 52 et état B

M. le président. Nous avons achevé l'examen des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État ».

relations avec les collectivités territoriales

compte de concours financiers : avances aux collectivités territoriales

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » (et articles 82, 83, 84, 84 bis, 84 ter, 84 quater, 84 quinquies et 85), et du compte de concours financiers « Avances aux collectivités territoriales ».

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Michel Mercier, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Ce débat relatif aux relations de l'État avec les collectivités territoriales intervient après le débat sur les recettes des collectivités territoriales qui nous avait réunis la semaine dernière, monsieur le ministre, mes chers collègues, lors de l'examen de la première partie du projet de loi de finances, et qui portait, dans une large mesure, sur le même sujet. De surcroît, nous consacrerons la journée de samedi prochain, voire, si M. le président de la commission des finances le veut bien, la nuit et le dimanche suivants (Sourires), à l'examen de l'article 67 de la seconde partie du projet de loi de finances, relatif à la réforme de la taxe professionnelle.

Par conséquent, puisqu'il ne faut pas abuser des meilleures choses, il convient ce soir de ne pas répéter ce que l'on a déjà dit et de ne pas anticiper sur ce que l'on dira dans quelques jours. Je me bornerai donc à formuler quelques brèves observations, d'autant que la mission « Relations avec les collectivités territoriales » a un intitulé certes imposant, mais largement surfait.

En effet, on ne peut pas réduire les relations que l'État entretient, sur le plan financier, avec les collectivités territoriales aux seuls 2,9 milliards d'euros de crédits affectés à la mission qui nous occupe, les prélèvements sur recettes constituant, bien entendu, l'essentiel des masses financières mises en jeu à ce titre. C'est là aussi un sujet qui intéresse les collectivités territoriales, mais nous aurons l'occasion d'y revenir samedi prochain.

En ce qui concerne la mission proprement dite, je ferai tout d'abord observer que les relations financières entre l'État et les collectivités territoriales se prêtent mal à la démarche de la LOLF,...

Mme Nicole Bricq. C'est exact !

M. Michel Mercier, rapporteur spécial. ... et ce pour une raison simple : ces relations sont largement - presque complètement ! - réglées par la loi. Ainsi, le seul contrôle que nous ayons à exercer porte sur le respect, par le Gouvernement, de toutes les obligations que la loi lui impose s'agissant du calcul des dotations.

Pour vous être très agréable, monsieur le ministre, je dirai que non seulement vous avez pleinement satisfait aux prescriptions légales - vous ne pouviez d'ailleurs pas faire autrement -, mais que vous l'avez fait de bonne grâce et que vous êtes même allé au-delà, en maintenant le principe du contrat de solidarité et de croissance.

Ces remarques étant faites, j'indiquerai que la commission des finances vous demande, mes chers collègues, de bien vouloir approuver les crédits présentés.

Vous trouverez dans le rapport écrit les commentaires techniques pouvant compléter mes quelques brèves observations. Je me contenterai, en cet instant, de répéter que, me faisant le porte-parole de la décision de la commission des finances, je propose au Sénat d'approuver les crédits de la mission. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

M. Jean-Pierre Sueur. C'est le service minimum ! Nous restons sur notre faim !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Bernard Saugey, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vais essayer d'être aussi bref que M. Mercier, ce qui nous permettra de gagner du temps ! (Sourires.)

Ainsi que je l'ai indiqué au cours du débat sur les recettes des collectivités territoriales organisé lors de l'examen de la première partie du projet de loi de finances, je n'évoquerai ce soir que les incidences de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances. Elles s'avèrent assez marginales, ce qui constitue d'ailleurs, pour la commission des lois, un motif d'interrogations.

Tout d'abord, la nouvelle nomenclature budgétaire se prête mal à l'analyse des relations financières entre l'État et les collectivités territoriales : près des trois quarts des concours financiers versés aux collectivités territoriales prennent la forme de prélèvements sur recettes et figurent dans la première partie du projet de loi de finances.

La mission « Relations avec les collectivités territoriales » retrace uniquement les dotations inscrites au budget du ministère de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, leur montant étant fixé à 2,9 milliards d'euros.

En outre, certains crédits budgétaires alloués aux collectivités territoriales sont rattachés à d'autres missions encore, placées sous la responsabilité d'autres ministères que le ministère de l'intérieur : je pense, par exemple, à la dotation générale de décentralisation versée au titre des compétences des collectivités territoriales dans le domaine de la culture.

Enfin, les dispositions affectant la fiscalité locale que comporte généralement tout projet de loi de finances ne peuvent être ignorées. Mais je n'évoquerai pas ici la réforme de la taxe professionnelle, nous en débattrons longuement samedi prochain...

Si les concours financiers de l'État aux collectivités territoriales n'ont pu être regroupés au sein d'une seule mission, des objectifs de performance leur ont été assignés et des indicateurs ont été créés pour apprécier les résultats obtenus.

S'agissant des dotations budgétaires, c'est-à-dire des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », les objectifs et indicateurs de performances ne sont guère nombreux, et quelques-uns d'entre eux sont sûrement perfectibles.

Tout d'abord, aucun indicateur n'a été prévu ni pour la dotation générale de décentralisation, ni pour la dotation départementale d'équipement des collèges, ni pour la dotation régionale d'équipement des lycées, de sorte que le programme « Concours financiers aux régions » en est totalement dépourvu. L'explication avancée tient au fait que ces dotations ont pour objet de compenser les charges des collectivités territoriales résultant de transferts, de créations et d'extensions de compétences.

Ensuite, la plupart des indicateurs retenus sont encore en construction. Aussi l'annexe au projet de loi de finances comporte-t-elle peu d'éléments d'information.

Enfin, certains de ces indicateurs semblent peu pertinents ou méritent d'être précisés.

À titre d'exemple, les délais d'élaboration des décrets relevant de la responsabilité de la direction générale des collectivités locales ne présentent qu'un intérêt limité, dans la mesure où rares sont les textes d'application des lois de décentralisation qui relèvent de la seule compétence du ministère de l'intérieur.

De la même façon, le nombre et la durée des connexions aux sites Intranet et Internet de la direction générale des collectivités locales ne permettent pas de savoir si les visiteurs y trouvent les informations qu'ils recherchent.

Par ailleurs, la loi organique relative aux lois de finances n'impose pas d'objectifs et d'indicateurs de résultats pour les prélèvements sur recettes. L'importance des montants en cause a toutefois conduit le Gouvernement à en prévoir, ce dont je me félicite.

Trois objectifs sont ainsi assignés aux concours financiers de l'État aux collectivités territoriales et à leurs groupements : premièrement, accroître le degré d'intégration des établissements publics de coopération intercommunale ; deuxièmement, poursuivre la couverture du territoire par l'intercommunalité ; troisièmement, assurer la péréquation des ressources entre collectivités.

La péréquation constitue désormais une exigence constitutionnelle. La nécessité de la renforcer est unanimement reconnue, et diverses mesures ont été prises au cours des dernières années pour y parvenir. Nous en avons d'ailleurs longuement débattu.

Permettez-moi, dans ces conditions, d'évoquer plus particulièrement la coopération intercommunale.

Son développement s'avère indispensable afin de permettre aux communes de mutualiser leurs moyens pour l'exercice de leurs compétences.

Toutefois, elle est actuellement très décriée, pour trois raisons principales. Premièrement, le périmètre de certains établissements manque de pertinence. Deuxièmement, loin de favoriser des économies d'échelle, leur création génère des surcoûts, et c'est souvent le vrai problème

M. Jean-Pierre Sueur. On l'a dit depuis longtemps !

M. Bernard Saugey, rapporteur pour avis. Certes, on l'a déjà dit, mais cela reste vrai, cher collègue !

Troisièmement, l'intérêt communautaire, qui constitue la ligne de partage entre les compétences transférées à un établissement et celles qui sont conservées par ses communes membres, n'est pas toujours bien défini.

Pour remédier à ces difficultés, la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales a prévu diverses mesures.

Une gestion commune des personnels et des équipements entre les communes et leurs établissements a ainsi été autorisée pour favoriser les économies d'échelle.

Par ailleurs, des possibilités de fusion et de transformation des structures existantes, dans un but de rationalisation, ont été instituées. Toutefois, elles n'ont encore guère été utilisées

Enfin, un délai a été imposé aux communes pour définir l'intérêt communautaire qui s'attache à l'exercice de telle ou telle compétence transférée à l'établissement dont elles sont membres. Passé ce délai, qui a été reporté au 18 août 2006 par la loi d'orientation sur l'énergie, l'ensemble de la compétence sera exercé par l'établissement.

Les concours financiers de l'État aux communes et à leurs groupements ont eux aussi pour objectif d'accroître le degré d'intégration des établissements publics de coopération intercommunale, et la loi de finances pour 2005 a simplifié les modalités de calcul du coefficient d'intégration fiscale, qui en constitue le principal indicateur.

Je souhaiterais savoir, monsieur le ministre, quel bilan le Gouvernement tire de ces différentes réformes et s'il a l'intention de proposer au Parlement de nouvelles mesures législatives pour conforter la coopération intercommunale. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire, 36 minutes ;

Groupe socialiste, 26 minutes ;

Groupe Union centriste-UDF, 16 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen, 14 minutes ;

Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 13 minutes.

Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d'intervention générale et celui de l'explication de vote.

En outre, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose, au total, de vingt-cinq minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Aymeri de Montesquiou.

M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, a introduit des changements de périmètre budgétaire.

C'est ainsi que la mission « Relations avec les collectivités territoriales » ne représente qu'une faible partie de l'ensemble des recettes versées par l'État aux collectivités territoriales, soit 3 milliards d'euros sur un total de près de 80 milliards d'euros.

Comme le souligne dans ses conclusions M. Bernard Saugey, rapporteur pour avis, il y a certainement là une amélioration à apporter pour améliorer la lisibilité budgétaire s'agissant des relations qui lient l'État aux collectivités.

En outre, les dispositions du présent projet de loi de finances relatives aux collectivités territoriales revêtent une importance très particulière puisqu'elles interviennent dans une période charnière en matière de relations entre l'État et les collectivités territoriales. En effet, l'année 2006 sera la deuxième année d'entrée en vigueur progressive des transferts de compétences résultant de l'acte II de la décentralisation.

Désormais, les collectivités territoriales disposent de plus de responsabilités et apparaissent de plus en plus comme les véritables acteurs du développement local de notre pays. Elles occupent donc une place croissante dans la vie quotidienne de nos concitoyens. C'est pourquoi elles sont un outil incontournable pour réconcilier les Français avec la décision publique.

