M. Alain Gournac, rapporteur. Le CPE n'ouvre aucun droit spécifique à des exonérations de charges. En revanche, l'entreprise pourra bénéficier des aides consenties pour certains types de CDI, si les conditions requises sont réunies. Elle pourra, par exemple, bénéficier du SEJE, le dispositif de soutien à l'emploi des jeunes en entreprise, si le jeune concerné répond aux conditions d'âge, de formation et, bientôt, de résidence dans une zone urbaine sensible.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Azouz Begag, ministre délégué. Cet amendement est superfétatoire. Aucune exonération de charges n'est directement liée au CPE.

M. Roland Muzeau. Et indirectement ?

M. Azouz Begag, ministre délégué. En effet, le CPE est non pas un contrat aidé, mais un contrat pour lequel est prévu un aménagement des règles du droit du travail pendant la période de consolidation, en contrepartie de droits nouveaux pour le salarié, droits que nous avons à maintes reprises déjà présentés.

Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.

M. le président. Le vote est réservé.

L'amendement n° 444, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin,  Boumediene-Thiery et  Voynet, est ainsi libellé :

Au deuxième alinéa du I de cet article, remplacer le mot :

supérieur

par les mots :

inférieur ou égal

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Au mois d'août dernier, le Premier ministre avait justifié la création du CNE en le limitant aux entreprises de moins de vingt salariés. Aujourd'hui, le CPE prévoit également une période d'essai de deux ans pour les jeunes de moins de vingt-six ans.

Force est de reconnaître que votre démarche est transparente ! Vous attaquez le CDI de tous les côtés, prétextant un jour les difficultés des petites entreprises, le jour suivant les difficultés d'emploi de la jeunesse.

Cet amendement vise donc à réserver le CPE aux petites entreprises - telle est d'ailleurs la logique du Gouvernement s'agissant du CNE -, les grandes entreprises en ayant encore moins besoin que les petites.

Cet amendement charitable vise à donner au moins un semblant de cohérence à la politique du Gouvernement. S'il n'y a pas de créations d'emplois, ce serait, selon vous, parce que les salariés prennent trop d'argent à ces pauvres petites entreprises.

Avec 12 milliards d'euros de bénéfices en 2005, pensez-vous vraiment que Total a besoin du CPE ? Jusqu'où allez-vous céder aux demandes du MEDEF ?

Le CPE, pas plus que le CNE, ne permettra pas de créer d'emplois. Les CNE se substituent à d'autres contrats, à des CDI ou à des CDD. Dans ces conditions, pourquoi ne pas essayer de suivre d'autres logiques ? La société, l'économie souffrent aujourd'hui d'un partage des richesses entre travail et capital qui asphyxie les investissements et la consommation.

On le sait, l'écologie, si elle est populaire, peut créer des emplois. Les énergies renouvelables relèvent par nature d'un fonctionnement plus décentralisé, plus riche en gisements d'emplois de toutes sortes. De même, les transports en commun exigent deux fois plus d'emplois et deux fois moins d'énergie que la voiture pour un même nombre de kilomètres-passager.

De plus, les économies d'énergie, par exemple sur l'eau, permettent d'autofinancer les emplois de demain qui les génèrent, qu'il s'agisse d'économies de flux, de techniciens de maintenance, d'animateurs, de pédagogues, d'architectes... Au lieu de gaspiller des ressources naturelles, on utilise des ressources humaines, ce qui est bon pour l'emploi et pour l'environnement.

Un plan d'isolation des logements permettrait de réaliser des économies d'énergie substantielles et constituerait un investissement permettant que les Français paient moins de ces charges qui étouffent les ménages modestes. Voilà comment rendre l'écologie populaire.

Historiquement, nous sommes porteurs, au nom de la solidarité et de la diminution de l'empreinte écologique, d'une revendication historique, d'un choix de civilisation dont nous sommes fiers : le partage des revenus et du temps de travail.

