M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il serait incohérent d'adopter avec l'amendement no 15 l'injonction que nous avons refusée voilà quelques instants à l'occasion de l'examen de l'amendement n° 16 !

En outre, le projet de loi prévoit que le contrôleur général peut rendre publics ses avis ainsi que les réponses des administrations concernées, après en avoir informé ces dernières. Il s'agit d'une simple information et non pas d'un accord préalable.

Il me paraît important de rappeler une fois encore que l'autorité de la nouvelle institution et son influence se forgeront non pas contre les administrations responsables des lieux soumis à son contrôle, mais avec leur confiance.

Pour toutes ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur l'amendement no 15.

Pour des raisons identiques, elle a donné le même avis sur l'amendement no 6.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Le Gouvernement partage l'avis de la commission.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 15.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 6.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 8.

(L'article 8 est adopté.)

Article 8
Dossier législatif : projet de loi instituant un contrôleur général des lieux de privation de liberté
Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 11 bis

Dans le dernier alinéa de l'article L. 111-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les mots : «, l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations et la Commission nationale de contrôle des centres et locaux de rétention et des zones d'attente » sont remplacés par les mots : « et l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations ». - (Adopté.)

M. le président. Les autres dispositions du projet de loi ne font pas l'objet de la deuxième lecture.

Vote sur l'ensemble

Article 11 bis
Dossier législatif : projet de loi instituant un contrôleur général des lieux de privation de liberté
Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Robert Badinter, pour explication de vote.

M. Robert Badinter. Voilà déjà bien longtemps que nous attendions l'instauration d'un contrôleur général des prisons.

La nécessité d'une telle institution avait été reconnue dès 2000, dans le rapport Canivet, puis dans les rapports très importants des deux commissions compétentes du Parlement, du Sénat dans un premier temps, puis de l'Assemblée nationale, enfin, dans une proposition de loi votée sur l'initiative de M. Jean-Jacques Hyest.

On a trop tardé, mais c'est maintenant chose faite !

Il s'agit d'un progrès et il est bien entendu exclu que nous rejetions ce projet de loi. Nous aurions cependant aimé pouvoir l'adopter, et c'eût été le cas si vous aviez accédé à notre souhait de soumettre l'avis des commissions sur la nomination du contrôleur général à l'exigence des trois cinquièmes.

Ce n'est pas rien, mes chers collègues, car c'est un principe qui est aujourd'hui d'une grande actualité et qui doit trouver son application générale. Le fait qu'il ne figure pas, à l'heure actuelle, dans le cadre d'une révision constitutionnelle dont nous ignorons par ailleurs et le champ et la portée, ne doit pas nous empêcher de manifester aujourd'hui la volonté que, dans un domaine aussi important que le contrôle des lieux de privation de liberté, la désignation du contrôleur général se fasse avec l'accord consensuel de la commission des lois de chaque assemblée.

En définitive, et j'ai déjà eu l'occasion de le dire, c'est toujours le choix du Président de la République, entériné à tous les niveaux, qui finit par être acquis.

Il ne suffit pas que la minorité puisse, au sein des commissions, faire valoir ses observations et en quelque sorte plaider la cause qu'elle soutient : elle doit aussi, au-delà, participer à la décision.

Je rappelle d'ailleurs que, dans d'autres États, régis par des Constitutions anciennes qui font parfois leurs preuves depuis deux siècles, on prend grand soin, pour les nominations les plus importantes, quand il s'agit des commissions du Sénat - je dis bien du Sénat - de ne pas s'en tenir à la majorité simple.

L'exigence des trois cinquièmes était pour nous une question test. Nous sommes certes satisfaits que l'institution du contrôleur général des prisons voie le jour et je salue les efforts qui ont été faits par les commissions des lois de l'Assemblée nationale et du Sénat afin d'améliorer le texte d'origine. Il n'en demeure pas moins qu'il s'agit d'une question de principe, qui reviendra constamment et qui déjà, selon nous, préfigure ce qui sera au coeur de la révision constitutionnelle.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Notre groupe regrette profondément de ne pouvoir voter l'instauration du contrôleur général des lieux de privation de liberté. Je le regrette aussi à titre personnel. Je me suis efforcée, modestement, de convaincre le Sénat d'adopter des éléments positifs qui me paraissaient importants, mais il faut savoir rester lucide...

