Division additionnelle avant le titre Ier
Dossier législatif : projet de loi pour le développement de la concurrence au service des consommateurs
Articles additionnels avant l'article 1er

Articles additionnels avant le titre Ier

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 152, présenté par Mme Terrade, MM. Billout et Danglot, Mme Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Avant le titre premier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Les prix du gaz et de l'électricité ne sont pas augmentés d'ici le 1er janvier 2009.

II. - Après l'article 235 ter ZA du code général des impôts, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art... - A compter du 1er janvier 2008, les sociétés dont l'objet principal est d'effectuer la première transformation des hydrocarbures ou de distribuer les produits issus de cette transformation sont assujetties à une contribution égale à 45 % de l'impôt sur les sociétés calculées sur leurs résultats imposables aux taux mentionnés aux I et IV de l'article 219. »

La parole est à M. Jean-Claude Danglot.

M. Jean-Claude Danglot. Une des conséquences de la politique de libéralisation du secteur énergétique a été l'envolée des factures des professionnels, ce qui a mis en péril la pérennité d'un certain nombre de petites et moyennes entreprises. Face à ce constat, vous avez persisté en programmant la fin des tarifs réglementés pour l'ensemble des consommateurs.

Ce faisant, le Gouvernement et sa majorité parlementaire n'ont pas pris en considération la forte singularité de l'énergie, qui, selon nous, ne doit pas être considérée comme une banale marchandise.

Alors que débutent les périodes froides, l'annonce de l'augmentation des prix du gaz et de l'électricité va poser très clairement la question de la possibilité de se chauffer pour un certain nombre de ménages.

Mme Christine Lagarde a proposé le doublement de la prime à la cuve pour les ménages non imposables se chauffant au fioul, afin de contrer les effets de la flambée du prix du pétrole.

Lors de l'examen du collectif budgétaire à l'Assemblée nationale, un amendement instituant un prélèvement exceptionnel sur les entreprises pétrolières a été adopté pour financer cette mesure, provoquant un certain nombre de protestations sur les bancs de la majorité, qui s'inquiète du risque de priver Total de ses capacités d'investissement.

Cet argument est hypocrite puisqu'on sait que cette taxe devrait rapporter au plus 150 millions d'euros, alors que Total consacre 530 millions d'euros par trimestre pour détruire ses actions.

Nous considérons donc qu'il n'est pas déraisonnable de demander aux entreprises de transformation ou de distribution des hydrocarbures une contribution plus importante. Celle-ci pourrait être mise à profit pour financer le moratoire sur les prix du gaz et de l'électricité, en attendant que soient définies des politiques de maîtrise du coût de l'énergie en France.

M. le président. L'amendement n° 154, présenté par Mme Terrade, MM. Billout et Danglot, Mme Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Avant le titre Ier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article 235 ter ZA du code général des impôts, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art... - A compter du 1er janvier 2008, les sociétés dont l'objet principal est d'effectuer la première transformation des hydrocarbures ou de distribuer les produits issus de cette transformation sont assujetties à une contribution égale à 45 % de l'impôt sur les sociétés calculées sur leurs résultats imposables aux taux mentionnés aux I et IV de l'article 219. »

La parole est à Mme Odette Terrade.

Mme Odette Terrade. Alors que l'augmentation du prix du baril de pétrole frôle les 100 dollars, que les bénéfices record des entreprises du CAC 40 se sont élevés à 97 milliards d'euros en 2006, les particuliers et les professionnels voient leur facture énergétique exploser.

Depuis trois ans, les prix du carburant ont entraîné une croissance des dépenses annuelles des ménages de près de 7 milliards d'euros. La hausse vertigineuse du prix des carburants, mais également d'autres produits énergétiques, comme le gaz, dont le prix est abusivement aligné sur celui du pétrole, constitue un handicap majeur pour certains secteurs économiques déjà en difficulté comme la pêche, l'agriculture et les transports.

Les compagnies pétrolières ont très largement profité de cette situation. Alors que leurs coûts de production stagnent, leurs prix de vente ne cessent d'augmenter. Ainsi, nous vous le rappelions lors de l'examen du projet de loi de finances, Total a augmenté de 9 % en un an le prix moyen de vente des liquides. Le résultat net du groupe à la fin du mois de septembre 2007 s'élevait à 9,58 milliards d'euros. Or une large part de ces bénéfices est payée par les ménages des grands pays consommateurs tels que la France.