La durée du travail, pour un emploi normal, a très peu baissé : avec les heures supplémentaires, la durée réelle du travail est aujourd'hui de 38,8 heures en moyenne pour un emploi à plein temps. C'est donc un « partage du travail » assez sauvage qui s'est mis en place, car 3 millions de personnes - les chômeurs - ne travaillent pas du tout, tandis que 19 millions travaillent à temps plein et 4 millions à temps partiel.

Nous avons besoin d'un traité social européen. En effet, l'absence de droit social commun implique mécaniquement un alignement vers le bas si les gouvernants ne sont pas soucieux de la sécurité des salariés. La différence, aujourd'hui, c'est qu'alors que la France avait jusqu'à présent suivi le mouvement de dumping en traînant plus ou moins les pieds elle en est désormais l'initiatrice ! Elle est à la tête du moins-disant social.

Même les Britanniques, après avoir expérimenté une telle période d'essai, ont fait marche arrière, car cela ne fonctionne pas. Mais je vous parle de projet européen, alors que, depuis le 29 mai 2005, votre seul projet pour l'Europe, c'est la baisse du taux de la TVA pour les restaurateurs !

Créer des emplois n'est pas tout, encore faut-il qu'ils soient de qualité. Pour réduire la précarité de l'emploi, il faut négocier, branche par branche, un système de bonus-malus qui incite les entreprises à transformer en emplois stables les emplois précaires. Dans un autre domaine, un tel dispositif de bonus-malus a permis de diviser par deux le nombre d'accidents du travail. Dans le même esprit, pourquoi ne pas encourager les entreprises à « déprécariser » leur organisation ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alain Gournac, rapporteur. Bien évidemment, nous ne partageons pas cette analyse. Si le CNE concerne les entreprises de moins de vingt salariés, le CPE, quant à lui, nous l'avons dit et redit, pourra être proposé dans les entreprises moyennes et grandes, comptant plus de vingt salariés.

La commission est donc défavorable à cet amendement.

M. Roland Muzeau. Quelle surprise !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Azouz Begag, ministre délégué. On dénombre dans notre pays 2,5 millions de petites entreprises, qui constituent un gisement d'emplois essentiel. Elles représentent en effet 30 % de l'emploi salarié, bien que 1,5 million d'entre elles ne comptent aucun salarié. C'est à leur intention que nous avons mis en place le CNE. À ce jour, plus de 300 000 CNE ont été conclus, et une étude récente montre qu'un tiers des embauches correspondantes n'auraient pas eu lieu si ce contrat n'avait pas été mis en oeuvre.

Aujourd'hui, ce sont les jeunes que le Gouvernement veut aider au travers du CPE, parce que ce sont eux qui subissent le plus la précarité.

Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Le vote est réservé.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de Mme Michèle André.)

PRÉSIDENCE DE Mme Michèle André

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi pour l'égalité des chances, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale aux termes de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, après déclaration d'urgence.

Rappels au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. Roland Muzeau, pour un rappel au règlement.

Article 3 bis (priorité)
Dossier législatif : projet de loi pour l'égalité des chances
Rappel au règlement (suite)

M. Roland Muzeau. Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, finalement, nous ne quittons plus cette bible locale qu'est le règlement du Sénat et dont les interprétations sont multiples, comme d'ailleurs les écrits sacrés ! Mon intervention se fonde sur l'article 44, alinéa 6, de notre règlement et sur l'organisation de nos travaux.

Avec mes amis, nous avons longuement cherché un article du règlement autorisant le président de la commission à réserver les explications de vote et le vote pour chaque amendement déposé sur l'article 3 bis, et ce jusqu'à la fin de la discussion de cet article. En vain ! Il n'existe aucune disposition en ce sens dans le règlement du Sénat et M. le président de la commission des affaires sociales n'a d'ailleurs fait référence à aucune disposition précise tout à l'heure.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Si !

M. Roland Muzeau. Tout au plus l'article 44, alinéa 6, du règlement dispose-t-il : « Les demandes de priorité ou de réserve dont l'effet, en cas d'adoption, est de modifier l'ordre de discussion des articles d'un texte ou des amendements. » C'est cette réserve qui est de droit ! Mais la réserve des votes ne figure pas dans notre règlement. Il s'agit d'une interprétation tendancieuse qui n'a qu'un objectif : préparer le vote bloqué du Gouvernement.