Malgré un contexte budgétaire difficile, dans lequel la réduction de la dépense publique en volume est un principe directeur nécessaire, il convient de saluer l'effort consenti par le Gouvernement en faveur des collectivités territoriales et des élus locaux qui les pilotent.

A structure constante, les concours de l'État progressent de quelque 5 %, hors fiscalité transférée, pour atteindre un total de 64,5 milliards d'euros. C'est en grande partie le résultat du choix politique de reconduire pour 2006 le pacte dit « de croissance et de solidarité » avec un taux d'indexation de 2,37 %, portant l'enveloppe normée à plus de 43,5 milliards d'euros.

C'est ce même choix qui permet à la dotation globale de fonctionnement, la DGF, d'augmenter de 2,73 %, ce qui représente 1,5 milliard d'euros. Il faut reconnaître que la reconduction du « pacte de croissance et de solidarité » représente un effort considérable pour l'État.

Quant aux transferts de compétences pour 2006, ils représentent un total de 10 milliards d'euros, dont plus de 7 milliards d'euros pour les départements.

Dans cette double période de refondation de la relation État-collectivités territoriales et de conjoncture budgétaire contraignante, ces chiffres attestent que la décentralisation demeure l'une des grandes priorités budgétaires de ce gouvernement.

La part dévolue aux communes et aux intercommunalités devrait permettre de pérenniser la réforme intervenue l'année dernière, en privilégiant la DSU, la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale.

Faut-il rappeler que la loi a prévu son augmentation de 120 millions d'euros par an jusqu'en 2009 ? Ce présent projet de loi consolide ce dispositif et prévoit un mécanisme de sortie progressif pour les communes ayant perdu le bénéfice de la DSU.

De plus, le projet de loi de finances pour 2006 prévoit une progression de 15 % de la dotation de solidarité rurale, la DSR, soit l'équivalent de 80 millions d'euros. Désormais, les communes isolées seront éligibles à la seconde fraction de la DSR, et l'augmentation de cette dotation vient compléter la réforme de la dotation de développement rural, la DDR.

La DDR est un outil indispensable pour soutenir les projets de développement économique et social, ou encore les actions en faveur des espaces naturels proposées par les groupements de communes. Les élus ruraux, dont je suis, ne peuvent que se réjouir de l'engagement de la réforme de la DDR, qui permettra de renforcer et de maintenir les services publics en milieu rural.

Sur ce thème, la conférence nationale des services publics en milieu rural, installée l'année dernière par le Premier ministre au congrès de l'Association des maires de France, a rendu son rapport il y a quelques semaines. Elle y réaffirme que l'enjeu permanent de l'aménagement du territoire dans les zones rurales, l'attente des populations rurales en termes de services publics et l'accompagnement des efforts de développement initiés par les élus locaux nécessitent un effort de solidarité nationale et la mise en oeuvre d'un mécanisme de péréquation.

Elle prône notamment la mise en oeuvre, par l'État, d'un instrument de financement ad hoc destiné à apporter une aide pérenne à des projets de réorganisation ou de création de services publics ou au public, et à adapter l'offre de service public aux spécificités d'un territoire.

Pourriez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, les suites qu'entend donner le Gouvernement aux mesures contenues dans ce rapport, et plus particulièrement à cette proposition d'instaurer une dotation pour financer des projets visant au maintien des services publics sur l'ensemble du territoire ?

À un moment où l'urgence de l'actualité nous conduit à renforcer notre politique de la ville et à débloquer des moyens budgétaires exceptionnels en faveur des banlieues des grandes villes, il faut préciser que cela ne se fera pas au détriment de nos communes et de nos territoires ruraux qui, eux aussi, sont confrontés à de réelles et sérieuses difficultés économiques et sociales. Les problèmes ne sont pas seulement là où il y a de la violence, du bruit et de l'agitation : je crois que cela devait être précisé.

Aussi, je tiens véritablement à souligner les efforts faits par ce gouvernement en faveur de la ruralité, notamment à travers les dotations et l'indispensable péréquation financière des ressources, dont l'efficacité des dispositifs a été saluée par une récente étude du Commissariat général au Plan.

Malgré un contexte budgétaire difficile, le budget de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » est de nature à rassurer les collectivités territoriales, notamment les communes rurales. C'est pourquoi je lui apporterai mon soutien. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon.

Mme Josiane Mathon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen des crédits de cette mission va donner lieu à de vives et longues discussions étant donné les problèmes fiscaux et financiers des collectivités territoriales soulevés, d'une part, par la loi de décentralisation du 13 août 2004 et, d'autre part, par les choix budgétaires du Gouvernement.

L'autonomie financière des collectivités territoriales se retrouve fortement remise en cause par la loi relative aux libertés et responsabilités locales.

Les transferts de compétences instaurés par cette loi de décentralisation ne sont pas accompagnés des transferts financiers suffisants, ce qui est maintenant un problème récurrent. Je ne m'attarderai donc pas sur ce constat, partagé par tous les élus locaux : le compte n'y est pas !

Les compétences dévolues aux collectivités territoriales sont plus nombreuses et l'augmentation des charges grève sérieusement les finances locales, ce qui explique en partie les hausses conséquentes de la fiscalité locale intervenues cette année.

L'autonomie financière des collectivités locales est également remise en cause par le manque de recettes versées par l'État. De plus, ces recettes tendent à augmenter moins rapidement que par le passé. Ainsi, l'enveloppe de la dotation globale de fonctionnement devrait croître de 2,73 % en 2006, contre 3,29 % cette année.

Il n'est pas surréaliste d'imaginer que cette perte de recettes pour les collectivités locales soit durable.

De même, l'insuffisance des compensations financières des transferts de compétences vers les départements, qui doivent assumer les mesures sociales les plus lourdes et les plus évolutives - le RMI-RMA, l'allocation personnalisée d'autonomie, l'APA, l'allocation aux adultes handicapés, l'AAH - aura forcément une incidence sur toutes les autres collectivités locales.

Le transfert des personnels aggrave les problèmes. En effet, l'échéance au 1er janvier 2006 de la mise en oeuvre du droit d'option rend fébriles les élus locaux et justifie l'inquiétude des personnels de la fonction publique face à l'incertitude de leur devenir. Tout cela nous incite à redemander un moratoire à ce sujet.

Nous avions alerté le Gouvernement sur les conséquences financières de la décentralisation, mais nos craintes n'ont pas été prises en compte.

Aujourd'hui, ce sont tous les élus locaux qui critiquent les modalités d'application de cette réforme, face aux réalités budgétaires des collectivités locales.

La perte de recettes pour les collectivités a également été confirmée par deux études, rendues successivement à un mois d'intervalle, entre octobre et novembre, par deux cabinets d'études

Leur constat est le même. La première étude est claire : le projet de loi de finances pour 2006 conduira à « une nouvelle perte d'autonomie financière pour les collectivités locales ». La seconde étude pointe un autre aspect du problème de l'autonomie financière : « les dépenses transférées ont une dynamique d'évolution supérieure à la croissance de la ressource transférée ».

Par exemple, la progression des recettes de la taxe intérieure sur les produits pétroliers, la TIPP, s'annonce bien moins rapide que prévue, et c'était prévisible !

Ainsi, nous le voyons, l'autonomie financière des collectivités territoriales est fortement remise en cause, mais elle sera aggravée en 2006 par une forte perte de leur autonomie fiscale.

Ce ne sera certainement pas pour vous une surprise si nous dénonçons les nouvelles mesures fiscales du Gouvernement présentées dans ce projet de loi de finances pour 2006. Je pense en particulier au « bouclier fiscal » et à la réforme de la taxe professionnelle.

Je tiens à affirmer que nous dénonçons ces deux mesures, tout d'abord parce qu'elles s'adressent en priorité aux foyers les plus aisés - mais cela n'est plus une surprise de la part de ce gouvernement ! -, ensuite parce qu'elles viendront inévitablement pénaliser les collectivités locales.

La réforme de la taxe professionnelle se traduira par un plafonnement de 3,5 % de la valeur ajoutée. Au nom de l'« attractivité », il s'agit en réalité d'un avantage supplémentaire consenti aux entreprises, et cela, soit dit en passant, sans contrepartie en termes de création d'emplois.

Si je devais résumer cette réforme de manière plus sommaire, je dirais qu'elle représente moins d'impôt pour les entreprises mais une charge plus importante pour l'État, qui la fait endosser aux collectivités territoriales.

Quelles conséquences sur les établissements publics de coopération intercommunale cette réforme de la taxe professionnelle unique, la TPU, va-t-elle engendrer pour ces collectivités et, par effet de cascade, pour les communes ?

L'impact risque d'être important sur les finances locales, et plus encore sur les finances des communes les plus pauvres : le coût de cette mesure est évalué à 1,5 milliard d'euros, ce qui constitue bien évidemment un important manque à gagner pour toutes les collectivités.

Le mécanisme du « bouclier fiscal » est, lui aussi, extrêmement critiquable, puisqu'il consiste à plafonner à 60 % des revenus le montant total des impôts directs d'un contribuable, englobant l'impôt sur le revenu, l'ISF, la taxe d'habitation, la taxe foncière sur l'habitation principale et même, si l'on en croit ce qui se dit, la contribution sociale généralisée, la CSG...

Outre le fait que l'instauration d'un tel bouclier fiscal sert, entre autres choses, à réformer l'ISF, elle rejaillira négativement sur les finances locales puisque les collectivités supporteront une partie des dégrèvements de la taxe d'habitation et de la taxe foncière.

M. Mercier, rapporteur spécial de cette mission, a fait part en commission des finances de sa crainte de voir les départements n'avoir d'autre choix que d'augmenter ces deux taxes afin de compenser le plafonnement de la taxe professionnelle. Mais les effets d'une telle augmentation risquent d'être faibles si le bouclier fiscal est effectivement mis en application, car en seront exempts les plus riches foyers fiscaux.

Avec les nouvelles mesures fiscales proposées par le Gouvernement, les collectivités territoriales ne disposeront plus des moyens financiers leur permettant non seulement de faire face à leurs compétences, mais surtout de répondre autant que possible à leur raison d'être, c'est-à-dire à la satisfaction des besoins et des aspirations des habitants eux-mêmes.

Le groupe CRC a déposé en ce sens une proposition de loi sur les finances locales, qui vise à répondre à ces exigences simples : assurer aux collectivités locales les moyens financiers de leur action, leur permettre de répondre aux attentes de leurs administrés et, par voie de conséquence, redonner tout son sens à la démocratie locale.

Le rapporteur pour avis de la commission des lois, M. Saugey, appelle de ses voeux une réforme d'ensemble des finances locales. S'il est entendu, le groupe CRC y apportera sa contribution. Mais, pour l'heure, nous voterons contre les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Claude Biwer.

