8

Nomination d'un membre d'un organisme extraparlementaire

M. le président. Je rappelle que la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale a proposé une candidature pour un organisme extraparlementaire.

La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 9 du règlement.

En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame M. Simon Sutour membre de la commission consultative des archives audiovisuelles de la justice.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante-cinq, est reprise à vingt-deux heures, sous la présidence de M. Philippe Richert.)

PRÉSIDENCE DE M. Philippe Richert

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

9

Démission de membres de commissions et candidatures

M. le président. J'ai reçu avis de la démission de Mme Annie David, comme membre de la commission des affaires culturelles.

Le groupe intéressé a fait connaître à la présidence le nom du candidat proposé en remplacement.

Il a en outre communiqué à la présidence le nom du candidat proposé pour siéger à la commission des affaires sociales à la place laissée vacante par M. Roland Muzeau dont le mandat de sénateur a cessé.

Ces candidatures vont être affichées et leur nomination aura lieu conformément à l'article 8 du règlement.

J'informe le Sénat que le groupe Union pour un mouvement populaire a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu'il propose pour siéger à la commission des affaires économiques en remplacement de M. André Ferrand, démissionnaire.

Cette candidature va être affichée et la nomination aura lieu conformément à l'article 8 du règlement.

10

Discussion générale (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi relatif aux libertés et responsabilités des universités
Question préalable

Libertés des universités

Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi relatif aux libertés des universités.

La parole est à Mme la ministre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je répondrai tout d'abord à M. le président de la commission des affaires culturelles, qui a développé dans son intervention une véritable vision globale de l'enseignement supérieur et de la recherche.

On pourrait me reprocher de ne pas avoir, pour ma part, suffisamment rappelé, au cours de ma présentation, dans quel contexte se situait notre action, en l'occurrence dans la continuité de la loi de programme pour la recherche du 19 avril 2006.

Le Pacte pour la recherche, engagé en 2006, a constitué un moment crucial. Pour la première fois, depuis trente ans, une stratégie politique pour la recherche était dessinée et des instruments radicalement nouveaux étaient mis en place : l'ANR, l'Agence nationale de la recherche, les PRES, les pôles de recherche et d'enseignement supérieur, l'AERES, l'Agence nationale d'évaluation de l'enseignement supérieur et de la recherche, les réseaux thématiques de recherche avancée.

Ce projet de loi relatif aux libertés des universités ne sort pas de nulle part et ne fait pas non plus table rase du passé. Il fait suite au Pacte pour la recherche, sur lequel j'étais intervenue lorsque j'étais députée et il s'inscrit dans le cadre de ses orientations.

Certains sénateurs socialistes m'ont reproché de ne pas avoir suffisamment parlé de recherche dans ce projet de loi. Je leur rappellerai que nous avions peu abordé la question de l'enseignement supérieur lors de l'examen de la loi de programme pour la recherche : il s'agit de deux textes différents ayant chacun leur sujet propre !

M. le rapporteur a fait montre, dans son remarquable exposé, de sa connaissance exceptionnelle du paysage universitaire français et international, connaissance qui sera très précieuse pour l'élaboration de la réforme que nous proposons, notamment à travers les modifications qu'il ne manquera pas de suggérer, au nom de la commission.

M. le rapporteur pour avis a posé une question centrale, reprise dans de nombreuses interventions : faut-il mettre en oeuvre une réforme structurelle avant de dégager les moyens financiers nécessaires ou faut-il dégager les moyens en premier ?

Je ne vous étonnerai pas en répondant que, selon moi, la réforme structurelle doit être mise en place avant que l'on décide des moyens correspondants. Dans le cas contraire, nous risquerions de déverser des crédits comme la pluie se déverse sur la plage : aspirée par le sable, elle se dilue sans produire aucun effet durable. Les sénateurs des zones rurales, comme Mme Adeline Gousseau, élue des Yvelines et agricultrice, savent bien que la pluie peut être source de fertilité comme d'infertilité.

Monsieur Todeschini, vous avez évoqué la phase de concertation qui a précédé la rédaction de ce projet de loi. Je vous le dis très solennellement : dans toutes les phases de cette concertation et lors de tous les arbitrages que M. le Premier ministre et moi-même avons proposés, je me suis sentie entièrement soutenue par le Président de la République. Il n'y a aucune ambiguïté sur ce point.

Vous avez également évoqué la question des moyens financiers. Je rappelle brièvement quelques chiffres. Le Président de la République s'est engagé sur une augmentation de 10 % chaque année et de 50 % en cinq ans du budget de l'enseignement supérieur. En cinq ans, 5 milliards d'euros de crédits supplémentaires seront ainsi consacrés à l'enseignement supérieur, sans compter les 4 milliards d'euros destinés à la recherche.

Selon Mme Morin-Desailly, ces 5 milliards d'euros consacrés à l'enseignement supérieur ne correspondent pas à une augmentation de 50 % du budget des universités. C'est pourtant le cas puisque ce budget s'élève actuellement à 10 milliards d'euros.

Monsieur Todeschini, vous avez qualifié ce projet de loi de texte édulcoré. Il s'agit au contraire d'un texte renforcé et amélioré, sur deux points importants.

Le premier point concerne la composition du conseil d'administration.

Les représentants des grandes universités pluridisciplinaires nous ont demandé d'augmenter la représentation des enseignants-chercheurs prévue au sein des conseils d'administration. Nous avons donc accordé ce « volant » de 20 à 30 membres, ce qui correspond à une division par deux de l'effectif actuel des conseils d'administration, qui est de 40 à 60 membres.

Prenons le cas des trois grandes universités d'Aix-Marseille, qui, dans le cadre de l'autonomie, pourront fusionner et, peut-être, avec 75 000 étudiants, occuper d'ici à cinq ans, le vingtième rang du fameux classement de Shanghai, parce qu'elles auront réussi à concentrer leurs forces et à rationaliser leurs efforts. Les représentants de ces universités m'ont demandé comment ils allaient réussir à réaliser cette fusion avec un conseil d'administration à 20 membres. Ils réclamaient davantage de souplesse et souhaitaient pouvoir intégrer davantage d'enseignants-chercheurs.

Les petites universités pluridisciplinaires, comme celle de Caen, dont j'ai rencontré la présidente, ont également besoin de souplesse, afin que les disciplines qu'elles accueillent soient représentées au sein de leur conseil d'administration et afin de mener une véritable stratégie de formation et de recherche.

Je dois tenir compte de toutes ces demandes. C'est la raison pour laquelle nous avons introduit de la souplesse dans la composition des conseils d'administration.

J'en viens au deuxième point d'amélioration.

Nous avions prévu au départ que le statut d'autonomie serait optionnel et que les universités seraient libres de le choisir ou non. Le Président de la République et le Premier ministre avaient en effet décidé qu'un acte de volonté du conseil d'administration était nécessaire pour engager la réforme. Est-il d'ailleurs si contraire à la logique de subordonner l'engagement d'un processus de réforme dans un établissement public à l'accord du conseil d'administration ?

En fait, lors de la phase de concertation, nos partenaires ont souhaité que l'autonomie s'applique à toutes les universités. Ils ont en effet réalisé qu'il s'agissait du meilleur statut possible pour l'université du XXIe siècle et que, si seules certaines universités en bénéficiaient, des disparités dommageables se feraient jour. Nous avons bien entendu accédé à cette demande.

Je l'ai dit dès le début de la concertation : mon ambition est que les 85 universités de France adoptent le statut d'autonomie afin de devenir des universités modernes, stratèges et maîtres de leur politique de formation et de recherche. Le fait que tous nos partenaires affirment, au terme de six semaines, c'est-à-dire après soixante heures de concertation, vouloir bénéficier de l'autonomie est pour nous une grande satisfaction. (M. le président de la commission des affaires culturelles approuve.)

Vous avez le droit de dire, monsieur Todeschini, qu'il s'agit là d'un recul. Je considère, pour ma part, qu'il s'agit d'une avancée, d'une spectaculaire progression de l'idée des bénéfices attendus de l'autonomie.

Vous avez évoqué, par ailleurs, des motifs d'inconstitutionnalité relatifs à la gestion des personnels.

Je vous rappellerai que ce projet de loi a été soumis à l'examen du Conseil d'État, lequel, statuant en droit, apprécie si un texte est susceptible de porter atteinte aux principes constitutionnels ou aux principes généraux du droit, en l'occurrence, à l'indépendance des professeurs ou aux principes fondant le statut de la fonction publique. Or il n'a émis aucune réserve à cet égard. Vous pouvez donc être rassuré !

Madame Morin-Desailly, vous avez regretté que le temps imparti à la discussion de ce texte soit trop court. Vous savez pourtant qu'il y a urgence à régler ce problème, comme vous en êtes vous-même convenue.

Je note par ailleurs avec satisfaction que vous approuvez les règles de gouvernance, la généralisation de l'autonomie et l'extension des compétences des universités prévues dans le projet de loi.

Vous avez estimé que le mode de scrutin appliqué aux enseignants-chercheurs ne respectait pas la grande diversité des disciplines de l'université.

Je viens de vous fournir une réponse : nous avons élargi la fourchette des membres des conseils d'administration et fixé entre 8 et 14 le nombre d'enseignants-chercheurs siégeant en leur sein afin, justement, qu'un plus grand nombre de disciplines soient représentées.

De toute façon, il faut bien admettre que le rôle du conseil d'administration n'est pas le même selon que celui-ci comprend 30 ou 60 membres. Un conseil d'administration à 30 ne peut représenter toutes les disciplines de l'université. Ce serait un véritable catalogue à la Prévert ! Il n'est pas inimaginable d'ailleurs qu'une université conçoive un projet d'établissement avec une équipe comprenant deux membres appartenant à la même composante de l'université.

Accorder l'autonomie aux universités, c'est aussi leur donner de la liberté et de la souplesse, avec des conseils d'administration composés non pas de membres ès-qualité, chargés de représenter quelqu'un ou quelque chose, mais de personnes qui portent, de leur propre volonté, un projet d'établissement et y travaillent. Nommer sur chaque poste une personne ès-qualité serait dangereux pour l'université et contraire à notre volonté de libérer l'initiative.

Vous avez ensuite évoqué les nouvelles modalités de recrutement des enseignants-chercheurs dans l'université.

Je partage avec vous et avec la commission des affaires culturelles la volonté de préserver les agrégés du supérieur, qui ne doivent en effet pas passer devant un comité de sélection non plus qu'être soumis à un droit de veto. Ils ont passé un concours national et ne doivent pas être inclus dans ce dispositif ; je serai favorable aux amendements allant en ce sens.

Quant au droit de veto, madame Morin-Desailly, il est donné aux directeurs d'IUT et il serait paradoxal que le président de l'université ait moins de pouvoir que les directeurs d'une composante de celle-ci.

J'ajoute que ce droit de veto est destiné à s'appliquer en cas de difficulté quant au profil du poste à pourvoir. Vous savez qu'aujourd'hui un président d'université ne peut malheureusement pas refuser de nommer un sociologue des organisations alors qu'il a besoin d'un sociologue de la ruralité ou un contrôleur de gestion alors qu'il a besoin d'un comptable, parce que les nomenclatures de ces postes sont proches. Désormais, il faudra qu'il puisse recruter les personnes qui ont les compétences adéquates pour son université.

Vous craignez par ailleurs que le dispositif d'orientation active ne se transforme en mode de sélection déguisée. La mise en place de ce dispositif me paraît constituer un sujet très important, abordé d'ailleurs par nombre de vos collègues et à propos duquel je vais, dans quelques minutes, vous proposer une idée.

Mme Valérie Pécresse, ministre. M. Legendre a très justement relevé que nous pouvions toujours critiquer le classement de Shanghai mais que nous ne pourrions changer des indicateurs dont nous ne sommes pas maîtres et que dès lors il nous appartenait de les retourner en notre faveur.

M. Bruno Sido. C'est vrai.

Mme Valérie Pécresse, ministre. La réalité, nous le savons tous, c'est que l'étudiant américain, australien, chinois ou indien qui cherche une université pour faire son mastère ou son doctorat, comme le chercheur qui veut préparer son doctorat ou travailler dans un laboratoire de recherches à l'étranger, se déterminera en fonction du classement de Shanghai.

Nous sommes dans la mondialisation et nous ne pouvons nous en abstraire. Dans ces conditions, essayer d'améliorer notre place dans ce palmarès n'est pas forcément contraire au bon sens non plus qu'à l'exigence d'excellence et d'attractivité qui est celle de l'université française.

L'autonomie est le moyen de faire d'autres réformes, avez-vous dit, monsieur Legendre. Je partage entièrement cette vision. L'autonomie est un socle en même temps qu'un préalable : on ne peut pas engager les autres réformes avant d'avoir mené à bien celle de l'autonomie.

Je suis tout comme vous attachée aux antennes universitaires : dans ce projet de loi, il n'y aura ni suppression ni fusion imposée d'universités, mais recomposition du paysage universitaire à travers les pôles de recherche et d'enseignement supérieur. Avec les PRES, la loi de programme de 2006 nous a en effet dotés d'outils extrêmement puissants, que nous devons utiliser et dans l'esprit desquels nous devons nous inscrire.

Sur les normes de sécurité pour l'immobilier, il y aura bien évidemment une expertise contradictoire et une mise en sécurité du patrimoine immobilier avant tout transfert de propriété. C'est une assurance que prend l'État et c'est aussi ce que nous devons à nos étudiants.

Enfin, depuis mars 2007, une initiative lancée par le Premier ministre Dominique de Villepin vise à enrayer la baisse d'attractivité de notre université à l'égard de l'étranger. Je veux parler de Campus France.

Après avoir été la troisième destination des étudiants étrangers, notre pays est aujourd'hui cinquième et en passe d'être dépassé par l'Australie. Cette dégradation de la situation est assez inquiétante, d'autant que, je l'ai dit, les étudiants qui viennent chez nous ne sont généralement pas originaires des pays émergents qui, demain, vont soutenir la croissance mondiale.

L'agence Campus France travaille désormais avec les ambassades pour promouvoir l'université française à l'étranger et pour sélectionner et faire venir dans notre pays les étudiants talentueux et prometteurs. Cette initiative très importante devra être développée.

M. Laffitte a rappelé son attachement à la coopération euroméditerranéenne et a constaté avec satisfaction que le Président de la République avait fait de cette coopération une priorité et qu'il avait décidé de la relancer.

Monsieur le sénateur, je sais que les gouvernements précédents ont peut-être insuffisamment misé sur l'international, mais sachez que le Président de la République et le Premier ministre ont fait une priorité, dans notre feuille de route, de l'inscription de la recherche et de l'enseignement supérieur français dans le cadre de coopérations internationales et d'une politique de recherche européenne. Je connais votre attachement à Sophia Antipolis, qui représente pour vous l'investissement de toute une vie, et je serai à vos côtés si vous souhaitez que la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche s'implique davantage dans la coopération euroméditerranéenne.

Vous avez dit qu'il nous fallait ancrer notre action dans le changement. C'est tout à fait l'esprit dans lequel je travaille. Je ne veux pas faire des lois « cathédrales ». Les cathédrales, on met beaucoup de temps à les bâtir, mais il suffit d'une petite brique enlevée pour qu'elles s'écroulent...

M. David Assouline. Notre-Dame de Paris, ce n'est pas si mal... (Sourires.)

Mme Valérie Pécresse, ministre. Voyez la Constitution européenne : on a construit une belle cathédrale, fait un référendum, tous les « non » se sont agrégés et, finalement, la cathédrale s'est écroulée ! (M. Jean-Luc Mélenchon sourit.)

Il faut donc être très prudent et je préfère élaborer une loi « autonomie », dont vous direz que ce n'est que la première brique de ma cathédrale mais qui sera adoptée et entrera en vigueur dès septembre, plutôt que d'essayer de bâtir une grande loi de programme,...

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Surtout pas !

Mme Valérie Pécresse, ministre. ... une loi « cathédrale » qui prétendrait résoudre tous les problèmes de l'université mais qui ne servirait qu'à coaguler l'ensemble des oppositions au changement, lesquelles sont, il faut, hélas ! le reconnaître, assez fortes parfois dans la société française et savent en tout cas s'exprimer...

À très juste titre, vous avez demandé au Gouvernement, monsieur Laffitte, d'inscrire cette loi sur l'université dans la logique de celle de 2006. Le rôle très important des pôles de recherche et d'enseignement supérieur doit en effet être à nouveau consacré dans le présent projet de loi et j'approuve le très sage amendement en ce sens de la commission des affaires culturelles.

