Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.... et de suivre la prescription dans des conditions qui sont parfaitement déterminées par le décret.

Si des médecins donnaient délégation de soins pour une IVG par voie médicamenteuse, ils contreviendraient au décret, qui dispose que les IVG, dans le cadre de la convention, sont pratiquées par des médecins.

J'en viens à votre seconde question : la Haute autorité de santé, interrogée sur ce point, n'a pas jugé que l'échographie devait être obligatoire. Il appartient au médecin, dans le cadre de son exercice médical, de juger si elle est nécessaire. Je ne crois pas qu'il revienne au législateur d'intervenir de façon aussi invasive dans la pratique médicale. Laissons le médecin évaluer le cas particulier qu'il a devant lui, laissons-lui son libre arbitre !

En tout cas, je le redis encore une fois solennellement : l'IVG médicamenteuse ne peut être pratiquée que par un médecin.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il n'a jamais été dans mes intentions d'imposer telle ou telle pratique par la loi. En tant que médecin, je me sens tout de même un peu responsable !

Par ailleurs, le Vidal, dont on attend des références contrôlées par les autorités de notre pays, indique que l'administration peut être faite par un infirmier par délégation de soins. Il faudra veiller à corriger cet ouvrage de référence.

Enfin, je n'ai pas eu de réponse à toutes mes questions : les lieux où sera autorisée la pratique des interruptions de grossesse par voie médicamenteuse seront-ils équipés pour réanimer une personne victime d'un accident cardiovasculaire ? Le médecin sera-t-il présent pendant les trois heures durant lesquelles la femme sera maintenue en observation ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ce n'est pas le cas chez les médecins de ville !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je n'en sais rien, je pose la question !

Monsieur le président, on est en train de me reprocher de veiller à la sécurité des femmes (Exclamations sur les travées du groupe CRC.) ! Visiblement, on ne s'en soucie pas ailleurs !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quelle mauvaise foi !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est vous qui êtes de mauvaise foi ! Je suis désolé, mais je ne vous ai jamais prise à partie. Soyez tolérante ! Vous êtes insupportable, madame Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je ne vous permets pas !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Moi, je me permets ! On peut discuter tout de même !

M. le président. Mes chers collègues, l'implication de M. le président de la commission des affaires sociales dans tous les dossiers est suffisamment connue pour justifier que nous l'écoutions dans le calme !

La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. M. About pose la question de savoir s'il convient d'imposer aux différents acteurs qui vont pratiquer des IVG médicamenteuses - les centres de planification familiale demain, si la représentation nationale les y autorise, ce que j'espère, mais également les médecins de ville, qui le font depuis une vingtaine d'années, ainsi que d'autres centres, - la possession d'un appareil de réanimation.

Je rappelle que l'IVG médicamenteuse est pratiquée depuis vingt ans dans notre pays et que les produits qui sont utilisés - ils sont le fruit des recherches du professeur Beaulieu - le sont depuis maintenant une trentaine d'années. En outre, de très nombreuses études post-AMM ont été effectuées dans de multiples pays.

En l'état actuel des connaissances scientifiques et avec le recul extrêmement important dont nous disposons, il apparaît qu'un dispositif de réanimation ne s'impose absolument pas : nous n'avons pas connaissance d'incidents du type de ceux que vous redoutez, monsieur le président de la commission.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ah mais si !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Après trente ans d'IVG médicamenteuses, nous savons que cette pratique est parfaitement sûre. Il n'y a donc pas lieu d'imposer ce genre de dispositif.

M. François Autain. Très bien !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Est-ce parce qu'elle ne présente aucun risque que l'IVG par voie médicamenteuse est interdite aux fumeuses et aux femmes de plus de trente-cinq ans ?

M. le président. La parole est à Mme Claire-Lise Campion, pour explication de vote.

Mme Claire-Lise Campion. Les trois amendements de suppression de l'article 46 constituent la preuve, une fois de plus, qu'une partie de la majorité du Sénat n'accepte pas, sur cette question essentielle de l'IVG, la conquête irréversible des femmes du droit à disposer de leur corps ! (Mme Marie-Thérèse Hermange proteste.)