M. Claude Biwer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, on aurait pu penser que, depuis l'adoption de la réforme constitutionnelle du 28 mars 2003 et de la loi organique relative à l'autonomie financière des collectivités territoriales, les relations financières entre l'État et lesdites collectivités se seraient considérablement apaisées, mais force est de reconnaître que tel n'est malheureusement pas encore tout à fait le cas.

M. Claude Biwer. Certes, le Gouvernement applique la réforme de la dotation globale de fonctionnement et se conforme au contrat de croissance et de solidarité, qui permet une augmentation de 2,73 % de la DGF en 2006.

Mais cette réforme n'a pas, hélas ! mis fin aux inégalités dans la répartition de la DGF entre, d'un côté, les grandes villes qui perçoivent une dotation abondante - et quelquefois injustifiée pouvant, dans certains cas, s'élever à plusieurs centaines d'euros par habitant -...

Mme Nicole Bricq. Certaines seulement !

M. Claude Biwer. ... et, de l'autre, les petites communes rurales qui perçoivent beaucoup moins et doivent se contenter de quelques euros par habitant.

À cet égard, le gouffre ne cesse de se creuser. Il nous a été indiqué tout à l'heure que la DSU comme la DSR augmentaient de 15 %. Cette progression est importante, je ne le conteste pas, mais elle ne se traduit pas pour autant par une amélioration de la péréquation.

Que dire également de la solidarité à égard des différentes communes : vous avez sciemment privilégié la dotation de solidarité urbaine en l'augmentant de 120 millions d'euros, en estimant que les villes abritant des quartiers difficiles devraient bénéficier plus que d'autres de la solidarité nationale.

Cela part évidemment d'un bon sentiment, mais, à la lumière des récents événements, on peut se demander si le fait de consacrer encore plus d'argent à ces quartiers constitue véritablement la solution pour apaiser le profond malaise qui y règne !

A quoi bon habiter dans des immeubles rénovés ou reconstruits si les habitants ne trouvent pas d'emploi, si les enfants sont en situation d'échec scolaire, ou encore si les diplômés n'arrivent pas à percer sur le marché du travail ? Cette situation relève non pas d'une question d'argent, mais bien d'un changement des mentalités.

Les fonds considérables consacrés à la DSU ont tout naturellement été prélevés sur la masse globale de la DGF, et retirés du même coup aux autres communes, notamment aux communes rurales.

À cet égard, les chiffres parlent d'eux-mêmes : en 2006, sous réserve des décisions qui seront prises par le comité des finances locales, la DSU passerait de 759,6 millions d'euros à 880 millions d'euros, à partager entre quelques dizaines de villes. Or, dans le meilleur des cas, la DSR passerait de 505 millions d'euros à 575 millions d'euros, en augmentation de 15 %, comme je l'évoquais précédemment, mais sur une masse financière bien inférieure, que se partagent plusieurs dizaines de milliers de communes.

Comment peut-on, dans ces conditions, parler de péréquation et d'équité ? Ce fut déjà l'objet du débat de 2004, au cours duquel il nous fut répondu que la péréquation allait s'intensifier. Or ce n'est malheureusement pas le cas.

L'apaisement des relations financières entre l'État et les collectivités territoriales a également été perturbé par l'annonce de trois mesures très importantes : la réforme de la taxe professionnelle, celle de la taxe foncière sur les propriétés non bâties et l'instauration du « bouclier fiscal » dans le cadre de la réforme de l'impôt sur le revenu.

J'ai déjà eu l'occasion de m'exprimer sur la réforme de la taxe professionnelle lors de la discussion d'une récente question orale sans débat.

Alors que l'on nous annonçait une grande réforme de cette taxe - que le rapporteur général de notre commission des finances, au demeurant, estimait naguère « infaisable » - voilà que l'on se contente d'instaurer un plafonnement qui s'appliquera à toutes les entreprises, quel que soit leur chiffre d'affaires, à hauteur de 3,5 % de la valeur ajoutée. Cela pose un problème de fond ! En effet, à toute augmentation future du taux de la taxe professionnelle s'appliquant à des entreprises plafonnées situées sur le territoire d'une commune correspondra un nouveau prélèvement pratiqué par l'État sur les ressources de celle-ci.

Le ministre délégué au budget a spécifié plus clairement devant le Sénat que les augmentations et les taux intervenant dans la situation que je viens de décrire « ne rapporteront plus rien » aux collectivités territoriales. Le non-dit, c'est que ces augmentations de taux ne coûteront, en réalité, plus rien au budget de l'État !

Cela signifie, à l'extrême limite, que les collectivités ayant sur leur territoire une majorité d'entreprises plafonnées n'auront plus aucune marge de manoeuvre.

Qu'adviendra-t-il, par ailleurs, des communautés de communes ayant opté pour la taxe professionnelle unique si celle-ci s'applique également à des entreprises plafonnées ? Elles n'auront plus d'autre ressource que d'instaurer des impôts sur les ménages, ce qui n'était tout de même pas le but recherché par le législateur.

Cette mesure pose un problème de principe : une fois de plus, l'autonomie fiscale des collectivités est écornée.

S'agissant de la taxe foncière sur les propriétés non bâties payée par les agriculteurs, vous appliquez un allégement de 20 %, correspondant au taux fixé par le code rural pour la part de taxe que le preneur doit payer au propriétaire, à défaut d'un accord amiable différent. Ainsi, cet allégement profiterait intégralement à l'exploitant, qu'il soit propriétaire ou locataire.

Il donnera lieu à une compensation versée par l'État aux communes et aux EPCI à fiscalité propre, pour un montant estimé à 140 millions d'euros en 2006.

Compte tenu de ma qualité d'ancien exploitant agricole, je ne peux qu'être sensible à cette mesure, qui permettra d'alléger quelque peu le poids de cette taxe pour les agriculteurs ; mais, en tant qu'élu local, jusqu'à la discussion des articles de la première partie du projet de loi de finances, je demeurais partagé. En effet, la taxe foncière sur les propriétés non bâties constitue une ressource importante pour les communes rurales.

Certes, le dispositif que l'on nous propose d'adopter comporte une compensation financière de 140 millions d'euros, mais le passé nous a appris à nous méfier des compensations, qui n'ont jamais de valeur historique permettant leur indexation.

Certaines d'entre elles ont été rognées au fil des ans - je pense à la dotation de compensation de la taxe professionnelle -, d'autres n'ont jamais évolué, d'autres encore ont été calculées de manière telle qu'elles ne correspondaient pas toujours aux charges effectives résultant du transfert de compétences correspondant : l'APA en constitue le meilleur exemple, sans parler du RMI !

Toutefois, sur notre insistance, concernant la taxe foncière sur les propriétés non bâties, le Sénat a finalement obtenu du Gouvernement que cette compensation soit indexée sur l'évolution de la DGF à compter de 2007, ce qui constitue un motif d'apaisement réel.

Enfin, il est prévu dans le projet de loi de finances la mise en oeuvre d'un « bouclier fiscal » visant à plafonner les impôts nationaux et locaux à 60 % du revenu des contribuables, mesure qui devrait profiter à environ 93 000 contribuables et dont le coût serait partagé entre l'État et les collectivités territoriales.

Je ne comprends toujours pas pourquoi on a cru devoir mélanger des impôts d'État et des impôts locaux dans ce bouclier fiscal ! Pour parler clair, l'une des principales raisons de l'évasion fiscale est le caractère parfois confiscatoire du cumul de l'impôt sur le revenu et de l'ISF, mais certainement pas le poids de la taxe foncière et de la taxe d'habitation qui, rappelons-le, est ridiculement faible,... notamment à Paris, sans doute en raison de l'énorme DGF que la capitale reçoit ou de ses abondantes recettes de taxe professionnelle actuellement.

Cette mesure ne doit en aucun cas être mise à la charge des collectivités territoriales !

Dans un récent éditorial, le président de l'Association des maires de France, notre collègue député Jacques Pélissard, a rappelé à juste titre qu'il ne pouvait y avoir de relations fructueuses entre les maires et l'État sans confiance, surtout lorsque l'État est conduit à s'appuyer de plus en plus sur les communes pour assurer la mise en oeuvre des politiques publiques.

Il a reconnu que les finances et la fiscalité locales constituaient des domaines dans lesquels un véritable dialogue restait à nourrir, en rappelant que les interrogations des maires étaient nombreuses à ce sujet et appelaient des réponses rapides, sauf à susciter de profondes incompréhensions.

Je souhaite, pour ma part, que nos débats contribuent à clarifier les intentions du Gouvernement dans ces domaines. Cela me semble d'ailleurs en bonne voie, puisque, sur l'insistance de notre commission des finances et de son président, le ministre délégué au budget a donné son accord à une remise à plat du mode de financement des collectivités territoriales, ce dont je ne peux que me réjouir.

Si tel doit être le cas, il faudra que celui-ci soit, à l'avenir, plus juste et plus équitable. Il conviendra notamment impérativement que les principes constitutionnels de l'autonomie fiscale des collectivités territoriales et de la péréquation - j'y insiste beaucoup - soient effectivement respectés. (M. Michel Mercier, rapporteur spécial, applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, compte tenu de l'heure tardive et du temps qui m'est imparti, je me limiterai à trois remarques.

Premièrement, le découpage budgétaire façon LOLF est censé donner une plus grande lisibilité au budget. Constatons, s'agissant d'un domaine aussi important que les relations financières entre l'État et les collectivités territoriales, qu'il n'en est rien.

Comme l'ont fait remarquer les orateurs précédents, la mission « Relations avec les collectivités territoriales » porte sur 4,6 % des concours financiers de l'État aux collectivités locales seulement, soit 2,9 milliards d'euros, c'est-à-dire sur tout ce qui ne renvoie pas à un prélèvement sur recettes et à des remboursements ou à des dégrèvements.

Le malheureux élu local - mais il n'en est point ici (Sourires) - qui penserait en tirer une vue claire et synthétique de la politique de l'État envers les collectivités locales en serait donc pour ses frais.

Mme Nicole Bricq. Il aurait du mal !

M. Pierre-Yves Collombat. Nous traitons donc de l'accessoire et non de l'essentiel !

L'essentiel, c'est d'abord la DGF : 38,2 milliards d'euros et 60,3 % des concours.

Toutes les envolées sur les beautés du contrat de croissance et de solidarité, sur l'amélioration de la péréquation entre collectivités - au prix cette année d'un détournement de la régulation de la DGF de 2004 -, tous les micro-perfectionnements ne sauraient nous faire oublier le caractère profondément injuste de l'architecture de cette dotation, particulièrement envers les petites communes.

