sommaire

présidende de M. Adrien Gouteyron

1. Procès-verbal

2. Organisme extraparlementaire

3. Modification de l'ordre du jour

4. Rappel au règlement

Mme Annie David, M. le président.

5. Immigration et intégration. - Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Article 1er (précédemment réservé)

Mmes Monique Cerisier-ben Guiga, Bariza Khiari.

Amendements identiques nos 144 de M. Bernard Frimat et 275 de Mme Eliane Assassi ; amendements nos 508 rectifié bis de M. Hugues Portelli, repris par la commission, 2 de la commission, 277 et 276 de Mme Eliane Assassi. - M. Bernard Frimat, Mme Éliane Assassi, M. François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois ; Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire ; Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Rejet des amendements nos 144, 275, 277 et 276 ; adoption des amendements nos 508 rectifié bis et 2.

Adoption de l'article modifié.

M. le ministre délégué.

Article 13

Amendements nos 165 de M. Bernard Frimat, 28 de la commission, 309 et 310 de Mme Eliane Assassi. - MM. Charles Gautier, le rapporteur, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. le ministre délégué, Mmes Bariza Khiari, Lucette Michaux-Chevry. - Rejet des amendements nos 165, 309 et 310 ; adoption de l'amendement no 28.

Adoption de l'article modifié.

Article 13 bis

Mme Alima Boumediene-Thiery, M. Bernard Frimat.

Amendements nos 311 de Mme Eliane Assassi et 166 de M. Bernard Frimat. - Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat, Monique Cerisier-ben Guiga, MM. le rapporteur, le ministre délégué, Jean-Pierre Fourcade, Éric Doligé, Bernard Frimat, Mme Lucette Michaux-Chevry. - Rejet des deux amendements.

Adoption de l'article.

Article additionnel après l'article 13 bis

Amendement no 167 rectifié de M. Claude Domeizel. - MM. Claude Domeizel, le rapporteur, le ministre délégué, Mmes Monique Cerisier-ben Guiga, Bariza Khiari. - Rejet.

Article 14

Amendement no 168 de M. Bernard Frimat. - MM. Bernard Frimat, le rapporteur, le ministre délégué, Mme Bariza Khiari, M. Éric Doligé. - Rejet.

Adoption de l'article.

Articles 15 et 15 bis. - Adoption

Article 15 ter

Amendement no 29 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Adoption de l'amendement rédigeant l'article.

Article additionnel après l'article 15 ter

Amendement no 140 rectifié de M. Philippe Goujon. - MM. Philippe Goujon, le rapporteur, le ministre délégué. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Articles 16 à 22 et articles additionnels après l'article 22 (réservés)

Articles additionnels avant l'article 23 ou avant l'article 60 ter

Amendements nos 136 rectifié, 137 rectifié de M. Alain Milon et 440 de Mme Éliane Assassi. - MM. Alain Milon, Robert Bret, le rapporteur, le ministre délégué, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois ; Mme Bernadette Dupont. - Retrait de l'amendement no 136 rectifié ; rejet, par scrutin public, de l'amendement no 440 ; rejet de l'amendement no 137 rectifié.

Adoption de l'article.

Article 23

Mme Monique Cerisier-ben Guiga.

Amendement no 347 rectifié de Mme Eliane Assassi. - MM. Robert Bret, le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet.

Adoption de l'article.

Article 24

Mme Alima Boumediene-Thiery, M. Richard Yung, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Jean-Pierre Sueur, Patrice Gélard, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Amendements identiques nos 169 de M. Bernard Frimat et 348 de Mme Eliane Assassi. - M. Pierre-Yves Collombat, Mme Éliane Assassi, MM. le rapporteur, le ministre délégué, Jean-Pierre Sueur.

Suspension et reprise de la séance

présidence de M. Guy Fischer

Demande de priorité

Demande de priorité des articles 67 à 79. - MM. le ministre délégué, le président de la commission. - La priorité est ordonnée.

Article 24 (suite)

Amendements identiques (suite) nos 169 de M. Bernard Frimat et 348 de Mme Eliane Assassi. - Mmes Bariza Khiari, Monique Cerisier-ben Guiga, Alima Boumediene-Thiery. - Rejet, par scrutin public, des deux amendements.

Amendements nos 349 de Mme Eliane Assassi, 37 rectifié bis de la commission ; amendements identiques nos 171 rectifié de M. Bernard Frimat et 491 de Mme Alima Boumediene-Thiery ; amendements nos 350 de Mme Eliane Assassi, 170 de M. Bernard Frimat, 492 de Mme Alima Boumediene-Thiery ; amendements identiques nos 172 de M. Bernard Frimat et 351 de Mme Eliane Assassi ; amendements identiques nos 352 de Mme Eliane Assassi et 493 de Mme Alima Boumediene-Thiery ; amendements identiques nos 353 de Mme Eliane Assassi et 494 de Mme Alima Boumediene-Thiery ; amendements nos 173 de M. Bernard Frimat et 354 de Mme Eliane Assassi. - Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. le rapporteur, Louis Mermaz, Mmes Alima Boumediene-Thiery, Monique Cerisier-ben Guiga, Éliane Assassi, Annie David, MM. le ministre délégué, Éric Doligé. - Rejet de l'amendement no 349 et, par scrutin public, de l'amendement no 354 ; adoption de l'amendement no 37 rectifié bis, les autres amendements devenant sans objet.

Amendements identiques nos 355 de Mme Eliane Assassi et 478 rectifié de M. Yves Pozzo di Borgo ; amendements nos 495 de Mme Alima Boumediene-Thiery, 38 rectifié de la commission et 115 rectifié de M. Yves Pozzo di Borgo. - Mme Annie David, M. Yves Pozzo di Borgo, Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. le rapporteur, le ministre délégué, Richard Yung, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, M. Hugues Portelli, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. Bernard Frimat, Pierre-Yves Collombat, Jean-Guy Branger. - Rejet, par scrutin public, des amendements nos 355 et 478 rectifié ; rejet de l'amendement no 495 ; adoption de l'amendement no 38 rectifié.

Amendements identiques nos 174 de M. Bernard Frimat et 356 de Mme Eliane Assassi. - Mmes Monique Cerisier-ben Guiga, Éliane Assassi, MM. le rapporteur, le ministre délégué, Richard Yung. - Rejet des deux amendements.

Amendement no 357 de Mme Eliane Assassi. - Mme Éliane Assassi, MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet.

Amendements identiques nos 175 de M. Bernard Frimat et 358 de Mme Eliane Assassi. - M. Richard Yung, Mme Annie David, MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet des deux amendements.

Amendement no 359 de Mme Eliane Assassi. - Mme Éliane Assassi. - Retrait.

Amendement no 360 de Mme Eliane Assassi. - Mme Éliane Assassi, MM. le rapporteur, le ministre délégué. - Rejet.

Amendements identiques nos 361 de Mme Eliane Assassi et 496 de Mme Alima Boumediene-Thiery ; amendements nos 362 à 365 de Mme Eliane Assassi et 497 de Mme Alima Boumediene-Thiery. - Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat, Alima Boumediene-Thiery, MM. le rapporteur, le ministre délégué, Mme Monique Cerisier-ben Guiga. - Rejet des sept amendements.

Amendements nos 366 à 368 de Mme Eliane Assassi. - Mme Éliane Assassi. - Retrait des trois amendements.

Adoption de l'article modifié.

Renvoi de la suite de la discussion.

6. Dépôt d'une proposition de loi

7. Transmission d'une proposition de loi

8. Texte soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution

9. Renvoi pour avis

10. Dépôt de rapports

11. Dépôt de rapports d'information

12. Ordre du jour

compte rendu intégral

PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à seize heures.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE

M. le président. J'informe le Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation du sénateur appelé à siéger au sein du Conseil national de l'habitat en tant que suppléant.

Conformément à l'article 9 du règlement, j'invite la commission des affaires économiques à présenter une candidature.

La nomination au sein de cet organisme extraparlementaire aura lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l'article 9 du règlement.

3

modification de l'ordre du jour

M. le président. J'informe le Sénat que la question n° 1076 de M. Francis Grignon, inscrite le mardi 20 juin 2006, est, à la demande de son auteur, retirée de l'ordre du jour de cette séance et remplacée par sa question n° 1084.

Il n'y a pas d'opposition ? ...

Il en est ainsi décidé.

4

RAPPEL AU RÈGLEMENT

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour un rappel au règlement.

Mme Annie David. Ce rappel au règlement se fonde sur l'article 36 du règlement du Sénat.

Au nom du groupe communiste républicain et citoyen, je tiens à vous faire part, monsieur le ministre, de notre fort mécontentement, de notre colère, et même de notre indignation, à la suite des annonces issues de vos lettres de cadrage budgétaire, notamment celle qui concerne la suppression de 15 000 postes de fonctionnaires. Alors que nos services publics sont dans la tourmente et que vous prétendez soutenir les services publics de proximité, vous persistez à mettre ceux-ci à mal.

De tous les services publics, celui de l'éducation nationale est le plus touché, et ce au moment même où vous prétendez vous soucier de la protection de l'enfance. Quelle contradiction ! Vous dites vouloir faire de la réussite scolaire de tous nos jeunes une priorité nationale, en accueillant dignement dans nos écoles nos jeunes élèves handicapés. Mais avec quels moyens humains ?

C'est une véritable provocation envers non seulement les personnels, mais aussi les élèves et leurs familles. Vous faites fi du ras-le-bol de nos jeunes, exprimé à plusieurs reprises, notamment en novembre dernier et, plus récemment, lors de la mobilisation anti-CPE.

Selon le Gouvernement, cette mesure entraînera 500 à 600 millions d'euros d'économie. En réalité, elle hypothèque l'avenir même de notre pays, alors même que de nombreux jeunes sont d'ores et déjà exclus de l'accès aux savoirs enseignés à l'école. De plus, 60 000 de ces jeunes quittent, chaque année, le système éducatif sans qualification. Cette situation a d'ailleurs des conséquences graves sur le niveau général de formation de la nation, pourtant déterminant pour l'avenir de notre pays comme pour les conditions d'accès et de réussite dans l'enseignement supérieur.

À chaque rapport budgétaire, on s'interroge sur les raisons de cet échec dans l'enseignement supérieur. Avec cette mesure, vous y contribuerez un peu plus, au lieu d'y apporter une réponse.

Aujourd'hui plus que jamais, les jeunes ont besoin d'une école qui soit un lieu d'excellence de la transmission de la connaissance et de la culture, donnant l'envie de savoir ainsi que le plaisir d'apprendre ensemble, et les préparant à se comporter en personnes responsables, c'est-à-dire en citoyennes et en citoyens de demain. C'est le chemin inverse que choisit votre gouvernement, monsieur le ministre, tournant ainsi le dos à la réussite scolaire de nos jeunes.

C'est la raison pour laquelle nous condamnons cette décision incohérente, qui est en contradiction totale avec la nécessité d'assurer la réussite scolaire de nos jeunes. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, madame David.

5

Article 12 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration
Article 1er (précédemment réservé)

Immigration et intégration

Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à l'immigration et à l'intégration (nos 362, 371).

Dans la discussion des articles, nous en revenons à l'article 1er, qui a été précédemment réservé.

TITRE IER

DISPOSITIONS GÉNÉRALES ET DISPOSITIONS RELATIVES À L'ENTRÉE ET AU SÉJOUR DES ÉTUDIANTS, DES ÉTRANGERS AYANT UNE ACTIVITÉ PROFESSIONNELLE ET DES RESSORTISSANTS DE L'UNION EUROPÉENNE

CHAPITRE IER

Dispositions générales relatives à l'entrée et au séjour des étrangers en France

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration
Article 13

Article 1er (précédemment réservé)

I. - Dans le chapitre Ier du titre Ier du livre III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sont créées une section 1 intitulée : « Dispositions relatives aux documents de séjour » et une section 2 intitulée : « Dispositions relatives à l'intégration dans la société française ».

II. - L'article L. 311-2 du même code est ainsi modifié :

1° Dans le 1°, les mots : « au chapitre III » sont remplacés par les mots : « aux chapitres III et VI » ;

2° Il est ajouté un 3° ainsi rédigé :

« 3° Soit une carte de séjour «compétences et talents», dont les conditions de délivrance et de renouvellement sont prévues au chapitre V du présent titre. La carte de séjour «compétences et talents» est valable pour une durée de trois ans. L'étranger qui séjourne sous couvert d'une carte de séjour «compétences et talents» peut solliciter la délivrance d'une carte de résident dans les conditions prévues aux articles L. 314-8 à L. 314-12. »

M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, sur l'article.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. La carte de séjour « compétences et talents », dont nous avons longuement débattu la semaine dernière, nous paraît être un faux-semblant. Ce n'est pas avec ce genre de mesure que vous pourrez faire, comme vous le prétendez, du co-développement.

Toutes ces dispositions paternalistes et ces conseils émanant de donneurs de leçons sont très mal perçus par les pays du sud. En effet, les immigrés originaires de pays en difficulté savent tout de même ce qu'ils ont à faire. Ils sont aussi patriotes que nous, Français, et lorsqu'ils prennent la décision d'émigrer, ils ne le font pas de gaîté de coeur. Par ailleurs, ils savent rendre à leur pays d'origine ce qu'ils lui doivent et le faire profiter de ce qu'ils ont appris à l'étranger.

En quelle année sommes-nous pour entendre tous ces conseils, voire ces admonestations, tendant à les inciter à rentrer chez eux et à participer à un projet de développement dans leur pays ? Sommes-nous encore en pleine période coloniale pour nous permettre de donner des leçons à toutes ces personnes issues de nos anciennes colonies ? (Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. Éric Doligé. Quelle caricature !

M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari.

Mme Bariza Khiari. Monsieur le ministre, l'exposé des motifs de votre projet de loi indique que l'article 1er est « un article technique, aménageant la structure du CESEDA ». Cet article tend à créer deux sections au sein du chapitre Ier du titre Ier du livre III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'une étant relative aux titres de séjour et l'autre aux conditions d'intégration dans la société française.

Certes, cet article se présente comme un simple aménagement technique, mais il est beaucoup plus à mon sens : il est le symbole de votre conception de l'immigration et, plus largement, de votre conception utilitariste de l'homme.

Vous avez choisi de durcir considérablement les critères d'obtention des titres de séjour en les subordonnant à l'obtention d'un visa long séjour. Pourtant, vous savez que nos consulats sont déjà submergés et qu'ils ne seront pas en mesure de délivrer ces visas. Comme votre gouvernement le fait depuis quatre ans avec les salariés, vous avez aussi décidé de précariser systématiquement les étrangers, en mettant fin aux délivrances de plein droit de titres de séjour et en prévoyant la possibilité pour l'administration de retirer un titre de séjour si les critères ne sont plus remplis.

Il est inacceptable que vous mettiez ainsi les étrangers à l'index. Mais il est également insupportable que vous opériez une discrimination entre les immigrés : seuls les étrangers venus pour travailler vous intéressent et, parmi eux, vous désignez une catégorie de privilégiés, ceux qui pourront obtenir la carte de séjour « compétences et talents ».

Cette mesure est significative de ce qu'est l'homme pour vous et votre majorité, c'est-à-dire une ressource économique comme une autre. Elle est aussi le symbole de vos choix : vous préférez piller les compétences et les talents des pays pauvres, plutôt que développer ceux des Français et des étrangers qui se trouvent sur notre territoire.

Votre traitement de la question de l'immigration ne me semble pas digne. D'un côté, vous continuez à stigmatiser l'étranger et à en faire le bouc émissaire des problèmes de notre société. De l'autre, vous prétendez doter la France de ce que vous nommez une politique d'immigration choisie, qui consiste en fait à subordonner les droits de l'étranger à sa rentabilité économique et à poursuivre le pillage des ressources humaines des pays en voie de développement.

C'est la raison pour laquelle le groupe socialiste demande la suppression de cet article.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 144 est présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et  M. André, MM. Assouline,  Badinter,  Bel et  Bockel, Mmes Boumediene-Thiery et  Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et  C. Gautier, Mmes Khiari et  Le Texier, MM. Mahéas,  Mermaz,  Peyronnet et  Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 275 est présenté par Mmes Assassi,  Borvo Cohen-Seat,  Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Bernard Frimat, pour présenter l'amendement n° 144.

M. Bernard Frimat. Monique Cerisier-ben Guiga et Bariza Khiari viennent d'expliquer la position de notre groupe sur l'article 1er qui, ayant été réservé, vient en quelque sorte « couronner » les avis que nous avions émis la semaine dernière sur les douze premiers articles de ce projet de loi. Je ne pense pas qu'il soit utile de refaire ce débat puisque d'autres sujets nous attendent. Nous allons donc en rester à notre position de désaccord.

Le fait que nous examinions cet article aujourd'hui nous permet de lui redonner sa véritable dimension. Au cours du débat, vous avez présenté l'article 1er comme l'instrument d'une politique de codéveloppement. Or, si l'on reprend les déclarations du ministre d'Etat, ce que j'ai fait en partie, sans y passer le week-end - c'eût été inhumain ! -, on se rend compte que ce souci de codéveloppement intervient bien tardivement.

Vous avez pris l'option de l'immigration « choisie ». Nous combattons l'opposition entre l'immigration « choisie » et l'immigration « subie ». De nombreuses associations et formations politiques ont exprimé leur désaccord sur ce concept.

Cet article 1er n'est finalement qu'un article de coordination, qui met en forme des mesures adoptées la semaine dernière. Il nous suffit donc de réitérer notre opposition très claire à ces dispositions, sans essayer, monsieur le ministre, de vous convaincre ; nous réservons cette démarche pour les articles suivants.

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 275.

Mme Éliane Assassi. La présentation de cet amendement vaudra pour les amendements nos 276 et 277.

Nous avons déjà eu l'occasion d'exprimer notre profond désaccord sur la création de la carte labellisée « compétences et talents », désaccord que je réaffirme aujourd'hui : cette disposition est indigne de notre pays, qu'il s'agisse des immigrés eux-mêmes ou des pays déjà en difficulté et que l'on s'apprête à piller.

M. le rapporteur s'est interrogé sur la façon dont les populations de certains pays allaient percevoir cette nouvelle voie d'entrée en France qu'est la carte « compétences et talents », mais la réponse est connue : colère et indignation, que ce soit au Mali, au Sénégal ou ailleurs, refus du mépris et, à l'inverse, affirmation de la volonté d'une coopération respectueuse de chaque peuple.

Cette nouvelle carte présente des caractéristiques particulièrement discriminatoires, que nous avons largement dénoncées la semaine dernière et sur lesquelles je ne reviens donc pas.

Elle est ainsi porteuse d'une précarisation toujours accrue des travailleurs étrangers et de leur famille, tout cela afin de répondre davantage aux besoins des entreprises qu'à ceux des États, qu'il s'agisse de l'État de destination ou de l'État d'origine. Où sera donc la « préservation des intérêts réciproques », chère à la commission des lois ? Comme le dit le Premier ministre du Niger, « Quand un pays ami, avec lequel nous entretenons des liens historiques et culturels aussi profonds, se met en tête de pratiquer une politique qui consiste à délester de ses meilleurs cerveaux et lui laisser les peu ou pas qualifiés, ceux qu'il considère comme inutiles... Il y a quelque chose de manifestement choquant et d'insultant dans ce tri. »

Le vote du projet de loi en débat ne contribuera pas au rayonnement de la France dans le monde. C'est l'inverse qui est en train de se produire. Je vous invite sur ce point à lire la lettre ouverte que des responsables d'associations, défenseurs des droits de l'homme dans de nombreux pays, ont récemment adressée au Président de la République : soyez attentifs quand ils écrivent qu'être « traité de cette manière laissera des traces profondes chez tous les peuples ».

M. le président. L'amendement n° 508 rectifié, présenté par MM. Portelli,  Béteille et  Haenel, est ainsi libellé :

I. Au I de cet article, après les mots :

« Dispositions relatives aux documents de séjour »

supprimer le mot :

et

II. Compléter le même I par les mots :

et une section 3 intitulée : « Dispositions relatives aux cas de délivrance de l'autorisation provisoire de séjour »

Cet amendement n'est pas soutenu.

M. François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Je le reprends, monsieur le président !

M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° 508 rectifié bis.

Vous avez la parole pour le défendre, monsieur le rapporteur.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Je reprends cet amendement, car il opère la coordination avec l'amendement n° 507 rectifié quater des mêmes auteurs que le Sénat a précédemment adopté.

M. le président. L'amendement n° 2, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. Après le 1° du II de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... Dans le même 1°, après les mots : « pour une durée maximale d'un an », sont insérés les mots : «, sous réserve des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code » ;

II. Compléter le II de cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... Il est ajouté un 4° ainsi rédigé :

« 4° Soit une carte de séjour portant la mention « retraité », dont les conditions de délivrance et de renouvellement sont prévues au chapitre VII du présent titre. La carte de séjour « retraité » est valable pour une durée de dix ans. Elle est renouvelable de plein droit.

La parole est à M. le rapporteur.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision.

M. le président. L'amendement n° 277, présenté par Mmes Assassi,  Borvo Cohen-Seat,  Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Dans les première, deuxième et troisième phrases du texte proposé par le 2° du II de cet article pour le 3° de l'article L. 311-2 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile, remplacer les mots :

« compétence et talents »

par les mots :

« tout type de compétences professionnelles ou talents »

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Cet amendement est défendu.

M. le président. L'amendement n° 276, présenté par Mmes Assassi,  Borvo Cohen-Seat,  Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Dans la première phrase du texte proposé par le 2° du II de cet article pour le 3° de l'article L. 311-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, après les mots :

et talents »

insérer les mots :

pour l'ensemble des salariés quelles que soient leurs compétences professionnelles

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Cet amendement est également défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. L'avis de la commission est, bien sûr, défavorable sur les amendements identiques nos 144 et 275, qui visent à supprimer cet article de coordination, ainsi que sur les amendements nos 277 et 276.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire. Je veux tout d'abord rappeler que cet article 1er est un pur article de mise en forme technique, comme l'a rappelé M. Frimat, et je le remercie d'avoir bien voulu considérer qu'il en était ainsi pour nous éviter de recommencer à zéro le débat sur l'article 12 et la carte de séjour « compétences et talents ».

Cela étant, monsieur Frimat, puisque vous avez dit avoir consacré presque tout votre week-end à relire les positions du Gouvernement, vous aurez mesuré une fois de plus combien elles sont raisonnables. Alors que vous nous reprochiez, voilà quelques instants, de n'avoir semblé découvrir la dimension codéveloppement qu'au moment de ce débat, je rappelle que, dès le 2 mai, Nicolas Sarkozy affirmait que le codéveloppement serait un pilier essentiel du projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration. À cet égard, l'article 12, dont nous avons largement débattu jeudi dernier, constitue bien un article central.

À l'Assemblée nationale comme ici, le ministre d'État et moi-même n'avons cessé de dire combien nous souhaitions que le Parlement puisse participer et apporter une contribution forte à l'enrichissement de l'ensemble du projet de loi dans toutes ses composantes, notamment dans le domaine du codéveloppement.

Je ne peux que me réjouir que, sur cet article 12, des avancées importantes aient été enregistrées grâce à la contribution de plusieurs membres de la Haute Assemblée.

D'abord, la carte de séjour ne sera délivrée à un étranger ressortissant de la zone de solidarité prioritaire, c'est-à-dire d'un pays en voie de développement, que dans le cadre d'un accord bilatéral entre la France et ce pays : c'est une avancée importante à laquelle le Sénat a contribué. Ensuite, la carte de séjour ne sera renouvelable qu'une fois.

Je veux remercier tous les membres, et notamment MM. Pelletier, Mercier et Portelli, des groupes UMP, UC-UDF et RDSE qui ont contribué à enrichir le texte, de même que ceux des groupes CRC et socialiste qui ont participé au débat, même s'ils n'adhèrent pas à l'ensemble de ces dispositions. Cela démontre que l'esprit dans lequel nous avons souhaité aborder la discussion, c'est-à-dire en laissant la place la plus large possible au Parlement, a été plus que respecté.

S'agissant maintenant des amendements à cet article 1er, qui est, je le répète, un pur article de mise en forme technique, je suis, bien évidemment, défavorable aux amendements de suppression nos 144 et 275, favorable aux amendements nos 508 rectifié bis et 2, défavorable à l'amendement no 277, qui vise à remplacer la carte de séjour « compétences et talents » par une carte de séjour « tout type de compétences professionnelles ou talents » - rédaction dont la première qualité n'est pas, madame Assassi, la légèreté -, ainsi qu'à l'amendement n° 276.

Si j'ai bien compris, ce dernier amendement prévoit la délivrance de la carte de séjour « compétences et talents » à tous les salariés étrangers sans distinction, ce qui nous ramène au débat que nous avons eu à l'article 12. Or j'estime que ce débat a été dense, riche, de qualité, et qu'il nous a permis d'aboutir à cette conception de l'immigration « choisie » que nous souhaitons pour notre pays. Il n'est pas question de revenir aujourd'hui sur ce point.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote sur les amendements identiques n°s 144 et 275.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le ministre, le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, dont vous aimez à citer les conceptions en la matière - il n'est d'ailleurs pas présent pour nous les présenter - n'avait avancé aucune proposition dans ce projet de loi qui permette de considérer l'existence d'une véritable volonté de codéveloppement. Et je ne crois pas que ce débat que vous dites fructueux vous ait vraiment permis, à vous ou à votre majorité, d'avancer de façon significative dans cette voie, si ce n'est en voulant capter l'épargne des migrants pour que ceux-ci contribuent au développement de leur pays d'origine !

L'opposition à vos conceptions du codéveloppement s'est exprimée largement ; elle a même dépassé, me semble-t-il, les rangs des partis n'appartenant pas à la majorité parlementaire. Ainsi, on ne trouve pas trace dans le projet de loi des pistes et recommandations que la commission d'enquête sur l'immigration clandestine du Sénat avait formulées sur le codéveloppement dans son rapport.

Certes, le débat a déjà eu lieu, mais vous nous permettrez tout de même de réaffirmer une opposition totale à vos conceptions. La création d'une carte de séjour « compétences et talents » a, on l'a dit, quelque chose d'humiliant, de stigmatisant, de paternaliste à l'égard des migrants. De surcroît, je me demande si l'une des raisons qui fonderont le « tri » entre immigrés ayant telle ou telle qualification et venant de tel ou tel pays ne sera pas la possibilité de s'assurer une main-d'oeuvre beaucoup moins chère pour répondre à un besoin conjoncturel. Ce sera peut-être cela, la définition des « compétences et talents !

Par ailleurs, on ne voit pas du tout quel est intérêt pour les migrants d'avoir une carte de séjour « compétences et talents » : leur intérêt est de disposer d'une carte de résident et de pouvoir travailler. Il faut donc cesser de nous faire croire que ce long débat a été fructueux et qu'il nous aurait permis d'obtenir des avancées positives. Nous confirmons donc notre volonté de supprimer l'article 1er.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 144 et 275.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 508 rectifié bis.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 277.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 276.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.

(L'article 1er est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Au nom de tous ceux qui ont défendu ces dispositions si importantes, je ne peux pas laisser Mme Borvo Cohen-Seat dire qu'aucune politique en matière de codéveloppement n'aurait été décidée, alors que le Sénat a adopté une mesure qui permet d'engager chaque année 125 millions d'euros grâce au compte épargne codéveloppement qu'il a créé.

Ce choix n'est pas que symbolique, c'est même une révolution. Vous avez refusé d'y participer, c'est votre responsabilité, madame  Borvo Cohen-Seat, mais je ne peux accepter que vous prétendiez que ce projet de loi ne renforce pas la politique de la France en faveur du codéveloppement et que le Sénat n'a pas apporté une contribution importante à ce renforcement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Robert Bret. Avec l'argent des immigrés !

Article 1er (précédemment réservé)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration
Article 13 bis

Article 13

I. - Dans le premier alinéa de l'article L. 341-2 du code du travail, les mots : « et un certificat médical » sont supprimés.

II. - Les quatre premiers alinéas de l'article L. 341-4 du même code sont ainsi rédigés :

« Un étranger ne peut exercer une activité professionnelle salariée en France sans avoir obtenu au préalable l'autorisation mentionnée à l'article L. 341-2 et sans s'être fait délivrer un certificat médical. Il en est de même pour l'activité professionnelle salariée exercée à titre accessoire par un étranger titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention «étudiant».

« L'autorisation de travail peut être limitée à certaines activités professionnelles ou zones géographiques.

« L'autorisation délivrée en France métropolitaine ne confère de droits qu'en France métropolitaine.

« Pour l'instruction de la demande d'autorisation de travail, l'autorité administrative peut échanger tous renseignements et documents relatifs à cette demande avec les organismes concourant au service public de l'emploi mentionnés à l'article L. 311-1, avec les organismes gérant un régime de protection sociale, avec l'établissement mentionné à l'article L. 767-1 du code de la sécurité sociale ainsi qu'avec les caisses assurant le service des congés payés mentionnées au livre VII (partie réglementaire - décrets simples) du présent code. »

III. - Le même article L. 341-4 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Un décret en Conseil d'État fixe les modalités d'application du présent article. »

IV. - Dans l'article L. 831-1 du même code, le mot : « quatrième » est remplacé par le mot : « troisième ».

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 165, présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et  M. André, MM. Assouline,  Badinter,  Bel et  Bockel, Mmes Boumediene-Thiery et  Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et  C. Gautier, Mmes Khiari et  Le Texier, MM. Mahéas,  Mermaz,  Peyronnet et  Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Charles Gautier.

M. Charles Gautier. L'article 13 du projet de loi apporte des modifications au régime d'attribution et de validité des autorisations de travail aux travailleurs étrangers prévu par le code du travail.

Il est précisé que l'autorisation de travail pourra être limitée à certaines activités professionnelles et à certaines zones géographiques, par cohérence avec la réforme proposée en la matière par l'article 10. Ainsi, un étranger ayant bénéficié de ces dispositions qui perdrait son emploi ne serait-il autorisé à en chercher un autre que dans le même métier ou dans la même zone géographique.

Quelle est l'utilité de la carte régionale de l'emploi ? Appelée à être modifiée, elle pénalise le travailleur étranger, le plaçant dans l'incertitude la plus totale.

Cette carte, qui se veut nationale, est établie par région. N'y aurait-il pas une certaine contradiction ?

Cette carte induit et nécessite toute une logistique à mettre en place et demande des moyens tant matériels qu'humains. C'est une véritable usine à gaz qui laisse la place à l'arbitraire administratif.

En outre, cette loi n'est accompagnée d'aucune étude d'impact ou des moyens que le Gouvernement entend consacrer à sa mise en oeuvre.

Enfin, ce texte introduit une rigidité et une lourdeur administrative inutiles.

Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de l'article 13.

M. le président. L'amendement n° 28, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Supprimer la seconde phrase du premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour rédiger les quatre premiers alinéas de l'article L. 341-4 du code du travail.

La parole est à M. le rapporteur.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination avec l'article 7.

M. le président. L'amendement n° 309, présenté par Mmes Assassi,  Borvo Cohen-Seat,  Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer le deuxième alinéa du texte proposé par le II de cet article pour rédiger les quatre premiers alinéas de l'article L. 341-4 du code du travail.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cette disposition constitue une restriction supplémentaire par rapport au droit actuel. En effet, seules les cartes temporaires d'activité entraîneraient une limitation en termes d'activités ou de déplacements.

Cette restriction se fera, bien sûr, au détriment des titulaires de la carte de résident et introduira davantage de flexibilité et d'incertitude. Il s'ensuivra également un certain arbitraire s'agissant de la définition des activités professionnelles ou des zones géographiques.

Au fond, cela s'inscrit tout à fait dans votre logique, que nous contestons, de l'immigration choisie : elle considère les êtres humains que sont les migrants comme de simples pions sur un échiquier, que l'on peut éjecter lorsqu'on n'en a plus besoin.

M. le président. L'amendement n° 310, présenté par Mmes Assassi,  Borvo Cohen-Seat,  Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer le dernier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour rédiger les quatre premiers alinéas de l'article L. 341-4 du code du travail.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les échanges d'informations évoqués dans le sixième alinéa de l'article 13 confirment l'objet du projet de loi, à savoir l'adaptation de l'immigration aux besoins patronaux.

L'objectif poursuivi, c'est la mise en concurrence des salariés, l'abaissement des droits et du coût du travail. D'ailleurs, à l'Assemblée nationale, M. Hortefeux ne s'en est pas caché : les échanges d'informations ont pour but d'affiner toujours et encore l'offre et la demande en matière d'emplois. C'est dit élégamment mais, en ce qui concerne les migrants, on voit bien ce que cela signifie.

Outre cette remarque de fond, nous estimons inadmissible que l'autorité administrative, en l'occurrence les services instructeurs des autorisations de travail, puisse échanger des informations avec des organismes privés agissant dans le cadre du service public de l'emploi, qui sont de fait des officines patronales ou du moins directement au service du patronat.

Il y a véritablement un problème d'éthique : on voit bien comment, au travers de cette adaptation, c'est évidemment le coût du travail qui sera ajusté au plus bas.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission est défavorable à l'amendement n° 165. D'ailleurs, pour l'essentiel, l'article 13 tire les conséquences des articles précédents du projet de loi. Il rappelle qu'un étranger ne peut accepter une activité salariée sans avoir au préalable obtenu une autorisation. Il coordonne les dispositions du code du travail avec le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

La commission est également défavorable à l'amendement n° 309, ainsi qu'à l'amendement n° 310. En effet, cet article permettra aux services compétents pour délivrer l'autorisation de travail d'échanger des renseignements avec les organismes de sécurité sociale, ainsi qu'avec des organismes concourant au service public de l'emploi. Dans cette catégorie, on trouve, bien sûr, l'ANPE, mais également d'autres organismes depuis l'ouverture du service public de l'emploi.

Ces échanges de données nous paraissent normaux dès lors que l'administration doit s'assurer de la situation de l'emploi dans une région ou pour certains métiers. Au contraire, sans doute serait-il dangereux, voire extrêmement délicat, que l'administration refuse ou accorde des autorisations de travail sans une connaissance parfaite des situations.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Cet article permet de préciser les conditions de délivrance des autorisations de travail par coordination avec les modifications apportées par l'article 10 aux différentes cartes de séjour permettant l'exercice d'une activité professionnelle.

Je veux exprimer ma surprise s'agissant de l'amendement de suppression n° 165. Sincèrement, votre motivation me surprend, monsieur Gautier. Vous faites semblant de découvrir qu'une autorisation de travail peut être limitée à certaines activités professionnelles et à des zones géographiques ! Je vous rappelle quand même que cela figure déjà à l'article  L.341-4 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi du 17 juillet 1984, votée par une majorité qui n'était pas la nôtre et proposée par un gouvernement qui était loin d'être le nôtre.

C'est pourquoi le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 165.

À l'évidence, le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 28.

Quant à l'amendement n° 309, je ne cesse de m'étonner, madame Borvo Cohen-Seat, de voir votre démarche ultralibérale se conforter au fil du débat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Elle est passée de libérale à ultralibérale ! Je suis consternée !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Dire que, sur n'importe quelle zone géographique et dans n'importe quel domaine d'activité, il faut ouvrir le marché du travail à tout travailleur étranger lorsque le poste ne peut être pourvu par un travailleur français relève bien d'une démarche libérale.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est une caricature !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. C'est en tout cas ce que vous proposez !

Face à cette démarche libérale, le Gouvernement ne peut qu'émettre un avis défavorable sur l'amendement n° 309.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce que vous dites est scandaleux !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Quant à l'amendement n° 310, madame Borvo Cohen-Seat, dites-moi comment connaître l'état du marché du travail alors que le service public en matière de marché du travail va bien au-delà de l'ANPE : aujourd'hui, des organismes privés assurent également cette mission de service public, voire de service au public.

M. Charles Gautier. Vous êtes champion de la mauvaise foi !

M. Robert Bret. C'est de la mauvaise foi ! On parle du respect du code du travail.

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Si l'on veut connaître l'état du marché du travail, bien évidemment, il faut pouvoir consulter l'ensemble des organismes concernés.

C'est pourquoi le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 310.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Que vous soyez défavorable aux amendements, j'en conviens. Mais que vous me traitiez d'ultralibérale, je ne l'accepte pas !

M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, pour explication de vote, sur l'amendement n° 165.

Mme Bariza Khiari. Nous avons deux sujets d'inquiétude au sujet de cet article.

Il s'agit, d'abord, de l'absurdité d'une autorisation de travail limitée à certaines activités professionnelles ou zones géographiques. C'est tout à fait inadapté à la situation du marché du travail. Ce cloisonnement ne correspond à aucune réalité de terrain et ne sera qu'un obstacle de plus pour les étrangers qui essaient de s'intégrer en France par le travail. En outre, c'est incohérent avec tous vos discours sur la flexibilité

Pour l'instant, je souhaite insister sur le second point, car c'est celui qui me touche le plus humainement. Par l'article 13, vous réécrivez les premiers alinéas de l'article L. 341-4 du code du travail et confirmez la disposition suivante : « Un étranger ne peut exercer une activité professionnelle salariée en France [...] sans s'être fait délivrer un certificat médical ».

Cette disposition pose, dans sa logique même, un problème : pourquoi un étranger a-t-il besoin de présenter un certificat spécial, alors qu'il pourrait tout simplement se conformer à la législation en vigueur et passer, comme tous les autres salariés, la visite médicale légale ? C'est un premier questionnement. Pour moi, la réponse est claire : cette discrimination, car cela en est une, ne me semble pas justifiée.

Mais le questionnement prend une ampleur bien différente lorsque cette mesure est inscrite dans un projet qui vise à promouvoir une immigration « choisie ». Est-ce à dire que le dossier médical ou l'état de santé au sens large pourra également être un critère de choix, un critère de sélection de l'individu ?

C'est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de l'article 13.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il faut que les choses soient claires ! Vous souhaitez lier le séjour des étrangers à un contrat de travail ; cela figure dans l'économie de votre texte !

Et vous en rajoutez en disant que ce contrat de travail devra correspondre à des zones géographiques, à une étude du marché du travail, etc. Cela, c'est effectivement de l'ultralibéralisme, contrairement à ce que vous dites !

En fait, qui décidera que quelqu'un aura un contrat de travail ? Il s'agira de savoir, à un moment donné, quel sera l'individu le plus compétent, payé le moins possible, taillable et corvéable à merci, et dont on pourra se débarrasser le plus vite possible. C'est ce que nous contestons, puisque nous sommes opposés à votre conception de l'immigration choisie. De là à me traiter d'ultralibérale, cela n'a rien à voir !

L'immigration concertée, c'est tout à fait autre chose ! Ce n'est pas le bon vouloir patronal pour choisir tel ou tel individu et l'exploiter.