Cette situation, qui affecte considérablement le pouvoir d'achat des Français, appelle à un rééquilibrage. Nous proposons donc, dans cet amendement, une majoration de l'impôt sur ces sociétés pétrolières, afin de les faire pleinement participer au redressement des comptes publics. Cette demande est d'autant plus légitime qu'une grande partie des bénéfices des compagnies pétrolières est thésaurisée et ne profite donc ni aux salariés ni aux consommateurs.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gérard Cornu, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Je voudrais répondre précisément aux auteurs de ces amendements, qui visent à instaurer une contribution à la charge des entreprises pétrolières.

Le Gouvernement n'est pas favorable aux mesures qui viennent d'être présentées. En effet, la Haute Assemblée aura à discuter, la semaine prochaine, dans le cadre de l'examen du collectif budgétaire, d'une mesure qui répond à l'objectif que vous poursuivez, madame le sénateur, monsieur le sénateur, et ce en évitant d'augmenter le taux d'imposition de ces entreprises.

Ainsi, l'amendement qui a été déposé à l'Assemblée nationale par M. Lefebvre, lors de la discussion du collectif budgétaire, prévoit l'instauration d'une taxe exceptionnelle à la charge des entreprises pétrolières, qui serait assise sur le montant de la provision pour hausse des prix inscrite à leur bilan.

Cette taxe permettra de limiter l'avantage résultant de cette provision, compte tenu de l'évolution des prix du pétrole, et ce sans les surtaxer.

C'est pour cette raison que le Gouvernement a accepté cette proposition. Il l'a complétée en créant un fonds social pour le chauffage des ménages, financé par les entreprises pétrolières, celles-ci pouvant s'acquitter de cette taxe en opérant un versement à ce fonds. Les sommes ainsi récoltées permettront de soutenir le pouvoir d'achat des ménages les plus modestes victimes de la hausse du prix du fioul.

Comme vous pouvez le constater, madame le sénateur, monsieur le sénateur, des dispositions importantes sont sur le point d'être adoptées. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement n'est pas favorable aux amendements nos 152 et 154.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 152.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 154.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 153, présenté par Mme Terrade, MM. Billout et Danglot, Mme Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Avant le titre premier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement présente un rapport d'ici le 1er février 2008 organisant la baisse du prix de l'électricité et du gaz en France.

La parole est à M. Jean-Claude Danglot.

M. Jean-Claude Danglot. Nous souhaitons, par cet amendement, alerter le Gouvernement sur la hausse vertigineuse des tarifs de l'énergie pour les ménages et la nécessité d'organiser une baisse des prix dans ce secteur.

En effet, alors que l'augmentation des bénéfices d'EDF et de GDF est substantielle, ces entreprises continuent de demander des hausses de tarifs. D'ailleurs, pour les tarifs de l'année prochaine, GDF doit remettre sous peu ses demandes au Gouvernement.

La hausse des tarifs s'explique alors pour une part importante par la pression exercée par les actionnaires d'un retour sur investissement maximal.

Ainsi, dans le document présentant aux investisseurs le projet de fusion entre Suez et GDF, le président-directeur général de GDF indiquait l'objectif de doublement des dividendes entre 2005 et 2007. Autant d'argent qui ne servira ni le projet industriel ni les consommateurs !

En effet, cette stratégie d'entreprise recèle des risques importants non seulement pour la sécurité d'approvisionnement, mais également pour la sûreté des installations.

La libéralisation accrue du secteur, notamment depuis l'ouverture à la concurrence pour les particuliers, laisse craindre de nouvelles augmentations, justifiées par une mainmise plus importante du secteur privé.

Il ne faut pas être dupe : depuis l'ouverture à la concurrence, les professionnels ont subi des augmentations spectaculaires, atteignant même 70 %. Comment voulez-vous qu'il en soit autrement pour les particuliers ?

Conscient de ces risques, le Gouvernement adopte une attitude réservée, voire prudente sur la question du maintien des tarifs réglementés, comme en témoigne l'adoption, par l'Assemblée nationale, d'une proposition de loi sur cette question.

Pourtant, au-delà du maintien des tarifs réglementés, c'est la question même de la pertinence de la libéralisation du secteur de l'énergie qui reste posée.

En effet, l'objectif de libéralisation et de mise en concurrence porte en lui les germes non seulement d'une baisse de la qualité de service, mais également les risques d'une augmentation de tarif.

