M. Yves Krattinger. Quelle est l'option retenue par le Gouvernement ?

Appliquée à un réseau routier large et donc à un plus grand nombre de kilomètres parcourus, cette redevance devrait constituer un véritable outil incitatif de gestion du trafic.

Appliquée uniquement aux routes nationales, la redevance poids lourds générerait un report de trafic important vers les routes départementales, parallèles et « gratuites ». Cela poserait de graves problèmes aux départements en termes de congestion du trafic, de sécurité routière et d'usure de la chaussée.

M. Gérard Longuet. C'est vrai ! Il a raison !

M. Yves Krattinger. Vous engagez-vous à reverser une fraction du produit de la redevance poids lourds aux conseils généraux, désormais responsables de plus de 380 000 kilomètres de routes, dont plus de 18 000 kilomètres ont été transférés ces dernières années ?

M. Jean-Pierre Raffarin. Oui ! (Sourires.)

M. Jean-Marc Pastor. Il peut le faire ! (Nouveaux sourires.)

M. Yves Krattinger. Je vous remercie de bien vouloir nous préciser vos intentions à ce sujet.

La redevance poids lourds doit être imaginée, avant toute chose, comme incitative. Elle doit s'appuyer sur les évolutions actuelles dans le domaine des transports intelligents, qui permettront de renforcer considérablement le niveau des informations délivrées, d'une part, au gestionnaire du réseau sur la situation de chaque véhicule et du trafic et, d'autre part, aux conducteurs sur l'état de la circulation ainsi que sur le prix du péage.

La redevance poids lourds ne doit pas simplement être une recette pour l'État. Vous devez en faire un véritable outil incitatif visant les objectifs suivants : faire payer tous les poids lourds - sauf certains services très particuliers -, ouvrir des possibilités de politiques tarifaires spécifiques à chaque itinéraire, à chaque territoire, à chaque type d'infrastructure, permettre d'orienter les trafics et donc de réduire par des tarifs appropriés les pointes de fréquentation et - c'est très important - privilégier les véhicules les plus propres émettant le moins de CO2.

La majeure partie du produit de cette redevance poids lourds doit être reversée à l'agence et affectée au report modal. En outre, sa collecte doit être souple et constituer un levier permettant de lutter contre les congestions du trafic et les émissions de CO2.

Bien sûr, toutes ces dispositions ne pourront être enclenchées simultanément, mais vous devez veiller à mettre en place un système de collecte souple et dynamique, préservant toutes les possibilités pour l'avenir.

Monsieur le secrétaire d'État, je souhaiterais que vous nous précisiez vos intentions concernant cette redevance et je vous remercie des réponses que vous apporterez aux questions que je vous ai posées. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. -M. Gérard Longuet applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Charles Revet.

M. Roland Courteau. Il s'est déjà exprimé !

M. Charles Revet. Parfaitement, mais je n'ai pas exprimé ma position personnelle : j'ai simplement présenté l'avis de la commission des affaires économiques ! Ce n'est pas la même chose ! 

Lorsque l'on est rapporteur au nom d'une commission, c'est l'avis de la commission que l'on doit rapporter, quitte à s'inscrire ensuite dans le débat si l'on a un avis personnel différent. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

Je souhaite évoquer deux sujets : l'un concerne Mme la secrétaire d'État chargée de l'écologie et l'autre, M. le secrétaire d'État chargé des transports.

Madame le secrétaire d'État, il a été décidé, au terme du Grenelle de l'environnement, de proposer un moratoire sur les OGM.

Je comprends la prudence manifestée, car un certain nombre de nos concitoyens éprouvent des craintes. Il faut s'assurer des conséquences du développement des OGM.

Quoi qu'il en soit, je souhaite que vous nous précisiez la position du Gouvernement et le devenir qu'il entend donner à cette orientation.

En effet, nous avons, en France, un établissement de grande qualité, l'INRA, ...

M. Gérard Longuet. C'est vrai !

M. Charles Revet. ... qui a déjà beaucoup travaillé sur ces sujets. Il serait selon moi dramatique, madame le secrétaire d'État, que cet institut ne puisse continuer ses recherches, voire ses essais.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de l'écologie. Non ! Il n'en est pas question !