Madame la garde des sceaux, le projet de loi que vous avez présenté au mois de juillet était bien en deçà des préconisations internationales. Le Gouvernement n'a fait preuve d'aucune audace, c'est le moins que l'on puisse dire, alors que nous avions déjà perdu beaucoup de temps. Malgré tout, la France continue de s'enorgueillir d'être la patrie des droits de l'homme et de donner des leçons en la matière. Voilà qui est déjà en soi dommageable.

Le Sénat a indiscutablement amélioré le projet de loi qui lui était soumis. Nous pouvions nourrir quelques craintes sur le sort de ces améliorations, car les gouvernements qui se sont succédé n'ont pas fait preuve d'un grand zèle dans ce domaine depuis le vote de la proposition de loi Hyest-Cabanel. Nous nous félicitons donc que ni ce gouvernement ni l'Assemblée nationale ne soient revenus sur les contributions du Sénat.

Cela étant, le Sénat aurait pu faire montre d'une plus grande détermination encore afin que la France appuie la mise en oeuvre des préconisations internationales sans réserve, voire, pour une fois, avec zèle. C'était d'ailleurs le sens des amendements que nous avons déposés. La Haute Assemblée aurait pu voter une loi montrant que nous étions prêts à entrer totalement dans ces préconisations. Ce n'est malheureusement pas le cas : ni le Gouvernement ni les membres de la majorité n'ont manifesté une telle volonté.

Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, pressentant que la décision d'adopter ce texte conforme, et donc de n'accepter aucun amendement, serait partagée par la majorité sénatoriale, nous nous abstiendrons sur le vote final. C'est dommage.

La politique pénale de ce gouvernement et de ceux qui l'ont précédé a établi une distance assez grande avec les prisons et les lieux de privation de liberté. Notre abstention confirme cette distance.

M. le président. La parole est à M. Robert del Picchia.

M. Robert del Picchia. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, nous voici donc réunis pour adopter un projet de loi que je qualifierai de nécessaire, de consensuel, et qui, on le sait, est attendu depuis longtemps par l'ensemble des acteurs de l'administration pénitentiaire et par l'ensemble des parlementaires, y compris par nos collègues de l'opposition.

Ce projet de loi vient couronner une longue réflexion. C'est en effet depuis de nombreuses années que le Parlement accorde avec constance une attention toute particulière aux conditions de détention dans les établissements pénitentiaires.

Ce projet de loi constitue une réelle avancée de l'État de droit. Il montre la volonté de la France de s'engager pleinement dans un contrôle indépendant et effectif non seulement des établissements pénitentiaires, mais également de l'ensemble des lieux de privation de liberté. Des zones d'attente des aéroports aux secteurs psychiatriques des établissements hospitaliers, ce sont environ 5 780 lieux qui sont visés. Il s'agit donc d'une avancée notable, et nous ne pouvons que nous en féliciter.

Ce projet de loi nous permet en outre de nous conformer au protocole facultatif se rapportant à la convention des Nations unies contre la torture, signé par la France en septembre 2005.

Ce projet de loi, enfin, est porteur d'un message politique fort, porteur d'une volonté de transparence et d'humanité. Le contrôleur extérieur constituera en effet une garantie forte contre les abus que peut éventuellement favoriser, nous le savons, un milieu clos.

Madame le garde des sceaux, au nom de l'ensemble de mes collègues du groupe UMP, je souhaite vous rendre hommage, non seulement pour votre travail sur ce texte, mais aussi pour votre engagement dans la mission que vous a confiée le Président de la République ; nous vous en remercions. Au terme des débats que nous venons de mener, je ne peux que me réjouir de constater votre forte détermination à promouvoir une justice plus ferme, mais aussi plus humaine.