Alors que le contexte tend au renforcement de ces politiques libérales, notamment par la fusion entre Suez et GDF et par l'ouverture du capital d'EDF, nous souhaitons que, dans une démarche pragmatique, un bilan soit réalisé sur les conséquences de l'ensemble des directives européennes et des lois françaises sur la qualité du service public de l'énergie.

Nous exprimons régulièrement cette demande, mais en vain jusqu'à présent.

Pourtant, de nombreuses voies se sont élevées récemment pour demander le maintien, voire le renforcement de la maîtrise publique sur ce secteur, notamment dans les conclusions de la mission commune d'information sur la sécurité d'approvisionnement électrique de la France et les moyens de la préserver.

Nous estimons donc qu'il serait opportun que le Gouvernement, garant de la bonne exécution du service public, fasse des propositions au Parlement d'ici au 1er février 2008, sur les conditions permettant d'obtenir une baisse significative des prix de l'énergie. Dans ce cadre, toutes les pistes doivent être examinées, y compris celles qui ébranlent le dogme libéral.

Il nous faut en finir avec la fausse idée selon laquelle la concurrence bénéficie aux consommateurs. À ce jour, tout prouve le contraire. Il faut en tirer les leçons et arrêter le cycle des privatisations dans le domaine de l'énergie.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gérard Cornu, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, quand certains demandent des rapports, et c'est votre cas, d'autres préfèrent agir, et telle est la volonté du Gouvernement. Il l'a démontré cette semaine en soutenant la proposition de loi due à l'initiative de votre collègue Ladislas Poniatowski, qui a été adoptée par l'Assemblée nationale et qui prévoit la réversibilité totale du choix du fournisseur d'électricité dans le cadre de l'ouverture du marché européen de l'électricité.

En soutenant ce texte, qui représente une avancée importante, le Gouvernement a apporté une réponse forte au souci d'amélioration de la protection des consommateurs.

C'est la raison pour laquelle il émet un avis défavorable sur votre amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 153.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 156, présenté par Mme Terrade, MM. Billout et Danglot, Mme Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Avant le titre Ier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 462-3 du code du commerce, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. L. ... - Le conseil de la concurrence est obligatoirement consulté par les collectivités de plus de 10 000 habitants sur tout renouvellement de contrat de délégation de service public et la passation des appels d'offres définis par décret relatif à la distribution et l'assainissement de l'eau. Un décret en Conseil d'État précise les modalités d'application du présent article. »

La parole est à Mme Odette Terrade.

Mme Odette Terrade. S'il est bien un secteur d'activité où la « libre » concurrence harmonieuse n'existe pas, c'est bien celui de la fourniture d'eau et des services d'assainissement.

Depuis plusieurs années, les associations de consommateurs dénoncent les véritables rentes de situation que se sont constituées les quelques groupes intervenant dans ce secteur, aux dépens des collectivités territoriales et des usagers.

Nul ne l'ignore, deux groupes dominent, de manière écrasante, le marché de l'eau puisque, dans la France d'aujourd'hui, la distribution d'eau est un marché beaucoup plus qu'un service public.

Il s'agit, d'abord, de Veolia, ancienne Générale des Eaux, vénérable entreprise existant depuis cent cinquante ans, dont les profits réalisés sur l'eau et l'assainissement irriguent généreusement les nouveaux champs d'activité où elle a pu fructifier depuis quelques décennies.

Il s'agit, ensuite, du groupe Suez, ancienne Lyonnaise des Eaux, qui dispose, elle aussi, de positions particulièrement importantes sur les marchés de l'eau et de l'assainissement et qui vient de recevoir, avec la privatisation de Gaz de France, un soutien de poids dans le développement de ses stratégies futures.

De manière plus marginale subsiste également la Saur, filiale de Bouygues, dont on sent confusément, depuis quelque temps, qu'elle souhaite se recentrer sur son coeur de métier, à savoir le bâtiment pour ce qui est de la trésorerie, et l'audiovisuel pour ce qui concerne les profits.

Enfin, comme certains dans cette enceinte le savent, quelques collectivités territoriales continuent tout de même d'opter pour une gestion de leur service des eaux et de leur service d'assainissement par régie directe, en lieu et place de toute autre solution.

Sans surprise, le prix moyen des prestations servies aux usagers se révèle plus faible dans ces régies locales que dans l'ensemble des concessions et affermages constitués au profit -c'est vraiment le mot qui convient ! - des opérateurs privés du secteur.