M. Charles Revet. Il ne doit en effet pas prendre de retard ! Par ailleurs, madame le secrétaire d'État, si je comprends les craintes qui se font jour, je suis également convaincu d'une chose : la nécessité de nourrir l'ensemble de la population, pas seulement la population française mais également la population mondiale, nécessitera des avancées dans le domaine de la recherche.

Je ne voudrais donc pas que l'agriculture française se trouve dans la situation qu'elle connaît actuellement sur un autre dossier un peu sensible, celui des anabolisants.

Il se trouve que j'ai été chargé, voilà quelques années, de cette question à l'Assemblée nationale. À l'époque, je n'avais pas tout à fait la même position que celle qu'il m'était demandé de défendre, ce qui peut arriver lorsque l'on est rapporteur.

Finalement, la décision avait été prise par décret, en 1987, d'interdire les anabolisants - français et autres - en France. Or, paradoxe, cette même année, les États-Unis ont autorisé l'utilisation des anabolisants français aux États-Unis !

Les Français peuvent donc avoir dans leur assiette un beefsteak produit aux États-Unis avec des anabolisants français, mais non un beefsteak produit en France avec les mêmes anabolisants !

Il faut faire preuve d'un peu de bon sens. De deux choses l'une : soit ce n'est pas bon, et il faut tout interdire, soit on accepte d'importer de la viande produite avec des anabolisants, et il faut prendre des mesures, tout en respectant certaines précautions, pour apporter des solutions aux problèmes que cela soulève en termes de compétitivité !

Il serait anormal que les agriculteurs français ne puissent utiliser des produits ou des méthodes qui sont employés à l'étranger, sachant que les produits entrent in fine impunément chez nous.

J'espère, madame le secrétaire d'État, que vous nous apporterez des précisions sur ce dossier sensible, que vous nous donnerez la position du Gouvernement et que vous nous ferez part des perspectives dans ce domaine.

Le second sujet que je souhaite évoquer concerne les transports.

Monsieur le secrétaire d'État, comme je l'ai indiqué tout à l'heure, il est préconisé, parmi les orientations du Grenelle de l'environnement, de développer le transport collectif, en particulier le transport ferroviaire.

À titre d'anecdote, il m'arrive souvent de me rendre au Havre. Quand, pris dans les embouteillages, avec des bus de transport collectif juste devant moi, je vois, à côté, la ligne de chemin de fer, je me dis que beaucoup plus de trains pourraient circuler sur cette ligne !

Cela permettrait de relever trois enjeux essentiels : un enjeu économique - le développement de ce type de transport est important -, un enjeu social - si l'on évite à certaines familles d'avoir deux voitures, elles réaliseront une économie substantielle - ...

M. Roland Courteau. Tout à fait !

M. Charles Revet. ... et un enjeu environnemental - la baisse des émissions de CO2 aura une action sur l'effet de serre.

Monsieur le secrétaire d'État, si l'on veut développer ce type de transport, il est clair qu'il faut s'en donner les moyens.

J'ai dit tout à l'heure que le réseau ferroviaire soulevait plusieurs interrogations.

Le TGV, grosso modo, ne pose pas de problème, encore que, paraît-il, des trains sont obligés de ralentir à certains endroits en raison de l'état des voies !

En tout état de cause, ce sont surtout les deux autres réseaux, c'est-à-dire le réseau intermédiaire Intercités et le réseau TER, qui soulèvent des interrogations.

Si l'on veut vraiment développer le transport collectif, y compris par tram-train - cela se fait en Allemagne ...

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports. En France aussi !

M. Charles Revet. ... et commence à se faire chez nous, à Mulhouse -, il faut s'en donner les moyens.

Monsieur secrétaire d'État, j'évoquais tout à l'heure l'idée d'un grand projet de restructuration du réseau ferré. J'aimerais connaître votre position sur ce point.

Il est clair que, si l'on procède par petites touches, les moyens dont nous disposons ne permettront pas d'atteindre l'objectif visé. Consacrer, en effet, à ce projet 1 milliard ou 2 milliards d'euros chaque année, cela repousse loin dans le temps sa réalisation. De surcroît, à peine aurions-nous terminé qu'il faudrait recommencer !