M. Bruno Sido. C'est scandaleux !

Mme Claire-Lise Campion. Quarante ans après l'adoption de la loi du 28 décembre 1967 sur la régulation des naissances, que l'on doit à Lucien Neuwirth, et de la loi du 17 janvier 1975, que l'on doit à la ténacité et au courage, que je salue, comme nous tous, une fois de plus aujourd'hui, de Simone Veil, nous voyons réapparaître une fois encore, au sein même de cet hémicycle, des positions idéologiques qui remettent en cause les acquis des femmes. Or, depuis de nombreuses années, la gauche est mobilisée auprès des associations pour défendre ces acquis.

Permettez-moi de revenir sur les propos qu'a tenus M. Sido tout à l'heure : le droit des femmes de disposer librement de leur corps lui fait froid dans le dos ! (M. Bruno Sido s'exclame.) Pour ma part, ce qui me fait froid dans le dos, c'est que d'autres que moi, en l'occurrence des hommes, puissent imaginer disposer librement de mon droit à disposer de mon corps. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Bruno Sido. J'ai dit qu'il fallait faire attention aux messages subliminaux !

Mme Claire-Lise Campion. À ce stade de notre discussion, je rappelle que le taux de natalité en France, qui est en constante augmentation, est aujourd'hui l'un des deux taux les plus élevés d'Europe : il s'établit à deux enfants par femme. Ne mettons pas en corrélation la volonté des femmes de mettre des enfants au monde et l'IVG, car ces deux questions n'ont rien à voir entre elles ! Si des femmes sont contraintes à un moment de leur vie d'avoir recours à l'IVG, c'est parce qu'elles n'ont pas d'autre choix. Elles sont dans des situations difficiles et terriblement douloureuses.

Toute mesure visant à faire respecter le droit à l'IVG doit être encouragée et considérée comme une avancée permettant aux femmes de ne pas être exposées au danger, de sortir du silence, de la culpabilité et de la douleur que j'évoquais à l'instant.

Le risque médical lié à l'IVG médicamenteuse a été invoqué, tant ce matin que cet après-midi. Or, nous le savons, pratiqué dans les centres de planification familiale, cet acte ne présente qu'un risque marginal. Les informations que nous a données Mme la ministre ce matin et cet après-midi vont dans ce sens. Le bilan des expérimentations menées depuis le mois de juillet 2005, après la mise en place expérimentale des IVG médicamenteuses dans les centres de planification familiale, est très positif, les taux de complication ou d'échec étant tout à fait marginaux.

L'argumentaire sur le coût de la mesure ne tient pas davantage. La possibilité pour les médecins des centres de planification de prescrire une IVG médicamenteuse n'aura aucune incidence financière pour les départements. On peut considérer que le poids financier sera totalement nul dans la mesure où la plupart des centres de planification s'appuient sur un service hospitalier.

Enfin, l'argument de l'isolement de la personne a également été invoqué. C'est un non-sens, puisque les femmes seront prises en charge par des centres chargés de les conseiller et d'assurer le suivi de leur démarche, de leur apporter un soutien ainsi qu'une aide psychologique. Ces centres sont donc parfaitement compétents, je le répète, pour la réalisation des consultations psychosociales pré et post-IVG. Ils comptent dans leurs effectifs des médecins et des conseillères conjugales, qui ont été formés et sont donc parfaitement à même d'entourer les femmes dans ces moments difficiles de leur parcours.

M. le président. Veuillez conclure, madame Campion.

Mme Claire-Lise Campion. Je termine, monsieur le président.

Nous voici malheureusement une nouvelle fois, et c'est très regrettable, dans un débat qui se place sur un plan non pas technique ou juridique, mais bien idéologique. Permettez-moi de vous le dire, un tel débat, qui n'a plus lieu d'être, n'est ni à notre honneur ni à celui du Sénat.