Madame la présidente, je vous mets au défi de m'indiquer un article qui organise la réserve du vote en excluant les explications de vote des auteurs de l'amendement et de tout sénateur intéressé, en maintenant - c'est un comble ! - les avis du Gouvernement et de la commission.

Avec cette méthode de discussion, le troisième alinéa de l'article 44 de la Constitution, qui instaure au Sénat le vote bloqué, ressemble comme deux gouttes d'eau au 49-3 !

Mais seul le Gouvernement est habilité à demander un vote bloqué. Si la Constitution n'a pas permis aux présidents de commission de demander le vote bloqué, ce n'est pas au président de la commission des affaires sociales de le faire seul, et sans contrôle, ce lundi 27 février ! Je dis « seul », mais j'imagine qu'il y a été fortement encouragé...

La procédure de discussion de cet article 3 bis est donc non conforme au règlement du Sénat et anticonstitutionnelle. Aussi, madame la présidente, je vous demande de revenir à une méthode conforme à notre règlement.

Pour en terminer, je souhaite que M. Larcher nous dise s'il envisage de demander un vote bloqué à la fin de nos débats. Je crois qu'on a le droit de se parler franchement dans cet hémicycle et de ne pas jouer au plus finaud ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement (début)
Dossier législatif : projet de loi pour l'égalité des chances
Article 3 bis (priorité)

M. Jean-Pierre Godefroy. Madame la présidente, je ne vais pas reprendre les arguments que vient de développer mon collègue Roland Muzeau, puisque les nôtres sont pratiquement identiques.

L'alinéa 6 de l'article 44 dispose: « Les demandes de priorité ou de réserve dont l'effet, en cas d'adoption, est de modifier l'ordre de discussion des articles d'un texte ou des amendements. Lorsqu'elle est demandée par la commission saisie au fond, la priorité ou la réserve est de droit, sauf opposition du Gouvernement. » Mais je m'interroge sur la suite : « Dans ce dernier cas, la demande est soumise au Sénat qui statue sans débat. » C'est bien ce qui s'est passé cet après-midi !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. L'assemblée ne statue que dans le cas où il y a opposition du Gouvernement !

M. Jean-Pierre Godefroy. Je ne comprends pas cette disposition comme vous !

Je relis le texte : « Lorsqu'elle est demandée par la commission saisie au fond, la priorité ou la réserve est de droit,... sauf opposition du Gouvernement. » Au temps, pour moi, je croyais avoir trouvé une solution ! (Et voilà ! sur les travées de l'UMP.) Ne croyez pas que vous allez vous en sortir comme cela ! (Exclamations sur les mêmes travées.)

M. Laurent Béteille. La lecture du règlement est instructive !

M. Jean-Pierre Godefroy. Je suis persuadé que vous le maîtrisez tous parfaitement !

Je m'associe néanmoins à la question posée par mon collègue Roland Muzeau : comment le Gouvernement entend-il organiser le vote quand sera terminée la présentation très longue de ces amendements ?

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est effectivement l'alinéa 6 de l'article 44 qui s'applique, vous avez bien lu, et vous avez parfaitement compris que la demande de priorité ou de réserve était de nature à bouleverser l'ordre de discussion des articles et des amendements, voire d'entraîner l'absence d'examen de certains amendements. La preuve en est que vous êtes tout émus et marris, car vous vous dites que c'est la porte ouverte à une autre décision.

Vous m'avez donc fourni la réponse : l'article 44-6 s'applique et il est en effet de nature à bouleverser l'ordre de discussion si le Gouvernement souhaitait prendre d'autres décisions - hypothèse que vous avez évoquée les uns et les autres -, car sans la demande de réserve, nous aurions dû voter amendement après amendement.

Il appartiendra à la présidence de nous confirmer la jurisprudence de notre assemblée en la matière, mais je ne vois pas en quoi vous pourriez trouver à redire sur cette disposition.