Un grand projet de restructuration qui s'accompagnerait - pourquoi pas ? - d'une augmentation du billet profitant pour l'essentiel au rail lui-même permettrait de développer toutes les facettes du rail - TGV, trains intercités, et tram-train, qui est, à mon avis, un enjeu fabuleux (M. le secrétaire d'Etat acquiesce.) - et d'avancer très rapidement. Nous devons mener une étude, mesurer tous les aspects de la situation et toutes les conséquences financières, et nous engager fermement.

Je suis dans un secteur où il est possible de créer une ligne dédiée en dehors de la ligne principale. Je rêve que les usagers puissent prendre le train pour aller de Fécamp au Havre, non de gare à gare, mais de centre-ville à centre-ville. Le jour où ce sera possible, nous aurons franchi une étape importante !

Tels sont, madame le secrétaire d'État, monsieur le secrétaire d'État, les deux points sur lesquels je souhaitais vous interroger. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. Jean Bizet. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner.

M. Daniel Reiner. Monsieur le président, madame, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je tenterai d'être aussi objectif que possible.

M. Gérard Longuet. À l'impossible nul n'est tenu !

M. Daniel Reiner. L'actualité des transports, c'est un peu l'ombre et la lumière. Je commencerai par la lumière.

M. Gérard Longuet. Mais l'ombre est agréable...

M. Daniel Reiner. L'année 2007, monsieur Gérard Longuet, a été marquée par l'ouverture commerciale de la ligne à grande vitesse Est-européenne, qui est une réussite.

M. Gérard Longuet. Jusqu'à présent, tout est vrai !

M. Daniel Reiner. Le succès commercial était au rendez-vous. Cela a été l'occasion de battre le record du monde de vitesse ferroviaire, ...

M. Charles Revet. Et c'était sympathique !

M. Daniel Reiner. ... symbole d'une activité industrielle traditionnellement et florissante de notre pays. Nous devons le saluer.

M. Charles Revet. Cela montre le savoir-faire français !

M. Daniel Reiner. Parfaitement !

L'année 2007 a également été marquée par la vente du premier Airbus A380 et par sa mise en service commercial. Il s'agit d'un autre fleuron de l'industrie européenne et française, mais qui souffre en ce moment, et pas seulement parce que le dollar est faible !

Voilà pour la lumière. Passons maintenant à l'ombre.

L'ombre, c'est votre loi sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs, dont vous dites que c'est un texte sur le service minimum. À l'évidence, ce ne sera pas le cas et il ne pouvait en être autrement !

L'ombre, c'est également la remise en cause des régimes spéciaux de retraites, dont on aurait pu admettre la justification si ceux qui en bénéficiaient jusque-là n'avaient pas été considérés comme des nantis et si les compensations avaient été négociées. Certes, on négocie aujourd'hui, mais vous n'avez pas su éviter les neuf jours de grève !

L'ombre, c'est aussi les premières conclusions du Grenelle de l'environnement en matière de transports, qui ouvrent des pistes et nous confortent dans nos convictions, déjà anciennes, et exprimées maintes fois au cours des derniers budgets.

C'est dans ce contexte que nous examinons aujourd'hui le premier budget de la toute nouvelle mission « Écologie, développement et aménagement durables », qui inclut entre autres programmes celui des transports.

Marier les transports à l'écologie, c'est une idée intéressante qui pourrait présager une réelle volonté de « raisonner » le transport, de le rendre plus propre, plus économe, ainsi que de développer les transferts modaux de transports

Effectivement, si l'on s'arrêtait au titre de cette nouvelle mission, le monde paraîtrait tout à coup plus beau.

Je vous félicite, monsieur le secrétaire d'État, de la magnifique brochure de ce budget qui n'a rien à envier aux brochures touristiques : quand on voit ce ciel bleu, on souhaiterait y être !

Je lis certains titres de cette brochure : « Favoriser le report modal », « Améliorer la sécurité dans les transports », « ?uvrer pour une politique de mobilité durable », « Favoriser le recours aux modes alternatifs à la route », « Renforcer l'entretien et la rénovation des réseaux ». Tout cela est parfait !