M. Bruno Sido. N'importe quoi ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau, pour explication de vote.

M. Bernard Cazeau. Je ne reviendrai pas sur le débat d'ordre éthique dans lequel Mme Campion a apporté des arguments convaincants. Je ne reviendrai pas non plus sur l'ensemble du sujet, puisque Mme la ministre l'a assez bien circonscrit, et je dois dire que je souscris à la plupart des informations qu'elle a données.

En revanche, je voudrais intervenir sur deux questions qui ont été soulevées.

Premièrement, Mme Hermange a évoqué le danger que pouvait présenter l'IVG médicamenteuse, notamment à travers la prise de la pilule abortive, dite RU486.

Mais, madame Hermange, outre que ce danger est, en l'occurrence, relativement limité - Mme la ministre vient de le confirmer -, il faut dire que le « risque zéro », en médecine et en chirurgie, n'existe pas.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Bien sûr !

M. Bernard Cazeau. C'est la raison pour laquelle - vous y avez d'ailleurs fait référence - dans un souci d'assurance, tout médecin ou tout chirurgien qui s'apprête à opérer demande à son patient de signer une lettre de consentement attestant qu'il a bien été informé des risques et dangers potentiels.

Il n'y a aucun médicament sans risque, à l'exception, certes, des placebos. Je profite de l'occasion, madame la ministre, pour conseiller à vos services de réexaminer le Vidal, car celui-ci contient tout de même beaucoup de placebos. La sécurité sociale pourrait, dès lors, réaliser un certain nombre d'économies...

Deuxièmement, M. Sido, qui est comme moi président de conseil général, a déclaré que l'Assemblée des départements de France n'avait pas été informée de l'existence de l'article 46. Après vérification, il semble que le président de l'association en ait été avisé, mais il est vrai que le sujet n'a pas été abordé lors des réunions du bureau de l'ADF.

Mais vous savez comme moi comment se déroulent les bureaux de notre association, monsieur Sido ! Tous les sujets n'y sont pas nécessairement évoqués. D'ailleurs, je me souviens de projets gouvernementaux qui avaient suscité les réserves, voire l'opposition, de tous les présidents de conseils généraux lorsque nous en avions débattu au sein du bureau de l'ADF et qui ont ensuite été votés ici même par les membres de la majorité sénatoriale, y compris par les collègues qui avaient auparavant exprimé leurs réticences. En l'occurrence, il faut, me semble-t-il, savoir prendre du recul et raison garder.

En outre, c'est au Parlement qu'il appartient de voter la loi. Il n'est donc pas nécessairement tenu de solliciter l'avis de tel ou tel. (Murmures sur les travées de l'UMP.)

Mes chers collègues, si vous le souhaitez, je peux citer l'exemple du transfert des compétences en matière de tutelles, qui a été voté au mois de juin dernier. Saisi d'un tel projet, le bureau de l'ADF s'était unanimement prononcé contre. D'ailleurs, même M. de Villepin avait déclaré souhaiter une pause dans les transferts. Pourtant, le texte a ensuite été voté par nos collègues de la majorité sénatoriale.

Dans ces conditions, l'argument que vous avez avancé ne tient pas, monsieur Sido.

Cela dit, reste le problème de la responsabilité.

M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Bernard Cazeau. Il s'agit d'un sujet important, monsieur le président.

M. le président. Certes, mais chaque orateur doit respecter le temps de parole qui lui est imparti.

M. Bernard Cazeau. Je souhaite simplement répondre à deux collègues.

M. le président. Monsieur Cazeau, la parole vous a été accordée non pas pour répondre à d'autres orateurs, mais pour expliquer votre vote. Veuillez conclure.

M. Bernard Cazeau. Je conclus sur la responsabilité, monsieur le président.

Certes, le médecin est toujours responsable de ses actes. De ce point de vue, je partage l'avis de M. le président de la commission des affaires sociales. C'est bien au médecin, et non à l'infirmier, qu'il appartient de décider d'une prescription. Mais la responsabilité de prononcer des actes autrefois réservés aux seuls médecins est de plus en plus souvent transférée aux infirmiers.

