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CANDIDATURE à UN ORGANISME EXTRAPARLEMENTAIRE

M. le président. Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation du sénateur appelé à siéger au sein de la Commission de suivi de la détention provisoire.

La commission des lois a fait connaître qu'elle propose la candidature de M. Jean-René Lecerf pour siéger au sein de cet organisme extraparlementaire.

Cette candidature a été affichée et sera ratifiée, conformément à l'article 9 du règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.

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Dossier législatif : projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique
Discussion générale (suite)

Ratification de l'ordonnance relative à l'organisation de certaines professions de santé

Adoption d'un projet de loi

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique
Article 1er

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique (n° 91, 2006-2007).

Dans la discussion générale, la parole est M. le ministre délégué.

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le présent projet de loi est important à plusieurs titres.

Ce texte a d'abord pour objet d'améliorer l'organisation des professions de santé et, surtout, de simplifier leurs conditions d'exercice.

À cet effet, le projet de loi homogénéise les règles de fonctionnement des différents ordres. Il renforce les garanties procédurales, notamment en réorganisant la procédure de conciliation et en prévoyant explicitement les incompatibilités entre chambres disciplinaires de première instance et chambres d'appel.

Ce texte a également pour ambition de simplifier les procédures administratives et, en particulier, de préparer, pour l'ensemble des professions, la mise en oeuvre, à compter de mars 2007, du Répertoire partagé des professions de santé, qui facilitera et unifiera les démarches d'enregistrement des professions de santé.

Simplifier l'exercice professionnel, c'est aussi faciliter les remplacements en allégeant les procédures, notamment par la suppression du régime de l'autorisation préalable jusqu'à présent délivrée par les préfectures.

Ce projet de loi tend en outre à garantir davantage la qualité de l'exercice professionnel. Il va permettre de mieux sanctionner l'usurpation de titre et l'exercice illégal de la profession et de rétablir une hiérarchie cohérente dans l'échelle des peines.

Ce projet de loi a ensuite pour objet d'instituer un statut de profession de santé pour les diététiciens. Ainsi, l'adoption de ce texte conférera à la profession de diététicien une vraie reconnaissance, qui n'avait que trop tardé.

Le texte permet en effet de franchir une étape importante. La loi reconnaissait jusqu'à ce jour l'usage du titre de diététicien, mais elle ne définissait pas l'exercice professionnel de ce métier. Ce sera désormais chose faite.

Enfin, vous le savez, certaines dispositions du projet de loi de prévention de la délinquance ont soulevé des interrogations des membres de la communauté psychiatrique et des associations de familles et d'usagers sur la nécessité d'avoir une approche globale et cohérente quant aux procédures de soins psychiatriques sous contrainte.

C'est pourquoi nous avons présenté à l'Assemblée nationale, en plein accord avec le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, un amendement permettant d'habiliter le Gouvernement à réviser par ordonnance les dispositions de la loi de 1990, qui a modifié la loi de 1838 sur les hospitalisations d'office ou à la demande d'un tiers. Cet amendement est devenu l'article 12 du projet de loi.

Bien au-delà de l'approche initiale, nous avons voulu qu'un véritable volet sanitaire soit examiné dans un cadre propice, c'est-à-dire en dehors du texte relatif à la prévention de la délinquance. (MM. Jean-Pierre Godefroy et André Vantomme s'exclament). Le Gouvernement vous propose donc de promouvoir cette approche globale.

J'ajoute que le Gouvernement sera amené à vous présenter deux amendements qui ont trait à l'exercice des professionnels de santé : le premier pour assurer un meilleur accès à des soins à tarif opposable, et le second pour compléter le cadre légal du dossier médical personnel.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très bien !

M. Philippe Bas, ministre délégué. Ce projet de loi, d'apparence technique, contient des dispositions très importantes en vue d'une amélioration concrète de l'exercice des professionnels de santé. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur le banc des commissions.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Milon, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le ministre, je voudrais tout d'abord vous exprimer mon plaisir de travailler de nouveau avec vous dans cette enceinte. Je voudrais aussi vous demander d'adresser, en mon nom propre et au nom de mes collègues, nos félicitations à Mme et M. Xavier Bertrand, depuis hier heureux parents de jumeaux. (Marques d'approbation.)

M. le président. Nous nous associons à ces félicitations.

M. Alain Milon, rapporteur. À la suite de son examen par l'Assemblée nationale, le projet de loi que nous examinons aujourd'hui comporte désormais dix-neuf articles, contre dix initialement.

Ces articles sont d'une importance inégale. Outre celui qui procède à la ratification formelle de l'ordonnance, quatorze articles simplifient, clarifient ou harmonisent des dispositions relatives aux professions de santé : médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes, pharmaciens, masseurs-kinésithérapeutes et pédicures-podologues.

Parmi les quatre articles restants, deux sont consacrés aux conditions d'exercice de la profession de diététicien, le troisième tend à accorder le statut de profession de santé aux assistants dentaires, tandis que le dernier a pour objet d'habiliter le Gouvernement à modifier par ordonnance les dispositions législatives relatives aux soins psychiatriques sans consentement.

C'est sur ces quatre articles supplémentaires que je voudrais m'arrêter quelques instants.

S'agissant des conditions d'exercice de la profession de diététicien, je rappellerai que seul le titre de diététicien est, jusqu'à présent, réglementé et protégé par le code de la santé publique. Le projet de loi permet d'aller plus loin en prévoyant la reconnaissance de la profession de diététicien et en lui conférant le statut de professionnel de santé à part entière, avec tous les droits et devoirs afférents.

J'approuve cette évolution, car les diététiciens seront appelés à jouer un rôle croissant dans la lutte contre l'obésité, ce fléau sanitaire et social à l'encontre duquel nous devons mener une lutte sans merci.

J'en viens à la mesure relative au statut de professionnel de santé accordé aux assistants dentaires. Je constate que le dispositif adopté par l'Assemblée nationale, contre l'avis du Gouvernement, ne procède qu'à une reconnaissance a minima du statut des assistants dentaires. Il se limite aux questions de formation et ne permet pas, en l'état, de définir la profession et ses conditions d'exercice.

Est-il nécessaire de conserver cet article en l'état, en le considérant comme une première étape, très partielle, dans la reconnaissance de la profession d'assistant dentaire ? Serait-il plus judicieux de supprimer cet article et d'élaborer un statut complet, pour lequel une concertation est d'ailleurs en cours, afin de lui donner ultérieurement une traduction législative ?

Cette question est d'autant plus légitime que cette mesure ne fait pas l'objet d'un consensus chez les chirurgiens-dentistes. Si l'ordre des chirurgiens-dentistes s'y dit favorable, les syndicats majoritaires, regroupés au sein de la confédération nationale des syndicats dentaires, y sont très défavorables, arguant à juste titre que cette reconnaissance trop hâtive entraînerait une ouverture à l'exercice de certains soins dentaires pour lesquels ces assistants ne sont pas formés. Nous en reparlerons au moment de l'examen des articles.

Je voudrais maintenant m'attarder sur la disposition tendant à autoriser le Gouvernement à modifier par ordonnance les dispositions législatives relatives aux soins psychiatriques sans consentement.

Demander aux parlementaires d'autoriser le Gouvernement, quel qu'il soit, à modifier la loi par ordonnance n'est jamais une démarche très facile, ni pour lui ni pour eux : cela revient en effet à nous demander de renoncer à l'exercice de notre pouvoir législatif. Nous devons donc faire preuve de vigilance et de discernement avant d'y consentir.

Je vous rappelle que, tout récemment, à l'occasion de l'examen du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance, des dispositions ayant trait à la prise en charge des personnes hospitalisées d'office ont été adoptées, dispositions sur lesquelles notre commission avait d'ailleurs porté une appréciation plutôt favorable.

Elle avait toutefois vivement contesté, sur la forme, l'insertion de ces mesures dans un texte consacré à la délinquance. De la même manière, celles-ci ont fait l'objet d'une opposition franche de la part d'associations de patients et de professionnels, qui craignent un amalgame entre la lutte contre la délinquance et la prise en charge des malades mentaux.

Le Gouvernement a entendu ces arguments. Il propose donc de supprimer les articles en cause, 18 à 24, du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance, sous réserve que le Parlement l'habilite à réviser, par voie d'ordonnance, sur le fondement de l'article 38 de la Constitution, la loi du 27 juin 1990 relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux et à leurs conditions d'hospitalisation. C'est ce à quoi procède l'article 12 de ce projet de loi.

Cette stratégie un peu particulière soulève, à mon sens, trois interrogations.

La première est relative au champ de l'habilitation. Son périmètre, défini par six alinéas, va au-delà de celui que fixent les articles 18 à 24 du projet de la loi relatif à la prévention de la délinquance. Le Gouvernement serait ainsi autorisé à légiférer par ordonnance dans le domaine de l'hospitalisation psychiatrique des personnes détenues, alors que ce sujet n'a pas été abordé jusqu'à présent.

Par ailleurs, le ministre a précisé, lors de l'examen du présent texte par l'Assemblée nationale, que l'ordonnance serait également l'occasion de promouvoir un volet sanitaire, qui concerne directement les professionnels de santé. C'est d'ailleurs ainsi qu'il justifie l'inscription de cet article d'habilitation dans le projet de loi.

Au total, l'habilitation sollicitée par le Gouvernement devrait lui permettre de refondre intégralement la législation actuelle relative à l'hospitalisation d'office. Cette demande d'habilitation dépasse donc largement le cadre de la simplification du droit pour aborder des thèmes sensibles, touchant directement aux libertés publiques.

La deuxième interrogation porte sur des questions de procédure.

L'introduction d'un article d'habilitation dans le projet de loi ne pose pas en soi de problème quant au respect des règles constitutionnelles. Néanmoins, la démarche suivie par le Gouvernement n'est pas banale puisque le vote de cet article d'habilitation par l'Assemblée nationale n'a pas entraîné la suppression automatique des articles 18 à 24 du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance, examiné dans le même temps.