Quant aux intentions du Gouvernement, le ministre est mieux à même que moi de vous éclairer, car, dans ce domaine, je n'ai aucune demande particulière.

Enfin, je confirme à Jean-Pierre Godefroy que c'est uniquement en cas d'opposition du Gouvernement que l'assemblée est appelée à se prononcer.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Mesdames, messieurs les sénateurs, le troisième alinéa de l'article 44 de la Constitution rend effectivement possible le vote bloqué, mais le premier alinéa précise aussi que les membres du Parlement et le Gouvernement ont le droit d'amendement, droit qui est essentiel !

À cet instant, le Gouvernement n'a rien décidé ; il est à la disposition du Parlement, je pense l'avoir démontré tout à l'heure. Le Gouvernement répondra sur chaque d'amendement. Je souhaite que chacun puisse présenter ses propositions, que le débat avance et qu'il porte sur le fond.

M. Roland Muzeau. Et les explications de vote ?

M. Jean-Pierre Bel. Il n'a pas répondu !

Mme la présidente. Cette façon de procéder a déjà été utilisée, peu souvent, mais il y a des précédents. Effectivement, les explications de vote auront lieu à la fin, c'est-à-dire après la présentation des amendements.

Mme Hélène Luc. Si le vote bloqué n'est pas décidé !

M. Jean-Pierre Bel. Tout à fait !

Mme la présidente. Pour l'instant, je n'ai pas été saisie d'une demande de cette nature ! En conséquence, nous allons pouvoir reprendre la présentation des amendements, sur lesquels je recueillerai les avis de la commission et du Gouvernement. Ce n'est que lorsque nous en aurons terminé que nous passerons aux explications de vote et aux votes.

M. Claude Domeizel. Sauf en cas de vote unique !

M. Guy Fischer. Nos débats vont être lisibles !

Rappel au règlement (suite)
Dossier législatif : projet de loi pour l'égalité des chances
Rappel au règlement (début)

Article 3 bis (suite)

Mme la présidente. Nous poursuivons l'examen des amendements déposés sur l'article 3 bis.

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 149 rectifié est présenté par Mme Le Texier, M. Godefroy, Mmes Printz, Demontès, Alquier, San Vicente et Schillinger, MM. Cazeau, Madec, Bel, Assouline et Bodin, Mme Cerisier-ben Guiga, M. C. Gautier, Mme Khiari, MM. Lagauche, Mélenchon, Peyronnet, Repentin, Ries, Sueur et Frimat, Mme Tasca, M. Vidal et les membres du groupe Socialiste et apparentés.

L'amendement n° 443 est présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Dans le dernier alinéa du I de cet article, après les mots :

les emplois mentionnés

insérer les mots :

au 1° et

La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour présenter l'amendement n° 149 rectifié.

M. Jean-Pierre Godefroy. Tout d'abord, je rappellerai que, sur cette série de soixante-dix amendements, tous ont reçu un avis négatif en commission. C'est vous dire si la discussion va être passionnante ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.) Je suppose que le Gouvernement n'aura pas, sauf exception, une opinion différente. Après la présentation de chaque amendement, nous aurons donc un avis négatif de la commission, suivi d'un avis négatif du Gouvernement !

M. Jacques Blanc. Retirez-les !

M. Jean-Pierre Bel. Laissez-le parler ! S'il ne peut même plus s'exprimer !

M. Jean-Pierre Godefroy. Contrairement au débat quelque peu musclé de vendredi soir, ce type de discussion aura un gros inconvénient : alors que vendredi nous pouvions encore avoir un échange sur chaque amendement, ...

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Vous étiez pourtant contre la technique employée !

M. Jean-Pierre Godefroy. ... ce soir, il y aura non plus un dialogue, mais un monologue ! Lorsque nous parviendrons aux explications de vote, trois ou quatre heures après la présentation de l'amendement, la qualité de nos échanges en pâtira ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

Plusieurs sénateurs socialistes. C'est ce qu'ils veulent !

M. Jean-Pierre Godefroy. Effectivement, vous souhaitez diluer le débat et faire en sorte qu'il devienne incompréhensible !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mais non !