C'est pourquoi, madame la ministre, je souhaiterais qu'une étude juridique sur la question de la responsabilité soit annexée au présent projet de loi de financement de la sécurité sociale. Cela correspond d'ailleurs à une demande de plusieurs membres de notre assemblée.

Sur le plan de l'éthique, je respecte parfaitement l'opinion de nos collègues.

M. le président. Il faut vraiment conclure, mon cher collègue. Vous avez largement dépassé votre temps de parole.

M. Bernard Cazeau. Je termine, monsieur le président.

Sur le plan légal, le problème a, me semble-t-il, été réglé par Mme Veil voilà de nombreuses années. Nous n'avons pas à revenir sur ce débat dans le cadre de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Le dispositif qui nous est proposé a un sens. Il s'agit de prendre en compte la situation des femmes les plus fragiles, quelquefois les plus jeunes, qui vivent de véritables drames personnels en raison de leur appartenance sociale, culturelle ou religieuse. La société doit, certes, leur apporter des réponses, mais des réponses d'autant plus sécurisées qu'elles s'adressent aux plus faibles.

C'est pourquoi j'ai insisté sur ce point. Nous ne pouvons pas nous permettre de laisser demain une jeune fille peut-être mineure courir le risque de mettre sa santé, voire sa vie, en danger faute de protections suffisantes.

Le dispositif proposé s'adresse également aux femmes qui ont peu de moyens financiers et qui peuvent avoir besoin de recourir à l'IVG dans la clandestinité.

Les questions que j'ai posées sur la sécurité sont importantes, car je ne voudrais pas avoir un jour à connaître de drames qui auraient pour cause un défaut d'examen ou de surveillance.

C'est la raison pour laquelle j'attire l'attention de Mme la ministre. Bien entendu, nous demanderons des comptes au Gouvernement.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je suis très sensible à l'interpellation de M. le président de la commission des affaires sociales.

Il est effectivement de notre responsabilité d'assurer le maximum de sécurité à chacun de nos concitoyens, et notamment aux plus fragiles d'entre eux. C'est d'ailleurs le sens du préambule de la Constitution, qui fait référence à la nécessité de garantir l'accès des plus faibles à la santé.

Mesdames, messieurs les sénateurs, en vous proposant d'étendre la possibilité de l'interruption volontaire de grossesse par voie médicamenteuse aux centres de planning familial, j'ai le sentiment d'assurer, précisément, une meilleure sécurité aux femmes. Je vous en ai d'ailleurs donné les raisons. Compte tenu des missions remplies par les centres de planning familial, un tel dispositif permettra notamment de renforcer la sécurité en faveur des femmes en situation de fragilité et de précarité.

Nous avons maintenant vingt ans de recul sur une telle pratique, qui n'est pas marginale. Chaque année, 90 000 IVG médicamenteuses sont pratiquées dans notre pays, dont 15 000 par les médecins de ville, c'est-à-dire dans un environnement quasi familial.

Mesdames, messieurs les sénateurs, pour l'instant, depuis ces vingt ans d'exercice de l'IVG médicamenteuse aucun effet grave n'a été recensé. Il est tout à fait remarquable de constater qu'une pratique aussi performante sur le plan médical ait suscité si peu d'effets secondaires indésirables. Bien entendu, cela est lié aux remarquables recherches qui ont conduit à la mise au point de cette thérapeutique, mais également aux précautions que les pouvoirs législatif et réglementaire ont mises au service de l'IVG médicamenteuse.

À l'occasion de l'extension qui est proposée dans ce projet de loi, j'ai voulu réaffirmer le protocole extrêmement précis qui s'applique à l'IVG médicamenteuse. Sur l'interpellation parfaitement justifiée de M. le président de la commission des affaires sociales, j'ai rappelé que seul un médecin pouvait effectuer cet acte, et ce dans des conditions parfaitement codifiées pour assurer la protection maximale des patientes.

J'ai indiqué que la santé des femmes constituait l'un des axes majeurs de mon action et que je ne faisais pas l'économie d'une telle démarche s'agissant de la contraception.