Le système des strates démographiques, fossilisé lors de la création de la dotation forfaitaire devenue la dotation la plus importante pour le plus grand nombre de nos collectivités, pénalise en effet fortement les communes rurales.

En 2004, un urbain valait 2,5 ruraux. L'année dernière - et j'avais salué cette avancée à cette même tribune - l'écart avait été ramené à 2,2. Mais, sauf erreur de ma part, cet effort de justice ne sera pas poursuivi en 2006.

C'est d'autant moins normal que les charges des communes rurales sont de plus en plus semblables à celles des communes urbaines. En effet, sous l'effet de la pression foncière, de la hausse des loyers et de la difficulté à faire garder les enfants, de plus en plus de personnes, dont certaines sont en grande difficulté, désertent les villes et les agglomérations. Les communes rurales accueillent donc cette population, dont les aspirations - sinon les exigences - demeurent urbaines.

Les communes rurales d'aujourd'hui n'ont plus grand-chose à voir, du moins pour la moitié d'entre elles, avec les communes rurales d'autrefois. Pourtant, financièrement parlant - encore une fois, à quelques microaméliorations de la DGF ou à quelques créations de dispositifs palliatifs supplémentaires près -, rien ne change.

Le choix d'une évolution identique de la DSU et de la DSR, à hauteur de 15,8 % en 2006, est incontestablement positif. On est cependant loin du compte sur l'essentiel.

L'essentiel, je l'ai dit, c'est l'architecture cachée de la DGF. C'est aussi la réduction comme peau de chagrin des bases fiscales sur lesquelles les communes pourront asseoir leur développement futur.

Avec la neutralisation de parts de plus en plus considérables des bases de la taxe professionnelle, la réforme de 2006 vient s'ajouter aux précédentes. Il est à noter qu'elle affecte davantage les départements ruraux et montagnards que les autres : 28,5 % des bases seront plafonnées dans les Hauts-de-Seine contre 71 % dans les Alpes-de-Haute-Provence, 33,4 % dans le Val-d'Oise contre 76 % dans l'Ariège, 32 % dans l'Essonne contre 80 % dans la Manche et 66,8 % dans l'Aveyron. Et je pourrais continuer encore longtemps ma litanie !

La réforme se traduit également par la neutralisation de 20 % des bases du foncier non bâti, ressource non négligeable pour l'ensemble des communes rurales, et même ressource essentielle pour les plus petites communes, puisqu'elle représente 21 % de la fiscalité directe des 21 000 communes de moins de 500 habitants. Entre parenthèses, ce foncier non bâti est d'ailleurs payé à hauteur d'un tiers par les agriculteurs.

Elle se traduit enfin, avec le « bouclier fiscal », dernière trouvaille de ce Gouvernement pour lutter contre la fracture sociale, par la neutralisation des bases de taxe d'habitation et de foncier bâti des immeubles, qui rapportent le plus aux collectivités.

Ma deuxième remarque portera sur ce qui est présenté comme une mesure particulièrement favorable au monde rural, à savoir l'enveloppe de 20 millions d'euros destinée à financer le service public en milieu rural.

Cette disposition semble répondre comme en écho à une préconisation du rapport que vient de remettre au Premier ministre la Conférence nationale des services publics en milieu rural : « L'État, au nom de l'intérêt général, de l'aménagement du territoire et de la péréquation entre les territoires, accompagne cette politique d'amélioration et de développement par des moyens financiers spécifiques. Cela se traduit par la mise à disposition d'une dotation identifiée, lisible et pérenne, destinée à financer tant les charges d'investissement que de fonctionnement des projets retenus. »

Si l'emballage est de qualité, chacun sait qu'il ne s'agit en aucun cas d'un effort supplémentaire de l'État envers les communes rurales, mais seulement du « fléchage » - selon le vocabulaire établi - d'une fraction de la dotation de développement rural.

Au final, il appartient toujours aux ruraux, et parfois aux opérateurs de service public, comme c'est le cas pour La Poste, de puiser sur leurs maigres ressources s'ils persistent à vouloir assurer le maintien de leurs prestations.

Certes, ces crédits n'étaient pas consommés, mais à qui en imputer la faute, sinon à la complexité de la dotation de développement rural ?

Multiplier les contraintes est d'ailleurs devenu une méthode classique pour faire des économies : du fait que les crédits ne sont pas consommés, on tire comme conclusion qu'ils sont inutiles et non pas qu'il faudrait simplifier leurs règles d'attribution ! Ainsi en a-t-il été récemment avec le FNDAE, dont nous sommes loin d'avoir mesuré toutes les conséquences de la suppression.

L'État, contrairement aux déclarations répétitives, n'entend toujours pas déployer une véritable politique de maintien et de développement du service public en zone rurale.

Si tel était le cas, il s'y prendrait autrement, par exemple en abondant le Fonds postal national de péréquation territoriale, car La Poste est un service public essentiel pour le monde rural et une préoccupation première de ses élus. Or, sauf erreur de ma part, le projet de loi de finances pour 2006 ne prévoit rien dans ce sens. C'est la raison pour laquelle nous avons déposé un amendement pour y remédier !

Selon le rapport Larcher, que tout le monde a présent en mémoire, le surcoût du réseau postal rural pour La Poste est de l'ordre de 500 millions d'euros. L'objet d'un fonds de péréquation serait d'en assurer le financement. Or le fonds créé la loi relative à la régulation des activités postales n'est financé qu'à hauteur de 150 millions d'euros, et seulement par La Poste, en contrepartie des exonérations de taxe professionnelle dont elle bénéficie. Autant dire que le réseau rural n'est financé que par les collectivités locales, puisque les exonérations dont bénéficie La Poste sont autant de ressources en moins pour elles !

Lors de la discussion de la loi relative à la régulation des activités postales, toutes les propositions d'abondement du Fonds national postal de péréquation territoriale par le budget de l'État ont été refusées. Ces refus sont d'autant plus injustifiés que la création de la banque postale entraînera des facturations de services entre la maison mère et sa filiale bancaire, donc un surplus de TVA !

Ma troisième remarque concernera l'incidence qu'a le projet de loi sur les finances départementales.

La suppression de la première part de la DGE, après compensation asymétrique, entraînera globalement une perte en 2006 de l'ordre de 30 millions à 50 millions d'euros, selon les estimations. Elle s'élèvera à plus du double en 2007.

C'est peu de chose, me direz-vous. Ce serait peu de chose, en effet, si les budgets départementaux ne devaient supporter eux aussi le choc des mesures que j'ai évoquées précédemment : réformes de la taxe professionnelle et de la taxe sur le foncier non bâti, « bouclier fiscal ». Ce serait peu de chose également s'il n'existait pas des incertitudes quant à l'évolution du RMI et quant aux conséquences du remplacement des anciens contrats aidés par les nouveaux.

En 2005, le Gouvernement, au vu des comptes réels, a consenti aux départements un versement supplémentaire exceptionnel de 470 millions d'euros. L'année prochaine, le différentiel entre les charges compensées et les charges réelles est estimé à 1 milliard d'euros.

Il est question d'un nouveau versement exceptionnel lors du prochain collectif budgétaire, mais l'on ne sait à combien il s'élèvera, ni même si la rallonge de 470 millions d'euros de 2005 sera pérennisée. Peut-être, monsieur le ministre, pourrez-vous nous rassurer sur ce point, car la croissance du rendement de la TIPP sera bien loin d'y suppléer.

Pour conclure, je dirai que, si le projet de loi de finances pour 2006 parvient encore à masquer la misère, les bombes à retardement sont bien en place ! En 2004, comparés aux comptes de l'État et aux comptes sociaux, les comptes des collectivités locales témoignaient d'une insolente santé financière. En deux ans, le Gouvernement y aura mis bon ordre ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Goulet.

M. Daniel Goulet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis au moins cinq exercices budgétaires, et lors de chaque débat concernant directement ou indirectement l'aménagement du territoire et des territoires ruraux, j'essaie d'avancer des propositions pour réduire le « millefeuille », que nous connaissons bien, des compétences locales !

Oui, je cherche régulièrement à atténuer les effets désastreux de ce millefeuille, car il faut bien se résoudre à engager une première réflexion et tenter de lui donner une certaine concrétisation.

J'avais fait part à M. Sarkozy, lors de son premier passage au ministère de l'intérieur, puis lors de son séjour à Bercy, des conclusions d'une étude réalisée sur mon initiative par un groupe d'étudiants, portant - c'était un bon sujet ! - sur la réorganisation de nos territoires.

Je veux ici revenir devant vous, monsieur le ministre, sur un sujet que j'ai déjà évoqué avec plusieurs de vos collègues qui sont également concernés.

Je me livrerai à un premier constat.

Savez-vous, monsieur le ministre, que de nombreux cantons dans nos départements comptent moins de 1 000 habitants ?

Au-delà de son aspect électoral, qui pourrait paraître bassement politicien, et de l'application du seuil de 9 000 habitants fixé pour établir les comptes de campagne, cette situation entraîne des inégalités manifestes. Personne ne peut le nier ! Ainsi, notre pays compte 3 714 cantons. Or 15 % d'entre eux comptent moins de 4 000 habitants, et je ne parle pas de ce canton des Hautes-Alpes qui n'en compte - situation exceptionnelle - que 270 !

Sur cette base, nous avons cherché à établir une nouvelle carte de France avec des cantons représentant environ 4 000 habitants, seuil de viabilité que l'on exige d'ailleurs lors de la constitution des communautés de communes. Il s'agissait là, pour nous, d'une référence.

Prendre en considération cette étude serait une simple mise en cohérence, rendue d'autant plus nécessaire que, sur le fond, le rôle des communautés de communes réduit désormais en proportion celui des conseillers généraux,... pour peu que ces derniers ne les président pas eux-mêmes. En tout état de cause, cela reviendrait à simplifier ce genre de représentativité et, surtout, à éviter d'en superposer les différentes couches.

Je pourrais vous donner des exemples qui vous frapperaient encore davantage : savez-vous ainsi que trois conseillers généraux siègent quelquefois au sein d'une même communauté de communes ? Que faire dans ce cas de figure ? Et c'est une situation que je connais personnellement !

Certes, cette restructuration conduirait à une diminution du nombre d'élus, et donc à une économie très importante qui, calculée sur la durée du mandat de six ans et sur la base des indemnités mensuelles actuelles, représenterait 106 millions d'euros. Cette observation ne peut laisser indifférent le ministre de l'économie et des finances, tout préoccupé qu'il est - nous le sommes tous, d'ailleurs - par la dette considérable du pays et qui nous dit souvent que la France vit au-dessus de ses moyens !