Cependant, la chose est sérieuse, et, si je veux bien admettre avec vous que le volume des financements n'est pas nécessairement proportionnel au dynamisme d'une politique -fut-elle une politique de transport -, vous voudrez bien admettre avec moi que le volume de ces financements ne peut pas être non plus, bien sûr, inversement proportionnel au dynamisme de cette politique !

Lorsque l'on examine de près ce budget, comment ne pas le trouver un peu transparent, pour ne pas dire morose ? À ce constat, on mesure la contrainte qu'a choisie le Gouvernement par ses choix fiscaux et qu'il a imposée au budget des transports, lequel, à l'évidence, n'est pas une priorité. Quel regret qu'un État aussi puissant que le nôtre ne soit pas capable de présenter une politique des transports ambitieuse !

Je ne peux résister à l'envie de citer votre collègue député de l'UMP, M. Mariton, rapporteur spécial de ce projet de loi, qui écrit ceci : « L'analyse du projet de loi de finances pour 2008 fait alors éclater le décalage considérable entre les moyens disponibles - et même les moyens raisonnablement mobilisables - et les ambitions affichées. »

M. Roland Courteau. C'est vrai !

M. Daniel Reiner. C'est un jugement sévère mais réaliste, tant il est vrai qu'il y a loin du discours aux actes !

Quant aux chiffres, ils sont à peu près tous en baisse en matière de transport. La diminution est de 13 % pour le réseau routier national, de 13 % également pour les transports terrestres et maritimes - c'est essentiellement le ferroviaire qui est concerné -, de 2,2 % pour les passifs financiers et ferroviaires, c'est-à-dire pour le remboursement de la dette, etc.

Au moment où les préoccupations environnementales revêtent une importance grandissante dans notre vie quotidienne, où la mobilité prend une part croissante du temps de nos concitoyens et est essentielle pour l'économie de notre pays, où la nécessité de réguler et d'arbitrer entre tous les acteurs du transport s'impose de plus en plus, vous nous présentez un budget en baisse !

Je m'en tiendrai à quelques points qui me paraissent essentiels.

Quel soutien accordez-vous aux transports collectifs en site propre dans les agglomérations, via une ligne de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France, l'AFITF ? Ce soutien n'est même pas à la hauteur des engagements que vous avez signés dans les contrats de projets 2007-2012. Pourtant, il s'agit d'une nécessité ! Mon collègue Roland Ries y reviendra tout à l'heure.

Naturellement, le Grenelle de l'environnement peut bien décider de la création de 1 500 kilomètres de lignes nouvelles de tramways ou de bus ; mais qui financera les 43 milliards d'euros qui permettraient de tendre vers l'objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre ?

En matière ferroviaire, le budget est en baisse partout ! La dette est toujours d'un peu plus de 40 milliards d'euros, et ce depuis maintenant six ou sept ans, mais le financement du remboursement de la dette, lui, diminue de 30 millions d'euros dans ce budget. Ainsi, 597 millions d'euros sont consacrés au remboursement de la dette de la SNCF contre 627 millions d'euros l'an dernier, ce qui conduirait à un apurement de cette dette en 2028 ; 730 millions d'euros sont consacrés au remboursement de la dette de RFF, évaluée en 2006 à 27 milliards d'euros, et l'on parle de 2040 ou 2048 pour l'apurement ! La dette de la SNCF pèse trop lourdement sur l'activité ferroviaire et bride évidemment l'investissement.

L'Allemagne a réussi à opérer une restructuration majeure du secteur ferroviaire en désendettant totalement la Deutsche Bahn, voilà maintenant une quinzaine d'années, la rendant ainsi capable de se lancer dans une politique de construction de nouvelles infrastructures. Évidemment, la Deutsche Bahn s'est à nouveau endettée depuis, mais elle taille des croupières à toutes les sociétés ferroviaires du continent.

L'effort pour la régénération des réseaux n'est évidemment pas à la hauteur, et mon collègue Michel Teston en dira un mot tout à l'heure. Cela a une importance colossale pour les régions qui utilisent, elles aussi, ce réseau.

