Article 5
Dossier législatif : projet de loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat
Articles additionnels après l'article 5 (interruption de la discussion)

Articles additionnels après l'article 5

M. le président. L'amendement n° 145 rectifié bis, présenté par MM. Guené et Vasselle est ainsi libellé :

Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. Dans l'intitulé du chapitre I bis du titre IV du livre Ier du code général des impôts, les mots : « Impôt de solidarité sur la fortune » sont remplacés par les mots : « Impôt sur le patrimoine et l'épargne ».

II. Il est procédé à la même substitution dans l'ensemble du code général des impôts.

La parole est à M. Alain Vasselle.

M. Alain Vasselle. Le droit fiscal est un droit réel qui ne doit pas comporter, selon M. Guené, de connotations partisanes, subjectives et faisant appel à des critères d'un autre âge, mais qui doit s'attacher uniquement à l'objet précis de son assiette.

Or, progressivement, l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune est devenue telle qu'elle appréhende des situations qui ne correspondent plus à ce que le sens commun appelle « fortune », et se rapporte plus globalement au patrimoine et aux biens des contribuables.

De fait, cette appellation contribue à véhiculer un caractère dogmatique. On a d'ailleurs bien vu, au cours du débat qu'il y avait, d'un côté, la commission des finances, qui défend une approche économique du bouclier fiscal et de l'ISF, et, de l'autre côté, nos collègues de l'opposition, qui ont déplacé le débat sur un terrain purement idéologique.

Mme Marie-France Beaufils. Ça, c'est pas mal !

Mme Nicole Bricq. Nous, nous faisons de l'idéologie, eux, ils n'en font pas !

M. Guy Fischer. Ils font de l'économie...

M. Alain Vasselle. Cette appellation est ainsi contraire à la neutralité de formulation qu'on est en droit d'exiger d'un outil fiscal, ce qui exclut corrélativement toute possibilité de l'adapter aux exigences de l'époque et à la situation économique avec la sérénité nécessaire.

C'est pourquoi notre collègue Charles Guené propose d'appeler désormais cet impôt : « Impôt sur le patrimoine et l'épargne ».

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Cet amendement part d'une bonne intention, est tout à fait justifié et ne coûte rien : avis favorable. (Sourires.)

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi de demander le retrait de cet amendement, pour les deux raisons suivantes.

D'abord, monsieur Vasselle, la proposition que vous faites relève du domaine de la sémantique et ne changera rien à l'imposition des contribuables.

Puis, après tout, en quoi le mot « fortune » est-il choquant ?

Son étymologie, fortuna, c'est la chance. À lire sous la plume de certains experts que les Français font, certes, confiance au travail, ce à quoi le présent projet de loi les incite, mais aussi confiance à la chance, il ne paraît pas si désuet qu'un impôt s'appelle impôt « sur la fortune », car, dans toute fortune, il y a un élément de chance, cette chance que l'on souhaite à nos compatriotes, un peu comme Napoléon la souhaitait à ces généraux... (Sourires et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme Marie-France Beaufils. Chance à la naissance ou pas ?...

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Mes chers collègues, je tiens à vous rendre attentifs au fait que la mesure proposée aurait forcément un coût, puisque, si elle était adoptée, un grand nombre d'imprimés devraient être modifiés.

Je crois que nous « traînons le boulet » de l'ISF et, à titre personnel, je ne souhaite pas qu'on se laisse aller à des changements d'ordre sémantique. Nous l'avons institué ; eh bien, il va falloir que nous en gérions toutes les conséquences, que nous en limitions la portée et la nocivité !

Il m'arrive de penser qu'il aurait été préférable, par souci de clarté, de supprimer purement et simplement l'ISF plutôt que de monter une usine à gaz pour en atténuer les effets. Car je suis sûr que, au fond de sa conscience, chacun ou, en tout cas, le plus grande nombre d'entre nous est persuadé que l'ISF a été une très mauvaise imposition pour la France qui se trouve, de ce fait, dans une situation singulière par rapport au reste du monde.

J'ai bien écouté tous les débats : sommes-nous prêts à parler ensemble de la mondialisation et de ses conséquences ? Dans nos propos, nous nous cantonnons à de vieux schémas, comme si la France était restée un espace isolé du monde entier. Mais enfin, quelle hypocrisie, cher François Marc, que de gommer à ce point les conséquences de la mondialisation !

Il faut bien que les contribuables les plus fortunés aient au moins quelques scrupules tant il est vrai qu'ils ont, la plupart du temps, accès aux cabinets supranationaux les plus efficaces pour choisir leur stratégie en la matière ainsi que leur domicile fiscal.

M. Guy Fischer. C'est sûr !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Par conséquent, de grâce, cessons de raisonner selon nos conceptions d'hier !

À titre personnel, je ne suis pas favorable à une modification de l'appellation de cet impôt. Après l'avoir institué, je le répète, il nous revient de le gérer, et je ne voudrais pas que, à l'occasion d'un vote au Sénat, nous donnions l'impression que l'on supprime l'ISF en en changeant le nom.

M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.

M. Alain Vasselle. Je vais retirer cet amendement.

Toutefois, permettez-moi de faire remarquer que cet impôt étant rattaché au mot fortune - du latin fortuna - on pourrait en déduire qu'il s'agit d'un impôt sur la chance.

Personnellement, j'avais l'illusion de penser - et il m'avait semblé que Mme la ministre avait également souligné ce point au cours de la discussion générale - que l'impôt sur la fortune était, pour ceux qui y étaient soumis, au moins dans 95 % des cas, le résultat de leur travail.

Il s'agit donc bien, à mes yeux, d'un impôt sur la réussite de ceux qui ont travaillé et je trouve vraiment désolant que nous persistions dans l'idée contraire !

Cela étant dit, je retire cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 145 rectifié bis est retiré.

