M. Michel Teston. Elles sont insuffisantes !

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. À l'origine, ce sont Patrick Devedjian, puis François Loos qui se sont occupés de ces questions. Les associations de consommateurs avaient alors exprimé des demandes fortes visant à réduire les délais de résiliation et à ne pas surtaxer les frais de communication avec les hotlines.

Or, monsieur le sénateur, ces mesures figurent dans ce projet de loi, et elles constituent, je le répète, des avancées très substantielles. Comme je l'ai indiqué ce matin dans mon propos liminaire, si nous vous proposons de légiférer en la matière, c'est parce que la phase de concertation n'a pas abouti. En effet, les opérateurs n'ont pas respecté l'engagement qu'ils avaient pris, en 2005, envers les associations de consommateurs et le Gouvernement.

M. Daniel Raoul. C'est vrai !

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. S'agissant des abonnements d'une durée supérieure à douze mois, c'est un vrai sujet dont nous débattrons tout à l'heure. M. le rapporteur nous proposera des amendements intéressants qui tendent, à mon sens, à concilier plusieurs avantages.

Pour ce qui concerne l'extension de la gratuité aux numéros de téléphone commençant par 08, M. le rapporteur a déjà répondu tout à l'heure à votre interrogation - et tel a été l'objet de l'intervention de M. Hérisson -, en rappelant que cette disposition était en l'état inapplicable et qu'elle ne pouvait pas être mise en oeuvre.

Monsieur Houel, vous avez rappelé à juste titre que la concurrence était bien un moyen et non une fin en soi. Ce texte le démontre : nous mettons en oeuvre des dispositions visant à renforcer la concurrence pour améliorer le pouvoir d'achat des consommateurs, ce qui constitue l'objectif de notre politique.

Par ailleurs, je vous remercie d'avoir souligné que les dispositions du « triple net » dans le calcul du solde de vente à perte étaient un progrès. Et, comme vous attachez une importance particulière à cette question, je vous répète que nous maintenons l'interdiction de revente à perte. Cette décision était, me semble-t-il, très attendue notamment par la filière agricole de notre pays.

Vous êtes sensible à la nécessité de préparer la mise en oeuvre de la négociabilité, et vous avez raison. Tel sera l'objet de la mission confiée à Mme Marie-Dominique Hagelsteen.

Monsieur Doligé, vous avez parfaitement résumé la question du partage de la valeur. En effet, pour baisser les prix, il faut bien réduire une marge quelque part. Nous devons donc réfléchir à la manière de coordonner les actions au niveau de la production, de la transformation et de la distribution.

En outre, vous me semblez favorable à la mise en oeuvre de l'étape suivante, qui consiste à permettre aux distributeurs de négocier davantage les conditions générales de vente. Je suis heureux de constater que plusieurs d'entre vous partagent ce point de vue. Comme je l'ai indiqué au début de mon intervention, le Gouvernement se fixe cet objectif, mais il souhaite au préalable mesurer l'impact que pourraient avoir de telles mesures sur l'ensemble des acteurs de la filière.

M. Arthuis m'a, à juste titre, interpellé ce matin sur un sujet très important, me rappelant qu'il existait aujourd'hui certaines pratiques, dont vous avez tous entendu parler, mesdames, messieurs les sénateurs, et qui consistent, pour des distributeurs, à conclure, en dehors du territoire national, des accords financiers confortables avec des fournisseurs, et ce uniquement pour monnayer l'accès aux linéaires. Je vous confirme cet état de fait, et les chiffres évoqués par M. le président de la commission des finances sont du reste nettement en deçà de la réalité.

Nous ne pouvons que condamner ces pratiques, mais je tiens à vous rappeler que tout cela se passe dans des pays où notre droit n'a pas compétence territoriale. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous ne modifierez pas cet après-midi, jusqu'à preuve du contraire, le droit suisse ou le droit belge ! En cette matière, nous sommes donc actuellement plutôt démunis en la matière sur le plan législatif.

Alors, que pouvons-nous faire ?

Plus nous rééquilibrerons le rapport de force qui existe entre les producteurs, les industriels et les distributeurs, plus nous empêcherons de telles pratiques, qui sont souvent le fait d'abus de position dominante. Les mesures que nous vous proposons aujourd'hui, concernant l'abus de position dominante et l'urbanisme commercial devront, me semble-t-il, renforcer la concurrence au niveau de la distribution et contribueront à rééquilibrer la situation.