Selon les informations que nous avons recueillies, il serait envisagé de ne procéder à cette suppression qu'après l'adoption définitive du projet de loi. Cette procédure n'est pas satisfaisante, vous en conviendrez, monsieur le ministre, car elle est source de confusion dans la présentation des dispositions soumises au vote du Parlement.

La troisième interrogation est relative au calendrier retenu.

En vertu des dispositions du II de l'article 12, le Gouvernement disposera d'un délai de deux mois suivant la promulgation de la présente loi pour publier l'ordonnance réunissant les différents textes pris sur le fondement de l'habilitation demandée.

Ce calendrier fait peser une forte contrainte sur le Parlement, qui doit adopter ces dispositions avant la l'interruption des travaux parlementaires. Par ailleurs, même si des pourparlers sont engagés depuis le mois de juin 2006, ce délai paraît bien court pour permettre au Gouvernement de mener une large concertation avec les professionnels de santé et les associations d'usagers concernées par l'hospitalisation d'office.

Les mesures prises sur le fondement de l'habilitation pourraient donc être, en définitive, très proches des dispositions figurant actuellement dans le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance. Pour autant, le Sénat n'aura pas la garantie que le texte tel qu'il avait adopté en première lecture sera maintenu dans l'ordonnance, ce qui, pour nous, n'est pas très confortable.

Par ailleurs, même si l'ordonnance est bien prise dans un délai de deux mois et si le projet de ratification est effectivement déposé sur le bureau des assemblées, son adoption avant la fin de la législature paraît très difficile.

Toutes ces raisons nous ont conduits à nous interroger sur le bien-fondé de la démarche du Gouvernement.

Il me semble qu'il aurait été plus opportun d'examiner un projet de loi portant réforme de la loi de 1990 sur les soins psychiatriques. En effet, une telle réforme paraît nécessaire pour adapter la prise en charge de ces malades à de nouvelles demandes. Un débat spécifique, sur ce thème, devant le Parlement, aurait utilement contribué à cette nécessaire adaptation.

Cependant, le temps manque pour entamer l'examen d'un tel projet de loi avant la fin de législature. Aussi, malgré les réticences et les objections morales que suscite forcément le dispositif qui nous est proposé, la commission des affaires sociales a finalement émis un avis favorable sur celui-ci. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Alain Gournac. Très bien !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. « Finalement » !

M. Jean-Pierre Sueur. C'est le « finalement » et le « malgré » qui sont importants !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des lois s'est saisie pour avis de l'article 12, inséré dans le présent projet de loi à la suite de l'adoption par l'Assemblée nationale d'un amendement du Gouvernement. Cet article prévoit d'autoriser le Gouvernement à modifier par ordonnance les dispositions législatives relatives aux soins psychiatriques sans consentement.

En effet, non seulement ces mesures intéressent directement les libertés et la sécurité publiques, mais le champ de l'habilitation, même s'il est beaucoup plus large, recouvre également la question de l'hospitalisation d'office, traité par les articles 18 à 24 du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance. Ce projet de loi, sur lequel la commission des lois s'est prononcée au fond - je lui ai d'ailleurs présenté hier mon rapport -, est parallèlement soumis en deuxième lecture au Sénat.

Sur la méthode, Alain Milon nous a dit que la démarche suivie par le Gouvernement n'était pas banale.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ah non !

M. Jean-Pierre Sueur. C'est le moins que l'on puisse dire !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. Je la qualifierai moi-même d'originale.

De fait, nous considérons unanimement que la procédure n'est pas satisfaisante et qu'elle pourrait être source de confusion. Cependant, je vous invite, mes chers collègues, à accorder la priorité à l'essentiel, à privilégier le fond, c'est-à-dire le contenu de la réforme qui nous est proposée.

Sur le fond, les dispositions relatives à l'hospitalisation d'office n'ont pas suscité d'objection majeure dans la mesure où elles tendent à apporter des garanties complémentaires par rapport au droit actuel.

Permettez-moi de rappeler en quelques mots l'économie générale de la réforme.

Tout d'abord, la décision d'hospitalisation d'office serait prise par le maire, et non par le préfet comme aujourd'hui, consacrant ainsi largement la pratique actuelle puisque 65 % des hospitalisations d'office sont précédées, ainsi que la loi de 1990 le permet, de mesures provisoires du maire, en application du critère de danger imminent pour la sûreté des personnes. On sait que, en cette matière, l'urgence est souvent la règle.

Ensuite, le critère de notoriété publique sur lequel peut aujourd'hui se fonder une hospitalisation d'office, ce qui est peu respectueux des libertés publiques - c'est le moins que l'on puisse dire -, serait abandonné. L'hospitalisation d'office serait désormais décidée sur le fondement d'un certificat médical ou, exceptionnellement, en cas d'urgence, d'un avis médical, à la double condition que les soins soient nécessaires et que les troubles mentaux dont souffre l'intéressé compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte de façon grave à l'ordre public.

En outre, le texte instaure une période d'observation de soixante-douze heures entre la décision du maire et la confirmation de cette décision par le préfet. Cette période est nécessaire à la fois pour discerner de manière précise si la personne est victime ou non d'une maladie mentale, pour déterminer son éventuelle dangerosité et pour savoir si elle relève de l'hospitalisation d'office ou de l'hospitalisation à la demande d'un tiers.

Comme vous le savez, mes chers collègues, le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance avait suscité, sur ce problème, deux critiques importantes, que je ne partage d'ailleurs pas totalement.

La première critique portait sur le risque d'amalgame entre les notions de maladie mentale et de délinquance. Je pense qu'à aucun moment un tel amalgame n'a été dans l'esprit des rédacteurs du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance. Il s'est simplement agi de prendre acte du fait que des malades mentaux peuvent présenter une certaine forme de dangerosité et qu'il n'est pas anormal que la société cherche à s'en protéger.

Un second risque a été mis en avant : que la réforme de l'hospitalisation sous contrainte en cas de maladie mentale ne soit que partielle, dans la mesure où elle ne l'appréhendait qu'à travers le prisme de l'hospitalisation d'office, sans viser l'hospitalisation à la demande d'un tiers, laquelle ne pouvait en effet trouver sa place dans un projet de loi relatif à la prévention de la délinquance.

L'habilitation, telle qu'elle nous est demandée par cet article 12, permettra de répondre à ces deux objections et, peut-être, si tant est qu'ils existaient, de parer à ces deux risques.

Il reste un problème : le maintien des articles 18 à 24 du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance lors de son examen en deuxième lecture par le Sénat et l'Assemblée nationale.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. Je pense que le maintien de cette discussion permettra, sur l'hospitalisation d'office et uniquement sur elle, d'améliorer la qualité du contenu de la future ordonnance,...

M. Jean-Pierre Sueur. Dans ce cas, il ne faut pas légiférer par ordonnance, il faut faire une loi !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis.... car il me paraît aller de soi que, sur ce point, le pouvoir réglementaire, lorsqu'il élaborera l'ordonnance, respectera le texte tel qu'il résultera des deux lectures du Parlement.

Mes chers collègues, j'ai lu avec attention les comptes rendus des débats de l'Assemblée nationale en première lecture - le problème se posait alors exactement dans les mêmes termes - et j'ai constaté qu'ils avaient permis de faire avancer la réflexion et de procéder à d'utiles modifications. Pourquoi le Parlement se priverait-il de la possibilité d'apporter de telles modifications sur l'hospitalisation d'office ?

Sur l'hospitalisation à la demande d'un tiers, toute la place est laissée à la reprise de la concertation avec les anciens malades, leurs familles et les professionnels de santé. Je suis moins pessimiste sur la possibilité de mener cette concertation à son terme dans des délais très restreints dans la mesure où elle a été entamée il y a de nombreux mois déjà ; certes, elle avait été interrompue en raison des objections auxquelles j'ai fait allusion, mais elle a pu reprendre.

Dans ces conditions, monsieur le ministre, et dans ces conditions seulement, nous considérons que la seule façon que vous avez de tenir la promesse que vous-même votre collègue en charge de la santé, M. Xavier Bertrand, aviez faite devant la commission des lois et la commission des affaires sociales réunies - revoir globalement la loi de 1990 sous le double prisme de l'hospitalisation d'office et de l'hospitalisation à la demande d'un tiers et envisager de façon différente les modes de soins des personnes atteintes d'une maladie mentale - est d'avoir recours à la législation déléguée. Il est vrai que ce recours n'enthousiasme jamais les parlementaires.

M. Philippe Bas, ministre délégué. On le sait bien !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. Nous considérons que vous avez, pour y recourir, les raisons les plus valables qui soient. C'est pourquoi la commission des lois émet sur ce point un avis favorable. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur le banc des commissions.)

M. Philippe Bas, ministre délégué. Je vous en remercie !

M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire, 19 minutes ;

Groupe socialiste, 14 minutes ;

Groupe Union centriste-UDF, 8 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen, 7 minutes.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. François Autain.

M. François Autain. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, sur l'ultime texte dont nous aurons à débattre cette année, je suis partagé entre révolte et accablement. Rassurez-vous, monsieur le ministre, cette révolte sera « tranquille », comme la rupture évoquée ces temps-ci ! (Sourires.) Oxymore pour oxymore...

Je suis révolté de voir une fois encore le Gouvernement utiliser des procédés inacceptables qui, quelle qu'en soit la motivation, instrumentalisent la représentation nationale.

Je suis accablé face au caractère répétitif de ces pratiques, malgré les protestations auxquelles elles donnent lieu - on en a encore eu l'exemple ici même tout à l'heure -, dont le Gouvernement ne tient absolument aucun compte, témoignant ainsi du peu de considération dans lequel il tient le Parlement.