Je tiens également à saluer notre excellent rapporteur et président de la commission des lois, M. Jean-Jacques Hyest. Sous son impulsion, le travail de la commission a permis d'enrichir le texte du Gouvernement et de conforter l'indépendance et les prérogatives du contrôleur général.

Je me réjouis tout particulièrement que les députés se soient ralliés au dispositif retenu par la Haute Assemblée - ce n'est d'ailleurs pas la première fois ! -, dispositif qui associe le Parlement à la nomination du contrôleur général sous la forme d'un avis consultatif préalable de la commission des lois de chacune des deux assemblées.

Quoi qu'il en soit, ce texte marque une première étape dans le travail destiné à améliorer les conditions de détention en France.

Nous devons désormais transcrire dans notre ordre juridique interne les règles pénitentiaires européennes et accorder toute leur place aux impératifs d'insertion et de réinsertion à la sortie de prison. À cet égard, nous nous félicitons de la discussion prochaine d'une grande loi pénitentiaire, loi que nous appelons tous de nos voeux.

Pour toutes ces raisons, les membres du groupe UMP et moi-même voterons ce texte avec enthousiasme, comme l'a indiqué notre collègue Jean-René Lecerf, et avec la conviction qu'il participe pleinement à la construction d'une justice plus sereine, plus efficace et plus humaine. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le groupe CRC s'abstient.

M. Louis Mermaz. Le groupe socialiste également.

(Le projet de loi est adopté définitivement.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Monsieur le président, je me réjouis que, malgré les divergences qui peuvent subsister sur des points particuliers, nous soyons parvenus à un accord de l'ensemble de la Haute Assemblée sur la création du contrôleur général des lieux privatifs de liberté.

Ce fut une longue marche pour le Sénat, puisque cette création figurait déjà dans les conclusions - adoptées à l'unanimité - de la commission d'enquête sur les prisons et dans la proposition de loi, largement inspirée par le travail du Premier président Canivet, que nous avions votée. Au fil du temps, des évolutions se sont faites, consacrées aujourd'hui par la loi : le contrôleur sera désormais compétent non pas pour les seules prisons, mais pour tous les lieux privatifs de liberté, ce qui nous permettra, dans la continuité du travail entrepris, de nous conformer au protocole facultatif se rapportant à la convention des Nations unies contre la torture.

Il était important que le contrôleur général puisse se mettre en place très rapidement, car, de toute manière, il faudra aussi du temps à l'institution pour qu'elle s'acclimate dans notre ordre juridique : si elle est très ancrée dans la culture anglo-saxonne, avec le succès que l'on sait, elle n'appartient pas à notre tradition. C'est donc une bonne chose que nous ayons pu aller jusqu'au bout du processus législatif, grâce au Gouvernement qui a inscrit ce texte très rapidement à l'ordre du jour de nos travaux, et même dès la session extraordinaire.

Je pense que, grâce au contrôle général, les personnels qui travaillent, par exemple, dans les locaux de garde à vue de certains commissariats, pourront s'exprimer sur les conditions dans lesquelles ils sont obligés d'agir, et que cela concourra à améliorer la situation.

Maintenant, ce que nous attendons avec impatience, c'est la loi pénitentiaire que nous espérons, là encore, depuis fort longtemps.

Il faut néanmoins rappeler, pour rendre à chacun ce qui lui revient, que les conditions de détention s'amélioreront progressivement aussi du fait de la mise en oeuvre du programme extrêmement important que nous avions voté avec la loi d'orientation et de programmation pour la justice et qui, madame le garde des sceaux, s'impose à vous et à vos services. Ainsi, nous avons vu l'ouverture des premiers établissements pénitentiaires pour mineurs.

Je suis convaincu que très rapidement, au plus tard dans quelques années, grâce à l'amélioration des locaux et à l'institution du contrôleur général, les prisons ne seront plus une « humiliation pour la République » !