Tels sont les éléments d'information que je tenais à vous apporter, mesdames, messieurs les sénateurs, à ce stade de la discussion.

M. le président. La discussion générale est close.

Question préalable

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi pour le développement de la concurrence au service des consommateurs
Division additionnelle avant le titre Ier

M. le président. Je suis saisi, par Mme Terrade, MM. Billout et Danglot, Mme Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, d'une motion n° 70, tendant à opposer la question préalable.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu d'engager l'examen du projet de loi pour le développement de la concurrence au service des consommateurs, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence (n° 109, 2007-2008).

Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à M. Jean-Claude Danglot, auteur de la motion.

M. Jean-Claude Danglot. Monsieur le secrétaire d'État, « Développement de la concurrence au service des consommateurs », tel est le titre, plutôt paradoxal, que vous avez choisi pour ce texte.

À dire vrai, le concept est audacieux, car il faudrait déjà que la concurrence ait permis, ces dernières années, de peser en faveur des consommateurs sur le processus de fixation des prix.

Prenons l'exemple, instructif, de la loi Fillon de 1996 de réglementation des télécommunications : l'une des illustrations les plus éclairantes des effets de l'ouverture à la concurrence de la téléphonie mobile a été la condamnation des trois principaux opérateurs que sont Orange, SFR et Bouygues Télécom à une forte amende pour entente sur le « partage » du gâteau de la clientèle.

Si la concurrence avait garanti une qualité de service, cela aurait été parfait, mais on peut se rendre compte - certains débats actuels en témoignent, y compris sur ce texte - que nous sommes très loin de la satisfaction générale et béate.

Dans un contexte où l'inflation repart et où les salaires stagnent, ce qui semblerait d'ailleurs prouver que ce ne sont pas les salaires qui entraînent une hausse des coûts de production, vous avez beau jeu de nous présenter ce texte, monsieur le secrétaire d'État, car on ne sait pas trop s'il est destiné, comme vous le prétendez, à protéger les consommateurs, ou à augmenter, comme le prétend Mme Lagarde, le pouvoir d'achat.

À notre avis, les voies et moyens auxquels vous recourrez sont inefficaces.

Là où la situation, déjà grave, vire au tragique, c'est que c'est vous-mêmes, et personne d'autre, sinon vos amis du MEDEF, qui décidez de vous limiter dans vos moyens. J'en veux pour preuve les débats qui ont eu lieu ici lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Tout d'abord, vous avez fait le choix d'instaurer des franchises médicales, reprenant le vocable et le fonctionnement même des assurances privées pour le calquer sur notre système de protection sociale, oubliant au passage que la santé de nos concitoyens n'a rien à voir avec l'assurance d'une voiture !

Ensuite, vous avez fait le choix de faire porter sur les malades le coût de leurs maladies, rompant avec le principe selon lequel chacun cotise selon ses moyens et reçoit selon ses besoins.

Au même moment, vous avez décidé de taxer le montant des préretraites à hauteur de 7,5 %. Et, comme une célèbre marque de lames de rasoir le prétend, vous avez passé la seconde lame dans le projet de loi de finances pour 2008, en supprimant l'exonération de la redevance audiovisuelle pour 800 000 retraités et en taxant les petites successions pour financer l'allocation personnalisée d'autonomie. Pour le pouvoir d'achat des retraités, on repassera !

Est-ce à dire que votre gouvernement considère les préretraités et les retraités dans leur ensemble comme des nantis ? Vous n'augmentez les retraites que de 1 %, un taux très nettement en deçà de celui de l'inflation. Est-ce à dire que, selon vous, les pensions des retraités sont suffisamment élevées, alors que, nous le voyons tous les jours dans nos villes, de plus en plus de personnes âgées rencontrent de très grandes difficultés financières ?

Comment ne pas pointer le fait que, depuis la réforme des retraites version Balladur, le pouvoir d'achat des retraités et pensionnés est gelé, l'auteur de la réforme ayant, pour sa part, assuré depuis longtemps sa propre retraite avec des stock-options !