Articles additionnels après l'article 5 (début)
Dossier législatif : projet de loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat
Discussion générale

3

Candidature à une commission

M. le président. J'informe le Sénat que le groupe Union pour un mouvement populaire a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu'il propose pour siéger à la commission des affaires culturelles, à la place laissée vacante par Mme Valérie Létard, dont le mandat de sénateur a cessé.

Cette candidature va être affichée et la nomination aura lieu conformément à l'article 8 du règlement.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures cinquante, est reprise à quinze heures.)

M. le président. La séance est reprise.

4

Dépôt d'un rapport du Gouvernement

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre, en application du paragraphe III de l'article 120 de la loi n° 91-1322 de finances pour 1992, le rapport sur les conditions de mise en oeuvre de l'agrément prévu en faveur des investissements réalisés outre-mer dans certains secteurs économiques en 2006.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

Il sera transmis à la commission des finances et sera disponible au bureau de la distribution.

5

Nomination d'un membre d'une commission

M. le président. Je rappelle au Sénat que le groupe Union pour un Mouvement Populaire a présenté une candidature pour la commission des affaires culturelles.

Le délai prévu par l'article 8 du règlement est expiré.

La présidence n'a reçu aucune opposition.

En conséquence, je déclare cette candidature ratifiée et je proclame Mme Béatrice Descamps membre de la commission des affaires culturelles à la place laissée vacante par Mme Valérie Létard, dont le mandat de sénateur a cessé.

6

Articles additionnels après l'article 5 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat
Articles additionnels après l'article 5

Travail, emploi et pouvoir d'achat

Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat.

Mes chers collègues, je vous signale qu'il nous reste encore près de cent vingt amendements à examiner.

M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Nous aurons fini à vingt heures ! (Sourires.)

M. le président. Tout dépend de la concision des uns et des autres ...

Dans la discussion des articles, nous poursuivons l'examen des amendements tendant à insérer des articles additionnels après l'article 5.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat
Article 5 bis

Articles additionnels après l'article 5 (suite)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 40 est présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances.

L'amendement n° 225 est présenté par M. Lambert.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - L'article 885 V bis du code général des impôts est ainsi rédigé :

« Art. 885 V bis. - L'impôt de solidarité sur la fortune du redevable ayant son domicile fiscal en France est réduit de la différence entre, d'une part, le total des impôts dont la liste figure au 2 de l'article 1649-0 A et, d'autre part, 50 % du total des revenus définis au 4 du même article.

« Les revenus mentionnés au 4 de l'article 1649-0 A sont diminués des revenus définis au 5 du même article et augmentés des revenus définis au 6 du même article. Les revenus définis au 7 du même article ne sont pas pris en compte.

« Pour l'application du premier alinéa du présent article, les impositions à prendre en compte sont établies dans les conditions prévues par le 3 de l'article 1649-0 A.

« Le reversement des sommes indûment déduites de la cotisation d'impôt de solidarité sur la fortune est demandé selon les mêmes règles de procédure et sous les mêmes sanctions que le droit à restitution prévu à l'article 1649-0 A. »

II. - Le I s'applique à compter du paiement de l'impôt de solidarité sur la fortune pour 2008.

III.- La perte de recettes résultant pour l'État des I et II est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter l'amendement n° 40.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Il s'agit d'un amendement de procédure administrative. S'il était adopté, rien ne serait changé sur le fond aux droits des contribuables, tels qu'ils découlent du principe du bouclier fiscal.

L'impôt de solidarité sur la fortune est un impôt déclaratif. Lorsque s'appliquait le plafonnement dans ses anciennes modalités, le contribuable en déterminait lui-même les conditions d'application et en tirait les conséquences en calculant le montant de son chèque.

Au nom de la commission des finances, nous formons le voeu qu'il en aille de même pour les bénéficiaires du bouclier fiscal, qui serait ainsi régi par le principe de l'autoliquidation.

J'ajoute que ce principe est totalement neutre en termes de contrôle fiscal. Il appartient aux personnes qui ont la chance d'être redevables de l'impôt de solidarité sur la fortune de déclarer les valeurs justes de leur imposition, que l'administration est parfaitement en droit de contrôler, car, bien entendu, l'adoption de cet amendement ne saurait rien changer aux droits légitimes de l'administration fiscale, tant que l'ISF existe.

M. le président. La parole est à M. Alain Lambert, pour présenter l'amendement n° 225.

M. Alain Lambert. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces deux amendements identiques ?

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements de procédure.

Monsieur le rapporteur général, je vais tenter de vous convaincre, ainsi que M. Lambert, de la justesse de mon raisonnement. Le vôtre est excellent, puisque vous soulignez que l'ISF constitue un impôt déclaratif, qui laisse à ce titre une certaine faculté d'appréciation au contribuable. Ce dernier estime la valeur de son bien, et il devrait être mis à même de s'auto-infliger - ou de s'auto-appliquer, selon la manière dont on conçoit le bouclier fiscal ! - la remise d'impôt.

Toutefois, il me semble que l'ISF est aussi un impôt de responsabilité, et à ce titre, il appartient au contribuable qui se serait acquitté d'une série d'impositions d'en réclamer le trop payé en se manifestant auprès de l'administration fiscale.

D'aucuns rétorquent que ce mécanisme ne fonctionne pas bien, puisque, sur les 93 000 bénéficiaires éventuels de l'application du bouclier fiscal, seuls 1 780, si j'ai bonne mémoire, ont demandé à profiter de cette mesure.

J'observe que ce mécanisme ne s'applique que depuis six mois. Comme je le soulignais ce matin, on ne peut pas demander à un enfant de six mois de se mettre à marcher ! Il faut sans doute attendre que ce dispositif soit appliqué depuis une année entière, ce qui sera le cas au 31 décembre prochain, pour évaluer les demandes de remboursement adressées dans le cadre des déclarations d'ISF.