M. le président. La parole est à Mme Lucette Michaux-Chevry, pour explication de vote.

Mme Lucette Michaux-Chevry. Je souhaite que l'on pense un peu au sort de ces étrangers qui arrivent chez nous avec l'espoir de trouver du travail, une vie meilleure, une vie décente, et qui, en réalité, découvrent une misère beaucoup plus profonde parce que, totalement déracinés, ils n'ont plus aucun repère. Avec les zones géographiques et les domaines d'activité, ils sauront où trouver du travail et une ambiance peut-être plus conforme à leurs aspirations. C'est une façon de leur redonner l'espoir.

Par ailleurs, il ne faut pas perdre de vue que le codéveloppement n'est pas imposé. La France a mis en place un dispositif financier qui lui permet de répondre aux besoins des étrangers. Notre pays a été le premier à soutenir les instances européennes dans la lutte contre la violence. Tous ces peuples quittent leur pays parce qu'il n'y a pas d'institutions stables, pas de démocratie.

Il est quand même inacceptable que ces chefs d'État nous donnent des leçons de démocratie, quand on sait ce qui se passe au Togo, au Mali, quand on sait la misère de ces peuples, alors que les épouses des chefs d'État viennent en France avec des avions particuliers...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous êtes bien placée pour parler de çà !

M. Robert Bret. Et Bokassa ?

Mme Lucette Michaux-Chevry. ...pour faire leur marché. Arrêtons de dire n'importe quoi dans ce pays !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Bokassa est plus de vos amis que des miens ! Vous avez été mise en examen ! Vos propos sont inacceptables !

Mme Lucette Michaux-Chevry. Je sais de quoi je parle ! En Haïti, le Révérend Père Jean-Bertrand Aristide, soutenu par l'association France-Liberté, avait chez lui des embrasses en ivoire et en or, tandis que le peuple haïtien attendait que la France apporte des ressources.

Si les propositions du Gouvernement peuvent paraître restrictives, elles répondent à une situation donnée, porteuse de garanties pour l'étranger. C'est cela, l'image de la France : recevoir des étrangers et leur donner des conditions de vie et de logement décentes, conformes à celles des Français ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Connaissez-vous Mme Aubry, madame Khiari ? Je pense que vous feriez bien de l'interroger sur le certificat médical : celui-ci trouve son origine dans un arrêté du 6 juillet 1999 relatif au contrôle médical des étrangers autorisés à séjourner en France, signé par Mme Martine Aubry. Il n'a donc rien de nouveau !

Dès lors, plutôt que de faire des remarques déplacées au sujet du présent texte, c'est à Mme Aubry que vous devriez vous adresser !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 165.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 28.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 309.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 310.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 13, modifié.

(L'article 13 est adopté.)

Article 13
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration
Article additionnel après l'article 13 bis

Article 13 bis

Après l'article L. 325- 6 du code du travail, il est inséré un article L. 325- 7 ainsi rédigé :

« Art. L. 325-7. - Afin de lutter contre le travail illégal, les agents chargés de la délivrance des titres de séjour, individuellement désignés et dûment habilités, peuvent avoir accès aux traitements automatisés des autorisations de travail, dans les conditions définies par la loi n° 78- 17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.

« Pour les mêmes motifs, les inspecteurs du travail, les contrôleurs du travail, et fonctionnaires assimilés, individuellement désignés et dûment habilités, peuvent avoir accès aux traitements automatisés des titres de séjour des étrangers, dans les conditions définies par la loi n° 78- 17 du 6 janvier 1978 précitée. »

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, sur l'article.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Monsieur le ministre, je souhaite profiter de la discussion de cet article pour tenter de montrer qu'une grande partie de ce projet de loi est fondée sur la volonté de détourner non seulement le droit, mais également la nature des missions de certains corps constitués.

La semaine dernière, dans cet hémicycle, je déplorais que ce texte donne encore plus de pouvoirs exorbitants, et d'ailleurs arbitraires, aux maires.

Je tiens à affirmer avec la plus grande fermeté que la mission des inspecteurs du travail ne doit pas être dénaturée.

Or, à travers l'article 13 bis, bien que ce dernier ne le prévoie pas expressément, puisqu'il tend officiellement à lutter contre le travail illégal, ce à quoi nous sommes tous attachés, bien évidemment, et, incidemment, contre les employeurs qui y ont recours, le Gouvernement invite tout simplement le corps de l'inspection du travail à participer à la « traque » aux travailleurs en situation irrégulière.

Or telle n'est pas leur mission. En effet, les inspecteurs du travail ont pour rôle de protéger le salarié face à l'arbitraire de l'employeur. Cela a été le cas de tout temps et pour tous les salariés, qu'ils soient français ou étrangers, qu'ils soient ou non en situation régulière.

Le coeur de leur mission est de veiller au respect de la réglementation relative au travail et non de s'assurer du respect des lois sur le séjour des étrangers en France.

Pourquoi vouloir créer un corps supplétif à la police ? Pourquoi violer ainsi l'esprit qui anime une grande profession, celle d'inspecteur du travail, qui fait l'honneur de la France ?

D'autant que l'article 14 relève de la même logique : vous exigez des employeurs qu'ils s'assurent auprès des administrations territorialement compétentes de l'existence du titre autorisant l'étranger à exercer une activité salariée en France, alors que cela ne relève pas non plus de leur responsabilité.

Si tel ou tel employeur peut contrôler, a posteriori, le titre de séjour du migrant qu'il embauche, il ne doit en aucun cas solliciter les administrations compétentes afin de vérifier l'existence d'un tel titre. Cette pratique s'apparente presque à une « délation obligée », ce qui ne peut que nous rappeler une page noire de notre histoire. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

En outre, je doute fort, monsieur le ministre, de la pertinence juridique de la notion d'existence d'un tel titre. Si je conçois parfaitement la possibilité de contrôler la validité d'un titre, je ne vois pas comment contrôler l'existence de ce titre.

M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat.

M. Bernard Frimat. Mon intervention porte sur le deuxième alinéa de l'article 13 bis.

Il est évident que la lutte contre le travail illégal doit être menée avec sérieux et détermination, tant celui-ci constitue avant tout la manifestation d'un très grand mépris envers la personne humaine, « utilisée » en dehors de toutes les lois sociales de notre pays.

Cette mission relève de l'inspection du travail, l'administration française étant, par tradition, chargée de contrôler que les travailleurs sont effectivement employés dans des conditions normales, c'est-à-dire dans le respect de la législation sociale.

Il n'y a aucun laxisme dans la position que nous défendons et, avec un peu de chance, vous n'aurez pas, monsieur le ministre, à m'opposer un texte émanant d'un ministre socialiste ; mais, si tel était le cas, je l'assumerais !

Si le travail illégal constitue donc, avant tout, une infraction à la législation sociale, il est également de nature à fausser la concurrence, même si, à nos yeux, cela est secondaire : le premier objectif est de protéger les travailleurs.

Ce qui nous gêne dans le deuxième alinéa de l'article  13 bis, c'est que, d'une certaine façon, on pratique l'amalgame entre immigration clandestine et travail illégal. Or nous savons que cet amalgame est injustifié.

Nous avons, dans le cadre de la commission d'enquête sur l'immigration clandestine, procédé à de nombreuses auditions sur ce thème. Or que nous a-t-on dit ? Eh bien ! que le travail illégal concerne toute la population. Quant aux chiffres qui ont été avancés, je citerai - j'espère ne pas trahir ses propos - Mme Colette Horel, déléguée interministérielle à la lutte contre le travail illégal, selon laquelle l'emploi d'étrangers sans titre de travail ne représente qu'une fraction de l'ordre de 10 % de l'ensemble des infractions relevant du travail illégal. Certains étrangers disposent d'un titre de séjour régulier, mais sont employés illégalement, car ils ne bénéficient pas d'une autorisation de travail et l'immigration clandestine et le travail illégal ne se recoupent donc pas.

Mme Horel s'était même livrée à une comparaison mathématique en disant qu'il s'agissait de deux ensembles ayant une intersection, mais que celle-ci était relativement modeste.

Par conséquent, le travail illégal est accompli soit par des Français, soit par des étrangers tant en situation régulière qu'en situation irrégulière. Dès lors, évitons les simplifications abusives !

Nous sommes d'accord pour que la plus grande sévérité s'exerce dans ce domaine envers les employeurs qui font appel de manière illégale à des travailleurs français ou étrangers, et ce quelle que soit la nationalité de ces employeurs.

Si, à la limite, on peut comprendre le premier alinéa de l'article  13 bis, selon lequel les agents chargés de la délivrance des titres de séjour ont accès aux fichiers des titres de séjour, à l'inverse, nous ne voyons pas pour quelle raison les inspecteurs du travail seraient autorisés à accéder à ces fichiers, devenant, de ce fait, des contrôleurs de séjour. Cela ne relève pas de leurs fonctions !

Ainsi, quand ils interviennent sur un chantier, notamment dans le BTP, l'hôtellerie ou la restauration, qui sont les secteurs privilégiés de ce type de travail, ils le font pour rétablir le travailleur dans ses droits et pour combattre les infractions à la législation sociale. Leur mission ne consiste pas à vérifier si le travailleur séjourne en France de manière illégale ou non ; il s'agit là d'un autre problème et ils l'ont eux-mêmes reconnu.

En conclusion, - ce voeu est sans doute audacieux ! - je souhaite une certaine cohérence dans l'action gouvernementale, ce qui me faciliterait la tâche pour la combattre.

Dans une note adressée le 18 octobre 2005 à l'ensemble des préfets et directeurs régionaux et départementaux du travail, ainsi qu'aux inspecteurs et contrôleurs du travail, le directeur des relations du travail au ministère de l'emploi précise : « L'action de l'inspection du travail vise à assurer le respect du code du travail et, en cas d'infraction constatée, à sanctionner l'employeur et à rétablir le travailleur étranger dans tous ses droits. Il n'appartient pas à l'inspection du travail d'assurer le contrôle du respect des règles relatives au séjour des étrangers. »

Cette note me paraît en contradiction avec le texte que nous examinons et je crains que l'amalgame pratiqué ne soit inadéquat, voire, en définitive, dangereux.

C'est la raison pour laquelle nous proposons de supprimer le deuxième alinéa de l'article 13 bis, sans que cela diminue en rien la nécessité de lutter contre le travail illégal.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 311, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen- Seat, Mathon- Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen- Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Après les propos que vient de tenir mon collègue Bernard Frimat, et que je partage, je dirai que nous sommes effectivement dans la plus grande confusion des genres.

L'amendement que nous présentons rejoint la position que nous avons défendue à l'article 13.

La disposition introduite par Thierry Mariani à l'Assemblée nationale - dont la mise en accusation systématique des travailleurs étrangers n'est plus à prouver ! -tend à lutter contre le travail illégal ; tel est, en tout cas, l'objectif affiché.

De ce point de vue, je tiens à affirmer que nous condamnons le travail illégal, ainsi, bien évidemment, que les patrons qui y ont recours.

Je tiens d'ailleurs à préciser que nous avons déposé plusieurs propositions de loi dans ce sens qui, malheureusement, n'ont pas eu l'heur de plaire à la majorité de notre assemblée, puisqu'elles n'ont jamais été inscrites à l'ordre du jour. Or, comme chacun le sait, une telle décision ne dépend que de la majorité sénatoriale.

Je précise que des dispositions légales existent d'ores et déjà pour combattre les trafics. Toutefois, celles-ci nécessitent une volonté politique pour pouvoir être mises en oeuvre. Or il semble que cette volonté ne soit pas suffisamment affirmée, puisque nous ne pouvons que constater la persistance du travail clandestin, phénomène dû aux patrons qui ont recours au travail illégal, ce qui est quelque peu ennuyeux.

Mais ce qui est le plus choquant dans l'article 13 bis, c'est, d'une part, une énième charge contre les femmes et les hommes qui sont pris dans cet engrenage et, d'autre part, le manque de principe affiché par ses auteurs quant à la confidentialité des informations et leur nécessaire cloisonnement en vue du respect élémentaire des libertés publiques. Je le répète : il n'est pas du ressort des inspecteurs du travail de veiller à ce respect. D'ailleurs, j'aimerais savoir s'ils sont d'accord pour effectuer ce travail !

M. le président. L'amendement n° 166, présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et M. André, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mmes Boumediene- Thiery et Cerisier- ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus- Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer le second alinéa du texte proposé par cet article pour l'article  L. 325- 7 du code du travail.

La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Ce qui est choquant dans cet article 13 bis, voté à l'Assemblée nationale, c'est qu'il établit une fausse symétrie entre les agents qui contrôlent l'immigration dans les préfectures et les inspecteurs du travail.

C'est ainsi que, par une sorte de réciprocité, qui ne correspond pas du tout à la fonction des uns et des autres, on permet aux agents des préfectures d'avoir accès aux traitements automatisés des autorisations de travail, ce qui est conforme à leur mission de police et d'investigation. Mais l'accès des inspecteurs du travail aux traitements automatisés des titres de séjour des étrangers ne tient absolument pas compte des spécificités de leur mission On veut donc faire participer les inspecteurs du travail à la mission de contrôle des étrangers.

Je ne reprendrai pas ce qui a été dit en termes excellents par mon collègue Bernard Frimat, mais il est clair qu'une fois de plus un gouvernement de droite veut changer les normes qui régissent la profession d'inspecteur du travail.

Je me souviens des débats extrêmement houleux suscités par la loi quinquennale relative à l'emploi, qui ne date pas d'hier, puisqu'elle a été votée en 1993. À l'époque, on voulait à tout prix confier aux inspecteurs du travail des missions de police dirigées contre les travailleurs immigrés en situation irrégulière.

Je le rappelle, le travail clandestin concerne très largement les Français. C'est le cas, par exemple, de l'agent de police qui, en-dehors de ses heures de travail, fait de la plomberie. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Jean-Patrick Courtois. D'où tenez-vous cela ?

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. À Paris, le moyen le moins onéreux de faire réaliser des travaux de plomberie ou de peinture est de recourir aux services d'un agent de police pendant ses heures de repos, tout le monde le sait ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Sauf vous, apparemment, monsieur Courtois !

M. Bernard Frimat. Et il en est de même pour les pompiers !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Les pompiers sont également concernés. Les membres de certaines professions sont les grands spécialistes du travail irrégulier, alors qu'ils sont en quelque sorte protégés par leur statut. (Nouvelles protestations sur les travées de l'UMP.)

Nous estimons que le principe selon lequel les inspecteurs du travail ont pour seule et unique mission de veiller au respect de la réglementation relative au travail ne doit pas être remis en cause. C'est pourquoi nous défendons cet amendement de suppression.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. S'agissant de l'amendement n° 311, qui tend à la suppression de l'article 13 bis du projet de loi, la commission ne peut qu'émettre un avis défavorable. Toutefois, je donnerai quelques explications supplémentaires.

Afin de lutter contre le travail illégal, cet article 13 bis permet aux préfectures et aux inspecteurs du travail d'échanger des informations. Il s'agit là d'un point tout à fait essentiel du projet de loi.

En nous attaquant à ce grave problème, à cette véritable horreur que constitue le travail illégal, nous tarissons l'une des sources de l'immigration clandestine.

Mes chers collègues, je rappellerai simplement les propos tenus par les inspecteurs du travail lors des auditions que nous avons menées outre-mer (Mme Lucette Michaux-Chevry acquiesce.), en particulier en Guyane, que vous pourrez retrouver dans le rapport de la commission. Ils confirment que l'immigration clandestine nourrit très largement le travail clandestin.

La consultation réciproque de leurs fichiers par les préfectures et les directions départementales de l'emploi est indispensable pour vérifier à la fois la validité de l'autorisation de travail et celle du titre de séjour.

En effet, si l'étranger est titulaire d'une autorisation spécifique de travail, celle-ci relève des services du ministère de l'emploi. En revanche, si son autorisation de travail découle de la détention d'un titre de séjour, telle qu'une carte de résident ou une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale », ce dernier figure au fichier des titres de séjour du ministère de l'intérieur. Il est donc nécessaire que ces différents fichiers puissent être consultés.

S'agissant de l'amendement n° 166, la commission émet également un avis défavorable. Il est évident que les inspecteurs du travail doivent connaître la situation d'un étranger au regard de son droit à travailler pour pouvoir constater une infraction de travail illégal. Cette disposition me paraît tout à fait fondée.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Je souhaite tout d'abord m'adresser à Mme Borvo Cohen-Seat, qui s'est absentée, semble-t-il.

M. Henri de Raincourt. Ce qui est tout de même gênant !

M. Robert Bret. Nous lui transmettrons !

M. Henri de Raincourt. En effet, monsieur Bret, vous lui transmettrez !

M. Robert Bret. Ou elle lira le Journal officiel !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Je souhaite lui dire combien je suis scandalisé, et même outré, que les policiers et les sapeurs-pompiers professionnels soient dénoncés collectivement au motif qu'ils réaliseraient des travaux clandestins en dehors de leurs missions. Les intéressés -  et leurs syndicats  - apprécieront !

Mme Éliane Assassi. Mais ce n'est pas Mme Borvo qui a dit cela !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Dans ce cas, je présente mes excuses à Mme Borvo Cohen-Seat et je déclare à Mme Cerisier-ben Guiga, sénateur de la République, que les propos qu'elle a tenus devant la Haute Assemblée sont inadmissibles !

Les policiers de la République et les sapeurs-pompiers se sont engagés au service de la sécurité des personnes et des biens. Plus qu'un choix de métier, ils ont fait un choix de vie. Il n'est pas acceptable qu'ils puissent être soupçonnés par un sénateur de la République de réaliser des travaux clandestins en-dehors du difficile métier qui est le leur ! Je tenais à le dire au nom du Gouvernement. En tout cas, chacune et chacun des intéressés apprécieront, tout comme leurs syndicats ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Je le rappelle, contrairement à ce qui a été affirmé, les inspecteurs du travail ont pour mission de faire respecter la législation, c'est-à-dire le code du travail.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je lis l'article L. 611-1 du code du travail, car certains ici semblent le méconnaître : « les inspecteurs du travail [...] constatent [...] les infractions prévues par les articles 21 et 21 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ». Les propos qui ont été tenus ici semblent l'ignorer !

Ces dispositions législatives valent également pour les travailleurs étrangers, pour lesquels il existe des règles spéciales, notamment en matière d'autorisation de travail. J'ajoute que le même article du code du travail prévoit que les inspecteurs constatent également les infractions d'aide à l'entrée et au séjour irrégulier. Le travail illégal doit être combattu, ...

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Mais nous en sommes bien d'accord !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. ... qu'il concerne des étrangers ou des Français. Ce sont d'ailleurs les mêmes services de contrôle qui sont chargés de cette mission, à savoir la police, la gendarmerie, l'inspection du travail et l'URSSAF, entre autres.

Si un étranger qui ne possède pas de titre de séjour travaille, il se trouve dans l'illégalité. Il est logique que les inspecteurs du travail le sachent. Cela dit entre nous, il s'agit du b.a.-ba de la lutte contre le travail illégal des étrangers !

Pour répondre à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, il n'appartient pas à un fonctionnaire, fût-il inspecteur du travail, de définir lui-même ses missions ! C'est la loi qui doit s'en charger. Celle-ci confère déjà des prérogatives spéciales à l'inspection du travail, que ce projet de loi ne fait que compléter. Je le rappelle, aucun corps de fonctionnaires ne pratique l'autogestion, pas même celui de l'inspection du travail !

Quoiqu'il en soit, une fois de plus, alors que le Gouvernement propose au Parlement des outils permettant de lutter contre le travail clandestin, certains, sur les travées du groupe socialiste comme du groupe CRC, souhaitent que le travail dissimulé continue à être encouragé. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC)

M. Bernard Frimat. Vous exagérez !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Fourcade. Les arguments présentés pour la défense des amendements nos 311 et 166 m'incitent à faire deux observations.

En premier lieu, les dispositions proposées illustrent parfaitement ce grand mal français qu'est le cloisonnement administratif. Dans tous les textes de loi que nous votons, nous nous ingénions à dresser des barrières entre les différents services. En ce qui concerne ce projet de loi, la CNIL a encore accentué cette tendance !

Dès lors que nous interdisons les passerelles, les renvois et les discussions communes, il n'est pas étonnant que notre fonction publique soit extrêmement importante.

À l'évidence, l'inspecteur du travail, lorsqu'il réalise un contrôle sur place dans un restaurant ou une entreprise de bâtiment, découvre souvent qu'une partie du personnel travaille au noir et provient de l'immigration clandestine. Il serait absurde de le priver de la possibilité d'intervenir à l'occasion d'un tel contrôle et de consulter les fichiers du personnel.

Mes chers collègues, vous défendez le cloisonnement administratif. Or, plus celui-ci se généralise, plus il est nécessaire de recruter des fonctionnaires, car, bien entendu, avec des règles de droit qui interdisent la communication des fichiers, des personnels considérables sont nécessaires pour accomplir le même travail.

En second lieu, les propos qui ont été tenus sur l'inspection du travail m'étonnent. Nous avons affaire non à un corps de magistrats, mais à des fonctionnaires qui doivent appliquer la loi !

Quand j'entends dire que les inspecteurs du travail appliqueront la loi comme ils voudront, je suis très étonné. Nous siégeons au Sénat de la République, nous édictons la loi et il est normal que tous les fonctionnaires l'appliquent. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Éric Doligé, pour explication de vote.

M. Éric Doligé. Depuis quelque temps, Mmes Cerisier-ben Guiga et Borvo Cohen-Seat ont pris l'habitude de dévoiler nos pensées ! (Sourires sur les travées de l'UMP.) Ainsi, elles affirment, notamment, que notre objectif est l'abaissement du coût du travail et que nous avons une conception utilisatrice de l'homme.

M. Robert Bret. Et ce n'est pas le cas ?

M. Éric Doligé. Même si c'est intolérable, nous le supportons, car nous y sommes habitués.

Toutefois, Madame Cerisier-ben Guiga, certains des propos que vous avez tenus m'ont surpris. Même si M. le ministre les a déjà repris, j'aimerais recevoir des explications.

Je travaille toute l'année avec les pompiers et les policiers, et j'ai le sentiment qu'ils accomplissent leur travail de manière admirable Or vous nous annoncez ici même, en séance publique, qu'ils travaillent au noir et que tout le monde le sait ! J'aimerais donc avoir des explications. Soit vos propos sont exacts, et vous devez alors les justifier et les étayer, soit ils ne le sont pas, et alors retirez-les. Dans tous les cas, nous ne pouvons rester sur cette imprécision.

Les policiers et les pompiers sont des gens avec qui nous sommes en permanence en relation et en qui nous avons pleinement confiance. Or, de but en blanc, vous tenez à leur sujet des propos tout à fait surprenants ! Si ceux-ci sont vrais, démontrez-les, sinon, retirez-les. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 311.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote sur l'amendement n° 166.

M. Bernard Frimat. Mes chers collègues, puisque vous avez voulu que cet après-midi soit celui des leçons, vous me permettrez de vous renvoyer celles que vous nous avez données !

Monsieur le ministre, je vous le répète, il me semble que nous sommes en désaccord, ce qui ne me perturbe pas. Nous sommes d'ailleurs suffisamment en désaccord pour que vous n'ayez pas besoin de travestir nos propos !

Nous sommes opposés au travail illégal. Nous l'avons déclaré maintes fois, et je vous renvoie à la lecture du Journal officiel. Si cette information n'est pas parvenue jusqu'à vous, soit mes propos n'ont pas été clairs, soit vous ne les avez pas compris.

Pour que les choses soient parfaitement évidentes, je répète que nous sommes opposés au travail illégal, et si vous souhaitez que je vous l'écrive sur un papier, que vous pourrez ainsi garder sous les yeux, je le ferai bien volontiers ! (Sourires.)

Monsieur le rapporteur, votre argumentaire ne contredit nullement les propos qu'a tenus Mme Assassi en défendant l'amendement n° 311. S'agissant de l'outre-mer et de la Guyane, nous avons en effet mené des auditions intéressantes.

Toutefois, est-ce le travail illégal qui nourrit l'immigration clandestine ou l'inverse ? Nous pouvons à tout le moins nous poser la question !

Monsieur le ministre, j'ai pris bonne note de tout ce que j'ignorais. En revanche, je suis très étonné par une circulaire émanant du directeur des relations du travail du ministère de l'emploi, dont vous m'accorderez que nous pouvons lui supposer une connaissance correcte du métier des inspecteurs du travail ; je lui en fais du moins le crédit.

En effet, il écrit que « l'action de l'inspecteur du travail vise à assurer le respect du code du travail et, en cas d'infraction constatée, à sanctionner l'employeur et à rétablir le travailleur étranger dans ses droits. Il n'appartient pas à l'inspection du travail d'assurer le contrôle du respect des règles relatives au séjour des étrangers ».

Si le directeur des relations du travail du ministère de l'emploi éprouve le besoin d'adresser cette circulaire aux préfets, aux directeurs régionaux et départementaux du travail, ainsi qu'aux inspecteurs et contrôleurs du travail, cela signifie sans doute quelque chose, et que son objectif était probablement de calmer une émotion existante.

L'inspection du travail protège les travailleurs. Monsieur Fourcade, vous avez raison : elle est composée de fonctionnaires, qui, à ce titre, sont tout autant respectables que les magistrats.

Qu'un fonctionnaire chargé de vérifier les titres de séjour puisse accéder aux fichiers de travail nous semble cohérent. Toutefois, à l'inverse, en quoi un inspecteur du travail aurait-t-il besoin d'accéder aux titres de séjour pour juger de l'illégalité du travail accompli ? Une fois qu'il a constaté l'illégalité d'une activité, que celle-ci soit accomplie par un travailleur français ou par un étranger, il fait son office. Heureusement que la CNIL existe pour garantir certaines libertés !

Mes chers collègues, en ce qui nous concerne, nous voulons faire respecter le droit du travail. Il s'agit là, je le sais, d'un sujet qui nous divise. Vous êtes nombreux à considérer, et c'est votre droit, que le droit du travail constitue un obstacle ; nous estimons au contraire qu'il est une garantie, et nous préférerions qu'il y ait davantage d'inspecteurs du travail en fonction pour lutter contre le travail illégal, que nous combattons.

Toutefois, monsieur le ministre, répondez aux questions que je vous pose. Je sais bien que, quelque soit le talent de ceux qui vous entourent, écrire et écouter en même temps constitue un exercice difficile. Cependant, de grâce, répondez aux arguments que nous avançons !

Si nous avons tort, nous l'admettrons. Mais, en l'espèce, vous n'allez tout de même pas oser me dire que vous ignorez cette circulaire du 18 octobre 2005 et que ce directeur des relations du travail ne connaît rien à son métier ! Ou alors, ce sera un autre débat ! Et ne me répondez pas non plus que nous encourageons le travail clandestin et que la gauche, une fois de plus, vous étonne !

Monsieur le ministre, une chose est sûre : la gauche n'a pas fini de vous étonner ! Sur ce point, vous et vos amis devriez parler avec une certaine circonspection. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Monsieur Frimat, votre voeu est exaucé : je vous le rappelle, 100 postes d'inspecteur et 131 postes de contrôleur auront été créés en 2006 ; entre 2007 et 2010, 700 créations de postes sont prévues. Voilà la preuve de notre totale détermination !

M. Bernard Frimat. Jusqu'en 2010, peut-être... De toute manière, vous ne tenez pas vos promesses !

M. le président. La parole est à Mme Lucette Michaux-Chevry, pour explication de vote.

Mme Lucette Michaux-Chevry. Je ne ferai que deux observations.

Premièrement, un clandestin, ipso facto, travaille au noir. Sinon, comment pourrait-il survivre ? Or, le travail au noir, c'est l'exploitation de l'homme.

Deuxièmement, une circulaire a été évoquée. Que je sache, nous sommes en train de légiférer, et je n'ai jamais su qu'une circulaire avait plus d'importance qu'une loi ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme Éliane Assassi. Eh bien, dites-le à vos amis !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 166.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 13 bis.

(L'article 13 bis est adopté.)

Article 13 bis
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration
Article 14

Article additionnel après l'article 13 bis

M. le président. L'amendement n° 167 rectifié, présenté par MM. Domeizel et Godefroy, Mmes Khiari et Cerisier-ben Guiga, M. Frimat et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 13 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le I de l'article L. 4111-2 du code de la santé publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Il ne peut y avoir aucune discrimination salariale entre les médecins autorisés à exercer des fonctions identiques au sein des services hospitaliers ».

La parole est à M. Claude Domeizel.

M. Claude Domeizel. C'est en tant que président du groupe interparlementaire d'amitié France-Algérie que j'ai été alerté sur la situation des praticiens de santé extracommunautaires exerçant la médecine dans des hôpitaux français. Je suppose d'ailleurs que d'autres présidents de groupe ont également dû être saisis de ce problème. Ainsi, selon les derniers chiffres du ministère de la santé, 7 000 de ces praticiens exercent en France sans toutefois bénéficier de la « plénitude d'exercice ».

Alors même que le Gouvernement prétend promouvoir l'égalité des chances et lutter contre les discriminations, nous ne pouvons que constater celles dont sont victimes les praticiens disposant d'un diplôme extracommunautaire, qui assurent pourtant au quotidien les mêmes fonctions et les mêmes responsabilités que les praticiens titulaires, mais sans reconnaissance sur le plan du statut ou du salaire. En effet, à compétence égale, il n'y a ni statut égal ni salaire égal.

Ces praticiens subissent donc une double inégalité : non seulement leurs salaires sont largement inférieurs à ceux de leurs collègues, dans une proportion de 30 % à 50 %, mais ils effectuent leur activité en toute illégalité puisqu'ils ne sont pas reconnus par le Conseil national de l'ordre des médecins.

Il est donc nécessaire d'instaurer un traitement égalitaire entre ces praticiens et leurs confrères titulaires d'un diplôme communautaire, dans la mesure où leur présence est indispensable au service public de la santé. Ces médecins soignent des malades à l'hôpital depuis des années, s'investissent dans leur travail, prennent des responsabilités et sont pourtant traités de manière discriminatoire par rapport à leurs confrères disposant d'un diplôme européen.

À l'heure où vous parlez d'« immigration choisie », il faudrait parler ici d'« immigration applaudie », car ces médecins d'origine extracommunautaire sont les rouages silencieux d'une machine hospitalière qui ne pourrait fonctionner sans eux. En assumant les gardes que les praticiens français dédaignent, c'est-à-dire la nuit, pendant les vacances scolaires ou les jours fériés, ou en faisant « tourner » de petits hôpitaux de province, ils permettent au système de se maintenir à flot.

Cette situation est l'une des conséquences du déséquilibre entre les hôpitaux et les cliniques : les médecins disposant d'un diplôme français exercent plus volontiers au sein des cliniques, dans lesquelles les conditions de travail et les rémunérations sont souvent plus avantageuses.

Le présent amendement a donc pour but de faire appliquer le principe « à travail égal, salaire égal », énoncé par plusieurs articles du code du travail et qui revêt également une valeur constitutionnelle. Si tout le monde le connaît, ce principe n'est malheureusement pas toujours appliqué : il impose à l'employeur d'assurer l'égalité de rémunération entre tous les salariés qui sont placés dans une situation identique. Le cas des médecins titulaires ou disposant d'un diplôme extracommunautaire en est la parfaite illustration.

Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, nous vous demandons donc d'adopter cet amendement. Cela étant dit, monsieur le ministre, je vous vois venir : vous allez sûrement me répondre que cette situation n'est pas nouvelle.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Mais c'est vrai !

M. Claude Domeizel. Certes, elle n'est pas nouvelle, mais, à nos yeux, cette situation inadmissible doit cesser !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Elle ne devait pas cesser quand la gauche était au pouvoir, mais elle doit cesser maintenant !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Chacun en convient, la question de l'emploi d'étrangers dans notre système de santé a pu causer des difficultés et en cause même encore parfois. Aux yeux de la commission, à travail égal, il faut évidemment un salaire égal. Pour autant, il convient tout de même de tenir compte d'un certain nombre d'éléments. C'est le cas, en particulier, des différences de statut qui aboutissent à des systèmes distincts de rémunération, voire de qualification.

En conséquence, la commission des lois s'estimant insuffisamment compétente en la matière, elle a décidé de demander l'avis du Gouvernement sur cet amendement.

M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Monsieur Domeizel, vous souhaitez inscrire dans la loi qu'il « ne peut y avoir aucune discrimination salariale entre les médecins autorisés à exercer des fonctions identiques au sein des services hospitaliers ».

Or, si l'objet de cet amendement peut avoir l'aspect du bon sens, il n'en a finalement que l'aspect !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Dans la fonction publique, à laquelle vous faites référence, vous feignez d'ignorer qu'il existe déjà de grandes différenciations pour des postes de responsabilité quasi identiques.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Bien sûr !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Les rémunérations diffèrent parfois, alors même que les agents exercent des fonctions identiques. (M. Claude Domeizel s'exclame.)

Je peux vous transmettre la liste des exemples, si vous voulez ! Prenons, d'ailleurs, celui des professeurs.

M. Éric Doligé. Ils connaissent bien le sujet !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Selon que vous êtes certifié ou agrégé, une même heure de cours de lettres devant les mêmes élèves n'est pas payée de la même manière. Voilà la réalité !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Un agrégé travaille moins qu'un certifié !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Puisque cela s'applique à des agents statutaires, a fortiori, cela s'applique également à des agents contractuels.

M. Christian Estrosi, ministre délégué. L'heure d'enseignement du vacataire est forcément moins bien payée que celle du professeur titulaire.

Pour en revenir, après les enseignants, à l'exemple des médecins hospitaliers que vous avez cité, il faut rappeler que les médecins ayant un diplôme délivré hors de l'Union européenne sont recrutés par les hôpitaux comme assistants associés ou praticiens attachés associés. Il ne s'agit donc pas d'un statut « de plein droit », identique à celui des diplômés des facultés de médecine françaises. Ces médecins ne peuvent donc exercer pleinement en France : ils travaillent dans des établissements publics de santé, sous la responsabilité directe d'un médecin, dit « médecin senior ». Et c'est bien ce dernier, et non le médecin étranger, qui, en cas d'accident, engage sa propre responsabilité.

La prise en compte de cette distinction importante dans l'exercice de la responsabilité médicale aboutit à des différences non seulement dans la rémunération des permanents sur place la nuit, les dimanches et les jours fériés, mais aussi dans l'indemnisation du temps de travail additionnel, de jour comme de nuit. Ainsi, pour une garde, l'indemnité de sujétion d'un attaché de plein exercice s'élève à 256 euros, tandis qu'elle est de 210 euros pour un attaché associé.

En revanche, depuis la création, en août 2003, par le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, du statut de praticien attaché et de praticien attaché associé, ce dernier bénéficie d'une rémunération de base et d'un déroulement de carrière identiques à ceux du praticien attaché de plein exercice. En outre, le dispositif défini dans la loi du 27 juillet 1999, qui a été adoptée sous le gouvernement de Lionel Jospin, a bien été appliqué : un concours a permis à des médecins titulaires de diplômes extra-européens d'accéder au plein exercice de la médecine ; c'est ainsi que 200 postes ont été mis au concours en 2004, et 700 en 2005.

Telles sont les raisons, monsieur le rapporteur, qui me conduisent bien évidemment à émettre, au nom du Gouvernement, un avis défavorable sur cet amendement. Ce qui se passe dans le service public hospitalier est également observé dans d'autres services publics de notre pays.

Monsieur Domeizel, vous avez affirmé connaître, par anticipation, la teneur de ma réponse, à savoir qu'une telle situation n'était pas nouvelle.

M. Claude Domeizel. Absolument !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Je ne sais pas comment vous avez pu raisonner ainsi ! (Sourires.)

M. Claude Domeizel. Par rapport aux réponses que vous avez données précédemment !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Je vous le redis, cette situation n'est effectivement pas nouvelle. On se demande d'ailleurs pourquoi vos amis n'ont pas proposé de réforme avant ! Puisque vous reconnaissez vous-même que cette situation n'est pas nouvelle, pour quelles raisons la gauche, quand elle gouvernait, n'a-t-elle pas inscrit dans la loi la mesure que vous proposez dans cet amendement ? (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Or, tout à coup, l'actuel gouvernement devrait faire ce que vous n'avez pas su faire !

En définitive, mesdames, messieurs les sénateurs de l'opposition, non seulement cette situation n'est pas nouvelle, mais elle s'est en plus amplifiée. Comme toujours lorsque vous êtes au pouvoir et que vous réformez, vous n'anticipez jamais sur les conséquences des lois que vous faites voter !

MM. Pierre-Yves Collombat et Bernard Frimat. Comme vous pour le CPE !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Ainsi, lorsque vous avez prévu le passage aux 35 heures dans le service public hospitalier, en avez-vous réellement anticipé les conséquences pour l'hôpital public dans notre pays ?

M. Pierre-Yves Collombat. Rhétorique creuse !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Dans la nuit du 31 décembre 2001 au 1er janvier 2002, il a subitement perdu 20 % de ses effectifs ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Christian Estrosi, ministre délégué. En fait, vous n'avez rien anticipé du tout. Quel que soit le niveau du numerus clausus, que notre majorité a d'ailleurs augmenté, vous avez oublié qu'il fallait au moins sept ans pour pouvoir former un médecin titulaire dans les facultés de notre pays. Cela ne se fait pas en une nuit, ou même en un jour, comme vous semblez le croire !

M. Bernard Frimat. Revenons au débat !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. En réalité, la situation actuelle de la médecine française et le recours contraint à des assistants étrangers ne sont que les conséquences de votre politique. En aucun cas cet amendement ne se justifie. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Bernard Frimat. Cela n'a rien à voir !

M. le président. La parole est à Mme Monique  Cerisier-ben Guiga, pour explication de vote.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Monsieur le ministre, le problème, c'est que les Français veulent être bien soignés et pouvoir être reçus dans des services d'urgence ouverts en permanence et comptant suffisamment de médecins. Or, en France, nous avons mené pendant longtemps une politique beaucoup trop restrictive de recrutement dans ce domaine, conformément d'ailleurs aux orientations du Conseil national de l'ordre des médecins, qui a tendance à dépasser quelque peu ses attributions et à faire la loi au ministère de la santé ! (Murmures sur les travées de l'UMP.)

Si vous demandez aux responsables du service public de la santé dans les départements et les régions ce qu'il adviendrait en l'absence de ces 7 000 médecins étrangers, ils auraient la même réponse : il faudrait fermer les services d'urgence, y compris à Paris, ainsi que des services entiers dans les hôpitaux régionaux.

Je tiens à le rappeler, cette immigration de médecins a été une immigration « choisie » : tous ont passé des concours dans nos postes diplomatiques à partir des années quatre-vingt-dix, pour venir exercer leurs spécialités en France et remplacer les internes français que le numerus clausus des études médicales a raréfié. À l'époque en effet, on se figurait, à tort, que la diminution du nombre des médecins entraînerait une diminution de l'offre et, donc, de la dépense de santé.