La tentation était donc grande pour le Gouvernement de diminuer la subvention à RFF en échange d'une augmentation du prix des péages, et il y a succombé ! Mais si la somme est nulle pour RFF, elle ne l'est pas pour la SNCF, qui se trouve pénalisée, ni pour les régions.

Quant au fret ferroviaire - vous savez que j'y suis particulièrement attaché, et nous nous retrouverons d'ailleurs la semaine prochaine sur ce sujet à propos d'une question orale -, je me désespère - je ne suis d'ailleurs pas le seul ! - de constater sa dégradation au fil des plans : 55 millions de tonnes par kilomètre en 2000, 40 millions de tonnes aujourd'hui, soit une diminution de 30 %. (M. Roland Courteau acquiesce.) C'est fabuleux !

La part du ferroviaire a considérablement diminué en l'espace de six ou sept ans. Le plan de 2004-2006 devait rééquilibrer les comptes, certes, mais aussi permettre de retrouver un volume équivalent de marchandises transportées. Clairement, ce plan n'a pas atteint ses objectifs. Nous sommes aujourd'hui à la croisée des chemins en ce qui concerne le fret ferroviaire. Ça passe ou ça casse !

Aujourd'hui, les entreprises attendent de la SNCF un fret de qualité. Il est prévu, au terme d'une nouvelle organisation, de recentrer cette activité sur des itinéraires dits plus rentables. Pourquoi pas ? Mais sur ces itinéraires-là, sachons-le, la concurrence s'exercera beaucoup plus facilement. L'annonce, en septembre 2007, de la fermeture de plus de deux cents gares au fret de wagons isolés est apparue en totale contradiction avec cette volonté affichée.

M. Roland Courteau. C'est certain !

M. Daniel Reiner. L'opinion publique est actuellement favorable au transport ferroviaire. Les entreprises sont demandeuses, les circonstances sont favorables ; personne ne comprendrait l'échec du fret ferroviaire dans notre pays, d'autant que d'autres pays font la preuve que c'est une totale réussite. Nous devons donc faire en sorte - et c'est votre responsabilité de propriétaire de l'entreprise - que la SNCF soit condamnée à réussir dans l'activité du fret ferroviaire.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Daniel Reiner. L'année 2008 est celle des fonds de tiroirs pour l'AFITF, et notre collègue Yves Krattinger vient de l'évoquer.

Nous avons dénoncé en son temps - peut-être n'avons-nous pas été suffisamment entendus ? - la vente des sociétés autoroutières, qui était une erreur fondamentale. Au lieu d'assurer une rente régulière à l'AFITF, tirelire que les parlementaires avaient constituée avec beaucoup de soin et d'attention, nous avons tout dépensé en trois ans, et seuls 4 milliards d'euros ont été affectés à l'AFITF. Le solde apparaît sur 2008, puisque les dix autres milliards d'euros de la vente sont tombés dans un puits sans fond que l'on ne connaît pas ; j'imagine qu'ils ont servi au remboursement de la dette publique. Les quelque 30 milliards d'euros de dividendes qui pouvaient être perçus dans les vingt-cinq ou les trente prochaines années sont maintenant dans les poches d'actionnaires privés, lesquels s'en félicitent d'ailleurs puisque les actions de ces sociétés d'autoroutes ont quasiment doublé depuis leur vente au public.

L'AFITF doit financer 7 milliards d'euros d'ici à 2012. Il faudra donc assurer son financement. Je participe aux travaux de la mission sur le devenir de l'AFITF qu'a évoquée notre collègue Francis Grignon, et nous nous acheminons vers des recettes déjà éprouvées, dont Yves Krattinger a d'ailleurs parlé tout à l'heure. Comme lui, je m'interroge sur la pertinence d'une taxe pour remplir les caisses. Pourquoi ne pas imaginer une redevance intelligente, qui pourrait aussi être un outil de régulation entre les différents modes de transport, permettant ainsi d'améliorer la circulation sur nos routes ?

Avant de conclure, monsieur le secrétaire d'État, je voudrais, au-delà des chiffres de ce budget dont j'ai dit ce que je pensais - il est donc facile d'imaginer quel sera notre vote -, vous faire deux propositions sous forme de questions.