Mesdames, messieurs les sénateurs, si cet argument ne vous convainquait pas, il en est un deuxième, qui porte, lui, sur la justesse des évaluations réalisées par le contribuable. En effet, nous nous sommes aperçus que, sur les 1 780 demandes de remboursement adressées par des contribuables qui estimaient avoir trop payé, 20 % n'étaient pas recevables : ces contribuables s'étaient crus autorisés à réclamer le remboursement de l'impôt qu'ils avaient versé, mais leur appréciation était erronée, et on n'a pas pu faire droit à leurs demandes, de façon tout à fait légitime, d'ailleurs. Et encore ce taux de 20 % est-il provisoire : il reste 500 dossiers à examiner, et j'ignore si la proportion des dossiers irrecevables sera finalement de 20 % ou de 25 %.

Par définition, il y a toujours une partie des contribuables qui se trompent, en toute bonne foi, d'ailleurs. Ne serait-ce qu'à cause de ce phénomène, pourquoi imposer à l'État de faire des avances de trésorerie, compte tenu de l'état de nos finances publiques ?

Mme Nicole Bricq. C'est un excellent argument !

Mme Christine Lagarde, ministre. C'est pourquoi, entre autres raisons, le Gouvernement n'est pas favorable à ce mécanisme d'autoliquidation du bouclier fiscal.

J'ajoute que, si d'aventure ces amendements étaient accueillis favorablement, cette mesure serait très lourde pour l'État l'année où elle serait mise en place, car elle s'appliquerait sur deux exercices fiscaux, ce qui doublerait son coût.

Mesdames, messieurs les sénateurs, j'espère que ces trois raisons vous auront convaincus. Certes, le mécanisme de l'autoliquidation semble sympathique et adapté au système déclaratif de l'ISF. Toutefois, je crois qu'il ne convient pas à un système où le contribuable, après calcul du total de ses impositions, prend la responsabilité de considérer qu'il peut bénéficier d'un remboursement au titre du bouclier fiscal.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Madame la ministre, je voudrais vous interroger sur ce qu'il est convenu désormais d'appeler la gestion patrimoniale de l'État.

Le grand événement de ces derniers mois a été la présentation du premier bilan de l'État. S'y trouvent retracés la situation des actifs immobiliers, les stocks et les créances, la trésorerie de l'État. Ses dettes, qui correspondent aux emprunts, aux émissions de bons du Trésor et d'obligations, ainsi qu'aux dépenses engagées, facturées mais non réglées, sont également évaluées.

La LOLF nous a fait abandonner ces conventions aux termes desquelles l'élément générateur des mouvements financiers de l'État était le flux de trésorerie, ce qui permettait à certains ministres du budget de réguler le déficit en fonction des paiements : on gardait sous le coude un certain nombre de factures et on les réglait l'année suivante !

M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis. Le pilotage du solde ! (Sourires.)

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. La grande novation de la LOLF, c'est la constatation des droits acquis et des dettes encourues. Nous n'avons pas privatisé la comptabilité publique en la soumettant à des principes comptables reconnus au plan international. Simplement, désormais, ce qui compte, c'est la réalité d'une créance et d'une dette.

Or, madame la ministre, quand vous avez défendu votre position sur ces amendements il y a un instant, vous vous êtes placée, me semble-t-il, sur un terrain historiquement daté. Je m'explique.

Le bouclier fiscal suscite, en quelque sorte, la créance d'un contribuable sur l'État. Le contribuable acquitte ses impôts, mais le constat est fait que les sommes qu'il a versées sont supérieures au seuil retenu pour le bouclier fiscal ! Je n'imagine donc pas un seul instant que la Cour des comptes puisse certifier la sincérité des comptes de l'État si le montant du trop-perçu au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune, de l'impôt sur le revenu et des impôts locaux ne figurait pas au passif de l'État au 31 décembre.

Par conséquent, je comprends mal votre argumentation, madame la ministre, car elle s'appuie sur des principes qui ne sont plus d'actualité.

Le dispositif que propose la commission des finances et qu'a présenté M. le rapporteur général ne constitue pas une novation. Il ne modifie en rien la situation nette de l'État, car la dette liée au trop-perçu est réelle.

Je ne sais pas si la Cour des comptes a provisionné au 31 décembre 2006 les sommes dues au titre du bouclier fiscal - à vrai dire, je n'ai pas vérifié - mais, en tout cas, ce sera le cas en 2007.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Tout à fait !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Madame la ministre, je vous suggère donc de reconsidérer des principes qui étaient certainement très justes avant la présentation du bilan de l'État, mais qui perdent une grande partie de leur pertinence depuis que l'État se trouve obligé de présenter des comptes sincères, et notamment une situation patrimoniale.

Je ne vois pas ce que l'État gagnerait à décaler d'un an le remboursement du trop-perçu, sauf un avantage de trésorerie, car ni ses droits ni ceux du contribuable ne seraient modifiés significativement.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Je souhaite rappeler à Mme la ministre que le Sénat est en quelque sorte une assemblée d'expérimentation. Il émet des idées qui, si elles ne sont pas toujours susceptibles d'être mises en oeuvre dans l'immédiat, trouvent quelque temps après l'occasion de s'affirmer et d'être intégrées dans notre droit positif. L'expérience l'a montré, notamment sur la matière qui nous occupe.

Sur ces amendements identiques, la commission des finances demande un vote de principe. Nous savons fort bien qu'à l'issue de ce débat la commission mixte paritaire se réunira : nous envisagerons alors, avec l'aide de nos collègues députés, comment les différents arguments pourront être pondérés.

Vous le savez, madame la ministre, la majorité sénatoriale, et plus encore la majorité de la commission des finances, est soucieuse de soutenir le Gouvernement. Nous sommes en harmonie avec toutes vos positions sur le fond et restons particulièrement attachés à ce que les engagements présidentiels deviennent rapidement réalité.

L'adoption de ces amendements identiques serait un signal fort, quelle que soit l'issue qui leur sera réservée ultérieurement.

Sur le fond, d'ailleurs, j'entends me référer à un vieil adage juridique : donner et retenir ne vaut.