Ces dernières années, les marchés de l'eau ont fait l'objet de nombreux contentieux juridiques, portant essentiellement sur la qualité des prestations assurées par les concessionnaires de service public, et ayant conduit, en maintes occasions, à la condamnation des pratiques des opérateurs.

C'est ainsi que les usagers du service public de l'eau de la commune de Castres, dans le Tarn, ont obtenu la condamnation et de la collectivité concédante et de la compagnie fermière pour facturation de sommes indûment récupérées auprès des usagers.

C'est pour les mêmes motifs que les Stéphanois ont pu obtenir une minoration sensible des tarifs de l'eau dans leur ville.

C'est sans doute aussi pour ces raisons que la Ville de Paris a décidé, en 2005, la reprise du service public de l'eau et qu'elle met aujourd'hui en débat, dans une procédure de démocratie participative, la mise en place d'un nouveau plan de service public en régie directe se fixant, entre autres objectifs : la maîtrise du prix de l'eau pour un service de l'eau de qualité et la garantie de l'accès à l'eau pour le plus grand nombre ; la qualité de service aux usagers - qualité sanitaire, comptage, facturation - ; la sauvegarde du service et de son patrimoine - captages, usines, réseaux, eau non potable, eau de secours, interconnexions - ; une organisation transparente assurant un contrôle public total.

Eu égard aux sommes en jeu, il nous semble nécessaire que toute concession de service public venant à terme soit soumise, dans les communes les plus importantes, à l'avis éclairé du Conseil de la concurrence quant à la qualité des prestations servies.

C'est aussi pour prévenir l'important contentieux juridique survenu ces dernières années sur ces problèmes qu'il nous semble décisif d'inscrire dans la loi la disposition que nous vous proposons.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gérard Cornu, rapporteur. Madame Terrade, cet amendement revient à restreindre la portée du principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales. Vous comprendrez qu'il est, dès lors, difficile de l'accepter.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Monsieur le président, permettez-moi de m'exprimer en même temps sur l'amendement suivant, n° 157, puisqu'il appelle la même réponse du Gouvernement.

Bien que le sujet abordé par ces amendements soit un peu éloigné des questions dont nous débattons aujourd'hui,...

Mme Odette Terrade. Non, le prix de l'eau, c'est important pour le pouvoir d'achat !

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. ...je veux vous répondre sur le fond, madame le sénateur.

D'abord, je vous rappelle que le Conseil de la concurrence peut d'ores et déjà être consulté en amont sur toutes les questions de concurrence, notamment à la demande des collectivités territoriales.

Ensuite, comme l'a très bien dit M. le rapporteur, si nous transformions cette possibilité en obligation, elle pourrait à l'évidence être interprétée comme une atteinte à l'autonomie des collectivités territoriales.

Enfin, vous le savez, les autorités de concurrence exercent une vigilance particulière sur le fonctionnement de ces marchés, sur les comportements d'entente ou d'abus de position dominante qui pourraient être détectés et qui sont susceptibles d'être soumis à l'examen du Conseil de la concurrence. Ce dernier peut sanctionner les entreprises très lourdement, jusqu'à 10 % de leur chiffre d'affaires mondial : c'est dire le caractère extrêmement dissuasif de la sanction.

La législation en vigueur répondant au souci que vous exprimez, le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements nos 156 et 157.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 156.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 157, présenté par Mme Terrade, MM. Billout et Danglot, Mme Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Avant le titre Ier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

La commission des Affaires économiques du Sénat réalise avant le 31 janvier 2008 un rapport examinant le respect par les sociétés délégataires du service public de l'eau de leurs obligations, notamment en matière de rémunération du service. A cette fin, seront notamment étudiés la réalité des montants des profits réalisés par ces entreprises, en charge d'un service public ; les bilans comptables de ces entreprises, notamment au regard des critiques formulées dans les lettres d'observation et rapports de la Cour des Comptes ; l'effectivité du contrôle par les autorités délégantes du respect par les sociétés délégataires de leurs obligations légales et contractuelles ; la capacité réelle des élus, au vu de la grande technicité de cette question, de garder la maîtrise de la politique de l'eau conduite sur leur territoire de compétence ; les moyens nécessaires pour redonner aux élus la maîtrise de la distribution et de la répartition des usages de l'eau sur ce territoire.