M. Paul Blanc. C'est vous qui l'avez dit !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. C'est une erreur qui a été bien partagée.

M. Jean-Patrick Courtois. Non, les 35 heures, ce n'est pas nous !

M. Bernard Frimat. Vous avez fait pire !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Ces médecins étrangers ont fait fonction d'internes et ont passé un concours de spécialité de même niveau que celui de leurs collègues français. Malgré tout, cela ne leur a pas donné le droit d'exercer pleinement en France.

Pire, ceux qui étaient de nationalité française et qui avaient fait leurs études à l'étranger, par exemple les Français d'Algérie repliés en 1994, se sont trouvés pris au même piège.

On a réglé le problème depuis quelques années en interdisant aux étudiants des facultés étrangères l'accès à l'activité de «  faisant fonction d'interne » s'ils ont la nationalité française. Les jeunes Français que nous représentons et qui ont le malheur d'avoir commencé leurs études de médecine à l'étranger ne peuvent pas faire fonction d'interne en France ; cette possibilité leur est refusée au motif qu'ils sont Français.

J'ajoute que même ceux qui ont réussi le certificat de synthèse clinique et thérapeutique n'ont souvent pas reçu le droit d'exercer, parfois plusieurs années après leur succès, le ministre de la santé ayant le pouvoir discrétionnaire de délivrer cette autorisation.

Il me semble, monsieur le ministre, que vous n'avez pas entendu parler de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, la HALDE.

Or, cette dernière a saisi le Gouvernement, le 27 février 2006, en ces termes : « C'est dans l'exploitation qui est faite de leur absence de statut, alors même que leurs responsabilités concrètes sont identiques, que la discrimination à leur égard trouve sa source. »

La HALDE a donné un délai de quatre mois au Gouvernement pour prendre des mesures afin de faire cesser cette discrimination « notamment en terme de rémunération ». Ce délai expire dans deux semaines : notre Haute Assemblée pourrait tout de même être informée, à ce stade du débat, des pistes envisagées pour rétablir l'égalité entre médecins dans le cadre de cette immigration choisie.

M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari.

Mme Bariza Khiari. Monsieur le ministre, je voudrais tout de même vous rappeler que la gauche a la volonté de résorber ces discriminations envers les médecins à diplôme extracommunautaire. En effet, c'est elle qui a ouvert un concours permettant d'égaliser leur situation qui, comme cela a été rappelé, est soumise à une autorisation discrétionnaire du ministre de la santé.

En cas de succès, ils pouvaient être inscrits à l'Ordre des médecins et exercer une profession libérale. Cela a permis de régulariser ou d'égaliser la situation d'un nombre considérable de médecins.

Toutefois, depuis quatre ans, des recrutements s'opèrent dans les hôpitaux et vous savez comme moi, monsieur le ministre, que ces médecins servent de variable d'ajustement aux budgets desdits hôpitaux.

Quitte à vous contrarier, je vais apporter des éléments, indiquant que ces médecins ne travaillent pas réellement sous l'autorité d'un médecin-chef.

Mme Bariza Khiari. Dans la délibération de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, son président, M. Schweitzer, dont l'avis est tout à fait objectif, ...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. De votre point de vue !

Mme Bariza Khiari. ...précise : « Ces recrutements de praticiens à titre extracommunautaire sont liés à l'insuffisance du nombre de praticiens formés en France du fait du numerus clausus pour les études de médecine.

« L'absence de responsabilité juridique liée à la qualité de praticien associé n'est que théorique, les médecins à diplôme étranger exerçant en réalité des fonctions analogues aux praticiens hospitaliers, de manière tout à fait autonome.

« C'est dans l'exploitation qui est faite de leur absence de statut, alors même que leurs responsabilités concrètes sont identiques, que la discrimination à leur égard trouve sa source. Celle-ci s'opère à raison de l'origine, dans l'accès à l'emploi et dans l'emploi. »

C'est la raison pour laquelle, par cet amendement, monsieur le ministre, vous avez la possibilité de rétablir une forme de justice puisque, de toute façon, dans deux semaines au plus tard, le ministre de la santé sera obligé de prendre des dispositions pour faire suite à l'avis du président de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité ou, du moins, de s'en expliquer avec lui.

M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel.

M. Claude Domeizel. Monsieur le ministre, vous avez fait référence à la fonction publique, dont je n'ai nullement fait mention dans mon propos : je crois d'ailleurs savoir que les médecins hospitaliers n'en font pas partie, même s'ils assurent une mission de service public.

La question qui se pose est de savoir s'ils assument les mêmes fonctions et dans des conditions identiques. Vous me répondez par la négative, sous prétexte qu'il s'agit de médecins associés à des médecins seniors. En réalité, c'est faux, car le contrôle et l'autorité sous lesquels ils sont censés travailler sont fictifs.

Comme l'ont rappelé Monique Cerisier-ben Guiga et Bariza Khiari, l'amendement que j'ai présenté avec les membres de mon groupe ne fait qu'aller dans le sens des recommandations de la HALDE. Mieux vaudrait les suivre avec quelques jours d'avance en l'adoptant : vous donneriez ainsi satisfaction à cette Haute autorité que vous avez créée.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 167 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article additionnel après l'article 13 bis
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Article 15

Article 14

L'article L. 341-6 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État, l'employeur est tenu de s'assurer auprès des administrations territorialement compétentes de l'existence du titre autorisant l'étranger à exercer une activité salariée en France, sauf si cet étranger est inscrit sur la liste des demandeurs d'emploi tenue par l'Agence nationale pour l'emploi. »

M. le président. L'amendement n° 168, présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et  M. André, MM. Assouline,  Badinter,  Bel et  Bockel, Mmes Boumediene-Thiery et  Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et  C. Gautier, Mmes Khiari et  Le Texier, MM. Mahéas,  Mermaz,  Peyronnet et  Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

 

La parole est à M. Bernard Frimat.

M. Bernard Frimat. L'article 14 du projet de loi s'est trouvé quelque peu assoupli par un amendement de l'Assemblée nationale. En effet, alors que le texte initial chargeait l'employeur de s'assurer auprès des administrations territorialement compétentes de la validité du titre autorisant l'étranger à exercer une activité salariée, après son passage à l'Assemblée nationale, il ne lui est plus demandé que de vérifier l'existence dudit titre.

Pensez-vous que ce soit véritablement le travail de l'employeur ?

J'ai cru vous entendre souvent invoquer - soit dit en toute amitié, j'ignore ce qu'en pense M. Fourcade - la nécessité de ne pas imposer aux employeurs, qui avaient autres chose à faire, un surcroît de formalités administratives dont ils pouvaient se dispenser et donc, pour reprendre les termes d'un ancien Premier ministre, de « libérer les énergies ».

Or, en l'occurrence, vous chargez ni plus ni moins les employeurs d'une démarche auprès des administrations compétentes pour s'assurer qu'ils peuvent employer le travailleur qu'ils entendent embaucher.

Ne considérez-vous pas qu'il serait logique d'inverser la charge de la preuve en demandant au travailleur étranger de présenter le document lui permettant de travailler à son employeur potentiel pour que dernier puisse s'assurer de son existence sans avoir à le faire auprès des autorités administrativement compétentes ?

Dès lors que nous sommes favorables à la lutte contre le travail illégal - comme vous l'avez si parfaitement compris, monsieur le ministre ! - nous pouvons très bien admettre que l'on demande à l'employeur de faire l'effort de vérifier que le travailleur étranger est détenteur d'un document administratif, quelle qu'en soit la nature, l'autorisant à travailler, mais ne le contraignez pas à entreprendre cette démarche auprès de l'administration. Ce faisant, vous alourdissez les formalités.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable considérant que, toujours dans la logique de lutte contre le travail illégal, l'employeur pourra ainsi vérifier auprès de l'administration si la personne qui se présente devant lui est bien titulaire de son titre.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Le groupe socialiste nous reproche d'alourdir la responsabilité et d'augmenter les contraintes des chefs d'entreprise.

Franchement, monsieur Frimat, de votre part, je trouve la chose assez piquante ! Est-il anormal d'exiger d'un employeur qu'il vérifie si le ressortissant étranger qu'il emploie est détenteur d'une autorisation de séjour et, à plus forte raison, d'une autorisation de travail ?

Je ne comprends pas par quel égarement vous pouvez vous y opposer ! Le Gouvernement, même si tel n'est pas votre cas, entend bien lutter avec détermination contre toute embauche de ressortissant étranger qui ne disposerait pas d'une autorisation de travail.

Vous aurez sans doute relevé, dans le Journal Officiel du 6 juin dernier, la publication d'un décret précisant les conditions dans lesquelles les employeurs de travailleurs étrangers illégaux devront participer financièrement aux frais de réacheminement de ces étrangers vers leur pays d'origine.

Il prouve, même si vous la contestez, la force de nos convictions et témoigne de notre détermination à lutter contre les esclavagistes. Je regrette que cette détermination ne fasse pas l'unanimité de la Haute Assemblée.

M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, pour explication de vote.

Mme Bariza Khiari. Monsieur le ministre, nous allons vous répéter, chaque fois que cela se révélera nécessaire, qu'il est important de lutter contre le travail illégal qui, dans sa version la plus extrême, à savoir le travail clandestin, peut prendre la forme d'un esclavage moderne particulièrement insupportable. Nous allons devoir le répéter, puisque vous ne semblez pas l'avoir entendu !

L'existence du travail clandestin, d'une part maintient dans la précarité et exclut du bénéfice des droits essentiels un grand nombre de travailleurs, et d'autre part se traduit par un manque à gagner en matière de paiement des charges sociales.

C'est la raison pour laquelle il faut cibler avec fermeté ceux qui le mettent en oeuvre, c'est-à-dire tous ceux qui instrumentalisent la situation de faiblesse des plus précaires des étrangers présents sur notre sol.

Il convient, bien sûr, que les employeurs sachent qu'en cas d'embauche illégale ils seront tenus pour responsables. Il leur incombe, en effet, de demander aux travailleurs qu'ils comptent embaucher de leur fournir les pièces attestant qu'ils sont autorisés à exercer une activité salariale en France.

L'article 14 que vous voulez ajouter à notre législation ne me semble pas, pour le coup, approprié.

C'est la méfiance que vous voulez généraliser comme principe de relations du travail : pourquoi partir du présupposé que les pièces fournies par le candidat à l'embauche seront fausses ? Alors que vous stigmatisez sans cesse la prétendue lourdeur des procédures administratives dans notre pays, vous voulez en rajouter une, qui n'a vraiment pas lieu d'être. Cet article, à mon sens, n'apportera rien en la matière, si ce n'est un peu plus de défiance à l'égard des étrangers qui postulent pour un emploi en France.

Pourtant, monsieur le ministre, vous en conviendrez, trouver un emploi est bien la meilleure manière de s'intégrer dans notre pays. Instaurer un climat de suspicion n'est pas, selon moi, la meilleure formule dans un texte qui prétend contenir le terme «  intégration » dans son intitulé.

M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.

M. Bernard Frimat. Monsieur le ministre, c'est un choix de votre part, et je le prends comme tel, que de ne pas répondre à nos argumentaires. J'en prends acte, mais cela va réduire considérablement l'intérêt du débat ! Selon moi, en effet, un débat parlementaire consiste à développer des arguments et à y répondre.

Vous aurez beau faire les pieds au mur et toutes sortes de pirouettes pour nous prouver que nous sommes pour le travail illégal, cela restera faux : nous l'avons dit, nous l'avons démontré, nous l'avons prouvé !

Vous pouvez faire des effets de manches, cela vous regarde, mais j'ai compris quelle était votre technique et je sais que vous ne nous répondrez pas.

Le rapporteur ne m'a pas davantage répondu.

Nous vous disons clairement que le fait que l'employeur contrôle si le travailleur étranger a le droit de travailler ne nous choque pas. J'ai essayé d'employer des mots simples, de faire des phrases courtes pour être compris.

Une fois ce point posé, nous estimons qu'il est trop lourd de dire que c'est à l'employeur qu'il appartiendra d'aller contrôler la situation auprès de l'autorité administrative.

L'étranger postulant à un emploi est détenteur d'un titre qu'on peut lui réclamer dans différentes situations, notamment au cours de contrôles où il devra justifier de sa légitimité. Ne pensez-vous pas que l'employeur lorsqu'il aura vérifié l'existence d'un tel titre aura rempli son rôle d'employeur pour éviter d'embaucher des travailleurs en situation illégale ?

Vous n'avez à pas à le contraindre systématiquement à aller vérifier l'existence de cette autorisation auprès des services étrangers qui sont surchargés, sauf, comme le dit très bien Bariza Khiari, à présupposer la fraude, à retourner dans votre obsession qui vous incite à penser que, tous les titres présentés étant faux, il est préférable de puiser les informations à la source.

Nous ne comprenons pas ce qu'apporte l'article 14. L'interdiction d'employer des travailleurs étrangers ne disposant pas du titre leur permettant d'exercer une activité salariée en France figure déjà dans l'actuel article L. 341-6 du code du travail, disposition que nous ne remettons pas en cause. Nous contestons uniquement l'ajout du Gouvernement tendant à obliger l'employeur à vérifier le titre de séjour de l'étranger qu'il envisage d'embaucher auprès de l'administration, même si l'Assemblée nationale, devant l'énormité de ce qui est demandé, a simplement prévu que l'employeur devait s'assurer non plus de la validité mais de l'existence du titre en question.

Nous, nous voulons « descendre une marche ». Nous souhaitons que l'employeur soit simplement chargé de constater la présentation d'un titre au moment de l'embauche. Ultérieurement, le contrôle n'est plus de son ressort.

Monsieur le ministre, sachez que je n'attends pas de réponse !

M. le président. La parole est à M. Éric Doligé, pour explication de vote.

M. Éric Doligé. Ce texte instaure une sécurité pour ceux qui passent des marchés dans les collectivités.

M. Bernard Frimat. Il s'agit d'un autre article !

M. Éric Doligé. Mes chers collègues, je veux vous rappeler que lorsque vous passez un marché relatif à une salle des fêtes ou à un collège, par exemple, si d'aventure l'une des entreprises avec laquelle vous avez traité emploie des salariés dans des conditions illégales, vous êtes responsables et vous pouvez être poursuivis.

Cet article nous permet donc d'avoir une sécurité supplémentaire, ce qui est souhaitable.

M. Bernard Frimat. Il s'agit d'un autre article !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. D'aucuns disent que je n'ai pas répondu. C'est pourquoi je souhaite prendre la parole en cet instant.

Monsieur Frimat, le dispositif que vous souhaitez, selon lequel l'étranger arrivant en France présenterait l'ensemble des documents qu'il doit produire, introduirait certes une certaine souplesse et l'on pourrait y souscrire.

Cependant, le dispositif mis en place vise à lutter contre le travail clandestin. Or, jusqu'à présent, l'employeur ne peut pas vérifier la validité des documents présentés. Dans cette logique de lutte contre le travail clandestin, il faut à tout prix que l'employeur obtienne une information sûre.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 168.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 14.

(L'article 14 est adopté.)

Article 14
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Article 15 bis

Article 15

L'article L. 341-6-4 du code du travail est ainsi modifié :

1° Dans le premier alinéa, après les mots : « acte de commerce, », sont insérés les mots : « et tous les six mois jusqu'à la fin de l'exécution dudit contrat, » ;

1° bis   Le premier alinéa est complété par les mots : « et de la contribution forfaitaire prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile » ;

2° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :

« Le particulier qui conclut pour son usage personnel, celui de son conjoint, de ses ascendants ou descendants un contrat dont l'objet porte sur une obligation d'un montant au moins égal à 3 000 € est soumis aux dispositions de l'alinéa précédent lors de la conclusion de ce contrat. »  - (Adopté.)

Article 15
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Article 15 ter

Article 15 bis

Après l'article L. 325-2 du code du travail, il est inséré un article L. 325-2-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 325-2-1. - Lorsqu'ils ne relèvent pas des services de la police ou de la gendarmerie nationales, les agents de contrôle mentionnés à l'article L. 325-1 peuvent solliciter des interprètes assermentés inscrits sur l'une des listes prévues à l'article 157 du code de procédure pénale, en tant que de besoin, pour le contrôle de la réglementation sur la main-d'oeuvre étrangère et le détachement transnational de travailleurs. » - (Adopté.)

Article 15 bis
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Article additionnel après l'article 15 ter

Article 15 ter

Après le premier alinéa de l'article L. 341-7 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« En cas de récidive de l'employeur mentionné ci-dessus, le montant minimum de la contribution spéciale qu'il devra acquitter ne pourra être inférieur à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti. »

M. le président. L'amendement n° 29, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit cet article :

La dernière phrase du premier alinéa de l'article L. 341-7 du code du travail est ainsi rédigée :

« Le montant de cette contribution spéciale ne saurait être inférieur à 500 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 141-8 et, en cas de réitération, à 5.000 fois ce même taux.»

La parole est à M. le rapporteur.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. C'est un amendement purement rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 29.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'article 15 ter est ainsi rédigé.

Article 15 ter
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Articles 16 à 22 et articles additionnels après l'article 22 (réservés)

Article additionnel après l'article 15 ter

M. le président. L'amendement n° 140 rectifié, présenté par MM. Goujon,  Karoutchi et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Après l'article 15 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le chapitre II du titre II du livre Ier du code de commerce est ainsi rédigé :

« Chapitre II

« Des commerçants étrangers

« Art. L. 122-1. - Un étranger qui exerce sur le territoire français, sans y résider, une profession commerciale, industrielle ou artisanale, dans des conditions rendant nécessaire son inscription ou sa mention au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers, doit en faire la déclaration au préfet du département dans lequel il envisage d'exercer pour la première fois son activité dans les conditions définies par décret.

« Les ressortissants des États membres de l'Union européenne, des autres États parties à l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse sont dispensés de l'obligation de déclaration prévue au premier alinéa. »

« Art. L. 122-2. - Toute infraction aux prescriptions de l'article L. 122-1 et à celles du décret d'application qu'il prévoit est punie d'un emprisonnement de six mois et d'une amende de 3 750 euros. En cas de récidive, les peines sont portées au double. Le tribunal peut, en outre, ordonner la fermeture de l'établissement. »

La parole est à M. Philippe Goujon.

M. Philippe Goujon. Par cet amendement, nous proposons une nouvelle rédaction de l'article L. 122-1 du code de commerce relatif aux commerçants étrangers et une mise en cohérence des dispositions du code de commerce avec celles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En effet, les conditions d'obtention d'une autorisation d'exercice de la profession de commerçant pour les étrangers souhaitant s'établir sur le territoire national sont désormais insérées dans le second code. C'est la raison pour laquelle nous proposons de modifier le code de commerce afin de supprimer le régime d'autorisation préalable en ne conservant une déclaration en préfecture que pour les seuls commerçants étrangers non-résidents.

La dérogation au régime de droit commun en faveur des ressortissants européens, telle qu'elle est prévue par l'article L. 122-3 actuel du code susvisé, est reprise au deuxième alinéa de l'article L. 122-1 nouveau.

L'article L. 122-2 du code de commerce est modifié en conséquence afin de maintenir les sanctions qu'il prévoit à l'égard des commerçants non-résidents.

Enfin, la réécriture de l'ensemble du chapitre II du code de commerce ne reprenant pas les articles L. 122-3 et L. 122-4, ces textes se trouvent, de fait, abrogés.

Les modalités d'application des mesures relatives aux commerçants non-résidents devront désormais relever d'un décret prévu à l'article L. 122-1.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Cet amendement vise à simplifier les procédures d'autorisation pour les commerçants étrangers qui ne résident pas en France. La commission émet donc un avis favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Monsieur le sénateur, je vous remercie de compléter utilement un amendement proposé par M. Novelli à l'Assemblée nationale.

Le Gouvernement émet un avis favorable, d'autant qu'il s'agit de concilier la nécessité d'encourager la création d'entreprises en France avec la volonté du Gouvernement de contrôler la nature de ces investissements, de manière à lutter contre les filières de blanchiment d'argent, notamment.

M. le président. La parole est à M. Patrice Gélard, pour explication de vote.

M. Patrice Gélard. Monsieur le président, il me semble que cet amendement devrait être complété ; il doit être précisé que les articles L. 122-3 et L. 122-4 du code de commerce sont abrogés, faute de quoi ces textes risqueraient de survivre.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Monsieur Gélard, c'est l'ensemble du chapitre II que l'amendement n° 140 rectifié tend à rédiger différemment.

Par conséquent, les articles que vous visez et qui, certes, ne sont pas cités expressément, deviennent sans objet. C'est clair et suffisant.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 140 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 15 ter.

Article additionnel après l'article 15 ter
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration
Articles additionnels avant l'article 23 ou avant l'article 60 ter

Articles 16 à 22 et articles additionnels après l'article 22 (réservés)

M. le Président. Mes chers collègues, je vous rappelle que les articles 16 à 22 et les articles additionnels après l'article 22 ont été précédemment réservés.

TITRE II

DISPOSITIONS RELATIVES À L'IMMIGRATION POUR DES MOTIFS DE VIE PRIVÉE ET FAMILIALE

Chapitre 1er

Dispositions générales

Articles 16 à 22 et articles additionnels après l'article 22 (réservés)
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Article 23

Articles additionnels avant l'article 23 ou avant l'article 60 ter

M. le président. L'amendement n° 136 rectifié, présenté par MM. Milon et  Lecerf, est ainsi libellé :

Avant l'article 23, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le deuxième alinéa de l'article 370-3 du code civil est supprimé.

La parole est à M. Alain Milon.

M. Alain Milon. La France a ratifié la convention de New York du 20 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant, dont l'article 3 dispose : « Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, [...] l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ».

Cette même convention prévoit, en son article 20, que « tout enfant qui est temporairement ou définitivement privé de son milieu familial, ou qui dans son propre intérêt ne peut être laissé dans ce milieu, a droit à une protection et une aide spéciales de l'État. [...] Cette protection de remplacement peut notamment avoir la forme du placement dans une famille, de la kafalah de droit islamique, de l'adoption ou, en cas de nécessité, du placement dans un établissement pour enfants approprié. Dans le choix de ces solutions, il est dûment tenu compte de la nécessité d'une certaine continuité dans l'éducation de l'enfant, ainsi que de son origine ethnique, religieuse, culturelle et linguistique. »

Notre attention a été attirée sur la situation dramatique des enfants nés dans des pays de droit islamique, particulièrement en Algérie et au Maroc, privés de leur milieu familial, recueillis par nos concitoyens, généralement de même origine, dans le cadre d'une kafalah judicaire et qui ont été autorisés par les autorités de leur pays de naissance à le quitter pour bénéficier de la protection de remplacement de la kafalah.

Le droit de la filiation de ces mêmes pays interdit le plus souvent à ces enfants privés de famille d'avoir une filiation vis-à-vis de leurs parents d'origine lorsqu'ils sont nés hors mariage et, en outre, d'avoir des parents adoptifs dans leur pays de naissance.

La loi du 6 février 2001, relative à l'adoption internationale, a posé dans le code civil le principe de l'interdiction, pour un juge français, de prononcer l'adoption des enfants étrangers dont la loi personnelle interdit l'adoption. Cette disposition prohibitive n'est pas justifiée, puisque la même loi pose le principe que l'adoption d'un enfant étranger requiert le consentement du représentant légal de l'enfant, éclairé sur les conséquences de l'adoption.

Avant l'entrée en vigueur de ladite loi, les juridictions françaises, au premier chef desquelles la Cour de cassation, avaient élaboré une jurisprudence que l'on peut qualifier de « bienveillante », dans le souci de l'intérêt supérieur de l'enfant, en examinant la situation au cas par cas.

Depuis 2001, les enfants accueillis par des familles françaises sous le régime de la kafalah ne peuvent plus être adoptés par ces familles et ne bénéficient pas d'un statut juridique reconnu. Cette insécurité est source d'angoisses profondes pour ces enfants et leurs protecteurs, choisis en cette qualité par les autorités des pays de naissance et qui se considèrent comme leurs parents.

La loi du 6 février 2001 a également favorisé des pratiques très diverses en ce qui concerne la délivrance des visas d'entrée et des autorisations de séjour pour les enfants recueillis régulièrement en kafalah judiciaire par nos concitoyens.

Cependant, le Conseil d'État, saisi à plusieurs reprises de recours contre des décisions de refus d'autorisation d'entrer en France sollicitée au bénéfice d'un enfant recueilli en kafalah dans le cadre de la procédure du regroupement familial, a annulé ces refus en affirmant, au vu de la convention internationale des droits de l'enfant et de la convention européenne des droits de l'homme, que « l'enfant pouvant bénéficier du regroupement familial est l'enfant légitime ou naturel ayant une filiation légalement établie ainsi que l'enfant adopté ».

Par ailleurs, la loi du 26 novembre 2003 a institué une période de probation de cinq ans pour l'enfant recueilli en France et élevé par une personne de nationalité française et de trois ans pour l'enfant confié au service de l'aide sociale à l'enfance, avant de pouvoir réclamer la nationalité française. Auparavant, cette possibilité était donnée à ces enfants, dont bien entendu ceux qui étaient recueillis en kafalah, dès lors qu'ils résidaient en France et sans condition de durée de recueil dans notre pays.

La situation des enfants concernés n'en est devenue que plus précaire. Ce n'est qu'après cinq années de vie familiale en France que ceux qu'ils appellent « papa » et « maman » peuvent engager pour eux les démarches afin de leur faire acquérir la nationalité française par déclaration, nationalité qui leur permettra d'engager ensuite des démarches d'adoption.

Le projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration a pour objet, je le rappelle, de favoriser l'entrée et le séjour en France des personnes étrangères auxquelles la France peut offrir des conditions de vie normales, un emploi, un logement. Pour ce qui concerne les enfants définitivement privés de famille dans leur pays et recueillis par des Français, notre pays est en mesure de leur offrir une famille, au sein de laquelle ils pourront trouver l'affection, la sécurité, et bénéficier de la protection et de l'éducation nécessaires à leur épanouissement.

« Chacun d'entre nous peut porter témoignage que parfois sa famille vient de loin et ce n'est pas parce que sa famille vient de loin que l'on aime moins la France », a dit Nicolas Sarkozy.

Pour toutes ces raisons, monsieur le président, mes chers collègues, je vous propose d'adopter l'amendement n° 136 rectifié, qui tend à supprimer le deuxième alinéa de l'article. 370-3 du code civil.

M. le président. Mon cher collègue, je vous ai laissé dépasser votre temps de parole, pensant que vous défendiez, outre l'amendement n° 136 rectifié, l'amendement n° 137 rectifié, qui est un amendement de repli.

M. Alain Milon. Vous avez tout à fait raison, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 440, présenté par Mmes Assassi,  Borvo Cohen-Seat,  Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Avant l'article 60 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le deuxième alinéa de l'article 370-3 du code civil est supprimé.

La parole est à M. Robert Bret.

M. Robert Bret. Cet amendement est semblable à celui que vient de présenter M. Milon, dont je partage d'ailleurs les arguments.

Depuis 2001, la France s'interdit d'accepter sur son territoire, dans le cadre de la procédure d'adoption, les enfants étrangers dont la loi de leur pays de naissance prohibe l'adoption.

Dans son rapport annuel pour 2004, la Défenseure des enfants, Mme Claire Brisset, dénonce cet état de fait en ces termes : « Il s'agit d'un véritable recul dans la prise en compte de l'intérêt de ces enfants, pour lesquels la jurisprudence antérieure de la Cour de cassation ouvrait cette possibilité. »

La situation actuelle fait de ces enfants, qui ne sont pas adoptables tout en étant abandonnés, des enfants au « milieu du gué », pour reprendre une expression utilisée en 1996 par le professeur Jean-François Mattei, ancien ministre et actuel président de la Croix-Rouge française, dans son rapport établi au nom de la commission spéciale de l'Assemblée nationale.

L'objet de l'amendement n° 440 est de mettre fin à cette discrimination et de permettre à l'enfant recueilli en kafalah judiciaire par une personne de nationalité française d'avoir un lien de filiation avec ses parents de coeur, ses parents pour la vie.

Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, nous vous demandons de supprimer le deuxième alinéa de l'article 370-3 du code civil. L'adoption de cet amendement représenterait une avancée significative.

M. le président. L'amendement n° 137 rectifié, présenté par MM. Milon et  Lecerf, est ainsi libellé :

Avant l'article 23, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le deuxième alinéa de l'article 370-3 du code civil est complété par les mots : « ou s'il a acquis la nationalité française par déclaration de nationalité ».

Cet amendement a déjà été défendu.

Quel est l'avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Je rappelle que l'amendement n° 136 rectifié vise à supprimer la différenciation actuellement opérée par le code civil en matière d'adoption internationale entre les mineurs étrangers qui résident en France selon que la loi de leur pays d'origine interdit ou autorise cette institution.

L'amendement n° 137 rectifié, quant à lui, tend à préciser que l'adoption d'un mineur étranger ne peut être prononcée si la loi de son pays d'origine prohibe cette institution, sauf « s'il a acquis la nationalité française par déclaration de nationalité ».

L'amendement n° 440 est rédigé dans le même esprit.

La commission a émis un avis défavorable sur ces trois amendements, considérant que les points soulevés, qui sont délicats et importants, ne relèvent pas directement du texte et que, par ailleurs, ils entraîneraient incontestablement une modification du droit international.

M. Robert Bret. C'est justement le contraire : ils visent à nous mettre en conformité avec le droit international !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Monsieur Milon, je comprends votre préoccupation, que vous avez d'ailleurs exprimée de manière très claire : la situation de certains enfants présents en France au titre de ce mécanisme de droit coranique qu'est la kafalah n'est souvent pas satisfaisante. Vous soulevez là, comme M. Bret, d'ailleurs, un point vraiment important.

Qu'est-ce que la kafalah ? C'est un acte en vigueur dans certains pays de tradition musulmane de transfert de l'autorité parentale à un tiers, qui n'emporte jamais rupture de filiation entre les parents biologiques et l'enfant. Ce n'est donc en aucun cas une adoption.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On est d'accord !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Ces enfants présents en France sont dans une situation très incertaine, qui découle des législations des pays de droit musulman.

La question majeure pour nous est de savoir si la kafalah a, oui ou non, un effet sur l'admission au séjour en France de l'enfant placé sous cette sorte de tutelle.

Il faut distinguer deux cas très différents.

Un accord franco-algérien nous impose d'admettre au regroupement familial, dans les mêmes conditions que les enfants biologiques, les enfants reconnus par un acte de kafalah judiciaire.

En revanche, d'autres types de kafalah, notamment ceux du Maroc, des Comores, de l'Égypte ou de la Mauritanie, ne produisent aucun effet direct sur le droit au séjour en France de ces enfants. La loi française s'applique donc pleinement.

Le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne reconnaît pas la kafalah. Il n'est pas question pour nous de mettre en place des mécanismes qui créeraient de nouvelles filières et donneraient à la kafalah une sorte de reconnaissance s'agissant du droit au séjour en France.

Le Gouvernement craint précisément que les amendements proposés n'aient cet effet pervers. Je vous demande donc, monsieur Milon, monsieur Bret, de bien vouloir les retirer. En contrepartie, je m'engage solennellement à ce que le Gouvernement instaure sans délai un groupe de travail, auquel vous serez bien entendu invités à participer.

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Absolument ! Cette invitation s'adresse aussi bien à M. Milon qu'à M. Bret.

Ce groupe de travail sera chargé d'examiner comment la situation des enfants présents en France au titre de la kafalah peut être améliorée, ce en association, d'ailleurs, avec M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, M. le garde des sceaux, ministre de la justice, M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille, et, enfin, M. le ministre des affaires étrangères, pour aborder à la fois les questions d'adoption et de séjour.

Il aura pour objectif - ce que je vous annonce là, au nom de M. Nicolas Sarkozy, est un engagement précis et ferme du Gouvernement - une concertation avec les principaux pays concernés, la réalisation d'un audit de la situation sociale des enfants présents en France et, en fonction de cela, une étude d'une éventuelle évolution de notre législation.

M. le président. Monsieur Alain Milon, les amendements n°s 136 rectifié et 137 rectifié sont-ils maintenus ?

M. Alain Milon. M. le ministre me connaît bien : nous avons travaillé ensemble pendant des années au sein du conseil régional de Provence-Alpes-Côte-d'Azur. Nous savons tous deux que la fidélité passe par la raison et qu'il faut parfois avoir raison contre son camp.

L'amendement n° 136 rectifié tendrait, en effet, à mettre en cause des accords internationaux. Je le retire donc, ce qui permettra au Gouvernement de tenir sa parole et de mettre en place une commission sur ce sujet.

L'amendement n° 137 rectifié est différent : il vise simplement à proposer aux enfants ayant acquis la nationalité française de pouvoir être adoptés même s'ils ont la double nationalité. Dès lors, je le maintiens.

M. le président. L'amendement n° 136 rectifié est retiré.

Monsieur Robert Bret, l'amendement n° 440 est-il maintenu ?

M. Robert Bret. Je le maintiens, monsieur le président.

Comme l'a précisé M. Milon, l'adoption de la loi du 26 novembre 2003 a mis fin à la possibilité de réclamer la nationalité française qui était jusqu'alors donnée à ces enfants dès lors qu'ils résidaient sur le sol français, possibilité qui n'était assortie d'aucune condition de durée.

Comme cela a été dit, aux termes de ladite loi ont été également mises en place des « périodes de stage » probatoires de cinq ans et de trois ans, selon les cas.

En raison de l'ensemble de ces dispositions, les familles françaises ayant accueilli des enfants en kafalah judiciaire subissent une discrimination intolérable, tout particulièrement les enfants eux-mêmes, d'ailleurs.

C'est donc la loi que vous avez votée en 2003, mes chers collègues de la majorité, qui rend la tâche si difficile pour les familles voulant adopter ces enfants.

L'examen du contexte international montre que la kafalah judiciaire, reconnue par les conventions internationales, est considérée par les autorités des pays d'origine et des pays d'accueil, y compris par des représentants de la France au Maroc et en Algérie, comme une procédure « structurée, encadrée et sécurisée ».

Enfin, je tiens à souligner que, en Europe, la France fait figure d'exception dans ce domaine : les principaux pays européens ont en effet voulu et su régler les différents aspects du recueil d'enfants en kafalah par leurs citoyens.

Tel est le cas de l'Espagne, de la Suisse et, tout récemment, de la Belgique, qui, par une loi en date du 6 décembre 2005, vient de modifier son code civil pour permettre l'entrée sur le territoire belge et l'adoption d'enfants « dont l'État d'origine ne connaît ni l'adoption ni le placement en vue d'adoption ».

Je maintiens cet amendement, estimant que, au-delà de la réflexion qui sera engagée par ce groupe de travail, nous avons la possibilité de prendre nos responsabilités de législateur dès aujourd'hui.

M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour explication de vote sur l'amendement n° 440.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Cette question de la kafalah est délicate car, dans les pays musulmans, en particulier au Maroc, elle a changé de nature.

En 1994, si ma mémoire est bonne, la France a adhéré à la convention de La Haye sur l'adoption internationale. À cette époque, j'avais déjà essayé, en qualité de rapporteur, d'obtenir que la kafalah soit assimilée à une adoption simple.

C'est en effet bien de cela qu'il s'agit : confier un enfant en kafalah à une famille revient à accorder à cette dernière la responsabilité parentale, à la seule différence près, avec le droit français de l'adoption plénière, que la filiation de l'enfant n'est pas modifiée.

Ce qui est interdit en droit musulman, c'est non pas l'adoption à proprement parler, mais le fait que l'on change la filiation de l'enfant.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Eh oui !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Dans la mesure où l'adoption simple ne modifie pas la filiation de l'enfant, elle est très proche d'une kafalah judiciaire.

Cependant, en 2001, la kafalah judiciaire n'existait pas au Maroc, et la kafalah adoulaire faite par des notaires y donnait lieu à des abus tout à fait contraires au droit des enfants : une petite fille adoptée dans ces conditions servait souvent, en réalité, de petite bonne. Il ne faut pas se voiler la face !

En revanche, depuis deux ans, la kafalah judiciaire a été instituée au Maroc, assortie de garanties relatives à la capacité d'accueil des familles, au fait que l'enfant est abandonné et que son tuteur légal connaît parfaitement les implications de la prononciation d'une kafalah judiciaire.

La position française me semble donc devoir changer.

Or, en pratique, c'est le contraire qui se passe dans les tribunaux.

En effet, pendant de longues années, les tribunaux ont accepté la transposition de la kafalah en adoption simple, quelquefois même en adoption plénière, et les enfants obtenaient alors le droit de séjour en France.

Les associations qui s'occupent de la kafalah et avec lesquelles je suis en contact m'informent que, depuis quelques années, les parquets ont reçu des ordres très fermes de la Chancellerie et font appel des jugements des tribunaux reconnaissant que cette kafalah est transposable en adoption simple ; ils interdisent donc aux enfants le séjour en France.

C'est la raison pour laquelle j'estime que l'amendement de M. Milon était justifié, alors qu'en 2001 je pensais qu'une telle mesure n'était pas possible, les conditions de la kafalah au Maroc étant alors trop incertaines - la souveraineté du Maroc ne pouvait être violée -, compte tenu des conditions de législation interne de ce pays à l'époque.

Aujourd'hui, la situation a changé et est équivalente à celle de l'Algérie, où la kafalah a vraiment valeur d'adoption simple.

L'amendement de M. Bret se justifie parfaitement et notre groupe le votera donc.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ce qu'a dit Mme Monique Cerisier-ben Guiga est extrêmement intéressant.

Je rappelle que, lors de la discussion de la loi de 2001, dont M. Béteille était le rapporteur, nous avions bien cerné les problèmes qui se posaient, et ils étaient nombreux.

Ma chère collègue, vous évoquez des cas particuliers, mais il est d'autres pays où lesdites mesures ne s'appliqueraient pas. Nous ne pouvons pas faire une loi pour chaque pays ! D'ailleurs, que penser d'un code civil qui ne pourrait pas durer plus de cinq ans ? La question est d'une telle complexité que nous ne saurions la trancher aujourd'hui à la légère.

Je vous rappelle que les dispositions de la loi de 2001 n'ont pas été prises innocemment, je m'en souviens très bien : elles ont été mûrement réfléchies, elles sont le fruit d'un travail très compliqué. Si elles ont paru à certains entraîner un recul, c'est parce qu'il existait des abus.

Il n'en demeure pas moins que la kafalah n'est pas une adoption. L'adoption ne peut être prononcée si la loi du pays d'origine de l'enfant prohibe cette institution. Je suis désolé de vous le dire, mais cette disposition votée en 2001 est inchangée, sauf si les institutions du Maroc, celles d'autres pays ou encore les conventions internationales permettent de ne pas l'appliquer.

D'ailleurs, l'adoption prononcée à l'étranger, si elle conduit à ce que les liens avec la famille d'origine soient complètement rompus, est une adoption plénière ; à défaut, c'est une adoption simple. Il existe donc déjà des possibilités d'adoption.