M. Philippe Bas, ministre délégué. Je ne peux pas vous laisser dire cela !

M. François Autain. Qu'on en juge, monsieur le ministre : au départ, on nous a soumis, sous couvert de simplifier le droit, un projet de loi d'habilitation fourre-tout. À l'arrivée, nous nous retrouvons avec un projet de loi extravagant, baroque, hybride, destiné tout à la fois à éviter une réflexion globale sur l'organisation des professions de santé, à désamorcer à moindre frais les oppositions sur la réforme de l'hospitalisation d'office prévue dans le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance en habilitant le Gouvernement à revoir la loi du 27 juin 1990 et, enfin, à contourner les censures du Conseil constitutionnel sur les dispositions de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 sur le secteur optionnel et sur le dossier médical personnel.

Cela fait beaucoup, vous en conviendrez, pour un projet de loi dont l'objet est, selon son intitulé, de « ratifier l'ordonnance du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégale de ces professions et modifiant le code de la santé publique ».

Cela n'avait sans doute pas échappé à notre rapporteur, lequel a déposé un amendement qui, peut-être, évitera à certains articles de ce texte d'être « retoqués » par le Conseil constitutionnel.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Maintenant, cela n'arrivera plus, c'est fini ! (Sourires.)

M. François Autain. Je ne suis pas persuadé que le Conseil constitutionnel ne trouve rien à redire quand le lien avec l'objet du texte en discussion est si ténu.

C'est d'ailleurs la première fois dans l'histoire, je tiens à le signaler, que le Gouvernement utilise une loi de ratification prise en application d'une loi d'habilitation pour s'habiliter à prendre une ordonnance ! C'est tout de même un exercice assez acrobatique, surtout quand les dispositions en cause continuent leur cheminement législatif dans un autre texte.

M. Jean-Pierre Sueur. C'est totalement aberrant !

M. François Autain. Je vous rappelle que, le 4 décembre dernier, l'hospitalisation sans consentement a été de nouveau soumise au vote des députés dans le cadre du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Nous attendons la fin !

M. François Autain. J'ajoute que notre assemblée sera amenée à examiner ce texte en deuxième lecture dans le courant du mois de janvier. Quel désordre, quelle confusion ! J'ai parlé d'extravagance tout à l'heure, mais le mot est encore trop faible.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est bien organisé !

M. François Autain. Déjà, dans sa version initiale, nous n'approuvions pas ce projet de loi : légiférer sur des pans entiers du droit par voie d'ordonnance,...

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ce n'est jamais très satisfaisant, c'est vrai !

M. Philippe Bas, ministre délégué. Mais la Constitution l'a prévu !

M. François Autain.... quand pas moins de cent quatorze articles du code de la santé publique sont concernés par le seul article 1er, est discutable en soi !

Un tel procédé, personne ne peut soutenir le contraire, est une dépossession des droits du Parlement : son intervention se résume généralement à un « oui » ou à un « non » lors du vote de la loi d'habilitation ; il ne pourra d'ailleurs pas modifier le texte de l'ordonnance et ne sera probablement pas appelé à se prononcer a posteriori depuis que le Conseil constitutionnel a admis la pratique de la « ratification implicite ».

En effet, entre 1984 et 2004, sur deux cent sept ordonnances prises sur le fondement de trente-huit lois d'habilitation, cent quarante-cinq seulement ont fait l'objet d'une ratification.

Certes, vouloir simplifier, harmoniser, rendre plus cohérente la législation en matière d'exercice professionnel des professions de santé est un objectif louable, si ce n'est un impératif. Encore faut-il savoir comment ! Vouloir harmoniser les sanctions pour usurpation de titre, c'est très bien ; développer les juridictions ordinales, c'est déjà plus discutable, surtout lorsque leur légitimité, comme s'est souvent le cas, est contestable ! Cela l'est encore plus lorsque la simplification consiste à faire reculer le principe de collégialité lors des conciliations entre plaignant et professionnel : n'a-t-on pas pu, en d'autres occasions, dénoncer la pratique du « juge unique » ?

Mais plus encore, le recours à la pratique des ordonnances aboutit à enfermer une réflexion qui aurait dû être beaucoup plus large et porter beaucoup plus loin.

Que devient la question de l'accès à un kinésithérapeute ou à un orthophoniste à l'heure où certaines régions sont frappées de désertification médicale ? Que dire de l'accès aux soins des plus démunis, alors que votre collègue M. Xavier Bertrand vient d'annoncer qu'il ne sanctionnerait pas financièrement les médecins qui refusent de soigner les bénéficiaires de la CMU ?

M. Jean-Pierre Sueur. Indulgence coupable !

M. François Autain. Qu'envisagez-vous concernant la réglementation de l'ostéopathie et de la chiropractie, dont l'encadrement laisse à désirer ?

N'était-ce pas cela qu'il aurait fallu traiter au titre de la réforme des professions de santé, dans le cadre d'une réelle discussion parlementaire qui, malheureusement, n'aura pas lieu ?

M. François Autain. Si les diététiciens trouvent ici, à juste titre, la reconnaissance nécessaire à l'exercice de leur profession, qui permettra de lutter contre la pratique sans qualification, en revanche, pour les assistants dentaires, on s'est contenté d'une assimilation a minima, limitée à la formation. N'aurait-on pas pu, là encore, pousser un peu plus loin la réflexion ?

Je ne peux évidemment passer sous silence le fameux article 12.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Non !

M. François Autain. Nous aurons l'occasion, au cours du débat, d'aborder le fond de ces mesures. Je me contenterai donc de vous poser deux questions, monsieur le ministre. Croyez-vous sincèrement que les conditions d'une réforme sereine de la loi du 27 juin 1990 sont aujourd'hui réunies ? Pensez-vous vraiment que continuer à traiter la maladie mentale à travers le prisme de la délinquance est le gage d'une réforme réussie, consensuelle et pourtant tellement nécessaire dans ce domaine ? Personnellement, je ne le pense pas.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Nous allons y revenir !

M. François Autain. C'est pourquoi, monsieur le ministre, mes collègues du groupe communiste républicain et citoyen et moi ne voterons pas votre texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.

M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est bien rare, voire rarissime, comme l'a souligné François Autain, de débattre d'un projet de loi de ratification d'ordonnance. Ce pourrait être un motif de satisfaction s'il n'y avait en fait là un artifice de procédure. Personne n'est dupe : le seul but de notre discussion d'aujourd'hui est d'offrir au Gouvernement une session de rattrapage !

Rattrapage après l'émoi légitime provoqué par le ministre de l'intérieur qui, en insérant sept articles relatifs aux hospitalisations d'office dans son projet de loi sur la délinquance, a de facto créé un dangereux amalgame entre délinquants et malades mentaux.

Rattrapage également après la censure par le Conseil constitutionnel d'une vingtaine de dispositions de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007. C'est, sur un tel texte, une censure sans précédent, qui condamne la politique du fait accompli sans cesse utilisée par le Gouvernement à l'égard du Parlement.

Sur les vingt articles censurés, plusieurs sont réintroduits dans ce texte par des amendements émanant du Gouvernement ou de la commission.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Heureusement !

M. Jean-Pierre Godefroy. Nous verrons ce qu'il faut en penser, monsieur le président !

Vous avez d'ores et déjà annoncé que les autres seront insérés dans d'autres textes que nous examinerons au début de l'année 2007.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Le dernier mot doit rester au peuple !

M. Jean-Pierre Godefroy. Cela viendra ! (Sourires.)

Le texte que nous étudions aujourd'hui porte donc bien mal son nom. Je n'ai pas besoin de vous suggérer d'en changer l'intitulé afin de vous épargner une nouvelle censure du Conseil constitutionnel puisque la commission y pourvoit déjà par un amendement providentiel.

M. François Autain. Sera-t-il suffisant ?

M. Jean-Pierre Godefroy. Bien évidemment, nous voterons contre, estimant que le fait d'avoir recours à cette pratique, qui tend à devenir hebdomadaire, est véritablement très désobligeant pour le Parlement !

M. Alain Milon, rapporteur. Il s'agit non de changer mais de compléter !

M. Jean-Pierre Godefroy. Je vous rappelle que l'artifice a déjà été utilisé la semaine dernière avec la loi pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. L'intelligence, c'est de s'adapter !

M. Jean-Pierre Godefroy. Sur le fond, le texte, qui comprenait initialement dix articles, en compte déjà dix-neuf après son passage à l'Assemblée nationale et risque fort d'évoluer lors de son passage au Sénat. Je reconnais bien volontiers qu'une majorité de ces dispositions concerne la ratification et ne pose pas véritablement de problème. Encore que...

L'ordonnance du 26 août 2005 vise principalement à harmoniser l'organisation et le fonctionnement des ordres de plusieurs professions de santé ainsi que les notions d'usurpation de titre et d'exercice illégal de ces professions. À l'occasion de l'examen de la proposition de loi portant création d'un ordre national des infirmiers, j'ai déjà eu l'occasion de dire ce que je pensais, en règle générale, des ordres et du corporatisme qui en découle souvent. Néanmoins, les dispositions prévues par l'ordonnance sont acceptables en tant qu'elles simplifient le droit.

Nous approuvons les dispositions relatives aux diététiciens, qui sont positives. En effet, elles participent de la mise en place d'une véritable politique de prévention en matière de nutrition et de lutte contre l'obésité, conformément aux objectifs définis par la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique.

Plus problématique est l'article, incomplet, introduit à l'initiative du député Richard Mallié relatif aux assistants dentaires. La reconnaissance de ces derniers en tant que professionnels de santé est certainement justifiée au regard de leur rôle auprès des patients et favorisera sûrement la professionnalisation de cette filière de formation, notamment au niveau européen.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il n'y a pas de place pour deux personnes dans la bouche du malade ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Godefroy. Néanmoins, cette seule reconnaissance est insuffisante si elle ne s'accompagne pas d'une définition du contenu de ce métier et de ses conditions d'exercice, seul moyen de garantir la sécurité du patient. Nous y reviendrons lors de l'examen des amendements.