Nicolas Sarkozy, que j'avais saisi de cette proposition alors qu'il était place Beauveau, m'avait alors répondu, en des termes que je considère comme inappropriés, qu'il s'agissait d'un véritable « charcutage » électoral. À Bercy, je lui ai reposé de nouveau la question ; elle est restée cette fois sans réponse.

Pourtant, c'est avec un certain plaisir que j'ai pu lire, le 24 novembre dernier, dans Ouest France, les déclarations qu'il a faites et les propositions qu'il a avancées en vue de réduire ce millefeuille !

Bien entendu, le modeste représentant de la nation que je suis n'a pas eu le pouvoir d'attirer son attention. Le dernier rapport de la Cour des comptes, en revanche, l'a fait revenir sur le sujet !

C'est donc avec un certain intérêt que j'attends vos propositions concrètes, monsieur le ministre, et que je tiens l'étude réalisée par mes soins à votre disposition. Nous jugerons ici ce qui relève de l'imprécation et ce qui relève du courage politique !

Aux actes citoyens !

Monsieur le ministre, ce petit rappel de circonstance étant fait, j'en reviens à notre sujet.

J'ai eu le privilège d'être parmi les tout premiers fondateurs de l'intercommunalité dans notre pays, via la création du premier syndicat de communes le 14 septembre 1960, puis via son prolongement par la formule de la communauté de communes. J'ai également compté parmi les tout premiers créateurs de regroupements pédagogiques.

C'est parce que je crois avoir une certaine expérience, un certain recul, que j'ai quelques raisons d'être surpris, voire choqué, de vos récentes déclarations concernant les communautés de communes, monsieur le ministre. Vous avez dressé un constat « accablant », pour reprendre votre propre terme, et vous avez accusé les communautés de communes d'être source d'inflation fiscale !

M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales. De quelle déclaration s'agit-il ? C'est incroyable !

M. Daniel Goulet. S'il y a malentendu, ne tardez pas à le dissiper, monsieur le ministre, car vos déclarations n'ont pas été bien comprises.

M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Ah, je préfère cela !

M. Daniel Goulet. Je ne suis pas là pour polémiquer, j'énonce simplement les faits !

Permettez-moi de vous faire part, tout d'abord, de quelques interrogations à propos de ces sévères appréciations - mais le demeureront-elles ?

Qui a incité les communes, parfois de façon comminatoire, à intégrer une communauté de communes ? Qui est responsable du millefeuille des compétences locales que nous dénonçons aujourd'hui ? Qui est responsable - pas vous, sans doute - du délire de finances locales que personne ne peut reformer tant leur degré de complexité est grand ? Qui est responsable de la création des parcs, des « pays » et d'autres structures parfois invertébrées, qui sont des espaces de pouvoirs ou de véritables fiefs électoraux ?

À bien y réfléchir, j'ai l'impression que, dans ce contexte, l'Etat s'est conduit comme un vulgaire organisme de crédit, un de ces organismes qui sont tant décriés depuis peu !

C'est ainsi que, en proposant des incitations - sortes de « carottes fiscales », pardonnez-moi l'expression -, dans le cadre des contrats de pôle, des contrats de pays, des contrats de site, mais sans jamais attirer l'attention des souscripteurs sur les conséquences à terme de ces engagements, il laisse à la charge des collectivités les frais de fonctionnement et les coûts de réalisations plus ou moins justifiées. Il serait d'ailleurs parfois nécessaire de s'interroger sur le bien-fondé de ces dernières !

Monsieur le ministre, porter des appréciations sur la gestion des collectivités en les généralisant sans retenue, sans nuance - mais peut-être encore une fois me démentirez-vous ? -, alors que cette gestion s'apparente parfois à une mission impossible, est injuste à l'égard de ces centaines d'élus locaux qui travaillent sans relâche, sans compter leur peine, pour aménager leur propre territoire !

Ces maires de petites communes, dont nous parlons tant au Sénat, gèrent au marc le franc un budget de ménagère, de peur que l'autorité de tutelle ne sanctionne leurs comptes administratifs difficilement tenables !

Ah, si l'État et nos ministères étaient gérés comme les communes de mon département, Thierry Breton et nous tous ici dormirions d'un sommeil bien plus réparateur ! (Sourires.)

C'est au nom de ces maires que je m'autorise à vous dire, monsieur le ministre : assez de grands-messes, assez d'assises de la démocratie locale et d'états généraux de toute sorte, parfois réalisés à grands frais !

Mme Nicole Bricq. C'est vrai !

M. Daniel Goulet. Assez de colloques, de questionnaires aux 36 000 maires de France, d'appels à de nouvelles initiatives pour savoir quelles mesures il nous faut encore prendre afin de désengorger et de simplifier notre administration territoriale ! Nous avons en notre possession toutes les données. Alors, agissons !

M. Jean-Pierre Sueur. Quel formidable plaidoyer !

M. Daniel Goulet. Le constat est sans appel : ces concertations permanentes posent chaque fois les mêmes questions sans que nous n'obtenions jamais de réponse définitive et déterminante.

Chacun de nous connaît depuis longtemps ce millefeuille des compétences locales et le délire kafkaïen qu'il suscite au sein de nos finances locales ! Nous devons donc faire preuve de courage - de nombreux intervenants l'ont dit ici même avant moi - afin de nous mettre à l'ouvrage et de faire cesser toutes ces inepties devant lesquelles nous nous sentons démunis.

Mais je sais, monsieur le ministre, que vous êtes courageux, que vous conduirez ces réflexions et que vous serez à la tête de ces actions.

M. Jean-Pierre Sueur. Ouf ! (Sourires.)

M. Daniel Goulet. Le courage consiste à décider, et non à renvoyer les élus et leurs désagréments d'un débat à l'autre, comme on le ferait de pommes de terre chaudes.

Rappelons-nous, l'an dernier, de la discussion du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux : nous avons été quelques-uns à déposer des amendements, que l'on nous a très vite invités à retirer avec la promesse qu'ils seraient examinés dans un texte ultérieur. Ils ont ensuite été reportés, une fois encore, sur le projet de loi de finances, puis, enfin, sur le texte concernant la réorganisation des services publics...

Ah ! les services publics : parlons-en. On nous a expliqué ici même, au banc du Gouvernement comme à celui de la commission, qu'il fallait les réformer, mais on a refusé d'instaurer un moratoire - alors que personne ici n'y était opposé -, sous prétexte que cela aurait interdit la modernisation, une modernisation à laquelle personne non plus dans cette assemblée, d'ailleurs, ne s'oppose.

Ce que nous refusons, c'est l'autorité de la chose décidée : nous voulons une vraie démocratie locale.

Et voilà qu'aujourd'hui, alors que la majeure partie des fermetures de service public est une réalité, on décide à nouveau de mettre en place un moratoire !

De qui se moque-t-on ? Que doit-on penser de cette décision ? Monsieur le ministre, allez-vous à votre tour préparer une nouvelle concertation ou un autre projet de loi ?

Quoi qu'il en soit, ne décrétez surtout aucun nouveau seuil de viabilité !

À ce propos, permettez-moi de vous donner l'exemple d'une communauté de communes de 3 000 habitants de mon département de l'Orne, celle de Rânes. Il s'agit sans doute de la plus petite communauté de communes de l'Orne, mais elle ferait pâlir d'envie bien des communautés plus grandes, tant ses réussites et son fonctionnement sont exemplaires.

Sans les maires ruraux, mes chers collègues, le tissu rural n'existerait pas. Alors, simplifiez cette mission si difficile qui est la leur au lieu de la rendre plus complexe et plus décourageante !

Si vous le souhaitez, monsieur le ministre, je vous invite à visiter mon département : vous y découvrirez ses 293 000 habitants, ses 41 communautés de communes, ses 5 pays, ses 2 parcs régionaux, ses 505 communes réparties en 40 cantons, ses multiples syndicats spécialisés - dirigés et gérés parfaitement par des dizaines de bénévoles absolument irremplaçables -, et vous verrez que l'ambition et le dynamisme de tous sont des valeurs sûres, indispensables à la revitalisation de notre tissu territorial.

Nos élus locaux sont de véritables passionnés de la chose publique. Il faut le savoir : ils ne cherchent en rien l'assistance des différents pouvoirs de tutelle, ils ne rechignent pas à assumer leurs responsabilités, qui deviennent de plus en plus lourdes et multiples, mais ils ne veulent pas davantage - ils l'expriment unanimement avec force - qu'on leur complique la tâche.

Sans eux, nous en sommes tous convaincus, cette démocratie à la française, qui reste l'une des plus précieuses conquêtes de la République, ne pourrait plus s'exercer normalement. Or, malgré les difficultés que nous connaissons, elle reste l'un des fondements les plus solides et les plus sûrs de l'unité de notre nation !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me souviens de la commission présidée par Pierre Mauroy : nous étions en l'an 2000, à moins que ce ne soit en 1999.

Les membres de cette commission, qui appartenaient à toutes les formations politiques, étaient presque d'accord sur tout,... quand, soudain, M. Jean-Pierre Raffarin, M. Fourcade et quelques autres nous expliquèrent qu'il était impossible de continuer à siéger. Et pourquoi donc ? Parce que le ministre des finances de l'époque, M. Laurent Fabius, venait de décider que l'État supprimerait tel impôt local pour le remplacer par une dotation.

Souvenez-vous, mes chers collègues : à la suite de cette décision « insupportable », MM. Poncelet, Raffarin, Fourcade et bien d'autres cosignèrent une proposition de loi qu'ils présentèrent au cours d'une conférence de presse solennelle afin d'appeler de leurs voeux au respect - enfin ! - de l'autonomie financière des collectivités locales.

Je dois vous avouer que, depuis quelques mois, je pense beaucoup à M. Jean-Pierre Raffarin : devenu Premier ministre, il a en effet déployé une grande énergie pour faire entrer l'autonomie financière dans les moeurs. Il y eut d'abord une loi, puis deux, puis trois. Nous avons même réformé la Constitution, ce qui nous a donné l'occasion de nous pencher sur les ressources propres afin de savoir si leur part devait être « prépondérante » - mais cela eut été trop précis -, « significative », ou « déterminante ». On retint finalement « déterminante », et nous eûmes alors le sentiment d'entrer dans une ère nouvelle.

Finalement, M. Raffarin est parti, et M. de Villepin est arrivé. M. Sarkozy est retourné au ministère de l'intérieur, M. Hortefeux a été nommé ministre délégué aux collectivités territoriales. Et voilà que l'on nous annonce la réforme de la taxe professionnelle et la création du bouclier fiscal,... qui auront pour effet de remplacer l'impôt local par une dotation de l'État.