Si nous nous apercevons que la jurisprudence ne respecte pas le texte même de la loi, nous serons peut-être amenés à intervenir à nouveau. C'est une question importante, qu'il serait selon moi un peu prématuré de traiter cet après-midi, sans en avoir étudié les conséquences exactes. (M. Alain Milon fait un signe dubitatif.)

Outre les cas que vous évoquez, il en existe beaucoup d'autres, dans de nombreux autres pays. Nous ne pouvons pas faire une loi parce que les institutions d'un certain nombre de pays évoluent. Elles évoluent et c'est tant mieux, mais je me refuse, personnellement, à légiférer de la sorte, estimant que nous avons déjà trop tendance à modifier les textes sans évaluation préalable suffisante. La proposition de M. le ministre me paraît tout à fait raisonnable.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Je tiens tout d'abord à remercier M. Milon d'avoir accepté de retirer l'amendement n° 136 rectifié.

Toutes les interventions, y compris celle de Mme Cerisier-ben Guiga, démontrent à quel point cette affaire est complexe. D'ailleurs, si tel n'était pas le cas, nous n'aurions pas conclu des accords séparés avec certains pays, l'Algérie notamment. Il est impossible, par une seule disposition législative, de remédier aux multiples situations qui résultent de l'application du droit coranique.

Le Gouvernement, conscient de ces difficultés, vous propose donc de mettre en place un groupe de travail qui sera chargé de présenter des propositions au Parlement.

Monsieur Milon, la Chancellerie affirme que, sur le fond, l'amendement n° 137 rectifié - vous nous dites qu'il ne touche pas au droit international - ne présente pas un intérêt évident dans la mesure où le deuxième alinéa de l'article 370-3 du code civil ne concerne que les enfants étrangers. Il en résulte que les enfants ayant acquis la nationalité française peuvent être adoptés dans les conditions du droit français. C'est pourquoi je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.

En outre, afin que nous puissions vérifier ensemble le bien-fondé de la position soutenue par la Chancellerie, je suggère d'inscrire cette question à l'ordre du jour du groupe de travail. Monsieur Milon, soit le groupe de travail confirme la position de la Chancellerie et nous aurons alors la certitude que le problème ne se pose pas, soit le groupe de travail infirme la position de la Chancellerie et nous ferons alors ensemble des propositions pour faire entrer dans le droit français les dispositions nécessaires afin de répondre à votre préoccupation.

M. le président. Monsieur Milon, l'amendement n° 137 rectifié est-il maintenu ?

M. Alain Milon. A l'heure actuelle, certains tribunaux ne prononcent pas l'adoption d'enfants mineurs nés en Algérie ou au Maroc et qui ont acquis la nationalité française par déclaration, au motif que cette déclaration ne leur fait pas perdre leur nationalité de naissance.

Ainsi, bien qu'ils ne soient plus étrangers, les juges français continuent d'appliquer à ces enfants les règles qui leur étaient applicables dans leur pays d'origine.

L'amendement n° 137 rectifié vise à remédier à cette situation afin qu'on leur applique les règles qui sont en vigueur dans notre pays. C'est pourquoi je maintiens l'amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 440.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 201 :

Nombre de votants 328
Nombre de suffrages exprimés 320
Majorité absolue des suffrages exprimés 161
Pour l'adoption 120
Contre 200

Le Sénat n'a pas adopté.

La parole est à Mme Bernadette Dupont, pour explication de vote sur l'amendement n° 137 rectifié.

Mme Bernadette Dupont. Je connais le cas d'un couple dont l'enfant vit au Maroc et qu'on ne laisse pas venir en France, probablement parce qu'il est sous le régime de la kafalah judiciaire.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Cela n'a rien à voir !

Mme Bernadette Dupont. Le consul de France à Marrakech refuse de lui laisser quitter le Maroc alors que ses parents, marocains d'origine, vivent en France et ont acquis la nationalité française.

Cette affaire est très complexe et l'on peut se poser la question de savoir où est l'intérêt de l'enfant.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ma chère collègue, l'adoption de l'amendement de M. Milon ne changerait rien à la situation que vous évoquez.

Je crois qu'il y a une confusion entre l'acquisition de la nationalité française, les conditions de séjour et l'adoption.

Toutes ces questions, je le répète, doivent faire l'objet d'un examen sérieux afin que l'on trouve des solutions à tous les cas qui ont été évoqués.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il fallait le faire avant ! Voilà trois ans que la question se pose !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Madame Dupont, comme vient de l'indiquer M. le rapporteur, le cas que vous évoquez n'a rien à voir avec l'amendement de M. Milon.

M. Robert Bret. Il se rapportait à l'amendement précédent.

M. Christian Estrosi, ministre délégué. L'adoption de l'amendement de M. Milon ne changerait en rien la situation de la famille que vous avez citée. L'amendement n° 137 rectifié concerne en effet les enfants ayant acquis la nationalité française par déclaration, qui vivent en France et auxquels on ne reconnaît pas les mêmes droits qu'aux enfants français.

M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour explication de vote.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Les notes établies par les consulats au Maroc au sujet de la kafalah, et dont j'ai eu connaissance, commencent en indiquant que la kafalah est l'un des principaux moyens permettant de détourner et de contourner les lois sur l'immigration.

C'est sans doute vrai dans certains cas, mais de très nombreuses familles françaises d'origine marocaine, dans des conditions semblables à celles de familles françaises vivant en France, cherchent à adopter des enfants placés dans des orphelinats et qui, faute d'être adoptés, sont condamnés à une vie misérable.

Telles sont les raisons pour lesquelles, en dépit des limitations, notre groupe votera l'amendement de M. Milon.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 137 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. Charles Gautier. Quel est le résultat du vote ?

M. le président. Je n'ai pas à le donner, monsieur Gautier.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Cela ne se demande jamais !

M. Robert Bret. Pour nous, l'amendement était adopté !

Articles additionnels avant l'article 23 ou avant l'article 60 ter
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration
Article 24

Article 23

L'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi rédigé :

« Art. L. 111-6. - La légalisation ou la vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. »

M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. L'examen de l'article 23 promet d'être particulièrement difficile.

En effet, cet article a pour objet de renvoyer le contrôle des actes d'état civil au procureur de la République, comme le prévoit l'article 47 du code civil, réformé par la loi Sarkozy I du 26 novembre 2003, et de suspendre le contrôle de légalité qui avait été, à cette époque, confié aux consulats.

On pourrait penser que cette procédure est de nature à simplifier la vie des usagers. Mais on connaît les difficultés auxquelles sont confrontés ces derniers dans les pays où les services de l'état civil n'offrent pas toujours de réelles garanties et où les pratiques de corruption sont usuelles afin d'obtenir des actes sur mesure.

Le problème n'est donc pas simple. La loi du 26 novembre 2003 a considérablement encadré ce contrôle par le pouvoir judiciaire. Ce serait acceptable si le parquet de Nantes, qui est seul compétent en la matière et qui est confronté à une tâche immense, disposait de magistrats et de greffiers spécialisés en nombre suffisant pour traiter les dossiers.

En outre, et je requiers toute votre attention car le sujet n'est pas simple, les dispositions qui nous sont proposées sont d'une certaine manière contradictoires avec celles de la « petite loi » relative au contrôle de la validité des mariages, qui a été adoptée par l'Assemblée nationale.

Comme vous pouvez le constater, la situation est complexe. La « petite loi » relative au contrôle de la validité des mariages, sur laquelle le Sénat sera peut-être amené à se prononcer en session extraordinaire au mois de juillet, supprime les alinéas 2, 3, 4 et 5 de l'article 47. Or, le présent projet de loi se réfère à l'actuel article 47, article que nous modifierons si nous adoptons les dispositions du projet de loi relatif au contrôle de la validité des mariages.

Nos débats seraient plus simples si nous savions à quelle mouture de l'article 47 nous devons nous référer : la rédaction actuelle, avec ses alinéas 2, 3, 4 et 5, ou la version qui figure dans la « petite loi » relative au contrôle de la validité des mariages.

Je demande donc au Gouvernement de nous apporter des explications sur ce point. Certes, en principe, nous devons nous référer à l'actuel article 47, mais nous sommes devant un problème insoluble dans la mesure où cet article a déjà été modifié par l'Assemblée nationale et que le Sénat fera sans doute de même dans quelque temps.

M. le président. L'amendement n° 347 rectifié, présenté par Mmes Assassi,  Borvo Cohen-Seat,  Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

I. Dans le texte proposé par cet article pour l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile remplacer les mots :

les conditions définies par

par les mots :

le respect de

II. Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

...  - L'article 47 du code civil est ainsi rédigé :

« Art. 47. - Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers, fait en pays étranger, fera foi, s'il est rédigé dans les formes usitées dans ledit pays. »

La parole est à M. Robert Bret.

M. Robert Bret. L'article 23 du projet de loi tend à réécrire l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, afin de prendre en compte les modifications apportées à l'article 47 du code civil. Ce dernier a en effet été modifié, comme cela a été rappelé, par la loi du 26 novembre 2003, afin de lutter contre les mariages blancs.

Une telle modification entretenait ainsi l'idée, toujours d'actualité, que les mariages mixtes célébrés à l'étranger sont systématiquement des mariages de complaisance. L'amalgame entre mariage mixte et fraude est continuel. En 2003, de nombreuses restrictions au droit au mariage furent introduites dans notre législation sur l'initiative du Gouvernement. Trois ans plus tard, force est de constater que ces mariages continuent de déranger, puisque de nouvelles restrictions à la liberté de se marier sont prévues dans le présent projet de loi. J'en veux pour preuve les dispositions relatives aux visas de long séjour, à la délivrance de la carte de résident, ou encore à l'acquisition de la nationalité par le conjoint étranger.

Bien évidemment, notre philosophie est à l'opposé, puisque nous souhaitons mettre fin, comme en témoignent nos amendements, à cette suspicion généralisée contre les mariages mixtes.

L'amendement n° 347 rectifié, en particulier, a pour objet de réécrire l'article 47 du code civil conformément à la rédaction qui était la sienne avant l'adoption de la loi du 26 novembre 2003.

M. le rapporteur et M. le garde des sceaux ont tous deux été contraints de constater l'inefficacité de la nouvelle procédure, trop complexe, prévue à l'article 47 du code civil. Dès lors, pourquoi ne pas revenir à l'ancienne rédaction de cet article ? Pourquoi ne pas considérer que les actes de l'état civil faits en pays étranger font loi ? En effet, bien d'autres dispositions malheureusement déjà adoptées de ce projet de loi entretiennent suffisamment le fantasme du mariage mixte de complaisance. Il n'est nul besoin, mes chers collègues, d'en rajouter !

Tel est le sens de cet amendement que nous vous demandons de bien vouloir adopter.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement, qui tend à supprimer toute possibilité de vérification de l'authenticité des actes de l'état civil.

Les travaux de la commission d'enquête sur l'immigration clandestine ont démontré que la fraude documentaire constituait un élément extrêmement important dans ce domaine et qu'il était éminemment nécessaire d'agir pour remédier à cette situation.

Au demeurant, il n'est pas faux de constater que le dispositif actuel n'a pas fait la preuve de son efficacité. Mais l'examen du projet de loi relatif au contrôle de la validité des mariages, qui sera examiné prochainement par le Sénat, sera l'occasion de débattre des dispositions de l'article 47 du code civil.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. L'amendement n° 347 rectifié est, à l'évidence, inacceptable pour le Gouvernement. Il n'est pas question de revenir au droit antérieur à 2003 ! Je vous rappelle en effet que la fraude concernant les actes de l'état civil délivrés dans les pays d'immigration est parfois considérable.

M. Robert Bret. Combien ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Je vais vous le dire !

Avant la loi du 26 novembre 2003, tout acte de l'état civil fait en pays étranger faisait foi s'il avait été rédigé « dans les formes usitées dans ledit pays ». Un faux acte rédigé par un vrai officier de l'état civil ne pouvait être écarté.

En 2001, le Quai d'Orsay évaluait la fraude à 30 % en moyenne sur 17 000 actes recensés. La fraude représentait 60 % des actes en Guinée et 90 % aux Comores. Vous vouliez des chiffres ? Je vous les donne, monsieur le sénateur !

La loi du 26 novembre 2003 a créé un mécanisme permettant à l'administration de saisir le parquet de Nantes, afin d'écarter les actes de l'état civil d'apparence régulière quant à la forme, mais douteux quant au fond. Je pense, par exemple, à un acte de naissance établi en 1970 pour une personne ayant à l'évidence plus de cinquante ans.

Le bilan de ce dispositif est mitigé, puisque le parquet n'a été saisi que dix-neuf fois en 2004 et dix fois en 2005. Nous vous proposons donc un mécanisme plus simple, qui permettra à l'administration, au vu des différents éléments dont elle dispose, d'écarter d'elle-même un acte de l'état civil falsifié.

Cette simplification est nécessaire pour lutter contre une fraude massive. La réforme ne porte en aucun cas atteinte aux droits des étrangers, qui peuvent toujours contester la décision de l'administration devant le juge administratif.

Madame Cerisier-ben Guiga, l'article 23 du présent projet de loi consacre les dispositions de l'article 47 du code civil, qui fait d'ailleurs l'objet d'une nouvelle rédaction dans le cadre du projet de loi relatif au contrôle de la validité des mariages, déposé par M. le garde des sceaux et adopté en première lecture à l'Assemblée nationale. C'est donc cette nouvelle rédaction qui s'appliquera lorsque le Parlement se sera définitivement prononcé sur ce dernier projet de loi.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 347 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 23.

(L'article 23 est adopté.)

Article 23
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration
Demande de priorité

Article 24

L'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi modifié :

1° Dans le 1°, les mots : « À l'étranger mineur, ou dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, » sont remplacés par les mots : « À l'étranger dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3, » ;

2° Le 2° est ainsi rédigé :

« 2° À l'étranger dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3, qui justifie par tout moyen avoir sa résidence habituelle en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans, ou à l'étranger qui a été confié, depuis qu'il a atteint l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance et sous réserve du caractère réel et sérieux de la formation suivie, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française ; la condition prévue à l'article L. 311-7 n'est pas exigée.

« À l'exception de l'étranger confié au service de l'aide sociale à l'enfance dans les conditions précitées, l'étranger pouvant bénéficier de la carte de séjour temporaire mentionnée à l'alinéa précédent est celui qui répond à la définition donnée au dernier alinéa de l'article L. 314-11 qui justifie, en outre, résider habituellement en France avec ses parents légitimes, naturels ou adoptifs ; »

3° Le 3° est ainsi rédigé :

« 3° À l'étranger dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3, dont l'un des parents est titulaire de la carte de séjour «compétences et talents», ainsi qu'à l'étranger dont le conjoint est titulaire de la même carte ; »

4° Dans le 4°, les mots : « que son entrée en France ait été régulière » sont supprimés et, après les mots : « n'ait pas cessé », sont insérés les mots : « depuis le mariage » ;

4° bis   Dans le 5°, les mots : «, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière » sont supprimés ;

4° ter  À la fin du 6°, les mots : « un an » sont remplacés par les mots : « deux ans » ;

5° Le 6° est complété par les mots : «, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée » ;

6° Dans le 7° , après les mots : « dont les liens personnels et familiaux en France », sont insérés les mots : « , appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, », et sont ajoutés les mots : « , sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée » ;

7° Les 8° et 9° sont complétés par les mots : «, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée » ;

8° Dans le 10°, les mots : « ses enfants mineurs ou dans l'année qui suit leur dix-huitième anniversaire » sont remplacés par les mots : « ses enfants dans l'année qui suit leur dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3 », et sont ajoutés les mots : «, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée » ;

9° La première phrase du 11° est complétée par les mots : «, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée ».

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, sur l'article.

Mme Alima Boumediene-Thiery. L'article 24 est l'un des articles les plus emblématiques de l'esprit, de la philosophie de ce projet de loi, et des fantasmes qu'il fait naître.

Il réunit en effet une série de dispositions qui n'ont qu'un seul but : faire reculer les droits et les libertés des migrants étrangers. Ces mesures auront pour seule conséquence de précariser encore plus les migrants en situation régulière et, parmi eux, les enfants et les personnes malades.

Nous condamnons l'abrogation de la possibilité de délivrer un titre de séjour aux étrangers qui peuvent apporter la preuve de leur présence en France depuis au moins dix ans.

Je vous rappelle qu'une telle possibilité de régularisation n'était pas de droit, puisqu'elle exigeait des preuves, d'ailleurs difficiles à fournir. Cette procédure de régularisation découlait de la prise en compte, à la suite de la grève de la faim de sans-papiers réunis dans l'église Saint-Bernard de Paris, de situations tragiques.

Cette procédure d'une extrême complexité était très longue, sans compter qu'il était extrêmement difficile d'apporter la preuve de ces dix années de séjour clandestin, durant lesquelles la majorité des étrangers s'efforcent de se cacher.

La preuve était d'ailleurs si difficile à fournir que seulement 2 500 à 3 000 personnes ont bénéficié de cette mesure, qui constituait non pas une prime à la clandestinité, comme certains d'entre vous l'ont prétendu, mais simplement la reconnaissance d'une intégration de fait dans la société française.

Cette disposition tendait à reconnaître les attaches personnelles qu'un migrant étranger ayant vécu pendant dix ans dans notre pays avait pu nouer, en créant des liens sociaux, en fondant une famille et en travaillant durant de longues années.

Après dix ans dans la clandestinité, ces personnes, confrontées à des conditions de vie pourtant très difficiles, décidaient volontairement de demeurer dans notre société, pour y partager une communauté de destin. Malheureusement, leur dignité n'a toujours pas été reconnue. Les Verts, qui plaident en faveur d'une citoyenneté de résidence, ne peuvent pas accepter la disposition prévue dans le présent projet de loi.

Par ailleurs, monsieur le ministre, ce projet de loi bafoue l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui reconnaît le droit au respect de la vie privée et familiale. Je reviendrai sur ce point tout à l'heure.

Au reste, il s'agit d'un déni inacceptable des droits fondamentaux. La disparition de cette procédure de régularisation va plonger dans une précarité perpétuelle les migrants étrangers, qui ont pourtant vocation à vivre en France. Cela les conduira parfois à commettre des actes désespérés.

Les sans-papiers n'auront aucune possibilité réelle d'être régularisées. Elles dépendront donc du bon vouloir des autorités préfectorales, qui pourront faire usage ou non de leur pouvoir de régularisation.

En outre, monsieur le ministre, la circulaire du 21 février 2006 a ouvert une véritable chasse à l'homme étranger jusque dans les foyers, les blocs opératoires ou les guichets de préfecture.

Une autre disposition néfaste de ce projet de loi concerne la situation des jeunes confiés depuis l'âge de seize ans au service de l'aide sociale à l'enfance. Le texte tend à poser des conditions liées au sérieux de la formation suivie et à l'absence de liens avec la famille restée dans le pays d'origine. Cette prise en considération par la loi des mineurs isolés doit être appréciée à sa juste valeur. En effet, c'est l'intérêt de l'enfant qui devrait prévaloir.

Monsieur le ministre, les mariages entre Français et migrants étrangers sont suspects à vos yeux. Après la création, en 2003, du délit de mariage de complaisance et le renforcement des contrôles lors de la célébration du mariage, ce projet de loi restreint tellement les conditions d'octroi d'une simple carte de séjour que ses dispositions sont à la limite de la violation du droit au mariage et au divorce, y compris pour les Français.

Le texte a pour cible une catégorie « fourre-tout » regroupant les étrangers susceptibles d'obtenir une carte de séjour temporaire, dès lors qu'ils peuvent faire valoir des liens personnels et familiaux en France.

Cette catégorie avait été créée par la loi du 11 mai 1998, pour tenir compte de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Or, par voie de circulaire, on a, en pratique, considérablement réduit les chances de pouvoir revendiquer ces liens privés et familiaux. En fixant des conditions restrictives, ce projet de loi vise à renforcer encore les obstacles, au point de vider le texte de sa substance. Il est donc indispensable de rappeler que cette mesure ne devra s'appliquer qu'à l'étranger qui n'entre dans aucune autre catégorie.

Je désire évoquer le cas particulier des accompagnants d'enfants malades. La semaine dernière, la majorité a autorisé l'obtention d'une autorisation provisoire de séjour pour l'un des deux parents. Sur ce point, nous sommes également en contradiction totale avec l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En effet, seul l'un des parents pourra être régularisé, tandis que l'autre sera obligé de repartir. Encore une fois, vous plongez dans la précarité, sans droit au travail, sans droits sociaux, une personne proche d'un enfant gravement malade. De telles conditions de vie seront d'ailleurs tout à fait incompatibles avec la prise en charge parfois exigeante des enfants malades.

Face à de telles situations, les modifications proposées dans le projet de loi permettront une fois de plus aux préfectures de refuser le séjour de ces personnes.

En exigeant qu'un sans-papiers, pour obtenir sa régularisation, puisse faire état de ressources stables et suffisantes, d'un logement répondant à des critères stricts et d'une intégration déterminée par la connaissance de la langue française, vous créez les conditions d'une précarisation de tous les immigrés en situation régulière.

Nous sommes très loin de la volonté d'intégration affichée par le Gouvernement, très loin du sentiment d'humanisme annoncé. Vous créez au contraire une situation de suspicion permanente et de rejet de l'étranger.

M. le président. La parole est à M. Richard Yung, sur l'article.

M. Richard Yung. L'article 24 est effectivement l'un des articles les plus importants de ce projet de loi. Les dispositions proposées sont non seulement insatisfaisantes, mais aussi discriminatoires et dangereuses.

Tout d'abord, nous sommes radicalement opposés au durcissement des conditions d'attribution de la carte de séjour temporaire « vie privée et familiale ».

Si cet article était adopté en l'état, les bénéficiaires du regroupement familial, le conjoint et les enfants d'un étranger détenteur d'une carte « compétences et talents », ainsi que le conjoint étranger d'un ressortissant français, seraient soumis à l'obligation de produire un visa de long séjour, et donc de retourner dans leur pays, avant de solliciter la délivrance d'un titre de séjour. Tel ne serait pas le cas si nous modifiions cet article dans le sens de l'amendement n° 4, adopté à l'article 2. Cependant, pour le moment, ce n'est pas ce qui nous est proposé.

Ensuite, les personnes visées à l'article L. 313-11 du CESEDA doivent continuer à bénéficier automatiquement de la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale », et ce en vertu du respect de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par ailleurs, les personnes présentes sur le territoire français depuis au moins dix ans doivent, selon nous, continuer à être régularisées. Plutôt que de faire croire de manière démagogique et « politicienne » - c'est un adjectif que vous utilisez souvent - qu'il s'agit d'une « prime à l'illégalité », il faut rappeler que, depuis 1999, seulement 2 800 personnes en moyenne - c'est peu par rapport à la totalité de l'immigration - sont régularisées chaque année sur ce fondement. Bien loin de constituer une « prime à la clandestinité », ce type de mesure permet au contraire non seulement de répondre à des situations difficiles, mais aussi de régulariser le séjour de personnes déjà bien intégrées dans notre société.

En tant que sénateur représentant les Français établis hors de France, je souhaite insister aussi sur les conséquences néfastes de ce projet de loi pour les couples mixtes.

Monsieur le ministre, en subordonnant la délivrance d'une carte de séjour temporaire à la détention, par le conjoint étranger d'un Français, d'un visa de long séjour, vous poursuivez un processus de stigmatisation des couples mixtes, tel qu'il a été initié par la loi du 26 novembre 2003.

L'article 24 de ce nouveau projet de loi est dangereux, car il vise à institutionnaliser le soupçon qui pèse sur les mariages mixtes. La condition mise en avant instaurera ni plus ni moins une entrave à la vie commune et une inégalité devant le mariage. Dans votre esprit, les mariages mixtes représentent sans doute des unions de seconde catégorie, alors qu'ils maintiennent au contraire une ouverture de la France, qui fait la beauté et la force de notre nation. De notre point de vue, il serait plus utile et plus efficace de lutter contre les vrais mariages de complaisance, si j'ose dire, que sont les mariages forcés.

Enfin, la rédaction de l'article 24 est, selon vous, motivée par la volonté de mieux vérifier l'authenticité des actes d'état civil. Nous venons d'aborder cette question. Or le contrôle de ces actes a déjà été durci dans les consulats et les services du ministère des affaires étrangères, à Nantes. En fait, tout l'appareil judiciaire et légal nécessaire existe.

Ayant souvent l'occasion, comme mes collègues, de visiter les consulats de France à l'étranger, je peux vous dire que ces derniers ne sont plus en état, et ce depuis longtemps, de faire face à cette nouvelle charge de travail. Chacun d'entre nous l'a constaté, les gens font la queue plusieurs heures devant chaque consulat, que ce soit à Dakar, à Moscou, à Tachkent ou ailleurs. Arrivés à trois ou quatre heures du matin, ils repartent à dix-sept heures sans avoir pu accéder au guichet avant la fermeture. Les services, qui délivrent maintenant des visas biométriques, sont à bout de souffle.

Par conséquent, je considère que cette proposition est déraisonnable, voire inapplicable. De plus, elle est démagogique, et son seul résultat sera d'accroître l'immigration clandestine.

M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, sur l'article.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Je suis une mère de famille, une ménagère, et je sais me servir d'une cocotte-minute. Si je devais utiliser une cocotte-minute dépourvue de soupape de sécurité, je ferais vraiment très attention ! Or, monsieur le ministre, je crains que vous ne soyez justement en train de faire de la France une cocotte-minute sans soupape de sécurité !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. C'est bien dit !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Les migrations sont de plus en plus nombreuses. Inévitablement, il en est qui ne respectent pas toutes les règles du droit dans chacun des pays.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Oui, cela a toujours été le cas !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Si je vous disais le nombre de Français en situation irrégulière à New York et dans la seule île de Manhattan, vous pousseriez des hurlements ! Ils sont des milliers !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Aux États-Unis, pays qui n'est pas particulièrement tendre avec l'irrespect de la loi, il y a des soupapes de sécurité. Je pense à la carte verte qui peut être obtenue grâce à la loterie ; c'est un espoir ! Quand on vit en situation irrégulière à New York depuis deux, trois, quatre ou cinq ans, on finit par rencontrer quelqu'un avec qui on se marie. La situation s'arrange alors par le mariage. Et puis, les gens s'intègrent. Pourquoi faire la fine bouche ? Il s'agit de jeunes pleins de dynamisme, qui ont tenté leur chance. Cinq ou dix ans après, on les retrouve à la tête d'une entreprise, où ils réussissent. Bien qu'ayant commencé par une période d'illégalité, les choses s'arrangent ensuite. Voilà ce que je constate.

La voie dans laquelle vous orientez la France me paraît dangereuse. En fait, vous voulez supprimer l'accès à cette carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale », qui était l'un des moyens mis en place en 1997 pour respecter l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Vous voulez tout compliquer, rendre tout plus difficile, avec des délais plus longs, comme nous le verrons dans la suite de l'examen de cet article.

Je prendrai l'exemple des mariages binationaux. Je n'utiliserai pas l'expression « mariage mixte ». Lorsque l'on a ainsi qualifié mon propre mariage, j'ai répondu - j'étais bien jeune et très naïve - que tous les mariages étaient mixtes ! (Sourires.) Il est vrai qu'à l'époque il n'était pas encore question de mariages homosexuels !

Faire que tout soit plus compliqué, qu'il soit encore plus difficile d'obtenir le droit au séjour permanent en France à la suite de mariages binationaux, tout cela n'est pas de bonne politique. Un jour ou l'autre, il sera nécessaire de revenir sur ces modifications, car il faudra absolument faire marcher la soupape de sécurité ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. - MM. Gérard Delfau et Yves Pozzo di Borgo applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, sur l'article.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le ministre, je veux ajouter aux propos de mes collègues quelques considérations sur la faisabilité de ce que vous proposez et sur les présupposés de votre démarche.

On a le sentiment que vous cherchez à multiplier les critères inscrits dans la loi, et ce de manière si excessive que, finalement, on va tomber dans une forme d'arbitraire. Que cela soit clair, nous voulons que la politique de l'immigration en matière d'accès et de droit au séjour soit régie par des règles ; nous l'avons dit et redit.

Je prendrai un premier exemple.

S'agissant du jeune étranger qui a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance, vous exigez comme critère « le caractère réel et sérieux de la formation suivie ». Mais, sauf erreur de ma part, la formation suivie par la plupart de ces jeunes est décidée par les services du conseil général. Or je n'imagine pas que ces derniers incitent ces jeunes à suivre une formation qui ne serait ni réelle ni sérieuse !

La question que je vous pose est donc la suivante : monsieur le ministre, pensez-vous vraiment nécessaire d'inscrire dans la loi l'adjectif qualificatif : « réel » ? D'une certaine façon, cela signifierait que les services de l'aide sociale à l'enfance font suivre aux jeunes en question des formations irréelles ! Cette manie de tout préciser de manière excessive, de tout codifier, afin de dissuader, de refuser, devient incompréhensible.

Le second exemple que je vais vous donner porte sur l'alinéa 6° de l'article 24. Dans le 7° de l'article L. 313-11 relatif à la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale », vous précisez, s'agissant des liens personnels et familiaux en France, « appréciés "notamment" » - quel superbe adverbe ! - « au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité ». (Rires sur les travées du groupe CRC.) Je suppose qu'un fonctionnaire évaluera la nature des liens personnels !

M. Gérard Delfau. Un confesseur !

M. Jean-Pierre Sueur. Heureusement, nous avons tous des liens personnels, sans quoi nous vivrions dans une solitude absolue !

Monsieur le ministre, je vous pose une question très précise : tenez-vous vraiment à inscrire dans la loi qu'une autorité publique va s'intéresser aux liens personnels des personnes concernées et vérifier l'intensité de ces liens ? Je ne sais pas ce que penserait chacun d'entre nous si une autorité était chargée d'évaluer l'intensité et la stabilité de nos liens personnels !

Je terminerai par un troisième et dernier exemple : cette fameuse condition de dix ans de séjour permettant de délivrer un titre, dont l'origine est une proposition formulée par M. Debré.

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Quinze ans !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela ne change rien !

M. Jean-Pierre Sueur. Il fallait avoir résidé en France depuis plus de quinze ans, c'est vrai, mais c'était l'esprit, monsieur le ministre. Vous proposez non pas de revenir à quinze ans, mais de supprimer cette disposition.

M. Christian Estrosi, ministre délégué. J'améliore le dispositif !

M. Jean-Pierre Sueur. Je vais vous dire la conséquence d'une telle suppression.

Dans nos départements, beaucoup de personnes sont aujourd'hui dans des situations inextricables : elles n'ont pas de statut, pas de titre de séjour, l'asile leur a été refusé, on ne les reconduira pas à la frontière. Depuis que M. Sarkozy est ministre de l'intérieur, si l'on excepte le cas particulier des DOM-TOM, le nombre des reconduites à la frontière est relativement limité par rapport au nombre des arrêtés pris et à la population de personnes n'ayant pas de titre de séjour. Or, monsieur le ministre, vous allez renforcer le caractère inextricable de ces situations, vous allez plonger ces personnes dans la clandestinité, les mettre dans une impasse !

En effet, elles ne peuvent pas travailler alors qu'elles le voudraient ; elles ne peuvent donc pas payer de loyer, et la préfecture ou la Croix Rouge paie par conséquent leur logement dans des hôtels, etc. Tout le monde comprend que c'est totalement absurde, d'autant que cela va durer dix ans, quinze ans, vingt ans, trente ans ! Le pragmatisme, le réalisme, conduirait à adopter une attitude autre, monsieur le ministre !

M. le président. La parole est à M. Patrice Gélard, sur l'article.

M. Patrice Gélard. J'ai l'impression, à chaque article, de réentendre les propos tenus lors de la discussion générale ! À chaque fois, les mêmes arguments sont sempiternellement repris et l'on nous répète toujours la même chose sans rien nous proposer d'intéressant. On nous dit que tout est parfait, que la loi actuelle est merveilleuse et qu'il ne faut rien changer, car il n'y a pas de problème ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Eh bien, non ! Il y a des problèmes, nous essayons de les résoudre, et ce n'est pas en nous répétant dix fois, vingt fois, les mêmes arguments que la majorité changera d'opinion !

Mme Éliane Assassi. Dites-nous tout ce qui a changé depuis deux ans !

M. Patrice Gélard. Je suis désolé, mais vous vous trompez de débat, vous vous trompez de combat en répétant toujours la même chose, et vous n'arriverez à convaincre personne ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme Éliane Assassi. Vous non plus !

M. Bernard Frimat. Comme sur le CPE ?

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, sur l'article.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je partage tout ce qui a été dit par mes collègues, et l'intervention de M. Gélard tombe à pic !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous nous accusez de répéter toujours la même chose, mais je pourrais vous renvoyer le compliment. En effet, vous ne répondez pas aux préoccupations exprimées par les parlementaires de l'opposition ici présents et par nombre de gens dans notre pays, qui s'inquiètent des mesures que vous voulez absolument faire passer.

Vous partez toujours d'un même postulat que vous voulez enfoncer dans le crâne des parlementaires et surtout de nos concitoyens, à savoir que nous sommes soumis à des hordes d'étrangers qui voudraient se précipiter dans notre pays. Or ce n'est pas le cas, comme les chiffres le démontrent. D'ailleurs, vous n'avez pas été capables de prouver le contraire, car, depuis 1974, la France connaît, comme chacun sait, un régime de limitation de l'immigration.

Quelle est la réalité ? Il faut être clair à cet égard, et ne pas avoir une simple politique d'affichage pour tenter de convaincre, ce que vous ne parvenez d'ailleurs pas toujours à faire ! S'agissant par exemple de la carte « vie privée et familiale », vous dites qu'il faut supprimer l'automaticité de son attribution aux étrangers au bout de dix ans de résidence en France. Il faut corriger vos propos pour que tout le monde comprenne bien : il n'y a en effet pas d'automaticité. Cette possibilité donnée au bout de dix ans - et non plus au bout de quinze ans comme à l'origine, on l'a rappelé - est une mesure de bon sens. C'est en effet une façon de considérer que les étrangers qui, preuve à l'appui, vivent sur notre territoire et ont des liens familiaux, sociaux, sont intégrés et ont droit à une carte de résident.

Si tel n'est pas le cas, ils resteront dans notre pays en toute illégalité et vivront dans la clandestinité, ce qui n'est pas une bonne solution. De plus, j'indique que ce système profite toujours aux mêmes, c'est-à-dire aux employeurs. En effet, pour pouvoir continuer à vivre pendant ce laps de temps, ces immigrés clandestins doivent travailler et sont donc employés illégalement, en contradiction totale avec la législation relative au droit du travail. Tout le monde le sait, mais on préfère se voiler la face.

Les dispositions éminemment contestables au regard du droit à une vie privée et familiale que vous êtes en train de vouloir faire entrer de force dans notre législation, monsieur le ministre, vont non pas empêcher certaines personnes d'essayer de pénétrer dans notre pays pour y trouver du travail, mais pérenniser la situation de celles qui sont en situation irrégulière, et ce pour le plus grand bonheur des employeurs indélicats. Telle est la réalité !

Au passage, j'indique que je suis tout à fait d'accord avec ce qui a été dit tout à l'heure à propos de l'intensité de la vie familiale et des liens que peuvent avoir tissés les immigrés. Lançons un appel d'offres pour inventer un appareil qui soit capable de mesurer l'intensité des liens amoureux, familiaux et sociaux des étrangers !

M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !

M. le président. Mes chers collègues, je rappelle qu'il a été décidé d'examiner séparément les amendements de suppression de l'article 24.

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 169 est présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et  M. André, MM. Assouline,  Badinter,  Bel et  Bockel, Mmes Boumediene-Thiery et  Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et  C. Gautier, Mmes Khiari et  Le Texier, MM. Mahéas,  Mermaz,  Peyronnet et  Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 348 est présenté par Mmes Assassi,  Borvo Cohen-Seat,  Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour défendre l'amendement n° 169.

M. Pierre-Yves Collombat. Avant d'entrer dans le vif du sujet, je veux dire que l'article 24 du projet de loi est contraire à l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par ailleurs, M. Gélard a déclaré tout à l'heure que nous répétions toujours la même chose et qu'il ne fallait pas modifier ce projet de loi. Mais les remèdes que nous allons apporter ne doivent pas être pires que le mal ! Il s'agit d'un domaine difficile, très délicat, et le mieux peut facilement être l'ennemi du bien. La métaphore de la cocotte-minute qui a été utilisée tout à l'heure illustre parfaitement la situation. Il faut garder ces deux réflexions présentes à l'esprit. On ne fera pas des miracles en procédant par la voie réglementaire. À vouloir être trop rigoureux et trop précis, on finit par obtenir le résultat inverse.

L'article 24 du projet de loi tend à modifier les critères d'attribution de la carte de séjour temporaire « vie privée et familiale », qui est actuellement délivrée de plein droit à onze catégories de personnes. Je veux parler des étrangers séjournant en France au titre du regroupement familial, de l'étranger qui justifie avoir sa résidence habituelle en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans, des étrangers justifiant de dix années de résidence habituelle en France, du conjoint étranger d'un ressortissant français, du conjoint d'un titulaire de la carte de séjour temporaire « scientifique », de l'étranger parent d'un enfant français mineur résidant en France, de l'étranger ayant des liens personnels et familiaux en France et n'entrant pas dans le champ des autres catégories visées à l'article L. 313-11 ainsi que des autres catégories d'étrangers bénéficiaires de la carte « vie privée et familiale ».

Comme cela a été rappelé tout à l'heure, la carte « vie privée et familiale » date de 1997. Sa mise en place n'a pas vraiment constitué une avancée, car il s'est agi à l'époque de prévoir la délivrance systématique d'un titre précaire d'une validité d'un an pour certaines catégories d'étrangers, alors que ces derniers bénéficiaient de plein droit d'une carte de résident.

Par la suite, on a régulièrement diminué le nombre de ces catégories, alors que seule la carte de résident permet raisonnablement de trouver un emploi stable et un logement. Aujourd'hui, on aborde une nouvelle étape. Ce projet de loi s'inscrit donc dans une tradition qui consiste à réduire progressivement les droits des étrangers.

Avant d'examiner ces restrictions, je veux souligner le fait que toute délivrance d'un titre temporaire est d'abord subordonnée à la production d'un visa de long séjour, ce qui permet encore de renforcer le contrôle en amont réalisé par les autorités consulaires. Plusieurs de mes collègues ont d'ailleurs souligné la charge de travail considérable que doivent supporter les consulats.