Enfin, je redis solennellement que toutes les précautions ont été prises pour sécuriser au maximum les conseils généraux, qui sont maintenant en charge d'une telle responsabilité.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je pense avoir répondu à toutes vos préoccupations légitimes et je vous invite à adopter l'article 46.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange, pour explication de vote.

Mme Marie-Thérèse Hermange. Je n'entends pas imposer mes vues, qui sont au demeurant aussi respectables que les opinions exprimées par d'autres orateurs. Je voudrais simplement revenir sur la question qu'a soulevée M. le président de la commission des affaires sociales à propos de la sécurité.

En effet, selon le Vidal, associée à la prise de prostaglandine par voie vaginale, l'IVG a donné lieu à des complications très graves.

Ainsi, en 2005, l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, l'AFSSAPS, a adressé à tous les prescripteurs de produits utilisés dans le cadre des avortements médicamenteux un rappel des conditions pour leur prescription et leur utilisation, et ce à la suite d'un décès par septicémie de quatre personnes aux États-Unis. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Jean-Luc Mélenchon. Justement, c'était aux États-Unis, pas en France !

Mme Marie-Thérèse Hermange. Mes chers collègues, je ne fais que lire les déclarations de l'AFSSAPS.

M. Bernard Cazeau. Vous citez quelque chose que vous ne comprenez pas !

M. le président. Mes chers collègues, je vous prie d'écouter Mme Marie-Thérèse Hermange dans le calme.

Mme Marie-Thérèse Hermange. J'ai terminé, monsieur le président.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Je tiens à rassurer Mme Hermange, qui a bien fait d'attirer notre attention sur les contre-indications mentionnées dans le Vidal.

Bien entendu, je ne considère pas, loin de là, l'IVG médicamenteuse comme un geste anodin. C'est la raison pour laquelle un tel acte doit être pratiqué uniquement par un médecin, et selon un protocole extrêmement précis, avec nombre de précautions, auquel le praticien ne saurait déroger. D'ailleurs, afin que vous soyez bien informés, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai demandé que la Haute Assemblée soit destinataire du tableau du protocole.

Il est du rôle du Vidal d'attirer l'attention des prescripteurs sur tous les effets secondaires, même extrêmement marginaux et rares, pouvant survenir, afin justement que la pratique médicale fasse en sorte - de ce point de vue, le protocole nous offre toutes les garanties - de prévenir de tels effets.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet, pour explication de vote.

Mme Anne-Marie Payet. Certaines associations, orientées vers le « tout-avortement », considèrent l'IVG comme un droit inaliénable. Pour elles, il est donc logique de pouvoir diffuser à grande échelle le RU 486 en arguant du fait que l'IVG médicamenteuse est plus facile, plus précoce et moins invasive que l'IVG chirurgicale et que l'avortement peut être mieux vécu hors d'un contexte hospitalier jugé traumatisant.

L'IVG chirurgicale est donc désormais reconnue comme traumatisante pour les femmes, voire risquée pour la suite de leur fécondité.

Philippe Douste-Blazy lui-même avait avancé ces arguments pour justifier les dispositions réglementaires permettant de recourir à cette forme d'avortement à domicile. Un sondage BVA avait pourtant révélé à l'époque qu'une majorité de Françaises estimaient que la loi instaurant l'avortement médicamenteux à domicile allait dans le mauvais sens, car elle risquait de banaliser le recours à l'IVG.

En outre, de plus en plus de professionnels de santé soulignent que l'IVG à domicile abandonne les femmes à une situation dramatique. Le planning ne gère qu'une petite minorité des centres de planification familiale, dont la plupart des responsables sont défavorables à l'extension de cette IVG à domicile pour des femmes isolées, jeunes ou en situation de précarité.

Les professionnels de ces centres déclarent qu'ils ne sont pas formés pour cela et reconnaissent que ce type d'avortement auto-administré devant un médecin est particulièrement traumatisant lorsque la femme doit en attendre le résultat à son domicile, sans compter les éventuelles complications qui contraindront certaines à retourner à l'hôpital pour subir le curetage qu'elles pensaient éviter.