Je comprends que M. Raffarin ne soit pas présent parmi nous ce soir : il doit être extrêmement gêné de voir son oeuvre ainsi piétinée par ses propres amis !

À l'époque, on a tellement entendu parler de l'autonomie que j'avais fini par penser que celle-ci était devenue la grande cause de la République ! Il m'arrivait d'ailleurs de dire à mes collègues qu'il existait d'autres sujets.

Alors, monsieur le ministre, la seule question que je me dois de vous poser en ce jour est la suivante : pourquoi prenez-vous à ce point le contre-pied de ce qui a été décidé par M. Raffarin ?

La taxe professionnelle et le bouclier fiscal auront trois effets : ces mesures provoqueront un transfert des grandes entreprises vers les PME - qui seront très satisfaites, n'en doutons pas ! -, mais aussi des entreprises vers les ménages, et des ménages aisés vers ceux qui le sont moins. Là, je vous dis « bravo » !

Décidément, je ne comprends pas pourquoi vous faites tout cela.

Ces dispositions s'accompagneront, bien entendu, de leur cortège de discours sur les dotations de compensation. Nous les entendons depuis plus de vingt ans ! Article 1er : « Une dotation compensera... »

Ici, cependant, on ne le dit même pas : on dit plutôt que l'on ne compensera pas tout à fait - la taxe professionnelle retenue sera celle de 2004, l'année 2005 ayant été marquée par un certain nombre d'événements - mais que l'on compensera quand même un peu.

Ensuite, se produira inéluctablement l'éternel phénomène de la dotation qui ne compense pas. À cet égard, il y aurait une thèse à écrire sur le douloureux sort de la DCTP, la dotation de compensation de la taxe professionnelle, qui, de manière géologique, est le réceptacle des décisions de tous les gouvernements qui diminuent ladite taxe professionnelle. Elle a toujours été censée compenser cette diminution, mais elle est inévitablement devenue ce qu'on appelle pudiquement une « variable d'ajustement ». Donc, ce système ne fonctionne pas.

Pourquoi ne pas prendre le problème autrement ? Nous pourrions nous diriger vers une plus grande autonomie des collectivités locales, puisque le fondement du concept de collectivité locale depuis la Révolution est que les élus désignés au suffrage universel, et eux seuls, décident du prélèvement des recettes et de l'affectation des dépenses.

Mais, finalement, nous nous éloignons constamment de cette définition, à laquelle en France - ce n'est pas pareil en Allemagne ou dans d'autres pays - nous avons constamment été attachés.

Le paradoxe du système, c'est que vous allez, une fois de plus, augmenter les dotations de l'État, qui sont déjà très élevées dans le budget.

Le seul argument qui justifie l'importance de ces dotations, c'est que l'État peut créer le contrepoids indispensable à l'autonomie nécessaire des collectivités locales en mettant en oeuvre la péréquation. Or comment se fait-il que, avec autant de dotations, on ait si peu de péréquation ? Tout le problème est là !

Oui, monsieur le ministre, avec les mesures que vous prenez, il y aura moins de péréquation.

Prenons, par exemple, la DGF : la part forfaitaire de cette dotation est peu péréquatrice, précisément parce qu'elle est forfaitaire. Je sais bien qu'un rapport dit le contraire, mais je ne suis pas d'accord avec ses conclusions. Et nous pourrions en débattre longuement, mes chers collègues ! Mais je vous dispenserai de cette argumentation à cette heure tardive.

J'en viens aux dotations à caractère rural.

Il est très important de soutenir le monde rural, mais il faut reconnaître que les dotations ne sont pas toutes aussi péréquatrices qu'on pourrait le souhaiter : je pense notamment aux différents volets de la DSR.

Pour ce qui est de la DSU, je fais partie de ceux qui plaident pour son augmentation. Mme Bricq va d'ailleurs y revenir dans un instant.

Quant à la dotation d'intercommunalité, elle a pour objet de favoriser l'essor du regroupement communal et, que la structure intercommunale soit riche ou pauvre, c'est-à-dire nonobstant les correctifs relatifs au coefficient d'intégration fiscale et à d'autres dispositifs, la dotation n'est pas particulièrement péréquatrice.

Pour finir, je dirai un mot des procès qui sont faits aujourd'hui à l'intercommunalité.

Monsieur le ministre, j'ai moi aussi été fâché de lire certains propos mettant en cause le mouvement de l'intercommunalité. Mais peut-être allez-vous nous apporter des précisions à ce sujet, ce dont je me réjouirais.

Mes chers collègues, comme vous tous, j'ai lu le rapport de la Cour des comptes qui remet en cause les périmètres. Toutefois, quand le Sénat a examiné la loi de 1992 relative à l'administration territoriale de la République, personne ici n'a défendu l'idée selon laquelle on allait imposer ces périmètres ! Et, si les textes sur l'intercommunalité ont pu être adoptés, celui de 1992 comme celui de 1999, c'est justement parce que le principe du respect de la libre volonté des communes était affirmé dès l'article 1er.

Aujourd'hui, il existe des milliers de communautés de communes, de communautés d'agglomération et de communautés urbaines. En dix ans, le mouvement a été formidable, on n'a jamais connu un changement institutionnel d'une aussi grande ampleur en si peu de temps.

Si l'on avait mis en oeuvre les préconisations du rapport de la Cour des comptes et si l'on avait écouté un certain nombre de déclarations, on aurait agi au conditionnel passé. Or le conditionnel passé présente deux défauts : le premier est que c'est le conditionnel, le second que c'est le passé. (Sourires.)

Oui, si l'on avait laissé les préfets imposer les contours de l'intercommunalité, je suis sûr qu'il y aurait eu beaucoup moins de structures créées. Ne regrettons donc pas ce que nous avons fait, car c'est la voie de la modernisation. En effet, il existe beaucoup de compétences, et une commune, qu'elle soit petite ou de taille moyenne, ne peut pas les exercer seule. Elle doit donc se regrouper avec d'autres afin de mettre en commun les potentiels de chacun. C'est même la condition sine qua non si l'on veut qu'elles puissent continuer à vivre !

Il faut aller de l'avant. Malheureusement, les mesures qui sont prises en matière de taxe professionnelle porteront un rude coup à l'intercommunalité et les communautés de communes, dont c'est la principale ressource, se retrouveront en difficulté s'il n'y a pas de compensation. Certaines d'entre elles envisagent déjà, d'ailleurs, de revenir en arrière, ce qui est très regrettable.

Avec ce projet de loi de finances, il y a moins d'autonomie, moins de justice, moins de péréquation. Pour toutes ces raisons, nous voterons contre les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, la Constitution dispose, en son article 72-2, dernier alinéa, que « la loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l'égalité entre les collectivités territoriales ». Cet alinéa est limpide : il prévoit bien la solidarité financière qui, pourtant, malgré l'effort constitutionnel, est peu ou mal assurée.

L'étude réalisée par le Commissariat général au Plan, couvrant la période de 1994 à 2001, a montré que l'effet péréquateur est passé, en six ans - sept ans si l'on compte en année pleine - de 34 % à 40 % du pouvoir d'achat des services collectifs de proximité. Il reste donc 60 % ! Au rythme de 1 % par an, sans rien changer, il faudrait soixante ans pour réduire les écarts...

Néanmoins, la correction qui a été observée est imputable pour l'essentiel à la montée en puissance des dotations : dotation d'aménagement de la DGF, dotation d'intercommunalité, DSU, DSR et, pour l'Île-de-France, Fonds de solidarité de la région d'Île-de-France.

L'année dernière, la loi de programmation pour la cohésion sociale a organisé le doublement de l'enveloppe de la DSU et a réformé le mode d'attribution de cette dotation au profit des communes comportant des zonages prioritaires selon la politique de la ville, c'est-à-dire ayant de lourdes charges et de faibles ressources.

Cette refonte n'est pas véritablement satisfaisante, parce qu'elle est à la fois limitée dans le temps - jusqu'en 2009 - et parce que, comme cela a été dit avant moi, elle a un impact sur la DGF, même s'il est relatif. Elle aura au moins permis de mettre en évidence les villes les plus en difficulté, celles qui, précisément - pour la plupart d'entre elles en tous cas - se sont retrouvées au premier plan de l'actualité dans les journées de violence que notre pays a connues en novembre. Et je ne veux pas qu'on les oublie, c'est tout le sens de mon intervention.

Il est donc intéressant de se pencher sur la DSU devenue DSUCS, la cohésion sociale ayant été ajoutée à l'intitulé de la dotation de solidarité urbaine.

Cet instrument est, à mes yeux, adapté à son objectif de réduction des écarts de ressources par rapport au niveau des charges.

Le mécanisme de la DSU, créée en 1991, était relativement simple. La dotation était attribuée, d'une part, aux trois premiers quarts des communes de plus de 10 000 habitants classées chaque année en fonction de l'indice synthétique des ressources et des charges et, d'autre part, au premier dixième des communes dont la population est comprise entre 5 000 et 9 999 habitants, également classées par un indice synthétique.

Au fil des ans, ce dispositif qui, en 1991, ne prenait pas en compte l'intercommunalité, s'est trouvé pénalisé à la fois par le montant trop faible des dotations et par la trop grande dispersion des crédits. En effet, on est passé, en quinze ans, pour les communes de plus de 10 000 habitants, des trois quarts originels aux neuf dixièmes aujourd'hui.

La loi de programmation pour la cohésion sociale a prévu le doublement de l'enveloppe de la DSU d'ici à 2009, et comporte un effet multiplicateur pour les zonages prioritaires.

À ceux qui rechignent à reconnaître la pertinence de cette solidarité - j'ai entendu notre collègue Claude Biwer tout à l'heure et je sais que l'idée est en débat -, à ceux qui pourraient considérer qu'un tel effort financier est vain et qui seraient tentés de baisser les bras, je rappelle que l'effort fait pour la DSU représente à peine 2 % de la DGF. Il est donc, en termes relatifs, très modeste.

En 2006, l'entrée dans le dispositif des villes de plus de 200 000 habitants, que nous avons acceptée l'année dernière, ne devrait pas bouleverser le système car la prise en compte du potentiel financier à la place du potentiel fiscal permettra d'en lisser les effets. Néanmoins, cette entrée pèsera sur les villes moyennes, qui étaient la cible originelle du dispositif de la DSU en 1991.

Pour autant, l'éparpillement de l'effort de solidarité nationale peut-il perdurer sous peine de perdre de sa substance par rapport à l'esprit d'origine ? Le temps est certainement venu, monsieur le ministre, quinze ans après la mise en place de la DSU, de remettre à plat le dispositif et, surtout, de concentrer l'effort de solidarité, car la question de la disparité entre communes et la lourdeur des charges qui pèsent sur les plus pauvres, loin d'être derrière nous, reste un chantier d'avenir.