Les étrangers résidant habituellement en France depuis dix ans perdront donc la possibilité d'obtenir automatiquement une carte de séjour temporaire d'un an. Comme cela a été relevé, la délivrance de cette carte n'est certes pas automatique mais, avec ces nouvelles dispositions, les sans-papiers vont se trouver privés de la perspective d'être régularisés et de sortir de l'impasse administrative dans laquelle ils se trouvent.

Le nombre de personnes concernées n'est pas considérable, puisqu'il est de l'ordre de 2 800 personnes par an. En 2005, il était même inférieur à 2 500.

On prétend que la délivrance automatique de cette carte serait un appel d'air pour les clandestins et qu'elle serait donc absolument immorale. Si l'immoralité se limitait en France à ce fait, ce ne serait pas dramatique ! Vraiment, si l'on a des scrupules juridiques, alors amnistions ces personnes, avant de leur octroyer la carte de séjour temporaire.

Ce projet de loi s'attaque aussi à la catégorie « fourre-tout » qui permettait aux étrangers d'obtenir la même carte de séjour temporaire dès lors qu'ils pouvaient faire valoir des liens personnels et familiaux en France. Le Gouvernement a renoncé à décliner des conditions très précises pour qu'ils puissent en bénéficier mais, là encore, je constate que les contraintes ont été renforcées.

Enfin, les mariages entre les Français et les étrangers sont également, manifestement, dans le collimateur du Gouvernement.

En conséquence, nous demandons la suppression de l'article 24, qui, par de nombreux aspects, tend à contredire l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Comme je l'ai dit au début de mon intervention, en voulant faire mieux, on fera pire !

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 348.

Mme Éliane Assassi. L'article 24 du projet de loi est essentiel, car il concerne la délivrance de la carte de séjour temporaire « vie privée et familiale ».

Le présent article tend à modifier les critères d'attribution de cette carte, qui est actuellement délivrée de plein droit à onze catégories de personnes. De plus, il porte atteinte au respect de la vie privée et familiale prévu par l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En réalité, cet article est symptomatique de la logique qui a prévalu lors de l'élaboration de ce projet de loi. Avec une telle disposition, on passe d'une immigration de vie privée et familiale à une immigration de travail choisie, et ce non pas dans l'intérêt des personnes concernées, ni même dans celui du pays, mais dans celui du patronat, comme nous l'avons déjà indiqué à plusieurs reprises.

Sincèrement, que s'est-il passé depuis 2003 pour que le Gouvernement bouleverse à ce point la conception que nous avions du regroupement familial et du droit de vivre en famille et qu'il remette en cause le principe, pourtant retenu depuis 1974, selon lequel les étrangers seraient automatiquement régularisés après une présence de dix ans sur notre territoire ?

Selon un sondage BVA-Le Figaro-LCI paru le 9 juin dernier dans Le Figaro, 63 % des Français sont favorables à la régularisation automatique des immigrés vivant en France depuis dix ans au moins.

Pourtant, il ne s'est rien passé depuis 2003. Comme nous n'avons de cesse de le répéter depuis le début de la discussion, la France n'a pas été assiégée, ni envahie par des hordes d'étrangers. Lors de la discussion du projet de loi pour l'égalité des chances, nous avons été plusieurs à répéter que le contrat première embauche n'était pas une bonne mesure ; nous avons passé des heures à vous le démontrer, mes chers collègues de la majorité. Or vous êtes restés sourds à nos remarques. On a vu le résultat !

Pour ce qui concerne le texte que nous examinons aujourd'hui, il est évident que certains, dans la perspective des échéances de 2007, veulent faire croire aux Français que la France est envahie d'étrangers. Ce projet de loi de circonstance a donc été bricolé dans l'urgence, alors même que tous les décrets de la précédente loi n'ont pas encore été pris. Loin de sécuriser notre société, le Gouvernement, avec une telle disposition, va généraliser l'insécurité et la précarité.

En rendant impossible la vie familiale des étrangers et des Français conjoints d'étrangers, vous allez droit dans le mur ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression pure et simple de l'article 24 de ce projet de loi, qui remet en cause notre pacte démocratique et social.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Permettez-moi tout d'abord d'évoquer tous les amendements qui vont venir en discussion, car une explication globale s'impose.

Outre quelques amendements de coordination, ces deux amendements identiques, ainsi que la quasi-totalité des autres amendements, ont pour seul et unique objet de supprimer l'article 24 du projet de loi ou chacun de ses alinéas.

Cet article tend à apporter quatre modifications importantes relatives aux critères d'attribution de la carte de séjour temporaire « vie privée et familiale ».

Premièrement, les étrangers confiés au service de l'aide sociale à l'enfance avant l'âge de seize ans et sous certaines conditions pourront bénéficier à leur majorité d'une carte « vie privée et familiale ».

Deuxièmement, les étrangers justifiant de dix années de résidence habituelle en France ne pourront plus être régularisés de plein droit.

Troisièmement, l'étranger parent d'un enfant français mineur résidant en France devra justifier du fait qu'il contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de cet enfant depuis au moins deux ans, au lieu d'un an, pour bénéficier de la carte de séjour temporaire « vie privée et familiale ».

Quatrièmement enfin, le présent article précise ce qu'il faut entendre par « liens personnels et familiaux ». L'article L. 313-11 du CESEDA prévoit en effet la délivrance d'un titre aux étrangers dont les liens personnels et familiaux sont tels que le refus d'autoriser leur séjour porterait, au regard des motifs de refus, une atteinte disproportionnée à leur droit au respect de leur vie privée et familiale. Le projet de loi précise que ces liens sont « appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine ».

Concernant le premier point, à savoir les mineurs étrangers isolés, des divergences sont compréhensibles sur l'appréciation du caractère suffisant ou non de cette disposition. Toutefois, force est de reconnaître que celle-ci va dans le sens souhaité par la commission d'enquête sur l'immigration clandestine du Sénat. Le dispositif proposé permet de régler de nombreuses situations de manière encadrée, sans prendre le risque d'avoir un effet d'appel d'air.

S'agissant du deuxième point, à savoir la régularisation des étrangers après une présence de dix années sur le territoire, plusieurs critiques peuvent être émises à l'encontre du dispositif en vigueur. En effet, celui-ci entretient de manière latente une forme d'appel d'air, les étrangers espérant obtenir ce fameux titre au terme de ces dix ans. En quelque sorte, il récompense la persévérance de l'individu à être dans l'illégalité. (MM. Pierre-Yves Collombat et Jean-Pierre Sueur s'exclament.) En raison des difficultés concrètes à faire valoir le droit à être régularisé, il nourrit aussi - il ne faut pas l'oublier - des espoirs déçus.

En outre, une critique récurrente porte sur l'absence d'homogénéité de l'application de cette disposition sur l'ensemble du territoire. Ainsi, de manière générale, on se retrouve à procéder à une régularisation au cas par cas.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. La suppression de ce moyen de régularisation ne doit pas être interprétée comme la fin des régularisations. Au contraire, l'article 24 bis du projet de loi lui substitue une nouvelle procédure, qui consiste réellement à régulariser au cas par cas. Un examen privilégié sera même réservé aux étrangers justifiant de dix années de résidence puisque leur dossier sera obligatoirement soumis pour avis à la Commission nationale de l'admission exceptionnelle au séjour.

Concernant le troisième point, à savoir la régularisation des parents de Français, le fait de relever de un an à deux ans la durée de contribution effective à l'entretien et à l'éducation de l'enfant français doit réellement permettre de déceler les fausses reconnaissances de paternité.

Je rappelle que cette durée n'est applicable que lorsque le parent étranger n'a pas contribué dès la naissance de l'enfant à l'éducation et à l'entretien de ce dernier. La nuance méritait d'être soulignée, car elle a effectivement son importance.

Enfin, concernant la définition tant critiquée des liens personnels et familiaux, il s'agit d'une sorte de synthèse de la jurisprudence en la matière du Conseil d'État. Son inscription dans la loi permet d'offrir un cadre de lecture beaucoup plus aisé non seulement pour les administrations, mais aussi pour les tribunaux.

Cette définition n'enferme pas pour autant les magistrats dans une lecture restrictive du droit à la vie familiale. Les dispositions de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales sont d'application directe.

Pour toutes ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur ces amendements de suppression de l'article.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. L'article 24, article central de ce projet de loi, introduit une disposition nouvelle et aborde la question des cartes de séjour délivrées au titre de la « vie privée et familiale ».

Le Gouvernement a été guidé par deux exigences.

La première exigence a consisté à remettre de l'ordre dans un dispositif insuffisamment maîtrisé. Remettre de l'ordre consiste d'abord à réformer la délivrance des cartes de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 à des étrangers en situation irrégulière, mais dont les liens familiaux et privés qu'ils ont en France les empêchent d'être reconduits à la frontière. Le nombre de bénéficiaires de cette carte a considérablement augmenté : plus de 13 000 cartes ont été délivrées à ce titre en 2004, soit deux fois plus qu'en 2000. Cette voie est devenue un moyen détourné de procéder au regroupement familial. Or il n'est pas possible de la supprimer totalement, car elle répond à une exigence posée par nos engagements européens.

Évidemment, il n'est pas question pour le Gouvernement de ne pas respecter l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Néanmoins, l'article 24 du présent projet, par une rédaction pesée au trébuchet, l'assemblée générale du Conseil d'État ayant émis un avis favorable à cet égard, s'attache à mieux l'encadrer, en précisant les éléments que doivent prendre en compte les préfets pour apprécier l'intensité de la vie privée et familiale en France, à savoir des liens personnels et familiaux intenses, anciens et stables en France.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Que signifie « intenses » ?

M. Yves Pozzo di Borgo. C'est Kafka !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. En outre, nous avons voulu qu'il soit fait état de la nature de ces liens avec la famille restée dans le pays d'origine, des conditions d'existence de l'intéressé et de son insertion dans la société.

Nous avons eu pour seconde exigence la justice à l'endroit des plus faibles. C'est ce à quoi répond la création d'un cas de délivrance de titre de séjour pour « vie privée et familiale » à l'intention des étrangers qui, entrés en France alors qu'ils étaient mineurs et isolés, ont été confiés à l'aide sociale à l'enfance.

Par ailleurs, je tiens à redire solennellement ce qu'a indiqué M. le ministre d'État à l'Assemblée nationale : le Gouvernement n'entend aucunement remettre en cause les conditions du séjour en France des étrangers gravement malades. La loi actuelle est sur ce point très équilibrée.

Pour conclure ce propos liminaire, j'insisterai sur un élément qui me semble fondamental. Nous ne proposons évidemment pas de supprimer toute possibilité de régularisation, c'est-à-dire l'attribution d'une carte de séjour à l'étranger qui en est jusqu'alors dépourvu. Nous maintenons cette soupape de régularisation, mais nous sommes déterminés à mieux l'encadrer pour éviter les effets d'appel d'air et les détournements. Tel est l'objectif du dispositif d'admission exceptionnelle au séjour prévue à l'article 24 bis, qui s'applique à tous ceux qui ne peuvent être admis au séjour selon les règles en vigueur, mais pour lesquels des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels doivent être pris en compte. Une demande d'admission à ce titre sera soumise à l'avis de la Commission nationale de l'admission exceptionnelle au séjour. Celle-ci présentera chaque année un rapport évaluant les conditions d'application de cette voie d'admission au séjour. En outre, elle pourra être saisie pour avis des recours hiérarchiques adressés au ministre de l'intérieur.

Messieurs Yung et Collombat, vous avez invoqué l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Précisément, notre réforme de la carte « vie privée et familiale » respecte cet article. Si tel n'était pas le cas, l'assemblée générale du Conseil d'État n'aurait pas donné un avis favorable sur ce projet de loi.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On verra ce que dira le Conseil constitutionnel !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Cela a été suffisamment répété. M. Gélard a raison de rappeler que vous revenez systématiquement sur tout ce qui a déjà été dit au cours de la discussion générale. Libre à vous de contester une fois de plus la position de l'assemblée générale du Conseil d'État !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela ne nous dérange pas !

M. Gérard Delfau. Ce n'est pas le Conseil d'État qui écrit la loi !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Madame Cerisier-ben Guiga, nous ne vous avons pas attendue pour imaginer une soupape de sécurité en matière d'immigration. C'est l'objet de l'article 24 bis du projet de loi, qui vise à instituer une procédure d'admission exceptionnelle au séjour. Nous ne voulons pas fermer l'accès à la carte « vie privée et familiale », mais la soupape de sécurité que vous aviez imaginée en 1998 ne nous convient pas, et nous en proposons une autre. En outre, nous avons le souci d'éviter les divergences d'appréciation entre préfets (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame), car c'est contraire au principe de l'égalité de tous devant la loi. C'est la raison pour laquelle nous créons la Commission nationale de l'admission exceptionnelle au séjour.

Monsieur Sueur, nous assumons le message que nous envoyons aux jeunes étrangers admis à l'aide sociale. En ma qualité de président de conseil général, je connais bien l'aide sociale à l'enfance et je sais quelles sont les difficultés dans ce domaine. Oui, ces jeunes étrangers auront droit à une carte de séjour à leur majorité. C'est un droit que nous créons.

M. Jean-Pierre Sueur. Ce n'est pas ce qui figure dans le texte ! Ce dernier fait référence au « caractère réel et sérieux de la formation suivie » !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Mais nous conditionnons ce droit aux efforts du jeune étranger, à qui nous demandons simplement de suivre sérieusement sa formation. Nous croyons au mérite et nous voulons tirer vers le haut ces jeunes. C'est ce en quoi notre philosophie diffère de la vôtre !

M. Jean-Pierre Sueur. Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur le ministre ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Je vous en prie, monsieur le sénateur.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, avec l'autorisation de M. le ministre.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le ministre, soyons très précis. Seul compte ce qui est écrit. En l'espèce, la délivrance du titre en question est conditionnée non pas au fait de suivre de manière sérieuse une formation, mais au « caractère réel et sérieux » de celle-ci. Aussi, ce qui est en cause, c'est non pas l'attitude du jeune, mais la formation qu'il suit. (M. Charles Gautier acquiesce.)

En tant que président de conseil général, vous savez que ce sont vos services qui statuent sur ces formations. Par conséquent, ils veillent nécessairement à ce qu'elles soient réelles et sérieuses !

M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le ministre délégué.

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Monsieur Sueur, il me semble fondamental que soit avéré le caractère réel et sérieux de la formation suivie par le jeune et que soit sollicité l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion du jeune dans la société française. Aujourd'hui, les jeunes qui sont confiés à l'aide sociale à l'enfance ne sont pas automatiquement régularisés. Nous proposons d'y remédier. Vous devriez soutenir l'attribution d'un droit qui n'existe pas actuellement au profit des étrangers, et non la contester. L'exercice de ce droit se ferait simplement sous réserve de l'avis des éducateurs des services départementaux qui auront été chargés de ces jeunes, de manière qu'il soit possible de vérifier systématiquement que l'intéressé a mis toute sa volonté, toute son énergie, toute sa détermination à suivre sa formation, à s'intégrer et à respecter un certain nombre de règles. (M. Jean-Pierre Sueur le conteste.)

Ne faites pas une lecture des textes différente selon l'endroit où vous siégez, monsieur Sueur. Votre application à décrypter chaque mot, chaque lettre, chaque virgule devrait nous épargner votre contestation, s'agissant de la question du caractère réel et sérieux de la formation suivie.

Madame Boumediene-Thiery, vous l'avez dit, la régularisation automatique après dix ans de séjour irrégulier posait le problème de la preuve d'un séjour habituel en France durant cette période. Les preuves fournies pouvaient être aléatoires, voire fallacieuses.

Le Gouvernement ne croit pas à la pertinence de ce critère de dix ans.

Vous l'avez rappelé, M. Debré avait suggéré que la régularisation ait lieu au bout de quinze ans. Finalement, la proposition de M. Chevènement visant à fixer ce délai à dix ans s'inscrivait dans le même esprit.

Je voudrais maintenant m'adresser à Mme Borvo, qui a exprimé la même préoccupation que Mme Boumediene-Thiery. Les dispositions ayant pour objet la délivrance de plein droit d'une carte de séjour sont synonymes d'automaticité. C'est précisément ce qui figure au 3° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Oui, il existe bien, depuis la loi Chevènement -  ce n'était pas le cas dans la loi Debré -, un droit automatique du séjour pour les étrangers en situation irrégulière depuis dix ans en France. Or nous y sommes opposés, parce que, selon nous, c'est un message terrible que nous adressons à l'étranger.

M. Christian Estrosi, ministre délégué. C'est, à nos yeux, une prime à la clandestinité. Cela revient à dire ceci à tous les étrangers qui n'arrivent pas à obtenir de visa ou de titre de séjour : venez en France et essayez de gérer votre situation irrégulière pendant dix ans ! Passez à travers toutes les mailles du filet, évitez de vous faire renvoyer dans votre pays d'origine, et, au bout de dix ans, vous serez automatiquement régularisés !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est incroyable !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Ce sera la récompense, à l'issue de la compétition ! Pendant dix ans, les étrangers utiliseront tous les artifices possibles pour se maintenir sur le territoire en sachant que, passé ce délai, ils auront réussi à passer la ligne d'arrivée. Nous estimons que ce n'est pas le meilleur message à envoyer au-delà de nos frontières.

M. Jean-Pierre Sueur. Pourquoi le nombre régresse-t-il ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. C'est la raison pour laquelle nous proposons beaucoup mieux, à savoir une étude au cas par cas.

À l'heure actuelle, l'étranger en situation irrégulière doit attendre dix ans pour obtenir la régularisation de sa situation. Avec le texte qui vous est soumis, la régularisation pourra intervenir plus tôt, par exemple au bout de trois, quatre, cinq ou six ans, si l'étranger remplit un certain nombre de conditions. Il s'agit simplement d'une affaire de « donnant-donnant », de « gagnant-gagnant » : si la personne rentre dans les clous, elle peut bénéficier plus tôt de cette régularisation ; sinon, elle n'y a pas droit.

Mesdames Borvo, Boumediene-Thiery et Assassi, notre volonté est d'apporter une réponse beaucoup plus pragmatique que par le passé, une réponse qui ne puisse être considérée comme un message, envoyé hors de nos frontières, selon lequel il existerait une prime à la clandestinité.

Enfin, madame Assassi, vous nous demandez pourquoi nous posons ce problème aujourd'hui. Je vous réponds tout simplement que le constat que nous faisons ne date pas de quelques années. Cela fait vingt ou trente ans que de véritables politiques reposant sur un principe de lâcheté ont été mises en oeuvre dans notre pays. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) À cause d'elles, la politique d'intégration de notre pays est aujourd'hui totalement en panne,...

M. Charles Gautier. Zorro est arrivé !

M. Jean-Pierre Sueur. C'était Pasqua !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. ... et cela, vous ne pouvez pas le contester ! (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.) Et les émeutes urbaines, les incendies de squats ou autres phénomènes de société auxquels nous assistons régulièrement en sont aujourd'hui la parfaite démonstration. Il était temps que notre pays se dote d'une véritable politique d'immigration et d'intégration. Personne, par le passé, ne s'était appliqué à proposer...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Toujours le même discours !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. ...au Parlement un projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration ! Nous le faisons donc pour mettre un terme à ces vingt ou trente ans de politique de lâcheté en matière d'intégration dans notre pays ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Charles Gautier. Vous n'êtes pas gentil avec vos amis !

M. Gérard Delfau. Merci Pasqua !

M. Charles Gautier. Heureusement, Zorro est arrivé !

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Guy Fischer.)

PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à l'immigration et à l'intégration.

Demande de priorité

Article 24
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration
Article 24 (début)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Monsieur le président, le Gouvernement souhaiterait que le Séant débatte des articles 67 à 79 relatifs à la maîtrise de l'immigration outremer dès demain après-midi, à l'issue du débat sur la déclaration du Gouvernement préalable au Conseil européen des 15 et 16 juin 2006.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur cette demande de priorité ?

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Favorable.

M. le président. La priorité est ordonnée.

Demande de priorité
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration
Article 24 (interruption de la discussion)

Article 24 (suite)

M. le président. Nous en revenons, au sein de l'article 24, aux amendements identiques nos 169 et 348, sur lesquels la commission et le Gouvernement se sont déjà exprimés.

La parole est à Mme Bariza Khiari, pour explication de vote.

Mme Bariza Khiari. Je veux revenir sur les propos qu'a tenus M. le ministre tout à l'heure quand il a qualifié de lâches les politiques qui ont été menées depuis quelques décennies.

Je suppose qu'il ne s'adressait pas à Charles Pasqua. Il évoquait peut-être Jean-Pierre Chevènement. Or je ne crois pas que l'on puisse dire que ce dernier ait fait preuve de lâcheté dans son approche des problèmes de l'immigration. Bien au contraire, la disposition législative qui offrait la possibilité - je dis bien qu'il s'agissait d'une possibilité - d'une régularisation automatique au terme de dix années de présence en France me paraît pragmatique.

S'agissant de l'article 24, mes collègues ont dit tout le mal qu'ils pensaient des restrictions apportées à la délivrance de la carte de séjour « vie privée et familiale ».

Je souhaite, pour ma part, m'attarder sur l'abrogation de la disposition qui permet aujourd'hui à un étranger présent sur notre territoire depuis plus de dix ans, ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant, de bénéficier d'une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale ».

Ces personnes méritent de voir leur situation régularisée. Présentes en France depuis plus de dix ans, elles y ont noué des liens familiaux ou personnels très forts. Leur présence aussi longue sur le sol français justifie à elle seule de leur bonne intégration au sein de la société française. Leur régularisation ne relève pas seulement de la simple humanité.

Vous nous avez rétorqué qu'il s'agissait d'une prime à la clandestinité prolongée. Je ne partage absolument pas votre point de vue. Il me semble normal que la France accorde un statut à tous ces étrangers vivant depuis longtemps sur son territoire, d'autant que leur force de travail est bien souvent exploitée. Nous ne pouvons méconnaître leur détresse.

Vous arguez des dangers que font peser les clandestins sur la société et l'économie françaises. Soyons sérieux ! Vous savez bien, puisque ce chiffre est cité dans l'exposé des motifs du projet de loi, que cette procédure de régularisation partielle concerne moins de 3 000 personnes par an, d'autant que les critères des préfectures sont très stricts à cet égard. D'ailleurs, si l'on se réfère au rapport de Thierry Mariani, on peut y voir que le nombre de régularisations effectuées en 1999 s'est élevé à 2 595, contre 2 486 en 2005, ce qui dénote une baisse. Votre argument n'est donc pas recevable.

Mettre fin à la possibilité de régularisation de la situation de ces personnes et stigmatiser ces dernières comme vous le faites sont des procédés indignes de la France.

En outre, cette mesure sera inefficace puisqu'elle ne conduira qu'à augmenter le nombre des sans-papiers. N'ayant donc qu'un objectif d'affichage et de communication, elle traduit votre volonté de stigmatiser encore plus les migrants à l'approche des élections.

Jusqu'à présent, les régularisations au terme d'une période de dix ans s'effectuaient tranquillement, selon un processus fluide. En le bloquant, vous savez parfaitement que la France sera confrontée un jour à la nécessité de procéder à des régularisations de grande ampleur.

Certes, nous direz-vous, la possibilité de régularisation est préservée, dans une moindre mesure, par le biais de l'article 24 bis introduit par l'Assemblée nationale. Ainsi, les demandes de régularisation des personnes résidant en France depuis plus de dix ans seront soumises à la Commission nationale de l'admission exceptionnelle de séjour. Mais, contrairement à ce que vous avez affirmé devant l'Assemblée nationale, cette disposition ne vise pas à permettre les régularisations que la France devra nécessairement opérer. En effet, ces admissions au séjour seront exceptionnelles et fondées non pas sur le lien familial ou personnel, mais uniquement sur des considérations humanitaires ou des motifs exceptionnels que votre texte ne précise pas.

Dès lors, n'en déplaise à M. Gélard, nous ne cesserons de répéter tout au long de nos débats que ce projet de loi n'est pas bon, que ses dispositions frappent durement, stigmatisent et précarisent un peu plus les migrants. L'effet cocotte-minute, excellemment décrit par ma collègue Mme Cerisier-ben Guiga, se manifestera très vite et contraindra votre gouvernement, ou un autre - vous voyez que je ne préjuge de rien ! -, à revoir ce dispositif, que vous le vouliez ou non.

Monsieur le ministre, votre attitude est systématique. Vous renforcez considérablement le droit au séjour, mais vous concédez un petit quelque chose qui serait la preuve d'une grande humanité et que vous nous présentez comme une avancée.

Nous ne sommes pas dupes ; nous le répéterons sans cesse au cours de l'examen de ce texte.

M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour explication de vote.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Nous pouvons regretter ce soir qu'une mesure de bon sens et d'humanité prise par Jean-Louis Debré en 1997 soit abrogée. Elle tenait pourtant compte de la réalité et des conditions de vie difficiles des personnes installées de longue date en France.

Il ne faut pas se raconter d'histoires : quand on est jeune et insouciant, la situation irrégulière est relativement facile à vivre ; en revanche, pour l'étranger qui vieillit dans un pays, elle engendre un sentiment d'insécurité particulièrement pénible, et l'on ne s'y résout que si l'on n'a pas d'autre solution.

J'aimerais poser une question à nos collègues : combien d'entre nous n'ont-ils pas un parent ou un grand-parent ayant été « irrégulier » à son arrivée en France ? Combien de Français ne sont-ils pas descendants d'Espagnols, d'Italiens, de Polonais, de ressortissants de pays d'Europe centrale s'étant trouvé en séjour irrégulier ? (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Patrice Gélard. Ils n'étaient pas clandestins !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. N'en faisons pas un crime ! Le contexte international contraint parfois certains, pour survivre, à se déplacer et à accepter des conditions de vie difficiles à l'étranger, dans un pays où rien n'est connu.

À ce propos, je me souviens d'une publicité télévisée d'Amnesty International qui montrait des hommes nus, sortant d'une station de métro, accompagnée du commentaire suivant : « Ils sont des centaines de milliers dans le monde à être nus dans des pays où tout le monde est habillé, parce qu'ils n'ont pas de papiers ».

En voulant « jouer les gros bras », en refusant de transiger dans ce domaine, vous méconnaissez totalement les conditions de la vie internationale !

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour explication de vote.

Mme Alima Boumediene-Thiery. J'ajouterai aux propos qui ont été tenus par mes collègues et auxquels je souscris totalement que cette régularisation exceptionnelle qui était en vigueur jusqu'à présent et qui n'était pas automatique était difficile à obtenir, puisque le demandeur devait justifier de conditions de séjour strictes et que la procédure était longue et complexe.

Je rappelle surtout que cette catégorie avait été créée pour tenir compte de l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales visant à garantir le respect de la vie privée et familiale, afin de préserver les liens familiaux ou personnels. La suppression de cette catégorie revient à remettre en cause l'acquis de la Convention.

Par ailleurs, s'agissant des jeunes confiés à l'aide sociale à l'enfance, l'ASE, depuis l'âge de seize ans, domaine que je connais bien à titre professionnel, ils pouvaient jusqu'à présent obtenir la nationalité française.

Or, aujourd'hui, vous nous faites croire, monsieur le ministre, que, dans un grand élan de générosité, vous leur donnez une carte de séjour temporaire d'un an alors qu'ils n'avaient rien auparavant.

Je vous rappelle que c'est la loi de M. Sarkozy de novembre 2003 qui les a laissés dans ce vide juridique, en leur retirant la possibilité de bénéficier de la nationalité française à dix-huit ans.

Vous avez d'ailleurs déjà essayé de combler ce vide juridique puisque, par une circulaire du 2 mai 2004, M. Sarkozy a demandé aux préfets de réexaminer, au cas par cas, la situation des jeunes qui avaient été confiés à l'ASE depuis au moins trois ans.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 169 et 348.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des lois.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 202 :

Nombre de votants 329
Nombre de suffrages exprimés 329
Majorité absolue des suffrages exprimés 165
Pour l'adoption 127
Contre 202

Le Sénat n'a pas adopté.

Je suis saisi de quinze amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 349, présenté par Mmes Assassi, Borvo Cohen-Seat, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer le 2° de cet article.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je voudrais, en préambule à la présentation de cet amendement, qui porte toujours sur l'article 24, rappeler que l'on ne soulignera jamais assez combien la législation, de plus en plus restrictive depuis les lois Pasqua, a fabriqué de clandestins ou de sans-papiers.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Si on laisse entrer tout le monde, c'est sûr qu'il n'y aura pas de sans-papiers !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous nous conformons bien sûr à l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, mais le préambule de notre Constitution garantit, lui aussi, le droit à la vie privée !

Monsieur le ministre, vous avez qualifié d'avancée le paragraphe de l'article 24 que nous souhaitons supprimer. J'ajouterai : une avancée... par rapport au recul qui l'a précédée !

Mme Catherine Tasca. Un pas en avant, deux pas en arrière !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce n'est pas une grande avancée : ce n'est que la correction d'un recul marqué par les lois précédentes. Il s'agit d'accorder la carte de séjour temporaire à l'enfant confié depuis l'âge de seize ans au service de l'ASE. Or, en pratique, la multiplication des conditions posées la rendra difficilement applicable et laissera une trop large place au pouvoir d'appréciation de l'administration, c'est-à-dire à l'arbitraire, et à la différence de traitement selon l'endroit. De plus, la structure d'accueil à laquelle est confiée la mission de service public de la protection de l'enfance n'a pas pour vocation de donner son avis sur l'insertion d'un étranger dans la société française.

Par ailleurs, ce paragraphe a été complété à l'Assemblée nationale par un amendement, présenté par M. Alain Marsaud, qui vise à exclure de la carte de séjour de plein droit les étrangers qui ne résident pas habituellement en France avec leurs parents légitimes, naturels ou adoptifs, à l'exception de ceux qui ont été confiés au service de l'ASE : ainsi, le séjour sera refusé à nombre de personnes qui vivent en France parfois depuis leur plus jeune âge.

Une telle restriction n'a aucun sens puisque la disposition visée découle précisément non pas des attaches familiales de l'intéressé, mais des forts liens qu'il a pu tisser en France du fait de l'ancienneté considérable de sa présence sur son territoire, parfois, je le disais, depuis son plus jeune âge. En outre, elle a pour effet d'exclure toute possibilité légale de régularisation pour les jeunes confiés à un tiers autre que ses parents.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous demandons la suppression du 2° de l'article 24.

M. le président. L'amendement n° 37 rectifié, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. - Rédiger comme suit le texte proposé par le 2° de cet article pour le 2° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :

« 2° À l'étranger dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3, qui justifie par tout moyen avoir résidé habituellement en France avec au moins un de ses parents légitimes, naturels ou adoptifs depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans, la filiation étant établie dans les conditions prévues à l'article L. 314-11 ; la condition prévue à l'article L. 311-7 n'est pas exigée ; »

II. - Après le 2° de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - Après le 2°, il est inséré un 2° bis ainsi rédigé :

« 2° bis À l'étranger dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3, qui a été confié, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance et sous réserve du caractère réel et sérieux de la formation suivie, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 311-7 n'est pas exigée.

La parole est à M. le rapporteur.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Un amendement présenté à l'Assemblée nationale par le rapporteur avait précisé les conditions dans lesquelles un mineur qui justifie par tout moyen avoir sa résidence habituelle en France depuis l'âge de treize ans peut obtenir la carte « vie privée et familiale » à sa majorité : l'étranger devait justifier résider habituellement en France avec ses parents légitimes, naturels ou adoptifs ; dans ce dernier cas, l'enfant devait avoir été adopté en vertu d'une décision d'adoption, sous réserve de la vérification par le ministère public de la régularité de cette décision lorsqu'elle a été prononcée à l'étranger. L'objet de cet amendement est de lutter contre l'immigration clandestine d'enfants mineurs qui sont confiés par leurs parents, restés dans leur pays d'origine, à un membre de la famille établi légalement en France.

Toutefois, il est apparu au cours des auditions que la rédaction retenue par l'Assemblée nationale exigeait que l'enfant ait résidé avec ses deux parents. Le présent amendement tend donc à prévoir qu'il suffit que l'enfant ait résidé avec au moins un de ses parents, afin de prendre en compte les situations de divorce, de séparation ou de décès.

Par ailleurs, l'amendement a été rectifié de façon que le texte proposé pour le 2° bis prévoie qu'une carte de séjour puisse être délivrée à un mineur de seize ans confié à l'ASE s'il souhaite exercer une activité professionnelle. Ce cas de figure sera vraisemblablement assez rare, mais il ne faut pas l'interdire. Le projet de loi prévoit d'ailleurs qu'un titre de séjour, chaque fois qu'il est délivré à un jeune majeur, peut également l'être à un mineur de seize ans qui souhaite travailler.

Enfin, je souhaite rectifier une dernière fois l'amendement pour tenir compte de la remarque formulée tout à l'heure par notre collègue Jean-Pierre Sueur et, dans le texte proposé pour le 2° bis, remplacer les mots : « sous réserve du caractère réel et sérieux de la formation suivie » par les mots : « sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation », de manière que les choses soient le plus claires possible.

M. le président. L'amendement n° 37 rectifié bis est donc ainsi libellé :

I. - Rédiger comme suit le texte proposé par le 2° de cet article pour le 2° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :

« 2° À l'étranger dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3, qui justifie par tout moyen avoir résidé habituellement en France avec au moins un de ses parents légitimes, naturels ou adoptifs depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans, la filiation étant établie dans les conditions prévues à l'article L. 314-11 ; la condition prévue à l'article L. 311-7 n'est pas exigée ; »

II. - Après le 2° de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... - Après le 2°, il est inséré un 2° bis ainsi rédigé :

« 2° bis À l'étranger dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3, qui a été confié, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance et sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 311-7 n'est pas exigée.

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 171 rectifié est présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et M. André, MM. Assouline, Badinter, Bel et Bockel, Mme Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et C. Gautier, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Mahéas, Mermaz, Peyronnet et Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe socialiste et apparentés.

L'amendement n° 491 est présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et M. Desessard.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Dans le premier alinéa du texte proposé par 2° de cet article pour le 2° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, supprimer les mots :

, depuis qu'il a atteint l'âge de seize ans,

La parole est à M. Louis Mermaz, pour présenter l'amendement n° 171 rectifié.

M. Louis Mermaz. Il ne s'agit que d'un amendement de repli, mais qui pourrait épargner à certains jeunes des situations particulièrement pénibles.

En effet, il est prévu qu'une carte de séjour temporaire peut être accordée à l'étranger dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3 qui justifie par tout moyen avoir sa résidence habituelle en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans, ou à l'étranger qui a été confié, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance et sous réserve, comme cela vient d'être évoqué, du caractère réel et sérieux du suivi de la formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française.

Tout cela est très étrange, et Stendhal, s'il vivait encore, ne voudrait plus rédiger à l'image du code ; les codes sont de plus en plus embrouillés et ne constituent guère un bon exemple de syntaxe : tout est fait pour que l'on se prenne la tête à deux mains afin d'essayer de comprendre ce qui est proposé.

Nous pensons donc qu'il faudrait supprimer cette limitation d'âge, qui est particulièrement cruelle - comme au demeurant de nombreux aspects de ce texte. Le projet de loi prévoit, ce qui relève actuellement de simples circulaires, de régler la situation des jeunes confiés à l'aide sociale à l'enfance depuis l'âge de seize ans. Et voilà que maintenant l'on pose des conditions tenant au sérieux du suivi de la formation, à l'absence de liens avec la famille restée dans le pays d'origine, à l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française... On ne voit pas comment on pourrait réunir autant de renseignements depuis le territoire national, ni en quoi la structure d'accueil est chargée de se prononcer sur la qualité de l'insertion du jeune !

D'ailleurs, cette prise en considération des mineurs isolés doit être estimée à sa juste valeur. Non seulement il est très difficile d'obtenir une place à l'aide sociale à l'enfance, mais, lorsque les jeunes l'ont obtenue, ils se voient délivrer un titre d'un an seulement, alors qu'avant la loi du 26 novembre 2003, plus couramment appelée « loi Sarkozy », ils pouvaient se voir reconnaître la nationalité française. C'est donc déjà une formidable régression !

Notre amendement tend à supprimer la condition d'âge. En effet, lorsque les jeunes ont été confiés à la structure d'aide sociale à l'enfance après l'âge de quinze ans, ils sont expulsables à leur majorité. On se demande pourquoi notre pays mettrait à leur disposition des gens dévoués, ferait ce qu'il peut pour les éduquer, leur apprendre la langue française..., tout cela pour pouvoir les expulser quand ils atteignent dix-huit ans ! En dehors de l'inhumanité de la proposition, c'est, du point de vue de l'intérêt national, une absurdité qui, en outre, priverait de papiers des jeunes qui ont la volonté de s'intégrer, d'apprendre un métier, et les réduirait à une situation de grande détresse.

Monsieur Estrosi, l'un de vos collègues s'appelle Azouz Begag. Je le connais bien, puisqu'il vient de la même région que moi. Récemment, dans l'Isère, il appelait à la naissance d'une France « à la brésilienne » et soulignait avec beaucoup d'humour qu'il faudrait que l'équipe de France compte davantage de Blancs et la haute fonction publique davantage de Noirs... Il me semble que vous devriez vous concerter sur ce point, au sein du Gouvernement.

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour présenter l'amendement n° 491.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Monsieur le ministre, la régularisation des jeunes entrés en France avant l'âge de treize ans, je vous le rappelle, se fonde sur des liens personnels qu'ils ont noués sur le territoire et qui doivent bien sûr rester indépendants des liens familiaux qu'ils pourraient posséder par ailleurs.

Imposer, en l'occurrence, une limite d'âge n'aura qu'une conséquence : précariser encore plus la situation des mineurs isolés, même s'ils sont entrés régulièrement en France - il en existe !

Ces jeunes sont des enfants qui se retrouvent dans des situations très précaires, isolés, affaiblis, en proie à tous les trafics, à toutes les violences et à toutes les exploitations.

Or, à la différence de ce que nombre de membres de votre majorité parlementaire annoncent, ces enfants ne constituent en rien la tête de hordes, invasives, d'étrangers.

Nous devons arrêter de nourrir de tels fantasmes qui créent des peurs dans la société française et qui, à mon avis, engendrent du racisme et de la discrimination.

Il convient ainsi de ne pas imposer de limite d'âge dans la délivrance de plein droit d'un titre de séjour à ces enfants confiés à l'aide sociale à l'enfance.

M. le ministre de l'intérieur ne peut pas se contenter de venir ici, le coeur sur la main, nous dire qu'il fait preuve d'humanité en annonçant la régularisation de parents d'enfants scolarisés, alors que nous apprenons que cette régularisation, laissée au bon vouloir des préfets, sera fondée sur des critères restrictifs, injustes, qui risquent de laisser sur le carreau certains jeunes, notamment ceux dont les parents sont déboutés du droit d'asile.