Puisque ce texte est devenu une sorte de fourre-tout, vous me permettrez, monsieur le ministre, de vous interrogez sur d'autres professions de santé qui n'y figurent pas mais qui attendent, elles aussi, que le Gouvernement agisse.

Je parlerai d'abord des ostéopathes.

M. Jean-Pierre Godefroy. J'interroge très régulièrement M. Xavier Bertrand et vous-même, monsieur le ministre, pour savoir quand vous comptez enfin publier les décrets d'application de l'article 75 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé !

Je vous rappelle que cet article, qui avait fait l'objet d'un consensus tant au Sénat qu'à l'Assemblée nationale, avait pour objet de reconnaître l'ostéopathie comme une discipline de santé à part entière.

Après cinq années de tergiversations et une condamnation par le Conseil d'État, vous annoncez la publication de ces décrets pour la fin de l'année. Nous savons qu'ils sont en préparation et nous commençons à en connaître le détail.

Je pourrais enfin m'en réjouir si seulement le contenu de ces décrets respectait l'esprit de la loi, notamment en ce qui concerne l'usage du titre, la durée des études ou l'homologation des écoles de formation. Selon les informations qui me parviennent, le ministre de la santé semble avoir choisi la voie a minima, celle qui offre le moins de garanties, particulièrement en termes de durée de la formation, dans le but de ménager les syndicats de médecins et de kinésithérapeutes qui, depuis cinq ans, ont tout fait pour combattre la reconnaissance de l'ostéopathie exclusive et veulent le monopole de son exercice, alors même que leur formation en ostéopathie est parfois minimaliste.

Je ne veux absolument pas opposer les médecins, les kinésithérapeutes et les ostéopathes ; je veux seulement que l'on organise cette discipline de manière à garantir la sécurité des patients. Pouvez-vous nous éclairer sur le contenu des décrets que vous vous apprêtez à publier, monsieur le ministre ?

Je voudrais vous interroger de nouveau, puisque ma question est restée sans réponse, en l'absence de M. Xavier Bertrand, au moment de l'examen de la mission « Santé » du budget 2007, concernant les étudiants sages-femmes et infirmiers. Ceux-ci demandent l'« universitarisation » de leur diplôme, ce qui leur permettrait de s'insérer dans le système européen LMD et de s'ouvrir l'entrée dans d'autres filières, via notamment les équivalences, ainsi que dans la recherche. Un rapport vous a été remis en ce sens cet été. Quelles suites pensez-vous y donner ?

La principale disposition de ce texte, celle qui en fait pose un véritable problème, est celle qui habilite le Gouvernement à procéder par ordonnance à la réforme de la loi du 27 juin 1990 relative à l'hospitalisation sans consentement.

Avec cet article, nous sommes en plein imbroglio : politique, juridique et certainement constitutionnel.

Imbroglio politique, car il faut sauver la mise à M. le ministre de l'intérieur.

Imbroglio juridique, car personne ne semble savoir comment va se poursuivre la discussion du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance et à quel moment vont être finalement retirés les articles 18 à 24.

Imbroglio constitutionnel, enfin, car on peut légitimement s'interroger sur la régularité de l'introduction d'une nouvelle habilitation dans un texte de ratification d'ordonnance, portant qui plus est sur un sujet assez différent.

Au mois de septembre 2006, à l'occasion de la première lecture au Sénat du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance, nous avions réclamé la suppression des articles 18 à 24 pour deux raisons.

Incontestablement, l'introduction de ces articles dans un texte sur la délinquance fait l'amalgame entre délinquants et personnes souffrant de troubles mentaux ; la réaction unanime du corps médical - dont celle de l'ordre des médecins, ce qui n'est pas anodin -, des familles de malades et d'un grand nombre d'élus locaux en est l'illustration.

De plus, en ne réformant qu'une partie de la loi du 27 juin 1990, ces articles rompent l'équilibre du système d'hospitalisation sans consentement qui doit concilier santé, liberté et sécurité.

Nous vous avons donc demandé de retirer ces articles et de présenter au Parlement un projet de loi réformant globalement la loi du 27 juin 1990. Cela nous paraissait légitime et réaliste dans la mesure où les principales orientations d'une telle réforme font l'objet d'un large consensus.

Au lieu de cela, vous choisissez aujourd'hui de procéder par ordonnance en privant le Parlement de débat de fond ! Le rapporteur de la commission des affaires sociales a eu des mots assez durs en commission...

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Des mots fermes !

M. Jean-Pierre Godefroy.... pour dénoncer cette méthode, selon nous une méthode « à la hussarde ».

M. Philippe Bas, ministre délégué. Mais le rapporteur en a compris l'intérêt !

M. Jean-Pierre Godefroy. Nous comprenons, nous, qu'il ne peut pas faire autrement !

M. Philippe Bas, ministre délégué. Nous souhaitons la concertation !

M. Jean-Pierre Sueur. Manque de courage politique ! (M. Alain Gournac s'exclame.)

M. Jean-Pierre Godefroy. C'est d'autant plus inadmissible, monsieur le ministre, que personne ne sait comment vont s'articuler l'adoption de ce texte et celle du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance.

Pouvez-vous nous dire quand seront retirés les articles 18 à 24 ? Au moment de la deuxième lecture au Sénat du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance, après la commission mixte paritaire, au moment de la publication de l'ordonnance réformant la loi du 27 juin 1990 ? Le savez-vous vous-même, d'ailleurs ?

Au regard de la clarté, on peut dire que votre démarche n'est vraiment pas exemplaire...

M. François Autain. Ils improvisent !

M. Jean-Pierre Godefroy. Au lieu d'envisager une ordonnance, il vous était tout à fait possible de présenter sans délai un projet de loi, puisque, nous le savons, le texte est prêt. Oui, il est déjà rédigé ! C'est celui que vous avez présenté aux associations lorsque vous les avez rencontrées le 25 novembre dernier et sur lequel vous avez engagé une concertation.

M. Philippe Bas, ministre délégué. Ah, vous voyez !

M. Jean-Pierre Godefroy. Je le reconnais, la majorité des dispositions figurant dans ce document de travail respectent globalement les propositions qui ont été faites, notamment par l'inspection générale des affaires sociales.

M. Philippe Bas, ministre délégué. Merci !

M. Jean-Pierre Godefroy. Sur ce sujet, nos positions et nos préoccupations ne sont pas diamétralement opposées. Nous aurions donc pu avoir un débat constructif. Malheureusement, vous ne nous le permettez pas avec la procédure que vous enclenchez aujourd'hui.

M. Philippe Bas, ministre délégué. Je vous répondrai !

M. Jean-Pierre Godefroy. Je l'espère bien !

Le problème, c'est que, étant donné la manière dont ce Gouvernement a choisi de poser la question de la santé mentale, nous ne pouvons pas lui faire confiance. Incontestablement, sur cette question, les arbitrages interministériels actuels ne se font pas en faveur de la santé publique. En la matière, il est tout fait significatif que l'avis de la Haute autorité de santé ait été, jusqu'à présent, peu pris en compte ou non sollicité, par exemple, sur la constitution d'un fichier national des hospitalisations d'office.

Permettez-moi, monsieur le ministre, de vous faire dès maintenant quelques remarques et de vous poser quelques questions concernant le champ de l'habilitation demandée, puisque nous ne pourrons plus en débattre...

Je pense que, sur ce point, nous pourrons être d'accord : le coeur de la réforme de la loi du 27 juin 1990 doit être la substitution de la notion de soins à celle d'hospitalisation sans consentement. L'hospitalisation doit ainsi devenir une modalité des soins.

En effet, l'enfermement n'est plus aujourd'hui la seule solution thérapeutique. En la matière, la doctrine psychiatrique a largement évolué par rapport aux premiers aliénistes, qui pensaient que seule la mise à l'écart du milieu social et l'instauration d'un régime d'existence ordonné avaient des vertus thérapeutiques décisives.

Aujourd'hui, l'objectif des médecins est de « favoriser la guérison, la réadaptation et la réinsertion sociale » des personnes malades grâce au développement du milieu ouvert et des soins ambulatoires, qui permettent de traiter des personnes souffrant de troubles mentaux tout en les maintenant dans la cité.

Parce que l'objectif doit être de procurer au malade le soin le plus approprié à sa guérison, il est nécessaire de créer une période d'observation pendant laquelle le médecin peut étayer un diagnostic, engager une démarche thérapeutique, évaluer les réactions de son patient après le début du traitement ou une mesure de contention, avant de l'orienter vers la forme de prise en charge la plus pertinente. Mais cette période de soixante-douze heures ne doit pas être conçue, contrairement à ce que pense M. le ministre de l'intérieur, comme un temps durant lequel le malade est simplement mis à l'écart de la société afin de s'assurer qu'il ne commet aucune infraction ou aucun acte dangereux. J'y insiste, ces soixante-douze heures ne doivent pas être une période de rétention, mais une période d'observation et d'orientation.

En ce qui concerne le rôle du maire et les procédures de prescription de soins sans consentement, nos divergences sont plus profondes. Nous ne sommes pas favorables à ce que les pouvoirs des maires en matière de déclenchement des hospitalisations d'office, qui sont aujourd'hui temporaires et justifiées par la seule urgence, deviennent systématiques.

Quant au certificat médical, nous ne pouvons pas accepter qu'il ne soit plus obligatoirement circonstancié et que disparaissent les précisions sur son auteur. S'agissant des cas faisant l'objet d'un simple avis médical, l'ordre des médecins lui-même n'y est pas favorable, d'autant que ce qui relèvera désormais de l'urgence n'est aucunement spécifié. Bien évidemment, le critère de la « notoriété publique » n'est plus pertinent. Par contre, je ne comprends pas pourquoi la définition actuelle de l'urgence faisant référence à un « danger imminent pour la sûreté des personnes » devrait disparaître.

Nous n'acceptons pas non plus la création d'un fichier national qui garderait, pendant cinq années, la trace des mesures de soins sans consentement ainsi que des hospitalisations d'office. Je crois sincèrement que cette mesure est dangereuse pour les libertés publiques. En effet, pourront s'y retrouver fichées des personnes qui, en raison d'un accident de la vie, ont eu recours à des soins psychiatriques sans qu'à un quelconque moment elles aient vraiment constitué un danger pour la société.