M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, mesdames, messieurs les sénateurs, au nom du Gouvernement, je vous remercie d'avoir adopté, en seconde lecture, le projet de loi instituant un contrôleur général indépendant des lieux de privation de liberté. C'est pour moi un honneur et une fierté d'avoir défendu ce texte devant vous. Je ne doute pas que vous partagez ces sentiments aujourd'hui.

Par ce vote, vous faites la preuve que la République, une et indivisible, ne tolère pas de lieux d'exception et qu'elle entend s'engager pleinement dans le contrôle de tous les lieux de privation de liberté.

Par ce vote, vous faites la preuve que la France entend tenir les engagements qu'elle a pris devant la communauté européenne et internationale : notre pays se donne les moyens de respecter le protocole facultatif se rapportant à la convention des Nations unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Par ce vote, enfin, vous faites la preuve de votre attachement aux droits de l'homme.

Je tiens à souligner la qualité du travail que le Sénat a accompli. On le sait, la Haute Assemblée est à l'origine de ce projet de loi, dont l'adoption doit beaucoup au président de sa commission des lois, Jean-Jacques Hyest, qui est aussi le rapporteur de ce texte. Nous savons combien il s'est investi dans ce débat, et je l'en remercie.

La contribution des membres de tous les groupes du Sénat a été essentielle. Votre présence aujourd'hui, en cette journée, il faut le dire, particulière, montre une nouvelle fois votre implication, mesdames, messieurs les sénateurs.

Vos amendements ont permis de préciser ou de compléter utilement certaines des dispositions du projet de loi. Il n'en sera que mieux appliqué.

L'institution d'un contrôleur général des lieux de privation de liberté est un progrès salué par toutes celles et tous ceux qui ont la charge de ces établissements particuliers. C'est un progrès pour notre État de droit, c'est un progrès pour la France, c'est une exigence en termes d'humanité. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : projet de loi instituant un contrôleur général des lieux de privation de liberté
 

3

Modification de l'ordre du jour

M. le président. Par lettre en date de ce jour, M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement a modifié l'ordre du jour prioritaire de la séance du jeudi 25 octobre en prévoyant de commencer dès le matin l'examen de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la simplification du droit, qui commencera donc à 9 heures 30 et se poursuivra l'après-midi.

La date d'examen du projet de loi sur les chiens dangereux sera fixée lors de la prochaine réunion de la conférence des présidents, qui se tiendra le mercredi 24 octobre.

Acte est donné de cette communication.

Par ailleurs, je vous informe que, en raison d'une modification de l'ordre du jour de l'Assemblée nationale, l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration, prévu le mardi 23 octobre après-midi après l'éloge funèbre du président Jacques Pelletier, ne pourra commencer qu'à partir de 18 heures.

Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures quarante, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)

PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet

M. le président. La séance est reprise.

4

Questions d'actualité au Gouvernement

M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions d'actualité au Gouvernement.

Je rappelle que l'auteur de la question de même que la ou le ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes trente.

Lutte contre l'exclusion

M. le président. La parole est à M. Bernard Seillier.

M. Bernard Seillier. Monsieur le Premier ministre, l'actualité de cette semaine place la faim et la misère au premier plan des mobilisations populaires.

Le Président de la République et le Gouvernement ont aussi affirmé à plusieurs reprises leur détermination pour faire du combat contre la pauvreté une priorité.

M. Nicolas Sarkozy a présenté hier, devant le Conseil économique et social, les engagements immédiats.

Plusieurs ministres de votre gouvernement sont impliqués dans ce combat multiforme, qui doit mobiliser en matière d'éducation, de formation professionnelle, d'emploi, de logement, de santé, de protection sociale, d'immigration, de justice, de finances publiques.

Il s'agit non pas de créer un droit spécifique pour les pauvres, mais de faire en sorte que le droit commun, qu'il soit politique, économique ou social, soit accessible à tout un chacun.