Nous aimerions d'ailleurs connaître la date de publication de cette circulaire, car vous nous l'avez annoncée le 6 juin, nous sommes le 13 juin, et elle n'a toujours pas été publiée. On peut se demander si elle va enfin voir le jour ou si elle va finir, comme la suppression de la double peine, dans les bas-fonds de l'oubli.

M. le président. L'amendement n° 350, présenté par Mmes Assassi,  Borvo Cohen-Seat,  Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Dans le quatrième alinéa de cet article, remplacer les mots :

depuis qu'il a atteint l'âge de seize ans

par les mots :

sans condition d'âge

 

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il s'agit d'un amendement de repli qui fait suite à celui que j'ai défendu tout à l'heure, puisque nous sommes hostiles aux dispositions prévues dans l'article 24, qui méconnaissent la réalité.

Les jeunes confiés à l'aide sociale à l'enfance avant l'âge de seize ans doivent suivre une formation dont le caractère réel et sérieux sera vérifié - je remercie M. le rapporteur d'avoir modifié cette phrase qui n'exprimait pas son intention -, ne pas avoir de liens avec la famille restée au pays et bénéficier de l'avis positif de la structure d'accueil.

Cette disposition serait justifiée par l'existence de réseaux d'immigration clandestine qui enverraient des enfants non accompagnés en France. On est en pleine paranoïa ! En fait, le nombre d'enfants confiés à l'ASE est très limité, ce que nous déplorons car tout mineur isolé devrait être confié à l'ASE. Or, c'est loin d'être le cas.

La condition d'âge qui est posée est donc trop restrictive, d'autant qu'elle s'ajoute aux autres conditions.

Pour notre part, nous souhaitons que tout enfant ayant bénéficié de l'aide sociale à l'enfance puisse se voir attribuer une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale », puisqu'il a vocation a priori à rester en France.

En réalité, ces enfants n'ont aucune chance de retrouver un milieu familial et social accueillant dans leur pays d'origine. La plupart d'entre eux sont venus dans des conditions extrêmement difficiles. Personnellement, j'ai rencontré des enfants qui avaient été vendus, violés, qui étaient arrivés en France dans des conditions épouvantables. Ils commencent à se reconstruire à l'ASE. En général, ils ont une très grande volonté d'intégration, ils veulent apprendre un métier, ils suivent une formation, et on va leur dire que, s'ils ne remplissent pas toutes sortes de conditions théoriques, on va les renvoyer dans leur pays d'origine ! Ce serait absolument inhumain, et vous devriez bien réfléchir, mes chers collègues, avant de voter une telle disposition.

M. le président. L'amendement n° 170, présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et  M. André, MM. Assouline,  Badinter,  Bel et  Bockel, Mmes Boumediene-Thiery et  Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et  C. Gautier, Mmes Khiari et  Le Texier, MM. Mahéas,  Mermaz,  Peyronnet et  Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa du texte proposé par le 2° de cet article pour le 2° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, supprimer les mots :

et sous réserve du caractère réel et sérieux de la formation suivie, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française

 

La parole est à M. Louis Mermaz.

M. Louis Mermaz. Il s'agit également d'un amendement de repli qui tend à supprimer les conditions introduites par le projet de loi pour faire bénéficier les enfants confiés à l'aide sociale à l'enfance d'une carte de séjour d'un an.

Le caractère réel et sérieux de la formation suivie, de la nature des liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion des étrangers dans la société française, tout cela nous semble d'une lourdeur extraordinaire.

L'aide sociale à l'enfance est une structure sérieuse qui n'accepte pas n'importe qui sans une enquête. Le fait même que le mineur ait été accepté par cette structure est déjà une preuve de sérieux, le reste est superfétatoire.

Quant aux liens avec la famille restée dans le pays d'origine, comment apporter la preuve qu'ils n'existeraient pas ou n'existeraient plus ? Il est en effet pratiquement impossible d'apporter la preuve de l'absence de quelque chose.

Voilà encore une mesure d'affichage, qui ne concernerait qu'un petit nombre de personnes. Mais pourquoi vouloir leur appliquer un traitement aussi inhumain ? L'amendement n° 170 vise donc à apporter un peu plus de souplesse et d'intelligence dans le traitement de jeunes en grande détresse. À une situation humaine catastrophique, il ne faut pas ajouter des complications et des impasses administratives.

M. le président. L'amendement n° 492, présenté par Mmes Boumediene-Thiery,  Blandin et  Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :

Dans le deuxième alinéa du 2° de cet article, supprimer les mots : 

et sous réserve du caractère réel et sérieux de la formation suivie, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine

 

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Il s'agit également d'un amendement de repli qui, je l'espère, sera considéré comme un amendement de bon sens.

L'aide sociale à l'enfance est une institution qui représente l'État. Elle n'est certes pas parfaite, je le reconnais, mais les hommes et les femmes qui en ont la charge effectuent un travail remarquable, avec peu de moyens et avec un grand dévouement.

Or les dispositions de l'article 24, en plus de restreindre excessivement les conditions d'octroi de plein droit d'un titre de séjour temporaire, laissent croire que l'ASE ne fait pas son travail et qu'il faudrait le contrôler, le vérifier pour voir s'il y a un vrai suivi et une formation sérieuse.

En outre, les preuves que vous exigez ne sont pas acceptables. Dans de nombreux pays d'Afrique ou d'Asie, il est extrêmement difficile, voire impossible, d'apporter la preuve qu'il n'y a plus de liens avec la famille d'origine. Quand, de surcroît, le pays est en guerre, comment prouver que vos parents ont disparu, qu'ils sont peut-être décédés ou qu'ils vous ont abandonné ?

On pourrait d'ailleurs considérer que le placement en ASE suppose la vérification de la rupture des liens familiaux, puisque c'est l'ASE elle-même qui éduque le jeune. C'est d'ailleurs dans ce sens que s'est prononcé le Conseil d'État, à travers sa décision du 21 avril 2000, considérant que tout mineur devenu majeur et qui témoigne de sa volonté d'intégration et de mener à bien des études pour accéder à une formation professionnelle doit bénéficier d'un titre de séjour de plein droit. En effet, à partir du moment où il a été confié à l'ASE, il est considéré comme n'ayant plus de liens permanents avec sa famille.

Enfin, ces dispositions marquent un immense recul pour les droits et les garanties des jeunes migrants isolés. Les structures qui s'occupent des migrants isolés ont déjà beaucoup de difficultés. Or les restrictions en matière de délivrance de titres de séjour auxquelles vont aboutir les mesures que vous préconisez vont leur imposer un travail supplémentaire pour lequel elles ne recevront certainement pas de moyens supplémentaires.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 172 est présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et  M. André, MM. Assouline,  Badinter,  Bel et  Bockel, Mmes Boumediene-Thiery et  Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et  C. Gautier, Mmes Khiari et  Le Texier, MM. Mahéas,  Mermaz,  Peyronnet et  Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 351 est présenté par Mmes Assassi,  Borvo Cohen-Seat,  Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Dans le premier alinéa du texte proposé par le 2° de cet article pour le 2° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, supprimer les mots :

de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine

 

La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour présenter l'amendement n° 172.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Cet amendement de repli tend à supprimer la condition relative à la nature des liens avec la famille restée dans le pays d'origine.

Nous l'avons déjà dit, il est tout à fait impossible d'apporter la preuve de l'absence de quelque chose.

Par ailleurs, pourquoi voulez-vous exiger de ces jeunes, qui sont souvent sans nouvelle d'une famille dispersée, laquelle les a parfois abandonnés, d'une famille dont ils ont un vague souvenir, une absence totale de liens avec leur famille d'origine ?

Après une guerre civile par exemple, on vit dans l'espoir de retrouver de la famille, et il n'est pas impossible de la retrouver quinze ans ou vingt ans plus tard.

Les conditions que vous voulez imposer sont kafkaïennes. Elles démontrent en tout cas une parfaite méconnaissance des traumatismes lourds que peut subir une personne lors des troubles, des massacres qui secouent certains pays.

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 351.

Mme Éliane Assassi. Cet amendement n° 351 est également un amendement de repli car nous nous interrogeons, nous aussi, sur l'expression « la nature des liens ». De quels liens s'agit-il ? Dans quelles circonstances ces liens seront-ils de nature à faire obstacle à l'obtention d'un titre ?

Par ailleurs, nous souhaitons rappeler que le droit français dans son ensemble exclut la nécessité de la preuve d'un fait négatif, en considération de son caractère impossible à établir.

En outre, toute demande de présentation de documents prouvant le décès d'une personne proche introduirait une rupture d'égalité devant la loi.

Pour toutes ces raisons, nous vous proposons, mes chers collègues, d'adopter cet amendement.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 352 est présenté par Mmes Assassi,  Borvo Cohen-Seat,  Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

L'amendement n° 493 est présenté par Mmes Boumediene-Thiery,  Blandin et  Voynet et M. Desessard.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Dans le quatrième alinéa de cet article, supprimer les mots :

et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française

La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 352.

Mme Éliane Assassi. S'agissant des jeunes étrangers confiés à l'ASE, parmi les nouvelles conditions cumulatives requises désormais pour obtenir une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » figure l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de ces étrangers dans la société française.

La multiplication des conditions d'accès telles qu'elles sont formulées ici laisse à l'administration un large pouvoir d'appréciation et amoindrit de fait la notion de plein droit qui devrait gouverner la délivrance d'un tel titre de séjour.

Par ailleurs, comme nous l'avons déjà souligné, nous nous étonnons de l'utilisation de vocables différents dans ce projet de loi pour évoquer l'intégration des étrangers à la société. Sont évoqués pêle-mêle l'intégration, l'insertion, le respect des principes de la République. Comment peut-on s'y retrouver ?

Outre le fait qu'il s'agit de notions très floues, à la définition juridique plus qu'incertaine, je tiens à rappeler que les travailleurs sociaux n'ont pas vocation à se transformer en agents de contrôle au service de la politique migratoire engagée par le Gouvernement.

Cette demande est en totale contradiction avec les missions et l'éthique qui gouvernent la pratique sociale en France.

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour présenter l'amendement n° 493.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Monsieur le ministre, votre projet de loi, article après article, ne cesse d'exprimer votre volonté de plonger l'étranger dans l'arbitraire le plus absolu.

En effet, vous le faites ici encore en donnant un poids exorbitant aux familles et aux structures d'accueil.

Vous refusez ainsi de reconnaître qu'il n'y a pas d'uniformité dans le traitement des structures d'accueil, chacune pouvant diverger d'une région à l'autre, d'une personne à l'autre. Des écarts considérables peuvent être observés d'une structure à une autre, l'une pouvant donner des avis négatifs là où une autre aurait donné des avis positifs.

De plus, exiger l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion des étrangers dans la société française est en totale contradiction avec les missions des travailleurs sociaux et l'éthique de la pratique sociale. Les travailleurs sociaux n'ont pas vocation à se transformer en agents de contrôle au service de la politique migratoire.

Enfin, un enfant placé dans une structure d'accueil peut se révéler parfaitement inséré, alors même qu'il sera confronté à des difficultés relationnelles ou à des désaccords avec les membres de la structure ou de la famille d'accueil.

Qu'en est-il de la stabilité du droit ? Où est l'équilibre, l'équité, la justice ?

Monsieur le ministre, je vous invite à tout mettre en oeuvre afin d'éviter que ne s'instaure une exception dans la règle de droit et donc à revenir sur les dispositions de cet article.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 353 est présenté par Mmes Assassi,  Borvo Cohen-Seat,  Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° 494 est présenté par Mmes Boumediene-Thiery,  Blandin et  Voynet et M. Desessard.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer le cinquième alinéa de cet article.

 

La parole est à Mme Annie David, pour présenter l'amendement n° 353.

Mme Annie David. Par cet amendement de repli, nous souhaitons supprimer le cinquième alinéa de l'article 24, introduit à l'Assemblée nationale à la suite du vote d'un amendement déposé par M. Alain Marsaud. Nous avons déjà évoqué cet alinéa précédemment. Je ne m'y attarderai donc pas.

Je tiens toutefois à préciser que cette disposition, qui a pour objet d'exclure du bénéfice de la carte de séjour de plein droit les étrangers qui ne résident pas habituellement en France avec leurs parents légitimes, naturels ou adoptifs, à l'exception de ceux qui sont confiés aux services de l'ASE a été adoptée à l'Assemblée nationale sans aucun débat. Il s'agit pourtant d'une disposition lourde de conséquences puisqu'elle entraîne un refus de séjour, à leur majorité, à des personnes vivant en France parfois depuis leur plus jeune âge.

Là encore, vous reprenez le leitmotiv de la lutte contre l'immigration clandestine, qui justifierait tous les abus de votre projet de loi, toutes les atteintes aux droits les plus fondamentaux de la personne humaine et à l'intérêt supérieur de l'enfant, car, il faut le rappeler, nous parlons ici de jeunes étrangers. Mais qu'importe pour vous, pourvu qu'à la fin de l'année vous atteigniez le chiffre des 25 000 reconduites à la frontière !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Bien plus, j'espère !

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour présenter l'amendement n° 494.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Lors des débats à l'Assemblée nationale, certains députés de la majorité ne se sont pas privés de proposer une série d'amendements extrêmement restrictifs en termes de droits et de libertés des migrants étrangers, y compris de ceux qui sont en situation régulière, car il y en a ! Tous les étrangers ne sont pas sans-papiers !

Le cinquième alinéa de l'article 24, issu d'un amendement adopté à l'Assemblée nationale, aggrave de façon inacceptable la situation des jeunes migrants qui ne résident pas habituellement en France avec leurs parents. Sont exclus de l'octroi d'un titre de séjour temporaire les mineurs isolés ainsi que ceux confiés à un parent - oncle, tante, frère, grande soeur -, et tous les jeunes qui ne sont pas pris en charge par l'ASE. Le Gouvernement les condamne ainsi à demeurer dans des situations de clandestinité quasiment non sujette à régularisation, donc dans une clandestinité illimitée.

Monsieur le ministre, avec une telle politique, vous allez obtenir le contraire de ce que vous annoncez. En même temps, vous continuez à alimenter toutes les catégories de « ni-ni », ceux qui ne sont ni expulsables, ni régularisables. En effet, ces jeunes mineurs que l'on ne pourra pas expulser, on ne voudra pas non plus les régulariser.

Il est temps de cesser de s'enfermer dans des dogmes et d'ouvrir les yeux sur la réalité.

M. le président. L'amendement n° 173, présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et  M. André, MM. Assouline,  Badinter,  Bel et  Bockel, Mmes Boumediene-Thiery et  Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et  C. Gautier, Mmes Khiari et  Le Texier, MM. Mahéas,  Mermaz,  Peyronnet et  Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

À la fin du second alinéa du texte proposé par le 2° de cet article pour le 2° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, supprimer les mots :

qui justifie, en outre, résider habituellement en France avec ses parents légitimes, naturels ou adoptifs

 

La parole est à M. Louis Mermaz.

M. Louis Mermaz. Toutes ces dispositions relèvent d'un comportement maniaque, voire obsessionnel. Ainsi, pour pouvoir demeurer en France, le fait d'avoir un oncle ou une tante résidant dans notre pays ne suffira plus. Cet amendement tend donc à supprimer l'obligation introduite par l'Assemblée nationale, pour les jeunes arrivés en France avant l'âge de treize ans, de justifier qu'ils résident habituellement en France avec leurs parents légitimes, naturels ou adoptifs.

Selon les termes actuels du projet de loi, il n'est pas suffisant que ces enfants, qui ont pu être confiés à un oncle, une tante, une grande soeur ou à des amis de la famille, soient très certainement scolarisés. Ils doivent en plus résider avec leurs parents. Certes, le législateur, dans sa grande bonté, a accepté de prévoir que l'enfant réside avec son père ou sa mère, et non forcément avec ses deux parents. Mais cela ne va tout de même pas très loin.

Nous trouvons cette restriction tout à fait absurde. Pour ma part, j'ai souvent assisté à des audiences au tribunal de grande instance de Bobigny où de jeunes étrangers étaient assistés par leur oncle. Jusqu'à présent, cette pratique était considérée comme normale. Faudra-t-il désormais que les magistrats se plient à une nouvelle pratique maniaque ?

M. le président. L'amendement n° 354, présenté par Mmes Assassi,  Borvo Cohen-Seat,  Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après le cinquième alinéa de cet article, insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...° Après le 2°, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« ... ° À l'étranger mineur, ou dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qui justifie par tout moyen suivre une formation française, dispensée soit par un organisme public soit par un organisme privé présentant les caractères déterminés par un décret en Conseil d'État ; »

 

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. La loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité a débouché sur une politique de l'immigration extrêmement répressive à l'égard des étrangers présents sur le territoire français.

L'orientation répressive de la loi a été accentuée par les déclarations successives du ministre de l'intérieur sur son souhait de voir augmenter considérablement le nombre des reconduites à la frontière pour atteindre, à la fin de cette année, le chiffre de 25 000 expulsions. Une telle politique du chiffre n'est évidemment pas sans conséquences, notamment sur les conditions de rétention des étrangers. Elle a également mis en lumière des cas problématiques de mineurs ou de jeunes majeurs étrangers, scolarisés en France mais menacés d'une reconduite à la frontière.

Ces élèves se trouvent dans une situation précaire, c'est le moins que l'on puisse dire. Chaque jour, l'actualité dévoile des situations dramatiques d'enfants arrachés à leur école, à leurs copains, à leurs enseignants, pour être renvoyés du territoire français.

Le plus souvent, ces enfants sont arrivés en France après avoir fui leur pays, car ils y étaient en danger. Certains sont des mineurs isolés et ne disposent pas de titre de séjour. La loi ne les oblige d'ailleurs pas à en posséder. D'autres vivent en France avec leurs parents, mais ceux-ci n'étant pas systématiquement en situation régulière, ils sont donc, eux aussi, menacés de reconduite à la frontière.

Avant la mise en oeuvre de la loi de 2003, ces jeunes pouvaient poursuivre leur scolarité normalement et obtenaient, le plus souvent, la régularisation de leur séjour en France, les préfectures prenant en compte leur situation familiale et scolaire, laquelle traduisait généralement une forte volonté d'intégration et d'établissement durable en France. Mais, depuis plusieurs mois, nous sommes confrontés à cette situation injuste et indigne d'un pays comme le nôtre, dans laquelle de jeunes étrangers, scolarisés en France, se trouvent sous le coup d'un arrêté de reconduite à la frontière.

Dans tous ces cas, c'est l'intérêt et le droit à l'éducation des enfants qui sont bafoués, que ceux-ci soient en situation régulière ou non. Leur refuser ce droit n'est aujourd'hui pas justifié, d'autant plus que le nombre de mineurs isolés n'est pas aussi important que certains voudraient le laisser croire. Selon la Défenseure des enfants, on estime en effet entre 2 500 et 3 000 le nombre de mineurs étrangers isolés en France. Nous voulons permettre à ces jeunes de bénéficier d'une scolarité « normale », car ils font preuve d'une grande détermination à suivre leurs études en France et y envisagent, pour la plupart, leur avenir familial et professionnel.

C'est pourquoi il est nécessaire de leur accorder une protection, qui n'est aujourd'hui pas spécifiquement prévue par les textes. Au-delà des déclarations d'intention et des circulaires ministérielles, nous proposons d'inscrire ce principe dans le marbre de la loi. Et, afin de permettre à chacun de se prononcer librement et clairement sur cette proposition, nous demandons un vote par scrutin public.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission est défavorable aux amendements nos 349, 171 rectifié et 491.

S'agissant de l'amendement n° 350, craignant que la suppression de la condition d'âge ne crée les conditions d'un appel d'air extrêmement fort, elle a émis un avis défavorable.

En ce qui concerne l'amendement n° 170, je rappellerai que les conditions mises à l'obtention de la carte de séjour par les mineurs ont pour but d'éviter que ceux-ci ne soient utilisés dans des filières d'immigration clandestine, ce qui pourrait provoquer un effet d'appel d'air. L'avis de la commission est donc défavorable.

La commission émet le même avis sur les amendements nos 492, 172, 351, 352, 493, 353 et 494.

L'amendement n° 173 est en partie satisfait par l'amendement n° 37 rectifié bis de la commission, aux termes duquel l'étranger doit simplement justifier qu'il réside en France avec un de ses parents et non avec les deux. L'avis est donc défavorable.

Enfin, l'amendement n° 354 vise à régulariser tous les mineurs ayant été scolarisés en France. Ce principe est contraire à l'esprit du projet de loi. En outre, des propositions ont été faites par le Gouvernement afin de régulariser un certain nombre de jeunes moyennant le respect de certaines conditions. La commission est donc défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 349. La mesure que nous souhaitons prendre à l'égard des jeunes étrangers arrivés en France alors qu'ils étaient mineurs est protectrice. Elle tend en effet à délivrer de plein droit une carte de séjour aux jeunes étrangers isolés en France qui ont été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance et se sont inscrits dans un parcours d'insertion financé par les conseils généraux. Cette mesure nouvelle bénéficiera à peu près à 1 000 enfants qui, aujourd'hui, n'ont pas le droit d'obtenir des papiers à leur majorité.

Vous vous opposez donc à l'opportunité offerte à ces enfants de voir leur situation régularisée. Notre devoir est de donner un titre de séjour à ces jeunes, mais notre responsabilité est aussi de ne pas encourager le développement de filières incitant des jeunes de dix-sept ans non accompagnés à se rendre en France, avec en tête l'idée qu'ils seront automatiquement régularisés à l'âge de dix-huit ans.

C'est pourquoi nous précisons, de manière claire et équilibrée, les critères d'admission au séjour de ces jeunes : ils doivent être arrivés en France pendant l'enfance, au plus tard à l'âge de seize ans, suivre une formation avec sérieux, être insérés en France - ce dont témoigne l'avis positif de la structure d'accueil - enfin, ne plus avoir de liens avec leur famille restée dans le pays d'origine.

Le fait de remonter cette limite d'âge de seize à dix-sept ans, c'est-à-dire quasiment à la majorité, favoriserait le développement d'un certain nombre de filières de traite des êtres humains, de prostitution, etc.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La prostitution, ça commence avant seize ans !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Nous voulons des mesures protectrices et le projet de loi a pour but de respecter la dignité de tous ceux dont nous souhaitons favoriser l'installation dans notre pays. Apparemment, cette vision n'est pas la vôtre... Pour notre part, nous sommes très fermes parce que nous défendons une position humaniste.

Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 37 rectifié bis ; la précision rédactionnelle qu'il tend à apporter est très utile.

L'avis du Gouvernement est défavorable sur les amendements nos 171 rectifié, 491 et 350, pour la raison déjà invoquée à propos de l'amendement n° 349. L'âge de seize ans est le dernier palier avant l'âge adulte. Si le seuil retenu était fixé à dix-sept ou dix-huit ans, nous régulariserions des jeunes arrivés en France quasiment à l'âge adulte et non plus seulement des enfants. La suppression de toute condition d'âge reviendrait à régulariser de nombreux mineurs non accompagnés de plus de seize ans et donc à favoriser l'existence de filières d'immigration clandestine.

Je m'étonne d'ailleurs, madame Boumediene-Thiery, que vous ayez utilisé, dans la défense de votre amendement, des arguments qui n'avaient rien à voir avec celui-ci. Vous avez ainsi évoqué, de façon totalement déplacée, la double peine. Or la suppression de la double peine est une réalisation de la majorité actuelle, tandis que vous et vos amis en avez parlé pendant des années sans rien faire.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous l'avez rétablie immédiatement !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Nous avons abrogé près de 900 arrêtés d'expulsion d'étrangers qui avaient payé leur dette à la société. Contrairement à vous, nous faisons ce que nous disons ! Vous avez donc utilisé un très mauvais argument.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Si vous voulez des exemples de doubles peines, j'en connais !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. En ce qui concerne le projet de loi qui nous occupe, nous ferons ce que nous avons dit, comme cela a toujours été le cas jusqu'à présent.

Monsieur Mermaz, vous avez défendu l'amendement n° 170 dans les mêmes termes que Mme Boumediene-Thiery l'amendement n° 492 ; le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements.

Vous souhaiteriez que tous les jeunes étrangers admis à l'aide sociale à l'enfance bénéficient, à leur majorité, d'un titre de séjour. Monsieur Mermaz, nous aussi : c'est notre objectif, mais nos approches au service d'un même objectif sont totalement différentes !

Vous proposez de supprimer tous les critères d'insertion et de liens avec la France, et donc de donner un titre de séjour à tous ces jeunes quel que soit leur comportement. Pour notre part, nous entendons leur adresser un message clair : oui, vous pourrez bénéficier d'un titre de séjour à votre majorité, mais celui-ci ne vous sera accordé que si vous avez suivi votre formation avec sérieux et si la structure qui vous a accueilli estime que vous avez fait des efforts pour vous insérer en France.

Je l'ai rappelé tout à l'heure à M. Sueur, il faut instituer une notion de mérite. Nous savons ce que sont les structures d'aide sociale à l'enfance et ce qu'est le difficile métier d'éducateur dans ce secteur. Les éducateurs sont mieux placés que quiconque, monsieur Mermaz, pour donner un avis et nous dire si, oui ou non, l'adolescent de moins de dix-huit ans a fait les efforts nécessaires pour qu'à l'âge de dix-huit ans il puisse bénéficier automatiquement d'une autorisation de séjour, ce qui, à ce jour, ne lui est pas permis.

M. Louis Mermaz. Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur le ministre ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Je vous en prie, monsieur le sénateur.

M. le président. La parole est à M. Louis Mermaz, avec l'autorisation de l'orateur.

M. Louis Mermaz. Monsieur le ministre, à propos de toutes les dispositions, on nous dit qu'elles sont prises dans l'intérêt des étrangers et notamment des jeunes. C'est plein de bons sentiments, mais, quand on y regarde de plus près, on constate que l'empilement de conditions à satisfaire est tel que, pour en bénéficier, il faut accomplir un véritable parcours du combattant.

Les obstacles et difficultés sont tels que, pour mériter de se voir appliquer un des articles de la loi, il faut, comme on dit familièrement, « se lever de bonne heure ». On a pu s'en rendre compte à propos de cette affaire qui soulève beaucoup d'émotion à travers la France, à savoir la possibilité de rester sur le territoire national pour les enfants scolarisés menacés d'expulsion à partir du 4 juillet, jour de la fin des classes, affaire qui a pu faire apparaître le ministre comme étant d'une extraordinaire générosité - même un journal du soir y a été sensible ! - alors que, si l'on examine les conditions qu'il faut remplir, on voit que très peu nombreux seront ceux qui bénéficieront de cette « générosité ».

Il en va toujours ainsi : quand on entre dans le détail, on s'aperçoit que toutes les mesures sont à l'opposé de la générosité affichée, et c'est bien ce qui est grave.

Mme Éliane Assassi. Très bien !

M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Monsieur Mermaz, permettez-moi de vous dire que, non seulement nos intentions sont généreuses,...

M. Louis Mermaz. Tant mieux !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Intention n'est pas action !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. ...mais qu'en plus, nous démontrons systématiquement qu'une fois encore nous appliquons les dispositifs que nous mettons en place.

Je vais répondre très précisément à la question que vous évoquez, qui fait d'ailleurs l'objet du dernier amendement de cette série, car nous ne nous laissons pas, nous, bercer de belles paroles : nos engagements sont suivis d'actes précis, et vous allez une fois de plus en avoir la démonstration.

Au demeurant, je m'étonne beaucoup du tour qu'a pris la discussion sur tous les sujets cet après-midi, alors que la semaine dernière s'est achevée sur un débat très constructif : il n'était plus question pour vous, mesdames, messieurs de l'opposition, de vilipender systématiquement ce projet de loi, et vous avez fait un certain nombre de propositions, que nous avons d'ailleurs retenues.

Mme Éliane Assassi. Ah bon ?...

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Et maintenant, vous présentez l'action du Gouvernement comme totalement absente de tout sentiment humanitaire.

Mme Bariza Khiari. C'est sûr !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Selon vous, nous serions d'abominables liberticides, sectaires à l'égard de l'immigration.

Pourtant, plus encore que les articles que nous avons examinés ensemble la semaine dernière, les articles que nous discutons aujourd'hui reposent sur une profonde humanité. Jamais il n'avait été fait autant pour que les étrangers que nous accueillons chez nous bénéficient du respect qu'ils méritent.

Votre réaction, monsieur Mermaz, est encore très modérée, mais je m'étonne que certains aient profité de l'occasion pour tenir des propos indignes d'un sénateur de la République. Si j'additionne les affirmations énoncées aujourd'hui par Mme Cerisier-ben Guiga, je dois en conclure que tous les policiers, tous les sapeurs-pompiers seraient des travailleurs clandestins,...

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Je n'ai jamais dit cela !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. ...que tous les Français installés aux États-Unis seraient en situation irrégulière !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Le mensonge est dans le « tous » !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Pour vous, madame Cerisier-ben Guiga, la France, pour être un grand pays généreux, devrait avoir pour règle, inscrite dans notre droit, d'admettre que chacun y puisse venir clandestinement et irrégulièrement !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. La caricature ne prend pas, monsieur le ministre !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. C'est ce que vous n'avez cessé de dire, madame Cerisier-ben Guiga !

Vos propos seront retranscrits dans le compte rendu et je n'ai aucun état d'âme à y faire référence tant j'ai été outré parce que vous avez pu dire de certains de nos concitoyens, d'hommes et de femmes engagés au service des lois de la République et qui, dans leur métier, se dévouent au quotidien pour les faire respecter.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Trop, c'est trop !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Monsieur le ministre, permettez-moi de vous interrompre !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Je vous en prie, madame le sénateur.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Monsieur le ministre, j'estime que je suis mise en cause d'une façon outrancière. (Exclamations sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

Vous ajoutez systématiquement « tous » quand j'ai dit « il y a des cas » ; j'ai dit, en effet, qu'à New York, où je vais assez fréquemment, je rencontre chaque fois des irréguliers...

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Et vous récidivez !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Bien sûr ! Nous avons, nous aussi, des irréguliers !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. M. Doligé vous a demandé cet après-midi de vous expliquer...

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Et des policiers « ripoux », nous n'en avons pas ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. ...et de fournir des éléments précis,...

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Vais-je aller dénoncer mes voisins, dénoncer tous ceux qui utilisent de la main-d'oeuvre clandestine ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. ...car je trouve vos propos indignes d'un sénateur de la République !

La pire des choses, madame le sénateur, est de laisser entendre, en parlant de « certains cas », que tout le monde pourrait être concerné ! (Protestations sur les travées du groupe CRC.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ça, c'est vous qui le dites !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Monsieur le ministre, c'est faux !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Quand on s'engage dans une telle voie, on donne des éléments précis !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. C'est vous qui généralisez ! Moi, je n'ai jamais employé le mot « tous ».

Mme Annie David. C'est incroyable !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Je constate en tout cas que vous êtes en grande difficulté...

M. Bernard Frimat. C'est ridicule !

M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.

M. Christian Estrosi, ministre délégué. S'agissant des amendements identiques nos 172 et 351, je ferai remarquer que la nature des liens avec la famille restée dans le pays d'origine est un critère classique que la jurisprudence du Conseil d'État retient couramment pour l'attribution des diverses cartes « vie privée et familiale ».

Le critère devra, comme toujours en ces matières délicates, être apprécié au cas par cas, avec bon sens et humanité.

Pour ce qui concerne les amendements identiques nos 352 et 493, l'avis est défavorable. Comme je l'ai déjà dit à propos des amendements nos 170 et 492, nous assumons totalement l'idée que la structure d'accueil qui connaît le jeune étranger et qui l'a suivi pendant quelques années donne un avis sur son insertion en France et que cet avis conditionne la délivrance du titre de séjour. Nous récompensons ainsi les jeunes qui font l'effort de s'insérer, nous donnons un droit au séjour à ceux qui respectent leurs devoirs.

Le Gouvernement n'est pas favorable aux amendements nos 353 et 494 non plus qu'à l'amendement n° 173. Leurs auteurs souhaitent que tous les étrangers arrivés en France avant l'âge de treize ans bénéficient automatiquement à leur majorité d'une carte de séjour quels que soient les liens de parenté qui les unissent aux personnes avec lesquelles ils ont résidé. Je comprends l'intention généreuse qui les anime, mais elle me paraît insuffisamment éclairée.

L'alinéa qu'il est proposé de supprimer et que l'amendement n° 37 rectifié bis de la commission réécrit de manière très claire a été introduit à l'Assemblée nationale sur l'initiative de M. Marsaud pour lutter contre les phénomènes de détournement que M. le rapporteur a parfaitement exposés en présentant son amendement.

J'ajoute que le dispositif d'admission exceptionnelle au séjour que nous créons par ailleurs à l'article 24 bis permettra de prendre en compte, au cas par cas, des situations qui ne répondraient pas à ces critères. À titre humanitaire, ces situations pourront toujours être régularisées : je le répète, la « soupape » existe.

Enfin, l'amendement n° 354, défendu par Mme David au nom du groupe CRC, va me permettre de répondre aux sous-entendus de M. Mermaz sur la régularisation de parents d'enfants scolarisés, puisqu'il prévoit la délivrance automatique d'une carte de séjour à tous les jeunes étrangers scolarisés. C'est une mesure d'apparence généreuse, mais, du fait de sa généralité, elle serait totalement irresponsable. Le Gouvernement y est, bien évidemment, défavorable.

La logique que suit celui-ci est équilibrée.

D'une part, il serait irresponsable d'être le seul pays au monde - je dis bien le seul - où la scolarisation d'un enfant donnerait, sans autre critère, automatiquement un droit au séjour. Il suffirait alors d'entrer en France illégalement et d'y faire scolariser un enfant le lendemain pour avoir droit à un titre de séjour ! Ce serait favoriser la création d'une nouvelle filière d'immigration clandestine, et même la gauche, entre 1997 et 2002, n'y avait pas songé...

D'autre part, nous avons conscience de ce que, dans certaines situations, il serait inéquitable de ne pas envisager une admission au séjour pour des jeunes majeurs scolarisés ou pour les parents de mineurs scolarisés.

C'est dans cet esprit que le ministre d'État, comme il s'y était engagé mardi dernier devant la Haute Assemblée, a donné des instructions, par une circulaire - je l'ai ici - signée aujourd'hui et qui leur sera adressée dès demain matin, à tous les préfets.

Dans les deux mois qui viennent, les familles ayant un enfant scolarisé depuis l'année scolaire 2005-2006 sont invitées à se présenter dans les préfectures.

Première mesure, ces familles se verront d'abord proposer une aide au retour...

Mme Éliane Assassi. Comme c'est généreux !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. ...exceptionnelle, d'un montrant très élevée puisqu'elle représentera le double du pécule de l'aide au retour normale, soit 7 000 euros pour un couple, 2 000 euros par enfant mineur jusqu'au troisième, puis 1 000 euros par enfant supplémentaire.

Deuxième mesure, dans le cadre de leur pouvoir d'appréciation, les préfets pourront admettre au séjour certaines de ces familles dans l'intérêt des enfants. Ainsi, dès lors que les critères qui figurent dans la circulaire et que je vais énoncer sont remplis, on régularise la situation des parents, ce qui règle automatiquement la situation des enfants.

Ces critères sont les suivants : l'enfant est scolarisé au moins depuis septembre 2005 ; l'enfant est né en France ou y est arrivé en bas âge, à treize ans au plus ; la famille manifeste une réelle volonté d'intégration, caractérisée notamment par la scolarisation des enfants, leur maîtrise du français, le suivi éducatif des enfants, le sérieux de leurs études et l'absence de troubles à l'ordre public.

Telle est la réponse équilibrée, nuancée pour tenir compte de la complexité de la question qui nous est posée, que nous apportons aujourd'hui à l'ensemble de ces familles et de ces enfants.

Nous refusons la logique d'automaticité qui est celle de l'amendement n° 354, car nous refusons de créer une nouvelle filière d'immigration irrégulière, mais, dans le même temps, nous ouvrons la porte à des admissions exceptionnelles au séjour pour tenir compte d'exigences humanitaires dans l'intérêt des enfants. Reconnaissez, monsieur Mermaz, que la position du Gouvernement est une position juste, ferme, équilibrée, qui revêt une véritable dimension humaine, pour les enfants et pour leurs familles. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 349.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 37 rectifié bis.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements nos 171 rectifié, 491, 350, 170, 492, 172, 351, 352, 493, 353, 494 et 173 n'ont plus d'objet.

La parole est à M. Éric Doligé, pour explication de vote sur l'amendement n° 354.

M. Éric Doligé. Nous avons entendu un certain nombre de choses assez surprenantes.

Vous passez votre temps, mes chers collègues de l'opposition, à stigmatiser notre pays. Vous dites sans cesse : « c'est indigne de la France ! » Sachez que les propos qui sont tenus ici sont entendus à l'extérieur et que nous ne sommes pas là pour qualifier de la sorte notre pays, qui est l'un des plus généreux en la matière.

J'ai entendu dire à plusieurs reprises que les agents de l'ASE n'avaient pas pour mission de faire du contrôle, pas plus d'ailleurs que les inspecteurs du travail ou les préfets, à qui on demande de ne pas entrer dans un système de contrôle pour éviter de créer des inégalités d'un département à l'autre. Personne ne devrait contrôler quoi que ce soit dans ce pays ! C'est ce que M. le ministre qualifiait, à mon sens avec raison, d'ultra-libéralisme : on ne contrôle plus rien, et entre qui veut.

Comment les choses se passaient-elles avant ? Il y avait des filières.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pourquoi ? Elles n'existent plus ?

M. Éric Doligé. Tout à l'heure, j'ai écouté avec beaucoup d'attention mon collègue Sueur, élu du même département que moi. Pour avoir été maire d'Orléans, il sait bien comment cela se passait : on se retrouvait tous les soirs avec 1 500 à 2 000 sans-papiers à loger à l'hôtel. Ils débarquaient dans le département avec trois adresses qui correspondaient à des filières. Ils se disaient que l'on pouvait venir comme on voulait dans cette ville. Progressivement, ils ont été de plus en plus nombreux à suivre ces filières, et la prostitution a dépassé tout ce que l'on pouvait imaginer.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La prostitution se porte bien !

M. Éric Doligé. Cela se passait sur le quai du Roi. C'était « royal », disait-on à l'époque. La situation étant devenue insupportable, on a commencé à organiser des contrôles.

M. Bernard Frimat. Qui « on » ?

M. Éric Doligé. L'état, évidemment ! Il y a un an, entraient dans la ville d'Orléans quarante personnes en situation irrégulière. Aujourd'hui, n'entrent plus dans le département du Loiret que quatre personnes par semaine, parce que l'État contrôle, suit, fait attention.

On se retrouve maintenant avec environ 500 à 600 personnes à loger. De ce fait, l'ASE peut s'occuper un peu mieux des cas véritablement difficiles. Autrefois, de nombreux enfants sans parents entraient dans le département par le biais de filières ; on les remettait à l'ASE. Aujourd'hui, on arrive à peu près à contrôler ces jeunes, à s'occuper d'eux. Avec le présent texte, on pourra leur offrir des perspectives qu'ils n'avaient pas avant.