La parole est à M. Jean-Claude Danglot.

M. Jean-Claude Danglot. De manière plutôt regrettable, une certaine tension existe dans notre pays sur les questions de coût des services publics de l'eau et de l'assainissement.

Cette tension est largement entretenue par les pratiques assez peu transparentes des compagnies fermières puisqu'elles constituent elles-mêmes des groupes intégrés susceptibles de mettre en oeuvre le service et d'effectuer les travaux d'entretien et d'investissement, sachant qu'ils possèdent, au sein de leur portefeuille d'actions, les titres représentatifs de moult sociétés du bâtiment et des travaux publics...

Cette tension est développée également par la colère grandissante, et parfaitement légitime dans bien des cas, des usagers et des associations de défense des consommateurs.

L'une d'entre elles, UFC-Que choisir, publie d'ailleurs régulièrement des études sur les prix de l'eau, fondées sur un certain nombre de paramètres qui, pour être objectifs, n'en sont pas moins largement contestés, à l'évidence, par les opérateurs eux-mêmes.

Par ailleurs, la Cour des comptes et les chambres régionales des comptes ont rédigé à de multiples reprises des rapports sur les nombreux travers constatés dans la gestion du service public local de l'eau et de l'assainissement. Ainsi, près de 1 500 rapports consacrés à cette question sont accessibles sur le site de la Cour des comptes.

Parmi les rapports de portée nationale rédigés par les magistrats de la Cour, celui de 2003, qui s'intitule : « La gestion du service public local d'eau et d'assainissement », comporte de nombreuses observations et recommandations extrêmement précises, qu'il conviendrait, à notre sens, de traduire aujourd'hui dans la réalité.

Parmi les chapitres de ce rapport, notons, au fil des pages, les titres suivants : « La formation du prix et la structure des coûts du service restent mal connues et imparfaites »; « La maîtrise des services d'eau et d'assainissement à améliorer » ou encore « Le contrôle de la performance à renforcer ».

Au nombre des recommandations de ce rapport figurent notamment des idées aussi révolutionnaires que celle de la « négociation des contrats ». La Cour indique que certaines collectivités ont pu, dès lors qu'elles en avaient la volonté et la possibilité, conclure avantageusement l'accord de délégation. À l'appui de cette affirmation, elle cite un certain nombre de cas dans lesquels une baisse sensible des tarifs est intervenue à la suite d'une remise en concurrence du contrat.

Sous les titres « Quelques facteurs déterminants pour la qualité de l'eau distribuée » et « La protection des captages pour préserver la qualité des eaux brutes », la Cour des comptes relève que beaucoup de communes n'ont toujours pas institué de périmètre réglementaire de protection autour des points de prélèvement. Elle ajoute que ce constat devrait conduire à s'interroger sur les raisons de cette situation, dénoncée depuis longtemps, en raison notamment de la trop grande complexité des procédures ou de la lenteur des services instructeurs, étant entendu que les périmètres sont institués par arrêté préfectoral et non pas par les communes.

La Cour des comptes s'appuie sur les travaux de la fédération nationale des collectivités concédantes quant aux objectifs de qualité de service ainsi définis : qualité de l'eau distribuée, continuité de la fourniture de l'eau, qualité du réseau, taux de renouvellement du réseau, durée d'extinction de la dette, la qualité du service aux usagers, prix du service pour une consommation annuelle de 120 mètres cubes.

C'est donc pour introduire plus de transparence dans le fonctionnement du service public de l'eau que nous invitons le Sénat à adopter cet amendement préconisant l'établissement d'un rapport à ce sujet.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gérard Cornu, rapporteur. Défavorable.

M. Alain Gournac. Un rapport de plus ! Les tiroirs en sont pleins !

M. le président. Le Gouvernement s'est déjà exprimé sur cet amendement.

Je mets aux voix l'amendement n° 157.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 158, présenté par Mme Terrade, MM. Billout et Danglot, Mme Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Avant le titre Ier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Le second alinéa du d) de l'article 17 de la loi 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et modifiant la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 est ainsi rédigé :

« L'augmentation du loyer qui en résulte ne peut excéder l'indice de l'évolution des prix à la consommation. À défaut de clause contractuelle fixant la date de référence, cette date est celle du dernier indice publié à la date de signature du contrat de location. »

La parole est à Mme Odette Terrade.

Mme Odette Terrade. Le poste logement représente sans la moindre équivoque l'un des éléments principaux de dépense des ménages depuis plusieurs années.