Il faut faire de la pédagogie et bien expliquer la portée du texte : l'autonomie ne se substitue pas à la politique des pôles de recherche et d'enseignement supérieur ; les universités autonomes doivent continuer à se regrouper dans le cadre des PRES. Ces pôles de compétitivité et ces réseaux thématiques de recherche avancée sont nos instruments de décloisonnement, de partenariat entre le secteur public et le secteur privé, entre les organismes de recherche et l'université, entre le national et l'international, et ce sont des instruments extrêmement puissants.

Il convient donc en effet de faire le lien entre cette loi d'autonomie et les pôles de recherche et d'enseignement supérieur. J'ajoute que, pour ma part, je m'engagerai dans la politique des PRES et que je veillerai ? je le dis en particulier aux sénateurs des zones plus rurales ? à ce que les universités un peu à l'écart des grandes villes et des grands centres universitaires puissent être reliées à des PRES. Ainsi, je suis très satisfaite que les universités de Perpignan et Nîmes ainsi que l'école des mines d'Alès soient dans le projet de PRES de Montpellier.

Cela me paraît être la bonne façon de procéder : quelle que soit la qualité des formations qu'elles dispensent, il ne faut pas laisser des universités isolées mais au contraire les regrouper.

M. Daniel Raoul. Très bien !

Mme Valérie Pécresse, ministre. M. Renar a parlé de l'échec à l'université et de l'insertion professionnelle. Je l'entends : ce sont pour moi des chantiers prioritaires. Vous aurez pu constater que l'insertion professionnelle est la troisième mission que nous avons donnée à l'université.

Je suis heureuse d'avoir entendu M. Renar dire que l'autonomie faisait consensus.

J'ai voulu, c'est vrai, donner la priorité à l'université et non pas aux grandes écoles et aux autres formations. Ce choix s'explique tout simplement par le fait qu'il y a en France des choses qui marchent et d'autres qui marchent moins bien, et l'université est un des lieux de l'enseignement supérieur qui entrent dans cette dernière catégorie. Aussi, j'ai souhaité que les moyens nouveaux que le Président de la République a annoncés aillent là où il y a de l'échec, des performances hétérogènes, des réformes à faire, c'est-à-dire à l'université.

S'agissant de la revalorisation du Parlement, permettez-moi de vous dire, monsieur Renar, que la ministre se montre tout de même extrêmement ouverte aux amendements qui peuvent améliorer le texte. (Mme la ministre cherche à situer son interlocuteur dans l'hémicycle.)

M. Ivan Renar. Je suis ici, madame la ministre ! (Rires.)

Mme Valérie Pécresse, ministre. Excusez-moi, monsieur Renar !

M. Ivan Renar. Nous occupons pourtant un peu plus de place qu'à l'Assemblée nationale... (Nouveaux rires.)

Mme Valérie Pécresse, ministre. C'est vrai, mais vos propos, que je suis très heureuse d'avoir entendu, sur l'insertion professionnelle ou sur l'autonomie sont si ouverts et si modernes que je ne me suis pas suffisamment tournée vers la gauche !

Je tiens en tout cas à vous dire, monsieur Renar, que, contrairement aux apparences, les plus petites universités auront en réalité beaucoup plus de facilité que les grandes universités à accéder à l'autonomie.

Il sera en effet bien plus facile aux universités comptant quelques milliers d'élèves et quelques centaines d'enseignants de gérer un budget global et une politique de ressources humaines qu'aux très grosses universités, d'autant qu'au sein de ces dernières l'histoire a souvent sédimenté toute une série de structures aux statuts assez hétéroclites qu'il sera compliqué d'unifier dans le cadre d'un budget global. L'accompagnement vers l'autonomie des universités les plus anciennes, parfois les plus prestigieuses et en tout cas les plus grosses, sera donc vraisemblablement plus complexe que celui des petites universités, souvent monodisciplinaires ou, lorsqu'elles sont pluridisciplinaires, restées à taille humaine, ce qui facilite la gestion.

M. Daniel Raoul. Pas toujours !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Je pense donc que, contrairement aux apparences et à ce qui a été longtemps dit, les petites universités auront avec l'autonomie une chance exceptionnelle d'être encore plus dynamique dans le paysage universitaire français.

Quant au Conseil d'État, je l'ai dit, il ne relève pas dans son avis de motif d'inconstitutionnalité dans le projet de loi.

J'ai déjà dit aussi que le directeur d'IUT disposait déjà du droit de veto.

S'agissant enfin de la carte universitaire, j'estime que l'outil de sa recomposition est le pôle de recherche et d'enseignement supérieur, qui donnera un label d'attractivité international à l'ensemble de nos universités.

Monsieur Assouline, nous avons eu soixante heures de concertation. Les partenaires de la concertation ont passé plus d'heures dans mon ministère en six semaines que dans les cinq dernières années...

M. David Assouline. Ce n'est pas gentil pour M. Goulard !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Ce sont eux qui le disent, monsieur Assouline !

J'ajoute qu'ils sont arrivés dans les réunions de concertation avec des positions déjà extrêmement élaborées et je rappelle qu'en 2003 un projet sur l'autonomie des universités avait été entièrement rédigé par Luc Ferry, projet qui avait été approuvé à l'unanimité par la conférence des présidents d'université. La vérité, monsieur Assouline, c'est que tous les partenaires de la concertation avaient déjà préparé leurs projets et arrêté leurs positions. Ils savaient ce qu'ils voulaient et ils me l'ont demandé.

La concertation a donc été concentrée dans le temps mais elle a été intense et riche, et elle a permis d'élaborer un projet qui a fait l'objet d'un très large consensus, en tout cas d'une convergence de points de vue sur de nombreux points.

M. David Assouline. Je parlais du débat parlementaire.

Mme Valérie Pécresse, ministre. Vous pouvez constater que le débat parlementaire se déroule, et qu'il se déroule de façon extrêmement ouverte !

S'agissant des moyens, vous avez dit qu'il fallait consacrer 3 % de notre richesse nationale, c'est-à-dire de notre produit intérieur brut, à la recherche. Certes, c'est ce à quoi nous nous sommes engagés, mais, si vous avez été attentif à l'engagement que nous avons pris à Lisbonne, vous savez que les objectifs européens fixent à 1 % de la richesse nationale la part qui doit être consacrée à la recherche publique et à 2 % celle qui doit être consacrée à la recherche privée. Or, aujourd'hui, la France atteint 1,2 % pour la recherche publique mais, hélas ! uniquement 1 % pour la recherche privée.

Le problème de notre pays, c'est la recherche privée, et non pas la recherche publique, l'effort accompli par la France en faveur de cette dernière dépassant même les objectifs européens.

M. Charles Gautier. Ce n'est pas une référence !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Ce n'est donc pas vers l'État qu'il faut se tourner pour lui reprocher l'insuffisance des moyens mis en place.

Vous évoquiez, à juste titre, l'évaluation universitaire. Elle est prévue dans la loi de 2006 et elle se met en place dans le cadre de cette dernière. L'agence de l'évaluation va changer de titulaire, le précédent ayant été appelé à de hautes fonctions.

Vous dites ensuite qu'il convient de mettre en place un service public national d'orientation. Bien entendu, il le faut. Cela figure d'ailleurs dans ma lettre de mission, ainsi que dans celle de Xavier Darcos, qui sera le chef de file du pilotage de ce service public d'orientation, auquel je prendrai toute ma part, tant il est vrai que des universitaires, des étudiants doivent aller dans les lycées, dès la classe de la seconde, pour aider à une meilleure orientation des lycéens.

Enfin, je ne puis partager votre avis selon lequel ce texte serait technique. En réalité, il s'agit d'un texte stratégique.

Monsieur Portelli, j'ai, comme vous l'imaginez, beaucoup apprécié le début de votre discours, notamment le fait que vous approuviez les compétences transférées, la modernité du texte et surtout notre volonté, que vous avez bien comprise, de lutter contre la bureaucratie qui a gangrené le fonctionnement de l'université depuis des années.

En outre, lorsque vous avez parlé de tournant historique en évoquant les grandes lois de décentralisation de 1982-1983, la jeune ministre que je suis et qui, depuis deux mois, consacre tout son temps à l'élaboration de cette réforme, n'a pu qu'être touchée par un tel parallèle.

En revanche, j'ai noté vos réticences quant à la désignation du président de l'université.

Vous avez dit que nous risquions de passer d'un régime d'assemblée à un régime présidentiel. Tel n'est pas notre objectif et ce n'est pas la philosophie de ce projet. En réalité, nous voulons passer à un régime municipal. En d'autres termes, le président de l'université devra être porteur de projets ; il devra être élu avec une équipe déterminée à mettre en oeuvre ces projets et pas uniquement composée selon des logiques syndicales. Chacun connaît bien ici ? nous sommes au Sénat ? le fonctionnement des municipalités.

Nous tenons donc à mettre en place une dynamique de projets d'établissement et je crois que les nouveaux modes de fonctionnement que nous offrons à l'université permettront à un certain nombre d'universitaires de très grande qualité de se rencontrer, de se parler, de décider ensemble, de concevoir tel ou tel projet pour leur établissement et de le porter ensemble, même s'ils appartiennent à des disciplines qui, traditionnellement, ne se rencontrent pas et vivent leur vie chacune de leur côté.

Aujourd'hui, ce que nous proposons permettra à ces universitaires de faire évoluer leur université dans le sens qu'ils souhaitent, c'est-à-dire dans le sens de l'excellence, de la qualité des formations, avec de vrais leviers stratégiques, avec de vraies majorités de gouvernement. Cela les motivera pour se réunir, dresser des listes et se présenter.

De ce point de vue, je pense que la prime majoritaire donnée à la liste arrivée en tête dans le collège des enseignants- chercheurs est positive dans la mesure où ils sauront que, s'ils arrivent en tête lors de l'élection, ils pourront disposer d'une majorité stable, une majorité de gouvernement pour mettre en oeuvre leur projet et que, de cette façon, ils ne seront plus contraints en permanence, au sein du conseil d'administration, de négocier chaque décision.

Vous avez également évoqué les grands secteurs scientifiques, en insistant sur l'affectation et le recrutement des professeurs.

J'ai déjà dit que, s'agissant des professeurs agrégés du supérieur, j'étais totalement d'accord pour qu'ils restent à l'écart des processus de recrutement.

Pour faire en sorte que le maximum de disciplines soient représentées au sein du conseil d'administration, nous avons proposé que celui-ci comprenne de vingt à trente membres, dont huit à quatorze enseignants-chercheurs. Cela dit, le rôle du conseil d'administration, je le répète, n'est pas uniquement de représenter l'ensemble des disciplines ; il est là, avant tout, pour prendre des décisions stratégiques.

Enfin, vous avez tenu à me faire part d'un dernier souci, que je partage, à savoir éviter le localisme. À cet égard, le Gouvernement pourra accepter tel ou tel amendement ; je crois savoir que la commission des affaires culturelles en a déposé certains et que vous en avez proposé d'autres, tendant à éviter la tentation du localisme, qui a toujours été présente dans l'université. J'en veux pour preuve la position des représentants du Conseil national des universités que j'ai reçus hier et qui ne m'ont pas dressé un tableau idyllique du fonctionnement des commissions de spécialistes. Pour éviter ce travers, nous avons essayé d'apporter le maximum de garanties et, si nous pouvons en ajouter d'autres dans le cadre de cette discussion, nous le ferons.

M. Delfau a souhaité connaître ma position sur un certain nombre d'amendements ; je lui répondrai au fur et à mesure du débat ; je pense d'ailleurs qu'un certain nombre d'entre eux sont satisfaits soit par des amendements de la commission des affaires culturelles, soit par le projet de loi lui-même, en tout cas tel que je l'ai conçu. Concernant la nomination des personnalités qualifiées, par exemple, je pense, monsieur le sénateur, que nos positions se rejoignent.

Enfin, vous avez dit qu'un collectif budgétaire serait la voie la plus adéquate pour véritablement rénover les universités.

Personnellement, je pense que l'esprit de la LOLF est que tout l'argent public qui va être alloué aux universités soit consacré à des missions clairement identifiées, avec des objectifs clairement définis.

Je crois nécessaire qu'au moment où nous engagerons des moyens en faveur de l'université ? moyens qui seront très importants ? nous le fassions autour de projets. C'est pourquoi j'ai structuré la réflexion du ministère en cinq chantiers.

Le premier est un chantier sur l'immobilier, qui nous donnera l'occasion d'établir de vraies listes de priorités immobilières et de rénovation.

Un second chantier portera sur les conditions de vie des étudiants. Il devra nous permettre d'envisager dès l'automne, selon la volonté du Président de la République, l'établissement d'un grand plan visant à cette amélioration

Un troisième chantier, qui répond, là encore, à l'une priorité du Président de la République, concernera la revalorisation des débuts de carrière dans les métiers de la recherche. En effet, d'ici à cinq ans, 30 % des membres du CNRS et de l'INSERM partiront à la retraite, compte tenu de facteurs démographiques ; nous ne pourrons pas ne pas recruter des jeunes de grand talent pour les remplacer, ce qui suppose d'accroître l'attractivité de ces métiers.

Quatrième chantier : la réussite en licence, sur laquelle nous travaillons activement. Nous avons déjà toute une série de pistes de réflexion grâce, d'une part, au travail du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche et, d'autre part, à celui que conduisent les présidents de conférences d'universités ; néanmoins, il convient que les conclusions de ces travaux soient soumises à la concertation. Il est vrai que nous avons mis au point ce projet de loi tambour battant, mais nous devons maintenant prendre le temps de la concertation sur ces différents chantiers.

Enfin, le dernier chantier que nous avons lancé va prendre du temps, car le sujet n'est pas facile, je veux parler du chantier sur les carrières des personnels de l'université.

Je le répète, je souhaite que mon ministère soit conçu comme celui du changement concret. En d'autres termes, je n'ouvre pas des chantiers en début de mandat pour ne jamais les clore. J'ouvre chaque chantier en me disant que, si nous arrivons à une conclusion consensuelle et si j'ai les moyens financiers de la mettre en oeuvre, je le ferai.

Par conséquent, j'avancerai pas à pas. Dès lors, quel intérêt aurait le vote d'un collectif budgétaire dès le mois de septembre ? (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Pourquoi un collectif immédiatement ? Il faut bien établir des priorités à la fois politiques et stratégiques. Cela dit, je puis vous annoncer une très bonne nouvelle pour la rentrée, à savoir que j'ai obtenu du Gouvernement une augmentation des bourses étudiantes de 2,5 % ? elles augmentent donc plus vite que l'inflation, qui se situe à 1,7 % ?, ce qui est de nature à permettre un rattrapage de pouvoir d'achat des étudiants, après, malheureusement, cinq ans de vache maigre.

M. Charles Revet. Très bien !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Cela constitue déjà, me semble-t-il, un signe très concret de notre volonté d'avancer vers une meilleure prise en compte de la situation des étudiants.

Mme Hoarau nous a brossé un portrait très coloré, néanmoins très exigeant, de la situation réunionnaise.

J'ai tout à fait conscience que la Réunion est à la croisée des chemins, notamment du point de vue démographique, et je sais que, compte tenu de la jeunesse de sa population ? sans doute plus grande que partout ailleurs sur le territoire français ? la qualité de l'université de la Réunion est une exigence absolue.

Je sais aussi que la Réunion est placée à une croisée stratégique entre l'Inde, l'Afrique du Sud et qu'elle peut, dans l'océan Indien, devenir un pôle de développement si la France en prend la mesure.

J'ai omis de signaler que mon ministère a contribué, à hauteur de 7millions d'euros, au lancement de recherche sur le chikungunya, l'année dernière au moment fort de la crise.

Par conséquent, nous avons été mis à contribution à la Réunion et nous continuerons à l'être.

J'ajoute que la Réunion, en tant que département et région, pourra apporter sa contribution au Grenelle de l'environnement. Elle pourra y jouer tout son rôle. Nous pourrons y localiser certaines équipes de recherche sur la biodiversité dont nous voulons faire un sujet français porté au G8 recherche ; nous pourrons en reparler, madame la sénatrice.

M. Fourcade a insisté sur trois sujets qui lui tiennent à coeur et il a accepté l'une de mes propositions « malhonnêtes ». (Sourires.)

Il a d'abord évoqué la restructuration des 85 universités. J'en ai déjà parlé : dans ce domaine, notre outil de restructuration, ce sont les pôles de recherche de l'enseignement supérieur.