S'agissant de l'évaluation de ce mécanisme, je rappelle que votre administration estimait pour 2007 le coût des restitutions à 400 millions d'euros. Il est plus vraisemblable qu'il se situera entre 120 millions d'euros et 150 millions d'euros. Cela relativise l'impact financier sur la trésorerie que vous avez mentionné, madame la ministre.

Tels sont les éléments supplémentaires que je souhaitais verser au débat.

M. le président. La parole est à M. Denis Badré, pour explication de vote.

M. Denis Badré. J'ai annoncé ce matin, en acceptant de retirer l'amendement n° 206, que je me réservais la possibilité d'intervenir dans le cadre de la discussion de l'amendement n° 40 de la commission des finances. On m'a assuré qu'il satisfaisait le mien : il le fait partiellement, dans la mesure où il tente de résoudre le même problème.

Madame la ministre, vous l'avez vous-même reconnu : le système actuel ne fonctionne pas bien.

Je souhaite participer à la réflexion que le Sénat peut mener sur cette question, pour préparer l'avenir.

À cet égard, l'ordre de discussion dans lequel ont été placés les amendements est particulièrement intéressant.

L'amendement n° 206 a été discuté lors de l'examen de l'article 5, puisque son objet portait sur le bouclier fiscal et sur les conditions de sa mise en oeuvre. En revanche, les amendements identiques nos 40 et 225 ont été examinés après le vote de l'article 5, car ils visent à modifier la procédure administrative de l'ISF.

En d'autres termes, l'adoption du bouclier fiscal a des conséquences immédiates sur l'ISF, ce qui nous conduit à tenter d'améliorer le système actuel de l'ISF. Comment ? Je reprends à mon compte l'excellente argumentation du rapporteur général : l'ISF étant un impôt déclaratif, c'est à l'occasion de sa déclaration que se pose le problème du bouclier fiscal. Il faut donc faire en sorte que le système de récupération devienne déclaratif lui aussi.

L'amendement n° 206 a donc été discuté dans le cadre de l'examen de l'article 5. Cela veut dire que nous posons le problème du bouclier fiscal à l'occasion du débat sur l'ISF ou en périphérie de ce débat. Or ce lien n'est plus aussi évident. En effet, tant que le seuil de déclenchement du bouclier fiscal était fixé à 60 % des revenus, l'ISF était le seul élément susceptible de faire déborder le vase, en quelque sorte. Mais maintenant que ce seuil a été abaissé à 50 %, peut-être sera-t-il atteint même alors que le contribuable n'est pas assujetti à l'ISF.

C'est pourquoi la déclaration de l'ISF ne suffira à permettre aux contribuables de faire valoir leurs droits au bouclier fiscal : certains d'entre eux pourraient être concernés par la mesure sans être pour autant assujettis à l'ISF. Il faut y prendre garde : ce n'est peut-être pas qu'une hypothèse d'école, à partir du moment où le seuil est abaissé.

C'est pourquoi le mécanisme que nous proposions ne reposait pas sur une déclaration du contribuable, mais confiait cette mission à l'administration. Pour l'instant, en effet, c'est l'administration qui se charge de ces calculs.

Aujourd'hui, il est prévu que l'administration procède à ces calculs quand le contribuable réclame et prétend pouvoir bénéficier du bouclier fiscal, ce qui, madame la ministre, vous protège contre le risque que vous évoquiez, celui que représentent ces 20 % de demandes irrecevables. Si ce sont les services fiscaux qui font le calcul, les demandes seront forcément toutes recevables !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Il y a un décalage d'un an !

M. Denis Badré. Je tiens à apporter ma contribution au débat : je ne suis pas certain que notre formule soit la meilleure. Je voterai néanmoins les amendements identiques nos 40 et 225, car ils représentent un progrès. L'amendement n° 206 a été retiré, mais il ne faut pas écarter l'idée que le bouclier fiscal pourra jouer hors cas d'imposition à l'ISF. C'est pourquoi, même si un système déclaratif est prévu quand il y a cotisation d'ISF, il faudra trouver une forme de responsabilisation plus directe de l'administration fiscale en cette matière.

J'ajoute que, au point où nous en sommes, la mesure présente déjà un coût tel que l'éventuel surcoût qui serait entraîné par l'octroi à l'administration fiscale des moyens nécessaires pour effectuer ce calcul est tout à fait marginal. Cet argument ne vaut pas.

J'essaie, moi aussi, de trouver la solution la plus simple possible, non seulement afin que certains contribuables ne renoncent pas à faire valoir leurs droits pour éviter tout contact avec l'administration fiscale, mais aussi afin que ceux qui ne savent pas faire les calculs eux-mêmes - et ils seront de plus en plus nombreux - puissent tout de même voir leurs droits pris en compte et leur impôt calculé avec équité.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Fourcade. Madame la ministre, je suis confus de ne pas être de votre avis sur ce sujet. C'est la première fois dans ce débat.

Le bouclier fiscal est un signal lancé à tous ceux qui n'ont pas ou peu de revenus, comme les petits commerçants, et qui supportent des contributions locales assez fortes, ainsi qu'aux investisseurs et à tous ceux qui ont de gros revenus et sont tentés de quitter la France - les sportifs, les vedettes, les chanteurs, et j'en passe. C'est pourquoi je pense, contrairement à vous, madame la ministre, que les amendements identiques que nous examinons méritent d'être adoptés, et ce pour deux raisons.

D'une part, il faut conserver le système actuellement appliqué dans le calcul du plafonnement de l'ISF. Il n'est pas raisonnable de prétendre améliorer le mécanisme en supprimant la possibilité accordée au contribuable de calculer ce plafonnement. Ce serait un retour à un mécanisme administratif, alors que nous tendons vers un système de plus grande responsabilité et de plus grande liberté.

D'autre part, nous parviendrons bientôt à l'important débat sur l'utilisation d'une partie du montant de l'ISF pour financer des PME ou procéder à des investissements de proximité. Il paraît difficile d'accorder à un contribuable qui paie, par exemple, 10 000 euros d'ISF - c'est mon cas - le droit de consacrer cet argent au financement de PME, et dans le même temps de lui interdire de procéder lui-même aux calculs et à l'autoliquidation, en laissant cette tâche à l'administration.