M. Jean-Pierre Godefroy. Il est quand même dommage de faire une telle constatation !

Même s'il est écrit que, le Sénat, c'est le temps de la réflexion, je trouve que ce n'est vraiment pas le cas aujourd'hui ! Il faut quand même le dire, l'opposition est maltraitée ! (Vives protestations sur les travées de l'UMP.- Marques d'approbation sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Ce matin, lorsque nous avons examiné les amendements en commission des affaires sociales, il nous aurait été possible de faire de l'obstruction. Mais nous pensions que nous devions avoir un débat serein. Notre comportement n'est pas payé de retour ! Cela explique le refus du groupe socialiste de siéger tout à l'heure en commission. Nous avons en effet voulu protester contre de telles conditions de travail !

M. David Assouline. Cela se dégrade, c'est la fin du Sénat !

M. Jean-Pierre Godefroy. J'en viens à l'amendement.

Le troisième alinéa de l'article 3 bis fait référence à l'article L. 122-1-1 du code du travail, qui donne la liste des cas de recours possible au CDD. Je vous demande de bien les écouter, afin de vous en souvenir demain !

« Remplacement d'un salarié en cas d'absence, de passage provisoire à temps partiel, conclu par avenant à son contrat de travail ou par échange écrit entre ce salarié et son employeur, de suspension de son contrat de travail, de départ définitif précédant la suppression de son poste de travail ayant fait l'objet d'une saisine du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, s'il en existe, ou en cas d'attente de l'entrée en service effective du salarié recruté par contrat à durée indéterminée appelé à le remplacer. »

Vous proposez donc que le CPE ne puisse être utilisé en cas de travail saisonnier. Il n'y a rien là de bien nouveau, puisque le travail saisonnier est régi par ses propres textes, avec, il faut le souligner, la possibilité de recourir au même salarié saisonnier plusieurs années de suite.

On en arrive ainsi au paradoxe suivant : le travail saisonnier peut fournir à un salarié qui fait régulièrement les saisons d'été et d'hiver avec le même employeur, que ce soit dans la branche du tourisme ou dans le secteur agricole, davantage de sécurité dans l'emploi que n'en aura un salarié en CPE ou en CNE !

En revanche, ce qui est inquiétant, c'est que vous ne mentionniez pas dans votre texte l'impossibilité de recourir au CPE pour remplacer un salarié absent. Un tel recours sera donc possible. Cela pose un problème de cohérence par rapport à ce que vous déclarez par ailleurs, à savoir que le CPE doit déboucher sur un CDD. Fort bien ! Mais alors comment un CPE signé pour remplacer un salarié absent peut-il devenir un CDI lorsque le salarié momentanément absent, lui-même en CDI, revient sur son poste ? J'espère que nous aurons l'explication maintenant, plutôt que d'avoir à attendre demain !

Mme la présidente. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour défendre l'amendement n° 443.

Mme Alima Boumediene-Thiery. De la même façon que sont limités les recours au CDD, il convient de limiter le recours au contrat aussi précaire que le CPE, afin que ce dernier ne se substitue pas, par effet d'aubaine, à des emplois durables.

Outre l'interdiction de recourir au CPE pour des emplois saisonniers, cet amendement de repli permettrait d'interdire l'utilisation du CPE en cas de maladie.

Pour faire face à divers aléas, les employeurs ont largement recours au CDD. Beaucoup vont même tenter de remplacer le CDI par le CPE, ou encore par le CNE, plus souple dans sa durée, qui est indéfinie, et moins coûteux lors de la rupture.

Le Gouvernement nous explique que le CPE est le moyen de vaincre la réticence des employeurs à embaucher parce qu'ils peuvent alors licencier plus facilement et sans motif. Il semble donc probable que l'employeur ne transformera pas le CPE en CDI, quitte d'ailleurs à procéder plus tard à une nouvelle embauche en CPE. En fait, en guise de stabilité, c'est l'accroissement d'une précarité qui est, cette fois, légalisée !