Il a ensuite soulevé le problème de la spécificité française qui consiste dans l'existence des STS, sciences-technologies-santé, et des classes préparatoires aux grandes écoles. Désormais, les STS et les classes préparatoires aux grandes écoles ont intégré le système du LMD, licence-mastère-doctorat. Les deux années passées en STS ou en classes préparatoires aux grandes écoles sont validées comme des semestres dans le cadre de la licence universitaire.

Des passerelles ont été jetées entre les BTS et les classes préparatoires aux grandes écoles, c'est-à-dire les formations post-baccalauréat au lycée, et les formations universitaires. Je tenais à apporter cette précision pour rassurer M. Fourcade.

Le dernier point qui lui tenait très à coeur, comme d'ailleurs à MM. Dassault et Dauge, concernait l'orientation dans les lycées.

J'ai proposé à M. Fourcade de prendre la tête d'une mission parlementaire, au sein de mon ministère, sur la mise en place de l'orientation active que nous allons devoir mettre en oeuvre.

M. David Assouline. L'ouverture continue !

Mme Valérie Pécresse, ministre. En effet, dès la rentrée, il va nous falloir évaluer les soixante-sept expérimentations d'orientation active qui ont été menées dans un certain nombre d'universités ? j'ai aperçu tout à l'heure le sénateur de Tours, dont l'université a participé à cette expérimentation au même titre que d'autres établissements, comme l'université de Créteil. Ensuite, dès le premier trimestre, nous mettrons en place cette orientation dans les lycées.

Je note que M. Fourcade a accepté ma proposition, et je suis tentée de demander à M. Dauge, qui avait l'air très intéressé également par cette question, s'il serait d'accord pour participer à cette mission parlementaire afin qu'elle soit pluraliste. (M. Yves Dauge fait un geste d'assentiment.)

Je sais que la sagesse des sénateurs est grande et qu'ils savent s'abstraire du tumulte du monde pour décider des meilleures propositions de réformes dans l'intérêt général !

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Et la commission des affaires culturelles ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Bien entendu, cette mission se tiendra sous le haut patronage du président de la commission des affaires culturelles, même si je sais que M. Fourcade ne fait pas partie de celle-ci.

M. Jacques Valade, président de la commission. On s'arrangera entre nous !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Alors, tout va bien ! (Sourires.)

Madame Blandin, vous avez beaucoup parlé de l'État garant. Vous aurez sans doute compris que l'État, s'il est pour moi non seulement l'accompagnateur, le partenaire, le pilote, est aussi le garant de cette réforme, à travers tout à la fois les contrats pluriannuels qu'il signera avec les universités et qui seront autant de possibilités de vérifier l'usage que les universités feront de leur autonomie, les moyens qui vont être attribués à ces dernières ? vous en avez parlé, madame la sénatrice ? mais aussi toute une série de mesures d'accompagnement.

Vous avez déclaré qu'il ne fallait pas que l'autonomie se traduise par une concurrence débridée, qu'elle nuise à l'aménagement du territoire, qu'elle conduise à la disparition de disciplines de formation répondant aux besoins de la société, qu'il fallait qu'elle soit un acteur de dynamisme et non pas d'inégalité. Je dois dire que je partage l'ensemble de vos préoccupations.

Nous allons mettre en place les missions d'accompagnement nécessaires.

Hier, j'ai rencontré les membres de l'Inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche, l'IGAENR, pour leur annoncer d'ores et déjà que leur plan de charge des cinq prochaines années comprendrait 85 audits d'organisation dans 85 universités, afin d'aider ces dernières à passer progressivement au budget global.

Naturellement, il faudra vérifier que les universités possèdent les compétences indispensables à l'exercice de ces nouvelles missions, leur donner les formations nécessaires et élaborer avec elles des systèmes d'information qui ? soyons fous ! (Sourires.) ? pourraient être les mêmes pour tous les établissements. Peut-être parviendrons-nous même à mutualiser ces systèmes d'information et à disposer ainsi du meilleur outil pour nos universités et ? soyons encore plus fous ! (Nouveaux sourires.) ? au meilleur coût.

L'État diligentera toutes ces missions d'accompagnement afin de permettre aux universités de s'approprier les outils de l'autonomie, car nous sommes conscients que ce ne sera pas pour elles une tâche facile. De même, en ce qui concerne le patrimoine immobilier, il n'est pas question de laisser les universités se lancer dans la gestion patrimoniale sans avoir vérifié au préalable qu'elles en ont les capacités, les compétences et les moyens.

Enfin, madame Blandin, s'agissant du financement du Collège de France, je tiens à vous rassurer. Si Mme Liliane Bettencourt y a créé une chaire, c'est le ministère de l'enseignement et de la recherche qui finance presque intégralement toutes les tranches de rénovation, avec l'aide de la région d'Île-de-France, mais pas du grand capital, du moins pas encore ! (Sourires.)

M. Charles Pasqua. Hélas ! (Nouveaux sourires.)

Mme Valérie Pécresse, ministre. Monsieur Othily, vous avez évoqué le cas de la Guyane et des Antilles et, en vous écoutant, j'ai compris à quel point la situation de ces territoires était spécifique.

Naturellement, une disposition prévoyant que deux représentants des collectivités territoriales siégeront au conseil d'administration d'une université qui couvre trois régions et trois départements pose problème, j'en suis consciente. En marge de cette discussion, nous devrons donc nous revoir afin de réfléchir à un statut qui réponde aux spécificités de l'université des Antilles et de son pôle guyanais.

Monsieur Othily, vous demandez la création d'une université autonome en Guyane. Je sais que cette question vous tient particulièrement à coeur, mais je dois rappeler quelques chiffres : le pôle universitaire de Guyane accueille 1 518 étudiants, alors que, pour l'instant, l'université française la plus petite en compte 4 000 environ.

La création d'une université de Guyane constituerait donc une décision lourde de conséquences. Il me semble que nous devons plutôt continuer à faire progresser l'université commune à la Martinique, à la Guyane et à la Guadeloupe.

Peut-être pourrions-nous doter la Guyane de missions particulières, dont nous discuterions ensemble, monsieur Othily ? J'ai évoqué la biodiversité à propos de la Réunion, mais j'imagine que, pour la Guyane aussi, c'est une vraie question. Je pense également que la présence du centre spatial de Kourou permet d'envisager certaines formations.

Poursuivons notre dialogue et réfléchissons aux moyens d'adapter l'autonomie aux spécificités de l'université des Antilles et de la Guyane.

Monsieur Sueur, vous avez souligné que l'autonomie des universités était nécessaire. Comme je partage votre point de vue ! Vous avez précisé qu'elle devait s'accompagner d'un aménagement juste du territoire et, là encore, je suis entièrement d'accord avec vous, comme j'ai eu d'ailleurs l'occasion de le signaler.

S'agissant de l'articulation entre les classes préparatoires et l'université, j'ai déjà répondu à M. Fourcade : c'est fait ! Les classes préparatoires se sont inscrites dans le cadre du cursus licence-mastère-doctorat et des passerelles commencent donc à être lancées.

Je suis totalement convaincue qu'il faut rapprocher les grandes écoles et les universités, les amener à tisser des liens de plus en plus étroits et à mettre en place des passerelles. J'étais moi-même députée d'une circonscription qui couvre une partie du plateau de Saclay et où se trouve HEC. Or j'ai toujours souhaité que cette grande école rayonne avec les universités d'Orsay et de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, au lieu de coopérer uniquement avec d'autres écoles de commerce comme l'ESSEC ou l'ESCP.

Mesdames, messieurs les sénateurs, ce qui fera de nos pôles d'enseignement supérieur et de recherche des centres puissants, c'est justement la pluridisciplinarité et la transversalité. Dans cette perspective, toutes les coopérations entre les grandes écoles et les universités sont naturellement les bienvenues, car ce sont elles qui, dans tous les pays du monde, sont source d'innovation, de création d'entreprise et de dynamisme.

En effet, la rencontre d'un chercheur et d'un manager peut déboucher sur une création d'entreprise. Pour l'instant, de telles rencontres ne se produisent pas, ce qui explique peut-être en partie le manque de dynamisme de certains de nos pôles.

Mme Valérie Pécresse, ministre. Pour moi, le plateau de Saclay constitue l'exemple tout à fait marquant d'une zone qui aurait tout à gagner de telles coopérations.

Si ces rapprochements sont en cours, notre priorité, aujourd'hui, c'est d'abord l'université. Je le répète, nous voulons consacrer à l'université l'essentiel des nouveaux moyens qui seront dégagés dans le budget pour 2008.

Monsieur Sueur, vous avez évoqué l'article 16 du projet de loi et les limites qui, selon vous, ne devaient pas être franchies s'agissant des personnels enseignants. Vous m'avez également fait part de votre inquiétude quant au recrutement de personnels enseignants contractuels. Sachez que, selon moi, ces craintes ne sont pas fondées.

Vous souhaitez qu'au sein des comités de sélection les représentants de la discipline de l'enseignant-chercheur recruté soient plus nombreux. Je vous rappelle tout de même que la pluridisciplinarité est de mise aujourd'hui ! Francis Giraud l'a souligné à juste titre s'agissant de la recherche biomédicale, mais cela vaut pour toutes les disciplines.

Or je suis frappée de voir à quel point les disciplines éprouvent des difficultés à s'ouvrir les unes aux autres. Il faut donc faire en sorte, me semble-t-il, que le comité de sélection, qui sera tout de même l'émanation de la communauté universitaire, soit pluraliste.

Monsieur Sueur, vous estimez que le présent projet de loi n'encadre pas suffisamment le recrutement des enseignants- chercheurs. Vous avez déposé un certain nombre d'amendements qui ont cet objet, et nous les examinerons, mais sachez que notre intention n'est vraiment pas que les enseignants-chercheurs universitaires n'enseignent plus à l'université !

Ce projet de loi vise à permettre aux universités d'aller recruter les meilleurs professeurs étrangers, de façon à créer en leur sein une dynamique internationale. Il n'est pas question de déséquilibrer le déroulement de la carrière des enseignants-chercheurs !

M. Jean-Pierre Sueur. Mais qui choisira les meilleurs professeurs ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. On dit souvent qu'en France les meilleurs étudiants et les meilleurs professeurs ne se rencontrent pas, parce que les premiers sont à l'université et les seconds dans les grandes écoles. Je vous laisse méditer cette affirmation, mesdames, messieurs les sénateurs, mais, pour ma part, je suis intimement persuadée que les meilleurs professeurs se trouvent aujourd'hui à l'université.

M. David Assouline. Qui est l'auteur de cette formule ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. C'est Jean-Hervé Lorenzi, dans l'ouvrage qu'il a consacré à l'université.

Monsieur Giraud, vous avez évoqué la médecine à l'université, en soulignant, à juste titre, qu'il fallait renforcer les liens entre l'université, les UFR de médecine et les hôpitaux.

En effet, si elles dispensent des formations, les UFR de médecine comprennent aussi de la pratique hospitalière et de la recherche. Or, aujourd'hui, les praticiens hospitaliers, qui sont aussi professeurs d'université, sont chargés à la fois d'enseigner, de soigner et de faire de la recherche, ce qui constitue pour eux, en quelque sorte, la quadrature du cercle !

Il est évident, me semble-t-il, que les UFR de médecine doivent s'inscrire dans la stratégie de recherche globale de l'université. En effet, comme vous l'avez souligné à juste titre, monsieur Giraud, la recherche médicale et biomédicale est aujourd'hui pluridisciplinaire, ce qui implique que les médecins des centres hospitaliers ? nos meilleurs médecins ?, soient liés à la recherche biomédicale de l'université.

Le directeur de l'INSERM m'a alertée pour me signaler que, parmi les candidats reçus au concours de cet établissement, on ne comptait aujourd'hui que 5 % de médecins.

Certes, il ne faut pas nécessairement être médecin pour faire de la recherche médicale ; comme vous l'avez très justement rappelé, monsieur Giraud, Pasteur n'était pas médecin ! Toutefois, en deçà d'un certain nombre de médecins recrutés, on atteint un étiage, qui ne permet plus à l'INSERM de réaliser des recherches biomédicales dans de bonnes conditions.

Il faut absolument régler ce problème, et c'est l'objet, me semble-t-il, d'un amendement de la commission des affaires culturelles qui est tout à fait excellent. J'avais demandé aux doyens des facultés de médecine de m'aider à rédiger cette disposition. Ils n'ont pas répondu à mon appel, mais je constate que certains sénateurs, eux, ont pleinement pris conscience de ces enjeux ! (Marques d'approbation sur les travées de l'UMP.) Je le répète, les conventions que les UFR de médecine signent avec les universités doivent s'inscrire dans les priorités de recherche de ces dernières.

Par ailleurs, quand j'ai reçu les doyens de médecine, j'ai tenté de les rassurer en ce qui concerne les nominations des membres des personnels enseignant et hospitalier des CHU, qui n'ont rien à craindre, compte tenu de leur spécificité de pratique hospitalière. En effet, aux termes de l'article L. 952-21 du code de l'éducation, tous les praticiens hospitaliers sont nommés par une décision conjointe du ministre de l'enseignement supérieur et du ministre de la santé.

Je ne suis pas parvenue à rassurer les doyens, qui étaient très préoccupés par cette question, et je note donc avec satisfaction, mesdames, messieurs les sénateurs, que vous souhaitez inscrire dans le présent projet de loi une référence à l'article L. 952-21 du code de l'éducation.

J'espère que cette disposition sera de nature à lever les inquiétudes et à dissiper l'anxiété qui s'était fait jour dans la communauté médicale, où l'on avait même affirmé que l'autonomie pourrait conduire les universités à recruter un biologiste ou un mathématicien plutôt qu'un psychiatre ou un pédiatre !

De toute façon, un professeur d'université en médecine est aussi un praticien hospitalier. Il est PU, mais il est également PH, et réciproquement ; il n'y a pas de PU sans PH ! Un poste hospitalier sera donc nécessairement créé en même temps qu'un emploi universitaire et il dépendra des deux ministres concernés, ce qui devrait rassurer pleinement les doyens de médecine.

Comme l'a rappelé très justement M. Giraud, la médecine a besoin de réforme et d'un meilleur ancrage dans l'université. Elle gagnera à rester au contact de toutes les autres disciplines.

Monsieur Raoul, vous avez réclamé une loi d'orientation, mais, je le répète, je ne souhaite pas bâtir une loi « cathédrale ». Vous vous êtes également inquiété du sort des petites et moyennes universités, mais celles-ci seront les premières à bénéficier de l'autonomie ! Enfin, vous vous êtes interrogé sur l'avenir des PRES. Je crois qu'en effet ceux-ci devront être mentionnés dans le présent projet de loi, afin qu'il n'y ait aucune ambiguïté et que l'autonomie des universités s'inscrive bien dans leur cadre.

Monsieur Lardeux, vous vous êtes inquiété de la compatibilité des modulations de service des enseignants avec les statuts de la fonction publique. Je vous le confirme, il y a bien compatibilité, comme l'a rappelé le Conseil d'État.

En réalité, il s'agit pour nous de fixer des règles générales de modulation de service, qui permettront aux jeunes enseignants-chercheurs de dispenser moins de cours dans la mesure où ils traversent la période de leur vie où ils sont les plus productifs pour la recherche ; en revanche, les chercheurs qui sont plutôt en fin ou en milieu de carrière et qui ont envie de diffuser leurs travaux pourront enseigner davantage et effectuer moins de recherches.

Il faut savoir que les évaluations internationales reposent aujourd'hui essentiellement sur les travaux de recherche. Or, selon les statuts, les enseignants-chercheurs doivent dispenser un nombre d'heures de cours qui est intangible, aucune modulation n'étant possible pour le moment. J'ajoute qu'ils doivent également assurer des tâches d'administration et d'accompagnent pédagogique des élèves ; nous souhaitons renforcer ces dernières, notamment dans le cadre du chantier « réussir en licence ».

Nous voulons que certains enseignants-chercheurs s'engagent à servir de tuteurs aux étudiants, ce qui suppose que cette mission soit valorisée dans leur cursus universitaire et professionnel, de la même façon que pour l'orientation active. Aujourd'hui l'ensemble du système repose sur le bénévolat et, à l'évidence, la communauté universitaire donne beaucoup et se voit finalement peu récompensée de ses efforts.

Monsieur Lardeux, vous avez regretté que le Gouvernement n'ait pas augmenté les droits d'inscription à l'entrée de l'université et vous en avez conclu que la réforme n'avait pas lieu.