C'est particulièrement vrai dans les agglomérations où les écarts sont les plus criants. En Île-de-France, il existe d'ailleurs un mécanisme supplémentaire de péréquation qui fait que les communes les plus riches alimentent un fonds destiné aux communes les plus pauvres. Je l'ai cité tout à l'heure : il s'agit du FSRIF, acronyme un peu barbare du fonds de solidarité de la région d'Île-de-France, créé lui aussi en 1991.

Depuis quelques années, les villes les plus pauvres, qui reçoivent la contribution des villes les plus riches, voient fondre le montant des aides : 300 000 euros de moins en 2004 pour Sarcelles, par exemple, 200 000 euros de moins pour Clichy-sous-Bois, d'où sont partis les événements dramatiques que nous avons connus.

M. Jean-Jacques Hyest. Pourquoi ne citez-vous pas Melun ?

Mme Nicole Bricq. Dans le même temps, les villes les plus riches contribuent de moins en moins. Je les cite à regret : il s'agit de Neuilly-sur-Seine, qui versait 6 millions d'euros en 2004 et qui ne verse plus que 3 millions d'euros en 2005, ou de Puteaux, qui versait 14 millions d'euros et ne verse plus que 6 millions d'euros en 2005. Et ces communes profitent également de manière indirecte de la réforme de la taxe professionnelle de 1999. C'est un accroc sévère à la solidarité financière !

L'année dernière, dans le cadre de la loi de finances pour 2005, j'avais déjà soumis le problème au ministre du budget sans qu'il y apporte une solution satisfaisante.

Je souhaitais poser à nouveau la question ce soir, par voie d'amendement, mais le service de la séance a estimé qu'il s'agissait d'une question connexe à la réforme de la taxe professionnelle. Nous en reparlerons donc samedi ou dimanche.

Pour terminer, monsieur le ministre, assurer l'ordre républicain dans les banlieues est nécessaire, nous ne le contestons pas. Mais cela n'exonère pas le Gouvernement de remédier aux graves inégalités qui frappent ces villes et leurs résidents, et de le faire par tous les moyens. Les dotations de solidarité en sont un, ne l'oubliez pas ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, nous nous retrouvons aujourd'hui pour examiner la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et les articles qui y sont rattachés, après le débat riche et, je crois, fructueux, que nous avons eu la semaine dernière sur les ressources des collectivités territoriales.

Je veux tout particulièrement remercier vos rapporteurs, Michel Mercier et Bernard Saugey, pour la qualité de leur travail et la pertinence de leurs observations. Au demeurant, pour M. Mercier, un tel hommage devient régulier : je le lui ai rendu la semaine dernière dans cet hémicycle, je le fais à nouveau aujourd'hui, et je le fais souvent au conseil général du Rhône...

M. Michel Mercier, rapporteur spécial. Si vous pouviez le faire samedi prochain ici même, j'en serais très heureux ! (Sourires.)

M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Le projet de loi de finances pour 2006 est le premier budget à mettre pleinement en oeuvre la LOLF. Dans ce cadre, la mission « Relations avec les collectivités territoriales » regroupe quatre programmes représentant, cela a été dit par de nombreux orateurs, un montant de près de 2,9 milliards d'euros en crédits de paiement, contre 2,8 milliards d'euros en 2005.

Les trois premiers concours correspondent naturellement aux trois strates principales de collectivités territoriales avec, pour chaque strate, les deux actions distinctes que sont le soutien aux projets de développement de territoires, d'une part, et la dotation générale de décentralisation, d'autre part.

Le dernier programme, le programme 122, regroupe à la fois les aides exceptionnelles aux collectivités territoriales et l'administration des relations avec les collectivités territoriales par la direction générale des collectivités locales du ministère de l'intérieur. Je saisis d'ailleurs l'occasion qui m'est offerte ici pour remercier ses représentants du travail accompli au service du ministère et des collectivités.

M. Saugey a exprimé ses « frustrations » quant aux indicateurs de performance associés à cette mission. Qu'il me soit permis de lui répondre sur un certain nombre de points.

D'abord, vous l'avez noté, nous n'avons pas associé d'indicateur à certains concours financiers, notamment à la dotation générale de décentralisation. La raison en est simple : il s'agit de dotations libres d'emploi, attribuées en compensation de transferts de compétences.

Ensuite, seules les collectivités locales sont à même de définir les objectifs qu'elles assignent à ces dotations. L'État ne peut avoir, pour sa part, qu'un seul objectif : leur assurer la progression assignée par la loi, c'est-à-dire, s'agissant de la dotation globale de décentralisation, une évolution conforme à celle de la dotation globale de fonctionnement. À cet égard, M. Michel Mercier a rappelé, et je le remercie, que l'État a même été au-delà de ses obligations légales.

Enfin, vous l'avez également rappelé, près des trois quarts des concours financiers versés aux collectivités locales prennent la forme de prélèvements sur recettes. Or, en toute orthodoxie, l'objectif annuel de performance de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » aurait dû se concentrer sur les seuls crédits budgétaires. Mais nous avons jugé que cela n'aurait pas été conforme à l'esprit du législateur organique, et n'aurait pas assuré une complète information du Parlement sur l'effort de l'État en faveur des collectivités locales. C'est pourquoi je suis très sensible au fait que M. Saugey ait reconnu que nous avions prévu des objectifs et des indicateurs concernant les prélèvements sur recettes.

Vous avez noté que nous avions aussi retenu des indicateurs relatifs à l'intercommunalité, et vous m'avez interrogé sur les objectifs du Gouvernement en la matière.

Sur la question de l'intercommunalité, je voudrais répondre à Jean-Pierre Sueur et à Daniel Goulet. Si ce dernier lit le journal, il ne lit malheureusement pas la totalité des déclarations qui y sont retranscrites. Or, en ne lisant que des fragments, on ne peut pas comprendre la cohérence de l'ensemble, monsieur le sénateur ! (M. Daniel Goulet brandit une coupure de presse.)

Je crois que le succès quantitatif de l'intercommunalité est incontestable, et les efforts financiers de l'État n'y sont, dans mon esprit, pas étrangers.

Ce succès ne doit pas occulter certaines erreurs et certains tâtonnements, monsieur Goulet. Je les ai qualifiés d'« erreurs de jeunesse ». Mais, après la jeunesse, il y a beaucoup d'étapes,...

M. Brice Hortefeux, ministre délégué. ...qui doivent permettre, précisément, de corriger et d'améliorer.

Pour y parvenir, je crois qu'il faut recentrer le débat autour de quatre priorités.

La première porte sur la définition d'un intérêt communautaire. Je pense - peut-être un peu simplement - que cette définition est indispensable pour savoir qui fait quoi, afin que nos concitoyens s'y retrouvent. L'intercommunalité ne doit pas être une formule pour initiés ni un club d'amis qui font leurs affaires entre eux. Il faut que l'opinion publique, les électeurs, le citoyen, le contribuable comprennent à quoi cela sert. Nous avons donc fixé une date butoir qui, vous l'avez dit, a été reportée au 18 août 2006, pour définir l'intérêt communautaire. Il n'y aura pas de nouvelle prolongation du délai, mais cela laisse un an pour définir cet intérêt de manière plus cohérente.

La deuxième priorité, c'est la rationalisation des périmètres. J'entends bien ce qu'a dit Daniel Goulet concernant des communautés de communes qui fonctionnent merveilleusement avec 3 000 habitants et, très honnêtement, je reconnais qu'il y a des exceptions. Je me réjouis même de cette particularité remarquable de l'Orne. Mais l'on ne peut se satisfaire de certaines données statistiques : je vous rappelle que vingt-quatre communautés de communes ne rassemblent aujourd'hui que deux communes seulement. Or ce n'est ni l'objectif ni l'esprit qui doivent présider à la création des intercommunalités.

Je vous rejoins toutefois sur un point, monsieur Goulet : il ne s'agit pas de formater toutes les communautés selon un moule unique. Ce serait insupportable, et vraisemblablement inefficace.

M. Jean-Pierre Sueur. Cela ne pourrait pas fonctionner !

M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Je propose simplement de vérifier si le périmètre retenu est vraiment pertinent et, si tel n'est pas le cas, il conviendra de le redessiner.

La troisième priorité, qui me semble essentielle, c'est la clarification des relations financières entre les EPCI et les communes. Le sujet est récurrent et chacun de mes interlocuteurs me le rappelle, à mon avis à juste titre. La solution passe par une mise à plat des dépenses de reversement aux communes, qui sont parfois excessives.

Enfin, la quatrième priorité porte sur l'exercice effectif et cohérent par les EPCI des compétences qui leur sont transférées. En effet, on en est souvent au stade des études et de l'investissement bien plus qu'à celui du fonctionnement pour ce qui est des compétences les plus lourdes. Mais je suis persuadé que cela changera, et relativement rapidement.

En la matière, nous faisons confiance, par définition, aux élus, mais aussi aux préfets, auxquels nous avons adressé une instruction à la fin du mois de novembre. Et peut-être sera-t-il utile que je vous la communique, monsieur Goulet, car elle répond, à mon avis, à vos préoccupations.

Cela étant, évitons les faux procès, monsieur Sueur ! Pour être tout à fait précis, je tiens à dire que j'ai été le premier à défendre l'intercommunalité, le 15 juin dernier, lors de mon audition par la commission d'enquête sur l'évolution de la fiscalité locale. Je le répète, je suis très attaché à l'intercommunalité, et c'est pour cette raison que je souhaite passer du quantitatif au qualitatif.

Effectivement, monsieur Sueur, nous devons aller de l'avant. Toutefois, lorsque se posent des problèmes, il n'y a pas cinquante solutions ! Soit on pratique la politique de l'autruche, on se met la tête dans le sable pour ne rien voir, ne rien entendre, ne rien dire, mais alors on ne fait rien ; soit, au contraire, on tient compte des remarques formulées par les parlementaires, par la Cour des comptes, par certains organismes et certaines associations d'élus pour en tirer un certain nombre de leçons et corriger ce qui doit être corrigé. C'est précisément la méthode que j'ai retenue, et qui ne peut, à mon avis, que recueillir l'unanimité.

Par ailleurs, ce n'est sans doute pas le jour d'évoquer la question de la taxe professionnelle, ...

Mme Nicole Bricq. Nous en parlerons samedi !