La prévention de la misère est évidemment le meilleur moyen de la combattre. Dans cette perspective, M. le Président de la République a souligné en plusieurs occasions que le pouvoir d'achat des personnes et des familles était une question cruciale.

C'est clairement mettre en cause, et à juste titre, la répartition des richesses et donc la régulation économique de la production et des échanges.

Cette régulation doit être, aujourd'hui, améliorée selon des critères de justice, non seulement au niveau national mais aussi à celui des grands ensembles économiques homogènes et au niveau mondial, entre ces ensembles territoriaux eux-mêmes.

Les solutions que nous apporterons aux lancinantes questions de la misère, à l'échelon national comme mondial, et des migrations de populations qu'elles entraînent conditionneront la paix tant civile qu'internationale. Vous en êtes d'ailleurs conscient, puisque la question du codéveloppement fait explicitement partie des attributions que vous avez confiées à l'un de vos ministres.

Monsieur le Premier ministre, quelle initiative la France, et plus encore la présidence française de l'Union européenne, entend-elle prendre pour que, au-delà du programme national de réduction d'un tiers de la pauvreté en cinq ans et des méthodes ouvertes de coordination développées au niveau européen, une véritable stratégie économique et sociale, cohérente au plan tant local qu'international, puisse être définie en conformité avec le principe d'égale dignité des personnes humaines ?

M. le président. La parole est à M. le haut-commissaire.

M. Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté. Monsieur le sénateur, en tant que président du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale, vous avez bien fait de souligner, d'une part, l'importance des initiatives qui ont été prises et l'attention qui est portée à la lutte contre la pauvreté et, d'autre part, le fait que, dans un pays comme la France, cette lutte contre la pauvreté est indissociable des efforts qu'il faut conduire en la matière dans les autres pays du monde.

Sous l'autorité du Premier ministre, un engagement national du Gouvernement a été pris et approuvé hier en conseil des ministres, de sorte que l'objectif de réduction de la pauvreté fixé par le Président de la République soit pris en compte dans les politiques transversales. En effet, on sait bien qu'il faut mettre en oeuvre des politiques de prévention et non pas des politiques de compensation une fois la pauvreté installée. Il me semble que c'est la première fois qu'on l'affirme avec une telle netteté.

Vous avez surtout insisté sur l'aspect international de ces questions. J'ai moi-même eu l'occasion de représenter la France lors du forum Union européenne-Amérique latine et Caraïbes sur la cohésion sociale, où ces sujets étaient au centre des discussions. J'ai été frappé de constater que les problématiques des différents pays étaient, finalement, relativement proches. Cette réunion visait à préparer le sommet des chefs d'État qui se tiendra à Lima et auquel le Président de la République participera au mois de mai prochain avec, pour la première fois, un agenda social entre ces deux continents.

Par ailleurs, voilà trois jours, s'est tenue, sous la présidence du Portugal, la sixième table ronde sur la pauvreté, qui a réuni à la fois des organisations non gouvernementales, des administrations...

M. Jacques Mahéas. On demande des actes !

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. ...et des représentants des gouvernements.

En outre, nous avons la responsabilité de préparer la table ronde qui se réunira l'année prochaine. (M. Jacques Mahéas s'exclame.) Conjointement avec la présidence portugaise, il a été prévu que, pour la première fois, elle se tiendrait au niveau interministériel : la France conviera les ministres des vingt-sept pays concernés.

Enfin, nous travaillons avec la Commission européenne pour qu'une recommandation sur l'inclusion active puisse émerger pendant la présidence française, afin que nos actions dans ce domaine soient coordonnées avec celles des autres pays. (Très bien ! et applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

Régimes spéciaux de retraite

M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme Catherine Procaccia. Ma question s'adresse à M. le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité.