Plusieurs arguments peuvent être invoqués : celui de la trésorerie, celui de l'erreur, celui des deux années d'exercice. Sur ce dernier point, le rapporteur général a raison : sans doute la commission mixte paritaire trouvera-t-elle une rédaction qui évite cet écueil. Le mécanisme ne doit porter que sur un an, à partir des revenus de 2007 taxés en 2008. Le tout est de l'écrire de la manière la plus claire.

Madame la ministre, ce dispositif du bouclier fiscal est un signal qui doit permettre de faire revenir en France un certain nombre de contribuables importants. Si le calcul est fait par l'administration fiscale, ce signal perd 95 % de son efficacité. Il faut donc aller au bout de la logique et adopter ces amendements identiques. Pour ma part, je les voterai.

M. le président. La parole est à M. Bernard Vera, pour explication de vote.

M. Bernard Vera. Ces amendements identiques visent à instaurer un nouveau et intéressant concept : celui de l'autoliquidation du bouclier fiscal.

L'exposé des motifs de l'amendement n° 225 montre à lui seul de quoi il retourne : « L'objet du présent amendement est de simplifier la procédure du recours au bouclier fiscal.

« À ce jour, le redevable doit d'abord acquitter l'intégralité de l'ISF, puis faire l'année suivante une demande de restitution du trop versé auprès de l'administration fiscale. »

Cette présentation a au moins le mérite de reconnaître que le bouclier fiscal est bel et bien et, par essence, destiné à réduire, sinon à faire disparaître l'impôt de solidarité sur la fortune.

Ces amendements identiques visent à anticiper sur le remboursement du trop-perçu par l'État au titre du panier d'impositions retenu pour le bouclier fiscal, en décidant de ne pas verser, d'entrée, les sommes susceptibles d'être par la suite restituées.

À considérer les effets de l'article 5, ce nouveau bouclier fiscal concernera 84 % des contribuables assujettis à l'ISF. Il constitue donc une perte sèche de 680 millions d'euros pour l'État sur le montant de l'ISF actuellement perçu.

L'article 6, dont nous discuterons sous peu, offre, pour sa part, l'opportunité aux petits contribuables assujettis à l'ISF de s'exonérer, eux aussi, de l'essentiel de leur imposition.

Dans l'absolu, si tous les contribuables assujettis à l'ISF appliquaient la règle fixée par l'article 6, plus de la moitié des droits exigibles disparaîtraient ! Surtout, la totalité des redevables disposant d'un patrimoine inférieur à 5,7 millions d'euros seraient exonérés de cet impôt !

M. le rapporteur général comme M. Lambert semblent soucieux d'alléger la tâche de l'administration, car l'autoliquidation du bouclier fiscal qu'ils nous proposent vise à dispenser l'État, donc ses services, de rembourser aux contribuables des trop-perçus, une fois les impôts encaissés. Ils nous suggèrent de laisser l'État aux prises avec son déficit de trésorerie pour épargner à quelques milliers de contribuables assujettis à l'ISF l'obligation de s'acquitter de leur dû.

En conséquence, nous ne voterons pas ces amendements, pas plus que nous ne voterons l'amendement sur le délai de reprise.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. Je m'adresserai à Philippe Marini et à Alain Lambert. Mes chers collègues, sauf le respect que je vous dois, j'ai envie de vous dire...

Mme Marie-France Beaufils. Que trop, c'est trop !

Mme Nicole Bricq. ... ce que l'on dit à des garnements pris en faute : « Vous n'avez pas honte ? »

M. Philippe Marini, rapporteur général. Pas du tout !

M. Alain Lambert. Non ! Pas de leçon de morale de votre part !

Mme Nicole Bricq. Je le dis gentiment !

Mme Nicole Bricq. Vous demandez le beurre, l'argent du beurre, et je n'ose pas dire la suite !

M. Alain Lambert. Le sourire de la crémière ne m'intéresse pas !

Mme Nicole Bricq. Je comprends bien les contraintes techniques du service de la séance, mais il est vrai que l'organisation de nos débats a eu pour effet de scinder les deux questions du bouclier fiscal et de l'ISF. Pourtant, M. Denis Badré a raison : notre discussion porte sur les deux.

Le groupe socialiste ne peut que voter contre ces amendements identiques, d'autant que, et mon intervention vaudra explication de vote sur l'amendement suivant, la commission des finances demande que le délai de recours de l'administration concernant l'ISF, qui est aujourd'hui de dix ans, soit ramené à six ans.

Mme Nicole Bricq. Depuis tout à l'heure - depuis plusieurs années, d'ailleurs -, vous ne vous épargnez aucune gesticulation pour tuer un impôt qui ne vous convient pas.

M. le président. La parole est à M. Alain Lambert, pour explication de vote.

M. Alain Lambert. Je ne répondrai pas aux mises en cause de Mme Bricq, qui sont désobligeantes et ne l'honorent pas.

Madame la ministre, c'est aider le Gouvernement que d'adopter la mesure que nous proposons, le rapporteur général et moi-même. En effet, le Gouvernement ne peut trouver légitime de faire de la trésorerie sur les contribuables.

Si vous avez indiqué, madame la ministre, qu'il n'était pas bon que l'État subisse les coûts de la trésorerie des contribuables, vous n'avez pas semblé vous soucier du fait que l'État pouvait, lui, faire de la trésorerie sur les contribuables. Si nous considérons que les contribuables sont des agents économiques qui participent à la prospérité du pays, la logique de la commission des finances est, économiquement, la meilleure et elle doit convaincre la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi.

Madame la ministre, il n'est pas bon, dans une démocratie, d'assister les contribuables au point de les croire incapables de calculer l'impôt dont ils sont redevables. C'est apparu plusieurs fois, mes chers collègues, au cours de nos débats d'hier et d'aujourd'hui, et je les ai écoutés avec attention, j'en ai eu le loisir, car je ne crois pas être de ceux qui ont abusé de leur droit de prendre la parole.