Croire que l'augmentation des droits d'inscription permettra aux universités de disposer de véritables ressources est une illusion. Ce serait une goutte d'eau dans le financement universitaire, sauf à accroître ces droits de manière drastique, c'est-à-dire à les porter à 3 000 euros, voire à 4 000 euros par an, alors qu'ils sont actuellement d'environ 200 euros, 300 euros pour une inscription en doctorat.

Par ailleurs, agir ainsi donnerait l'impression fâcheuse que l'État, qui a laissé l'université devenir le parent pauvre de l'enseignement, se défausse de ses responsabilités sur les familles. En effet, qui paierait cette augmentation des frais d'inscription ? Aujourd'hui, 40 % des étudiants sont boursiers et bénéficient d'une exonération. Ce seraient donc les classes moyennes qui seraient prioritairement touchées, en particulier les familles nombreuses !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Avant d'être nommée ministre, j'ai été rapporteur de la mission d'information sur la famille et les droits de l'enfant ; je sais que les familles nombreuses estiment ? à juste titre ? qu'elles ne sont plus du tout aidées par la politique familiale de notre pays lorsque leurs enfants sont grands et entament des études, alors que leurs charges sont excessivement lourdes.

Il est de ma responsabilité de garantir que, tant que les diplômes de l'université seront insuffisamment qualifiants, tant que le taux d'échec à l'université sera aussi important, tant que l'orientation et l'accompagnement seront aussi peu développés, on ne demandera pas aux familles de financer ces formations. Ce serait opérer un transfert de responsabilité de l'État. En outre, ce n'est pas notre modèle national : dans notre pays, l'éducation nationale et l'université sont financées par la solidarité nationale.

M. Gérard Delfau. Très bien !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Enfin, il faudrait augmenter singulièrement le nombre d'étudiants boursiers, ce qui déséquilibrerait financièrement tout le système.

Selon vous encore, monsieur Lardeux, la sélection à l'entrée à l'université serait une solution à tous les problèmes. Je crains, malheureusement, que ce ne soit pas le cas, car la France ne compte pas assez d'étudiants.

Aujourd'hui, 37 % seulement des étudiants accèdent à la licence. Il nous faut parvenir à un taux de 50 % d'ici à 2010, pour ne plus être le 22e pays de l'OCDE en termes de formation des étudiants. Par conséquent, nous ne pouvons nous inscrire dans une logique malthusienne. Ce serait contraire à nos engagements, qui sont d'élever le niveau de qualification de tous les jeunes en leur offrant de bonnes formations.

Cela ne signifie nullement qu'il faut laisser s'inscrire tous les étudiants dans n'importe quelle formation et avec n'importe quelle compétence. Au contraire, il faut mettre en place le système d'orientation active que nous avons déjà longuement évoqué, lequel permettrait, d'une part, aux titulaires d'un baccalauréat technologique ? vous êtes nombreux à l'avoir souligné, mesdames, messieurs les sénateurs ? d'avoir plus facilement accès aux filières courtes qui ont été conçues pour eux et, d'autre part, aux bacheliers issus d'une filière générale d'oser aller à l'université.

Notre problème est le suivant : les bacheliers de l'enseignement général, notamment quand ils viennent de milieux défavorisés ou quand ils sont moins initiés aux subtilités de la carte des formations, laquelle manque aujourd'hui de cohérence, de lisibilité et de clarté, se dirigent d'abord vers les STS et les IUT. Ce sont en effet des filières courtes, qui les rassurent à plusieurs égards : elles leur offrent un horizon d'attente visible, une formation professionnalisante et, surtout, elles sont sélectives. Or ces bacheliers devraient intégrer l'université, car ils ont les capacités d'envisager une filière longue.

Aujourd'hui, notre système pèche donc par son défaut d'orientation, son défaut de pilotage et la faiblesse de qualité de ses licences. Nous devons donc lancer ce chantier.

Monsieur Dauge, vous avez parlé de coopération internationale et de rayonnement de la France. Je partage tout à fait votre opinion sur ce point. Je me rendrai bien volontiers à Tours dresser avec vous un bilan du système d'orientation active.

M. Henri Revol, président de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, a parlé de façon très juste du projet de loi, notamment du fait que la sélection à l'entrée n'avait pas lieu d'être.

Il a évoqué également les partenariats publics et privés, un aspect du texte qui n'a peut-être pas été suffisamment évoqué pour l'instant. Or il faut absolument développer ces partenariats dans le cadre de cette nouvelle université. Les décloisonnements, sous toutes leurs formes, y compris avec les grands organismes de recherche, qui ne sont pas prévus dans le projet de loi, devront être mis en oeuvre ultérieurement.

Monsieur Revol, vous avez souligné à juste titre que l'autonomie constituait un tel progrès que les grandes écoles la souhaitaient aussi. C'est un motif de satisfaction. Vous défendrez des amendements visant à permettre aux autres établissements publics d'enseignement supérieur de bénéficier du statut d'autonomie. Certes, je comprends ce souhait, mais je tiens à rappeler que les moyens budgétaires qui sont alloués à la réforme doivent d'abord aller à l'université.

Monsieur Mélenchon, selon vous, il ne faudrait pas commencer par la gouvernance. Au contraire ! C'est bien de cette manière-là qu'il faut procéder, car si on ne commence pas par la tête, on ne peut pas muscler les jambes ensuite !

M. David Assouline. Ce n'est pas sûr ! (Sourires.)

Mme Valérie Pécresse, ministre. Par ailleurs, vous avez affirmé qu'il ne fallait pas que cette réforme remette en cause la dissémination de l'enseignement supérieur sur tout le territoire. Il n'en est absolument pas question. Ce projet de loi n'entraînera aucun regroupement universitaire ; au contraire, les universités de province, plus petites, plus ciblées, auront beaucoup plus de facilité à s'approprier la réforme.

Certains s'interrogent sur les financements privés. Mais, pour une université qui se trouve dans un bassin d'emploi comprenant une ou deux belles entreprises qui recrutent beaucoup ? je pense à Michelin à Clermont-Ferrand ?, il n'est pas si difficile de tisser des liens avec les partenaires privés.

Vous avez raison de parler d'un mercato de professeurs, monsieur Mélenchon. Il existe, c'est vrai, mais nous en sommes les victimes. Dès lors, allons-nous rester passifs et nous laisser voler nos meilleurs cerveaux, nos chercheurs, nos enseignants ? Certes, on peut rester aveugle, nier la compétition internationale, soutenir qu'elle n'existe pas ou qu'il ne faut surtout pas en parler, et foncer dans le mur. Mais on peut aussi vouloir s'armer pour gagner cette compétition internationale. C'est l'objet de ce projet de loi ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Vous avez dit que l'attraction pour le CNRS était forte ? Il est vrai que 25 % des recrutements d'étrangers concernent le CNRS ? mais il n'en est pas de même pour l'université. Le désamour pour l'université est tangible ; il n'est qu'à voir le nombre d'étudiants étrangers inscrits. Il faut donc réagir.

Monsieur Dassault, vous avez évoqué l'insertion professionnelle ? cela ne nous a pas surpris ! ? et vous avez noté, comme moi, que ce serait désormais une troisième mission confiée à l'université. Confier l'insertion professionnelle aux universités représente déjà un changement de mentalité très profond, mais le plus remarquable, c'est que cette demande émane d'un syndicat étudiant, la Confédération étudiante, présidée par Mlle Julie Coudry, qui a souhaité que cela soit inscrit dans la loi ! Une partie des étudiants de ce pays a désormais bien conscience que, si l'université a d'abord la mission de former des hommes libres et de leur offrir le plus grand savoir, elle a aussi celle de leur assurer un avenir professionnel.

Monsieur Dassault, vous avez rappelé que les présidents d'université devraient être élus entre autres par des personnalités qualifiées. Nous aurons un large débat à ce sujet, je ne le déflorerai donc pas.

Enfin, vous avez lancé une idée qui me paraît excellente et que je souhaite volontiers promouvoir, celle d'un « GPS d'orientation professionnelle », sorte de logiciel d'orientation pour que les étudiants évitent l'écueil de l'échec. Si vous êtes prêt à porter ce type de projet, j'y suis pour ma part tout à fait favorable. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF et du RDSE.)

M. le président. Je rappelle que la discussion générale a été close.

Question préalable

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi relatif aux libertés et responsabilités des universités
Demande de renvoi à la commission

M. le président. Je suis saisi, par M. Renar, Mme David et Gonthier-Maurin, MM. Ralite, Voguet et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, d'une motion n° 1, tendant à opposer la question préalable.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi relatif aux libertés des universités (n° 367, 2006-2007).

Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à Mme Annie David, auteur de la motion.

Mme Annie David. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cette motion tendant à opposer la question préalable n'est pas pour nous une simple procédure formelle visant à faire durer nos débats. Permettez-nous tout d'abord de réaffirmer une nouvelle fois, du haut de cette tribune, qu'il est urgent de mettre en place une grande réforme progressiste de notre enseignement supérieur en y associant tous les acteurs de la société.

C'est parce que le texte qui nous est présenté tourne le dos aux exigences et aux défis d'une telle réforme que nous demandons à notre assemblée de ne pas poursuivre l'examen de ce texte.

Nous aurions pu défendre une motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité pour soulever combien la mise en concurrence des universités et l'abandon de toute préoccupation de cohérence nationale, portés par ce projet de loi, sont contraires au préambule de notre Constitution, qui reprend celui de la Constitution de 1946. (M. Bruno Sido s'exclame.)

Nous nous sentons d'autant plus autorisés à nous référer à ce texte que le Président de la République vient, avec raison, de réveiller dans notre conscience collective la mémoire des Résistants, qui ont donné leur vie pour que vive la France. En effet, chacun le sait, le préambule de 1946 reprend l'essentiel du programme du Conseil national de la Résistance. Je n'en citerai qu'un extrait : « La Nation garantit l'égal accès de l'enfant et de l'adulte à l'instruction... »

Or, et c'est bien cela que la communauté universitaire pointe aujourd'hui du doigt de manière unanime, les conditions de vie et d'étude des étudiantes et des étudiants se sont gravement dégradées ces dernières années. La perte de leur pouvoir d'achat, les problèmes de santé et de logement, les difficultés d'insertion qu'ils rencontrent sont devenus d'une acuité extrême.

Voilà la priorité nationale et l'urgence à traiter ! Oui, il faut réformer notre enseignement supérieur, mais il faut dans le même temps affirmer un statut social étudiant à partir d'une autonomie reconnue. À ce sujet, madame la ministre, je vous rappelle la pertinence du rapport de mission parlementaire sur les aides sociales étudiantes confié à votre collègue, aujourd'hui porte-parole du Gouvernement, qui appelait notamment au renforcement du système des bourses.

Nous ne pouvons laisser plus longtemps sévir une sélection sociale accrue au sein de nos universités. C'est une question de justice sociale. Or ? dois-je le rappeler ? ? une loi se doit d'être juste. Aristote l'énonçait en ces termes : « Le juste est ce qui est conforme à la loi et ce qui respecte l'égalité, et l'injuste ce qui est contraire à la loi et ce qui manque à l'égalité ».

Le mouvement étudiant contre le contrat première embauche, que nous avons soutenu contre votre majorité, a d'ailleurs témoigné de l'angoisse d'une jeunesse face à son présent et à son avenir. Il a aussi permis de faire éclater devant l'opinion publique l'indigence des moyens que notre nation consacre à ses universités.

Déjà, lors de la discussion budgétaire pour 2007, voilà moins d'un an, mon ami Ivan Renar demandait à cette tribune ? vous me permettrez de rappeler ses propos pertinents ? « un effort sans précédent pour renverser la tendance actuelle, qui voit les universités françaises se distinguer par l'indigence de leurs moyens ». Votre prédécesseur, le ministre délégué à l'enseignement supérieur et à la recherche, M. François Goulard, ne répondit rien à cette interpellation.

Vous-même, madame la ministre, vous nous présentez aujourd'hui un texte bien éloigné des besoins réels de nos universités. Plutôt que de discuter d'un tel projet de loi, nous aurions préféré débattre dans un premier temps d'un collectif budgétaire. Là est l'urgence, pour celles et ceux qui souhaitent prendre vraiment à bras-le-corps les problèmes de nos universités.

Certes, nous avons entendu que, durant les cinq prochaines années, le budget des universités augmentera de 1 milliard d'euros par an, mais de nombreuses questions restent en suspens quant à la répartition de cette somme. Néanmoins, l'effort est notable, nous ne pouvons que nous en féliciter. Mais le retard est tel que cet effort risque de se révéler finalement très insuffisant.

Dans cinq ans, il y aura donc 3 800 euros de plus par an et par étudiant inscrit à l'université. Ainsi, en 2012, ces dépenses seront portées à 10 500 euros au lieu des 6 700 euros actuels. La différence est nette, mais le délai est trop long.

Nous considérons qu'un effort supplémentaire est nécessaire, d'autant qu'il est possible : si l'on compare le milliard d'euros prévu pour les universités aux 11 milliards d'euros de défiscalisation ? voire plus après l'examen du projet de loi par l'Assemblée nationale ? que vous vous apprêtez à mettre en oeuvre, il est facile de démontrer que, si vous le décidiez, vous pourriez doubler le budget des universités.

Tout est affaire de choix politiques, et nous contestons les vôtres. Finalement, votre ambition n'est à la hauteur ni des besoins ni des enjeux. Ce n'est pas de sa « gouvernance » ? pour reprendre votre mot ? que souffre le plus notre université, même si nous sommes prêts à examiner des réformes nécessaires relatives à sa gestion.

Nous devons réaffirmer les attentes de la nation, les objectifs, les missions et l'organisation de l'ensemble de notre système d'enseignement supérieur, redéfinir la place respective des formations technologiques, des classes préparatoires, des grandes écoles, des instituts, des universités. Dans ce cadre, nous devons « revisiter » l'ancrage de l'enseignement supérieur avec la recherche, les méthodes pédagogiques, les contenus, les rythmes et les diplômes, pour aller vers une civilisation de la connaissance partagée, ouverte à tous les partenaires et au monde. C'est à partir de ces choix que nous devons réfléchir aux moyens qui doivent être dégagés pour permettre la réussite du plus grand nombre de nos jeunes, par une véritable démocratisation d'accès et non par une simple massification des effectifs. Nous attendons des mesures immédiates, dès la prochaine rentrée, dans ce domaine. Madame la ministre, vous venez de nous en annoncer une voilà un instant.

Comme vous pouvez le constater, nous sommes favorables à une transformation radicale de notre système de formation supérieure, mais dans le cadre d'une véritable réforme d'ensemble, validée par une loi de programmation, en dehors de toute urgence.

Pour autant, la précipitation, dont vous faites preuve, n'a jamais été bonne conseillère ; comment peut-on proposer une nouvelle organisation de l'université sans débattre, au préalable, de ses finalités, sans avoir de garantie pluriannuelle sérieuse de ses moyens, sans rien connaître des propositions de la nouvelle majorité sur le sens donné à sa démocratisation ni des mesures indispensables pour permettre la réussite de toutes les étudiantes et de tous les étudiants ?

De plus, l'université est en l'espèce complètement isolée du reste du système éducatif ; il est également oublié que la qualité et les performances de l'université commencent dès l'école maternelle ! Comment peut-on être rassuré sur votre conception de l'université de demain alors que l'on apprend que 17 000 postes d'enseignants vont être supprimés dans l'éducation nationale à la rentrée prochaine ?

N'est-il pas indispensable de tenter d'anticiper l'avenir ? N'est-ce pas cela l'art de gouverner ? Faire le travail à l'envers, comme vous nous le proposez aujourd'hui, est l'assurance de dysfonctionnements futurs. De surcroît, ce projet de loi est loin de répondre aux exigences de transparence, de transversalité, de complémentarité, de partenariat, de concertation et de démocratisation qu'appelle notre époque.

Au nom d'une certaine vision de l'autonomie, vous nous présentez, en réalité, un projet de loi qui ne fait qu'assurer le désengagement financier des pouvoirs publics et l'ouverture des financements de l'université au monde économique. Tel est finalement l'objectif essentiel de ce texte, et nous le rejetons, comme vous l'a expliqué mon collègue Ivan Renar, au nom de notre groupe.

Certes, le statu quo actuel n'est pas satisfaisant. Les processus décisionnels sont sans doute trop longs et les décideurs trop éloignés des réalités. D'autre part, la recherche, qui est au coeur de notre université, et qui doit y demeurer, nécessite toujours plus d'indépendance pour se développer. C'est pourquoi nous sommes favorables au renforcement de l'autonomie des universités, mais, comme je vous l'indiquais à l'instant, une autonomie qui s'inscrive dans une réforme d'ensemble de notre système d'enseignement supérieur. Or cela n'est possible que dans le cadre d'une réelle concertation.