D'une manière générale, nous sommes passés, pour la première fois, à une situation telle que la génération actuelle vit moins bien que la précédente. Pis encore : la génération passée, celle de nos parents, ayant maintenant atteint l'âge de la retraite, vit, elle aussi, de moins en moins bien. C'est bien mal récompenser ceux qui avaient pourtant cru, dans leur grande majorité, au printemps dernier, aux promesses du candidat qui a été finalement élu Président de la République !

La situation économique des personnes âgées et des jeunes s'aggrave de jour en jour. C'est la paupérisation à tous les étages ! Et que fait votre gouvernement ? Il en rajoute une couche en taxant les plus pauvres et les malades ! Mais rassurons-les, ils pourront toujours, grâce à vous, ou plutôt grâce aux amendements « Medefiques » déposés sur commande par des parlementaires complaisants, aller dans les supermarchés ouverts le dimanche pour regarder des produits qu'ils ne pourront pas acheter, sinon à crédit ! Et quel crédit ! On connaît le système pernicieux qui piège les consommateurs les plus modestes en leur proposant des réserves d'argent disponibles et alléchantes, mais avec des taux d'intérêt exorbitants !

Il faut croire que c'est au travers d'une précarité renforcée des conditions d'emploi des salariés du commerce, déjà les plus mal payés de France, après les employés de maison, que l'on va développer la concurrence au service des consommateurs ! J'ai dénoncé tout à l'heure votre manque d'ambition, mais celui-ci se double d'une hypocrisie sans bornes, dès lors qu'il s'agit de préserver des situations anormales et dérogatoires.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 en fournit un bon exemple. Alors que vous clamez que la protection sociale est dans le rouge, vous refusez de lui donner les moyens de retrouver un équilibre. En l'espèce, je pense - mais vous l'aurez deviné - à la taxation « cosmétique » des stock-options.

La Cour des comptes, dans son rapport d'activité, invitait pourtant le Gouvernement à taxer les stock-options et autres actions gratuites comme un revenu indirect du travail. Mais, très loin d'écouter les magistrats de la rue Cambon, votre majorité parlementaire - car, en la matière, le Gouvernement, en dépit de ses engagements, est resté curieusement silencieux - a proposé, et obtenu, qu'elles soient taxées à 2,5 % à peine, alors que nous avions, pour notre part, proposé une taxation de 10 %, qui a été évidemment repoussée. Au final, la taxation des stock-options rapportera moins que les franchises médicales...

Au moins, c'est clair : il n'y a pas besoin de tergiverser davantage, on sait sur qui pèsent les efforts !

À peine arrivé aux affaires, votre gouvernement a fait voter, dans l'urgence - pour ne pas dire dans la précipitation - la fameuse loi TEPA, la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat.

Certes, son titre est beau, mais elle engage des dépenses importantes au titre de nouveaux allégements de cotisations sociales pour les entreprises, à hauteur de 4 milliards d'euros, d'allégements de la fiscalité du patrimoine, à hauteur de 800 millions sur l'ISF et de 1,6 milliard d'euros sur les grosses donations et successions, et valide la scandaleuse pratique des taux variables accordés par les banques, gorgées des profits qu'elles tirent des intérêts des prêts immobiliers consentis aux particuliers !

Pour sûr, ce n'est pas le pouvoir d'achat de tout le monde qui est ainsi augmenté !

Vous avez surtout travaillé, avec la loi TEPA, à défendre le pouvoir d'achat de ceux qui s'emploient essentiellement à faire fructifier leur patrimoine, et cela, bien souvent, au détriment de l'emploi, comme le montrent d'abondance les montages hasardeux réalisés par certains sur les LBO ou les stock-options. Ce sont ces montages hasardeux qui alimentent parfois la chronique des redressements fiscaux, voire celle des tribunaux !

On en déduira donc qu'en présentant un nouveau texte sur le pouvoir d'achat six mois à peine après le précédent votre gouvernement fait, comme nous, le constat de son inutilité. Il faut dire que le succès de l'opération « heures supplémentaires » est pour le moins mitigé, à en croire le collectif budgétaire que nous allons bientôt examiner...

C'est dans ce contexte que le président de la République est intervenu au journal de vingt heures. Pour dire quoi ? Rien, ou si peu : suppression déguisée de l'acquis social des 35 heures par « monétisation » des jours de RTT. Mais il n'a rien dit sur les salaires et les minima sociaux. Le président n'a même pas eu la présence d'esprit d'annoncer le versement de la prime de Noël aux plus démunis ! En revanche, Noël, pour les grandes fortunes, c'est toute l'année !