M. Roland Muzeau. Très bien !

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alain Gournac, rapporteur. S'agissant du remplacement d'un salarié absent, notre approche est différente.

L'idée sous-jacente est que la personne qui aura effectué le remplacement d'une personne absente aura certainement, au retour de cette dernière, des chances de continuer à travailler dans l'entreprise et d'y être embauchée (M. Pierre-Yves Collombat rit.), ce qui est une bonne chose.

La commission émet donc un avis défavorable sur les deux amendements identiques.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Le contrat première embauche est conclu sans détermination de durée ; il ne saurait donc être assimilé à un CDD, qui a, lui, éventuellement vocation à pourvoir à un remplacement.

À nos yeux, il n'y a aucune raison de déterminer les cas dans lesquels un recours pourrait être engagé puisque l'objectif de ce contrat est, d'une part, de contribuer à la création d'un emploi durable et, d'autre part, d'offrir, dans le cadre de la phase de consolidation que nous avons évoquée cet après-midi, un emploi lié à l'activité normale de l'entreprise.

Par ailleurs, il convenait d'exclure expressément du contrat première embauche le travail saisonnier, qui est un tout autre sujet.

Une réflexion est d'ailleurs actuellement conduite sur ce sujet avec les partenaires sociaux pour voir dans quelle mesure on pourrait consolider le travail saisonnier, afin de permettre à ceux qui exercent une telle activité, souvent dans deux régions ou sur deux sites différents - je pense notamment aux secteurs du tourisme ou de l'agriculture -, d'avoir un véritable contrat pendant plusieurs périodes de l'année. Nous cherchons à apporter une plus grande stabilité ...

M. David Assouline. Très bien !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. ... et à donner plus de perspectives à ceux qui ont aujourd'hui des contrats saisonniers.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.

M. David Assouline. C'est difficilement compatible avec les lois Sarkozy sur l'immigration !

Mme la présidente. Le vote est réservé.

L'amendement n° 441, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin,  Boumediene-Thiery et  Voynet, est ainsi libellé :

Dans le dernier alinéa du I de cet article, remplacer les mots :

au 3° de

par le mot :

à

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Si j'ai bien compris, le Gouvernement a prévu que le CPE pouvait remplacer tous les emplois qu'il est possible d'occuper en CDD, sauf les emplois saisonniers. Il est donc possible de recourir au CPE pour remplacer un salarié absent, pour faire provisoirement passer un salarié à temps partiel ou pour faire face, par exemple, à un accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise.

On ne peut pas remplacer un salarié absent pour maladie par un CPE, parce que la date de retour de ce salarié est prévue. Et si un salarié passe à temps partiel, il faut tout simplement embaucher pour les heures restantes. Certes, ce ne sera que du temps partiel, mais cela ne justifie pas, me semble-t-il, un CPE.

Mon amendement vise donc à préciser que les emplois se prêtant à l'embauche en CDD ne sont pas ouverts aux CPE, à moins de supprimer directement le CDD dans le code du travail et de le remplacer par le CPE. J'ai d'ailleurs l'impression que c'est ce que vous êtes en train de faire en réalité !

Vous prétendez que le CPE est un CDI, alors prouvez-le ! Si vous souhaitez vraiment que ce soit le cas, interdisez qu'il puisse s'appliquer aux cas réservés aux CDD, lesquels sont clairement provisoires, tel un remplacement ou un accroissement temporaire d'activité ! Un CDI pour le remplacement d'un malade ! On croit rêver !

Non seulement le CPE est une attaque en règle contre le CDI mais, comme on le voit ici, c'est en plus une attaque contre le CDD. Et on comprend le point de vue du MEDEF, car, bien qu'il s'agisse déjà d'un contrat assez précaire, le CDD comporte tout de même une durée minimale et une prime de précarité de 10 % des salaires cumulés. Or vous ne prévoyez rien de tout cela avec votre CPE, monsieur le ministre ! Quand Dominique de Villepin prétend que le CPE est la réforme la plus sociale que les jeunes aient jamais obtenue, c'est un mensonge et rien d'autre !