Sur la question de l'autonomie, comme vous l'avez entendu, nous avons une tout autre vision de ce que vous appelez « la gouvernance ». Mais nous ne proposons pas en la matière une contre-réforme. Nous ne pouvons, en effet, contester le manque de concertation de votre part et, de notre côté, présenter un « prêt-à-porter » de propositions toutes ficelées.

Cependant, si nous partons de vos propositions de resserrer les pouvoirs, nous pourrions être tentés de dire « pourquoi pas ? » Mais alors, comme en toute démocratie, qui dit « pouvoir renforcé », dit « contre-pouvoir », « pluralisme », « représentation démocratique élargie » et « structure de concertation ».

En effet, faire face aux défis de demain appelle la mobilisation de toutes les forces vives du monde universitaire, surtout dans un contexte où les productions immatérielles sont de plus en plus reléguées au rang de vulgaires marchandises, évaluées en termes de rentabilité et de parts de marché. Pour étayer mon propos, je citerai également, à l'instar du président de la commission des affaires culturelles, une phrase du rapport de MM. Jean-Pierre Jouyet et Maurice Lévy, président du groupe Publicis, intitulé « L'économie de l'immatériel » : « Il convient donc de traiter économiquement le capital humain » car « l'immatériel devient la principale source de création de valeur ».

Ce travestissement, pour ne pas dire ce dévoiement des valeurs, va à l'encontre d'une société de la connaissance pour toutes et tous et remet en cause le principe même de service public. Cette approche technico-financière ne laisse guère de place à la production et à la diffusion des connaissances et des savoirs, riches d'une diversité scientifique, qui est le socle même de notre civilisation.

En fait, il est urgent de ne pas légiférer vite. Au contraire, il faut prendre le temps de légiférer bien. L'avenir de notre système d'enseignement supérieur et de recherche ne saurait pâtir d'une précipitation résultant de calculs politiciens.

De plus, s'agissant d'une question de société de cette importance, qui est suivie attentivement par de très nombreux concitoyens, il est indispensable de mieux respecter la démocratie. Sinon, c'est l'absolutisme qui s'installe. Or nous n'en sommes pas loin, avec le droit de veto que vous remettez entre les mains du président, son pouvoir de nomination au sein du conseil d'administration et les libéralités financières dont il dispose de façon discrétionnaire pour récompenser les collaborateurs de son choix.

En fait, votre proposition apparaît comme un règlement de compte avec l'ouverture de nos facultés au plus grand nombre, la gestion démocratique des universités, le respect des franchises universitaires et des statuts, issus du formidable mouvement social, universitaire et étudiant de Mai 68, dont, nous le savons, le Président de la République souhaite faire disparaître toute trace.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dans le temps qui m'est imparti, je crois vous avoir fait part de nombreux motifs qui justifient le dépôt de cette motion de procédure. Mais il en est encore un dernier sur lequel je souhaite attirer tout particulièrement votre attention.

Ce point a été souligné par plusieurs orateurs, dont le rapporteur, Jean-Léonce Dupont : le Président de la République, le Premier ministre et vous-même, madame la ministre, avez dit combien cette réforme était pour vous essentielle. Elle serait même la plus importante que vous aurez à mener durant cinq ans. Et pourtant, c'est dans la précipitation que vous nous la présentez.

Dès votre nomination, vous avez mis en place divers ateliers de concertation avec le monde universitaire. Bon départ, si je puis me permettre cette remarque ! Les sujets qui ont été alors abordés ont été multiples. Mais aucun ne traitait de la gouvernance, alors que vous vous apprêtiez à faire paraître un projet de loi sur ce sujet. Pour le coup, cela prend un mauvais virage.

Par ailleurs, le premier projet n'a été rendu public que deux jours avant la réunion du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche, le CNESER. Qui plus est, vous avez annoncé qu'il serait présenté huit jours après en conseil des ministres, sans qu'il soit prévu d'autres réunions formelles de concertation. Là, c'est un virage à 180 degrés !

Ensuite, ce projet a été repoussé d'une semaine pour permettre au Président de la République de mener des consultations. Au terme de ces dernières, des modifications non négligeables ont été apportées au texte, sous la pression des organisations syndicales. C'est, en quelque sorte, un nouveau départ, et un autre projet est alors porté à la connaissance de toutes et tous et présenté comme définitif. Or le texte soumis au conseil des ministres du 4 juillet est encore transformé et ce n'est que le 5 juillet que nous sommes saisis du texte définitif pour l'étudier. De surcroît, vous déclarez l'urgence.

Ainsi, alors que vous estimez le projet de loi fondamental, le Sénat n'aura eu que sept jours pour l'examiner, pour organiser des concertations et des auditions et pour préparer des amendements ! Un délai si bref, vous en conviendrez, ne permet ni une véritable concertation, ni un échange de vue des parlementaires avec les différentes composantes de la communauté universitaire, ni même le recul nécessaire pour aborder avec sérénité et clairvoyance ce projet de loi, dont vous déclarez pourtant, je le rappelle, qu'il est l'un des plus importants de la nouvelle législature.

Nous ne pouvons accepter une telle remise en cause du travail parlementaire, malgré les propos rassurants que vous venez de tenir. Il s'agirait d'enregistrer, ni plus ni moins, une décision du Président de la République que vous ne vous y prendriez pas autrement. Mais pourquoi le Gouvernement cherche-t-il à imposer ce texte à la va-vite, dans une précipitation qui ne permet pas un réel débat constructif ? Pourquoi tant de hâte ? Le Gouvernement a-t-il donc tant de raisons de redouter le débat d'idées, la discussion, la contradiction ?

Outre cette course contre la montre, la méthode est, elle aussi, désastreuse. Trois versions ont été présentées. Cela pourrait être assimilé à de la concertation, mais proposer trois textes différents en une seule semaine témoigne davantage d'une fébrilité certaine, qui n'aura échappé à personne.

Il est d'ailleurs intéressant de constater qu'à chaque nouvelle version le projet de loi a changé d'intitulé. On est ainsi passé d'un projet de loi « portant organisation de la nouvelle université », à un projet de loi « relatif à la gouvernance et aux nouvelles compétences des universités », pour enfin parvenir au titre définitif, sans doute plus consensuel et surtout plus « porteur », de projet de loi « relatif aux libertés des universités ». Mais de quelles libertés est-il question ? De celle du marché de dicter sa loi aux universités ou de celle de la communauté universitaire de mieux prendre son destin en main pour répondre aux défis de la mondialisation des savoirs ? Je crois avoir fait la démonstration que les réformes urgentes n'étaient pourtant pas là.

En cela, nous sommes solidaires de l'ensemble du monde universitaire, qui porte d'autres exigences nécessitant un allongement de la concertation. Je vous rappelle l'une de ses initiatives, le lancement des assises de l'enseignement supérieur et de la recherche, dont le premier temps fort se déroulait le 2 juillet et auxquelles ont participé de nombreuses personnalités du monde universitaire. Pourquoi, madame la ministre, ne pas vous être appuyée sur cet événement, organisé conjointement par diverses organisations représentatives de nos universités ? Pourtant, l'irrésistible besoin de moderniser notre université, cette « impérieuse nécessité », avez-vous dit, aurait dû être une formidable occasion d'approfondir et de donner un souffle nouveau aux fondements même des conquêtes éducatives, culturelles, sociales, scientifiques de notre société et de veiller au partage du meilleur de ce que sont capables de mettre au monde la « matière grise » et l'imagination humaine.

C'est pourquoi nous dénonçons non seulement la méthode employée, mais également le projet en lui-même, car nous ne pouvons accepter de repousser les réformes nécessaires pour répondre aux défis de notre université. C'est pourtant ce que vous faites, et je reprendrai à mon compte, s'il me le permet, l'expression « vice de forme » employée par notre collègue Jean-Luc Mélenchon, pour exprimer mon sentiment.

Vous prenez ainsi le risque de sacrifier une génération d'étudiants. C'est une bien grande responsabilité ! Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, nous vous demandons d'adopter cette motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur de la commission des affaires culturelles. Les auteurs de la motion affirment, tout d'abord, que l'autonomie est réalisée sans rénovation du cadre national de l'enseignement supérieur. Cette critique est pour le moins paradoxale, dans la mesure où cette réforme suscite de vives protestations de ses détracteurs, qui dénoncent un glissement essentiel « dans les missions du service public de l'enseignement supérieur » et qui évoquent « un remodelage complet de l'enseignement supérieur bien au-delà des seules questions d'organisation ».

Tous ces commentaires prouvent bien que le cadre de l'université est profondément rénové.

Les auteurs de la motion dénoncent, par ailleurs, l'absence de moyens financiers et humains pour accompagner cette réforme. Cette affirmation n'est pas fondée.

Le Premier ministre, dans son discours de politique générale, a confirmé la promesse du Président de la République de faire de l'enseignement supérieur une priorité absolue. Il s'est engagé à ce que ce secteur bénéficie chaque année d'un milliard d'euros supplémentaire pendant cinq ans. C'est un effort considérable au regard des crédits du programme « Enseignement supérieur et recherche universitaire » d'un montant de 12,5 milliards d'euros pour 2007. La hausse sera de près de 8 %.

Enfin, l'objectif de réussite de tous les élèves ne figure certes pas dans le projet de loi, mais il fait l'objet de l'un des cinq chantiers que vous avez ouverts, madame la ministre, à la demande des syndicats d'étudiants lors de la récente concertation. Il s'agit du chantier « réussir en licence », qui vise à proposer des solutions pour lutter contre l'échec en premier cycle universitaire et à faire de la licence un diplôme qualifiant et un tremplin vers la poursuite d'études ou vers le marché du travail.

Pour tous ces motifs, la commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Même avis défavorable.

M. le président. Personne ne demande la parole ?....

Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.

(La motion n'est pas adoptée.)

Demande de renvoi à la commission

Question préalable
Dossier législatif : projet de loi relatif aux libertés et responsabilités des universités
Intitulé du titre Ier

M. le président. Je suis saisi, par MM. Bodin et Assouline, Mme Blandin, MM. Dauge, Lagauche, Mélenchon, Raoul, Sueur, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, d'une motion n°36, tendant au renvoi à la commission.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des affaires culturelles le projet de loi relatif aux libertés des universités (n° 367).

Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

Aucune explication de vote n'est admise.

La parole est à M. Yannick Bodin, auteur de la motion.

M. Bruno Sido. Encore une manoeuvre !

M. Yannick Bodin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, qui, aujourd'hui, contesterait la nécessité d'une réforme de l'université en France ?

M. Yannick Bodin. Il s'agit d'une réforme d'importance, qui mérite une réflexion en profondeur, avec un objectif majeur : former au plus haut niveau le maximum de jeunes Français ; lutter contre l'échec, et ce d'abord au niveau de la licence ; attribuer des moyens financiers suffisants à l'université, lesquels sont aujourd'hui inférieurs à ceux qui sont consacrés à l'enseignement secondaire ; accompagner par la pédagogie et le soutien individuel nécessaire, y compris sur le plan social, les jeunes des familles modestes ; repenser la place de la recherche ; définir le contenu des formations, avec l'ambition de donner à chacun la chance d'un débouché professionnel. Bref, une belle ambition !

Or, madame la ministre, que nous propose-t-on aujourd'hui ? Il s'agit de traiter d'un sujet d'ampleur, mais ce texte ne met-il pas la « charrue avant les boeufs » ? En effet, vous redéfinissez l'outil, mais sans fixer les objectifs, sans dire clairement où vous voulez aller.

Alors que nous attendions un projet de réforme de l'université, un seul volet nous est aujourd'hui présenté, celui de la gouvernance. Il n'est pas médiocre, mais nous l'aurions vu davantage comme un aboutissement de la réforme.

Certes, vous pouvez vous prévaloir de présenter un projet dont le Président de la République a eu l'occasion de discuter avec les partenaires concernés.

Pour autant, qu'en est-il du rôle du Parlement ? À l'heure où le Président de la République et le Gouvernement évoquent sans cesse la revalorisation du rôle du Parlement, à l'heure où des révisions institutionnelles sont annoncées, à l'heure où l'on prétend donner tout son sens au débat avec la représentation nationale, pourquoi nous présenter ce projet de loi à la sauvette ? Et pourquoi avoir déclaré l'urgence ?

Certes, nous direz-vous, tous vos projets sont urgents. Nous avons déjà entendu cet argument au cours de la législature précédente. Auparavant, il y avait urgence parce que la législature se terminait. Aujourd'hui, c'est parce qu'une nouvelle commence !

Or le Parlement, faut-il rappeler cette évidence, c'est l'Assemblée nationale et le Sénat, et le travail parlementaire, c'est l'échange entre les deux assemblées. La navette est donc au coeur du travail parlementaire. Madame la ministre, en déclarant l'urgence sur ce texte, vous ne respectez pas la représentation nationale ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)

Par ailleurs, nous avons vu la commission des affaires culturelles engager l'étude du projet de loi et procéder à plusieurs auditions avant même que celui-ci ait été finalisé et présenté aux parlementaires. À tel point que, jusqu'à votre venue devant la commission, plusieurs textes ont circulé, ce qui a conduit chacun d'entre nous à s'interroger sur le contenu exact du texte qui nous serait soumis. Il aura fallu attendre le 5 juillet pour que vous veniez présenter votre projet de loi définitif devant la commission, soit moins d'une semaine avant le débat en séance.

Et que dire du droit d'amendement, qui a été particulièrement maltraité ? Est-il admissible que la commission se réunisse en ce moment même pour examiner les amendements, en fait pour voir défiler les numéros d'amendements sans qu'un véritable échange soit possible ? De telles conditions de travail sont-elles acceptables ? Loin de mettre en cause les efforts de M. rapporteur, je lui rends hommage au contraire, car son travail n'est pas facile, mais l'énumération des amendements, ce n'est pas l'examen des amendements !

Madame la ministre, une telle réforme, dont l'ambition est de repenser l'avenir de toute la jeunesse française, ne peut être bâclée en moins d'une semaine ! Nous souhaitons un rééquilibrage institutionnel entre l'exécutif et le législatif, et nous ne pouvons accepter de nous plier à la méthode que le Gouvernement nous impose. Commencez donc par nous donner du temps : c'est tout le sens de cette motion de renvoi.

Venons-en maintenant à ce projet de loi sur la gouvernance des universités, qui, nous l'avons constaté, a changé plusieurs fois de titre. De projet de loi « relatif à l'autonomie des universités », il s'est transformé en projet de loi « portant organisation de la nouvelle université », puis en projet de loi « relatif à la gouvernance et aux nouvelles compétences des universités », enfin en projet de loi « relatif aux libertés des universités ».

Si les principaux intéressés ont été brièvement consultés, sur quoi se sont-ils prononcés, sur quoi ont-ils émis un avis ? Sur de grands principes, qui peuvent sans doute rassembler le plus grand nombre. Mais qu'y a-t-il d'aussi important que les principes, sinon les moyens dégagés, les mesures annoncées et affirmées, c'est-à-dire les mesures concrètes ?

C'est bien là la faiblesse de votre texte, et je crains que les déceptions n'apparaissent rapidement, quand chacun constatera que chaque élément de la réforme souffre d'un manque cruel d'engagements précis de la part du Gouvernement. Nous avons donc de bonnes raisons, aujourd'hui, de vous dire notre inquiétude et notre volonté d'approfondir le débat.

J'ai bien écouté vos réponses aux questions que nous avons posées dans la discussion générale. Permettez-moi de revenir sur un certain nombre de sujets qui auraient mérité une plus large et plus longue concertation.

Toutes les universités seront concernées par l'autonomie, puisqu'il n'y aura pas d'autonomie « à la carte ». Cependant, elles ne sont pas toutes au même niveau et ne disposent pas des mêmes capacités humaines et financières. Dans ces conditions, quel accompagnement financier est prévu ?

Le premier milliard destiné à ce secteur a été promis par le Président de la République pour 2008. Cependant, si vous voulez tenir votre calendrier et, puisque vous dîtes qu'il y a urgence, c'est dès la rentrée 2007 que les premières mesures doivent être financées ! Nous insistons donc sur ce point : il faut adopter un collectif budgétaire dès maintenant.

Autre question à nos yeux primordiale : que deviendront les statuts des personnels ? On peut admettre que des moyens nouveaux de recrutement soient offerts, mais il faudra veiller au respect des statuts. De ce point de vue, des précisions sont absolument nécessaires.