Alors, comment le président, qui s'est fait passer durant la campagne présidentielle pour le candidat du pouvoir d'achat, entend-il tenir ses engagements ? « Je dis ce que je fais et je fais ce que je dis », trompetait-il alors.

Pourtant, il n'augmentera pas les salaires des fonctionnaires, il n'augmentera pas les minima sociaux et, avant d'améliorer la situation des chômeurs, il commencera par assurer leur « flicage » et leur traçabilité en fusionnant, au mépris des personnels, l'ANPE et l'UNEDIC.

Pour le privé non plus, il ne peut rien faire, si ce n'est inviter le patronat à entamer des négociations, négociations dont je rappelle qu'elles sont annuelles et obligatoires dans toutes les entreprises où existent des sections syndicales organisées.

Il y aurait pourtant eu une solution : augmenter le SMIC. Mais votre gouvernement s'y refuse, pour répondre à une exigence éternelle des patrons : la diminution du coût de la main-d'oeuvre en France. Pour ce faire, le Gouvernement dispose d'outils : la multiplication des exonérations patronales, la création de régimes particuliers pour les emplois nécessitant peu de qualification et le maintien, contre le bon sens et l'intérêt des salariés, des trappes à bas salaires.

Mais rassurez-vous ! Si les salariés comptent leurs sous chaque fin de mois, les employeurs, eux, se réjouissent d'avoir un si bon allié en la personne du président !

Si vous voulez réellement redonner du pouvoir d'achat aux Français, nul besoin d'ouvrir les magasins le dimanche ou de faire artificiellement baisser les prix. Sur ce point, j'ai quelques doutes sur le devenir des marges arrière et autres pratiques commerciales au demeurant déloyales des géants de la distribution qui, chaque jour, « bâfrent » sur le dos des paysans et de l'État.

Bien que non exposés à la concurrence, des groupes comme Auchan et Carrefour, par exemple, disposent chaque année de plus de un milliard d'euros de cadeaux sous forme d'exonérations de cotisations sociales.

C'est bon, le travail précaire, pour alimenter les caisses, les vraies, pas celles derrière lesquelles les consommateurs font la queue !

Les Français demandent de vraies mesures pour le pouvoir d'achat. La première d'entre elles est la baisse de la TVA, plébiscitée à 85 %, suivie de la baisse des taxes pétrolières, validée par 83 %, elle-même suivie de l'augmentation du SMIC, approuvée à 71 %. Ce ne serait que justice quand on connaît les profits réalisés par les entreprises françaises et confirmés avec éclat par les 8 milliards de hausse d'impôt sur les sociétés constatés par le collectif de 2007 !

Une étude de l'INSEE sur l'évolution de la dépense des ménages et du pouvoir d'achat, réalisée en août 2007, démontre que le pouvoir d'achat des Français stagne. Par exemple, il n'a augmenté en 2006 que de 2,1 %, alors qu'il croissait en 2004 de 2,6 %.

Enfin, on peut vraiment s'interroger sur la qualité du présent texte quand on sait que, après la loi TEPA du 21 août 2007, on nous annonce, à la sortie du conseil des ministres du 12 décembre, un nouveau texte sur le pouvoir d'achat. Ce texte de pur affichage idéologique n'est qu'un catalogue de mesures sans intérêt majeur pour les consommateurs, en attendant mieux, si l'on peut dire - c'est plutôt à pire qu'il faut s'attendre ! -, et nous vous invitons à le rejeter en adoptant par scrutin public notre motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

Mme Odette Terrade. Très bien !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gérard Cornu, rapporteur de la commission des affaires économiques. Monsieur Danglot, j'ai envie de réagir à votre intervention en vous disant simplement : « Tout ce qui est excessif est insignifiant. »

M. Gérard Cornu, rapporteur. Je ne vous conteste pas le droit de considérer que les dispositions de ce texte favorable au pouvoir d'achat sont insuffisantes, incomplètes, voire inefficaces : cela participe du débat démocratique.

Cela étant, vous ne pouvez, me semble-t-il, nier que le Président de la République et le Gouvernement ont bien pris à bras-le-corps cette question du pouvoir d'achat, à laquelle nos concitoyens sont légitimement si attentifs.