D'ailleurs, s'il s'agit vraiment d'une avancée sociale, on se demande pourquoi le Gouvernement cherche à éviter toute discussion et pourquoi les jeunes rejettent, tant dans les sondages que dans la rue, le CPE !

En guise de rêve, vous nous offrez un cauchemar !

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alain Gournac, rapporteur. Comme l'article 3 bis le prévoit, le CPE doit permettre de pourvoir à un remplacement, sauf pour les emplois saisonniers qui, par nature, ne peuvent déboucher sur un CDI.

Je suis la même logique que celle que j'ai défendue jusqu'à présent. La commission émet donc un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Le CPE permet de donner une chance au salarié d'aller vers un CDI. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jacques Mahéas. Je croyais que c'était un CDI !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Si le salarié était embauché en CDD, le contrat serait de fait rompu à son terme. Or, je le rappelle, le CPE est un contrat qui ne prévoit aucune détermination de durée.

En cas d'augmentation de l'activité de l'entreprise, il nous semble important de donner une chance tant au salarié qu'à l'entreprise.

Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement ne peut pas être favorable à cet amendement.

Mme la présidente. Le vote est réservé.

L'amendement n° 150 rectifié, présenté par Mme Le Texier, M. Godefroy, Mmes Printz,  Demontès,  Alquier,  San Vicente et  Schillinger, MM. Cazeau,  Madec,  Bel,  Assouline et  Bodin, Mme Cerisier-ben Guiga, M. C. Gautier, Mme Khiari, MM. Lagauche,  Mélenchon,  Peyronnet,  Repentin,  Ries,  Sueur et  Frimat, Mme Tasca, M. Vidal et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Dans le dernier alinéa du I de cet article, après les mots :

mentionnés au

insérer les mots :

2°  et au

La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.

M. Jean-Pierre Godefroy. Le problème est parallèle à celui qui vient d'être évoqué à l'amendement précédent : le CPE est une machine de guerre contre le CDD.

Dans le cadre d'un CDD, les conditions exigées pour licencier avant le terme du contrat sont draconiennes ; il ne peut s'agir que d'une faute grave. Si le salarié fait un recours devant le conseil des prud'hommes et qu'il obtient la requalification de son contrat en CDI, l'employeur doit lui verser la totalité des salaires qu'il aurait dû lui verser jusqu'au terme du contrat.

Or chacun sait d'expérience - et la jurisprudence le montre aussi largement - que les employeurs préfèrent un licenciement pour faute grave ou faute lourde qui les dispense du versement d'indemnités. Mais à la suite de licenciements abusifs, les conseils des prud'hommes ont tendance à requalifier le CDD en CDI, ce qui finit par être coûteux aux entreprises, d'où l'irruption, dans notre droit du travail, du CNE, et aujourd'hui du CPE.

Ainsi, dès le départ, les jeunes seront habitués à être licenciés sans procédure ni motif. Cette simplification incontestable du droit en faveur des employeurs est tout à leur profit si les salariés licenciés ne font pas de recours. Le problème, c'est que ces derniers en feront ; les facilités que vous croyez alors donner aux patrons, monsieur le ministre, vont se retourner contre eux. Ils apprécieront et vous en reparleront ! L'incertitude juridique que vous avez cru combattre au moyen de ce dispositif va, en réalité, se trouver renforcée.

La question n'est pas de savoir si le CDD est un bon ou un mauvais contrat. Par une pirouette, le Gouvernement essaie de s'en sortir, en expliquant que le CPE apporte une réponse à la précarité, laquelle se caractérise - nous l'avons suffisamment dénoncé - par l'enchaînement des CDD et des missions d'intérim. La question est au contraire de savoir comment y répondre.

Si l'on nous dit qu'à une forme de précarité il faut répondre par une autre forme de précarité, nous ne pouvons pas être d'accord !

Comment pouvez-vous affirmer autrement que par des affirmations générales que le fait de proposer aux jeunes un CPE, dit à durée indéterminée, mais précédé d'une période d'essai de deux ans, au cours de laquelle ceux-ci pourront être licenciés sans aucune garantie pendant le premier mois, puis avec un délai de quinze jours ou d'un mois, serait préférable à un CDD ? Démontrez-nous que cette période d'essai de deux ans sera plus favorable aux jeunes que l'enchaînement de CDD !