Notre société a son lot de dérives sociales, familiales ou professionnelles. Vous le savez comme moi, monsieur le ministre, selon les chiffres de l'OMS, environ 30 % des Français connaissent ou ont connu des troubles psychiques, 37 % d'entre eux ont déjà pris des médicaments psychotropes, et les troubles psychiques sont la deuxième cause des arrêts de travail.

Reconnaissez-le, ficher toutes ces personnes ne contribuera certainement pas à dédramatiser ce genre de maladie et à dédiaboliser les malades. D'ailleurs, on peut s'étonner de la création d'un tel fichier quand on lit le rapport remis récemment à M. le ministre de l'intérieur sur les dysfonctionnements des fichiers de police et de gendarmerie.

Il est également prévu par ce texte que l'ordonnance règle la situation des détenus souffrant de troubles psychiatriques. C'est un sujet que nous n'avions pas abordé jusqu'à maintenant et qui mériterait aussi un véritable débat parlementaire.

Le droit à la santé fait partie des droits fondamentaux de la personne, qui, pour l'heure, ne sont pas assez respectés dans les prisons françaises. La réalité de nos prisons, c'est que le nombre de personnes incarcérées souffrant de graves troubles psychiatriques a considérablement augmenté et atteint aujourd'hui un niveau préoccupant. À cet égard, mon collègue Robert Badinter rappelle à juste raison qu'un détenu demeure un citoyen.

Pourtant, comme le reconnaît le manifeste des états généraux de la condition pénitentiaire, « la mise en place d'établissements pénitentiaires spécialisés divise la communauté des psychiatres » et « la question de la présence en prison de personnes souffrant de graves troubles psychiatriques nécessite qu'une réflexion approfondie sur les causes de cette situation et les moyens d'y remédier soit menée » ; il en fait ainsi un objectif de la prochaine législature.

Monsieur le ministre, êtes-vous sûr que ce problème puisse être réglé par une ordonnance publiée dans les deux mois ?

Je crois sincèrement qu'il aurait fallu une vraie loi, une grande loi et que nous ayons le temps d'en débattre. Je peux vous assurer que, sur un grand nombre de points, nous aurions trouvé un consensus. En l'occurrence, vous nous obligez à refuser une habilitation par ordonnance tout en organisant un faux débat au Parlement, faux puisque ce débat ne servira qu'à éclairer le Gouvernement en vue de la rédaction de l'ordonnance. Le Parlement est sans doute là pour éclairer, mais aussi pour légiférer ! Nous aurions donc pu valablement légiférer sur un véritable texte réformant la loi de 1990.

L'ordonnance n'est pas la bonne solution pour traiter de tels problèmes. Il faudrait que vous déposiez un projet de loi et que vous organisiez un vrai débat devant le Parlement. Puisque vous ne voulez pas le faire, vous l'aurez compris, le groupe socialiste du Sénat votera contre ce texte et, surtout, contre cette habilitation de pur confort pour le Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à lire l'intitulé du projet de loi, ce texte ne viserait qu'à ratifier l'ordonnance n° 2005-1040 aménageant le cadre juridique de l'exercice des professions de santé.

Quoi de plus légitime que les mesures portées par cette ordonnance ? Quoi de plus louable que de vouloir simplifier et clarifier l'encadrement des professions réglementées par le code de la santé publique ? D'ailleurs, par la loi du 9 décembre 2004 de simplification du droit, nous avions habilité le Gouvernement à prendre diverses mesures dans le domaine sanitaire par ordonnance. C'est pourquoi nous ne pouvons aujourd'hui que souscrire aux dispositions de l'ordonnance n°2005-1040, parfois complétées par le présent projet de loi.

En particulier, nous sommes favorables à la simplification de l'organisation des ordres des professions de santé ainsi qu'à l'harmonisation des dispositions répressives applicables aux infractions d'usurpation de titres et d'exercice illégal de ces professions.

Nous ne pouvons également que louer les mesures allégeant les démarches administratives que doivent accomplir les professionnels de santé. L'une de ces dispositions nous tient spécifiquement à coeur, car elle permettra de lutter contre les déserts médicaux : il s'agit de la mesure simplifiant les procédures de remplacement des professionnels de santé.

Enfin, nous saluons vivement la reconnaissance de la profession de diététicien. À plusieurs reprises, le groupe UDF avait demandé que soit conféré aux diététiciens le statut de professionnels de santé à part entière. Avec cette ordonnance, c'est chose faite. Sur ce point, nous avons donc été entendus.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très bien !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Passé le premier mouvement d'approbation, suit le temps de l'interrogation. Pourquoi nous soumettre ce projet de loi de ratification ?

C'est bien la première fois au cours de cette législature que le Parlement ratifie une ordonnance.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Pourquoi cette ordonnance ? Et pourquoi le faire maintenant, alors que cette ordonnance a près d'un an et demi et que sa ratification est prévue dans les trois mois suivant sa promulgation ?

La réponse à ces questions est simple : le présent projet de loi n'a pas pour objet principal de ratifier l'ordonnance n° 2005-1040, mais de permettre au Gouvernement de légiférer par ordonnance sur l'hospitalisation psychiatrique d'office. Ainsi l'intitulé du projet de loi est-il trompeur. Mais les faux-semblants de votre démarche, monsieur le ministre, ne résistent pas longtemps à l'analyse.

C'est par amendement gouvernemental qu'a été introduite dans le texte la possibilité pour l'exécutif de légiférer par voie d'ordonnance sur l'hospitalisation psychiatrique d'office.

Le procédé est déjà en soi formellement contestable. Cet amendement n'est rien d'autre qu'un « cavalier ». D'une part, il n'entre pas dans le cadre de la ratification d'une ordonnance, instituant au contraire une nouvelle habilitation. D'autre part, il n'a rien à voir avec l'organisation des professions de santé. Visiblement, la décision du Conseil constitutionnel sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale n'a pas échaudé le Gouvernement...

Sur le fond, l'article 12 du projet de loi nous paraît difficilement admissible. Que nous demandez-vous ? L'autorisation de légiférer par ordonnance sur l'internement psychiatrique d'office. Or y a-t-il une décision plus attentatoire aux libertés et aux droits fondamentaux que l'internement d'office d'un citoyen ?

Vous demandez donc au Parlement de se dessaisir de ce qui est sa raison d'être première : le Parlement est le gardien des droits et des libertés !

Mais après tout, cela ne devrait pas nous surprendre : au cours de cette législature, le Gouvernement a allègrement foulé aux pieds les prérogatives de la représentation nationale. En matière de dessaisissement du Parlement, nous avons tout vu : urgence systématiquement déclarée, demande de conformité, secondes délibérations quand, par hasard, un amendement était adopté contre l'avis de l'exécutif, abus de l'usage du 49-3,...

Mme Catherine Procaccia. Pas ici, en tout cas !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe.... amendements de dernière seconde, comme celui que vous avez déposé sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, portant création du « bouclier social » et que le Conseil constitutionnel vient d'ailleurs de censurer, ou encore comme ceux que vous avez déposés hier seulement sur ce texte concernant le secteur optionnel et le dossier médical personnel.

M. Alain Milon, rapporteur. On peut en discuter !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Certes, monsieur le rapporteur, mais il s'agit quand même d'un « cavalier » supplémentaire.

L'article 38 de la Constitution, le Gouvernement en a abusé : il a ainsi créé le contrat « nouvelles embauches », il a modifié, par l'ordonnance de 2004 de simplification du droit, le droit des associations - considéré comme l'un des droits les plus fondamentaux dans notre pays -, et maintenant il veut réformer le droit de l'internement psychiatrique d'office.

Qu'est-ce qui le justifie ? Deux arguments sont invoqués. Aucun des deux ne nous semble valable, comme l'a parfaitement démontré notre excellent rapporteur, Alain Milon.

Premier argument : la démarche du Gouvernement aurait le mérite d'éviter tout amalgame entre délinquance et hospitalisation d'office. Effectivement, c'est fondamental ! En incluant dans le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance un volet consacré à l'hospitalisation psychiatrique, le risque était grand de faire un tel amalgame. Comme nous l'avions demandé avec la commission des affaires sociales, la question de l'hospitalisation d'office devait être retirée de ce dernier texte.

C'est ce que l'on entend faire, paraît-il, par le présent projet de loi. Je dis bien « paraît-il », car la méthode proposée, ainsi que l'a noté le rapporteur, manque de clarté. Et c'est un euphémisme ! L'adoption de l'article 12 n'entraînera pas la suppression symétrique des articles 18 à 24 du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance, que nous examinerons prochainement en deuxième lecture. Ces articles coexisteront donc avec l'article 12.

Mais il y a plus abracadabrantesque encore : les articles consacrés à l'hospitalisation d'office dans le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance ne seraient supprimés qu'en commission mixte paritaire. Autrement dit, nous serons conduits à les voter en deuxième lecture tout en sachant qu'ils seront supprimés dans la foulée.

M. Jean-Pierre Sueur. C'est absurde !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Pour qui nous prend-on ?

M. Jean-Pierre Sueur. Très bonne question !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Par ailleurs, la dissociation matérielle du traitement de la délinquance et de l'hospitalisation d'office ne justifie en rien qu'on légifère sur cette dernière question par ordonnance.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Et l'ordonnance se justifie d'autant moins que le périmètre de l'habilitation demandée par le Gouvernement dans le cadre du présent projet de loi va au-delà des dispositions contenues dans le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance : il englobe l'hospitalisation psychiatrique des personnes détenues ou l'accès aux soins des personnes souffrant de troubles mentaux. C'est dire que cette habilitation vise la refonte globale de la loi du 27 juin 1990, et non son aménagement sur des points particuliers.