C'est si vrai que plusieurs textes, et non un seul, visent le même objectif, mais, j'y insiste, chacun visant des domaines particuliers. Cet été, nous avons adopté la loi TEPA. Nous sommes en train d'achever l'examen du projet de loi de finances pour 2008. Aujourd'hui, nous examinons ce projet de loi pour le développement de la concurrence au service des consommateurs. Dans quelques jours, ce sera le projet de loi pour le pouvoir d'achat, qui a été adopté hier par le conseil des ministres. Enfin, dans quelques mois, le projet de loi de modernisation de l'économie complétera le dispositif. Cinq textes en moins d'un an ! Qui peut dire que le Gouvernement ne se préoccupe pas du pouvoir d'achat ?

M. Jean-Claude Danglot. Cela ne prouve rien !

M. Gérard Cornu, rapporteur. Le présent texte apporte d'incontestables avancées dans quatre domaines : la distribution, les communications électroniques, le secteur bancaire et, grâce à la commission, en particulier, la vente à distance. Dans ces quatre domaines, les dispositions que nous allons examiner vont permettre d'améliorer rapidement le pouvoir d'achat de nos concitoyens.

Je ne vois vraiment pas pourquoi, sous prétexte que d'autres textes aborderont bientôt d'autres domaines, nous différerions l'examen de celui-ci. Aussi, vous n'en serez pas surpris, la commission est défavorable à cette motion et invite le Sénat à engager sans attendre le débat sur ce projet de loi. (Très bien ! sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, j'ai un petit peu de mal à vous suivre. Vous ne pouvez pas dénoncer l'attitude du Gouvernement en disant qu'il ne règle pas le problème du pouvoir d'achat et, en même temps, regretter l'abondance de textes sur ce sujet que votre assemblée aura à débattre. J'y vois une réelle contradiction ! (Mme Odette Terrade s'exclame.)

M. Jean-Claude Danglot. C'est pour noyer le pouvoir d'achat !

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Vous n'êtes pas d'accord sur le fond, je le constate, et, monsieur le sénateur, je ne suis pas surpris de notre divergence d'appréciation.

Vous, vous préconisez une augmentation du SMIC. Mais vous n'êtes pas forcément très bien placé pour nous demander cela puisque, entre 2002 et 2007, c'est notre majorité qui l'a augmenté de plus de 20 %.

Mme Odette Terrade. Vous n'étiez pas seuls !

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Sous la législature précédente, le SMIC avait été augmenté de moins de 10 % ! Nous avons donc agi dans ce domaine, mais nous considérons aujourd'hui que ce n'est plus la réponse appropriée pour que les salaires permettent à nos concitoyens de recouvrer du pouvoir d'achat et de conserver leur train de vie.

En moins de dix ans, le nombre de salariés dont les revenus ne dépassent pas le SMIC a doublé. Ils sont 16 % aujourd'hui. Il y a eu un tassement des revenus. La majorité a constaté que, dans notre pays, le problème des salaires était avant tout lié au travail. En effet, encore trop de Français n'y ont pas accès et ceux qui ont un emploi aujourd'hui ne gagnent pas suffisamment.

Si, à la fin de la législature, le taux de chômage atteint 5 % - c'est notre objectif et c'est le taux de chômage des grands pays développés qui nous entourent -, 800 000 de nos concitoyens auront retrouvé un emploi et vu leur pouvoir d'achat augmenter.

Oui, le plein-emploi a un impact sur les salaires. Les dispositions préconisées par Christine Lagarde et Xavier Bertrand lors de la conférence sur l'emploi et le pouvoir d'achat le 23 octobre 2007 constituent également des réponses à la problématique du pouvoir d'achat et des salaires. L'objectif est d'engager avec les partenaires sociaux des discussions sur les contreparties, de conditionner les exonérations de charges aux augmentations de salaire, d'ouvrir des négociations sur les salaires dans les entreprises et dans les branches.

Les mesures mises en avant par le Président de la République et figurant dans le projet de loi sur le pouvoir d'achat adopté hier par le conseil des ministres, en particulier la « monétisation » des journées de RTT, sont encore une façon concrète d'accroître le pouvoir d'achat des salariés.

Contrairement à ce que vous avez indiqué, les mesures contenues dans la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, adoptée cet été, sont destinées aux salariés les moins favorisés. Je l'indiquais tout à l'heure à votre assemblée, ce sont bien les ouvriers, les salariés les plus modestes qui font des heures supplémentaires. Les nantis n'en ont pas besoin ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)

Vous vous en doutiez, le Gouvernement ne partage pas votre point de vue et, par conséquent, appelle votre assemblée à rejeter cette motion.