À plusieurs reprises, donc j'ai entendu dire que ce système d'autoliquidation serait difficilement applicable, que les contribuables devraient avoir recours à des professionnels, bref, qu'il devenait de plus en plus difficile pour le citoyen français d'exercer sa simple citoyenneté.

Madame la ministre, le seul moyen pour les citoyens d'être reconnus comme tels par l'État, c'est que cet État reste à leur service et non l'inverse. C'est en cela que ces amendements témoignent d'une logique absolue.

Ils permettent en effet à chaque redevable d'effectuer son calcul, de prendre ses responsabilités. Je suis convaincu que l'on peut très bien donner les moyens matériels à l'administration de comprendre pour quelles raisons le redevable a effectué son calcul ainsi et de rechercher, le cas échéant, la responsabilité dudit redevable si celui-ci venait à s'être trompé.

C'est pourquoi, monsieur le président, je ne retirerai pas mon amendement et je souhaite qu'il soit adopté par le Sénat.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je rejette l'argument relatif à la trésorerie parce qu'il correspond à une vision très archaïque de la comptabilité publique. Aujourd'hui, on raisonne en droits acquis et en obligations, fait incontestable.

J'ai bien écouté Mme Bricq. Mais M. Rocard nous avait proposé le plafonnement, qui avait été institué par la loi.

M. Yves Fréville. Bien sûr !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Or, avec le plafonnement, on était déjà dans l'autoliquidation. Par conséquent, ce n'est pas une novation.

En l'occurrence, c'est naturellement un peu plus compliqué. La déclaration relative à l'ISF doit être envoyée par le contribuable avant le 15 juin. La CSG et la CRDS font partie de l'impôt sur le revenu...

M. Philippe Marini, rapporteur général. Exactement !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. ... à vocation sociale, nous dirait M. Vasselle, mais elles sont calculées en temps réel, alors que l'impôt progressif est estimé sur la base du revenu de l'année précédente.

Maintenant, avec la télédéclaration, qui est une fantastique performance à mettre au crédit de la Direction générale des impôts, le contribuable connaît instantanément le montant de l'impôt dont il est redevable. De même, le contribuable sait le montant de sa contribution d'ISF, puisque la déclaration à ce titre vient chronologiquement en premier. Pour la CSG et la CRDS, en application du principe constitutionnel de précaution, le redevable doit pouvoir faire une estimation qui le mette à l'abri d'une erreur d'évaluation.

Ces différents éléments militent pour l'adoption des amendements identiques nos 40 et 225.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 40 et 225.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 5.

Je suis maintenant saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune et qui sont présentés par M. Marini au nom de la commission des finances.

L'amendement n° 265 est ainsi libellé :

Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Le premier alinéa de l'article 885 V bis du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Dans la première phrase, le pourcentage : « 85 % » est remplacé par le pourcentage : « 70 % » ;

2° La seconde phrase est supprimée.

II. - Le I s'applique à compter du paiement de l'impôt de solidarité sur la fortune pour 2008.

III.- La perte de recettes résultant pour l'État des I et II est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

L'amendement n° 266 est ainsi libellé :

Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - La dernière phrase du premier alinéa de l'article 885 V bis du code général des impôts est supprimée.

II. - Le I s'applique à compter du paiement de l'impôt de solidarité sur la fortune pour 2008.

III.- La perte de recettes résultant pour l'État des I et II est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter ces deux amendements.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Par coordination, il s'agit de constater la caducité du plafonnement du plafonnement, dès lors que le seuil de déclenchement du bouclier fiscal est fixé à 50 %. Telle est la philosophie de ces deux amendements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre. Monsieur le rapporteur général, j'ai le sentiment que l'adoption des amendements précédents vous donne satisfaction.

M. Philippe Marini, rapporteur général. En effet, madame la ministre. Par conséquent, je retire les amendements nos 265 et 266.

M. le président. Les amendements nos 265 et 266 sont retirés.

L'amendement n° 41, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - L'article L. 186 du livre des procédures fiscales est ainsi rédigé :

« Art. L. 186. - Dans tous les cas où il n'est pas prévu un délai de prescription plus court, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à l'expiration de la sixième année suivant celle du fait générateur de l'impôt. »

II. - La dernière phrase du premier alinéa de l'article L. 181 du même livre est ainsi rédigée :

« En aucun cas il ne peut en résulter une prolongation du délai fixé par l'article L. 186. »

III. - Les I et II s'appliquent aux procédures de contrôle engagées à compter de la date de publication de la présente loi.

IV.- La perte de recettes résultant pour l'État des I, II et III est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Il s'agit de la reprise d'un vote antérieur du Sénat visant à réduire le délai de reprise de droit commun en le faisant passer de dix ans à six ans.

Autrefois, le délai de dix ans avait été retenu par référence aux droits d'enregistrement. Il correspond à la période pendant laquelle le défaut de déclaration peut conduire l'administration fiscale à mener des investigations et décider des redressements.

Le délai de six ans est celui qui prévaut pour les autres impôts.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre. Monsieur le rapporteur général, le Gouvernement vous suggère de bien vouloir modifier votre amendement, car il souhaite que les dispositions dont il s'agit s'appliquent aux procédures de contrôle engagées à compter du 1er juin 2008, et non pas « à compter de la date de publication de la présente loi », comme indiqué dans la rédaction actuelle.

Je constate que cet amendement consacre votre détermination et votre persistance à faire adopter une mesure qui viserait à fixer un délai de reprise plus adapté à l'accélération actuelle du temps.

Ramener à six ans le délai décennal - habituel, mais plus coutumier en droit de la construction qu'en matière d'imposition -, paraît légitime. Je constate tout de même que cette mesure soumettra les services chargés des contrôles fiscaux à une pression plus forte, compte tenu du principe d'autoliquidation que vous avez adopté, mesdames, messieurs les sénateurs, voilà quelques instants.

Le Gouvernement est donc favorable à l'amendement n° 41, sous réserve qu'il soit rectifié.