Les charges liées au logement - paiement des loyers ou des mensualités d'accession à la propriété, eau, énergie, charges locatives diverses, entretien, assurances, impositions locales - constituent même, pour nombre de familles modestes, un volume important de leurs dépenses mensuelles, pouvant mobiliser jusqu'à la moitié du revenu du ménage, parfois davantage.

Modérer l'envolée des charges liées au logement, parfaitement incompressibles, sauf à se placer dans une procédure contentieuse de récupération des impayés ou à s'exposer à la cessation d'une prestation de service, est donc l'un des éléments déterminants de défense du pouvoir d'achat des particuliers.

Au demeurant, l'envolée du prix de nombreuses prestations liées au logement a, elle aussi, assez peu à voir avec une concurrence libre et non faussée. Je n'en veux pour exemple que le grand nombre de contentieux juridiques existants dans le domaine de la gestion déléguée de copropriétés, qui sont nombreuses à dénoncer les agissements de certains syndics peu respectueux de la défense des intérêts de leurs mandants.

Au moment où l'on s'apprête à favoriser la vente de logements locatifs sociaux, c'est là un élément qu'il convient de garder à l'esprit.

Pour autant, par cet amendement, sur lequel je demande un scrutin public, nous souhaitons poser la question de l'évolution des loyers du secteur privé en contenant celle-ci dans les limites annoncées par le Président de la République lui-même, c'est-à-dire pas au-delà de l'indice des prix à la consommation.

Où en sommes-nous aujourd'hui ? En mettant en place l'indice de référence des loyers, M. Borloo avait voulu créer les conditions d'une revalorisation accrue des aides personnelles au logement et d'une meilleure capacité de fixation des loyers. Il s'agissait, en intégrant l'ensemble des coûts réels de la construction et du logement, de faire en sorte que le pouvoir d'achat des aides personnelles au logement soit préservé et que le taux d'effort des ménages soit lissé.

En la matière, il y avait beaucoup à rattraper !

Mais, dans le même temps, l'indice de référence des loyers avait une face moins sympathique : il mettait un terme à l'alignement des loyers sur l'indice des prix à la construction et à leur progression par référence à l'indice des prix à la consommation.

Même si la démarche était cohérente, le résultat fut fort déplaisant pour les locataires, notamment dans le secteur locatif privé. Il en est résulté une hausse des loyers supérieure à l'inflation, et donc une rentabilité accrue des investissements immobiliers.

La vérité est connue : compte tenu de la tension sur le secteur de la construction, très largement encouragée par les dispositifs fiscaux incitant à la spéculation votés depuis 2002, l'indice de référence des loyers progresse bien plus vite que l'indice des prix à la consommation, atteignant 2,78 % en glissement annuel, contre 2 % pour la hausse des prix à la consommation.

Dans une allocution télévisée récente, le Président de la République a proposé que l'évolution des loyers soit alignée sur l'indice des prix à la consommation. Même s'il ne faut pas exagérer les conséquences de cette mesure au regard des différences entre l'indice des prix à la consommation et l'indice de référence des loyers - huit dixièmes de point représentent 8 euros par mois pour un loyer de 1 000 euros -, il nous semble souhaitable que cette disposition soit mise en oeuvre le plus rapidement possible.

Sans attendre, nous tenons à souligner que d'autres possibilités, notamment réglementaires, existent pour contrer le processus de hausse des loyers.

Je rappelle, pour mémoire, les dispositions de l'article 18 de la loi Mermaz-Malandain relative à l'amélioration des rapports locatifs :

« Dans la zone géographique où le niveau et l'évolution des loyers comparés à ceux constatés sur l'ensemble du territoire révèlent une situation anormale du marché locatif, un décret en Conseil d'État, pris après avis de la Commission nationale de concertation, peut fixer le montant maximum d'évolution des loyers des logements vacants définis au b de l'article 17 et des contrats renouvelés définis au c du même article.

« Ce décret précise sa durée de validité qui ne peut excéder un an et peut prévoir des adaptations particulières, notamment en cas de travaux réalisés par les bailleurs ou de loyers manifestement sous-évalués. »

Ainsi, l'outil qui pourrait nous aider à passer à l'indice des prix à la consommation existe déjà. Cela signifie, par exemple, que nous pourrions décider un blocage des loyers dans une région comme l'Île-de-France, où ils sont très élevés.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gérard Cornu, rapporteur. Vous en conviendrez, madame Terrade, la mesure relative au logement prévue par cet amendement trouve difficilement sa place dans le présent projet de loi, qui a pour objet le développement de la concurrence et de la transparence au service du consommateur.