Second argument invoqué pour justifier l'article 12 : celui-ci permettrait au Gouvernement de reprendre la concertation avec les associations et professionnels de santé sur la réforme de la loi du 27 juin 1990 relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux et à leurs conditions d'hospitalisation. Ces associations et professionnels avaient refusé de poursuivre la concertation engagée en juin du fait de l'incorporation de cette question dans le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance.

Une fois de plus, de qui se moque-t-on ? Le calendrier retenu dans l'article 12 rend totalement utopique la poursuite d'une concertation digne de ce nom : deux mois pour rencontrer les associations et les professionnels concernés et pour aboutir à un consensus, c'est absurde !

En conséquence, l'article 12 du projet de loi ne nous paraît en rien justifié.

Est-ce à dire qu'il ne faut rien faire en matière d'hospitalisation psychiatrique d'office ? Certainement pas ! Nous sommes bien conscients des problèmes posés par cette question, question plus que délicate puisqu'il s'agit de concilier respect des libertés individuelles et protection de l'ordre public.

Tous les rapports d'évaluation du système français relèvent les mêmes dysfonctionnements. L'un, en particulier, nous semble très alarmant : il s'agit de la faiblesse du dispositif en matière de sûreté des personnes, une faiblesse que j'ai d'ailleurs pu personnellement expérimenter ! En effet, un citoyen d'Arras s'est un jour mis en tête de tuer un adjoint au maire, puis le maire lui-même. Hélas pour moi, le maire, c'est moi... (Sourires.) Or, malgré la dangerosité de l'individu, le psychiatre l'a relâché. On a donc dû m'assigner un garde du corps jusqu'à ce que l'individu soit retrouvé. Pourtant, dans ce genre de situation, le risque de passage à l'acte était réel.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Bien sûr !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. C'est pourquoi nous sommes favorables au renforcement des contrôles aux différentes étapes de l'hospitalisation d'office, en particulier à un encadrement plus strict des sorties d'essai dont peuvent bénéficier les patients.

Il faut donc légiférer, c'est vrai ; mais c'est au Parlement de le faire ! Je ne sais pas ce que les ordonnances apporteront de positif, mais je sais ce dont elles nous privent : du débat parlementaire.

Vous l'aurez compris, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes très opposés à l'article 12 relatif à l'hospitalisation d'office. Or il constitue la raison d'être véritable du projet de loi. Nous voterons en conséquence. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. - M. le président de la commission des affaires sociales applaudit également.))

M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia.

Mme Catherine Procaccia. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi s'inscrit dans le processus de simplification du droit social entamé par le Gouvernement, processus auquel nous adhérons pleinement. Le droit social est en effet beaucoup trop complexe et tend à noyer acteurs du secteur et usagers sous trop de bureaucratie, ce qui, nous en sommes tous conscients, est préjudiciable aux objectifs poursuivis.

Ce texte tend donc à harmoniser les dispositions juridiques applicables aux institutions ordinales de différentes professions de santé - médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes, masseurs-kinésithérapeutes et pédicures-podologues - et à préciser les conditions d'exercice de la profession de diététicien.

L'article 12, qu'ont déjà évoqué les orateurs qui m'ont précédée, aborde un sujet très différent puisqu'il prévoit d'autoriser le Gouvernement à légiférer par voie d'ordonnance afin de réformer la loi du 27 juin 1990 relative aux droits et à la protection des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux et à leurs conditions d'hospitalisation. Comme l'a exposé notre rapporteur, il s'agit de procéder à la révision de cette loi dans un autre contexte que celui dans lequel elle s'inscrit actuellement, à savoir le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance. En effet, une certaine confusion peut naître de l'examen concomitant de mesures de lutte contre la délinquance et de ces dispositions relatives à l'hospitalisation sous contrainte.

Quoi qu'il en soit, l'objet principal de ce texte consiste dans la ratification de l'ordonnance tendant à harmoniser les règles et procédures applicables au sein de chaque instance ordinale. Elle harmonise également les dispositions répressives applicables aux infractions de titres et d'exercice illégal des professions réglementées par le code de la santé publique. Ainsi, toutes les professions concernées bénéficieront d'une protection comparable.

Les pouvoirs publics ont retenu deux seuils de peine, en considération du risque sanitaire. Le premier seuil est fixé à deux ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende pour les professions de médecin, chirurgien-dentiste, sage-femme, pharmacien, infirmier, masseur-kinésithérapeute et directeur ou directeur adjoint de laboratoire d'analyses de biologie médicale. Un second seuil, fixé à un an d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende, est retenu pour les autres professions : conseiller en génétique, préparateur en pharmacie, ergothérapeute et psychomotricien, orthophoniste et orthoptiste, manipulateur d'électroradiologie médicale, audioprothésiste, opticien-lunetier, prothésiste et orthésiste pour l'appareillage des personnes handicapées.

Outre la ratification de l'ordonnance, ce texte procède dans son article 7 à l'indispensable encadrement de la profession de diététicien. L'obésité, tout le monde le sait et le répète, est un véritable fléau qui concerne aujourd'hui un enfant sur six, contre un enfant sur vingt en 1980. Nous savons aussi l'importance de l'alimentation dans la prévention de maladies graves comme le cancer, les maladies cardio-vasculaires ou encore les troubles du métabolisme.

Il était donc indispensable de définir avec précision les conditions d'exercice de la profession de diététicien, afin de protéger les patients. Le flou qui encadrait la profession a profité à un certain nombre de charlatans, peu ou pas formés, qui donnaient en matière de nutrition des conseils contestables. Or, par exemple, en cas de troubles du métabolisme, le suivi d'un régime alimentaire est indispensable à la survie du patient ; si les conseils prodigués ne sont pas adaptés, le patient peut courir un risque réel pour sa santé, voire pour sa vie.

En dehors de cela, dans une société comme la nôtre, où règne une certaine culture de la minceur - que nous sommes un certain nombre à dénoncer -, il est indispensable que les personnes souhaitant être conseillées puissent s'adresser en toute sécurité à un diététicien aux compétences reconnues.

Le projet de loi permet aussi de fixer les sanctions pénales applicables en cas d'exercice illégal ; elles sont identiques aux peines prononcées pour les auxiliaires médicaux, soit un an d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende.

Le troisième objet de l'ordonnance est d'alléger les démarches administratives que doivent accomplir les professionnels de santé. Ces mesures de simplification répondent aux attentes exprimées par les professionnels, qui dénoncent régulièrement le caractère inutilement contraignant de certaines procédures.

Je me félicite notamment que, désormais, pour tout remplacement d'un médecin, d'un chirurgien-dentiste ou d'une sage-femme, l'accord du préfet ne soit plus nécessaire et que cette compétence échoie aux conseils départementaux des ordres concernés. Dans le contexte actuel de démographie médicale, tout assouplissement des mesures de remplacement est le bienvenu !

S'agissant de l'hospitalisation sans consentement, je crois qu'il était important que d'en revenir aux principes qui doivent nous guider sur cette question : le respect de la dignité et de la liberté individuelle des personnes internées et le maintien de la sécurité publique.

Le système actuel, qui date de la loi du 27 juin 1990, est peu satisfaisant, car il n'a pas su trouver l'équilibre entre ces deux logiques. Des disparités ont en outre été constatées entre les départements.

Ainsi, des personnes dangereuses ont été trop souvent prises en charge sous les régimes de l'hospitalisation libre ou à la demande d'un tiers, régimes moins contraignants pour les acteurs de terrain, sur le plan administratif, que celui de l'hospitalisation d'office.

Par ailleurs, le préfet ne dispose pas toujours des informations nécessaires à la prise des décisions qui lui reviennent.

De plus, les garanties reconnues aux personnes atteintes de troubles mentaux ont une effectivité très relative, car les magistrats chargés par la loi d'opérer des contrôles des conditions d'hospitalisation paraissent insuffisamment impliqués.

Une mission conjointe de l'inspection générale des affaires sociales et de l'inspection générale des services judiciaires a formulé un certain nombre de propositions constructives. Au cours de la navette parlementaire sur le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance, un texte d'équilibre a pu être trouvé.

Toutefois, le secteur médical, notamment les psychiatres, et les représentants des associations se sont braqués sur le texte choisi pour insérer cette nécessaire révision.

M. Jean-Pierre Sueur. Ils ne se sont pas braqués : ils se sont exprimés !

Mme Catherine Procaccia. Ils se sont très fortement exprimés, alors !

M. Jean-Pierre Sueur. Avec raison !

Mme Catherine Procaccia. Il serait pourtant vraiment regrettable de faire échouer une réforme pour des raisons formelles ! Le ministre qui l'avait présentée l'avait bien expliqué : l'important était que les éléments puissent en être votés avant la fin de la législature parce qu'ils étaient demandés par les professionnels.

M. Jean-Pierre Sueur. C'est surtout que la campagne électorale arrive !

Mme Catherine Procaccia. C'est pourquoi le Gouvernement a opté pour la suppression des articles 18 à 24 du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance et propose que nous adoptions une habilitation à réformer la loi de 1990 par voie d'ordonnance dans les deux mois suivant l'adoption définitive du présent texte.

M. Jean-Pierre Sueur. C'est au Parlement qu'il revient de faire la loi et donc de la voter !

Mme Catherine Procaccia. J'ai bien dit que le Gouvernement « propose » !

Ce choix nous satisfait, car il est efficace et devrait améliorer les dispositifs actuels sur trois points. D'abord, il simplifiera les procédures d'admission, de contrôle et de vérification, afin d'éviter tout abus. Ensuite, il permettra de mettre en place une meilleure information des maires lors des levées de soins : sans que le secret médical puisse être remis en cause, le maire qui s'est vu dans la pénible obligation de demander l'hospitalisation sans consentement est en droit de connaître la date de sortie du malade. Enfin, il évitera les récidives et les troubles à l'ordre public tout en favorisant la protection du malade ainsi que celle de la société, notamment des proches et du personnel soignant.