Tout d'abord, la loi par laquelle a été opérée une séparation entre RFF et la SNCF a aujourd'hui dix ans. L'État est responsable de ces deux entités mais, se désengageant de l'une, il pénalise l'autre, et réciproquement. Il est trop acteur pour être un « arbitre juste ».

Les échanges financiers entre les deux entreprises s'équilibrent aujourd'hui autour de 2,7 milliards d'euros. D'autres modes de fonctionnement entre l'entreprise historique et le détenteur du réseau ont été initiés dans d'autres pays européens. Le fonctionnement de ces deux entreprises, les relations qu'elles entretiennent pourraient, à mon avis, être réétudiés au terme de ces dix ans. N'est-il pas temps d'envisager au moins un bilan et, sur la base d'une inflexion nouvelle, une amélioration de cette organisation ?

Par ailleurs, la loi d'orientation des transports intérieurs a, quant à elle, vingt-cinq ans. Nous vivons sous le régime de la loi de 1982. En vingt-cinq ans, il s'est passé bien des choses en matière de transport : un développement sans précédent de la mobilité, une concurrence instituée sous la dictée européenne sur certains modes de transport qui étaient auparavant en situation de monopole, un développement inconsidéré du transport routier sous toutes ses formes aux dépens des autres modes, des réflexions, aujourd'hui nourries, sur la qualité de l'environnement et la prise de conscience des nuisances du transport.

Ne croyez-vous pas qu'il est temps, à la lumière de tous ces changements, de réexaminer cette loi d'orientation des transports en l'insérant naturellement dans le nouveau contexte européen ?

Voilà, à mon sens, deux beaux sujets de réflexion. J'aimerais, monsieur le secrétaire d'État, que vous partagiez mon sentiment. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Roland Ries.

M. Roland Ries. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, beaucoup a été dit, et il est bien tard. J'ai, comme vous tous, suivi avec la plus grande attention les travaux du Grenelle de l'environnement et j'ai écouté le bon discours du Président Sarkozy, qui en a tiré un certain nombre de conclusions intéressantes et - je ne crains pas de le dire - a tracé des pistes utiles pour l'avenir.

Je ne voudrais pas être désagréable avec mes collègues de la majorité, mais force est de constater que, de bons discours sur le développement durable, nous en avons déjà entendu des quantités ! Celui du Président Chirac à Johannesburg - rappelez-vous : « La maison brûle et nous regardons ailleurs » - était lui aussi excellent, mais les suites en termes de choix politiques et donc de choix budgétaires ont été quasiment nulles.

Aujourd'hui, concrètement, dans les propositions qui nous sont faites dans le cadre de ce projet de loi de finances pour les transports urbains, il n'y a absolument aucun infléchissement permettant d'espérer ce changement de logique, cette révolution dont parlait le Président de la République. Bien au contraire ! Ainsi que plusieurs de mes collègues l'ont dit, nous sommes plutôt en régression qu'en progression par rapport à l'année dernière.

Qu'on en juge ! Globalement les autorisations d'engagement diminuent de 14,6  % ; les fonds de concours, dans le cadre des contrats de plan État-région et de l'AFITF, baissent également. Les routes, d'ailleurs, ne seront plus éligibles au financement par contrat de projet à partir de l'année prochaine ; leur construction et leur entretien risquent donc de peser de plus en plus exclusivement sur les collectivités locales. L'État continue de se désengager, et l'absence de perspectives de recettes nouvelles pour l'AFITF en 2008 laisse présager un avenir bien sombre.

La Cour des comptes dénonçait d'ailleurs, en juin 2007, la situation en ces termes : « La part de la route ne cesse d'augmenter, le trafic du fret ferroviaire s'effondre, le transport combiné ne répond pas aux espoirs placés en lui. L'AFITF, qui devait jouer à cet égard un rôle essentiel, consacre en fait une part de plus en plus importante de ses crédits aux projets routiers et autoroutiers ».

En résumé, notamment depuis la suppression de la ligne budgétaire consacrée aux subventions aux transports collectifs en site propre, les TCSP, en 2004, ce sont donc les collectivités locales qui doivent de plus en plus supporter l'effort de financement en matière de transport public urbain, alors même qu'il s'agit d'un enjeu de société tout à fait majeur pour les années à venir.