Pour ce qui est du patrimoine immobilier, la situation de vétusté et d'insalubrité de nombre de ses bâtiments est notoire. Comment l'État entend-il financer ces travaux massifs de remise à niveau ? La réponse ne figure pas dans le projet de loi !

Lors de la décentralisation des lycées, entre 1984 et1985, l'État a créé une dotation générale de décentralisation pour accompagner les régions. Toutefois, malgré des efforts budgétaires reconnus par tous, les programmes de rénovation ne sont pas achevés vingt ans après. Dès lors, quelles garanties allez-vous accorder aux universités, qu'elles aient choisi ou non d'assurer cette compétence ? Où en serons-nous dans vingt ans ?

J'en conviens, tout le monde s'en est d'ailleurs aperçu, il est difficile de réformer les universités. Plus d'un gouvernement s'y est cassé les dents ! Aussi est-il nécessaire, avant de voter quelque texte que ce soit, de mener une large concertation. Il faut prendre le temps du débat, en particulier du débat parlementaire. Madame la ministre, le compte n'y est pas, nous demeurons insatisfaits !

Concernant la gouvernance, des interrogations subsistent. La mise en place d'un conseil d'administration composé de vingt à trente membres manque de souplesse et laisse une place insuffisante aux représentants des étudiants.

Nous insistons également pour que la réflexion s'approfondisse sur le rôle du conseil scientifique et du conseil des études et de la vie universitaire, qui ne sauraient être privés de leur pouvoir et de leur influence !

Bref, ce sont autant de questions posées et dont les réponses restent trop imprécises !

Quant à la sélection, certes il n'en est pas fait mention, le mot n'apparaît pas, mais l'inquiétude persiste, puisque l'entrée en mastère fera l'objet d'un texte particulier ultérieur. Quelle assurance nous donnez-vous que ce mot ne réapparaîtra jamais ?

M. Bruno Sido. Conservateur !

M. Yannick Bodin. C'est un chiffon rouge ! Prenez garde de l'agiter ! Vous connaissez la vigilance des étudiants...

Nous souhaiterions que vous redéfinissiez dès maintenant votre politique de l'orientation, car cette dernière ne saurait se faire par l'échec, qui est le grand mal français de l'orientation. Nous avons besoin d'une orientation active, pour accompagner les ambitions, les capacités et ? pourquoi pas ? ? les rêves des étudiants.

En ce qui concerne les fondations, des partenariats seront engagés et développés, mais une condition doit être posée : c'est l'éducation nationale et les universités qui resteront pilotes, maîtres de leur choix. Il faut leur garantir qu'elles ne subiront pas les diktats des lobbies. Le monde universitaire doit travailler avec le monde économique, pour être à son écoute. Mais il ne saurait être soumis, ni pour son enseignement, ni pour ses programmes de recherche, ni pour ses financements.

Vous avez annoncé cinq chantiers, sur lesquels je ne reviendrai pas, puisque d'autres l'ont fait avant moi. Certains auraient sans doute exigé que l'on commençât par les mettre en oeuvre.

Si vous le permettez, madame la ministre, j'évoquerai pour ma part un sixième chantier, celui des classes préparatoires aux grandes écoles. La commission des affaires culturelles a créé une mission d'information portant sur la diversité sociale et l'égalité des chances dans la composition des classes préparatoires aux grandes écoles. Cette mission n'a pas pour objectif de traiter du sujet plus global des relations entre les grandes écoles et l'université, même si la question de la diversité sociale ou de l'égalité des chances demeure, quels que soient le statut et le niveau des relations des unes et des autres. En tant que rapporteur de cette mission, j'espère qu'elle sera en mesure de vous présenter le fruit de ses travaux, dans le consensus, au mois de septembre prochain.

Il faudra ensuite, j'en suis convaincu, aborder la question des relations entre les grandes écoles et les universités.

Enfin, une triple question d'ensemble se pose désormais : quel sera le calendrier de la grande réforme annoncée ? Quelle concertation mettrez-vous en oeuvre ? Et surtout, allez-vous, à chaque fois qu'il s'agira de textes législatifs, nous « refaire le coup » de l'urgence ? Serons-nous saisis en une semaine, comme ce fut le cas pour ce que vous appelez le premier volet ? Le Parlement sera très attentif à la manière dont vous saurez l'associer, suffisamment en amont, à vos projets, c'est-à-dire à la manière dont vous le traiterez.

Pour l'heure, nous ne pouvons être satisfaits ni des conditions dans lesquelles le Gouvernement nous impose de travailler ces jours-ci, ou plutôt ces nuits-ci, ni des réponses aux questions légitimes que nous nous posons sur la mise en oeuvre de la nouvelle gouvernance de l'université et sur les moyens qui y seront consacrés.

Nous demandons de pouvoir travailler sérieusement, avec vous et tous les partenaires concernés. Il nous faut un peu de temps, car, avouez-le, cela en vaut la peine ! C'est la raison pour laquelle nous vous invitons, mes chers collègues, à adopter cette motion tendant au renvoi à la commission. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Mon cher collègue, je ne répondrai pas sur le fond et me contenterai de reprendre les éléments de forme que vous venez d'évoquer.

Qui, aujourd'hui, peut considérer que nous pouvons encore différer la rénovation de nos universités ?

Les auteurs de la motion estiment que les délais réduits auxquels a été contrainte la commission pour l'examen de ce texte, après sa présentation en conseil des ministres, ne permettent pas une discussion sérieuse du projet de loi en séance publique.

Or j'ai le sentiment, monsieur Bodin, que nous venons d'en avoir la démonstration contraire ! En effet, après la discussion générale, Mme la ministre a bien voulu répondre d'une façon extrêmement détaillée à chacun des orateurs, et il est bien évident que la discussion paraît engagée à partir d'une parfaite maîtrise du sujet.

Certes, les délais qui nous ont été impartis par le Gouvernement sont extrêmement serrés, mais nous attendons ce projet de loi depuis si longtemps que l'urgence commande de ne pas perdre une année de plus pour mettre en place une réforme que la communauté universitaire réclame.

D'ailleurs, lors des concertations que nous avons eues avec les professeurs, les étudiants et tous les salariés qui travaillent à l'université, nous avons senti leur désir que les choses aillent vite. C'est la raison pour laquelle ce projet de loi doit impérativement être examiné cet été, afin qu'il puisse entrer en application dès la rentrée universitaire.

Comme vous l'avez rappelé, mon cher collègue, notre commission s'y prépare depuis plusieurs années, puisqu'elle avait été saisie dès 2003 d'un avant-projet de loi sur l'autonomie des établissements d'enseignement supérieur, dont chacun se souvient ici.

Je tiens en outre à rappeler que les travaux d'information de la commission ? vous y participez, monsieur Bodin, comme vous venez de le rappeler ? sont justement effectués pour préparer le plus en amont possible la réflexion sur les sujets de sa compétence. Elle a placé ce dossier au rang de ses priorités, mettant à profit les retards successifs sur le calendrier parlementaire.

C'est ainsi que nos missions d'information à l'étranger, auxquelles ont participé plusieurs des signataires de la motion, ont, depuis trois ans, été consacrées à l'étude de l'organisation de l'université en Chine, aux États-unis, en Allemagne et, très récemment, au Japon. Vous ne pouvez pas dire que nous n'avons pas fait un travail comparatif !

Nous nous sommes également penchés sur la question du patrimoine immobilier universitaire, qui a fait l'objet d'un rapport d'information de notre excellent rapporteur, Jean-Léonce Dupont. Ce dernier a d'ailleurs complété son information sur le même thème en se rendant en Allemagne, en Grande Bretagne et en Suède. Il est donc particulièrement opérationnel sur ces questions aujourd'hui.

J'ajoute que, voilà deux ans, à l'occasion des mouvements étudiants suscités par la mise en oeuvre du nouveau système « Licence-Mastère-Doctorat », dit LMD, nous avions organisé plusieurs tables rondes sur l'avenir de l'université dont les comptes rendus ont été publiés. Cela nous a fourni un support, un substrat de compétences irremplaçable qui nous permet d'aborder aujourd'hui l'étude de ce projet de loi en toute connaissance de cause.

Quant à la préparation proprement dite du projet de loi, la commission a organisé l'audition des principaux acteurs de la communauté universitaire et des organisations syndicales représentatives, tant étudiants qu'enseignants, et le rapporteur a auditionné en outre un certain nombre de personnes dont vous trouverez la liste en annexe du rapport.

Madame la ministre, nous avons été frappés par la maîtrise de nos interlocuteurs sur le sujet traité, que ce soient les présidents d'université, notamment leurs représentants au sein de la CPU, ou encore les étudiants et les représentants des syndicats. Tous sont venus parfaitement conscients de l'enjeu que constitue le texte que vous avez mis au point et que vous nous proposez et ont apporté leur contribution.

Naturellement, on peut accepter ou non les propositions qui ont été faites. Mais nous avons été frappés par le réalisme et le sérieux avec lequel elles ont été préparées et présentées par nos interlocuteurs.

Certains d'entre nous, ici présents, s'en souviennent, les interlocuteurs que nous avions voilà une vingtaine d'années, dans les années 1986-1987, n'avaient pas, de part et d'autre, la même maîtrise que nos interlocuteurs actuels.

M. David Assouline. Parlez-vous de René Monory ?

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Entre-temps ils ont grandi et sont passés du statut d'étudiants au statut de parlementaires. (M. David Assouline sourit.)

En tout cas, les interlocuteurs actuels sont un peu plus conscients et maîtrisent mieux le sujet que par le passé.

Cher Yannick Bodin, nous sommes prêts et parfaitement informés ! La commission a donc émis un avis défavorable sur la motion de renvoi à la commission.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix la motion n° 36, tendant au renvoi à la commission.

(La motion n'est pas adoptée.)

M. le président. En conséquence, nous passons à la discussion des articles.

TITRE Ier

LES MISSIONS DES UNIVERSITÉS

Demande de renvoi à la commission
Dossier législatif : projet de loi relatif aux libertés et responsabilités des universités
Article additionnel avant l'article 1er

M. le président. L'amendement n° 37, présenté par M. J.L. Dupont, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit l'intitulé du titre Ier :

Les missions du service public de l'enseignement supérieur

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur. Le titre Ier du projet de loi comprend un article unique qui tend à compléter les missions des établissements d'enseignement supérieur. L'amendement vise à modifier cet intitulé, puisque l'article du code concerné vise les missions de l'enseignement supérieur, lesquelles ne concernent pas que les seules universités.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Si l'intitulé proposé par M. le rapporteur est juridiquement plus juste, le Gouvernement tient particulièrement à ce que figure dans l'intitulé du titre Ier le mot « universités », qui est au coeur de la réforme. Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.

M. Daniel Raoul. Cela commence bien !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 37.

(L'amendement est adopté.)

M. David Assouline. C'est grâce à nous ; heureusement que l'opposition est là !

M. le président. En conséquence, l'intitulé du titre Ier est ainsi rédigé.

Intitulé du titre Ier
Dossier législatif : projet de loi relatif aux libertés et responsabilités des universités
Article 1er

Article additionnel avant l'article 1er

M. le président. L'amendement n° 117, présenté par M. Assouline, Mme Blandin, MM. Bodin, Dauge, Lagauche, Mélenchon, Raoul, Sueur, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Les universités françaises bénéficieront, pour mettre en oeuvre leurs nouvelles compétences, d'un investissement important de l'État faisant l'objet d'une loi de programmation quinquennale, qui sera présentée au Parlement d'ici à la fin de l'année 2007. Cette programmation portera sur la période 2007-2012.

La parole est à M. David Assouline.

M. David Assouline. Cet amendement porte sur un sujet que nous avons longuement développé lors de la discussion générale, à savoir la nécessité d'une loi de programmation.

L'autonomie n'a aucun sens sans les moyens qui permettent de l'exercer en toute responsabilité. Or les faits sont têtus : la République sous-finance son service public de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Ainsi, la dépense moyenne de l'État par étudiant se montait à 6 800 euros en France en 2005, contre 9 000 euros en moyenne dans les autres pays de l'OCDE. La même année, la France consacrait 1,1 % de son produit intérieur brut à l'enseignement supérieur, contre 1,4 % en moyenne dans les pays de l'OCDE et 2,6 % aux États-unis.

Il faut aussi souligner qu'aux côtés d'universités publiques sous-financées existent des institutions d'enseignement supérieur très performantes pour les élites. La dépense publique moyenne s'élevait à 9 135 euros par étudiant inscrit à l'université en 2005, contre 13 000 euros par élève de classe préparatoire aux grandes écoles et 24 000 euros par étudiant des grands établissements les plus prestigieux.

Autrement dit, il faut, d'urgence, mettre fin à l'inéluctable paupérisation de nos universités et leur donner les moyens de l'excellence. Il est donc essentiel que le législateur s'engage, en préambule au dispositif du présent projet de loi, à accompagner l'amélioration de la gouvernance des universités d'une loi de programmation planifiant un investissement financier massif de l'État en faveur du service public de l'enseignement supérieur sur la durée de la législature.

Cette loi de programmation aura pour objet de mobiliser des ressources publiques significatives, afin qu'en 2012 la France consacre à l'enseignement supérieur une part de son produit intérieur brut au moins comparable à celle qu'investissent en moyenne ses partenaires membres de l'OCDE.

Madame la ministre, permettez-moi de terminer mon intervention en vous posant de nouveau une question qui est directement liée à cette proposition et à laquelle vous n'avez pas répondu : dans l'enseignement supérieur, le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux est-il toujours envisagé ? Où en sont vos réflexions sur ce sujet ? Lorsque vous répondez que la négociation budgétaire est toujours en cours et donc que rien n'est encore arrêté, cela signifie-t-il que la réponse reste ouverte ?

Il est important que les étudiants, et surtout les personnels de l'enseignement supérieur, sachent, avant la rentrée prochaine, ce qui va leur arriver, d'autant que M. Xavier Darcos a eu « le mérite » d'annoncer clairement des milliers de suppression de postes pour la rentrée prochaine dans l'éducation nationale. Qu'en est-il pour l'enseignement supérieur ?

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur. Nous connaissons tous les chiffres qui ont été évoqués par notre éminent collègue. Mais le Président de la République a pris un engagement pour les cinq années à venir. Nous veillerons à la traduction de ces engagements dès le projet de loi de finances pour 2008. Par conséquent, la commission est défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement.

Je vais répondre à la question que vous m'avez posée, monsieur Assouline. Quand je dis que je suis en négociation budgétaire, c'est que je suis effectivement en négociation budgétaire ! Une priorité budgétaire a été donnée à mon ministère : 1 milliard d'euros supplémentaires a été dégagé pour l'année prochaine. Pour moi, investir dans l'université et dans la recherche, c'est investir dans l'avenir : les objectifs de Lisbonne doivent être respectés !

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau, pour explication de vote.

M. Gérard Delfau. Madame la ministre, je saisis l'occasion de la discussion de cet amendement pour vous dire que je n'ai pas été convaincu par les raisons que vous m'avez données concernant la demande de collectif budgétaire.

Il s'agit pourtant d'une méthode habituelle dans des situations particulièrement graves. Or, vous le savez mieux que personne pour l'avoir décrite vous-même, la situation de l'université française n'est pas bonne.

Dans mon esprit, l'utilisation de cette voie aurait en outre permis d'adresser un signal à la communauté universitaire. Nous le savons tous, si le projet de loi que vous nous présentez est nécessaire, il ne paraît pas évident à toutes les composantes. C'est pourquoi il me semble utile que le Gouvernement fasse un geste, dans le courant du mois de juillet ? après tout, ce soir n'est pas le terme ultime ! ?, pour la rentrée de septembre. Il y va de la crédibilité du texte que vous nous demandez de voter.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. Madame la ministre, on ne peut répondre avec désinvolture à l'amendement que nous avons déposé.

En commission des finances, j'ai interrogé le rapporteur pour avis, Philippe Adnot, sur l'engagement du Président de la République relatif aux fameux 5 milliards d'euros. Au moment où nous examinons ce texte, nous ne savons pas s'il s'agit de un milliard par an pendant cinq ans ou de un milliard de plus chaque année, soit un milliard la première année, deux milliards la deuxième année et ainsi de suite.

L'amendement que nous présentons est très important. L'objectif, avez- vous dit à plusieurs reprises, y compris ce soir, est d'arriver à 10 000 euros par étudiant. En même temps, et c'est une ambition que nous partageons, vous souhaitez que le pourcentage d'étudiants entrant à l'université passe de 37 % à 50 %. Sachant que les étudiants sont au nombre de 1 400 000, avec une honnête et simple opération arithmétique, on arrive bien au-delà du chiffre de 5 milliards !