M. le président. La parole est à M. Bernard Dussaut, pour explication de vote.

M. Bernard Dussaut. Notre collègue du groupe CRC a parfaitement montré les limites de ce texte, qui ne permettra pas d'atteindre l'objectif affiché par le Gouvernement, à savoir redonner du pouvoir d'achat aux Français.

L'augmentation du pouvoir d'achat passe nécessairement par la mise en oeuvre d'une véritable politique salariale ; j'ai développé cet aspect lors de la discussion générale. La progression de la pauvreté et l'accroissement des inégalités de revenus que l'on constate témoignent bien d'une dégradation de la situation financière de bon nombre de foyers.

Dans le même temps, on assiste à une augmentation de la précarisation du travail avec la multiplication des CDD, du temps partiel, du travail intérimaire non choisi, etc.

Pour les populations les plus défavorisées, les dépenses de première nécessité pèsent plus fortement encore. Vous le savez comme moi, ce sont en premier lieu les revenus et non les prix qui sont en cause. Les mesures proposées n'ont pas vocation à résoudre les difficultés rencontrées.

Par conséquent, comme l'a indiqué mon collègue et ami Daniel Raoul ce matin, nous voterons la motion déposée par le groupe communiste républicain et citoyen.

M. le président. La parole est à M. Éric Doligé, pour explication de vote.

M. Éric Doligé. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, ce matin, les différents orateurs de l'UMP ont indiqué que nous soutenions totalement les propositions du Gouvernement contenues dans ce projet de loi.

Voilà quelques instants encore, M. le rapporteur a très bien expliqué les raisons pour lesquelles il ne pouvait pas être d'accord avec la motion du groupe communiste.

Le groupe UMP se rallie bien volontiers à la position du Gouvernement et de la commission, et votera par conséquent résolument contre cette motion.

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix la motion n° 70, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 53 :

Nombre de votants 327
Nombre de suffrages exprimés 320
Majorité absolue des suffrages exprimés 161
Pour l'adoption 118
Contre 202

Le Sénat n'a pas adopté.

En conséquence, nous passons à la discussion des articles.

Question préalable
Dossier législatif : projet de loi pour le développement de la concurrence au service des consommateurs
Articles additionnels avant le titre Ier

Division additionnelle avant le titre Ier

M. le président. L'amendement n° 146, présenté par Mme Terrade, MM. Billout et Danglot, Mme Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Avant le titre premier, ajouter une division additionnelle et un intitulé ainsi rédigés :

« TITRE...

« MESURES EN FAVEUR DU POUVOIR D'ACHAT DES MENAGES »

La parole est à Mme Odette Terrade.

Mme Odette Terrade. Dans l'exposé des motifs du projet de loi dont nous débattons aujourd'hui, il est précisé sans ambiguïté que « l'amélioration du pouvoir d'achat est une priorité du Gouvernement ».

En effet, dès le mois de juillet dernier, un projet de loi dit TEPA, examiné à la va-vite, a été voté. Malheureusement, c'est le pouvoir d'achat des plus riches qui a été considérablement accru, avec une exonération massive des droits de succession - rappelons que cela ne concerne que 5 % de la population -, le renforcement du « bouclier fiscal », de nouvelles exonérations de charges pour les entreprises et une aide à l'acquisition de biens immobiliers, qui, vous en conviendrez, ne touche pas les plus défavorisés.

La majorité des Français souffrent d'un recul significatif de leur niveau de vie du fait de la baisse de leur revenu et de la hausse du coût de la vie.

Après avoir octroyé 15 milliards d'euros aux plus riches et aux plus aisés, le Gouvernement biaise une nouvelle fois en légitimant, au nom de l'amélioration du pouvoir d'achat, une extension de la concurrence et de nouvelles dérégulations économiques et sociales. Le débat sur le travail du dimanche est, de ce point de vue, symptomatique.

En janvier prochain, vous allez encore utiliser le thème du pouvoir d'achat pour mettre à mal les 35 heures.