Au lieu d'afficher de la générosité en parole, il faut pratiquer la générosité sur le terrain, ce que nous faisons tous les jours, contrairement à certains qui ne songent qu'à faire pleurer dans les chaumières. Nous, nous sommes sur le terrain pour nous battre et trouver des solutions pour ceux qui le méritent.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Arrêtez d'opposer ceux qui sont sur le terrain et ceux qui seraient dans je ne sais quelle stratosphère... Mon cher collègue, cela fait très longtemps que la traite des êtres humains est interdite, figurez-vous ! Comment se fait-il qu'il était impossible de poursuivre les filières dans le passé alors qu'on peut le faire maintenant ?

Il n'y a plus de filière, dites-vous, et malgré tout vous nous demandez de voter une loi qui va aggraver la situation de tous les étrangers sur le territoire !

De caricature en caricature, on en arrive à faire croire que l'on peut entrer dans notre pays comme dans un moulin et que des hordes d'étrangers ont envahi la France. Je dis que c'est faux, et vous n'êtes pas en capacité de prouver le contraire.

Monsieur le ministre, compte tenu de la circulaire que vous nous avez annoncée et qui est signée, paraît-il, vous devriez être favorable à notre amendement.

Croyez-vous vraiment que nous pensions qu'il faut régulariser les parents de faux enfants scolarisés qui ne veulent rien faire à l'école, de mauvais parents qui sont venus exprès avec leurs enfants pour les inscrire à l'école afin de pouvoir rester en France ? Franchement, vous nous prenez pour des idiots !

En fait, vous avez changé les termes de la circulaire par rapport au moment où elle a été annoncée à grand fracas dans la presse. Alors, il ne s'agissait que des enfants nés en France, maintenant, vous ajoutez : « ou venus en France en bas âge jusqu'à treize ans ».

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Retirez donc votre amendement, il n'est plus légitime !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mais non, c'est le contraire ! Vous devez y être favorable maintenant puisqu'il est tout à fait dans la ligne de votre circulaire.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 354.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 203 :

Nombre de votants 329
Nombre de suffrages exprimés 320
Majorité absolue des suffrages exprimés 161
Pour l'adoption 119
Contre 201

Le Sénat n'a pas adopté.

Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 355 est présenté par Mmes Assassi,  Borvo Cohen-Seat,  Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

L'amendement n° 478 rectifié est présenté par M. Pozzo di Borgo.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer le 3° de cet article.

 

La parole est à Mme Annie David, pour défendre l'amendement n° 355.

Mme Annie David. Le troisième alinéa de l'article 24 abroge la possibilité de régulariser les sans-papiers qui résident habituellement sur le territoire depuis plus de dix ans ou de quinze ans si, au cours de cette période, ils ont résidé en tant qu'étudiant.

Cette disposition a bien évidemment suscité de nombreux débats à l'Assemblée nationale, mais, surtout, de l'inquiétude au sein des associations de défense des droits des étrangers.

Loin de constituer une prime à l'irrégularité ou une récompense à une violation prolongée de la loi de la République, cette possibilité de régularisation est une preuve de la reconnaissance des attaches personnelles nouées par un étranger ayant vécu et travaillé en France. Elle n'est que la prise en compte des dix années passées sur notre territoire dans une situation précaire et difficile. La supprimer revient à condamner les étrangers concernés à la précarité sans aucun espoir de voir leur situation se régler. C'est les soumettre à une très grande précarité en matière de travail. Les employeurs peu scrupuleux continueront de disposer ainsi d'une main d'oeuvre corvéable à merci, totalement dépourvue en matière de protection sociale et d'accès aux soins.

Revenir sur cette disposition ne semble pas plus justifié au regard des chiffres. N'oublions pas que le nombre d'étrangers n'a pas augmenté depuis trente ans et que le nombre de personnes concernées par la régularisation au bout de dix ans a toujours été compris entre 2 500 et 3 000. Nous sommes donc loin d'une vague incontrôlable d'immigrés clandestins qui envahiraient la France.

Dans ces conditions, rien ne justifie l'abrogation d'une disposition voulue par Jean-Louis Debré en 1997, à la suite de la grève de la faim de sans-papiers à l'église Saint-Bernard. Si cette abrogation est maintenue, il y a fort à parier que d'autres événements de ce genre ne manqueront pas de se multiplier.

Le vendredi 9 juin, Le Figaro a publié un sondage dans lequel 63 % des Français se montraient favorables à la régularisation automatique des immigrés vivant en France depuis au moins dix ans. Même si cela n'a pas de rapport direct avec le texte, j'ajouterai que, dans ce même sondage, 68 % des Français se déclaraient favorables à l'octroi du droit de vote pour les élections municipales à tous les étrangers vivant en France depuis au moins dix ans. Or, parmi ces 68 %, 54 % se disaient sympathisants de droite.

M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo, pour défendre l'amendement n° 478 rectifié.

M. Yves Pozzo di Borgo. Cet amendement étant identique à celui que propose le groupe CRC, on va peut-être se demander si l'UDF ne cherche pas à s'entendre avec les communistes ! Eh bien, je tiens à réaffirmer avec force que, pour ma part, je suis un sénateur UDF qui se sent bien au sein de la majorité, même si j'aime discuter et dire ce que je pense. (Sourires sur les travées du groupe CRC.) Dois-je vous rappeler, chers collègues communistes, que je n'ai pas voté avec vous au Conseil de Paris ?

Au demeurant, je le précise, j'ai tenu à déposer cet amendement à titre personnel et ce n'est absolument pas mon groupe qui m'a incité à le faire.

J'estime en effet que cette disposition ne répond pas aux préoccupations actuelles et peut être analysée comme un pas en arrière, contraire à nos traditions, notamment à celle qui fait de notre pays une terre d'asile ; mais tout cela a déjà été dit au cours de la discussion générale.

Il s'agit en fait de revenir à la législation en vigueur, c'est-à-dire à l'application de l'article L.313-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui permet la régularisation de l'étranger après dix ans de présence sur le territoire hexagonal.

Monsieur le ministre, mon propos n'est nullement d'encourager la clandestinité des étrangers, mais d'ouvrir les yeux sur des situations que l'on connaît bien à Paris, peut-être plus, d'ailleurs, que dans d'autres départements ou d'autres villes.

Personnellement, je suis pour une très grande sévérité en matière d'entrée des étrangers, et je soutiens les mesures que vous prenez en ce sens. Toutefois, compte tenu de l'arsenal juridique, administratif et policier qui existe actuellement en France, rares sont ceux, me semble-t-il, qui peuvent échapper quotidiennement aux contrôles : un ticket de métro validé, par exemple, permet de savoir à quelle heure exactement une personne est entrée dans telle station ; de même, l'utilisation d'une carte de crédit permet de savoir que son détenteur se trouvait à telle heure à tel endroit. Quand, voilà quarante ans, je lisais le Meilleur des Mondes d'Aldous Huxley, j'étais loin d'imaginer que la réalité actuelle irait bien au-delà ! Et cela est vrai aussi bien en France que dans tous les pays occidentaux.

Dès lors, comment concevoir qu'un étranger présent dans notre pays pendant dix ans puisse, tout ce temps, échapper à des contrôles, policiers ou autres ? Si tel est le cas, c'est qu'il y a incurie ou, pour le moins, manque d'efficacité de ces contrôles ! Disons-le franchement, c'est qu'il y a faillite du système !

Je suis certes élu d'un quartier bourgeois de Paris, mais je connais tout de même beaucoup de cas de gens en difficulté, et notamment des étrangers, qui sont tout à fait sérieux, qui travaillent.

Mettez-vous un instant à la place de ces étrangers qui sont présents en France depuis dix ans : il faut bien qu'ils aient l'espoir de voir s'améliorer leurs conditions de vie, qui, jusque-là, ont été difficiles, stressantes. Car il faut savoir ce que représente la moindre sortie en ville pour ceux qui vivent dans la clandestinité, sans cesse aux aguets, dans la crainte d'un éventuel contrôle de police : leur vie sociale est réduite à néant, alors qu'ils sont souvent chargés de famille.

En vérité, leur angoisse permanente est préjudiciable à leur propre équilibre, mais aussi à celui de la société tout entière.

De telles situations ne peuvent que perturber le pacte social et nous nous devons donc de trouver des solutions à ces problèmes. Le retour à une vie normale est une priorité pour tout être humain

Or le dispositif voté par l'Assemblée nationale tendant à supprimer la régularisation au bout de dix ans ne permet pas d'aboutir à ce résultat. Je suis désolé de le dire, monsieur le ministre, mais le système proposé dans le présent projet de loi est encore bien pesant, pour ne pas dire kafkaïen !

En effet, certains étrangers qui vivent dans les conditions que j'ai décrites pendant dix ans s'entendront dire, au bout de ce délai, qu'une commission est enfin prête à examiner leur cas. De grâce, monsieur le ministre, un peu de « classe » ! Vous n'êtes pas le chef de bureau d'une préfecture qui, seul dans son coin, s'inquiète et a peur des étrangers ou adopte une sorte de morgue aristocratique. Encore une fois, les gens dont je parle sont là depuis dix ans. En Amérique, pour reprendre l'exemple que vous avez mentionné, on tire au sort les attributaires de visa ! Or, très souvent, les bénéficiaires de ce système s'intègrent parfaitement.

Si, comme je le propose, on revient à la régularisation automatique au bout de dix ans, l'énergie que l'étranger aura déployée pour se cacher pendant tant d'années pourra alors être consacrée à une bonne intégration à nos règles de vie et à notre culture.

Sans avoir pu participer à l'ensemble des débats, monsieur le ministre, j'ai tout de même l'impression que le Gouvernement, à travers ce texte, ne mesure pas à quel point l'intégration des étrangers constitue un apport fantastique pour notre pays.

Je reviens, avec quelques collègues, d'un voyage en Afrique : je puis vous dire que ce n'est pas avec plaisir que certains Africains viennent chez nous. J'ai, notamment, passé dix jours en Afrique du Sud : personne, là-bas, ne m'a parlé d'émigration. Le problème auquel doit faire face l'Afrique du Sud, qui est un grand pays, est celui de l'immigration, tant il est vrai que beaucoup d'habitants d'autres pays d'Afrique souhaitent s'y installer.

Par ailleurs, si l'on tient compte du rapport de l'OCDE concernant le taux de croissance que devrait prochainement connaître l'Afrique, il n'est pas sûr que, dans dix ou douze ans, les Africains auront toujours envie de venir chez nous. Il ne faut pas oublier que, si les gens viennent en France, c'est parce qu'ils ne trouvent pas de conditions de vie acceptables dans leur propre pays.

J'ajoute, enfin, qu'ils représentent un important facteur de croissance pour notre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. L'amendement n°  495, présenté par Mmes Boumediene- Thiery, Blandin et Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi le texte proposé par le  3° de cet article pour le 3° de l'article  L. 313- 11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :

« 3° À l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant ; »

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. J'adhère totalement à ce qui vient d'être dit.

Cet amendement de repli ne vise qu'à tenter d'atténuer les effets dévastateurs du dispositif que le Gouvernement veut mettre en oeuvre à travers ce projet de loi.

Oui, monsieur le ministre, nous avons l'impression que vous vous inscrivez dans une logique de surenchère, offrant des gages à la droite de votre droite. Or, s'agissant d'un texte d'une telle importance, je pense, pour ma part, qu'il est temps de se montrer un peu plus humain et de faire preuve de bon sens.

Nous l'avons rappelé à plusieurs reprises : la procédure de régularisation, qui est exceptionnelle, difficile et longue, concerne à peine 3 000 personnes, soit une infime partie de ceux qui se trouvent en situation irrégulière.

D'ailleurs, la régularisation « au fil de l'eau », selon l'expression consacrée, ne constitue en rien cette prime à la clandestinité dont vous parlez. Tout le monde ici pourrait vous le dire : aucune personne, que ce soit en Afrique, en Asie ou ailleurs, ne décide de manière délibérée de venir en France pour y demeurer dix ans dans la clandestinité, en proie à toutes les discriminations, à toutes les exploitations, dans l'espoir hypothétique - puisque la décision de la préfecture ne va nullement de soi - d'être régularisée un jour.

Il s'agit donc là d'une mesure tout à fait injuste et qui, même si elle est symbolique, en dit long sur votre état d'esprit.

La personne qui réside en France depuis plus de dix ans, voire parfois depuis quinze ans, a naturellement tissé des liens sociaux, privés, familiaux.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Heureusement pour elle !

Mme Alima Boumediene-Thiery. J'évoquerai ici l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : sachant que les amis de la personne concernée, ses enfants, son ou sa partenaire, en un mot ses proches, vivent tous en France, cet article nous impose, à tout le moins, de conserver cette procédure exceptionnelle.

Je considère donc que la mesure qui nous est proposée est tout à fait contreproductive, ne faisant que s'inscrire dans la surenchère à laquelle je faisais allusion et que nous ne pouvons accepter.

Si elle est votée, tous les sans-papiers qui se trouvent actuellement sur notre territoire non seulement ne pourront être régularisés, faute de pouvoir justifier de dix années de présence sur notre sol, mais seront, dans le même temps, exclus de l'ensemble des critères, extrêmement restrictifs, contenus dans le présent projet de loi.

Par conséquent, vous êtes en train de les condamner à une irrégularité à perpétuité !

En conclusion, je voudrais revenir sur certains propos tenus, lors de son discours d'ouverture, par M. le ministre de l'intérieur. Ce dernier a, paradoxalement, cité les exemples de l'Espagne et de l'Italie, affirmant que c'était la politique de régularisation massive de ces deux pays qui était à l'origine des tentatives désespérées de certains migrants à Ceuta et Melilla.

Tout d'abord, nous avons pu constater que des gouvernements courageux, de droite ou de gauche, qu'il s'agisse, en Espagne, de celui de M. Zapatero - comme, hier, celui de M. Aznar - ou, en Italie, de celui de M. Prodi, ont procédé à de nombreuses régularisations. Or il a été démontré que, loin de créer un appel d'air, ces régularisations étaient nécessaires ; je pense, en particulier, à celles qui interviennent tous les cinq ans.

D'ailleurs, lors des auditions de la commission auxquelles j'ai assisté, en présence de M. le rapporteur, tous les spécialistes ont fait le même constat. Quant à certaines études, comme celle de Mme Wihtol de Wanden, elles attestent que de telles régularisations, outre qu'elles répondent aux considérations de dignité de la personne humaine et sont conformes aux clauses de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, profitent automatiquement à l'économie de notre pays en particulier et des pays d'accueil en général.

Monsieur le ministre, si des Africains risquent aujourd'hui leur vie sur les barbelés de Ceuta et de Melilla ou en Méditerranée, lorsqu'ils tentent de débarquer aux îles Canaries, ce n'est pas parce que l'Espagne régularise massivement. Non, si ces damnés de la terre agissent ainsi, c'est simplement parce que l'Europe, qui est en train de se construire, tend à s'ériger en Europe forteresse, une Europe qui ne cesse de repousser toujours plus loin ses frontières et qui a choisi de laisser à d'autres États le soin de contrôler ces dernières.

Dès lors, comment voulez-vous que réagissent des Africains qui sont dans un dénuement total - et cela, notamment, parce que nous, Européens, non contents de piller leurs richesses, soutenons les dictateurs qui les oppriment ! - quand des enclaves telles que Ceuta et Melilla les narguent avec leur mode de vie et leur consommation ? Comment, dans ces conditions, ces Africains ne tenteraient-ils pas à toute force de venir en Europe ?

C'est avec cette même force que je vous demande, monsieur le ministre, de vous libérer du poids des dogmes et de regarder la réalité en face !

M. le président. L'amendement n° 38 rectifié, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le texte proposé par le 3° de cet article pour le 3° de l'article L. 313- 11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :

« 3° À l'étranger dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311- 3, dont l'un des parents est titulaire de la carte de séjour « compétences et talents » ou de la carte de séjour temporaire portant la mention « salarié en mission », ainsi qu'à l'étranger dont le conjoint est titulaire de l'une de ces cartes. Le titulaire de la carte de séjour temporaire portant la mention « salarié en mission » doit résider en France dans les conditions définies au dernier alinéa du 5° de l'article L. 313- 10; »

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l'avis de la commission sur les amendements nos 355, 478 rectifié et 495.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. L'amendement n° 38 rectifié est un amendement de coordination, d'une part, avec l'amendement n° 20, proposé par la commission, tendant à préciser que la carte « vie privée et familiale » est délivrée au conjoint ou aux enfants d'un titulaire d'une carte portant la mention « salarié en mission », et, d'autre part, avec l'amendement n° 527, déposé par M. Portelli.

Il m'apparaît en effet nécessaire de préciser que le parent ou le conjoint titulaire de la carte de séjour temporaire portant la mention « salarié en mission » doit rester en France dans les conditions définies au dernier alinéa du 5° de l'article L.313- 10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Pour ce qui est des amendements n°s 355, 478 rectifié et 495, la commission a émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Si j'ai bien compris le sens des amendements n°s 355 et 495, Mmes David et Boumediene-Thiery nous proposent la suppression ou la suspension de la suspension de la prime à la clandestinité !

Mme Alima Boumediene-Thiery. Il n'y a pas de « prime à la clandestinité » !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Mais, madame Boumediene-Thiery, les Espagnols savent pertinemment, eux qui ont régularisé 570 000 clandestins au cours du premier semestre de 2005, que cela n'a fait qu'encourager des milliers de malheureux migrants africains à traverser le Sahara dans l'espoir d'obtenir des papiers en Espagne, avant qu'ils ne se heurtent aux barbelés de Ceuta et Melilla.

Quant aux Italiens, ils connaissent également bien le problème, eux qui régularisent des centaines de milliers de personnes tous les deux ou trois ans ; or cela ne les empêche pas d'avoir à accueillir de plus en plus d'étrangers, ce qui, de facto, implique toujours plus de régularisations. D'ailleurs, le nouveau gouvernement italien vient d'annoncer une nouvelle régularisation de 500 000 clandestins. C'est son choix ; ce n'est pas celui du gouvernement français.

Avec l'amendement n° 38 rectifié, monsieur le rapporteur, vous proposez la délivrance à certaines personnes de la carte de séjour « vie privée et familiale » sous certaines conditions et à la famille de l'étranger titulaire d'une carte portant la mention « salarié en mission ».

Le Gouvernement est très favorable à une telle disposition.

Enfin, monsieur Pozzo di Borgo, vous m'avez demandé d'être « classe » et de ne pas m'abaisser en quelque sorte au niveau d'un chef de bureau ! Personnellement, j'ai beaucoup de respect pour les chefs de bureau, ainsi que pour tous ces fonctionnaires qui effectuent un travail exceptionnel et difficile,...

M. Christian Estrosi, ministre délégué. ... notamment dans le domaine qui nous occupe, et qui le font, permettez-moi de vous le dire, avec beaucoup d'humanité.

Cela étant dit, je vous remercie d'avoir précisé que le groupe UDF ne s'est pas associé à votre amendement. Et pour cause : celui-ci est totalement en contradiction avec l'amendement n° 116 rectifié que votre groupe présentera à l'article 24 bis et qui, lui, recueillera un avis favorable du Gouvernement.

Monsieur le sénateur, on ne peut à la fois être favorable à l'automaticité de la régularisation des étrangers en situation irrégulière - car telle est votre position - et proposer, comme le fait le groupe UDF dans l'amendement n° 116 rectifié, que les étrangers bénéficient non pas d'un droit à la régularisation, mais d'un droit à l'examen de leur situation par les commissions départementales du séjour des étrangers.

Eh bien, monsieur Pozzo di Borgo, je crois être « classe » en considérant que le groupe UDF répond ainsi à une exigence tout à fait légitime et, si j'ai un conseil à vous donner, c'est donc de vous rallier à l'amendement qu'il a déposé à l'article 24 bis.

M. le président. Monsieur Pozzo di Borgo, l'amendement n° 478 rectifié est-il maintenu ?

M. Yves Pozzo di Borgo. Il n'existe aucune contradiction entre l'amendement que je défends à titre personnel et celui qu'a déposé le groupe UDF, et que j'ai d'ailleurs moi-même signé !

J'espère simplement que l'amendement n° 478 rectifié sera adopté : on peut toujours rêver ! Dans le cas contraire, je me rallierai à la solution de rechange offerte par l'amendement n° 116 rectifié.

Toutefois, en mon for intérieur, je préférerais que nous mettions un terme à la situation que vivent ces étrangers et que nous leur disions tout net que, puisqu'ils sont présents et ont des papiers, ils peuvent rester.

Je maintiens donc l'amendement n° 478 rectifié, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Monsieur Pozzo di Borgo, je veux vous éclairer et tenter de vous convaincre. Je suis très attentif à vos propos, comme d'ailleurs à ceux de tous les membres de la Haute Assemblée, sur quelque travée qu'ils siègent. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame.)

Comment, avez-vous dit tout à l'heure, un étranger en situation irrégulière pourrait-il passer dix années en France sans se faire interpeller au moins une fois par la police ou repérer, par exemple, à partir d'une carte de paiement ?

M. Robert Bret. Ce n'est pas ce qu'il a dit !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Je ne sais pas si vous avez déjà visité un centre de rétention, comme les parlementaires y sont autorisés par la loi.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Nous y allons régulièrement !

Mme Éliane Assassi. Ne vous inquiétez pas pour nous !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. En tout cas, pour ma part, je les visite régulièrement, car je tiens à savoir comment les choses se passent.

Vous le savez, les étrangers sans papiers ou en situation irrégulière qui sont interpellés - et ils sont nombreux ! -, après avoir commis un délit ou non, d'ailleurs, sont nécessairement conduits dans les centres de rétention, où des investigations sont menées. Parfois, les enquêteurs parviennent à obtenir l'identité et le pays d'origine de l'étranger ; en effet, pour pouvoir prendre des mesures de raccompagnement, il est nécessaire d'obtenir du consul du pays d'origine la reconnaissance de la nationalité de l'intéressé.

Cependant, très souvent, les consuls eux-mêmes ne reconnaissent pas les étrangers, qui atteignent donc le terme du délai réglementaire de maintien en centre de rétention, puis sont remis en liberté, car il n'existe aucune autre solution, malheureusement. Trois, quatre ou six mois plus tard, les mêmes étrangers sont de nouveau interpellés et placés en centre de rétention, et les mêmes investigations sont menées, avec les mêmes résultats.

Il reste, monsieur Pozzo di Borgo, que, dans les filières de travail clandestin, il y a quelques étrangers qui parviennent à ne jamais être interpellés pendant la période de dix années.

M. Robert Bret. C'est la majorité des étrangers !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Toutefois, nombre d'entre eux sont régulièrement interpellés pendant cette période et, malgré cela, les autorités françaises sont totalement démunies, ne disposant d'aucun moyen pour les renvoyer dans leur pays d'origine.

Mme Éliane Assassi. Et alors ? On va les laisser dans cette situation ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Monsieur Pozzo di Borgo, contrairement à ce que vous affirmiez tout à l'heure, il se peut qu'un étranger en situation irrégulière soit plusieurs fois interpellé, mais que nous n'ayons pas les moyens de le renvoyer dans son pays. Cela montre bien que notre législation n'est pas adaptée et c'est pourquoi nous souhaitons la modifier. Ce projet de loi a pour objectif d'apporter les solutions qui nous manquent.

M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 355 et 478 rectifié.

M. Richard Yung. Monsieur le ministre, si j'ai bien compris, vous venez de nous expliquer que même avec les dispositions du projet de loi que vous nous proposez d'adopter, vous ne pourrez renvoyer les étrangers dans leur pays d'origine !

La suppression de la règle des dix ans ne pourra s'appliquer : elle n'a pas de sens et, en tout cas, n'est pas cohérente avec la politique que vous préconisez.

Je crois que les arguments ont été clairement présentés.

Le 3° de l'article 24 du projet de loi ne vise pas à régler le problème de l'immigration. Au contraire, il vise à rejeter des gens qui ont travaillé et vécu pendant dix ans dans notre pays. Il me semble que vous repoussez leur main tendue.

Je considère en outre que, si la législation en vigueur a été appliquée pendant tant d'années par des gouvernements de gauche comme de droite, c'est qu'elle n'était pas si mauvaise, au fond.

En réalité, votre politique n'est que de l'affichage. Il s'agit pour vous de battre l'estrade, de montrer que vous êtes vraiment des « durs », d'alimenter, en lui donnant des fondements, la peur de l'étranger dans l'esprit de nos concitoyens, et tout cela dans la perspective de l'élection de l'an prochain !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Bien évidemment, les arguments de M. Yung sont irrecevables.

M. Bernard Frimat. Au contraire, ils sont excellents ! Ils sont d'une objectivité sans pareille !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Absolument pas, monsieur Frimat, et je vais vous en faire la démonstration.

Tout d'abord, vous le savez, dans la vie, il faut toujours faire preuve d'humilité, ...

M. Bernard Frimat. Exactement !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. ... et cela que l'on appartienne à un gouvernement de gauche ou de droite. Ce n'est pas parce que nous avons tous été dans l'erreur que nous devons persévérer !

Nous, nous avons décidé de ne pas persévérer et de nous accorder les moyens de lutter contre certaines situations qui ne sont plus acceptables pour notre pays.

Ensuite, contrairement à ce que vous avez affirmé, ce n'est pas seulement cet article du projet de loi qui nous permettra de gagner en efficacité, mais un ensemble de dispositions qui incluent la réorganisation de nos consulats et de la délivrance des visas.

Monsieur Yung, je vous le rappelle, en 2002, nous organisions 8 000 raccompagnements de clandestins par an ; à la fin de 2005, nous en étions à 20 000 et nous atteindrons probablement 25 000 en 2006. Cela signifie qu'il y a de moins en moins de clandestins qui se trouvent dans la situation que nous évoquons.

M. Pierre-Yves Collombat. Sauf si, ensuite, il en rentre plus sur notre territoire !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Ce résultat est imputable, notamment, à la mise en place dans tous nos consulats des visas biométriques, en accord avec nos partenaires de l'espace Schengen.

En effet, n'oubliez pas que la France n'est pas la seule à proposer de telles mesures en matière de délivrance de visas touristiques de moins de trois mois : ce sont tous les pays membres de l'espace Schengen qui ont décidé de mutualiser leurs moyens dans les consulats à l'étranger, à partir de la fin de l'année 2006 et du début de l'année 2007, afin que personne ne puisse passer au travers du dispositif mis en place.

Grâce aux visas biométriques, aux empreintes digitales ou à la photographie de l'iris de l'oeil, entre autres, les situations auxquelles nous sommes systématiquement confrontées aujourd'hui disparaîtront. Toutes les données ainsi recueillies sont d'ailleurs centralisées sur un fichier automatisé qui est installé à Strasbourg, puisque sa gestion informatisée a été confiée à la France.

Monsieur Yung, vous le voyez, votre argument ne tient pas un seul instant. Une nouvelle gestion de la délivrance des visas permettra, grâce à la biométrie, de mettre un terme au cas des étrangers clandestins installés depuis plus de dix ans en France.

Parallèlement, nous proposons pour ces derniers un traitement beaucoup plus humain : désormais, leur situation sera réglée au cas par cas, sans qu'il soit nécessaire d'attendre dix ans, alors que, jusqu'à présent, la régularisation était automatique au bout de dix ans.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Elle n'a jamais été automatique !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Madame Boumediene-Thiery, en somme, vous demandez aux étrangers en situation irrégulière, auxquels s'applique la législation élaborée par M. Chevènement, ...

M. Pierre-Yves Collombat. Et la loi Sarkozy de 2003 !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. ... de surtout tenir pendant dix ans pour recevoir, en bout de course, la récompense d'une régularisation.

Pour notre part, nous leur déclarons que si, avant le terme de ce délai, c'est-à-dire au bout de trois, quatre ou cinq ans, ils sont en mesure de se conformer à certaines règles, nous pourrons les régulariser au cas par cas.

Dès lors que nous leur proposons un dispositif qui leur permettra d'être régularisés, notre démarche est beaucoup plus humaniste, généreuse et respectueuse de la place de l'étranger dans notre pays que celles que vous aviez mises en oeuvre par le passé. Ainsi, notre position et nos propositions sont beaucoup plus humaines que les vôtres.

M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour explication de vote.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Pour ma part, je ne crois plus aux contes de fées.

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Nous non plus !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Je constate que cette disposition du projet de loi revient à supprimer la « respiration » qui était laissée à des populations se trouvant en situation irrégulière. Je pense qu'elle n'a d'autre but que de satisfaire une opinion publique que vous croyez beaucoup plus hostile aux étrangers qu'elle ne l'est en réalité.

On peut, en général, dire : « Tous ces étrangers en situation irrégulière, c'est très mal, c'est criminel... » et, en pratique, à partir du moment où l'on connaît personnellement un étranger ou une étrangère qui se trouve dans cette situation, changer complètement d'attitude parce qu'on ne voit plus qu'un être humain dans la détresse.

Pas plus tard que la semaine dernière, à Lannion, ville très traditionaliste et catholique, la population s'est rassemblée sur la place principale afin de protester contre l'expulsion d'un étranger père d'un enfant français qui se trouvait en situation irrégulière et ne résidait pas en France depuis dix ans. Tout le monde s'est mobilisé autour de la mère et de l'enfant pour défendre le droit de ces gens à vivre en famille.

Du reste, il n'est pas surprenant que les associations chrétiennes aient dénoncé ces dispositions particulièrement inacceptables du projet de loi que vous nous présentez.

M. le président. La parole est à M. Hugues Portelli, pour explication de vote.

M. Hugues Portelli. Monsieur le ministre, en quoi le nouveau dispositif proposé dans le projet de loi qui nous est soumis et le maintien de la régularisation automatique au bout de dix ans seraient-ils contradictoires ? En effet, rien n'empêche d'appliquer la nouvelle disposition qui nous est proposée et, en outre, pour les étrangers qui n'auraient pas été régularisés d'une façon ou d'une autre et seraient donc passés entre les mailles du filet, de prévoir une mesure automatique.

Je connais, dans ma commune, beaucoup de gens qui se trouvent dans cette situation.

M. Robert Bret. C'est la grande majorité des étrangers !

M. Hugues Portelli. Ils ne sortent pas tout juste des centres de rétention puisque je les croise tous les matins.

M. Robert Bret. Bien sûr ! Ils vont travailler et ils ont une famille !

M. Hugues Portelli. Croyez-moi, monsieur le ministre, ils résident en France depuis déjà au moins dix ans.

D'ailleurs, je peux vous raconter à ce sujet une anecdote assez significative. Récemment, dans ma commune, soixante-quinze sans-papiers squattaient un immeuble qui devait être détruit. On les a interpellés, et il est apparu que certains d'entre eux vivaient là depuis de nombreuses années. Une liste de noms a été dressée et le préfet a pu constater que, parmi eux, il s'en trouvait qui avaient été reconduits à la frontière voilà sept ou huit ans. Mais ils se promenaient toujours dans les rues de ma commune !

M. Robert Bret. En effet, les étrangers reviennent !

M. Hugues Portelli. Permettez-moi de prendre dix secondes pour raconter une anecdote. Après tout, vous parlez bien pendant des heures !

M. Bernard Frimat. Mon cher collègue, nous ne vous interrompons pas !

M. Hugues Portelli. Car l'histoire ne s'arrête pas là.

Chaque année, en liaison avec EDF, j'accueille les nouveaux arrivants dans ma commune. La mise en marche d'un compteur électrique est en effet la manifestation de leur arrivée. Or, cette année, j'ai vu des gens qui n'étaient pas tout à fait les « clients » que je reçois habituellement dans ces circonstances : mes sans-papiers ! (Sourires.) Ceux-ci avaient fait une demande d'installation de compteur électrique, et comme EDF n'a pas le droit de refuser, ils ont tous débarqué à la mairie, où nous les avons d'ailleurs reçus comme tous les autres.

Tout cela pour dire que les étrangers qui se trouvent en situation irrégulière depuis dix ans ou davantage ne sont pas tous des gens dont on n'arrive pas à connaître l'identité. Je puis vous affirmer que je connais parfaitement l'identité des étrangers qui se trouvent en situation irrégulière depuis plus de dix ans dans ma commune !

D'ailleurs, conformément à la loi toujours en vigueur, j'écris régulièrement à M. le préfet, voire à M. le ministre pour leur demander de régulariser ces personnes et de régler enfin leur situation.

M. Robert Bret. C'est ce que nous faisons aussi !

M. Hugues Portelli. Encore une fois, monsieur le ministre, en quoi le fait d'instaurer une procédure pour éviter d'attendre dix ans avant de régler une situation est-il incompatible avec le maintien de la régularisation automatique au bout de dix ans ? Nous devons conserver une attitude empreinte d'humanisme vis-à-vis des personnes qui, au terme de cette période, sont toujours en situation irrégulière sur notre territoire. Au reste, vous venez de nous le dire vous-même, l'importance de cette catégorie de la population ne fera que diminuer. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. - M. Yves Pozzo di Borgo applaudit également.)

M. Bernard Frimat. Il est bien, ce M. Portelli ! (Sourires.)

M. Robert Bret. M. Pozzo di Borgo aussi ! (Nouveaux sourires.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je remercie notre collègue Hugues Portelli d'avoir prononcé des paroles de bon sens. En l'espèce, il s'agit effectivement d'une question de bon sens.

Monsieur le ministre, vous n'arrêtez pas de parler à la première personne du pluriel. Je suppose que ce « nous » englobe, sinon l'ensemble du Gouvernement, du moins le ministre de l'intérieur et vous-même.

Vous nous dites ne pas vouloir favoriser la clandestinité et promettre une « récompense » au bout de dix ans. Vous préférez privilégier un traitement individualisé des situations, au cas par cas, pour des personnes vivant en France depuis moins de dix ans et qui peuvent éventuellement être régularisées.

La régularisation de droit instaurée au bout de quinze ans, puis de dix ans, n'a jamais été motivée par la volonté de récompenser la clandestinité ! Tout à l'heure, vous avez ergoté sur la différence entre régularisation « de droit » et régularisation « automatique ». Aujourd'hui, la régularisation est bien de droit, mais elle est soumise à des critères relativement rigoureux ; il faut notamment prouver sa présence sur le territoire pendant dix ans. Par conséquent, ceux qui veulent tricher ont bien du mal à le faire !

Je le répète, il faut considérer les situations avec bon sens. Les personnes qui vivent clandestinement sur notre territoire pendant dix ans ont, de fait, échappé aux contrôles. Certaines d'entre elles ont d'ailleurs été expulsées, puis sont revenues. Quoi qu'il en soit, que vous le vouliez ou non, elles ont tissé des liens avec notre pays et se sont intégrées puisqu'elles y vivent et y travaillent depuis dix ans. Bien que leurs conditions de travail et de logement soient évidemment tout à fait précaires, il n'empêche qu'en général leurs enfants sont scolarisés en France et que tous leurs amis y résident.

Eh bien, monsieur le ministre, le bon sens commande de reconnaître cette réalité ! Par la force des choses, les personnes concernées sont peu nombreuses. En effet, celles qui sont entre-temps retournées dans leur pays ou sont parties ailleurs avant de revenir en France ne remplissent pas les critères de régularisation. Pour les autres, au bout de dix ans de présence sur notre territoire, qu'elles ne quitteront vraisemblablement plus, il est normal de reconnaître qu'elles sont intégrées et qu'elles ont le droit d'y vivre normalement.

C'est la raison pour laquelle ce droit à la carte de séjour et à la régularisation a été instauré.

Monsieur le ministre, selon votre philosophie, la législation actuelle récompense la clandestinité. Mais ce n'est pas du tout dans ce sens que le dispositif a été créé. Revenons-en donc à l'esprit qui a présidé à son élaboration, car ce dispositif permet effectivement de régler des situations tout à fait anormales. En effet, vivre sans papiers, cela ne devrait pas exister !

M. Bernard Frimat. Voilà une vision humaniste !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Vous avez raison, madame Borvo Cohen-Seat : il ne devrait pas y avoir de sans-papiers en France, et tel est bien d'ailleurs notre objectif !

Imaginez la réaction des étrangers qui sont en France en situation régulière, avec des papiers, quand ils voient qu'ils finissent par être considérés de la même manière que ceux qui sont en situation irrégulière et sans papiers !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Dans ce domaine, la France doit tout de même envoyer un message clair.

Je vous remercie d'ailleurs, monsieur Portelli, de votre excellente question.

M. Charles Revet. Comme toujours !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Vous vous demandez ce qui empêche de concilier, d'une part, la régularisation au cas par cas des personnes qui se mettraient en règle dans un délai de moins de dix ans et, d'autre part, la régularisation automatique de celles qui se seraient maintenues en situation irrégulière pendant dix ans.

Je vous réponds très simplement : faire savoir que la France est un pays dont les règles permettent à tout étranger qui parvient à s'y maintenir en situation irrégulière pendant dix ans de bénéficier d'une régularisation de sa situation n'est pas le message idéal à envoyer au reste du monde.

M. Yves Pozzo di Borgo. Ce n'est pas vrai ! Vous êtes parano !

M. Robert Bret. Vous croyez à ce que vous dites, monsieur le ministre ?

M. Pierre-Yves Collombat. Dix ans, c'est énorme !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. L'esprit de notre texte, c'est de doter notre pays d'une immigration choisie, équilibrée, de montrer qu'il est à la fois ferme et juste. Au moment où nous devons expliquer qu'il y a des règles que chacun doit respecter et appliquer, il est normal de ne plus envoyer ce message selon lequel il suffit de tricher pendant dix ans pour pouvoir être régularisé ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme Alima Boumediene-Thiery. Pourquoi « tricher » ? Pourquoi cette suspicion permanente ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Comment voulez-vous que les gens en situation précaire se projettent dix ans après ?

M. Robert Bret. C'est comme pour les membres du Gouvernement ! (Sourires sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.

M. Bernard Frimat. Monsieur le ministre, nous sommes en train de procéder sur le sujet qui nous occupe à ce qu'on appelle un screening.

Je sais bien que vous avez reçu pour instruction de répéter que ce projet de loi était ferme, juste et équilibré. De notre côté, chaque fois que vous reprendrez cette antienne, nous ne manquerons pas de vous répondre que ce texte est inique et déséquilibré, qu'il contient des propositions scandaleuses et anti-humanistes, bref, qu'il nous déplaît souverainement. Nous sommes d'ailleurs prêts à faire un concours de répliques avec vous !

Pour en revenir au problème posé, si nous avons de nettes différences d'appréciation avec notre collègue Hugues Portelli, nous considérons que son témoignage en tant que maire manifeste une bonne appréhension du problème. En effet, monsieur le ministre, il faut prendre l'exacte mesure de la réalité des chiffres : il n'y a que 3 000 régularisations par an !