M. Roland Courteau. Et des régimes spéciaux !

Mme Catherine Procaccia. Aujourd'hui, je ne l'apprends à personne, c'est une journée de grève dans les services publics de transports en réaction à l'annonce de la réforme des régimes spéciaux de retraite. Bien sûr, cette grève en rappelle d'autres, celle de 1995, par exemple, mais 2007 n'est pas, je l'espère, 1995... (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. Didier Boulaud. On verra !

Mme Catherine Procaccia. Depuis 1995, en effet, des millions de salariés du privé et de la fonction publique ont compris que les déséquilibres démographiques, dus en particulier à l'allongement de la durée de vie et des études, ont rendu nécessaire la réforme du système de retraite, même si cela ne fait pas plaisir. Les bénéficiaires des régimes spéciaux ne peuvent pas décemment refuser cette réalité et continuer à défendre un système aussi inégalitaire.

Les particularités qui ont présidé à la création de ces régimes ne justifient plus une telle différence de traitement entre les citoyens, (Exclamations sur les travées du groupe CRC.) sachant surtout que ces régimes sont financés par les contribuables et les usagers et non pas par les bénéficiaires, ...

M. David Assouline. Ce n'est pas vrai !

Mme Catherine Procaccia. ...comme l'explique très bien une tribune parue ce matin, dans laquelle on peut lire que si c'était les cheminots ou les machinistes de l'Opéra qui finançaient ces avantages, personne n'aurait rien à dire.

Mme Catherine Procaccia. Or, tous n'ont pas une activité pénible...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Les salariés du service public gagnent énormément, ce sont des privilégiés !

M. Charles Pasqua. Laissez-la parler !

Mme Catherine Procaccia. ...justifiant le fait qu'ils doivent prendre leur retraite dix ou quinze ans avant tous les autres salariés. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Didier Boulaud. Les copains et les coquins !

Mme Catherine Procaccia. Qui plus est, les statistiques montrent que leur espérance de vie est comparable à celle des Français exerçant d'autres activités.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous n'en savez rien !

M. Roland Courteau. Droit dans les bottes !

Mme Catherine Procaccia. C'est pourquoi je crois que la grève d'aujourd'hui ne bénéficiera pas de la solidarité des Français - en tout cas, je l'espère - surtout si elle se prolonge...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Qu'en savez-vous ? Vous êtes une provocatrice, madame Procaccia !

M. François Autain. C'est la faillite du Gouvernement !

Mme Catherine Procaccia. ...et j'ose espérer, monsieur le ministre, qu'elle ne sera pas un frein à cette réforme que les Français attendent, que nous espérons et que nous soutenons. (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

Mme Isabelle Debré. Un peu de respect, écoutez vos collègues !

Mme Catherine Procaccia. Monsieur le ministre, j'aimerais connaître votre sentiment sur ce point.

Mais s'agissant aussi d'équité, je voudrais savoir ce qu'il en est de la durée de cotisation, puisque le nombre d'années réclamées va passer a priori à quarante ans.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quarante-cinq ans bientôt !

Mme Catherine Procaccia. La référence actuelle aux six derniers mois de salaire - alors que c'est vingt-cinq ans pour les salariés du privé - fera-t-elle aussi l'objet de discussions avec les syndicats et d'une remise en cause ?

M. Guy Fischer. Cela promet !

M. Roland Courteau. Posez la question !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Toujours plus pour les riches, madame Procaccia !

Mme Catherine Procaccia. Enfin, monsieur le ministre, puisque l'on parle de retraites adaptées aux réalités du XXIe siècle, je voudrais attirer votre attention sur le dossier des fonctionnaires de l'État qui déclarent prendre leur retraite outre-mer, - cette déclaration ne fait l'objet d'aucune vérification - même s'ils n'y ont jamais exercé de leur vie, et qui perçoivent 35 % à 75 % de plus, sans aucun contrôle, j'y insiste.

M. François Autain. La question !

Mme Catherine Procaccia. Allez-vous, monsieur le ministre, vous saisir aussi de ce dossier, qui reflète une inégalité supplémentaire (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Roland du Luart. Bonne question !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Une inégalité de plus entre les riches et les pauvres !