Le planning tente de contester ces préventions en donnant l'exemple de ses centres de Seine-Saint-Denis, où il est bien implanté. Pourtant, la convention-type qui a prévu d'organiser l'avortement à domicile exclut les femmes qui ne bénéficient pas d'un environnement porteur à domicile et qui sont mineures.

Le présent article du projet de loi ne répond pas à l'attente du public, moins encore à celle des praticiens de l'avortement. Son objet est de rendre ce type d'IVG plus accessible aux femmes les plus vulnérables, notamment les plus jeunes. Or, justement, l'IVG à domicile leur est déconseillée par cette convention.

C'est pourquoi je voterai pour les amendements de suppression.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon, pour explication de vote.

M. Jean-Luc Mélenchon. Je crois indispensable de rappeler quel est l'objet de l'article dont nous traitons en ce moment. Mme la ministre ne nous propose pas de créer un droit nouveau, le droit à l'avortement : il existe déjà. Elle ne nous propose pas davantage de créer un droit à l'avortement par voie médicamenteuse : il existe déjà. Elle nous propose de créer un nouveau point d'accès à ce droit.

À cette occasion, on invoque plusieurs séries d'arguments. Les premiers concernent la sécurité médicale ; il en a été fait justice de manière suffisamment précise et rationnelle pour que nous puissions nous dire convaincus, dans la mesure où un argument peut emporter la conviction. Comme l'a dit tout à l'heure l'un de nos collègues, tout présente un risque. Sur ce sujet comme sur bien d'autres, il y aura toujours un risque. L'existence, elle-même, est un risque, qui finit inévitablement mal ! (Sourires.)

M. François Autain. Absolument !

M. Jean-Luc Mélenchon. Pourtant, nous acceptons tous de le prendre.

Des arguments d'ordre financier ont également été avancés, auxquels il a été répondu. En fait, nous avons bien compris que c'était le moyen de ne pas entamer le débat de fond, qui a tout son intérêt, toute sa légitimité, toute sa noblesse, et que le Sénat s'est toujours honoré de mener.

Les termes de ce débat ont été posés de manière très claire par Bernard Seillier. Je profite de cette occasion pour lui dire combien je respecte la ferveur et la constance de son engagement philosophique, parce qu'il fait écho en quelque sorte, quoiqu'en sens opposé, à cette même passion qui m'anime. Je m'empresse de dire que ces arguments sont respectables, parce qu'ils sont ceux de M. Seillier, que nous connaissons et qui a pris la précaution de condamner dans son intervention les excès auxquels certains se livrent. Faut-il rappeler les violences commises par certains comités pro-vie, qui, j'espère, seront punies ?

Pour ma part, je n'entends pas biaiser devant les arguments de M. Seillier ou de Mme Hermange, qui, à la fin de son intervention, a elle aussi fait référence à des principes ; à défaut de quoi, le propos serait déséquilibré.

Voyez-vous, mes chers collègues, vous ne trouverez pas un seul partisan de l'avortement sur ces travées. Nous ne sommes pas des partisans de l'avortement et nous ne l'avons jamais été. Nous sommes partisans du droit à l'avortement, ce qui est très différent. Le droit à l'avortement, c'est poser comme fondement la liberté et l'objectif de la liberté, car, dans la génération, les rôles ne sont pas répartis de la même manière. Autant les hommes peuvent se soustraire aux conséquences de leurs actes, autant les femmes ne le peuvent pas. La frontière de la liberté, c'est celle qui nous permet de repousser celle du déterminisme. Là où recule la détermination et où progresse le libre choix de la personne, avancent la liberté et l'identité humaine elle-même. Nous sommes des êtres humains pour autant que nous sommes des êtres libres par rapport aux déterminations qui nous accablent ou nous jugulent.

C'est pourquoi ce n'est pas une question secondaire que celle qui consiste à dire que, dans une matière où il est évident que la détermination joue à plein, nous créons la liberté et nous cherchons tous les moyens qui sont à notre disposition pour permettre à chacun d'y accéder.