Aussi, ma chère collègue, je vous demande de faire preuve d'un tout petit peu de patience, car vous devriez obtenir très prochainement satisfaction, puisque le projet de loi pour le pouvoir d'achat, qui sera examiné le 18 décembre par l'Assemblée nationale, prévoit que l'indice de référence des loyers des baux d'habitation sera fondé sur l'évolution des prix à la consommation, tant pour les nouveaux contrats que pour l'ensemble des contrats en cours.

Aussi, la commission souhaite le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Je ne peux que me réjouir que, dans le cadre de l'ouverture, Mme Terrade trouve son inspiration dans les propositions du Président de la République. (Sourires.)

Comme l'a rappelé M. le rapporteur, le projet de loi pour le pouvoir d'achat, qui a été adopté hier en conseil de ministres, prévoit une telle disposition. Par conséquent, je ne peux que solliciter le retrait de votre amendement, madame le sénateur.

M. le président. Madame Terrade, l'amendement n° 158 est-il maintenu ?

Mme Odette Terrade. Monsieur le président, je retire non pas mon amendement, mais ma demande de scrutin public, puisque la mesure va venir en discussion très prochainement.

Mme Catherine Procaccia. Une telle disposition ne doit pas être adoptée à l'occasion d'un amendement sur un texte qu'elle ne concerne pas !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 158.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 159, présenté par Mme Terrade, MM. Billout et Danglot, Mme Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Avant le titre Ier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Dans le premier alinéa de l'article 22 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, les mots : « deux mois » sont remplacés par les mots : « un mois ».

II. - Dans le troisième alinéa du même article, les mots : « deux mois » sont remplacés par les mots : « dix jours ».

La parole est à Mme Odette Terrade.

Mme Odette Terrade. L'article 22 de la loi Mermaz-Malandain porte sur la question des cautions locatives, ce que le texte appelle les « dépôts de garantie ». Il dispose : « Lorsqu'un dépôt de garantie est prévu par le contrat de location pour garantir l'exécution de ses obligations locatives par le locataire, il ne peut être supérieur à deux mois de loyer en principal. Un dépôt de garantie ne peut être prévu lorsque le loyer est payable d'avance pour une période supérieure à deux mois ; toutefois, si le locataire demande le bénéfice du paiement mensuel du loyer, par application de l'article 7, le bailleur peut exiger un dépôt de garantie. Il est restitué dans un délai maximal de deux mois à compter de la restitution des clés par le locataire [...] Le montant de ce dépôt de garantie ne porte pas intérêt au bénéfice du locataire. Il ne doit faire l'objet d'aucune révision [...]. »

Texte équilibré, issu d'une loi consacrant une meilleure définition des rapports locatifs que la loi Méhaignerie du 23 décembre 1986, l'article 22 permettait de se situer à égale distance entre les intérêts des bailleurs et ceux des locataires.

Notre amendement constitue une avancée complémentaire dans l'amélioration des rapports entre bailleurs et locataires. Près de vingt ans après l'adoption de la loi Mermaz-Malandain, la société a quelque peu changé et le recours de plus en plus fréquent à des modes de communication électronique permet d'envisager une prise en compte plus rapide d'un certain nombre de choses.

C'est ce qui motive, dans notre esprit, cette asymétrie dans la révision de l'article 22 passant par l'instauration d'un délai raccourci de remboursement du dépôt de garantie, nonobstant la facturation d'éventuels travaux de remise en état de l'appartement quitté.

En outre, il nous faut favoriser autant que faire se peut une plus grande mobilité du marché locatif. Réduire le dépôt de garantie à un mois de loyer principal permettrait à de nombreux jeunes d'être plus aisément en situation d'accéder au logement.

De plus, ce dispositif aurait un autre intérêt : il réduirait aussi le montant de l'intervention des dispositifs mutuels de garantie des risques locatifs, dispositifs auxquels adhèrent de plus en plus les bailleurs pour se prémunir contre les risques d'impayés.

Les intérêts des uns et des autres sont donc, en l'occurrence, parfaitement préservés et le pouvoir d'achat des ménages, pour sa part, s'en trouve conforté.