Vous nous renvoyez à la discussion du projet de loi de finances et vous refusez le principe d'un collectif budgétaire. Mais comment voulez-vous que nous ayons confiance dans l'engagement qui a été pris, alors que vous ne voulez pas répondre à la question que nous posons par le biais de cet amendement ? Comprenez que nous insistions sur ce point !

Notre collègue Delfau a raison : s'il n'y a pas de collectif budgétaire, qu'allons-nous faire ? De toute façon, pour parvenir à l'objectif annoncé, il faudrait une masse de crédits beaucoup plus considérable que les 5 milliards qui ont été annoncés, somme que vous risquez d'ailleurs, compte tenu de l'état des finances publiques, d'avoir du mal à trouver, sauf par redéploiement, voire par compression d'autres dépenses dans votre budget.

M. le président. La parole est à M. Ivan Renar, pour explication de vote.

M. Ivan Renar. Nous voterons l'amendement n° 117 car, effectivement, pour le moment, le financement des universités est dans un clair-obscur !

Si j'ai bien compris, le projet de loi de finances est bouclé ; en tout cas, les arbitrages ont été rendus.

Mme Valérie Pécresse, ministre. Non !

M. Ivan Renar. Le fait que Bercy annonce dix-sept mille suppressions d'emplois tandis que le ministère de l'éducation nationale en déclare dix mille signifie que les « vrais ministères » sont aujourd'hui à Bercy, voire entre l'Élysée et Bercy !

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Cela n'a rien à voir !

M. Ivan Renar. Laissez-moi terminer !

Personnellement, je pense que les arbitrages sont rendus. Le projet de loi de finances va être examiné à la mi-octobre à l'Assemblée nationale, mais la rentrée universitaire a lieu au début du mois de septembre. Or c'est maintenant que la situation est catastrophique !

Il faut donc, par le biais d'un collectif budgétaire, adresser un signal fort aux présidents et aux conseils d'administration des universités pour les aider à faire face aux inscriptions, qui seront bien plus nombreuses que l'année dernière, dans des situations qui se sont encore dégradées par rapport à l'an passé. À défaut, on s'expose à une rentrée difficile.

Pour des raisons qu'on peut comprendre ? et que vous nous avez expliquées franchement tout à l'heure ?, vous avez voulu précipiter l'examen de ce projet de loi au cours du mois de juillet. Peut-être avez-vous aussi voulu éviter tout durcissement à la rentrée. Au reste, en l'absence d'un collectif budgétaire, vous n'échapperez pas à un tel durcissement, la situation étant tellement difficile, voire catastrophique dans de nombreuses universités.

Ne croyez pas que je joue les oiseaux de mauvais augure ! J'ai beaucoup consulté les présidents d'université dans le Nord-Pas-de-Calais. Et bien ce n'est pas la joie ! Partout, les présidents d'université, les syndicalistes et les chercheurs ont entonné le même refrain : ils réclament des moyens, des moyens et encore des moyens, un peu comme Toinette, dans Le malade imaginaire, répétant « Le poumon, le poumon, le poumon, vous dis-je. » Eux, ils acceptent la réforme si tant est que suivent les moyens. En l'absence de tout signal aujourd'hui, il faudra, dans le meilleur des cas, attendre le prochain projet de loi de finances et donc 2008 pour que soient dégagés 1 milliard d'euros.

Cet amendement nous donne l'occasion de nous engager dans un processus rigoureux pour les années à venir.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 117.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article additionnel avant l'article 1er
Dossier législatif : projet de loi relatif aux libertés et responsabilités des universités
Article additionnel après l'article 1er

Article 1er

L'article L. 123-3 du code de l'éducation est ainsi rédigé :

« Art. L. 123-3. - Les missions du service public de l'enseignement supérieur sont :

« 1° La formation initiale et continue ;

« 2° La recherche scientifique et technique ainsi que la valorisation de ses résultats ;

« 3° L'orientation et l'insertion professionnelle ;

« 4° La diffusion de la culture et l'information scientifique et technique ;

« 5° La coopération internationale. »

M. le président. L'amendement n° 38, présenté par M. J.L. Dupont, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le troisième alinéa (2°) du texte proposé par cet article pour l'article L. 123 ? 3 du code de l'éducation :

« 2° La recherche scientifique et technologique, la diffusion et la valorisation de ses résultats ; »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur. Cet amendement vise à actualiser la terminologie, le terme « technique » étant un peu désuet.

Il s'agit surtout de rappeler l'importance de ces missions inégalement assurées et d'encourager le dépôt de brevets et de licences. Les établissements d'enseignement supérieur doivent contribuer à la diffusion des résultats de l'innovation et de la recherche, y compris la recherche appliquée.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 38.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 118, présenté par MM. Lagauche et Assouline, Mme Blandin, MM. Bodin, Dauge, Mélenchon, Raoul, Sueur, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi le quatrième alinéa (3°) du texte proposé par cet article pour l'article L. 123-3 du code de l'éducation :

« 3° L'orientation et la préparation à l'insertion professionnelle des étudiants ;

La parole est à M. Yannick Bodin.

M. Yannick Bodin. Il nous semble utile de modifier le libellé de la nouvelle mission prévue par le projet de loi au titre des missions du service public de l'enseignement supérieur.

Aux quatre missions actuelles, il nous est proposé d'ajouter « l'orientation et l'insertion professionnelle ». Nous ne pouvons que souscrire à un tel objectif. On n'a que trop à l'esprit l'échec massif en premier cycle universitaire et l'on sait que, si les étudiants abandonnent ou échouent dans les trois premières années ? 90 000 étudiants chaque année ?, c'est en grande partie faute d'avoir été correctement informés et orientés.

De la même manière, on sait la difficulté des titulaires d'un diplôme de l'université à trouver un emploi, une fois celui-ci en poche.

L'ajout de cette double mission ne peut que recueillir notre assentiment. Néanmoins, je tiens à vous proposer une modification rédactionnelle visant à corriger ce qui semble être la conséquence d'une erreur.

Sachant qu'elle relève de la politique de l'emploi et non de l'éducation nationale ou de l'enseignement supérieur, l'insertion professionnelle doit figurer dans les missions du service public de l'emploi dont est investie l'ANPE.

Quant au service public de l'enseignement supérieur, il ne doit se voir confier, outre la mission d'orientation, que la seule mission de « préparation à l'insertion professionnelle », le premier article du code de l'éducation, l'article L. 111 ? 1, disposant que « le droit à l'éducation est garanti à chacun afin de lui permettre de développer sa personnalité, d'élever son niveau de formation initiale et continue, de s'insérer dans la vie sociale et professionnelle [...]. »

Notre amendement est donc un amendement de bon sens qui vise à proposer une nouvelle rédaction de la mission légale du service public de l'enseignement supérieur de façon à éviter les confusions dans les rôles et dans les missions.

M. le président. L'amendement n° 178, présenté par M. Renar, Mme Gonthier-Maurin, MM. Ralite, Voguet et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Dans le quatrième alinéa (3°) du texte proposé par cet article pour l'article L. 123-3 du code de l'éducation, après les mots :

l'orientation et

insérer les mots :

la préparation à

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Tout comme notre collègue Bodin, je reviens sur l'article 1er du projet de loi. Dans sa rédaction actuelle, le service public de l'enseignement supérieur serait soumis, implicitement, à l'obligation d'insérer professionnellement ses jeunes étudiants.

Il est vrai que l'université reste le principal vecteur de promotion sociale. Ses diplômes conduisent, encore aujourd'hui, à une meilleure insertion professionnelle. Dans les faits, elle prépare et accompagne, à la mesure de ses moyens, l'orientation et l'insertion professionnelle de ses étudiants, d'une part, en s'appuyant sur la recherche, permettant ainsi aux étudiants de s'adapter à l'évolution des connaissances et des technologies, d'autre part, en offrant à ceux-ci une connaissance de l'évolution des métiers.

Personne ne conteste aujourd'hui cette mission fondamentale et prégnante du service public de l'enseignement supérieur.

II est toutefois illusoire de penser que tout diplôme universitaire serait un passeport direct pour l'emploi. Toutes les études n'ont pas nécessairement des débouchés professionnels, et ce pour des raisons différentes, mais évidentes.

Pour une insertion professionnelle réussie des étudiantes et des étudiants, d'autres facteurs sont déterminants. Certains, il est vrai, dépendent de l'université, tels que leur offre de formation ou encore les moyens financiers et humains dont elle dispose, même s'ils sont insuffisants aujourd'hui. Mais souvent des facteurs exogènes à l'université entrent en considération. Il s'agit par exemple de la conjoncture économique et de la morosité du marché du travail ou encore de l'existence de phénomènes de ségrégation urbaine, voire raciale ; je pense ici à l'appartenance sociogéographique de certains jeunes. Ainsi, à diplôme universitaire équivalent, les jeunes issus des zones urbaines sensibles sont beaucoup plus touchés par le chômage.

S'il est vrai que les études universitaires protègent encore du chômage, il serait parfaitement démagogique de faire croire aux jeunes et à leurs familles qu'elles constituent un moyen infaillible de trouver un emploi, tout comme il serait déloyal de leur faire croire que l'université est la panacée contre le chômage. Elle n'en a ni la possibilité ni les moyens ! Elle ne peut pas tout.

En revanche, en sa qualité de service public, elle a vocation à être un lieu de partage des connaissances, de l'échange et des confrontations d'idées et à assurer la réussite universitaire de toutes les étudiantes et de tous les étudiants.

En ce sens, elle prépare au mieux les jeunes à s'insérer dans la vie active.

Comme l'a dit Yannick Bodin, l'université n'a pas vocation à se transformer en une « super ANPE » et à trouver un emploi pour tous ses étudiants, au risque de se disperser et de s'écarter de ses missions prioritaires. Ce rôle est et doit être rempli par le service public de l'emploi.

L'université ne peut que préparer à l'insertion professionnelle des étudiants. Ce n'est pas son rôle d'assurer cette insertion elle-même.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur. On comprend l'argumentation développée par les auteurs des amendements, mais il me semble que la rédaction proposée alourdit le texte alors qu'il est bien entendu qu'il s'agit de contribuer à cet objectif d'insertion tant attendu par les étudiants et par leurs familles.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 118.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 178.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 39 est présenté par M. J.L. Dupont, au nom de la commission des affaires culturelles.

L'amendement n° 98 est présenté par Mme Morin ? Desailly et les membres du groupe Union centriste - UDF.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après le cinquième alinéa (4°) du texte proposé par cet article pour l'articleL. 123 ? 3 du code de l'éducation, insérer un alinéa ainsi rédigé :

"4°bis La participation à la construction de l'Espace européen de l'enseignement supérieur et de la recherche ;

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 39.

M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur. Cet amendement vise à inscrire dans le code de l'éducation les réformes engagées, notamment la mise en oeuvre du système LMD.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour présenter l'amendement n° 98.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 39 et 98.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.

(L'article 1er est adopté.)

Article 1er
Dossier législatif : projet de loi relatif aux libertés et responsabilités des universités
Articles additionnels avant l'article 2

Article additionnel après l'article 1er

M. le président. L'amendement n° 173, présenté par M. Renar, Mme Gonthier ? Maurin, MM. Ralite, Voguet et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Après l'article premier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le système de protection sociale et les oeuvres universitaires seront portés au niveau des besoins correspondant à l'exigence de lutte contre la ségrégation sociale. Le système des bourses d'État sera rapidement étendu et revalorisé, dans le cadre d'une allocation d'autonomie pour la jeunesse, de façon à accroître rapidement la présence et la réussite des étudiants issus des catégories de la population à revenus modestes.

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Plus que d'un projet de loi sur la gouvernance des universités, nous aurions préféré débattre d'un collectif budgétaire permettant de financer les dépenses urgentes en faveur des universités et des étudiants en particulier.

En effet, chacun reconnaît aujourd'hui combien la situation sociale et sanitaire des étudiants s'est particulièrement dégradée au cours de ces dernières années.

Rien ne pourra changer dans l'enseignement supérieur si, dans le même temps, ne sont pas entreprises des réformes profondes pour améliorer les conditions de vie et d'étude des étudiants dans leur ensemble, bien sûr, mais aussi sans un effort particulier pour permettre et favoriser la réussite des jeunes issus de familles modestes.

Madame la ministre, j'ai entendu votre proposition d'augmenter les bourses de 2,5 %. Vous avez également parlé de vaches maigres, mais ces vaches maigres sont imputables à votre prédécesseur.

Parler d'égalité des chances sans prendre les mesures sociales suffisamment ambitieuses permettant d'y parvenir est un voeu pieu.

Pour cette raison, nous proposons que la représentation nationale marque très clairement sa conscience de l'enjeu de ces problèmes et donne l'assurance qu'elle fera tout pour parvenir à des solutions pérennes, à la hauteur du défi posé.

À la place d'une mesure budgétaire, qui aurait été rejetée en application de l'article 40 de la Constitution, nous proposons par cet amendement d'affirmer l'engagement de l'État contre la sélection sociale qui sévit au sein de notre enseignement supérieur.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur. Il s'agit d'une injonction au Gouvernement. Par ailleurs, dans notre rapport, nous avons demandé une remise à plat du système des aides sociales aux étudiants. Pour ce faire, nous comptons sur les travaux conduits par Mme la ministre dans le cadre du chantier engagé sur ce sujet. C'est pourquoi la commission a émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Il émet le même avis que la commission. Le chantier « vie étudiante » nous permettra de répondre à ces questions.

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. Nous soutenons cet amendement, qui a le mérite de poser à nouveau la question des moyens consacrés à la protection sociale des étudiants et aux bourses. Cette question ne peut attendre d'être traitée en 2008.

Madame la ministre, vous nous avez déclaré tout à l'heure que vous ne vouliez pas faire de cette future loi une « cathédrale ». De même, vous nous avez expliqué les raisons pour lesquelles ce projet de loi nous est soumis en urgence, huit jours après qu'il a été adopté en conseil des ministres. J'en ai pris bonne note. En revanche, je ne comprends pas les raisons pour lesquelles vous estimez qu'il n'est pas urgent de permettre aux étudiants d'aborder la prochaine rentrée universitaire avec tous les atouts pour réussir et se consacrer, exclusivement ou presque, à leurs études. Je n'attends guère de réponse. Néanmoins, je m'en inquiète.

Madame la ministre, vous nous avez répété que votre priorité irait à l'encadrement des étudiants ? et je crois en votre engagement. Mais, dans le même temps, vous n'êtes pas capable, ici même, de confirmer ou d'infirmer, au nom du Gouvernement, le non-remplacement d'un fonctionnaire partant à la retraite sur deux dans l'enseignement supérieur.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 173.

(L'amendement n'est pas adopté.)

TITRE II

LA GOUVERNANCE DES UNIVERSITÉS

CHAPITRE IER

ORGANISATION ET ADMINISTRATION

Article additionnel après l'article 1er
Dossier législatif : projet de loi relatif aux libertés et responsabilités des universités
Article 2

Articles additionnels avant l'article 2

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 14, présenté par M. Lardeux, est ainsi libellé :

Avant l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 731 14 du code de l'éducation est abrogé.

La parole est à M. André Lardeux.

M. André Lardeux. Les deux amendements que j'ai déposés avant l'article 2 concernent l'enseignement supérieur privé, qui n'est pas directement visé par le projet de loi mais au sujet duquel je tiens à attirer l'attention de Mme la ministre. En effet, plusieurs problèmes se posent.

Le changement de gouvernance des universités publiques entraînera peut-être des conséquences sur les relations qu'elles entretiennent avec les établissements d'enseignement supérieur privés, mais cette question sera peut-être résolue par des dispositions réglementaires à venir.

Je souhaiterais simplement attirer votre attention sur un événement qui a un peu ému les Angevins.

Nous avons la chance d'avoir à Angers deux universités : une université d'État et une université catholique de l'Ouest. L'établissement public a une trentaine d'années. L'université catholique a presque cent trente ans ; c'est le plus ancien des cinq instituts qui ont été créés à la suite de la loi de 1875, et l'usage a été de l'appeler « université » alors que les autres ont gardé le titre d'« institut ». Cet usage s'est fondé sur un décret de 1876, antérieur à la loi de 1880 qui a décidé de réserver le monopole des grades à l'État, par l'intermédiaire de ses universités.

Or le rectorat d'académie de Nantes, profitant comme par hasard de l'interrègne, c'est-à-dire du moment où le gouvernement précédent n'expédiait plus que des affaires courantes et où le nouveau ministre chargé de l'université n'était pas encore nommé, a rappelé que l'usage de ce mot « université » était interdit aux établissements d'enseignement supérieur privés.