En tout état de cause, je pense que nous sommes tous d'accord, nous ne pouvions conserver ces articles dans un projet de loi que les acteurs du secteur rejetaient pour des raisons liées au véhicule législatif choisi.

Par ailleurs, ce texte demande une certaine réactivité au Gouvernement, puisque les délais sont courts, et au Parlement, car il lui faudra supprimer au cours de la navette les articles concernés du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance. Il permet surtout d'avancer sur un sujet grave, alors que la situation semblait bloquée.

Il est cependant à noter que le périmètre de l'habilitation demandée par le Gouvernement dans le présent projet de loi va au-delà des dispositions contenues dans le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance puisqu'elle vise la refonte globale de la loi du 27 juin 1990, notamment en ce qui concerne l'hospitalisation psychiatrique des personnes détenues et de l'accès aux soins des personnes souffrant de troubles mentaux.

Par ailleurs, les députés ont souhaité insérer dans le projet de loi un article 11 qui prévoit d'intégrer cette profession au code de la santé publique et en conséquence duquel l'État et les conseils régionaux deviendraient compétents pour déterminer les conditions d'accès aux formations à cette profession et la création des filières correspondantes. Les députés ont ainsi voulu tenir compte de l'évolution des tâches confiées aux assistants dentaires, tâches qui dépassent le cadre administratif et requièrent des compétences et des acquis.

M. le rapporteur a exprimé ses réticences à l'égard d'un tel article, qui n'autorise qu'une reconnaissance a minima du statut des assistants dentaires, limitée aux questions de formation. Il ne permet pas, en l'état, de définir la profession ni ses conditions d'exercice. Un précédent, celui de la profession de diététicien, montre les limites d'une telle disposition : intégrée dans le code de la santé publique voilà vingt ans environ sous l'angle unique de la formation, elle ne se voit pleinement reconnue que dans le présent projet de loi.

Il me semble donc impossible, sinon inutile, d'adopter l'article en l'état si les missions et les conditions d'exercice de la profession ne sont pas définies. Or celles-ci ne peuvent être élaborées qu'en concertation avec la profession elle-même. J'approuve donc l'amendement de suppression de cet article qu'a déposé la commission ; je défendrai d'ailleurs un amendement identique.

Enfin, le Gouvernement a déposé des amendements tendant à réintroduire deux mesures que le Parlement avait approuvées mais que le Conseil constitutionnel a censurées en considérant qu'elles auraient dû être proposées en priorité à l'Assemblée nationale.

Il s'agit d'abord de la création d'un secteur optionnel ouvert aux médecins disposant des titres requis pour accéder au secteur 2 et permettant une pratique de dépassements encadrés.

Le second amendement concerne les adaptations nécessaires à la mise en oeuvre du dossier médical personnel, pour une meilleure utilisation par les patients et tous les acteurs impliqués dans la gestion opérationnelle.

Bien entendu, le groupe UMP approuve pleinement la réintégration de ces deux mesures nécessaires.

Pour toutes ces raisons, nous apporterons un soutien massif à ce projet de loi...

M. Jean-Pierre Sueur. « Massif », c'est trop dire ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme Catherine Procaccia. Nous avons eu un débat au sein du groupe, mon cher collègue !

... y compris en ce qui concerne l'élaboration de la réforme de l'hospitalisation d'office dans des établissements de soins psychiatriques. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur le banc des commissions.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Philippe Bas, ministre délégué. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux d'abord dire, notamment à Mme Procaccia, qu'il est très important à nos yeux d'avoir inclus dans ce texte des dispositions qui vont améliorer la reconnaissance de la profession de diététicien. Nos concitoyens auront ainsi la garantie qu'ils s'adressent à de vrais professionnels. C'est essentiel au regard de la lutte contre l'obésité, qui devient un grand fléau sanitaire dans notre pays.

Dans le cadre du programme national nutrition-santé, la reconnaissance de cette profession occupe une place essentielle et le rôle de ces professionnels va être pleinement consacré par les dispositions de ce projet de loi qui leur sont consacrées.

Monsieur le rapporteur, vous avez évoqué la délicate question de l'hospitalisation psychiatrique. Je répondrai sur ce point à vos interrogations ainsi qu'à celles qui ont été exprimées successivement par M. le rapporteur pour avis comme, d'ailleurs, par tous ceux qui se sont exprimés à cette tribune.

Quelle est, à cet égard, la situation actuelle ?

Je veux rappeler que la loi de 1990 n'a fait que dépoussiérer une législation beaucoup plus ancienne, puisqu'elle remonte à 1838.

M. Jean-Pierre Sueur. En 1838, c'était une loi !

M. Philippe Bas, ministre délégué. Ne faut-il pas aujourd'hui procéder à une réévaluation en profondeur de cette législation ancienne, alors que l'efficacité thérapeutique dans le domaine de la psychiatrie ne cesse, et c'est heureux, de progresser ?

M. Jean-Pierre Sueur. Raison de plus pour faire une grande loi, pas une petite ordonnance !

M. Philippe Bas, ministre délégué. Quand on s'intéresse à l'hospitalisation sous contrainte, c'est-à-dire l'hospitalisation d'office et l'hospitalisation à la demande d'un tiers, on ne s'intéresse qu'à une faible partie du champ de l'hospitalisation psychiatrique, puisque ces hospitalisations ne représentent qu'un peu plus de 10 % de l'ensemble des hospitalisations en psychiatrie.

L'approche du Gouvernement, que je veux exposer ici avec force, distingue les aspects sanitaires, les aspects de citoyenneté - avec le respect dû à tout malade quelle que soit l'affection dont il souffre -, des aspects liés à la protection de la société contre la délinquance. Ceux-ci doivent naturellement être aussi pris en compte, mais le premier impératif pour chacun d'entre est de faire en sorte que ceux de nos compatriotes qui sont aujourd'hui en état de souffrance puissent être soignés et guérir.

Nous n'assimilons pas - je récuse le procès d'intention qui nous est fait par certains - le malade psychiatrique à un délinquant en puissance. Il est avant tout pour nous l'un de nos concitoyens qui doit être soigné comme pour n'importe quelle forme d'affection et avec la recherche de l'efficacité maximale.

Les hospitalisations d'office ont concerné 11 000 personnes en 2003 et les hospitalisations à la demande d'un tiers 65 000 personnes. Il faut, bien sûr, prendre en compte ces cas particuliers, et nous souhaitons avant tout augmenter les garanties dont bénéficient ces malades, qu'ils soient hospitalisés à la suite d'une décision prise en urgence par le maire, d'une décision prise par le préfet ou hospitalisés à la demande d'un tiers, le plus souvent un membre de la famille.

À cet égard, l'intention du Gouvernement est bien de renforcer le rôle des commissions départementales des hospitalisations psychiatriques, qui doivent être informées de toutes les décisions d'hospitalisation sous contrainte et qui doivent visiter chacun des sites dans lesquels des patients sont hospitalisés par cette voie..

M. Godefroy a rappelé les difficultés posées par les détenus atteints d'affection psychiatrique, qui sont nombreux, soit qu'ils aient été conduits au crime ou au délit par une affection psychiatrique qui s'est aggravée, soit que la détention elle-même ait provoqué ou aggravé des problèmes psychiatriques. Le Comité national consultatif d'éthique pour les sciences de la vie a également évoqué cette question de manière très détaillée.

À l'heure actuelle, la prise en compte de ces maladies psychiatriques à l'intérieur de nos prisons ne se fait pas dans des conditions dignes d'un grand pays moderne comme le nôtre. Nous devons, à l'évidence, progresser dans ce domaine.

C'est pourquoi le Gouvernement proposera la création d'unités d'hospitalisation spécialement aménagées qui seront, en réalité, des structures pénitentiaires à l'intérieur des unités d'hospitalisation psychiatrique, de sorte que les malades psychiatriques détenus dans les prisons françaises aient droit, comme n'importe quel Français, à des soins de qualité pour faire face à leur maladie, car la peine qui est prononcée à leur égard est une peine d'enfermement : cela ne doit en aucun cas les priver du droit à être soignés dans des conditions satisfaisantes quand ils sont malades.

La plus élémentaire humanité, le plus élémentaire respect de la personne humaine, quelles que soient les conditions dans lesquelles la vie a placé une personne, nous impose de prendre en compte dans des conditions satisfaisantes, comme on doit le faire dans un grand pays civilisé, l'ensemble de ces malades. Et c'est ce que nous voulons faire à l'égard des détenus atteints de maladie psychiatrique.

Enfin, je souligne que les dispositions du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance ont d'ores et déjà été adoptées par le Sénat, puis par l'Assemblée nationale.

Ce n'est pas parce que des dispositions ont figuré dans ce texte qu'elles sont exclusivement, voire principalement inspirées par un souci de sécurité publique, souci au demeurant bien légitime.

Elles comportent déjà des garanties nouvelles pour les malades. Par exemple, aujourd'hui, le certificat médical exigé pour une hospitalisation sous contrainte est un certificat à vingt-quatre heures. Un second est prévu quinze jours après et, dans l'intervalle, aucune visite de médecin n'est prévue pour décider de maintenir ou de cesser l'hospitalisation. Nous créons le certificat à soixante-douze heures, qui fait partie des articles que l'Assemblée nationale, après le Sénat, a déjà adoptés.

D'autres dispositions sont tout à fait favorables aux malades, notamment celles qui établissent une distinction plus nette entre l'hospitalisation d'office et l'hospitalisation à la demande d'un tiers.

Ces dispositions sont importantes parce que l'hospitalisation d'office ne permet de sortir qu'avec une décision préfectorale tandis que l'hospitalisation à la demande d'un tiers peut permettre de sortir dans des conditions plus souples. Il est donc important de bien faire la distinction entre les deux pour qu'il n'y ait pas de dérive.