M. le président. Monsieur le rapporteur général, accédez-vous à la demande de Mme la ministre ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Oui, monsieur le président, et j'accepte de rectifier cet amendement dans le sens indiqué.

M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 41 rectifié, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, et ainsi libellé :

Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - L'article L. 186 du livre des procédures fiscales est ainsi rédigé :

« Art. L. 186. - Dans tous les cas où il n'est pas prévu un délai de prescription plus court, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à l'expiration de la sixième année suivant celle du fait générateur de l'impôt. »

II. - La dernière phrase du premier alinéa de l'article L. 181 du même livre est ainsi rédigée :

« En aucun cas il ne peut en résulter une prolongation du délai fixé par l'article L. 186. »

III. - Les I et II s'appliquent aux procédures de contrôle engagées à compter du 1er juin 2008.

IV.- La perte de recettes résultant pour l'État des I, II et III est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Lagarde, ministre. Monsieur le président, le Gouvernement lève le gage.

M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° 41 rectifié bis.

Je le mets aux voix.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 5.

L'amendement n° 83, présenté par Mme Beaufils, MM. Vera, Foucaud et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen est ainsi libellé :

Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le c du 2 de l'article 1649-0A du code général des impôts est abrogé.

La parole est à M. Bernard Vera.

M. Bernard Vera. Monsieur le président, je souhaite défendre en même temps l'amendement n° 82.

M. le président. Je suis en effet saisi d'un amendement n° 82, également présenté par Mme Beaufils, MM. Vera, Foucaud et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen est ainsi libellé :

Après l'article 5, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :

Le d du 2 de l'article 1649-0A du code général des impôts est abrogé.

Veuillez poursuivre, monsieur Vera.

M. Bernard Vera. Ces deux amendements visent à exclure du panier d'imposition retenu pour le calcul du bouclier fiscal la taxe d'habitation et la taxe foncière.

Si l'on s'attache au montant moyen de chacun des impôts concernés par l'application du bouclier fiscal, que constate-t-on ? La taxe d'habitation acquittée en France s'élève à 476 euros ; la taxe foncière sur les propriétés bâties atteint 1 123 euros ; l'impôt sur le revenu s'établit à 1 422 euros et l'impôt de solidarité sur la fortune s'élève à environ 8 060 euros.

De fait, le bouclier fiscal est clairement conçu comme un moyen de réduire la part de l'ISF qu'acquittent les contribuables au titre de leur participation au financement de la charge publique. Un redevable idéal, payant chacun des impôts concernés à hauteur des moyennes observées, s'acquitterait finalement de 11 081 euros. Près de 73 % de cette somme seraient versés au seul titre de l'ISF.

Il est donc clair et évident que le bouclier fiscal est bel et bien conçu comme un instrument d'optimisation fiscale mis à disposition des détenteurs de gros patrimoines. De fait, on peut encore se demander à quel titre les impositions locales directes sont introduites dans le cadre du dispositif et pour quelles raisons les collectivités territoriales seraient contraintes de participer au financement d'un mécanisme dont elles sont loin de constituer l'élément principal de motivation.

Quoi qu'il en soit, je me réjouis évidemment de l'adoption par notre assemblée, à l'unanimité, de la restitution des montants concernés aux collectivités territoriales.

Il est donc pour nous parfaitement cohérent que les dispositions de l'article 1649-OA du code général des impôts excluent ces impositions locales, somme toute marginales, du périmètre du bouclier fiscal. Les dispositions propres à la taxe d'habitation comme à la taxe foncière sur les propriétés bâties sont suffisamment pertinentes pour dispenser leurs contribuables de solliciter le dispositif de restitution.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission émet un avis défavorable sur les deux amendements, ce qui ne devrait pas vous surprendre, mes chers collègues.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre. Même avis !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 83.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 82.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 240 rectifié, présenté par Mme Bricq, MM. Massion, Masseret, Angels, Auban, Charasse, Demerliat, Frécon, Haut, Miquel, Moreigne, Sergent et Cazeau, Mme Le Texier, Demontès, Schillinger, Printz, Jarraud-Vergnolle, Bergé-Lavigne et Khiari, MM. Repentin, Frimat, Godefroy, Lise et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés est ainsi libellé :

Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement présente au Parlement, au 30 septembre 2008, un rapport visant à évaluer la réalité, l'ampleur et les conditions du retour en France des contribuables redevables de l'impôt de solidarité sur la fortune qui ont établi leur résidence fiscale à l'étranger.

La parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq. Monsieur le président, j'ai défendu cet amendement ce matin.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Aux termes de cet amendement, le Gouvernement devra présenter au Parlement, au 30 septembre 2008, un rapport visant à évaluer la réalité, l'ampleur et les conditions du retour en France des contribuables redevables de l'ISF. Je trouve cette disposition intéressante. Nous avons tous à gagner à la transparence. Évidemment, il sera peut-être un peu difficile de définir l'échantillon.

M. Jean-Jacques Jégou. L'important, c'est le nombre !

M. Philippe Marini, rapporteur général. L'important, c'est la démarche !

En l'espèce, la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Madame Bricq, je vous suggère de modifier votre amendement et de substituer aux termes « contribuables redevables de l'impôt sur la fortune qui ont établi leur résidence fiscale à l'étranger » l'expression « réfugiés fiscaux ». (Sourires.) C'est ainsi que la Belgique et quelques autres pays dénomment les personnes concernées.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Ce n'est pas juridique !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christine Lagarde, ministre. On se plaint parfois de l'abondance de rapports, d'études, de dossiers et de documents qui s'accumulent sur les étagères sans que l'on y accorde la moindre vertu ou la moindre valeur. Le rapport visé en l'espèce ne figurerait peut-être pas parmi ces documents, mais il serait excessivement difficile de l'élaborer avec clarté et sur la base d'une bonne information.