Plus précisément, pour les infrastructures de transport en commun et ferroviaire, la baisse est de 13,7 % : on passe de 2,81 milliards d'euros à 1,794 milliard d'euros en 2008.

En réalité, ce budget ressemble à s'y méprendre à celui qui a été présenté l'année dernière, et sans doute peut-on même dire qu'il est en tout point conforme à ceux qui nous ont été présentés ces six dernières années : on y retrouve les mêmes insuffisances, les mêmes astuces comptables.

M. Roland Courteau. Tout à fait !

M. Roland Ries. Ce budget ne tient aucun compte des réflexions des groupes de travail du Grenelle de l'environnement et des conclusions qu'en a retirées le Président de la République lui-même. Je pense en particulier à la construction annoncée de 1 500 kilomètres de lignes nouvelles de tramways dans les dix ans, venant s'ajouter aux 329 kilomètres déjà existants.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports. Ce sont les chiffres du GART !

M. Roland Ries. Absolument ! Il s'agit là d'un objectif ambitieux au regard de l'urgence des besoins en matière de transport en commun urbain, exigeant un investissement conséquent, estimé par le GART, le Groupement des autorités responsables de transport, à 18 milliards d'euros. Il a été demandé que la contribution de l'État s'élève, sur cette somme, à 4 milliards d'euros.

Il est donc indispensable que le Gouvernement rétablisse au plus vite les subventions supprimées aux TCSP. Visiblement, en tout cas cette année, il n'en prend pas le chemin. J'espère que, l'année prochaine, nous aurons de bonnes surprises.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports. Nous nous rattraperons !

M. Roland Ries. C'est pourtant le Président de la République lui-même qui, dans le discours qu'il a tenu à l'issue du Grenelle de l'environnement, a relevé cette lacune en disant ceci : « l'État a eu tort de se désengager du développement des transports urbains » !

Comme vous le voyez, monsieur le secrétaire d'État, j'ai de bonnes références !

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports. En effet !

M. Roland Ries. Avant de conclure, je voudrais attirer une nouvelle fois votre attention sur les menaces qui pèsent aujourd'hui et qui pèseront encore plus demain sur la situation de l'AFITF, comme l'a fait avec beaucoup de pertinence mon collègue Yves Krattinger.

Avec la privatisation des sociétés d'autoroutes, la stratégie de financement des infrastructures de transports et la permanence même de l'AFITF ont été totalement remises en cause. Il faut examiner cette situation de très près, car elle aura une incidence sur les décisions de financement que nous serons amenés à prendre dans le prolongement du Grenelle de l'environnement. Je sais bien qu'il existe, paraît-il, une solution miracle, la « redevance poids lourds », inspirée de la directive dite « Eurovignette » de juin 2006.

La perspective est certes intéressante, mais le précédent de la privatisation des autoroutes m'inspire quelques inquiétudes : sur les 14 milliards d'euros de recettes liées à cette privatisation, seuls 4 milliards d'euros ont été versés à l'AFITF - Daniel Reiner l'a indiqué tout à l'heure -, et nous arrivons aujourd'hui au terme de cette ressource.

M. Roland Courteau. Tout à fait !

M. Roland Ries. Ce précédent pourrait donc signifier, à terme, que le produit attendu - à la hauteur prévue, nous l'espérons - risque d'alimenter encore une fois le budget général de l'État, diminuant d'autant les ressources de AFITF.

Nous avons donc de véritables incertitudes et de véritables interrogations sur l'avenir de cette agence, malgré la perspective d'une recette nouvelle, aléatoire, dont on ignore si elle sera entièrement consacrée au financement de l'AFITF.

En ce qui me concerne, monsieur le ministre, je crains que des dérives ne s'installent, comme le précédent que j'ai cité tendrait à le prouver ; mais peut-être allez-vous nous rassurer ?

Pour vous donner mon sentiment profond sur le budget global consacré aux routes et aux transports que vous nous présentez, je ferai volontiers mienne - une fois n'est pas coutume - l'opinion de notre collègue Jean Arthuis, lorsqu'il déplore « l'absence de traduction financière et budgétaire des orientations proposées par le Grenelle de l'environnement » dans le projet de loi de finances pour 2008.