M. Alain Gournac. Eh bien oui !

Mme Odette Terrade. Nous affirmons, pour notre part, qu'une augmentation pérenne et sensible du pouvoir d'achat exige une politique d'une tout autre ampleur qui s'attaque directement aux causes du mal. Selon nous, il faut augmenter les salaires, à commencer par le SMIC, et réduire dans l'urgence le coût des produits et services de première nécessité tels que le logement et l'énergie. La baisse de la TVA constitue également une priorité.

Quand Mme Lagarde, ministre de l'économie, présente devant les députés ce projet de loi en évoquant « une double logique du pouvoir d'achat centrée sur le travail et la concurrence », elle dissimule mal la volonté réelle du Gouvernement d'augmenter la production des richesses par le développement du commerce et du temps de travail au seul profit des riches.

Le « travailler plus pour gagner plus » du candidat Sarkozy à la présidence de la République était un leurre, et nos concitoyens le constatent avec une colère croissante. Toute l'action du Gouvernement est centrée sur une dérégulation libérale absolue, mais vous voulez la masquer en manipulant le concept du pouvoir d'achat.

Notre peuple exige des mesures concrètes et nous en proposons un certain nombre dans les amendements que nous allons vous présenter.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gérard Cornu, rapporteur. Madame Terrade, vous avez participé de façon assidue au groupe de travail constitué sur cette question et vous avez certainement remarqué que je souhaitais, en tant que rapporteur, conserver au texte une certaine cohérence, ce qui est tout à fait logique, s'agissant des trois grands domaines que nous avons étudiés.

Comme c'est votre droit le plus strict, vous avez déposé toute une série d'amendements qui, de mon point de vue, mettent à mal cette cohérence. (Mme Odette Terrade proteste.) Puisque je respecte votre droit d'amender, je vous demanderai de respecter mon point de vue !

Naturellement, j'émettrai un avis défavorable sur cet amendement, ainsi que sur tous les amendements visant à insérer un article additionnel avant le titre Ier.

Si je ne conteste ni votre droit ni votre plaisir à défendre ces amendements, vous me permettrez de ne vous faire, sur chacun d'eux, qu'une réponse très brève, afin de pouvoir gagner du temps pour en consacrer un peu plus aux amendements portant sur les articles du texte.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. Madame le sénateur, vous proposez des orientations qui ne sont pas les nôtres. J'ai rappelé tout à l'heure l'opposition du Gouvernement à une logique qui serait uniquement axée sur l'augmentation du SMIC.

Nous avons envisagé la possibilité, je le rappelle, que le SMIC cesse d'être un enjeu politique lié uniquement aux choix du Gouvernement, afin qu'il puisse résulter de la concertation d'une commission d'experts qui transmettrait au Gouvernement des propositions d'évolution. C'est en tout cas une conception qui prévaut dans un certain nombre de grands pays développés.

Vous proposez, madame le sénateur, de baisser les prix des produits de première nécessité. Or c'est précisément l'objet de ce projet de loi ! En effet, les dispositions qui figurent au titre Ier vont permettre, en réintroduisant une concurrence dans les relations entre l'industrie et le commerce, d'abaisser le prix de ces produits.

Vous avez également évoqué la question du logement. Or le Président de la République a annoncé - et cette mesure sera mise en oeuvre dans le projet de loi qui a été adopté hier en conseil des ministres - que les loyers seraient indexés sur l'inflation.

Prenons l'exemple d'une famille qui paye actuellement un loyer mensuel de 1 000 euros. Son gain net serait de l'ordre de 130 euros par an. Il s'agit donc d'une réponse extrêmement concrète en matière de pouvoir d'achat.

Quant au prétendu échec du dispositif concernant les heures supplémentaires, les 7 millions de salariés qui en sont aujourd'hui bénéficiaires apprécieront ! Eux constatent, depuis le 1er octobre, une hausse de leur pouvoir d'achat sur leur fiche de paye. Ils savent également que cette augmentation n'est pas imposable. Un salarié au SMIC qui effectue des heures supplémentaires pourra avoir perçu en fin d'année deux mois de salaire supplémentaires ! C'est une vraie réponse en matière de pouvoir d'achat.

Vous l'avez compris, le Gouvernement n'est favorable ni à cet amendement ni aux suivants qui émanent de votre groupe, madame le sénateur.

Mme Odette Terrade. C'est bien dommage, monsieur le secrétaire d'État !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 146.

(L'amendement n'est pas adopté.)