Cela a provoqué quelques réactions, outre bien sûr celles des autorités de l'université catholique, de la part des collectivités locales angevines, que ce soit la ville, l'agglomération ou le département.

La lettre qui a été adressée aux responsables de l'université catholique est, je dois le dire, d'une discourtoisie notable, au moins dans sa forme, et me semble fort malvenue. Il existe à Angers un usage qui n'a jamais posé de problème à quiconque, qu'il s'agisse des responsables de l'université d'État, de ceux de l'université catholique ou des Angevins. Tout le monde sait très bien faire la différence entre les deux établissements, qui vivent en bonne intelligence grâce au soutien des collectivités.

Pourquoi raviver des tensions quand ce n'est pas nécessaire ?

C'est pourquoi j'ai proposé ces deux amendements, qui visent purement et simplement à supprimer des dispositions à mon avis désuètes et vexatoires, surtout à l'heure où l'autonomie est proposée à l'ensemble du système universitaire. À la faveur d'un texte voté dans un climat de conflit que nous ne connaissons fort heureusement plus depuis un certain nombre d'années, on va de nouveau provoquer des tensions inutiles alors que les deux universités sont précieuses pour le rayonnement d'Angers et de sa région.

M. le président. L'amendement n° 15, présenté par M. Lardeux, est ainsi libellé :

Avant l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le second alinéa de l'article L. 731 14 du code de l'éducation est supprimé.

Cet amendement a déjà été défendu.

Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur. La commission souhaiterait connaître l'avis du Gouvernement avant de se prononcer.

M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?

M. David Assouline. En français, pas en latin !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Dans un projet de loi relatif aux universités, il serait évidemment inopportun de ne pas protéger cette appellation.

Par ailleurs, le projet ne remet pas en cause le monopole de la collation des grades et le principe de l'habilitation par l'État des diplômes nationaux, qui fait aussi l'objet de cet article dont vous souhaitez l'abrogation. Ce dernier est issu d'une loi de 1880, comme vous l'avez dit, qui a fixé un équilibre dans la société française entre enseignement supérieur public et enseignement supérieur privé. En outre, il touche au principe républicain de laïcité. Ce projet de loi ne vise pas à modifier ces équilibres.

Néanmoins, je conçois qu'il faille toujours, sur ces sujets touchant à des traditions multiséculaires et à des équilibres territoriaux, faire preuve de diplomatie et de souplesse.

Cela dit, le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces deux amendements.

M. le président. Quel est, en définitive, l'avis de la commission ?

M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur. La commission se rallie à l'avis du Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. André Lardeux, pour explication de vote.

M. André Lardeux. J'ai bien noté la réponse de Mme la ministre, qui souhaite que l'administration de l'État représentant l'éducation nationale à l'échelon local fasse preuve de discernement et de diplomatie et je compte sur elle pour que ce soit rappelé à l'auteur de la lettre par des instructions extrêmement précises. Il faut éviter de s'engager dans des procédures et des combats qui ne mènent à rien, sauf à gêner, en l'occurrence, le développement et le rayonnement de la région d'Angers.

Sous le bénéfice de ces précisions, bien conscient que ces deux amendements n'ont pas de rapport direct avec le texte qui nous est soumis, j'accepte de les retirer.

M. le président. Les amendements nos 14 et 15 sont retirés.

Articles additionnels avant l'article 2
Dossier législatif : projet de loi relatif aux libertés et responsabilités des universités
Article 3

Article 2

Le premier alinéa de l'article L. 711-7 du code de l'éducation est remplacé par les dispositions suivantes :

« Les établissements déterminent, par délibérations statutaires du conseil d'administration prises à la majorité absolue des membres en exercice, leurs statuts et leurs structures internes, conformément aux dispositions du présent code et des décrets pris pour son application. »

M. le président. L'amendement n° 119, présenté par M. Assouline, Mme Blandin, MM. Bodin, Dauge, Lagauche, Mélenchon, Raoul, Sueur, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés est ainsi libellé :

Dans le second alinéa de cet article, remplacer le mot :

absolue

par les mots :

des deux tiers

La parole est à M. David Assouline.

M. David Assouline. Nous proposons d'amender l'article 2 pour que les délibérations statutaires des conseils d'administration soient prises à la majorité qualifiée des deux tiers. Il s'agit d'un amendement de bon sens.

Je m'interroge en effet car, dans toutes les organisations, qu'il s'agisse des établissements publics, des associations ou des entreprises ? oui, des entreprises, le modèle que l'on nous a vanté sans arrêt pour nous parler de l'autonomie des universités ?, les décisions statutaires sont toujours prises à la majorité qualifiée des deux tiers.

Cela semble évident alors qu'il s'agit de modifier la structure même de l'organisation des délibérations et des décisions. C'est un peu comme pour la Constitution : une majorité des deux tiers est indispensable pour qu'une voix ne puisse pas faire la différence et contribuer à créer des majorités de circonstance.

Il nous semble donc opportun de maintenir en l'état les dispositions du code de l'éducation qui prévoient actuellement une telle majorité, et ce d'autant que la composition du conseil d'administration est différente et les marges de manoeuvre des universités accrues. J'insiste sur ce point : au moment où le conseil d'administration est plus ramassé et où les pouvoirs de l'exécutif sont renforcés, il ne faudrait pas pouvoir modifier les statuts, qui prennent une importance encore plus grande dans le cadre de l'université autonome, à la majorité simple. S'agissant des structures, il faut des mesures pérennes. Les décisions prises à la majorité des deux tiers sont susceptibles d'asseoir cette pérennité.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur. Un tel amendement est contraire à l'esprit du texte, qui vise à accélérer le processus décisionnel. C'est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Même avis.

M. David Assouline. C'est un peu court !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 119.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 180, présenté par M. Renar, Mme Gonthier-Maurin, MM. Ralite, Voguet et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen est ainsi libellé :

Dans le second alinéa de cet article, après les mots :

structures internes,

insérer les mots :

et dans le respect d'une équitable représentation dans les conseils de chaque grand secteur de formation

La parole est à M. Ivan Renar.

M. Ivan Renar. Cet amendement vise à assurer une équitable représentation des grands secteurs de formation au sein des trois conseils ? conseil d'administration, conseil scientifique et conseil des études et de la vie universitaire. Une telle disposition permettrait de renforcer considérablement la légitimité de ces trois instances. En outre, elle contribuerait à mobiliser l'ensemble des enseignants-chercheurs et assimilés autour d'un projet d'établissement élaboré collectivement.

Cette juste représentation des grands secteurs de formation est d'autant plus nécessaire que les disciplines universitaires ont des taux d'encadrement très variables : certaines disciplines, qui accueillent un très grand nombre d'étudiants, peuvent ainsi être très minoritaires dans le corps enseignant. Or certaines décisions concernant tel ou tel secteur de formation ne pourraient être prises en l'absence d'un représentant qualifié de ce secteur.

Nous estimons que la gestion de l'université doit demeurer collégiale ; toute entorse à ce principe sur lequel se fonde le fonctionnement démocratique de l'université risquerait de susciter des crispations, voire des blocages.

De l'équitable représentativité des conseils dépend la légitimité de leurs décisions et donc la gestion harmonieuse et pertinente de l'université. C'est pourquoi nous vous invitons, mes chers collègues, à voter cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur. En ce qui concerne le conseil scientifique et le conseil des études et de la vie universitaire, cet amendement est satisfait par l'article 9.

Par ailleurs, un amendement de la commission à l'article 10 réglera la question de la liste de candidats.

La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 180.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 2.

(L'article 2 est adopté.)

Article 2
Dossier législatif : projet de loi relatif aux libertés et responsabilités des universités
Article 4

Article 3

Au chapitre II du titre Ier du livre VII du code de l'éducation, est créée une section 1 intitulée : « Gouvernance » comprenant les articles L. 712-1 à L. 712-7. ? (Adopté.)

Article 3
Dossier législatif : projet de loi relatif aux libertés et responsabilités des universités
Demande de réserve (début)

Article 4

L'article L. 712-1 du code de l'éducation est remplacé par les dispositions suivantes :

« Art. L. 712-1. - Le président de l'université par ses décisions et le conseil d'administration par ses délibérations, le conseil scientifique et le conseil des études et de la vie universitaire par leurs avis, assurent l'administration de l'université. »

M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 120 est présenté par MM. Lagauche, Assouline, Mme Blandin, MM. Bodin, Dauge, Mélenchon, Raoul, Sueur, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 163 est présenté par M. Renar, Mme Gonthier-Maurin, MM. Ralite, Voguet et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Daniel Raoul, pour présenter l'amendement n° 120.

M. Daniel Raoul. Le projet de loi amoindrit considérablement le rôle du conseil scientifique et du conseil des études et de la vie universitaire pour en faire de simples instances consultatives. Même si la concertation menée par le Président de la République en dernier ressort leur a concédé le droit d'émettre des voeux, leur pouvoir de proposition est réduit à néant.

En raison des attributions de ces deux conseils, les enseignants-chercheurs et les étudiants y bénéficient d'une bonne représentation.

La réduction globale des membres du conseil d'administration prévue par le projet de loi et la représentation très aléatoire des différents collèges dans cette instance va inéluctablement faire baisser la représentation de certaines catégories, dont les étudiants et les enseignants-chercheurs.

Il est donc primordial de maintenir un rôle fort de proposition aux deux autres conseils pour compenser cette baisse de représentativité.

Il est également important de maintenir les pouvoirs des différents conseils au regard du renforcement important des pouvoirs du président auquel procède le projet de loi.

Le conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche, le CNESER, qui, je le rappelle, s'est prononcé de façon négative sur l'ensemble du projet de loi, avait souhaité le maintien en l'état de l'article L. 712-1 du code de l'éducation que modifie l'article 4.

M. le président. La parole est à M. Ivan Renar, pour présenter l'amendement n° 163.

M. Ivan Renar. L'université fonctionne autour de trois conseils : le conseil d'administration, appelé à traiter de toutes les questions financières, juridiques et de stratégie, le conseil des études et de la vie universitaire, en charge de la pédagogie, de l'architecture des diplômes et de la vie étudiante, et le conseil scientifique, qui s'occupe de la politique de recherche de l'établissement.

Cette division thématique permet de donner le temps à chaque conseil de traiter réellement les dossiers dont il a la charge, avec une véritable prise en compte de l'avis des différentes composantes de la communauté universitaire.

En outre, elle offre une représentation appropriée aux thématiques : le conseil des études et de la vie universitaire compte plus d'élus étudiants, le conseil scientifique, plus d'enseignants-chercheurs...

Il importe de maintenir le rôle de proposition du conseil scientifique et du conseil des études et de la vie universitaire pour deux raisons majeures :

Tout d'abord, il convient de pérenniser un mode de gestion collégiale de l'université afin de favoriser la mobilisation de l'ensemble de la communauté universitaire autour d'un projet d'établissement. Le pouvoir est d'autant plus légitime qu'il est partagé. De plus, rendre pleinement acteurs les membres des trois conseils est de nature à créer les conditions permettant aux représentants de la communauté d'adhérer à des orientations et à des décisions largement concertées.

Ensuite, pour que le conseil d'administration puisse se concentrer sur les grandes questions de gestion, les deux autres conseils doivent disposer pleinement de leurs prérogatives dans les domaines qui relèvent de leurs compétences.

Ce souci d'efficacité et la volonté de pérenniser un mode de gestion collégiale, auquel une majorité de présidents d'université est d'ailleurs attachée, nous conduisent à vous soumettre cet amendement.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 21 est présenté par M. J. Blanc.

L'amendement n° 88 est présenté par Mme Morin-Desailly et les membres du groupe Union centriste - UDF, Gourault et les membres du groupe Union centriste - UDF.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Dans le texte proposé par cet article pour l'article L. 712 ? 1 du code de l'éducation, remplacer les mots :

le conseil scientifique et le conseil des études et de la vie universitaires par leurs avis

par les mots :

le conseil scientifique par ses propositions et ses avis, le conseil des études et de la vie universitaire par ses avis

L'amendement n 21 n'est pas soutenu.

La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour défendre l'amendement n° 88.

Mme Catherine Morin-Desailly. La loi actuellement en vigueur prévoit que l'administration de l'université est assurée par ses diverses instances au travers de leurs missions respectives. Dans ce cadre, le conseil scientifique a un rôle de proposition et d'avis.

Il nous semble indispensable de confier à ce dernier des prérogatives substantielles dans les domaines qui relèvent de sa compétence.

Le présent amendement vise donc à conserver la capacité de proposition de ce conseil, afin de ne pas limiter son rôle à la seule émission d'avis.

M. le président. L'amendement n° 121, présenté par Mme Blandin, MM. Lagauche, Assouline, Bodin, Dauge, Mélenchon, Raoul, Sueur, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 712 ? 1 du code de l'éducation par un alinéa ainsi rédigé :

« Le conseil d'administration peut déléguer certaines de ses compétences au conseil scientifique et au conseil des études et de la vie universitaire. »

La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.

Mme Marie-Christine Blandin. Uniquement dans le cas où seraient repoussées les propositions de mes collègues visant à revaloriser le conseil scientifique et le conseil des études et de la vie universitaire ? ce que je n'ose imaginer ! ?, il resterait une solution pour envoyer un message fort à ces deux conseils.

Le projet de loi, centré sur la gouvernance, se fait le chantre de l'efficacité des conseils d'administration. Dans votre présentation du projet de loi, madame la ministre, vous avez d'ailleurs évoqué ces instances, qui se préoccupent « même des parcmètres ».

Nous vous proposons donc qu'il leur soit possible de déléguer, à leur convenance, certaines tâches relevant de leurs compétences au conseil scientifique ou au conseil des études et de la vie universitaire.

Cette proposition tend à s'inscrire dans le plein exercice de l'autonomie, au plus près du pilotage, afin que le partage des tâches puisse être adapté selon la volonté des conseils, cela de manière facultative et sous la responsabilité du président.

Une telle « ouverture » serait un signal fort adressé aux enseignants, aux étudiants, aux personnels des deux conseils que la réforme tient, un peu brutalement, à l'écart, les reléguant au simple rôle d'« émetteurs de voeux » face au président.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur. Le projet de loi prévoit les prérogatives respectives des trois conseils : le conseil d'administration, le conseil scientifique et le conseil des études et de la vie universitaire. Les amendements identiques nos 120 et le 163 tendant à remettre cette organisation en cause, la commission émet un avis défavorable.

En ce qui concerne l'amendement n° 88, la commission est satisfaite par le texte en ce qu'il permet l'émission de voeux. Le processus de proposition que nous connaissons aujourd'hui est extrêmement long, en raison notamment des navettes entre le conseil d'administration et les autres conseils. C'est pourquoi la commission émet un avis défavorable.

Enfin, l'amendement n° 121 est contraire à l'esprit du texte, aux termes duquel le président de l'université peut déléguer sa signature aux vice-présidents des trois conseils, ce qui est très différent d'une délégation de compétences. La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Permettez-moi tout d'abord de rendre à César ce qui est à César : à la lecture de la première mouture du projet de loi, le président Valade avait souhaité que le conseil scientifique et le conseil des études et de la vie universitaire puissent émettre des voeux. Le Conseil d'État ayant formulé le même souhait ? même si, en toute logique, il n'aurait pas dû se prononcer sur un point de pure opportunité ?, nous avons suivi sa suggestion, mais cette disposition aurait dû être introduite aujourd'hui par un amendement sénatorial émanant de la commission des affaires culturelles.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Merci, madame la ministre !

Mme Valérie Pécresse, ministre. En ce qui concerne les amendements nos 120, 163, 88 et 121, j'émets un avis défavorable.

Sur ce dernier, je précise toutefois à Mme Blandin que rien n'interdit au conseil d'administration, dans le cadre de son fonctionnement ordinaire, de déléguer une partie de ses compétences, pour une durée qu'il détermine, à l'un des deux autres conseils.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos  120 et 163.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 88.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 121.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 4.

(L'article 4 est adopté.)

Demande de réserve

Article 4
Dossier législatif : projet de loi relatif aux libertés et responsabilités des universités
Demande de réserve (interruption de la discussion)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, en application de l'article 44, alinéa 6, du règlement, la commission demande la réserve de l'article 5, jusqu'après l'examen de l'article 6 du projet de loi.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de réserve ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Favorable.

M. le président. La réserve est ordonnée.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Demande de réserve (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif aux libertés et responsabilités des universités
Discussion générale