Croyez-vous vraiment qu'au fin fond de l'Afrique des gens se disent : « Voilà la solution à nos problèmes ! Il suffit d'aller vivre en France pendant dix ans. Passé ce délai, si nous réussissons à prouver notre présence sur le territoire pendant ces dix années, si notre dossier est accepté, nous aurons de bonnes chances d'être régularisés ! » ?

Croyez-vous vraiment que ces 3 000 régularisations par an peuvent constituer une menace pour les 62 millions d'habitants de notre pays ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est sidérant !

M. Bernard Frimat. En fin de compte, votre argumentation tombe d'elle-même si nous nous plaçons sur le plan quantitatif.

Sur ce dossier, il s'agit tout de même d'avoir un peu d'humanité. Je vous l'accorde, car vous l'avez largement démontré, ce projet de loi n'en contient pas une once ! Au contraire, vous avez voulu un texte d'affichage, pour envoyer un message.

Du reste, ce message n'est pas adressé à l'Afrique. En réalité, vous nous mettez en garde : « Attention, il n'y a plus d'appel d'air ! Nous serons fermes : tel Zorro, nous résisterons, nous serons partout sur le pont, en permanence, pour combattre les irrégularités. Vous allez voir ce que vous allez voir ! Pendant cinq ans, s'il le faut, nous ne tolérerons pas la moindre situation anormale ! » Tel est votre seul message : nous n'aimons pas les étrangers.

MM. Jean-Guy Branger et Jean-Patrick Courtois. Mais non !

Mme Bariza Khiari. Ce n'est pas digne de la France !

M. Bernard Frimat. Et c'est à nous que vous l'envoyez. Nous sommes en profond désaccord avec vous, car une telle attitude, comme vient de le dire ma collègue Bariza Khiari, n'est pas digne de la France.

Que mon langage vous déplaise, j'en suis ravi ! Pour marquer notre désaccord, nous allons occuper de plus en plus le terrain, parce que nous attendons autre chose de la France, car nous avons tous nos histoires personnelles et nos propres expériences.

Comme d'autres ici, j'ai enseigné dans un certain nombre de ces pays d'émigration. En France, j'ai eu pour étudiants des ressortissants de ces mêmes pays. L'image qu'ils avaient de la France n'était pas celle d'un pays qui les refusait. Au contraire, ils considéraient la France comme un pays porteur de certaines valeurs. Je conclurai donc en reprenant une boutade que j'ai entendue dans la bouche de l'un d'eux : « Si on m'expulse, je m'en irai... avec les oeuvres de Voltaire ! » (Murmures sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. Malgré de nettes différences d'appréciation, il nous est arrivé de tomber d'accord sur un certain nombre de sujets, parce que cela relevait du simple bon sens. Ainsi, à la suite de la proposition de notre collègue Jacques Pelletier sur le visa de long séjour, nous avons réussi à trouver un système tel que, en cas de mariage mixte, le conjoint étranger ne soit pas obligé de retourner dans son pays pour se voir délivrer ce document.

En l'espèce, le simple bon sens devrait également l'emporter. Franchement, monsieur le ministre, qui peut croire que la perspective de « galérer » dans la clandestinité pendant dix ans pour espérer une régularisation risque d'entraîner un appel d'air considérable ?

M. Robert Bret. Ils ne le croient pas eux-mêmes !

M. Pierre-Yves Collombat. Encore une fois, nous parlons de personnes qui vivent déjà en France ! Pourquoi refusez-vous de maintenir le dispositif existant, qui n'est tout de même pas si laxiste que cela ?

M. le président. La parole est à M. Jean-Guy Branger, pour explication de vote.

M. Jean-Guy Branger. Monsieur le président, je n'avais pas l'intention d'intervenir, mais je n'admets pas que notre collègue se permette de nous donner des leçons en matière de générosité !

J'ai, moi aussi, enseigné à des étudiants étrangers. L'établissement que je préside en reçoit un nombre important. On ne peut tout de même pas dire que la France n'accepte pas les étrangers, voire les repousse, alors qu'il y a des centaines de milliers d'étudiants étrangers qui viennent en France chaque année ! (Marques d'étonnement sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mes chers collègues, conservons une certaine mesure ! Nous n'avons pas la même philosophie, soit ! Vous ne partagez pas tous nos points de vue, soit ! Mais convenez que ce projet de loi a au moins le mérite de recadrer un peu les choses. Vous ne nous ferez pas croire que, si vous revenez demain au pouvoir, vous abrogerez la totalité des mesures proposées !

Encore une fois, conservons à ce débat un peu de sérénité. Comment pouvez-vous affirmer que notre pays n'est pas généreux ? Vous n'arriverez pas à me citer un autre pays de l'Union européenne qui naturalise 150 000 étrangers chaque année.

J'ai récemment présidé une réunion de la commission des migrations du Conseil de l'Europe, au cours de laquelle je me suis entretenu avec l'ancien président de cette commission, un Anglais qui vient de cesser ses fonctions. Je lui ai appris à cette occasion que 10 % de la population française était d'origine étrangère.

Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat et Alima Boumediene-Thiery, et M. Bernard Frimat. Pas 10 %, 7 %, selon les chiffres officiels !

M. Jean-Guy Branger. Il m'a répondu, en français, que je devais faire erreur, et j'ai donc dû lui confirmer ce pourcentage. Il m'a alors annoncé que la proportion était de 3 % en Angleterre. Je n'invente rien !

Par conséquent, évitons de dire n'importe quoi ! Je le répète, la France est un grand pays, généreux, qui accueille des centaines de milliers d'étudiants et qui naturalise 150 000 étrangers par an.

Dans ce projet de loi, il n'y a pas de proposition scandaleuse. Il fallait remettre les choses à plat : c'est ce qui est fait. Continuons à agir avec générosité. Jusqu'à maintenant, nous débattons de façon démocratique, et le Gouvernement a accepté des amendements.

Je l'avoue, j'ai été choqué par certains propos pleins d'inexactitudes. On ne peut tout de même pas laisser dire n'importe quoi !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 355 et 478 rectifié.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 204 :

Nombre de votants 329
Nombre de suffrages exprimés 321
Majorité absolue des suffrages exprimés 161
Pour l'adoption 130
Contre 191

Le Sénat n'a pas adopté.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 495.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 38 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 174 est présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et  M. André, MM. Assouline,  Badinter,  Bel et  Bockel, Mmes Boumediene-Thiery et  Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et  C. Gautier, Mmes Khiari et  Le Texier, MM. Mahéas,  Mermaz,  Peyronnet et  Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 356 est présenté par Mmes Assassi,  Borvo Cohen-Seat,  Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer le 4° de cet article.

M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour présenter l'amendement n° 174.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Cet amendement de repli tend à supprimer, pour l'étranger marié à un Français, l'obligation de communauté de vie « depuis le mariage », c'est-à-dire, plus exactement, depuis la célébration du mariage.

Je ferai d'abord remarquer qu'il s'agit seulement de délivrer une carte de séjour temporaire d'un an et non pas de donner un droit au séjour de longue durée, stable, propice à la recherche d'un emploi et d'un logement pour la famille constituée d'un conjoint français et d'un conjoint étranger.

Sous l'empire des dispositions prises en 2003, les 90 000 couples binationaux qui se constituent chaque année devront continuer à subir la déstabilisation induite par le droit au séjour trop court du conjoint étranger.

Or, voilà qu'à toutes les conditions déjà posées à la délivrance de cette carte de séjour temporaire d'un an - l'entrée régulière en France, la continuité de la communauté de vie, l'obligation pour le conjoint français de n'avoir pas perdu la nationalité française et la transcription du mariage à l'état civil français - s'ajoute la communauté de vie depuis la célébration du mariage.

C'est toujours pareil : aucune de ces conditions n'est en soi exorbitante ; ce qui est terrifiant, c'est leur accumulation ! Et vous proposez d'en ajouter encore une !

Pourquoi pas, après tout ? Mais encore faudrait-il que la législation en vigueur depuis 2003 et la pratique administrative n'interdisent pas de plus en plus souvent la communauté de vie depuis la célébration du mariage.

Je sais bien qu'il y a des mariages dont l'objectif partiel ou total est de migrer vers la France et je suis d'accord pour dire qu'il faut lutter contre ce détournement.

Il reste que l'arsenal mis en oeuvre depuis 2003 pour lutter contre ce phénomène et qui va se trouver renforcé par la loi sur la validité des mariages célébrés à l'étranger tend à rendre la communauté de vie impossible au début du mariage, pendant une période minimum de plusieurs mois et qui pourra atteindre, selon les juristes du ministère de la justice, jusqu'à trois ans.

J'en veux pour preuve un seul exemple : la plupart des couples n'auront pas pensé à demander le certificat de capacité à mariage avant de se marier en Allemagne, au Brésil ou en Algérie. De ce fait, leur mariage sera rendu suspect, ce qui conduira les consulats à soumettre la transcription de l'acte à une audition séparée des conjoints. Or le délai de rendez-vous pour ces auditions atteint six mois dans les consulats les plus concernés ; je pense notamment à ceux du Maroc !

Les tracasseries aux guichets des consulats sont innombrables, et j'en ai fréquemment des témoignages dans les courriers que je reçois : on demande, par exemple, le livret de famille en plus de l'acte de mariage transcrit, comme si ce dernier ne suffisait pas, ou encore un certificat d'authenticité du mariage célébré en France. Ces demandes émanent de l'agent qui est au guichet et même si, une fois averti, le consul s'en étonne et rétablit les choses, la situation s'en trouve compliquée pendant plusieurs jours, voire plusieurs semaines.

Le délai pour l'obtention du visa de long séjour sera donc, dans le meilleur des cas, de six semaines à deux mois, d'après les agents qui le délivrent. Cependant, compte tenu du manque de personnel dont souffrent les consulats et la sous-direction de la circulation des étrangers de Nantes, le délai d'attente dépassera vite les six mois. Pendant ce laps de temps, toute communauté de vie sera impossible : l'un des conjoints sera à l'étranger tandis que l'autre résidera en France.

Si, de surcroît, le parquet de Nantes est saisi et requiert l'annulation, il pourra s'écouler un an ou deux avant que le tribunal prononce son jugement, de sorte que les intéressés pourront n'obtenir le droit d'être mariés avec un acte de mariage français qu'après avoir été privés pendant plusieurs années du droit de vivre en famille.

Les conditions actuelles sont déjà difficiles à remplir, mais, avec celle que vous proposez d'ajouter, il deviendra absolument impossible de les réunir toutes.

M. le président. La parole est à Mme Eliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 356.

Mme Eliane Assassi. Le 4° de l'article 24 supprime, pour les conjoints étrangers, la référence à l'entrée régulière sur le territoire français pour se voir délivrer la carte de séjour temporaire « vie privée et familiale ».

Cette suppression ne les dispense toutefois pas de l'obligation de détenir un visa de long séjour. Il est d'ailleurs précisé dans le rapport que cette obligation s'applique pour les conjoints ne disposant pas de titre de séjour. Elle s'appliquera donc forcément aux conjoints étrangers qui se seront mariés alors qu'ils détenaient déjà un visa de long séjour.

Autrement dit, à l'expiration de leur visa, s'ils introduisent une demande de carte de séjour « vie privée et familiale », ils devront retourner dans leur pays d'origine pour obtenir un nouveau visa.

Cela revient à soumettre le droit au séjour du conjoint au bon vouloir des autorités consulaires de son pays d'origine avec un délai pouvant effectivement approcher six mois.

Comment, alors, satisfaire à la condition selon laquelle la communauté de vie ne doit pas cesser depuis le mariage ?

Ainsi, encore une fois, tout est organisé pour entraver la liberté de se marier.

De nouveau, nous sommes obligés de constater que les dispositions qui encadrent le séjour des conjoints étrangers en France portent atteinte au droit à mener une vie familiale normale.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur les amendements, étant précisé, concernant l'amendement n° 356, que nous avons déjà voté le sous-amendement n° 100 rectifié quinquies, dit « amendement Pelletier », qui a réglé une partie du problème.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.

M. Richard Yung. Nous jugeons la rédaction proposée pour le moins « peu pratique » : d'une part, l'obligation de retour dans le pays d'origine pour l'obtention d'un visa de longue durée interrompt nécessairement la communauté de vie ; d'autre part, il est extrêmement difficile de prouver la continuité absolue de ladite communauté de vie. En effet, l'un des conjoints peut s'absenter soit pour obtenir ce visa, soit pour suivre des études ou accomplir des missions à l'étranger. Ces absences de l'un des conjoints ne signifient pas pour autant que la communauté de vie est terminée.

Pour toutes ces raisons, nous considérons que cette proposition n'est pas réaliste, qu'elle est inapplicable et qu'il sera impossible de répondre aux deux conditions supplémentaires ici prévues.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 174 et 356.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L'amendement n° 357, présenté par Mmes Assassi,  Borvo Cohen-Seat,  Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer le 4° bis de cet article.

La parole est à Mme Eliane Assassi.

Mme Eliane Assassi. Cet amendement est un amendement de coordination.

Dès lors que nous contestons le fait de devoir détenir un visa long séjour afin qu'un conjoint étranger puisse se voir délivrer une carte de séjour temporaire vie privée et familiale, nous pensons que cette obligation ne doit pas s'appliquer, non plus, à l'étranger marié à un ressortissant étranger titulaire d'une carte de séjour portant la mention « scientifique ».

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 357.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 175 est présenté par M. Frimat, Mmes Alquier et  M. André, MM. Assouline,  Badinter,  Bel et  Bockel, Mmes Boumediene-Thiery et  Cerisier-ben Guiga, M. Collombat, Mme Demontès, MM. Dreyfus-Schmidt et  C. Gautier, Mmes Khiari et  Le Texier, MM. Mahéas,  Mermaz,  Peyronnet et  Sueur, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 358 est présenté par Mmes Assassi,  Borvo Cohen-Seat,  Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer le 4° ter de cet article.

M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour présenter l'amendement n° 175.

M. Richard Yung. Nous considérons que cette nouvelle rédaction du 4°ter s'inscrit dans la logique de ces articles où l'on double les durées : celle les peines comme celle des délais demandés. Cela fait partie de cette politique de Gribouille que nous dénonçons depuis le début de ce débat.

Par ailleurs, nous estimons que le fait de porter de un an à deux ans la démonstration de la contribution aux frais d'éducation contrevient à l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour présenter l'amendement n° 358.

Mme Annie David. Le 4° ter de l'article 24, qui a été introduit à l'Assemblée nationale, prévoit que l'étranger père ou mère d'un enfant français, s'il veut obtenir la carte de séjour « vie privée et familiale » devra désormais effectivement contribuer à l'entretien et à l'éducation de l'enfant pendant deux ans et non plus pendant un an.

Dans ce domaine, les régressions ne cessent de se succéder. Avant l'adoption de la loi de 2003, l'étranger père ou mère d'un enfant français pouvait obtenir ce titre de séjour à condition d'exercer, même partiellement, l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou de subvenir effectivement à ses besoins. Mais, depuis lors, le vent de la suspicion a soufflé sur les étrangers parents d'enfant français, au détriment non seulement du droit au séjour de ces derniers, mais également de l'intérêt de l'enfant de vivre avec ses deux parents.

Au nom de cette lutte acharnée que livre le Gouvernement contre les paternités de complaisance, c'est le droit à mener une vie familiale normale pour les parents étrangers qui est remis en cause.

Nous n'acceptons pas cette régression de leur droit ni cette suspicion systématique à leur encontre ; c'est pourquoi nous avons déposé cet amendement

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 175 et 358.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L'amendement n° 359, présenté par Mmes Assassi,  Borvo Cohen-Seat,  Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer le 5° de cet article.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Cet amendement se justifiait pleinement au regard de notre opposition à la condition posée par l'article 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui subordonne la délivrance d'une carte de séjour temporaire à la production par l'étranger d'un visa de long séjour. Nous souhaitions, par conséquent, supprimer toutes références à l'article précité.

Dans la mesure où l'article 2 du projet de loi a été adopté, il est bien évident que nous ne voulons pas restreindre les droits des étrangers en supprimant une disposition les délivrant de l'obligation de produire un visa de long séjour. C'est pourquoi je retire cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 359 est retiré.

L'amendement n° 360, présenté par Mmes Assassi,  Borvo Cohen-Seat,  Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Après le 5° de cet article, insérer deux alinéas ainsi rédigés :

... ° Après le 6°, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« ... ° À l'étranger qui est père ou mère d'un ou plusieurs enfants résidant en France et suivant, de manière attestée, une formation française, dispensée soit par un organisme public soit par un organisme privé présentant les caractères déterminés par un décret en Conseil d'Etat ; »

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Avec cet amendement, comme avec notre amendement n° 354, notre volonté est de protéger d'une mesure d'éloignement les enfants étrangers scolarisés.

Bien qu'une telle mesure soit particulièrement injuste pour ces enfants et manifestement contraire à leur intérêt, le Gouvernement, par sa politique du chiffre à n'importe quel prix, a largement contribué à l'expulsion de plusieurs dizaines d'enfants scolarisés.

Il en est de même pour de jeunes lycéens qui, une fois leur dix-huitième anniversaire passé, se retrouvent menacés par une mesure d'éloignement. L'amendement n° 354 prévoyait donc la délivrance de plein droit d'une carte de séjour à ces jeunes étrangers scolarisés. Malheureusement, le Gouvernement n'a pas entendu nos arguments.

Nous espérons qu'il les entendra pour ce qui concerne les parents d'enfants scolarisés. En effet, quand ce ne sont pas les jeunes majeurs qui sont directement visés, ce peut être la situation irrégulière de certains parents qui met en péril l'avenir de leurs enfants, même quand ces derniers sont inscrits dans un établissement scolaire.

Notre objectif est donc de prévoir une protection particulière pour ces parents et de leur permettre de régulariser leur situation afin de donner une chance à leurs enfants de continuer leur scolarité normalement, comme n'importe quel enfant.

Nous voulons empêcher ces drames humains qui touchent ces familles étrangères et qui affectent également la vie de nos établissements scolaires, où parents d'élèves et professeurs s'investissent un peu plus, jour après jour, pour protéger ces enfants.

L'amendement n° 360 tend donc à régler ces situations personnelles très dures à vivre, aussi bien pour ces enfants que pour leurs parents.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. La nouvelle procédure d'admission exceptionnelle au séjour permettra de d'examiner au cas par cas les situations. La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Cet avis est défavorable. J'ai déjà fourni des explications sur ce point lors de l'examen de l'amendement n° 354 ; j'ai notamment évoqué la circulaire adressée aux préfets.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 360.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 361 est présenté par Mmes Assassi,  Borvo Cohen-Seat,  Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

L'amendement n° 496 est présenté par Mmes Boumediene-Thiery,  Blandin et  Voynet et M. Desessard.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer le 6° de cet article.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l'amendement n° 361.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La nouvelle rédaction du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile soulève un certain nombre de problèmes. En effet, désormais, les étrangers qui n'entrent pas dans les catégories bien précises énoncées dans ce texte seront soumis à des conditions plus drastiques quant à la nature des liens qui les unissent à la France.

Ces liens seraient « appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine ».

Deux interprétations peuvent être faites de cette prescription.

Soit il s'agit de critères supplémentaires pour bénéficier d'une carte de séjour sur le fondement de liens personnels et familiaux en France. Dès lors, cette modification est contraire à l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme que transpose le 7° de l'article L. 313-11 du code susvisé. En tout état de cause, cette restriction est aberrante puisqu'on exigera de personnes en situation irrégulière, n'étant donc pas autorisées à travailler officiellement, des conditions de ressources et de logement.

Soit il s'agit de simples indications délivrées pour l'application du droit au séjour sur le fondement de liens personnels et familiaux. Mais alors, ce genre de disposition n'a pas sa place dans un texte législatif et, étant dépourvu de portée normative, relève d'une simple circulaire.

Pour finir, avant que le Gouvernement ne prétende qu'il s'est appuyé sur la jurisprudence du Conseil d'État en la matière, nous souhaitons montrer l'insincérité qui entache cette disposition.

L'Observatoire du droit à la santé des étrangers a établi un recueil de jurisprudence qui montre que, selon les juridictions administratives, le séjour des parents d'enfants malades et la protection contre leur éloignement sont garantis par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme et par l'actuel 7° de l'article L. 313-11 précité, que le Gouvernement souhaite démanteler. Ainsi, ils peuvent chacun bénéficier d'une carte de séjour temporaire. Il semble que le Gouvernement ait écarté cette jurisprudence.

Vous avez préféré prétendre, jeudi dernier, que ces personnes se trouvaient dans un vide juridique et les condamner à la précarité. Peut-être était-ce parce que vous ne pouviez en aucun cas justifier que l'on puisse opposer à la demande de séjour de parents d'un enfant atteint de saturnisme que leur logement insalubre ne remplit pas les conditions d'existence prévues par le projet de loi.

Parce que nous refusons un tel tour de passe-passe, qui est de surcroît un déni du droit, nous demandons la suppression de cet alinéa.

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour présenter l'amendement n° 496.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Pour ce qui concerne, tout d'abord, la notion de liens personnels et familiaux, la rédaction actuelle du projet de loi ne permet pas une prise en compte réelle de la vie privée des personnes. L'expression « liens personnels ou familiaux » serait d'ailleurs, par cette simple substitution de conjonction de coordination, beaucoup plus conforme au respect de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme.

S'agissant des critères d'appréciation, la prise en compte des conditions d'existence et de l'insertion d'une personne dans la société française ne peut, à l'évidence, concerner une personne qui ne possède pas de titre de séjour. Comment prendre en compte les conditions d'existence et d'insertion dans la société française d'une personne considérée comme clandestine ?

Les conditions d'existence font référence aux ressources et au logement du demandeur qui, par définition, sont instables puisque la personne en cause est dépourvue de titre de séjour, n'est donc pas autorisée à travailler et rencontre des difficultés pour accéder durablement à un logement.

Quant à l'exigence de l'insertion dans la société française, elle est rigoureusement inapplicable. Cette notion est tellement floue qu'elle engendrera une interprétation arbitraire et elle est si difficile à remplir qu'elle privera l'immense majorité des demandeurs d'un droit au séjour.

L'ajout de ces deux critères rend cette disposition inapplicable et constitue, de fait, une atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale.

J'en viens maintenant aux critères qui permettent d'apprécier les liens personnels ou familiaux. Ils relèvent plus d'une circulaire que d'un texte législatif dans la mesure où ils ne sont pas contraignants puisque, selon le projet de loi, ils sont « appréciés notamment au regard... ». Cette disposition ouvre la porte à l'arbitraire de l'administration. D'ailleurs, ces critères apparaissent dans la circulaire d'application du mois de mai 1998, qui est souvent citée dans les circulaires ultérieures d'application de la loi sur l'immigration, mais non dans les lois actuellement en vigueur.

M. le président. L'amendement n° 362, présenté par Mmes Assassi,  Borvo Cohen-Seat,  Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Dans le 6° de cet article :

1°) supprimer le mot :

notamment

2°) supprimer les mots :

de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, 

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le présent amendement vise à ôter du projet de loi des formules vagues, susceptibles de donner lieu à des interprétations subjectives, qui ne s'avèrent pas être des outils juridiques utiles au travail des représentants de l'État. Par expérience, nous savons tous que l'intensité - d'ailleurs, comment la mesurer ? -, l'ancienneté et la stabilité des liens familiaux et affectifs ne sont pas des critères administratifs suffisants, eu égard à la complexité d'une vie humaine, pour répondre à la réalité des familles recomposées, monoparentales ou dispersées en raison des nécessités de la vie, a fortiori lorsque les conditions de vie sont difficiles.

Les restrictions prévues par le présent article n'ont, de plus, aucun sens dans la mesure où la personne, notamment quand elle est jeune, a pu tisser des liens très forts en France du fait de sa présence sur ce territoire depuis son plus jeune âge, quels que soient ses liens de parenté avec les personnes qui l'entourent.

Les dispositions de l'article 8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui garantissent le droit au respect de la vie privée et familiale, comme celles de la convention internationale relative aux droits de l'enfant répondent à cette complexité et suffisent.

M. le président. L'amendement n° 497, présenté par Mmes Boumediene-Thiery,  Blandin et  Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :

Dans le 6° de cet article, remplacer les mots :

de leur intensité, de leur ancienneté

par les mots :

de leur intensité ou de leur ancienneté

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Encore une fois, cet amendement est motivé par ce que je considère comme le bon sens.

Est envisagé le cas où l'on octroie à un migrant une simple carte de séjour temporaire. L'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas du tout laxiste. Au contraire, il prévoit déjà des conditions très strictes. Dès lors, pourquoi ajouter une série de conditions qui, en l'état actuel de la rédaction dudit article, sont cumulatives et ne reposent que sur des considérations très subjectives ?

Ces dispositions, au caractère excessivement restrictif, n'apportent pas de garanties suffisantes en termes de respect effectif des droits des migrants. Une fois de plus, nous sommes confrontés au caractère exorbitant et discrétionnaire du pouvoir de l'administration préfectorale, qui se trouve encore renforcé, au détriment de la stabilité des droits des migrants étrangers, qui, selon moi, devrait faire partie de l'état de droit.

M. le président. L'amendement n° 363, présenté par Mmes Assassi,  Borvo Cohen-Seat,  Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Dans le 6° de cet article, supprimer les mots :

, des conditions d'existence de l'intéressé

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. L'article 24 du projet de loi soulève un certain nombre de questions parce qu'il fait, comme l'indique M. Buffet dans son rapport écrit, « une sorte de synthèse de la jurisprudence en cette matière » et énumère des critères qui n'auront pas force de loi. M. le rapporteur ajoute en effet que ces critères « n'enferment pas pour autant les magistrats dans une lecture restrictive du droit à une vie familiale normale. L'article 8 de la CEDH est d'application directe. » Dès lors, à quoi sert cette disposition ?

Pour ce qui concerne plus précisément l'amendement n° 363, nous ne savons pas précisément à quoi fait référence l'expression « conditions d'existence » du paragraphe 6° de l'article 24, sinon à un contrat de travail et à un logement. Or, dans la pratique, ces deux conditions sont liées aux conditions de séjour de la personne étrangère. Il serait donc nécessaire que soient précisées les conditions qui sont le préalable des autres et que les garanties exigées par les employeurs et les propriétaires de logement soient légalement définies autrement.

Cela n'étant pas très réaliste, nous vous proposons simplement de supprimer le critère des conditions d'existence.

M. le président. L'amendement n° 364, présenté par Mmes Assassi,  Borvo Cohen-Seat,  Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Dans le 6° de cet article, supprimer les mots :

, de son insertion dans la société française

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Dans ce texte, on a renoncé à décliner de façon précise les conditions requises pour pouvoir prétendre à une carte de séjour temporaire au titre des attaches personnelles et privées.

Mais, comme j'ai eu l'occasion de le souligner précédemment, la formule proposée est inquiétante parce que trop vague. L'adverbe « notamment » laisse entendre que d'autres éléments pourront être pris en compte et laisse une large marge de manoeuvre aux préfets, notamment la reconduite manu militari à la frontière d'enfants de trois ans.

Avant l'entrée en vigueur de la loi Pasqua du 24 août 1993, la personne étrangère qui justifiait avoir sa résidence habituelle en France depuis plus de quinze ans obtenait, de plein droit, une carte de résident. Le droit de se voir délivrer une carte temporaire d'un an en raison d'une présence de quinze années en France a été rétabli en 1997, à la suite de la grève de la faim à l'église Saint-Bernard. Il s'agissait alors d'obliger le législateur à reconnaître les liens privés et familiaux que ces personnes avaient noués pendant cette tranche de vie. Quinze ans, cela représente en effet une belle « tranche de vie » !

M. le président. L'amendement n° 365, présenté par Mmes Assassi,  Borvo Cohen-Seat,  Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Dans le 6° de cet article, supprimer les mots :

ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Par cet amendement, nous proposons de supprimer, dans le 6° de l'article 24, la référence à la nature des liens avec la famille demeurant au pays d'origine.

Cette condition, pour le moins imprécise, était absente de précédentes versions du projet de loi : pourquoi son ajout, si ce n'est pour verrouiller davantage la délivrance de la carte « vie privée et familiale » ?

La commission des lois s'est contentée, comme pour les autres critères intégrés dans cet alinéa, d'évoquer une « sorte de synthèse de la jurisprudence » permettant « un cadre de lecture plus aisé » n'enfermant pas la position susceptible d'être prise par les magistrats.

Le rapport de la commission des lois de l'Assemblée nationale est un peu plus prolixe. On y lit que le refus d'accorder le titre de séjour concerné « ne peut être considéré comme une violation du droit à la vie privée et familiale de l'intéressé que si ce dernier ne peut pas exercer ce droit dans son pays d'origine ». Elle oppose les notions de « nature » et d'« existence » des liens, indiquant par exemple que la présence d'un membre de la famille au pays d'origine n'entraînera pas par principe le refus de la carte de séjour. Mais qui va décider ?

En réalité, cette restriction renforcera le pouvoir discrétionnaire des préfets et induira, comme le souligne le Conseil national des barreaux, « une appréciation subjective et incontrôlable par le juge ». On va demander à l'intéressé de prouver un fait négatif, ce qui est généralement exclu en droit français.

Cela renforcera aussi les pouvoirs de contrôle des autorités consulaires, car qui d'autre interviendra pour apprécier la situation de l'intéressé dans son pays d'origine ?

Alors que les possibilités de revendiquer ces liens privés et familiaux ont d'ores et déjà été considérablement réduites par voie de circulaire, en fixant des conditions non prévues par la loi, ici, c'est la loi elle-même qui fixe les conditions.

Comme le souligne la Commission nationale consultative des droits de l'homme, qui, bien que n'ayant pas été consultée, a donné son avis, les conditions ajoutées à la délivrance de la carte « vie privée et familiale » seront très difficiles à remplir pour les personnes dépourvues de papiers.

L'obligation de référence à la nature des liens familiaux dans le pays d'origine fait manifestement partie de ces conditions auxquelles il sera très difficile de satisfaire. Elle ne peut que porter atteinte au principe d'égalité des droits.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Puisqu'il s'agit, pour l'essentiel, d'amendements de suppression et que j'ai déjà eu l'occasion d'expliquer la position de la commission, je me bornerai à indiquer que celle-ci a émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Il est défavorable à ces sept amendements.

M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour explication de vote.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Nous voterons pour ces amendements, mais je tiens à insister sur le caractère totalement inacceptable de la mention de l'intensité des relations familiales de l'étranger.

Nous sommes vraiment là dans du mauvais Orwell ! Comment l'intensité des relations familiales sera-t-elle mesurée ? Dans certaines familles, cette intensité se traduit par d'incessantes querelles ; dans d'autres, au contraire, les rapports familiaux « baignent dans l'eau de rose ». (Sourires.)

En vérité, l'appréciation ne peut être que totalement subjective. Les familles seront livrées à l'arbitraire du jugement d'un agent de guichet. Aucun tribunal ne pourra retenir une notion aussi floue.

Nous sombrons là dans la mesquinerie ! La voie est grande ouverte aux tracasseries sans fin et ce qu'on aura édicté se révélera impossible à appliquer.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 361 et 496.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 362.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 497.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 363.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 364.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 365.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 366, présenté par Mmes Assassi,  Borvo Cohen-Seat,  Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer l'antépénultième alinéa (7°) de cet article.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. De même que l'amendement n° 359, l'amendement no 366 et - je l'annonce dès à présent - les amendements nos 367 et 368 se justifiaient tous les trois pleinement par notre opposition à la condition posée dans l'article 311-7, qui vise à subordonner la délivrance d'une carte de séjour temporaire à la production par l'étranger d'un visa de long séjour.

C'est pourquoi, monsieur le président, nous retirons ces trois amendements.

M. le président. Les amendements nos 366, 367 et 368 sont retirés.

Je donne néanmoins lecture des amendements nos 367 et 368.

L'amendement n° 367, présenté par Mmes Assassi,  Borvo Cohen-Seat,  Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer l'avant-dernier alinéa (8°) de cet article.

L'amendement n° 368, présenté par Mmes Assassi,  Borvo Cohen-Seat,  Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer le dernier alinéa (9°) de cet article.

Je mets aux voix l'article 24, modifié.

(L'article 24 est adopté.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Article 24 (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration
Discussion générale

6

DÉPÔT D'unE PROPOSITION DE LOI

M. le président. J'ai reçu de M. François Marc, Mmes Yolande Boyer, Nicole Bricq, Josette Durrieu, Michèle André, MM. Louis Le Pensec, Pierre-Yves Collombat, Jean-Marc Todeschini, Michel Teston, Jean-François Picheral, Jacques Mahéas et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés une proposition de loi visant à définir le courrier électronique professionnel.

La proposition de loi sera imprimée sous le n° 385, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

7

TRANSMISSION D'UNE PROPOSITION DE LOI

M. le président. J'ai reçu de M. le président de l'Assemblée nationale une proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, portant création d'un ordre national des infirmiers.

La proposition de loi sera imprimée sous le n° 390, distribuée et renvoyée à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

8

TEXTE SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de décision du Conseil concernant la conclusion, par la Commission, de l'accord sur l'établissement de l'organisation internationale ITER pour l'énergie de fusion en vue de la mise en oeuvre conjointe du projet ITER, de l'arrangement sur l'application provisoire de l'accord sur l'établissement de l'organisation internationale ITER pour l'énergie de fusion en vue de la mise en oeuvre conjointe du projet ITER et de l'accord sur les privilèges et immunités de l'organisation internationale ITER pour l'énergie de fusion en vue de la mise en oeuvre conjointe du projet ITER.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-3162 et distribué.

9

renvoi pour avis

M. le président. J'informe le Sénat que le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'adhésion à la convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles (n° 384, 2005-2006) dont la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est saisie au fond est renvoyé pour avis à sa demande, à la commission des affaires culturelles.

10

DÉPÔT DE RAPPORTS

M. le président. J'ai reçu de M. Jean-René Lecerf un rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sur :

- la proposition de loi de M. Jean-Pierre Sueur, relative à la législation funéraire (n° 375, 2005-2006) ;

- et sur la proposition de loi de M. Jean-Pierre Sueur, Mme Jacqueline Alquier, MM. Bernard Angels, Bertrand Auban, Jean-Pierre Bel, Jean Besson, Mme Marie-Christine Blandin, M. Yannick Bodin, Mme Yolande Boyer, M. Didier Boulaud, Mmes Alima Boumediene-Thiery, Nicole Bricq, Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Pierre-Yves Collombat, Raymond Courrière, Roland Courteau, Yves Dauge, Jean-Pierre Demerliat, Claude Domeizel, Bernard Frimat, Jean-Pierre Godefroy, Mme Odette Herviaux, MM. Alain Journet, Serge Lagauche, André Lejeune, Louis Le Pensec, Roger Madec, Jacques Mahéas, François Marc, Jean-Pierre Masseret, Jean-Pierre Michel, Jean-Marc Pastor, Jean-Claude Peyronnet, Jean-François Picheral, Mme Gisèle Printz, MM. Daniel Reiner, Jacques Siffre, Simon Sutour, Mme Catherine Tasca, M. Michel Teston, Mme Dominique Voynet et M. Richard Yung, sur le statut et la destination des cendres des personnes dont le corps a fait l'objet d'une crémation (n° 464, 2004-2005).

Le rapport sera imprimé sous le n° 386 et distribué.

J'ai reçu de M. Nicolas About un rapport fait au nom de la commission des affaires sociales sur la proposition de loi de MM. Christian Gaudin, Nicolas About, Jean-Paul Amoudry, Denis Badré, Claude Biwer, Yves Détraigne, Mme Muguette Dini, M. Jean-Léonce Dupont, Mmes Françoise Férat, Gisèle Gautier, M. Joseph Kerguéris, Mme Valérie Létard, M. Jean-Claude Merceron, Mme Catherine Morin-Desailly, MM. Yves Pozzo di Borgo, Daniel Soulage, André Vallet, Jean-Marie Vanlerenberghe (n° 158, 2005-2006), visant à prolonger le congé pour événement familial en cas de décès d'un conjoint ou d'un enfant.

Le rapport sera imprimé sous le n° 389 et distribué.

11

DÉPÔT DE RAPPORTS D'INFORMATION

M. le président. J'ai reçu de MM. François Marc et Michel Moreigne un rapport d'information fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur le contrôle relatif au Centre d'analyse stratégique (ex-Commissariat général du Plan).

Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 387 et distribué.

J'ai reçu de Mme Gisèle Gautier un rapport d'activité fait pour l'année 2005-2006 au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes et compte rendu des travaux de cette délégation sur les familles monoparentales et les familles recomposées, déposé en application de l'article 6 septies de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires.

Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 388 et distribué.

12

ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, mercredi 14 juin 2006 à quinze heures et le soir :

1. Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, préalable au Conseil européen des 15 et 16 juin 2006 ;

2. Suite de la discussion du projet de loi (n° 362, 2005-2006), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à l'immigration et à l'intégration ;

Rapport (n° 371, 2005-2006) de M. François-Noël Buffet, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.

Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.

Délai limite pour les inscriptions de parole et pour le dépôt des amendements

Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, sur la politique énergétique de la France ;

Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mercredi 14 juin 2006, à dix-sept heures.

Projet de loi réformant la protection de l'enfance (n° 330, 2005-2006) ;

Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 19 juin 2006, à dix-sept heures ;

Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 19 juin 2006, à seize heures.

Conclusions de la commission des lois (n° 386, 2005-2006) :

- sur la proposition de loi de M. Jean-Pierre Sueur et plusieurs de ses collègues sur le statut et la destination des cendres des personnes dont le corps a fait l'objet d'une crémation (n° 464, 2004 2005) ;

- et sur la proposition de loi de M. Jean-Pierre Sueur relative à la législation funéraire (n° 375, 2005-2006) ;

Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 21 juin 2006, à dix-sept heures ;

Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 20 juin 2006, à dix-sept heures.

Conclusions de la commission des affaires sociales sur la proposition de loi de M. Christian Gaudin visant à prolonger le congé pour événement familial en cas de décès d'un conjoint ou d'un enfant (n° 158, 2005-2006) ;

Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 21 juin 2006, à dix-sept heures ;

Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 20 juin 2006, à dix-sept heures.

Question orale avec débat (n° 8) de M. Philippe Leroy à M. le ministre délégué à l'industrie sur la gestion de l'après-mines ;

Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mercredi 21 juin 2006, à dix-sept heures.

Conclusions de la commission des affaires culturelles sur la proposition de loi de M. Jean-François Humbert portant diverses dispositions relatives aux arbitres (n° 323, 2005-2006) ;

Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 21 juin 2006, à dix-sept heures ;

Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 20 juin 2006, à dix-sept heures.

Personne ne demande la parole ?...

La séance est levée.

(La séance est levée le mercredi 14 juin 2006, à zéro heure vingt.)

La Directrice

du service du compte rendu intégral,

MONIQUE MUYARD