Il me paraît essentiel, à la suite du débat qui a été amorcé dans le cadre de la discussion parlementaire, d'affirmer clairement la distinction entre, d'une part, ce qui relèvera d'un souci de protection de nos compatriotes contre l'insécurité pouvant naître du comportement d'un malade psychiatrique et, d'autre part, l'approche thérapeutique que nous voulons développer. La raison d'être de l'article 12 est précisément de faire prévaloir, dans l'hospitalisation sous contrainte cette dimension thérapeutique,...

M. Philippe Bas, ministre délégué.... avec toutes les garanties que cela implique, et de la renforcer par un certain nombre de dispositions qui figureront dans l'ordonnance.

M. Jean-Pierre Sueur. Mais pourquoi une ordonnance plutôt qu'une loi ? Dites-le nous !

M. Philippe Bas, ministre délégué. Puisque vous voulez un débat, je vous propose d'entrer dans le détail des mesures qui font déjà aujourd'hui l'objet d'intenses concertations.

M. Jean-Pierre Sueur. Pourquoi ne présentez-vous pas un projet de loi spécifique ?

M. Philippe Bas, ministre délégué. Premièrement, la définition de ce qu'est un tiers.

Aujourd'hui, si une personne sans domicile fixe, qui est isolée parce qu'elle n'a pas de famille, a des problèmes psychiatriques qui exigent des soins hospitaliers, il n'y a d'autre choix que de l'hospitaliser avec une mesure hospitalisation d'office prise sur l'initiative du préfet, avec toutes les contraintes que cela implique en ce qui concerne la sortie de l'hospitalisation.

Eh bien, par exemple, nous définirons mieux qui peut être un tiers, de sorte que cette personne sans domicile fixe puisse être en quelque sorte représentée par un tiers désigné pour éviter que son placement ne puisse se faire que par une mesure d'hospitalisation d'office qui n'est pas censée concerner ce type de placement.

Nous augmenterons ainsi la garantie offerte aux personnes.

Par ailleurs, nous mettons en place une obligation de soins ambulatoires. Cette mesure est très importante parce qu'elle permet de ne pas prolonger indéfiniment l'hospitalisation d'office ou l'hospitalisation à la demande d'un tiers, tout en imposant au patient de maintenir un contact très régulier avec l'hôpital psychiatrique qui le traite. Elle permet également la sortie de ce patient et sa réadaptation plus rapide à une vie à l'intérieur de la ville ou sur les lieux où il habite. Par conséquent, elle facilite les sorties de l'hospitalisation sous contrainte.

Enfin, nous renforçons le rôle des commissions départementales des hospitalisations psychiatriques avec, par exemple, la réflexion qui est engagée sur la place que pourrait prendre le juge des libertés au sein de ces commissions.

Dès lors, si nous choisissons de vous demander l'autorisation de passer par la voie de l'ordonnance, c'est pour des raisons pratiques...

MM. Jean-Pierre Sueur et François Autain. Quelles raisons pratiques ?

M. Philippe Bas, ministre délégué.... et non pas pour diminuer en quoi que ce soit les garanties qui sont apportées par le débat parlementaire.

M. François Autain. Il serait plus pratique de se passer du Parlement, c'est sûr !

M. Philippe Bas, ministre délégué. Les délais actuels sont extrêmement limités.

M. François Autain. En fait, pour vous, la démocratie, ce n'est pas pratique !

M. Philippe Bas, ministre délégué. Vous le savez bien, la session parlementaire achèvera ses travaux avant le début du printemps prochain. Par conséquent, pour régler ce problème dans l'intérêt même des malades, il est important que nous puissions avancer rapidement.

M. François Autain. La démocratie fait perdre beaucoup de temps !

M. Philippe Bas, ministre délégué. C'est également la voie qui va nous permettre de mener des concertations approfondies tant avec les associations de malades et d'usagers qu'avec les associations qui relèvent de la profession psychiatrique...

M. Jean-Pierre Godefroy. Et pas avec le Parlement !

M. Philippe Bas, ministre délégué.... et de progresser rapidement sur une base que je veux largement consensuelle,...

M. Jean-Pierre Sueur. En excluant le Parlement ! Belle idée de consensus, monsieur le ministre !

M. Philippe Bas, ministre délégué.... tout comme, bien sûr, M. Xavier Bertrand, le ministre de la santé et des solidarités.

Le Gouvernement n'a nullement l'intention d'exclure le Parlement, comme je l'ai entendu sur certaines travées. Au contraire, nous souhaitons faire ce travail en liaison étroite avec les commissions des affaires sociales et les commissions des lois des deux assemblées.

M. Jean-Pierre Sueur. Vous dépossédez le Parlement pour être plus en liaison avec lui : c'est absurde !

M. Philippe Bas, ministre délégué. Ainsi pourrons-nous progresser en proposant au Parlement d'adopter un texte après que l'ordonnance aura été prise. Le Parlement aura bien évidemment son mot à dire sur son contenu du texte, puisque le projet de loi d'habilitation qui vous est soumis vous permet de faire prévaloir vos exigences.

M. Jean-Pierre Sueur. C'est de l'humour noir !

M. Philippe Bas, ministre délégué. Au fond, d'ailleurs, vos exigences et les nôtres sont identiques : il s'agit d'améliorer les garanties offertes au malade tout en respectant les impératifs de sécurité. À cette fin, il nous faut trouver le meilleur équilibre possible et adapter notre législation aux réalités des traitements de la psychiatrie contemporaine, qui sont beaucoup plus efficaces qu'à l'époque où les textes qui sont actuellement en vigueur ont été adoptés.

Gardons-nous, les uns et les autres, des vaines polémiques et faisons en sorte de progresser à la fois dans la qualité des soins et dans l'exigence de citoyenneté. Tel est le voeu du Gouvernement et je souhaite que votre Haute Assemblée partage cette préoccupation qui a été clairement exprimée tout à l'heure par M. le rapporteur de la commission des lois, M. Jean-René Lecerf, que je remercie de son intervention.

Monsieur Autain, permettez-moi de m'étonner que rien, décidément, ne trouve grâce à vos yeux ! Vous êtes dans la critique systématique. Je le regrette d'autant plus que la Haute Assemblée m'a habitué à des discussions subtiles et à un langage nuancé.

Tout à l'heure, M. Godefroy a fait droit à certaines des préoccupations dont le Gouvernement est lui-même porteur.

M. François Autain. Oui, mais lui, il va bientôt gouverner ! (Sourires.)

M. Philippe Bas, ministre délégué. Monsieur Autain, vous êtes hostile à la simplification des professions de santé, à l'allégement de leurs contraintes, à l'amélioration de la lisibilité du droit qui leur est applicable. Je le regrette !

Quant à l'article 12, je l'ai indiqué voilà un instant, il nous permettra, en concertation avec tous les professionnels et toutes les associations de patients et d'anciens patients, de conduire enfin la réforme de l'hospitalisation sous contrainte, qui est attendue et réclamée depuis de très nombreuses années.

Libre à vous de vouloir la différer indéfiniment ! Le Gouvernement, pour sa part, entend avancer, avec le soutien du Parlement.

Monsieur Godefroy, je vous remercie de l'appréciation positive que vous avez portée sur les dispositions de l'ordonnance du 26 août 2005 et sur les dispositions relatives aux diététiciens. Ces dispositions sont sans conteste utiles et elles ne devraient pas faire l'objet de la moindre discorde entre nous.

S'agissant des ostéopathes, je vous indique que les décrets que vous attendez avec impatience sont enfin prêts et que le Conseil d'État en sera saisi entre Noël et le jour de l'An.

M. François Autain. Il aura fallu attendre cinq ans !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il fallait déjà comprendre de quoi il s'agissait !

M. Philippe Bas, ministre délégué. Si ces textes ont été longs à élaborer, c'est que la concertation avec les professions de santé n'avait pas été menée au moment du vote de la loi de 2002. Il nous a donc fallu les amener à trouver un accord, consulter les masseurs-kinésithérapeutes et les médecins afin que chacun voie son rôle clairement défini et que place soit faite aux ostéopathes...

M. Jean-Pierre Godefroy. Qui sont très mécontents.

M. Philippe Bas, ministre délégué.... dans la répartition des compétences entre les différentes professions.

Autrement dit, nous avons dû consulter largement a posteriori parce que vous n'aviez pas consulté suffisamment a priori.

M. Jean-Pierre Godefroy. Vous ne pouvez pas dire cela !

M. Philippe Bas, ministre délégué. S'agissant de l'articulation de la formation des professions de santé avec le LMD, licence-mastère-doctorat, il faut savoir que Xavier Bertrand et François Goulard ont établi une feuille de route le 1er décembre dernier. La réforme commencera par les étudiants sages-femmes et par les étudiants infirmiers.

Monsieur Vanlerenberghe, je me suis longuement exprimé sur l'exigence de citoyenneté et sur l'amélioration de la prise en charge sanitaire des patients affectés d'une maladie psychiatrique. Je vous remercie du soutien que vous avez très clairement apporté aux dispositions de l'ordonnance relative aux professions de santé et à celles qui concernent les diététiciens.

Je ne considère pas que l'article 12 constitue un « cavalier », car l'ordonnance aura pour effet de refondre globalement les conditions de l'hospitalisation sous contrainte, notamment la place et le rôle des médecins psychiatres dans les procédures. C'est l'objet du 3° du paragraphe I de l'article 12.

Madame Procaccia, je vous remercie du soutien que vous avez apporté à ce texte, notamment aux dispositions applicables aux professions de santé. Oui, il est nécessaire et même urgent d'alléger les contraintes administratives et bureaucratiques qui pèsent sur les professions de santé. C'est d'ailleurs, vous l'avez souligné à juste titre, un des objectifs de ce texte.

Vous avez également démontré tout l'intérêt, au regard de la démographie médicale, de simplifier les procédures de remplacement des médecins.

S'agissant des assistants dentaires, je partage votre analyse. Je vous assure de la disponibilité du Gouvernement pour travailler avec vous dans le sens que vous avez souhaité.

Telles sont les éléments de réponse que je souhaitais apporter aux différents orateurs. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion des articles.