La Direction générale des impôts peut recenser les contribuables qui arrivent en France en provenance de l'étranger et qui sont redevables de l'ISF. En revanche, il lui est impossible de distinguer ceux qui n'ont jamais été domiciliés fiscalement en France auparavant, ceux qui l'ont été mais qui n'étaient pas redevables de l'ISF avant leur départ et, enfin, ceux qui étaient domiciliés fiscalement en France et étaient redevables de l'ISF au moment de leur départ.

Des équipes entières peuvent être constituées pour réaliser un échantillonnage, un filtrage et une étude statistique de différents documents.

M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis. Cela va créer des emplois !

Mme Christine Lagarde, ministre. Toutefois, les fonds publics qui seront consacrés à cette tâche ne seront pas, selon moi, utilisés à bon escient.

Par conséquent, le Gouvernement émet un avis de sagesse très défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. Madame la ministre, l'avis très défavorable que vous venez d'émettre me paraît excessif.

Le Gouvernement espère que les mesures qu'il soumet au Parlement auront un impact extrêmement positif sur le retour des personnes qui ont choisi de s'expatrier fiscalement. Par conséquent, il doit pouvoir évaluer l'action qu'il engage, d'autant que cela fait partie du « choc de confiance ».

Précédemment, lors de l'examen de l'amendement défendu par M. le rapporteur général relatif à l'autoliquidation, vous avez indiqué qu'il fallait attendre un an pour que soit évaluée l'efficacité de l'actuel bouclier fiscal, c'est-à-dire avec le seuil de déclenchement fixé à 60 %.

À l'instant, vous venez de demander à M. le rapporteur général que le délai de reprise de six ans qu'il propose ne soit applicable qu'à partir du 1er juin 2008.

À l'origine, l'amendement que j'ai présenté à la commission des finances visait la date du 30 juin 2008. Or, il m'a été demandé de le rectifier et de retenir le mois de septembre pour permettre justement à l'administration fiscale, seule compétente en la matière, de disposer de toutes les données pour effectuer ce travail d'évaluation.

Madame la ministre, votre argument selon lequel cette évaluation entraînerait une mauvaise utilisation des deniers publics est très excessif. Vous auriez pu vous en remettre à une sagesse neutre, à défaut d'être bienveillante.

Monsieur le président de la commission des finances, l'expression « réfugiés fiscaux » me paraît elle aussi franchement excessive : on voit bien quelles sont les personnes visées par cet amendement ! J'ai choisi délibérément une rédaction neutre, pour aider le Parlement à savoir de quoi l'on parle, car, au sujet de cet impôt, on a entendu tout et son contraire.

M. le président. La parole est à M. Charles Josselin, pour explication de vote.

M. Charles Josselin. Nous ne sous-estimons pas la difficulté de l'exercice qui vous est demandé, madame la ministre, mais, étant convaincus que la culture de l'évaluation a fait des progrès formidables dans l'administration en général, la vôtre en particulier, et que vous aurez à coeur de connaître le résultat des mesures que vous engagez, nous pensons donc que ce rapport sera déjà établi. Nous demandons simplement que le Parlement puisse en être informé.

M. Guy Fischer. Voilà ! Il faut rendre ce rapport public !

M. le président. La parole est à M. Robert del Picchia, pour explication de vote.

M. Robert del Picchia. En tant que représentant des Français de l'étranger et résidant depuis longtemps hors de l'Hexagone, je sais comment les choses se passent et je puis affirmer que les contribuables concernés ne rentreront pas dans les six mois ; il leur faudra bien au moins un an et demi, ne serait que pour des raisons pratiques : en effet, ils ne vont pas déménager du jour au lendemain, et il faut penser que leur déclaration d'impôt est faite dans l'autre pays.

Bref, la date du 30 septembre 2008 est un peu prématurée et je serais très étonné que l'on voie revenir les personnes concernées dans les six mois !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Mes chers collègues, je retire bien volontiers ma proposition de modification de cet amendement, reconnaissant qu'elle était juridiquement perfectible et n'était pas à l'abri de toute critique. (Sourires.)

J'observe que ce dispositif pourrait éroder, à la marge, l'électorat de nos collègues représentant les Français établis hors de France. (Nouveaux sourires.)

Madame la ministre, dans ce rapport, il faudra tenir compte non seulement des retours, si du moins on en constate, mais également du ralentissement du rythme des départs.

Dans un premier temps, il a été constaté que, chaque jour, une fortune quittait le territoire national. Le rythme s'est accéléré, puisque, désormais, ce sont deux fortunes qui s'évadent quotidiennement. Il serait intéressant de voir si, à partir de la promulgation de cette loi, ce flux tend à se tarir, voire à s'inverser.

Je souhaite donc que le Sénat adopte l'amendement de Mme Bricq.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Alain Vasselle, rapporteur pour avis. Nous sommes en train de gagner du temps !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Le texte de l'amendement est perfectible. La date pourrait, le cas échéant, être, en effet, un peu repoussée. Il faudrait trouver une rédaction qui permette à l'administration de faire efficacement ce travail.

Cependant, madame la ministre, permettez-moi de tenir un propos « lolfique ».

Nous sommes dans une culture de la performance. L'État s'assigne des objectifs : il doit se donner des indicateurs et évaluer sa performance par rapport à ces indicateurs.

Or, il me semble que faire revenir en France des capitaux qui ont malencontreusement été s'investir à l'étranger est l'un des objectifs de la politique publique en ce début de législature.

Il convient donc de mesurer de manière réaliste comment nous sommes susceptibles d'atteindre cet objectif.

Je vous propose, mes chers collègues, d'adopter cet amendement, bien que le sachant imparfait, en ne le prenant pas au pied de la lettre, mais en considérant l'esprit dans lequel il a été élaboré, et de veiller à en améliorer la rédaction en commission mixte paritaire.

M. Philippe Marini, rapporteur général. J'espère que Mme Bricq voudra bien accepter cette démarche, qui, loin de dénaturer son amendement, est dictée par un souci de transparence, souci que tous doivent partager. (Très bien ! sur les travées de l'UC-UDF.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 240 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 5.