Madame Payet, nous ne sommes pas d'ardents militants de l'avortement, nous sommes d'ardents partisans de la liberté et de la dignité de la personne. Ce n'est pas pareil !

Pourquoi cette liberté s'applique-t-elle particulièrement au cas que nous évoquons ? Il faut dire les choses comme elles sont : la génération est une aptitude et non un destin. De cette aptitude, il faut pouvoir décider librement. Voilà pourquoi nous sommes si sourcilleux. Peut-être le sommes-nous trop aux yeux de certains d'entre vous, mais vous non plus n'avez pas manqué une occasion de relancer le débat. Après tout, nous ne devrions pas avoir cette discussion à partir de l'examen d'un point aussi technique, aussi mineur que cette nouvelle possibilité d'accès à l'IVG.

Si vous êtes vigilants, nous le sommes également. Nous le sommes parce que nous observons dans le monde entier le développement d'un mouvement qui n'utilise pas les voies courtoises, parlementaires et démocratiques auxquelles vous-mêmes avez recours pour nous convaincre, mais qui emprunte des voies beaucoup plus musclées. Dans nombre de pays, ce n'est pas par la raison qu'on convainc les femmes de ne pas avorter, c'est par la contrainte de la loi et la menace du châtiment, et ce sont elles qui sont toujours visées. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote.

M. François Autain. Il est difficile de prendre la parole après une telle intervention, aux propos de laquelle je souscris entièrement. Jean-Luc Mélenchon s'est exprimé mieux que je n'aurais pu le faire moi-même.

Pour ma part, je voudrais simplement répondre à Mme la ministre concernant les économies que nous pourrions réaliser. Bien que plus trivial que le précédent, ce sujet n'en est pas moins important.

Je regrette que le Cytotec ne puisse pas être prescrit par les médecins.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Ce n'est pas le fait de mon ministère, mais celui du laboratoire qui le fabrique !

M. François Autain. Vous avez invoqué tout à l'heure l'impossibilité de prescrire par les médecins au motif que cette indication ne figurait pas sur l'AMM. Or vous savez très bien qu'un grand nombre de médicaments sont prescrits hors AMM.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre. Ils ne devraient pas être remboursés !

M. François Autain. La liberté du médecin est totale en la matière. Il peut parfaitement prescrire des médicaments pour des indications nouvelles qui ne sont pas prévues par leur AMM. Or la sécurité sociale rembourse ces médicaments alors que, en effet, selon les textes, elle ne le devrait pas. Vous auriez donc la possibilité non seulement d'inclure le Cytotec dans votre circulaire, mais encore de faire en sorte qu'il puisse être remboursé par la sécurité sociale. Une telle mesure permettrait de réaliser des économies, ce qui, par les temps qui courent, n'est pas un luxe.

J'en viens aux références faites au Vidal. Contrairement à ce qui est indiqué dans sa préface, le Vidal n'est pas un ouvrage d'information officiel, mais une base de données sur les médicaments, financée par les laboratoires. C'est la raison pour laquelle nous avions demandé qu'une autre base de données soit constituée en toute indépendance par l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, l'AFSSAPS, et par la Haute autorité de santé avant le 1er janvier 2009. Je suis très heureux qu'un amendement en ce sens ait été adopté par le Sénat. Actuellement, toutes les informations dont nous disposons sur les médicaments sont d'origine privée. C'est ce qui explique qu'un certain nombre d'entre elles soient erronées. Vous y avez d'ailleurs fait référence à l'instant, madame la ministre.

M. le président. Mes chers collègues, je pense que chacun d'entre vous a pu s'exprimer sur cet important sujet. Mme la ministre, prenant la parole à plusieurs reprises, a répondu aux questions que vous vous posiez les uns et les autres. Le moment est venu de se prononcer.

Je mets aux voix les amendements identiques nos 92 rectifié bis, 97 rectifié bis et 230 rectifié bis.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 133.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 353 n'a plus d'objet.

Je mets aux voix l'article 46, modifié.

(L'article 46 est adopté.)