M. Brice Hortefeux, ministre délégué. ... mais je souhaiterais quand même vous apporter quelques précisions.

Le mécanisme du ticket modérateur est l'un des outils qui permet d'assurer un juste équilibre entre les besoins des entreprises et des collectivités. Il s'agit d'un partage raisonnable de l'effort entre l'État et les collectivités. Ce n'est pas une simple formule : il y va en réalité non seulement de la compétitivité de nos entreprises mais aussi de l'attractivité de nos territoires.

Toutefois, il est vrai que les collectivités dont les bases plafonnées représentent la majeure partie des bases de taxe professionnelle pourraient subir une contrainte particulière.

À cet égard, je reprendrai un exemple que j'ai peut-être déjà cité. Dans mon département, le Puy-de-Dôme, j'ai fait réaliser un certain nombre de simulations pour la commune d'Issoire. Les bases plafonnées des entreprises s'y élèvent à 64 millions d'euros sur 74 millions d'euros de bases totales de TP, soit 86 %.

On le voit bien, il faut corriger ce mécanisme. Cela dit, par honnêteté intellectuelle, il faut prendre en considération l'ensemble du raisonnement et, même plafonnées, n'oublions pas que les bases augmentent en moyenne de 4,5 % par an.

Avec Jean-François Copé, nous veillons à ajuster encore ce mécanisme, afin de préserver les collectivités qui ne pourraient supporter un ticket modérateur trop important au regard de leurs finances, notamment celles qui, dans le passé, ont fait preuve de modération dans leurs taux.

Nous aurons l'occasion d'en débattre samedi prochain avec Jean-François Copé, mais je peux d'ores et déjà répondre à Mme Mathon que cette réforme ne portera pas atteinte à l'autonomie financière des collectivités telle que nous l'avons inscrite dans la Constitution.

Pour ce qui concerne les articles rattachés à la mission « Relations avec les collectivités territoriales », il s'agit de poursuivre l'effort en faveur des collectivités territoriales, malgré la contrainte budgétaire que vous connaissez.

Je rappellerai très brièvement quelques points.

Comme l'a rappelé M. de Montesquiou, dont l'intervention a été particulièrement brève et brillante, les concours de l'État représentent 64,9 milliards d'euros, soit un cinquième du budget de l'État, ce qui est une proportion importante. Au départ, contrairement à ce que certains ont affirmé, la reconduction du contrat de croissance et de solidarité n'était pas acquise. Nous nous sommes battus pour l'obtenir, nous avons pesé de tout notre poids pour que les règles d'indexation de ce contrat soient reconduites en 2006. Je remercie d'ailleurs MM. Mercier et de Montesquiou d'avoir salué cet effort.

Permettez-moi également de remercier ceux qui, au-delà des clivages partisans, ont su reconnaître les efforts du Gouvernement en faveur de la dotation globale de fonctionnement et du contrat de croissance et de solidarité. Cet effort représente, je le répète, plus de 1 milliard d'euros.

Monsieur Collombat, vous avez évoqué la dotation de solidarité rurale, la DSR. J'ai eu la curiosité de regarder l'évolution de la DSR dans votre commune de Figanières : il semble qu'elle ait augmenté de 12,7 %. J'imagine, dans ces conditions, que votre intervention marquait votre satisfaction personnelle...

M. Pierre-Yves Collombat. J'ai dit que la DSR évoluait comme la DSU, ce qui est bien !

M. Christian Cambon. Vous avez de la chance !

M. Pierre-Yves Collombat. Je constate que vous travaillez les détails, monsieur le ministre !

M. Brice Hortefeux, ministre délégué. J'imaginais que cela vous ferait plaisir à cette heure avancée. Je suis heureux de contribuer à votre bonheur ! (Sourires.)

Concernant la rénovation du soutien à l'investissement des collectivités territoriales, je ne reviendrai pas sur la réforme du FCTVA, que vous avez adoptée en première partie et qui recueille d'ailleurs un large consensus, ni sur celle de la DGE des départements, dont nous avons encore renforcé, la semaine dernière, les mesures d'accompagnement.

Nous voulons une croissance équilibrée et solidaire tant pour les zones urbaines que pour les communes rurales.

Ce projet de loi de finances en est la preuve. Ainsi, l'affectation de la régularisation de 2004 que vous avez adoptée en première partie, mesdames, messieurs les sénateurs, permettra d'assurer une croissance de la DSR similaire à celle de la DSU.

M. Pierre-Yves Collombat. C'est ce que j'ai dit !

M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Toutes deux connaîtront donc une progression de 15,8 %.

À cet égard, monsieur Sueur, je dois vous rappeler que l'on n'a jamais fait autant pour la péréquation qu'en 2004 et en 2005. Et c'est d'ailleurs bien nous qui avons inscrit, en 2003, cet objectif dans la Constitution !

Concernant la consolidation de la réforme de la DSU, le Gouvernement s'est engagé, vous le savez, à faire augmenter cette dotation de 120 millions d'euros par an pendant cinq ans. En 2005, elle aura atteint quelque 759 millions d'euros et, en 2006, conformément au plan de cohésion sociale, elle progressera tout de même de 120 millions d'euros.

Il faut ajouter la consolidation de la majoration de 20 millions d'euros de l'enveloppe réservée aux communes de 5 000 habitants à 10 000 habitants qui est intervenue en 2005. En l'absence d'une telle mesure dans le projet de loi de finances pour 2006, ces communes auraient subi une chute extrêmement brutale de leur dotation.

Ensuite, afin de répondre à une attente assez largement exprimée, notamment par Mme Bricq, le Gouvernement propose d'étendre aux communes de plus de 200 000 habitants les deux coefficients multiplicateurs proportionnels à la population en ZUS, en zone urbaine sensible, et en ZFU, en zone franche urbaine.

A titre d'exemple, la DSU de Marseille progressera dès 2006 de plus de 12 %, celle de Toulouse de plus de 7 %, et je pourrais citer la ville de Lille ou bien d'autres villes encore.

J'ajoute, madame Bricq, que cela ne se fera pas au détriment des autres communes, puisque le coût de cette mesure, évalué à 6 millions d'euros, ne représente que 2,5 % de la croissance enregistrée par la DSU sur deux ans. Cette somme peut donc être assez facilement assimilée.

La troisième consolidation proposée est relative à la mise en place d'une deuxième tranche de garantie pour les communes ayant perdu leur éligibilité en 2005. Elles ont bénéficié en 2005 d'une garantie à 100 %. Pour 2006, il leur est proposé de leur attribuer 50 % du montant perçu précédemment.

Les dispositions qui vous sont présentées, mesdames, messieurs les sénateurs, permettront donc de poursuivre l'effort engagé envers les zones urbaines. À cet égard, monsieur Biwer, je ne partage pas votre sentiment : il ne faut pas remettre en cause cet effort.

Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, je ne reviendrai pas sur les mesures qui ont prises à la suite des dégâts causés par les émeutes.

Par ailleurs, vous avez bien voulu voter à une large majorité, mesdames, messieurs les sénateurs, un amendement relatif au FCTVA, déposé par le Gouvernement à la demande du ministère de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.

Si l'actualité peut laisser penser que nous nous tournons de manière urgente vers les cités - ce qui est justifié -, nous n'oublions pas pour autant les collectivités rurales, qui sont soumises à des difficultés pérennes et qui connaissent aujourd'hui une forte croissance démographique, supérieure à la moyenne. À ce sujet, monsieur de Montesquiou, je rejoins vos propos : nous devons accompagner ce redémarrage.

Je rappelle que le projet de loi de finances pour 2006 comporte un certain nombre de mesures visant à soutenir concrètement et efficacement le monde rural.

M. Brice Hortefeux, ministre délégué. En ce qui concerne la péréquation en faveur des collectivités rurales, comme je l'ai dit, la DSR augmentera de plus de 15 %.

Par ailleurs, le mécanisme de garantie de sortie de la dotation particulière « élu local » a été revu, vous le savez, afin qu'aucune collectivité ne soit pénalisée. Par le biais des amendements présentés par MM. Besse, Murat, Jarlier et Charasse, adoptés en première partie, nous avons mis en place un mécanisme visant à concilier garantie de sortie et possibilité de retour, ce qui règle le problème dont nous avons tous eu connaissance dans les zones rurales.

Enfin, une enveloppe de 20 millions d'euros, attribuée pour soutenir les projets innovants en matière de services au public en milieu rural, sera redéployée au sein de l'enveloppe globale de la DDR, la dotation de développement rural, qui s'élève à près de 124 millions d'euros.

S'agissant de la poursuite des transferts de compétence, le projet de loi de finances pour 2006 traduira, sur le plan financier, leur mise en oeuvre.

Ces transferts ont été compensés dans le strict respect des principes posés par la loi du 13 août 2004. La Commission consultative sur l'évaluation des charges, la CCEC, sous la présidence de votre collègue Jean-Pierre Fourcade, en a donné acte au Gouvernement, tout particulièrement lors de ses dernières réunions. Nous en avons longuement débattu en première partie, je n'y reviens donc pas, même si Mme Mathon, contre toute évidence - mais sans surprise -, se refuse à le reconnaître : cette commission s'est exprimée sans ambiguïté aucune.

Au demeurant, vous avez reconnu, madame la sénatrice, que le Gouvernement avait rempli ses obligations légales. Je dirai même qu'il est allé au-delà : en effet, les dix réunions successives de la CCEC se sont tout de même traduites par un effort supplémentaire de 79 millions d'euros, sans compter les 400 millions d'euros que le Gouvernement a accepté de consacrer à la rénovation du matériel roulant dans le cadre de la décentralisation du STIF, le syndicat des transports d'Île-de-France., et je sais M. Karoutchi particulièrement attentif à cette question. Certes, ce matin encore, à Bordeaux, M. Huchon a souhaité que l'effort soit porté à 800 millions, mais ces 400 millions étaient tout de même les bienvenus !

Telles sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les mesures contenues dans la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».

Ce projet de loi de finances comporte de réelles avancées, comme la réforme du FCTVA, il préserve certains acquis, comme le contrat de croissance et de solidarité, et il donne des gages de transparence et de loyauté s'agissant de la compensation intégrale des transferts de compétences. J'espère que la Haute Assemblée y sera sensible car, dans cette période complexe d'un point de vue budgétaire, nous avons très clairement voulu manifester une attention particulière à la péréquation en général, et aux territoires les plus fragiles en particulier.

Le projet de loi de finances pour 2006 est donc incontestablement marqué par un effort de solidarité et d'équilibre de l'État envers toutes les collectivités. La mission du Gouvernement est donc aujourd'hui tenue. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Relations avec les collectivités territoriales - Compte de concours financier : avances aux collectivités territoriales
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2006
Art. 82

M. le président. Nous allons procéder à l'examen des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » figurant à l'état B.