M. Daniel Reiner. Bien sûr !

M. Roland Ries. Il est vrai que, après avoir initialement parlé de « budget de rupture », on évoque aujourd'hui un « budget de transition ». J'ai plutôt tendance à considérer que c'est un budget d'immobilisme...

M. Daniel Reiner. De recul !

M. Roland Ries. ... ou plutôt de régression, comme je l'ai dit au début de mon intervention.

Vous l'avez compris, je ne voterai pas ce budget, qui n'est absolument pas à la hauteur des ambitions qui doivent être les nôtres en matière de transports et plus particulièrement de transports urbains. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq. Monsieur le président, madame, monsieur le secrétaire d'État, messieurs les rapporteurs, mes collègues et amis socialistes ont brossé un tableau général et exprimé leur perception de la mission. Je me contenterai donc, en tant que membre de la commission des finances, de focaliser mon attention sur le Fonds de prévention des risques naturels majeurs qui, du reste, fait l'objet d'un amendement déposé par Fabienne Keller, notre rapporteur spécial, et d'un sous-amendement du Gouvernement.

En effet, ce fonds pose un problème de lisibilité de la politique publique et un problème de financement. Créé en 1995 par Michel Barnier, ce fonds était initialement chargé de financer les indemnités d'expropriation et de démolition éventuelle de biens exposés aux risques naturels. Son périmètre s'est élargi au gré des lois successives, la dernière en date étant la loi du 30 décembre 2006 sur l'eau et les milieux aquatiques, qui a puisé 40 millions d'euros dans les comptes du fonds Barnier pour financer des études et travaux engagés par l'État avant le 1er janvier 2007. Dès lors, ce fonds s'est éloigné de sa destination initiale pour se transformer en instrument de financement de la politique générale de prévention des pouvoirs publics contre les aléas naturels.

À mes yeux, il s'agit d'un détournement qui pose un vrai problème en termes de lisibilité de l'action de l'État. En effet, le fonds Barnier vient pallier l'une des carences de la mission « Écologie, développement et aménagement durables », plus particulièrement du programme « Protection de l'environnement et prévention des risques » dont l'une des finalités est bien la prévention des risques technologiques et naturels.

Mon deuxième grief porte sur le financement du fonds. Dans les contrats d'assurance habitation, une taxe annuelle d'un montant de 12 % des primes ou cotisations est destinée à financer le régime d'indemnisation des populations victimes de catastrophes naturelles. Initialement fixé à 2 % du produit des primes ou cotisations additionnelles relatives à la garantie contre le risque de catastrophe naturelle, le taux de prélèvement sur les assureurs à destination du fonds Barnier a été porté à 4 % en 2006, par voie réglementaire, me semble-t-il.

Mme Keller propose de faire passer ce taux à 12 %, et le Gouvernement présente un sous-amendement qui ramène ce taux à 8 %, en guise de transaction. Dans tous les cas, il y aura mécaniquement un manque à gagner pour financer le régime de catastrophe naturelle, tel qu'il est régi par la loi du 13 juillet 1982 relative à l'indemnisation des victimes de catastrophes naturelles. (Mme le secrétaire d'État fait un geste de dénégation.)

Mais si ! L'assiette est la même ! Si vous avez écouté mes explications, vous ne pouvez pas être surprise, madame le secrétaire d'État. Il y a peut-être un problème de coordination avec le ministère de l'intérieur, mais quand j'ai un membre du Gouvernement en face de moi, je suppose que les arbitrages interministériels ont été rendus, comme il se doit.

Or, ce régime se trouve déjà dans une situation ne permettant pas de garantir une indemnisation efficace des personnes sinistrées. Je fais référence ici au douloureux problème des sinistrés de la sécheresse de 2003 qui n'ont toujours pas été indemnisés, quatre ans après ! Du reste, cette situation avait conduit le groupe socialiste, sur l'initiative de Daniel Reiner, Jean-Pierre Sueur et moi-même, à présenter avec nos collègues de l'Union centriste une proposition de loi que le Sénat a adoptée,...