M. le président. Mes chers collègues, je vous prie de ne pas interrompre l'orateur qui intervient, car je rappelle que c'est le dernier inscrit qui sera sanctionné. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. David Assouline. Mme Procaccia a dépassé son temps de parole !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. Madame le sénateur, je vous répondrai pour ce qui relève directement de la compétence de mon ministère.

M. Xavier Bertrand, ministre. Vous avez évoqué cette journée particulière : je pense aux usagers des transports qui, aujourd'hui, soit n'ont pas pu aller travailler, soit se sont levés plus tôt et rentreront plus tard chez eux ; je pense aussi - c'est important - aux agents concernés par les régimes spéciaux, qui sont inquiets et s'interrogent.

Le droit de grève est un droit constitutionnel, un droit d'expression reconnu. Mais le Gouvernement a la responsabilité de réussir cette réforme des régimes spéciaux, car - vous l'avez très bien dit - un fait s'impose à tous : aujourd'hui, dans ces entreprises, 500 000 actifs cotisent pour plus de un million de retraités. Le problème est bien réel et si nous ne menons pas à bien cette réforme des régimes spéciaux, personne ne sera capable de garantir à ces agents, dans cinq ans, dans dix ans ou dans quinze ans, le paiement de leur pension. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Charles Pasqua. Très bien !

M. Xavier Bertrand, ministre. ...La réussite de cette réforme, c'est aussi une garantie pour leur avenir. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme Isabelle Debré. Bien sûr !

M. Xavier Bertrand, ministre. Autre phénomène sur lequel je voudrais insister et qui devrait nous rassembler : les Français souhaitent être placés sur un pied d'égalité, ...

M. Xavier Bertrand, ministre. ...notamment pour la durée de cotisations.

M. Jean-Pierre Sueur. Pour la fiscalité aussi !

M. Xavier Bertrand, ministre. Que direz-vous à ces 20 millions de travailleurs qui cotisent déjà quarante ans alors que d'autres ne cotisent encore que trente-sept ans et demi ?

M. Jean-Pierre Sueur. Et les cadeaux fiscaux ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Cette exigence de justice sociale s'impose à tout le monde.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et les gens qui travaillent la nuit ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Dès lors, vous le comprenez, le Gouvernement veut et doit réussir cette réforme des régimes spéciaux.

En revanche, la grève n'interdit pas le dialogue.

M. Xavier Bertrand, ministre. Nous sommes attentifs aux interrogations qui sont exprimées non seulement par les organisations syndicales, mais également par les agents. Le Président de la République est allé à leur rencontre la semaine dernière, moi aussi, et je le ferai de nouveau, car il est certain que nous devons apporter des réponses claires aux questions qui sont posées.

Oui, cette réforme sera progressive parce qu'il n'y a pas de place aujourd'hui, dans notre pays, pour la brutalité dans une affaire de cette nature.

M. Xavier Bertrand, ministre. Par ailleurs, il est essentiel que les entreprises engagent des négociations pour trouver des solutions.

Nous vivons et nous travaillons de plus en plus longtemps ; il est donc normal que les entreprises s'interrogent sur la seconde partie de carrière de leurs salariés et sur cette clause d'un autre âge en vertu de laquelle ils doivent partir à cinquante ans ou à cinquante-cinq ans, alors même qu'ils n'ont pas une retraite complète. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Enfin, il n'est pas question de changer la règle des six derniers mois pour ces agents.

Dans le secteur privé, ce sont les vingt-cinq meilleures années qui sont retenues, mais c'est l'ensemble du salaire qui est pris en compte, alors que, dans la fonction publique, les primes ne sont pas intégrées. Je fais donc une différence entre un agent de la fonction publique territoriale et un haut fonctionnaire, car ils ne sont pas égaux en matière de primes.

M. Xavier Bertrand, ministre. Nous proposons donc à ces agents une convergence de leur régime avec celui de la fonction publique. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF et du RDSE.)