Vous noircissez à dessein la situation, monsieur le ministre, en prétendant que, si la gauche ne veut pas du CPE, c'est parce que la précarité n'est pas si grande et que la situation n'est pas si dramatique. C'est un argument de sophiste !

La réalité, selon les chiffres de l'INSEE, c'est que 58 % des jeunes entrés dans la vie active sont en CDI pendant quatre trimestres successifs. Certes, c'est beaucoup moins que les salariés plus âgés, pour lesquels on atteint un pourcentage de plus de 75 %, mais cela concerne tout de même plus de la moitié des jeunes ! Faut-il les condamner au CPE ? Pourquoi ne mettez-vous pas en place, monsieur le ministre, une mesure ciblée pour les jeunes qui sont dans ces parcours précaires ? Pourquoi ne privilégiez-vous pas l'accompagnement de ces jeunes vers des emplois plus stables ? Pourquoi ne prévoyez-vous pas des actions visant à favoriser la formation de ces jeunes puisque, comme vous le dites vous-même, le déficit de formation est la cause première du chômage et des difficultés d'insertion ?

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alain Gournac, rapporteur. La commission est opposée à tout ce qui limite le champ d'application du CPE. Celui-ci doit pouvoir être utilisé pour faire face à un accroissement d'activité quand il existe des perspectives d'embauche permanente.

La commission émet donc un avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Monsieur le sénateur, vous trouvez ce soir un certain nombre de vertus au CDD ! (M. Jean-Pierre Godefroy fait un signe de dénégation.) À cet égard, je voudrais faire rapidement une comparaison entre le CDD et le CPE-CDI.

Je reviendrai tout à l'heure sur la comparaison entre le « projet sécurité formation » et le contrat de professionnalisation, parce que je crois qu'il est important de confronter les chiffres, colonne après colonne.

M. Jean-Pierre Bel. Je ne pourrai pas vous répondre, monsieur le ministre !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Nous trouverons un moment, monsieur Bel !

M. Jacques Mahéas. Nous sommes interdits de parole !

M. David Assouline. Vous avez tué le débat !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. La différence avec le CDD, c'est que le CPE-CDI n'a pas de terme.

Par ailleurs, l'indemnité de rupture est identique dans le cadre d'un CDD et d'un CPE. Je rappelle que les conditions spécifiques liées aux charges sont identiques.

Avec le CPE-CDI, un accompagnement est prévu en cas de cessation du contrat. Le salarié qui se rend à l'Agence nationale pour l'emploi pourra se voir proposer une convention de reclassement personnalisé.

M. Jacques Mahéas. C'est formidable !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Aujourd'hui, près de 40 000 personnes font l'objet d'un accompagnement personnalisé.

M. Jacques Mahéas. Et pas les autres ?

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Par ailleurs, le droit individuel à la formation est ouvert dès la fin du premier mois alors que, dans toute autre forme de contrat, il est ouvert après une année.

Enfin, le salarié bénéficiera de l'allocation forfaitaire de cessation de contrat. Dois-je rappeler que 50 % des CDD sont signés pour une durée inférieure à un mois et que 70 % d'entre eux n'ouvrent pas de droits au régime d'assurance chômage si le salarié ne compte pas six mois d'activité ?

Par conséquent, le CPE-CDI l'emporte sur le CDD, sans même retenir l'absence de terme pour le CPE-CDI.

Je tenais à faire cette comparaison parce qu'il est essentiel de revenir sur le fait que le salarié sous CPE bénéficie d'un accompagnement social. Comme Mme Procaccia l'a évoqué lors de la discussion générale, il est important que les assurances et les organismes bancaires considèrent le CPE-CDI comme un CDI. En outre, s'y ajoute la garantie « Locapass », sur laquelle j'ai déjà eu l'occasion de m'exprimer.

M. Jacques Mahéas. C'est de la supercherie !